Language of document : ECLI:EU:T:2009:329

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

15 septembre 2009 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative MANGO adorably – Marques nationales et internationales verbales antérieures J’ADORE et ADIORABLE – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Risque de profit indûment tiré de la renommée des marques antérieures – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009] »

Dans l’affaire T‑308/08,

Parfums Christian Dior, établie à Paris (France), représentée par Mes F. de Visscher, E. Cornu et D. Moreau, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. R. Bianchi, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Consolidated Artists BV, établie à Rotterdam (Pays-Bas), représentée par Me S. Bénoliel-Claux, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 23 mai 2008 (affaire R 1162/2007‑2), relative à une procédure d’opposition entre Parfums Christian Dior et Consolidated Artists BV,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de Mme V. Tiili, président, M. F. Dehousse et Mme I. Wiszniewska-Białecka (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 août 2008,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 28 janvier 2009,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 janvier 2009,

à la suite de l’audience du 8 juillet 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 novembre 2004, l’intervenante, Consolidated Artists BV, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 25/2005, du 20 juin 2005.

5        Le 19 septembre 2005, la requérante, Parfums Christian Dior, a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque MANGO adorably sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

6        L’opposition était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque verbale antérieure ADIORABLE, faisant l’objet de l’enregistrement français n° 33209849, en date du 14 février 2003 ;

–        la marque verbale antérieure J’ADORE, faisant l’objet de l’enregistrement français n° 94536564, en date du 13 septembre 1994 ;

–        la marque verbale antérieure ADIORABLE, faisant l’objet de l’enregistrement international n° 811001, en date du 7 août 2003, et produisant ses effets en Allemagne, en Autriche, dans les pays du Benelux, en Espagne, en Italie, au Portugal et en Pologne ;

–        la marque verbale antérieure J’ADORE, faisant l’objet de l’enregistrement international n° 687422, en date du 13 février 1998, et produisant ses effets en Allemagne, en Autriche, dans les pays du Benelux, en Espagne, en Italie, au Portugal et en Pologne.

7        Les marques antérieures ont été enregistrées pour divers produits et notamment pour tous les produits relevant de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice, à savoir les produits correspondant à la description suivante : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour cheveux ; dentifrices ».

8        L’opposition était dirigée contre tous les produits visés dans la demande d’enregistrement.

9        Par décision du 31 mai 2007, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Après avoir constaté l’identité des produits en cause, elle a considéré que, les marques en conflit n’étant clairement pas similaires, une des conditions énoncées à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’était pas remplie, ce qui excluait tout risque de confusion. À cet égard, elle a estimé que l’argument de la requérante, relatif au caractère distinctif particulièrement élevé dans la Communauté européenne acquis par la marque antérieure J’ADORE, était inopérant en l’absence de similitude entre les signes en conflit. La division d’opposition a également rejeté l’opposition en tant qu’elle était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 au motif que les différences entre les signes étaient telles qu’il n’existait aucun risque que le public les associe ou établisse un lien entre eux et que la requérante n’avait pas apporté la preuve que l’usage sans juste motif de la marque MANGO adorably porterait préjudice au caractère distinctif ou à la renommée des marques antérieures ou en tirerait indûment profit.

10      Le 23 juillet 2007, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 23 mai 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours.

12      La chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé des consommateurs moyens d’Allemagne, d’Autriche, des pays du Benelux, d’Espagne, d’Italie, du Portugal et de Pologne, qui sont les États membres dans lesquels les enregistrements des marques internationales antérieures produisent leurs effets. Elle a relevé que les produits en cause étaient identiques. S’agissant de la comparaison des marques en conflit, elle a estimé qu’elles étaient différentes sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Elle a conclu qu’il ressortait de l’impression d’ensemble produite par les marques en conflit qu’elles n’étaient globalement pas similaires. En premier lieu, la chambre de recours a estimé que le résultat de la comparaison des marques en conflit était suffisant pour écarter le risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. En second lieu, elle a considéré que les marques en conflit étaient si différentes que le degré de similitude n’était pas suffisant pour que le public pertinent établisse un lien entre ces marques et que, dès lors, une des conditions cumulatives à l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’était pas remplie.

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

14      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      La requérante soulève deux moyens, tirés de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

16      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort que les marques en conflit n’étaient pas similaires et qu’il n’y avait, par conséquent, pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

17      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments avancés par la requérante.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, il convient d’entendre par marques antérieures, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009], les marques nationales dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, en tenant compte de tous les facteurs caractérisant le cas d’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [arrêts du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et du 16 décembre 2008, Focus Magazin Verlag/OHMI – Editorial Planeta (FOCUS Radio), T‑357/07, non publié au Recueil, points 24 et 25].

20      Un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt du Tribunal 12 novembre 2008, Scil proteins/OHMI – Indena (affilene), T‑87/07, non publié au Recueil, point 31 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17].

21      En l’espèce, les marques antérieures font l’objet d’enregistrements en France et d’enregistrements internationaux produisant leurs effets en Allemagne, en Autriche, dans les pays du Benelux, en Espagne, en Italie, au Portugal et en Pologne. Les produits en cause étant des produits de consommation courante, le public pertinent est composé des consommateurs moyens de ces pays.

22      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans la décision attaquée, la chambre de recours a omis de prendre en compte les enregistrements français des marques antérieures et qu’elle n’a pas inclus le consommateur moyen français dans la définition du public pertinent. Toutefois, cette omission ne fait pas l’objet d’un argument de la requérante et est, en tout état de cause, sans conséquence en l’espèce. En effet, la chambre de recours ayant pris en compte le consommateur moyen belge, le consommateur moyen francophone était inclus dans la définition du public pertinent figurant dans la décision attaquée et, dès lors, a été pris en compte pour l’appréciation de la similitude des marques en conflit.

23      Il est constant entre les parties que les produits en cause sont identiques.

24      Il y a lieu de déterminer si la chambre de recours a pu considérer à bon droit que la marque MANGO adorably dont l’enregistrement est demandé et les marques antérieures J’ADORE et ADIORABLE n’étaient pas similaires.

25      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matrazen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRAZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, et du 10 décembre 2008, MIP Metro/OHMI – Metronia (METRONIA), T‑290/07, non publié au Recueil, point 41].

26      En outre, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et arrêt du Tribunal 4 mars 2009, Professional Tennis Registry/OHMI – Registro Profesional de Tenis (PTR PROFESSIONAL TENNIS REGISTRY), T‑168/07, non publié au Recueil, point 28].

27      En l’espèce, la marque figurative MANGO adorably dont l’enregistrement est demandé se compose des éléments « mango » et « adorably ». L’élément « mango » est écrit en lettres majuscules, en caractères gras, dans une police de caractères fantaisie, et est placé au-dessus de l’élément « adorably ». L’élément « adorably » est écrit en lettres minuscules, dans une police de caractères courante et est d’une taille inférieure à l’élément « mango ».

28      La chambre de recours a considéré que l’élément « mango » serait perçu comme le début de la marque MANGO adorably et que, en raison de sa position, de son style et de sa dimension, il était l’élément dominant de cette marque.

29      Sans contester expressément que l’élément « mango » soit l’élément dominant de la marque MANGO adorably, la requérante fait valoir que l’élément « adorably » occupe une position distinctive autonome dans cette marque. Prenant en compte cette position distinctive autonome et le fait que le public pertinent percevrait l’élément « mango » comme se référant à la marque de l’entreprise de mode MANGO, la similitude des marques en conflit devrait être appréciée en comparant, d’une part, les marques antérieures J’ADORE et ADIORABLE et, d’autre part, l’élément « adorably ».

30      L’OHMI et l’intervenante contestent que l’élément « adorably » occupe une position distinctive autonome dans la marque MANGO adorably et font valoir que l’appréciation de la similitude des marques en conflit doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par celles-ci.

31      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble [arrêts de la Cour du 6 octobre 2005, Medion, C‑120/04, Rec. p. I‑8551, point 29 ; OHMI/Shaker, point 26 supra, point 41 ; arrêt du Tribunal du 18 décembre 2008, Torres/OHMI – Bodegas Cándido (TORRE DE FRIAS), T‑285/06, non publié au Recueil, point 46].

32      Ainsi, contrairement à ce que prétend la requérante, la comparaison des marques en conflit ne saurait être effectuée en prenant en compte uniquement l’élément « adorably » de la marque dont l’enregistrement est demandé, que cet élément puisse être considéré ou non comme occupant une position distinctive autonome dans cette marque.

33      Il s’ensuit que l’appréciation de la similitude des marques en conflit doit être faite en comparant, d’une part, la marque dont l’enregistrement est demandé MANGO adorably, prise dans son ensemble, et, d’autre part, les marques antérieures ADIORABLE et J’ADORE.

34      Sur le plan visuel, l’impression d’ensemble produite par la marque MANGO adorably est dominée par l’élément « mango », écrit en caractères gras de grande taille et situé au dessus de l’élément « adorably ». La chambre de recours a relevé à juste titre que l’élément « mango » ne faisait partie d’aucune des marques verbales antérieures et que l’élément « adorably » possédait quelques lettres en commun avec les marques antérieures.

35      En premier lieu, s’agissant de la marque verbale antérieure J’ADORE, il y a lieu de relever que la présence du « J’ » au début de cette marque est susceptible d’attirer l’attention du consommateur pertinent. Ainsi, du fait de sa structure, la marque J’ADORE se distingue visuellement de la marque MANGO adorably. La présence de lettres communes à la marque J’ADORE et à l’élément « adorably » n’est pas susceptible de remettre en cause cette conclusion. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que la marque MANGO adorably et la marque antérieure J’ADORE n’étaient pas similaires sur le plan visuel.

36      En second lieu, s’agissant de la marque verbale antérieure ADIORABLE, elle possède en commun avec l’élément « adorably » de la marque MANGO adorably ses deux premières lettres ainsi que cinq lettres du milieu. Cependant, étant donné que l’élément « mango » est dominant sur le plan visuel, le fait que l’élément « adorably » de la marque dont l’enregistrement est demandé et la marque antérieure ADIORABLE ont des lettres en commun ne suffit pas pour établir une similitude visuelle entre ces marques.

37      Par conséquent, la chambre de recours a conclu à juste titre que les marques en conflit n’étaient pas similaires sur le plan visuel.

38      Sur le plan phonétique, comme le relève l’OHMI, le premier élément de la marque dont l’enregistrement est demandé, à savoir l’élément « mango », n’est pas présent dans les marques antérieures, ce qui implique une nette différence de prononciation entre les marques en conflit.

39      En effet, d’une part, la marque MANGO adorably est composée de deux mots et de six syllabes, alors que la marque antérieure J’ADORE est une expression qui se prononce en trois syllabes. Ces marques sont distinctes aussi bien en ce qui concerne la syllabe de début (« man » et « ja ») que la syllabe de fin (« re » et « bly »). Dès lors, le seul fait que ces marques ont en commun la voyelle « a » et la syllabe « dor » ne suffit pas à établir une similitude entre elles sur le plan phonétique.

40      D’autre part, la marque antérieure ADIORABLE est composée d’un seul mot de quatre syllabes. Elle se distingue également de la marque MANGO adorably en ce qui concerne tant la syllabe de début (« man » et « a ») que la syllabe de fin (« ble » et « bly »). La présence de lettres communes à la marque antérieure ADIORABLE et à l’élément « adorably » de la marque MANGO adorably ne permet pas de compenser les différences existant entre ces marques sur le plan phonétique.

41      Par conséquent, la chambre de recours a conclu à juste titre que les marques en conflit n’étaient pas similaires sur le plan phonétique.

42      Sur le plan conceptuel, s’agissant de la marque MANGO adorably, l’élément dominant « mango » fait référence, dans toutes les langues pertinentes, à un fruit (la mangue). L’élément « adorably » est un mot anglais signifiant « adorablement », c’est-à-dire de manière adorable, charmante, ravissante. Même si ce mot ne fait pas partie du vocabulaire de base de la langue anglaise, il sera compris dans plusieurs langues pertinentes dans lesquelles il existe un mot proche (le français, l’espagnol, l’italien et le portugais) comme faisant référence au mot « adorer » ou « adorable ».

43      S’agissant de la marque antérieure J’ADORE, elle est constituée d’une forme conjuguée du verbe « adorer » en français qui signifie « vénérer, aimer passionnément, apprécier beaucoup ». Pour la partie du public pertinent pour laquelle l’expression « j’adore » n’a aucune signification, la marque J’ADORE ne peut être comparée à la marque MANGO adorably sur le plan conceptuel. Pour une autre partie du public pertinent, de langue française, espagnole, italienne ou portugaise, la marque J’ADORE sera comprise comme faisant référence au verbe « adorer ».

44      Contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que l’élément « adorably » de la marque MANGO adorably et la marque antérieure J’ADORE partagent la même racine ne suffit pas pour établir une similitude conceptuelle entre ces marques prises dans leur ensemble.

45      En effet, la référence au mot « adore » dans la marque dont l’enregistrement est demandé est effectuée sous forme d’adverbe et, dans la marque antérieure J’ADORE, sous forme d’un verbe conjugué, ce qui leur confère un sens différent. La référence au mot « adore » est introduite par l’élément « mango » dans la marque dont l’enregistrement est demandé et cette référence au fruit (la mangue) ne figure pas dans la marque antérieure J’ADORE.

46      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré que le fait que la marque J’ADORE et l’élément « adorably » soient perçus comme étant liés au mot « adore » par une partie du public pertinent n’est pas suffisant pour que les marques J’ADORE et MANGO adorably soient similaires sur le plan conceptuel.

47      S’agissant de la marque antérieure ADIORABLE, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, le mot « adiorable » n’ayant de signification dans aucune des langues concernées, cette marque ne pouvait être comparée à la marque MANGO adorably sur le plan conceptuel.

48      Par conséquent, la chambre de recours a conclu à juste titre que les marques en conflit n’étaient pas similaires sur le plan conceptuel.

49      Il résulte de ce qui précède que les marques en conflit ne sont pas similaires.

50      L’une des conditions nécessaires à la constatation d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, à savoir l’identité ou la similitude des marques en conflit, n’étant pas remplie en l’espèce, il y a lieu de constater qu’il n’existe pas de risque de confusion entre lesdites marques.

51      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas suffisamment pris en compte le caractère distinctif de la marque ADIORABLE et la très grande renommée de la marque J’ADORE lors de son appréciation de la similitude des marques en conflit.

52      En effet, la jurisprudence indique qu’il peut exister un risque de confusion, malgré un faible degré de similitude entre les marques, lorsque la similitude des produits ou des services visés par celles-ci est grande et que le caractère distinctif de la marque antérieure est fort [arrêt de la Cour 7 mai 2009, Waterford Wedgwood/Assembled Investments (Proprietary) et OHMI, C‑398/07 P, non publié au Recueil, point 33 ; voir, par analogie, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 21].

53      De plus, selon la jurisprudence, un risque de confusion présuppose une identité ou une similitude entre les signes ainsi qu’entre les produits et les services désignés, et la renommée d’une marque est un élément qui doit être pris en compte pour apprécier si la similitude entre les signes ou entre les produits et les services est suffisante pour donner lieu à un risque de confusion [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 65 ; voir, en ce sens, arrêt Canon, point 20 supra, points 22 et 24].

54      Ainsi, il résulte de cette jurisprudence que le caractère distinctif de la marque antérieure ou sa renommée doit être pris en compte au niveau de l’appréciation du risque de confusion, une fois la similitude entre les marques établie, et non, comme le soutient la requérante, pour établir cette similitude.

55      Il résulte de ce qui précède que la chambre de recours a conclu à bon droit qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

56      Partant, le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 est rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94

57      Par son second moyen, la requérante fait valoir que les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 sont remplies en l’espèce. Ainsi, d’une part, la marque antérieure J’ADORE bénéficierait d’une très grande renommée dans la Communauté et, d’autre part, la marque antérieure J’ADORE et la marque MANGO adorably dont l’enregistrement est demandé seraient suffisamment similaires pour que le public pertinent établisse un lien entre elles. Dès lors, l’usage de la marque MANGO adorably tirerait indûment profit de la renommée de la marque antérieure J’ADORE.

58      L’OHMI et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

59      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, « [s]ur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice ».

60      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA‑FINDERS), T‑67/04, Rec. p. II‑1825, point 30, et du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPALINE), T‑21/07, non publié au Recueil, point 16].

61      Selon la jurisprudence, l’existence d’un lien entre la marque demandée et la marque antérieure est une condition essentielle de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. En effet, les atteintes visées par cette disposition, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque demandée et la marque antérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre les deux, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci [arrêt SPA‑FINDERS, point 60 supra, point 41, et arrêt du Tribunal du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, Rec. p. II‑711, point 47].

62      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que les marques MANGO adorably et J’ADORE étaient si différentes que le degré de similitude n’était pas suffisant pour que le public pertinent établisse un lien entre ces deux marques et que, par conséquent, une des trois conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’était pas remplie.

63      À cet égard, il suffit de rappeler qu’il ressort de l’examen du premier moyen que les marques en conflit ne sont pas similaires.

64      Dès lors, la première des trois conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’étant pas remplie, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu au rejet de l’opposition formée par la requérante sur le fondement de cette disposition.

65      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

66      Selon la requérante, l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’est pas subordonnée à la constatation d’un degré de similitude entre les marques en conflit tel qu’il existe un risque de confusion. Il suffirait que le public pertinent puisse établir un lien entre celles-ci.

67      Certes, il ressort de la jurisprudence que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques en conflit, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre elles, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Il n’est donc pas exigé que le degré de similitude entre la marque renommée et la marque dont l’enregistrement est demandé soit tel qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion. Il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et la marque dont l’enregistrement est demandé ait pour effet que le public concerné établit un lien entre celles-ci (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, Rec. p. I‑12537, points 29 et 31, et du 10 avril 2008, adidas et adidas Benelux, C‑102/07, Rec. p. I‑2439, point 41).

68      Toutefois, il ressort clairement de cette jurisprudence que l’existence d’un certain degré de similitude entre les marques en conflit est nécessaire pour que le public concerné établisse un lien entre elles au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Or, en l’espèce, comme il a été constaté ci-dessus, un tel degré de similitude fait défaut.

69      La requérante prétend également que le public pertinent établirait un lien entre la marque antérieure J’ADORE et la marque MANGO adorably, en raison, premièrement, de la très grande renommée de la marque antérieure J’ADORE, deuxièmement, de la similitude entre la marque antérieure J’ADORE et l’élément « adorably » qui conserve une position distinctive autonome dans la marque MANGO adorably, troisièmement, prenant en compte la spécificité du secteur de la parfumerie, du fait que le public pertinent percevrait l’élément « mango » comme une marque d’une firme vestimentaire et l’élément « adorably » comme une sous-marque et la marque effective du cosmétique ou du parfum. Enfin, elle fait valoir que l’usage de la marque MANGO adorably tirerait indûment profit de la renommée de la marque antérieure J’ADORE.

70      Cependant, il ressort de l’examen du premier moyen (voir points 31 à 33 ci-dessus) que les arguments relatifs à la position distinctive autonome qu’occuperait l’élément « adorably » dans la marque MANGO adorably ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion relative à l’absence de similitude entre les marques en conflit. De même, le fait que le public pertinent perçoive l’élément « mango » comme une marque de firme vestimentaire et l’élément « adorably » comme une sous-marque ne modifie pas cette conclusion.

71      En outre, dans la mesure où il a été constaté ci-dessus que, les marques en conflit n’étant pas similaires, la première des trois conditions cumulatives d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’est pas remplie, il n’y a pas lieu d’examiner la deuxième condition relative à la renommée de la marque antérieure J’ADORE et la troisième condition relative au profit indu qui serait tiré de l’usage de la marque MANGO adorably.

72      Par conséquent, il y a lieu de rejeter comme non fondé le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Parfums Christian Dior est condamnée aux dépens.

Tiili

Dehousse

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : le français.