Language of document : ECLI:EU:C:2024:67

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

18 janvier 2024 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑500/23 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 août 2023,

Groupe Canal+, établie à Issy-les-Moulineaux (France), représentée par Mes M. Georges-Picot et C. Cuny, avocates,

partie requérante,

Les autres parties à la procédure étant :

DDR Kultur UG (haftungsbeschränkt), établie à Berlin (Allemagne),

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

composée de M. L. Bay Larsen, vice‑président de la Cour, M. P. G. Xuereb et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocate générale, Mme J. Kokott, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Groupe Canal+ demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 juin 2023, DDR Kultur/EUIPO – Groupe Canal+ (THE PLANET) (T‑47/22, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2023:311), par lequel celui-ci a annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), du 25 novembre 2021 (affaire R 2385/2020-2), relative à une procédure d’opposition entre Groupe Canal+ et DDR Kultur UG (haftungsbeschränkt).

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, du règlement de procédure, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante fait valoir que les questions de droit soulevées par son pourvoi, ayant trait à des violations de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1) et de la jurisprudence pertinente, sont importantes pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

7        En premier lieu, la requérante allègue que le Tribunal a violé l’article 8 paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, en ce qu’il a erronément apprécié le principe de l’interdépendance des différents facteurs à prendre en compte, et notamment la similitude des signes et celle des produits ou des services concernés et partant, le risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, en s’attachant uniquement aux aspects visuels des signes, à savoir à leur faible degré de similitude visuelle ainsi qu’à leurs prétendus éléments figuratifs significatifs. Selon la requérante, à la différence de la chambre de recours, qui aurait fait une correcte application de ce principe et de la jurisprudence pertinente, le Tribunal aurait méconnu ledit principe, sa propre jurisprudence relative à l’appréciation globale du risque de confusion ainsi que celle de la Cour, à savoir les arrêts du 11 novembre 1997, SABEL (C‑251/95, EU:C:1997:528), du 1er juin 2022, Krasnyj Octyabr/EUIPO – Pokój (Pokój TRADYCJA JAKOŚĆ KRÓWKA SŁODKIE CHWILE Z DZIECIŃSTWA TRADYCYJNA RECEPTURA) (T‑355/20, EU:T:2022:320) et du 1er mars 2023, Crush Series Publishing/EUIPO – Mediaproduccion (The Crush Series) (T‑295/22, EU:T:2023:97). En outre, la requérante avance que, lors de l’appréciation de la similitude des signes et du risque de confusion, aux points 103, 104 et 158 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est contredit et n’a pas apprécié de la même manière tous les éléments pertinents des marques en cause, à savoir leurs éléments figuratifs et verbaux.

8        Dans ce contexte, l’arrêt attaqué nuirait à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union en ce qui concerne l’appréciation du risque de confusion.

9        En second lieu, la requérante fait valoir que le Tribunal a dénaturé les faits lors de l’appréciation du caractère distinctif des signes et de leur similitude visuelle. Plus précisément, le Tribunal, au point 76 de l’arrêt attaqué, aurait appliqué la jurisprudence selon laquelle, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée. Toutefois, ce faisant, le Tribunal aurait méconnu les circonstances d’application de cette jurisprudence, qui ne serait pas applicable de façon aussi large aux éléments figuratifs d’une marque complexe comprenant également un élément verbal, en particulier lorsqu’aucune des parties ne produit d’éléments de preuve concernant l’incidence potentielle de l’élément figuratif sur le signe.

10      Dans ce contexte, la question de savoir si les signes complexes qui incluent un élément verbal doivent être appréciés principalement en tenant compte de cet élément, que le consommateur moyen gardera toujours plus facilement en mémoire, serait importante pour la cohérence et le développement du droit de l’Union.

11      À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 20, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 18).

12      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut tend à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 21, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 19).

13      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnances du 10 décembre 2021, EUIPO/The KaiKai Company Jaeger Wichmann, C‑382/21 P, EU:C:2021:1050, point 22, et du 11 juillet 2023, EUIPO/Neoperl, C‑93/23 P, EU:C:2023:601, point 20).

14      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait être, d’emblée, susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16, et du 17 juillet 2023, Canai Technology/EUIPO, C‑280/23 P, EU:C:2023:596, point 12).

15      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, de l’argumentation résumée aux points 7 et 8 de la présente ordonnance, il importe de relever que, si, certes, la requérante identifie des erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal, il n’en demeure pas moins qu’elle n’explique pas, conformément aux exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance, ni, en tout état de cause, ne démontre en quoi de telles erreurs, à les supposer établies, soulèveraient des questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, la requérante n’expose pas les raisons spécifiques au soutien de l’importance de la question soulevée, mais se borne, en l’espèce, à invoquer un argument d’ordre général, à savoir que l’appréciation du risque de confusion effectuée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué nuirait à l’unité et à la cohérence du droit de l’Union.

16      En outre, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante tirée d’une méconnaissance, par le Tribunal, de sa propre jurisprudence et de celle de la Cour, il convient de relever qu’une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, que ce pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union. En effet, le demandeur doit respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 13 de la présente ordonnance (voir, par analogie, ordonnance du 9 novembre 2023, Consulta/EUIPO, C‑443/23 P, EU:C:2023:859, point 16). Or, en l’espèce, la requérante n’identifie pas, contrairement auxdites exigences, les points des arrêts invoqués à titre de jurisprudence pertinente qui auraient été méconnus. Par ailleurs, elle ne fournit pas non plus d’indications suffisantes sur la similitude des situations visées dans la jurisprudence permettant d’établir la réalité des contradictions alléguées (voir, par analogie, ordonnance du 14 juillet 2022, Ignacio Carrasco/EUIPO, C‑247/22 P, EU:C:2022:591, point 14 et jurisprudence citée).

17      En second lieu, concernant l’argumentation évoquée aux points 9 et 10 de la présente ordonnance, il suffit de relever que, dans la mesure où la requérante se fonde sur une prétendue dénaturation des faits par le Tribunal, une telle argumentation ne saurait, en principe, être susceptible, en tant que telle et même à la supposer fondée, de soulever une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, par analogie, ordonnance du 5 juillet 2023, Suicha/EUIPO, C‑120/23 P, EU:C:2023:539, point 15 et jurisprudence citée).

18      Dans ces conditions, il convient de constater que la demande présentée par la requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

20      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

21      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Groupe Canal+ supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.