Language of document : ECLI:EU:T:2006:80

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 mars 2006 (*)

« Fonctionnaires − Nomination − Révision du classement en grade − Article 31, paragraphe 2, du statut »

Dans l’affaire T-26/04,

Jacques Verborgh, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Aalter (Belgique), représenté par Mes N. Lhoëst et É. de Schietere de Lophem, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. V. Joris et Mme S. Pilette, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, l’annulation de la décision de la Commission du 20 décembre 2002, portant classement définitif du requérant au grade A 7, échelon 3, et l’annulation, pour autant que de besoin, de la décision de la Commission du 9 octobre 2003, portant rejet de la réclamation du requérant et, à titre subsidiaire, la production de certains documents,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska‑Białecka, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 17 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 31 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable jusqu’au 30 avril 2004 (ci-après le « statut »), dispose :

« 1. Les candidats […] sont nommés :

–       fonctionnaires de la catégorie A […] : au grade de base de leur catégorie […]

2. Toutefois, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger aux dispositions visées [au paragraphe 1 ci-dessus] dans les limites suivantes :

a)      [...] ;

b)      pour les autres grades [que les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3], à raison :

–       d’un tiers s’il s’agit de postes rendus disponibles,

–       de la moitié s’il s’agit de postes nouvellement créés.

[...] »

2       Par décision du 1er septembre 1983 relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement, publiée aux Informations administratives nº 420 du 21 octobre 1983 (ci‑après la « décision du 1er septembre 1983 »), la Commission a notamment précisé les modalités d’application de l’article 31 du statut.

3       L’article 2, premier alinéa, de la décision du 1er septembre 1983, prévoit :

« L’autorité investie du pouvoir de nomination nomme le fonctionnaire stagiaire au grade de base de la carrière pour laquelle il est recruté. »

4       À la suite de l’arrêt du Tribunal du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission (T‑17/95, RecFP p. I‑A‑227 et II‑683, ci-après l’« arrêt Alexopoulou I »), l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983 a été modifié par décision du 7 février 1996, de sorte qu’il précise désormais :

« Par exception à ce principe, [l’autorité investie du pouvoir de nomination] peut décider de nommer le fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière, lorsque des besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles. »

5       L’article 4 de la décision du 1er septembre 1983 prévoit la création d’un comité paritaire de classement, chargé de formuler des avis sur le classement à l’attention de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »). Cette dernière arrête ses décisions de classement après avis du comité.

6       Par ailleurs, la Commission a établi un document intitulé « Guide administratif » comportant des informations relatives au classement des nouveaux fonctionnaires. Ce guide énumère notamment les critères sur la base desquels l’AIPN peut décider de nommer un fonctionnaire stagiaire au grade supérieur de la carrière pour laquelle il a été recruté. Ces critères sont les suivants :

« −      niveau et pertinence des qualifications et diplômes autres que ceux permettant d’ores et déjà d’accéder à la catégorie ;

–       niveau et qualité de l’expérience professionnelle, pour autant qu’elle réponde aux besoins de la Commission (qualité de l’expérience, niveau de responsabilité, complexité et difficultés inhérentes aux postes concernés, expérience de la gestion, responsabilités financières, etc.) ;

–       durée de l’expérience professionnelle en liaison avec le poste proposé ;

–       pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir au sein de la Commission ;

–       particularités du marché de l’emploi au regard des compétences requises (pénurie de personnel qualifié, en particulier) ».

7       Le guide administratif ajoute :

« Les critères les plus importants pour justifier le classement à un grade supérieur consistent d’abord dans le bénéfice que la Commission devrait tirer de l’expérience professionnelle du futur collaborateur affecté à tel ou tel de ses domaines d’activités et ensuite de la durée de cette expérience. En règle générale, un fonctionnaire stagiaire peut espérer être classé en A 6 […] plutôt qu’en A 7 […] s’il a acquis pendant au moins dix ans une expérience professionnelle exceptionnelle de qualité élevée et de grande pertinence. Ce chiffre est donné à titre purement indicatif ; il ne correspond pas à une pratique systématique. »

 Antécédents du litige

8       Le requérant, lauréat du concours COM/A/374, a été recruté par la Commission le 1er mai 1988 en tant que fonctionnaire stagiaire de grade A 7, échelon 3, affecté à la direction générale en charge de la pêche.

9       Le 24 janvier 1989, l’AIPN a titularisé le requérant dans son emploi en ce même grade avec effet au 1er février 1989.

10     À la suite de la décision de la Commission du 7 février 1996 précitée, modifiant l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983, le requérant a demandé à l’AIPN le réexamen de son classement initial. Cette demande ayant été rejetée, le requérant a introduit un recours devant le Tribunal enregistré sous la référence T‑91/97.

11     Ce recours faisant partie d’une série de recours similaires, une affaire pilote, à savoir l’affaire Gevaert/Commission enregistrée sous la référence T‑160/97, a été désignée par le Tribunal.

12     Par ordonnance du 19 août 1998 (T‑160/97, RecFP p. I‑A‑465 et II‑1363), le Tribunal a rejeté le recours dans l’affaire Gevaert/Commission comme étant irrecevable. Par arrêt du 11 janvier 2001, Gevaert/Commission (C‑389/98 P, Rec. p. I‑65), la Cour a annulé l’ordonnance du Tribunal, ce qui a amené la Commission, en raison d’un engagement de sa part en ce sens, à réexaminer la demande de reclassement d’une série de fonctionnaires, dont celle du requérant.

13     Par ordonnance du 12 juin 2001, le Tribunal a radié l’affaire T‑91/97 de son registre.

14     Après avoir invité le requérant à lui communiquer les pièces ne se trouvant pas dans son dossier personnel mais que celui-ci estimait nécessaires au réexamen de son classement, l’AIPN a, par décision du 20 décembre 2002, confirmé le maintien du classement initial du requérant au grade A 7, échelon 3 (ci-après la « décision de classement »). La décision de classement précisait que, tout en reconnaissant les indéniables qualités du requérant ainsi que le niveau et la pertinence de son expérience professionnelle antérieure à son recrutement, l’AIPN n’avait pas estimé que l’ensemble des éléments du dossier constituait un « faisceau d’indices » suffisant pour considérer son profil comme étant exceptionnel.

15     Conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant a introduit, le 8 avril 2003, une réclamation à l’encontre de la décision de classement. Cette réclamation a été complétée par une note du 11 avril 2003.

16     Cette réclamation a reçu une réponse explicite de rejet par décision du 9 octobre 2003, notifiée au requérant le 16 octobre suivant (ci-après la « décision portant rejet de la réclamation »). L’AIPN a indiqué, en conclusion de celle-ci, que, au vu de l’ensemble des éléments analysés et compte tenu du pouvoir discrétionnaire dont elle jouissait en la matière, ni le « profil académique », ni les qualifications et l’expérience professionnelle antérieures du requérant – en ce qui concerne tant la nature et la durée de celles-ci que le rapport plus ou moins étroit qu’elles pouvaient présenter avec les exigences du poste –, ni les besoins spécifiques du service ne justifiaient la décision exceptionnelle de procéder au classement du requérant au grade supérieur de sa carrière.

 Procédure et conclusions des parties

17     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 janvier 2004, le requérant a introduit le présent recours.

18     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire l’avis de concours COM/A/374. La Commission a déféré à cette demande dans le délai imparti.

19     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 17 novembre 2005.

20     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer le recours recevable ;

–       annuler la décision de classement ;

–       annuler, pour autant que de besoin, la décision portant rejet de la réclamation ;

–       condamner la Commission aux dépens ;

–       ordonner, à titre subsidiaire, la production de la liste d’aptitude des lauréats du concours COM/A/374 (A 7/A 6), de l’avis de vacance COM/1782/87, des décisions individuelles relatives au classement des fonctionnaires au grade A 6 à partir du 1er septembre 1983, du tableau comparatif que le comité de reclassement a dû établir pour les fonctionnaires dont la Commission a réexaminé les demandes de reclassement à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, point 12 supra, du curriculum vitae et de la fiche de classement de tous les fonctionnaires reclassés au grade A 6 à partir du 5 octobre 1995 ou à la suite dudit arrêt, le cas échéant, en préservant leur anonymat.

21     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

1.     Observations liminaires

22     L’article 31, paragraphe 2, du statut confère à l’AIPN la faculté de nommer un candidat au grade supérieur de sa carrière sans prévoir de condition particulière.

23     L’usage de cette faculté doit cependant être concilié avec les exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut. En conséquence, il n’est admissible de recruter au grade supérieur d’une carrière qu’à titre exceptionnel [arrêt de la Cour du 1er juillet 1999, Alexopoulou/Commission, C‑155/98 P, Rec. p. I‑4069, points 32 et 33 (ci-après l’« arrêt Alexopoulou II »), et ordonnance du Tribunal du 12 octobre 1998, Campoli/Commission, T‑235/97, RecFP p. I‑A‑577 et II‑1731, point 32].

24     Ainsi, selon une jurisprudence constante depuis l’arrêt Alexopoulou I, l’AIPN est tenue, en présence de circonstances particulières, comme les qualifications exceptionnelles d’un candidat, de procéder à une appréciation concrète de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut, une telle obligation s’imposant notamment lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles et demande à bénéficier de ces dispositions. Dès lors que l’AIPN a effectivement procédé à l’appréciation concrète des qualifications et de l’expérience professionnelle d’une personne au regard des critères de l’article 31 du statut, et sous réserve des conditions de classement qu’elle s’est éventuellement imposées lors de l’avis de vacance, elle peut décider librement, en tenant compte de l’intérêt du service, s’il y a lieu d’octroyer un classement au grade supérieur (ordonnance du Tribunal du 13 février 1998, Alexopoulou/Commission, T‑195/96, RecFP p. I‑A‑51 et II‑117, point 38, et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2002, Wasmeier/Commission, T‑381/00, RecFP p. I‑A‑125 et II‑677, point 56).

25     Il s’ensuit que la décision de classement, fondée sur l’article 31, paragraphe 2, du statut, relève d’un large pouvoir d’appréciation de l’administration. Dans le cadre du contrôle qu’il exerce en la matière, le Tribunal ne saurait substituer son appréciation à celle de l’AIPN (arrêt de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C‑298/93 P, Rec. p. I‑3009, point 31). Le Tribunal doit donc se limiter à vérifier s’il n’y a pas eu violation des formes substantielles, si l’AIPN n’a pas fondé sa décision sur des faits matériels inexacts ou incomplets ou si la décision n’est pas entachée d’un détournement de pouvoir, d’une erreur manifeste d’appréciation ou d’une insuffisance de motivation (arrêts du Tribunal du 26 octobre 2004, Brendel/Commission, T‑55/03, non encore publié au Recueil, point 60, et du 15 novembre 2005, Righini/Commission, T‑145/04, non encore publié au Recueil, point 53).

26     C’est à la lumière de ces observations liminaires qu’il convient d’examiner les conclusions en annulation du requérant, formulées à titre principal.

2.     Sur les conclusions en annulation, formulées à titre principal

27     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’obligation de motivation. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit. Le troisième moyen est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits dans l’examen de sa situation individuelle. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

28     D’une part, le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir motivé la décision de classement, en violation de l’article 25, paragraphe 2, du statut. Il fait observer que la décision de classement se borne à rappeler des règles générales qu’il ne conteste d’ailleurs pas et que le dispositif de cette décision est stéréotypé. Il relève que la Commission n’apporte aucune preuve qu’elle a examiné ses qualifications au regard des cinq critères qu’elle a prédéfinis et ne précise pas le nombre de critères requis pour pouvoir espérer un reclassement. Il affirme, en conséquence, que la décision de classement ne lui permet pas de connaître les raisons qui présidaient au refus de lui attribuer un classement en grade supérieur, pas plus qu’elle ne permet au juge communautaire d’effectuer son contrôle de légalité.

29     D’autre part, le requérant soutient que la décision portant rejet de la réclamation est elle-même affectée d’une insuffisance de motivation au regard des cinq critères examinés par l’AIPN dans le cadre de l’appréciation de ses éventuelles qualifications exceptionnelles ou des besoins spécifiques du service qui l’a recruté, au sens de l’arrêt Alexopoulou I.

30     S’agissant du premier critère, à savoir le niveau et la pertinence des qualifications et des diplômes, le requérant relève que la Commission n’a pas précisé quelle avait pu être la moyenne des lauréats de concours de catégorie A par rapport à laquelle sa qualification n’avait pas été jugée exceptionnelle.

31     Pour ce qui concerne le deuxième critère, à savoir la durée de l’expérience professionnelle, le requérant reproche à la Commission d’avoir écarté le caractère exceptionnel de la durée de son expérience professionnelle supérieure à dix ans sans préciser quelle devait être la durée normale de cette expérience pour un fonctionnaire de la carrière A 7/A 6, alors même que, selon le guide administratif, une durée de dix ans était suffisante pour espérer un classement au grade supérieur de la carrière.

32     S’agissant du troisième critère, qui concerne le niveau et la qualité de l’expérience professionnelle, le requérant fait grief à la Commission de ne pas avoir expliqué les raisons qui l’ont conduite à exclure des qualifications exceptionnelles. Il soutient aussi que ce critère a été examiné de manière isolée.

33     En ce qui concerne le quatrième critère, à savoir la pertinence de l’expérience professionnelle pour le poste à pourvoir, le requérant souligne que ce critère n’exige pas une pertinence exceptionnelle, contrairement à ce qu’estime la Commission. En outre, il allègue que, au vu d’une note de son directeur général, en date du 7 janvier 1988, la Commission est restée en défaut d’expliquer pour quelles raisons le critère de la pertinence de l’expérience professionnelle ne serait pas satisfait en l’espèce.

34     Quant au cinquième critère, qui se rapporte à la particularité du marché de l’emploi au regard des compétences requises, le requérant reproche à la Commission de n’apporter aucune preuve quant à la prétendue facilité de recruter sur le marché du travail des personnes présentant un profil semblable au sien.

35     Après avoir rappelé la jurisprudence relative à l’obligation de motivation dans le contentieux de la fonction publique communautaire, la Commission soutient qu’elle a exposé à suffisance les raisons pour lesquelles l’AIPN a estimé que la décision exceptionnelle de procéder au classement au grade supérieur de la carrière au moment du recrutement d’un fonctionnaire n’était pas justifiée en l’espèce. Elle expose qu’elle a examiné de manière effective la situation individuelle du requérant au regard de l’article 31, paragraphe 2, du statut et apprécié ses qualifications, en particulier au regard du poste à pourvoir. Elle ajoute que c’est d’ailleurs ce qui permet au requérant d’invoquer, dans son deuxième moyen, une prétendue erreur manifeste d’appréciation.

36     La Commission indique également qu’il ressort de la jurisprudence qu’elle n’était pas tenue de fournir au requérant des données statistiques détaillées concernant le classement en grade et en échelon d’autres agents et qu’elle lui avait fourni, de toute façon, des éléments plus que suffisants pour comprendre la motivation de la décision de classement, ce qui devrait exclure de faire droit à la demande subsidiaire du requérant tendant à avoir accès à certains documents.

 Appréciation du Tribunal

37     Selon la jurisprudence, l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, points 39 et 40 ; arrêts du Tribunal du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 41, et du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 27).

38     Il convient également de rappeler que, s’agissant d’une décision de classement en grade, la motivation peut être utilement remplie au stade de la décision statuant sur la réclamation et qu’il suffit qu’elle porte sur la réunion des conditions légales auxquelles le statut subordonne la régularité de la procédure et sur le motif individuel et pertinent justifiant la décision prise à l’égard du fonctionnaire concerné, sans que, en particulier, la révélation de l’appréciation comparative que l’AIPN a effectuée soit exigée (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 décembre 2003, Chawdhry/Commission, T‑133/02, RecFP p. I‑A‑329 et II‑1617, point 121 ; Brendel/Commission, point 25 supra, point 120, et Righini/Commission, point 25 supra, point 55).

39     En l’espèce, s’agissant de la motivation de la décision de classement, le Tribunal observe que celle-ci a indiqué, en substance, que l’AIPN avait, à la suite de l’arrêt Gevaert/Commission, point 12 supra, procédé à un nouvel examen du dossier du requérant à l’aune des conditions dégagées par l’arrêt Alexopoulou I. L’AIPN a ensuite précisé que le comité de classement lui avait donné son avis au regard des cinq critères, rappelés au point 6 ci-dessus. Au terme de cet exposé, l’AIPN a conclu que l’examen auquel elle avait procédé lui avait permis de reconnaître les indéniables qualités du requérant ainsi que le niveau et la pertinence de son expérience professionnelle antérieure à son recrutement, mais que l’ensemble de son dossier n’avait pas été jugé comme comprenant suffisamment d’éléments permettant de considérer son profil comme étant exceptionnel.

40     Contrairement à ce que soutient le requérant, la décision de classement n’est pas entachée d’un défaut de motivation, l’AIPN ayant, d’une part, rappelé les conditions auxquelles est subordonnée la régularité de la procédure et, d’autre part, indiqué, certes de manière laconique, que le requérant ne réunissait pas les conditions pour pouvoir prétendre obtenir un classement au grade supérieur de sa carrière. À cet égard, il convient en effet d’observer que, ainsi que le requérant l’a admis à l’audience, la notion de « profil exceptionnel » renvoie aux deux hypothèses visées par l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983, tel que modifié par la décision du 7 février 1996.

41     En tout état de cause, il importe de préciser que, au stade de la décision portant rejet de la réclamation, l’AIPN a indiqué les motifs sur le fondement desquels elle a considéré ne pas pouvoir faire bénéficier le requérant, à titre exceptionnel, des dispositions de l’article 31, paragraphe 2, du statut.

42     En effet, s’agissant des critères relatifs aux éventuelles qualifications exceptionnelles, l’AIPN a exposé, en particulier, que le « profil académique » du requérant ne pouvait pas être considéré comme exceptionnel par rapport au profil moyen des personnes engagées comme fonctionnaires de la catégorie A. Ce faisant, elle a suffisamment indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait ne pas pouvoir faire droit à ce titre à la réclamation de ce dernier.

43     Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant à propos notamment du critère du niveau et de la pertinence des qualifications et des diplômes, l’AIPN n’avait pas l’obligation de révéler l’appréciation comparative qu’elle avait effectuée ni en particulier celle de fournir des informations portant sur le classement d’autres fonctionnaires du grade supérieur de la carrière auquel prétend le requérant. En effet, de telles données détaillées n’étant pas pertinentes pour vérifier la régularité de l’évaluation des qualifications du requérant, compte tenu de la nature spécifique de cette évaluation, l’AIPN n’était pas tenue de les exposer pour satisfaire à l’obligation de motiver la décision portant rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt Brendel/Commission, point 25 supra, points 120, 123 et 124, et la jurisprudence citée).

44     Quant aux critères se rapportant aux besoins spécifiques du service, l’AIPN a exposé que le requérant n’avait pas de compétence spécifique dans le domaine de l’application de la législation du contrôle des pêches. Cette explication était suffisante pour permettre au requérant de connaître l’une des raisons pour lesquelles l’AIPN considérait qu’il ne satisfaisait pas aux critères de la seconde hypothèse prévue par l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983.

45     Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit

 Arguments des parties

46     Le requérant allègue que la Commission aurait méconnu l’arrêt Alexopoulou I et le guide administratif, en ce qu’elle aurait, en l’espèce, appliqué de manière cumulative les deux conditions alternatives dégagées par l’arrêt précité. Il soutient aussi que l’AIPN n’a pas examiné la condition relative aux besoins spécifiques du service.

47     La Commission rétorque, d’une part, que l’extrait de l’arrêt Alexopoulou I cité par le requérant est le même que celui qui figure dans la décision portant rejet de la réclamation. Il serait dès lors illogique que la Commission n’en ait pas tenu compte. Au demeurant, la Commission expose que les deux conditions dégagées par l’arrêt Alexopoulou I peuvent être considérées comme étant interdépendantes. D’autre part, la Commission conteste l’allégation du requérant selon laquelle elle n’aurait pas examiné la condition relative aux besoins spécifiques du service. La Commission renvoie à cet égard à la décision portant rejet de la réclamation qui fait apparaître qu’une analyse approfondie de cette condition a été effectuée.

 Appréciation du Tribunal

48     Si, lors de la nomination d’un fonctionnaire nouvellement recruté, l’AIPN n’est pas, en règle générale, tenue d’examiner dans chaque cas s’il y a lieu d’appliquer l’article 31, paragraphe 2, du statut, toutefois, afin d’éviter que cette disposition soit privée de toute signification juridique, l’AIPN est tenue, en présence de circonstances particulières, de procéder à l’appréciation concrète d’une application éventuelle de ladite disposition (arrêts Alexopoulou I, points 20 et 21, et Wasmeier/Commission, point 24 supra, points 53 et 54).

49     Ainsi, aux termes de l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983, une telle obligation s’impose lorsque les besoins spécifiques du service exigent le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles et demande à bénéficier de cette disposition (arrêt Wasmeier/Commission, point 24 supra, point 55).

50     Il résulte de ce texte et de la jurisprudence que les deux hypothèses précitées sont alternatives (arrêt Righini/Commission, point 25 supra, point 45).

51     En l’espèce, il importe, premièrement, de relever que, si dans la décision de classement, l’AIPN a considéré que le requérant ne possédait pas un « profil exceptionnel », cette expression ne signifie pas qu’elle s’est bornée à examiner la condition relative aux éventuelles qualifications exceptionnelles du requérant ou qu’elle ait confondu les deux conditions prévues par l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 40 ci-dessus, cette expression renvoie aux deux hypothèses prévues par l’article 2 de la décision du 1er septembre 1983.

52     Deuxièmement, quant à la décision portant rejet de la réclamation, s’il est certes vrai que cette décision a exposé, de manière générale, que l’examen auquel devait se soumettre l’AIPN, en l’espèce, était de savoir si parmi les fonctionnaires de grade A 7 possédant déjà les plus hautes qualités de rendement, de compétence et d’intégrité, comme l’exige l’article 27 du statut, le requérant possédait, en outre, des qualifications exceptionnelles, l’AIPN a toutefois examiné, de surcroît, aux pages 6 et 7 de cette décision, si le requérant satisfaisait aux critères se rapportant à l’hypothèse relative aux besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’une personne particulièrement qualifiée.

53     Il convient d’ajouter que le fait que l’AIPN a apprécié de manière explicite dans la décision portant rejet de la réclamation, d’une part, les trois critères se rattachant à la première des deux hypothèses et, d’autre part, les deux indices se rapportant à la seconde participe de l’examen exhaustif de la réclamation du requérant, imposé à l’AIPN par le principe de bonne administration et par le caractère alternatif des hypothèses précitées.

54     Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen invoqué par le requérant.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation des faits dans l’examen de la situation individuelle du requérant

 Arguments des parties

55     Le requérant soutient que la Commission a examiné de manière superficielle et stéréotypée sa situation individuelle tant au regard de l’hypothèse relative aux qualifications exceptionnelles qu’à celle des besoins spécifiques du service, au sens de l’arrêt Alexopoulou I.

56     Quant à la première hypothèse, le requérant relève qu’il est incontestable que, avant son recrutement, il avait acquis une expérience professionnelle exceptionnelle dans le domaine de l’informatique, notamment en matière statistique. Il occupait également un poste comportant de grandes responsabilités, ainsi qu’en atteste son salaire brut. Une telle expérience de plus de dix ans, et qui correspondait à la condition minimale prévue dans le guide administratif, était extrêmement pertinente et aurait dû, selon lui, conduire la Commission à reconnaître son caractère exceptionnel. À l’audience, le requérant a également mentionné que la limite d’âge prévue par l’avis de concours dont il est lauréat devait également être prise en considération quant au caractère exceptionnel de la durée de son expérience professionnelle.

57     Quant à la seconde hypothèse, le requérant rappelle, en premier lieu, que la Commission a erronément considéré que l’expérience professionnelle devait être exceptionnelle pour satisfaire au critère de la pertinence de cette expérience pour le poste à pourvoir. Il réitère également que, dans la note du 7 janvier 1988 citée au point 33 ci-dessus, son directeur général avait reconnu qu’il était de loin le candidat le plus qualifié pour le poste à pourvoir. En second lieu, le requérant allègue que la Commission s’est méprise sur l’absence de particularité de son profil professionnel sur le marché du travail. D’une part, la Commission a dû procéder au recrutement d’un candidat externe. D’autre part, il rappelle que la direction générale en charge de la pêche avait un besoin extrêmement urgent de recruter un administrateur A 7/A 6 qualifié dans le domaine du contrôle et de la gestion informatique de bases de données. Or, dans ces conditions, il est incontestable, selon le requérant, que son profil était totalement adapté à l’emploi pour lequel il a été recruté et était suffisamment rare pour que la Commission s’attache ses services en le recrutant au grade supérieur de sa carrière.

58     La Commission s’oppose aux prétentions du requérant et rappelle que, en l’espèce, l’AIPN s’est limitée à procéder à une appréciation de l’application éventuelle de l’article 31, paragraphe 2, du statut, au cas individuel du requérant, à l’aune des deux conditions alternatives dégagées par l’arrêt Alexopoulou I.

59     Premièrement, s’agissant de l’hypothèse relative aux qualifications exceptionnelles, la Commission expose, tout d’abord, que le profil du requérant, tout en étant d’un très bon niveau, n’était pas exceptionnel par rapport au profil moyen des personnes engagées comme fonctionnaires de la catégorie A. Elle précise en effet, que, bien que le requérant ait possédé une licence d’ingénieur commercial spécialisé en économie des entreprises et en informatique, correspondant au minimum requis pour l’accès au grade A de la fonction publique communautaire, d’un certificat postuniversitaire et d’un diplôme d’anglais, il n’était pas titulaire d’un doctorat de troisième cycle et n’était pas non plus l’auteur de publications dans son domaine de spécialisation. De l’avis de la Commission, ses connaissances linguistiques n’étaient pas non plus exceptionnelles.

60     Ensuite, quant à la durée et à la qualité de l’expérience professionnelle du requérant, la Commission fait valoir que le requérant n’a pas démontré que l’AIPN avait commis une erreur manifeste d’appréciation. D’une part, la Commission expose que la durée de cette expérience, même en se référant à une période de onze ans, comme l’a fait l’AIPN dans la décision portant rejet de la réclamation, n’est aucunement exceptionnelle par rapport à la durée de l’expérience professionnelle d’autres lauréats de procédures de sélection comparables. D’autre part, la Commission indique que l’expérience professionnelle du requérant dans le secteur bancaire n’était pas intégralement utile à l’emploi pour lequel il a été recruté. La Commission ajoute que, à supposer même que l’un des critères soit rempli, cela ne signifierait toutefois pas que le requérant possédait le droit d’être recruté au grade supérieur de la carrière.

61     Deuxièmement, quant à l’hypothèse relative aux besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’une personne particulièrement qualifiée, la Commission indique que, pour apprécier cette condition, il convient d’examiner avant tout si la nature de la sélection et la description de l’emploi posaient des exigences particulières permettant de mettre en évidence un besoin spécifique du service.

62     En l’espèce, tout en admettant qu’elle ne dispose plus de l’avis de vacance COM/1782/87, la Commission souligne que la description de l’emploi pour lequel le requérant a été recruté est reprise dans la note du 7 janvier 1988 précitée, ainsi que dans le rapport de fin de stage du requérant, annexé au mémoire en défense. Or, au vu de ces éléments, il apparaîtrait que l’emploi pour lequel le requérant a été recruté ne posait pas d’exigences particulières se rapportant à la connaissance et à l’expérience du candidat en matière de pêche ou de législation sur le contrôle des pêches. La Commission ajoute que, eu égard à l’expérience du requérant dans le domaine bancaire, la pertinence de son expérience professionnelle n’était pas exceptionnelle par rapport aux tâches pour lesquelles il a été recruté à la direction générale chargée de la pêche, circonstance que le requérant, aurait, au demeurant, admise.

63     S’agissant de la particularité du profil professionnel du requérant sur le marché du travail, la Commission souligne, d’une part, que le recrutement d’un candidat externe n’implique pas que le poste à pourvoir exige des qualifications exceptionnelles. Elle indique que, en l’espèce, elle aurait pu recruter un autre candidat parmi la demi-douzaine de lauréats qui a été invitée à un entretien pour le poste en cause. D’autre part, la Commission précise que, même s’il pouvait exister une certaine urgence à recruter un candidat pour des raisons tenant à des considérations propres aux services de la direction générale en charge de la pêche, cela ne signifie pas que le profil du requérant était rare et que ce dernier avait droit à être classé au grade supérieur de sa carrière.

 Appréciation du Tribunal

64     Il convient de vérifier si, en l’espèce, l’AIPN a, en refusant de classer le requérant au grade A 6 à compter de sa nomination au motif, d’une part, que celui-ci ne possédait pas de qualifications exceptionnelles et, d’autre part, que les besoins du service n’exigeaient pas le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié, commis une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur l’hypothèse relative aux qualifications exceptionnelles de l’intéressé

65     S’agissant de cette hypothèse, la Commission a examiné si le requérant répondait aux trois premiers critères qu’elle a énumérés dans son guide administratif, à savoir le niveau et la pertinence des qualifications et des diplômes de l’intéressé, le niveau et la qualité de l’expérience professionnelle et la durée de cette expérience.

66     Il convient de rappeler tout d’abord que, quant au critère du niveau et de la pertinence des qualifications et des diplômes, l’AIPN a exposé, en substance, que le requérant, titulaire d’une licence d’ingénieur commercial, diplôme lui donnant accès à la catégorie A, d’un certificat postuniversitaire en gestion des entreprises et d’un diplôme de langue anglaise, tous délivrés avec distinction, ne possédait toutefois pas une qualification exceptionnelle par rapport au niveau général, habituellement très élevé, des lauréats de concours de la catégorie A. L’AIPN a relevé, notamment, que le requérant ne possédait pas de doctorat.

67     À cet égard, il suffit de relever que le requérant n’a pas contesté l’appréciation effectuée par l’AIPN de ce critère. Or, eu égard au caractère cumulatif des trois critères se rapportant à l’examen des éventuelles qualifications professionnelles de l’intéressé (arrêt Righini/Commission, point 25 supra, point 49), cela suffit à écarter les prétentions du requérant quant à la nature exceptionnelle de ses qualifications.

68     À titre surabondant, le Tribunal constate que le requérant n’avance pas non plus d’éléments permettant d’infirmer l’appréciation de l’AIPN quant au critère relatif à la durée de l’expérience professionnelle, à propos duquel l’AIPN a indiqué que l’expérience de onze ans acquise par le requérant, tout en étant d’un bon niveau, n’avait rien d’exceptionnelle.

69     Il convient de relever d’abord que les conditions minimales du concours COM/A/374 pour la constitution d’une réserve d’administrateurs de grade A 7 et A 6, dont est lauréat le requérant, exigeaient des candidats qu’ils justifient d’une expérience postuniversitaire professionnelle à plein-temps de deux ans au minimum soit dans le domaine de la conception et de la réalisation de systèmes informatiques ou de l’assistance technique aux utilisateurs de l’informatique, soit en tant qu’ingénieur pour les systèmes d’exploitation ou de télétransmission. L’avis de ce concours laisse donc apparaître que l’ensemble des lauréats devait répondre à des conditions sévères de sélection, notamment pour ce qui concerne la durée de l’expérience professionnelle exigée. À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’appréciation des qualifications exceptionnelles permettant l’application de l’article 31, paragraphe 2, du statut, doit être réalisée non pas au regard de la population dans son ensemble, mais par rapport au profil moyen des lauréats de concours similaires, qui constituent déjà une population très sévèrement sélectionnée, conformément aux exigences de l’article 27 du statut (arrêts du Tribunal du 5 novembre 1997, Barnett/Commission, T‑12/97, RecFP p. I‑A‑313 et II‑863, point 50, et du 3 octobre 2002, Platte/Commission, T‑6/02, RecFP p. I‑A‑189 et II‑973, point 38).

70     Ensuite, à l’argument invoqué à l’audience par le requérant selon lequel le caractère exceptionnel de la durée de son expérience professionnelle devait être apprécié eu égard à la limite d’âge imposée par l’avis de concours dont il est lauréat, il convient de répondre, d’une part, que, en soi, cette limite d’âge n’a pas eu d’incidence sur la durée de l’expérience professionnelle comptabilisée par la Commission, puisque, aux fins de l’appréciation des éventuelles qualifications exceptionnelles du requérant, c’est l’expérience professionnelle accumulée jusqu’à la veille de son recrutement, c’est-à-dire, en l’espèce, plus de cinq ans après la publication de l’avis de concours, qui a été appréciée. D’autre part, la Commission a rétorqué, sans être contredite par le requérant, que l’AIPN avait effectivement comparé la durée de l’expérience professionnelle du requérant à celle de l’expérience de lauréats de concours similaires soumis aux mêmes conditions que le requérant.

71     Enfin, bien que la durée de l’expérience professionnelle du requérant soit légèrement supérieure à la durée minimale prévue, de manière indicative, dans le guide administratif pour pouvoir prétendre à un classement au grade A 6, il y a lieu de rappeler que cette circonstance ne saurait, en soi, lui conférer le droit à être nommé au grade supérieur de la carrière (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 juillet 1999, Forvass/Commission, T‑203/97, RecFP p. I‑A‑129 et II‑705, point 49, et Wasmeier/Commission, point 24 supra, point 85).

72     Partant, il y a lieu de rejeter les arguments du requérant tirés de l’existence de qualifications exceptionnelles.

–       Sur l’hypothèse relative aux besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié

73     Afin d’examiner si l’AIPN a apprécié de manière manifestement erronée cette hypothèse, il y a lieu de se référer tout d’abord à l’avis de vacance COM/1782/87, publié par la direction générale en charge de la pêche, à la suite duquel le requérant a été recruté à la Commission.

74     Toutefois, il est constant que, au moment de l’adoption de la décision portant rejet de la réclamation, la Commission n’était plus en possession de l’avis de vacance en question.

75     Pour regrettable que soit la perte de l’avis de vacance en cause, il importe de relever que l’AIPN s’est fondée, d’une part, sur la description du poste telle qu’elle figure dans une note du 7 janvier 1988 du directeur général de la pêche, versée au dossier personnel du requérant et sur la base de laquelle ce dernier fonde ses contestations et, d’autre part, sur le rapport de stage du requérant. Cette façon de procéder, qui n’a pas fait l’objet de critiques de la part du requérant, ne saurait être remise en cause par le Tribunal en l’espèce.

76     Il ressort de la note du 7 janvier 1988 précitée, annexée à la requête, ayant pour objet « le recrutement d’un fonctionnaire à la [direction générale en charge de la pêche] pour la gestion informatisée des données de capture de la pêche », que cette direction générale avait « un besoin extrêmement urgent de recruter un administrateur A 7/A 6 qualifié dans le domaine du contrôle et de la gestion informatique de bases de données afin de gérer le système de surveillance des quotas de pêche sur lesquels la pression s’accroît […] et afin de mettre en œuvre une nouvelle réglementation sur les statistiques de captures de navires des États membres dans les eaux des pays africains […] Cette note indiquait :

« C’est d’ailleurs notamment en prévision de cette situation que la Commission a octroyé à la [direction générale en charge de la pêche], à la mi-1987, trois postes supplémentaires dont un A 7/A 6. La [direction générale en charge de la pêche], qui n’a trouvé aucun candidat interne qualifié, a convoqué et interviewé une demi-douzaine de lauréats de concours externes de diverses nationalités […] s’est prononcée pour M. J. Verborgh, de nationalité belge, qui est apparu de loin le plus qualifié en raison de sa formation en matière de gestion informatique de bases de données, de son expérience d’’operations control manager’ et de ses connaissances linguistiques […] »

77     De plus, dans la rubrique relative à la description des tâches assumées par le requérant, son rapport de stage indique :

« Gestion du système communautaire de surveillance des quotas de pêche ;

Enquêtes administratives dans les États membres concernant l’application de la législation du contrôle des pêches ».

78     Trois constatations peuvent être tirées de ces documents.

79     En premier lieu, si le service au sein duquel le requérant a été recruté recherchait un titulaire qualifié dans la gestion des bases de données, cette personne ne devait toutefois pas être particulièrement qualifiée, l’urgence indiquée dans la note du directeur général de la pêche tenant au surcroît d’activité que la nouvelle réglementation faisait peser sur ses services et non à la nécessité de recruter le requérant en raison de qualifications particulières. Au demeurant, le fait que la note rappelle par deux fois qu’il s’agissait d’un emploi de niveau A 7/A 6 indique que les besoins du service en cause pouvaient être satisfaits par le recrutement d’un titulaire de grade A 7 (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Forvass/Commission, point 71 supra, point 48 ; Brendel/Commission, point 25 supra, point 113, et du 14 juillet 2005, Pinheiro de Jesus Ferreira/Commission, T‑459/04, non publié au Recueil, point 40).

80     Quant à l’argument du requérant selon lequel les besoins spécifiques du service auraient été démontrés par le recrutement d’un candidat externe, il suffit de répondre que le fait que les procédures internes au sein de la Commission n’aient pas permis de pourvoir le poste occupé par le requérant ne permet pas de conclure que les exigences de ce poste nécessitaient le recrutement d’un titulaire particulièrement qualifié. En effet, le recrutement d’un candidat externe n’implique pas nécessairement que le poste à pourvoir exige des qualifications particulières (voir, en ce sens, arrêt Chawdhry/Commission, point 38 supra, point 93). Si tel était le cas, tout candidat externe recruté pourrait alors bénéficier d’un classement au grade supérieur de la carrière, au mépris tant des exigences propres à la notion de carrière résultant de l’article 5 et de l’annexe I du statut que de la large marge d’appréciation dont jouit l’AIPN en cette matière.

81     En deuxième lieu, à la lecture de la description des tâches accomplies par le requérant, il apparaît que l’expérience professionnelle antérieure dont il se prévaut n’était pas entièrement pertinente par rapport aux fonctions qu’il devait exercer. En effet, ainsi que la Commission l’a avancé, le requérant n’avait acquis, antérieurement à son recrutement, aucune connaissance particulière du domaine de la législation de la pêche ou du contrôle des quotas de pêche. Le fait que le requérant apparaissait de loin le plus qualifié parmi les candidats ayant postulé au poste vacant ne signifie toutefois pas que son expérience professionnelle était très pertinente et répondait à des besoins spécifiques du service exigeant le recrutement d’une personne particulièrement qualifiée. La circonstance que le requérant a été recruté à l’emploi vacant en cause signifie, tout au plus, qu’il a été considéré comme le candidat correspondant le mieux au profil recherché, ce qui lui a permis de se distinguer des autres candidats à cet emploi (voir, en ce sens, arrêt Forvass/Commission, point 71 supra, point 49).

82     En troisième lieu, quant aux connaissances linguistiques mentionnées dans la note du 7 janvier 1988 précitée, il n’apparaît pas que les besoins du service exigeaient le recrutement d’une personne particulièrement qualifiée en langues.

83     Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que l’AIPN n’a pas fait bénéficier le requérant d’un classement au grade supérieur de la carrière A 7/A 6 lors de sa nomination.

84     Le troisième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

 Arguments des parties

85     Le requérant soutient qu’il a fait l’objet d’une discrimination, puisqu’au moins deux autres fonctionnaires ont été reclassés au grade A 6, alors que l’un possédait une expérience professionnelle d’une durée inférieure à la sienne et l’autre était titulaire d’un nombre de diplômes équivalent au sien.

86     La Commission expose que la nature de l’appréciation du caractère exceptionnel des qualifications d’un fonctionnaire nouvellement recruté, effectuée cas par cas, s’oppose à ce que le requérant puisse utilement invoquer une violation du principe d’égalité de traitement.

 Appréciation du Tribunal

87     Selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe énoncé à l’article 5, paragraphe 3, du statut, lorsque deux catégories de personnes dont les situations factuelles et juridiques ne présentent pas de différence essentielle se voient appliquer un traitement différent lors de leur recrutement. Il y a également violation du principe d’égalité de traitement lorsque des situations qui sont différentes sont traitées de manière identique (arrêts du Tribunal du 7 février 1991, Tagaras/Cour de justice, T‑18/89 et T‑24/89, Rec. p. II‑53, point 68, et Wasmeier/Commission, point 24 supra, point 122).

88     De plus, la nature de l’évaluation effectuée, cas par cas, par l’AIPN, conformément à l’article 31, paragraphe 2, du statut s’oppose, en principe, à ce qu’une violation du principe de l’égalité de traitement puisse être utilement invoquée (arrêts Chawdhry/Commission, point 38 supra, point 102, et Brendel/Commission, point 25 supra, point 129).

89     En outre, la durée de l’expérience professionnelle n’est pas le seul critère à prendre en considération pour un éventuel classement au grade supérieur de la carrière. Il est également tenu compte, notamment, du niveau et de la pertinence des qualifications et des diplômes ainsi que du niveau et de la qualité de l’expérience professionnelle de l’intéressé.

90     Enfin, s’agissant de l’argumentation du requérant relative au classement au grade supérieur d’un autre fonctionnaire, la décision portant rejet de la réclamation a indiqué les raisons qui avaient entraîné l’AIPN à classer cette personne au grade supérieur de la carrière. Ainsi, l’AIPN a expliqué que ce fonctionnaire jouissait d’un « profil académique supérieur » ainsi que d’une expérience professionnelle nettement plus longue et plus riche que celle du requérant et d’une pertinence parfaite pour le poste auquel ce fonctionnaire avait été affecté au sein d’Eurostat à la suite de l’avis de vacance COM/1120/87, dont la description figure également dans les motifs de la décision portant rejet de la réclamation. À la lumière de ces indications et des appréciations du Tribunal effectuées dans le cadre du troisième moyen examiné ci-dessus, il y a lieu de constater que l’AIPN n’a pas commis d’inégalité de traitement entre le requérant et ce fonctionnaire.

91     Partant, le quatrième moyen doit être rejeté, ainsi que les conclusions visant à l’annulation des décisions attaquées dans leur intégralité.

3.     Sur les conclusions, formulées à titre subsidiaire, visant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire certains documents

92     Au regard des appréciations effectuées précédemment, en particulier de la nature de l’examen opéré, cas par cas, par l’AIPN, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions subsidiaires du requérant.

93     Partant, le recours est rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

94     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

3)      

4)      

Legal

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 mars 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

      H. Legal


* Langue de procédure : le français.