Language of document : ECLI:EU:F:2010:121

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

30 septembre 2010 (*)

«Fonction publique – Statut du personnel d’Europol – Article 29 –– Avancement d’échelon accordé sur le fondement des rapports d’évaluation – Exception d’illégalité de la décision arrêtant la politique de détermination des grades et échelons – Compétences respectives du directeur et du conseil d’administration d’Europol – Pouvoir d’appréciation du directeur d’Europol ‑ Limites»

Dans l’affaire F‑43/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 40, paragraphe 3, de la convention établie sur la base de l’article K. 3 du traité sur l’Union européenne portant création d’un Office européen de police (convention Europol) et de l’article 93, paragraphe 1, du statut du personnel d’Europol,

Carlo van Heuckelom, agent de l’Office européen de police, demeurant à ’s-Gravenhage (Pays-Bas), représenté par Mes W. J. Dammingh et N. D. Dane, avocats,

partie requérante,

contre

Office européen de police (Europol), institué par décision du Conseil de l’Union européenne du 6 avril 2009, venant aux droits de l’ex-Office européen de police créé par la convention Europol, représenté par MM. D. Neumann et D. El Khoury, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes B. Wägenbaur et R. Van der Hout, avocats, puis de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel et Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), juges,

greffier: Mme W. Hakenberg,

vu la procédure écrite,

vu l’accord des parties pour que le Tribunal statue sans audience,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 15 avril 2009 par télécopie (le dépôt de l’original étant intervenu le 20 avril suivant), M. van Heuckelom a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision du directeur de l’Office européen de police (Europol) du 14 juillet 2008 lui accordant un avancement d’un seul échelon à partir du 1er avril 2008, ainsi qu’à l’annulation de la décision du 19 janvier 2009 portant rejet de sa réclamation dirigée contre ladite décision.

 Cadre juridique

2        L’article 40, paragraphe 3, de la convention établie sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne portant création d’un Office européen de police, du 26 juillet 1995 (convention Europol) (JO C 316, p. 2) énonce que «[l]es dispositions sur les voies de recours visées à la réglementation relative au régime applicable aux agents temporaires et auxiliaires [de l’Union européenne] sont applicables, par analogie, au personnel d’Europol».

3        L’article 28, premier alinéa, du statut du personnel d’Europol, adopté le 3 décembre 1998 par le Conseil de l’Union européenne (JO 1999, C 26, p. 23) en application de l’article 30, paragraphe 3, de la convention Europol (ci-après le «statut Europol»), dispose:

«La compétence, l’efficacité et la conduite dans le service de chaque agent […] font l’objet d’un rapport périodique établi au moins une fois par an.»

4        L’article 29, premier alinéa, du statut Europol est libellé comme suit:

«Le directeur peut accorder au maximum deux échelons par période de deux ans, sur la base d’une évaluation et en tenant compte des prestations de l’intéressé. Les tâches d’enseignement au titre du programme de perfectionnement professionnel prévu à l’article 21 sont aussi prises en compte pour cette évaluation. Les modalités précises de la procédure d’évaluation sont arrêtées par le conseil d’administration, statuant sur proposition du directeur, faite après consultation du comité du personnel.»

5        Selon l’article 92, paragraphe 2, du statut Europol:

«Toute personne visée au présent statut peut saisir le directeur d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que le directeur ait pris une décision, soit qu’il se soit abstenu de prendre une mesure imposée par le statut. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois. [...]

Le directeur notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la réclamation. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet, susceptible de faire l’objet d’un recours au sens de l’article 93.»

6        Aux termes de l’article 93 du statut Europol:

«1. La Cour de justice [de l’Union européenne] est compétente pour statuer sur tout litige opposant Europol à l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne au sens de l’article 92, paragraphe 2. Dans les litiges [à] caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction.

2. Un recours à la Cour de justice n’est recevable que:

–        si le directeur a été préalablement saisi d’une réclamation au sens de l’article 92, paragraphe 2, dans le délai qui y est prévu

         et

–        si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

3. Le recours visé au paragraphe 2 doit être formé dans un délai de trois mois. Ce délai court:

–        à compter du jour où a été notifiée la décision prise en réponse à la réclamation,

–        à compter de la date d’expiration du délai de réponse, lorsque le recours porte sur une décision implicite de rejet d’une réclamation présentée en application de l’article 92, paragraphe 2; néanmoins, lorsqu’une décision explicite de rejet d’une réclamation intervient après la décision implicite de rejet mais dans le délai de recours, elle fait à nouveau courir le délai de recours.

[…]

5. Les recours visés au présent article sont instruits et jugés dans les conditions prévues par le règlement de procédure établi par la Cour de justice [de l’Union européenne].»

7        Le 24 mars 2006, le directeur d’Europol a adopté un document intitulé «Politique de détermination des grades et échelons du personnel d’Europol» (ci-après «politique sur les échelons 2006»).

8        L’article 5 de la politique sur les échelons 2006 dispose:

«1. Conformément à l’article 29 du [statut Europol], les échelons devront être accordés en fonction des critères suivants:

a)      un agent qui dépasse constamment ou fréquemment les attentes (notes 4 et 5) lors de sa première et de sa deuxième évaluation annuelle se verra accorder deux échelons;

b)      un agent qui ne répond pas aux attentes (note 1) ou qui n’y répond que partiellement (note 2) lors de sa première et de sa deuxième évaluation annuelle ne se verra accorder aucun échelon;

c)      tous les autres agents se verront accorder un échelon.

2. Si l’évaluation annuelle d’un agent a été effectuée selon la procédure adoptée par le conseil d’administration [au début de l’année 2001], la note moyenne devra être divisée par deux et arrondie au nombre entier le plus proche compris entre 1 et 5, afin de permettre l’application du paragraphe 1 ci-dessus.»

9        Aux termes de la note de bas de page relative à l’article 5, paragraphe 2, de la politique sur les échelons 2006, «[c]eci signifie qu’une note moyenne […] comprise entre 2,5 et 3,49 sera arrondie à 3, une note moyenne comprise entre 3,5 et 4,49 sera arrondie à 4 […] (la note moyenne désignant la note telle qu’attribuée sous l’empire de la procédure d’évaluation antérieure divisée par deux).»

10      Le 2 juin 2007, le directeur d’Europol a adopté une décision fixant les règles en matière de délégation de signature au sein d’Europol (ci-après la «décision du 2 juin 2007»).

11      L’article 2 de la décision du 2 juin 2007, intitulé «Délégation de signature», prévoit, au paragraphe 4:

«Pour les documents qui doivent être signés par le directeur, une délégation standard ou exceptionnelle à un autre signataire sera d’application conformément à l’annexe 1 de la présente décision […] En cas de délégation exceptionnelle, le signataire qui aura signé pour le directeur en informera immédiatement ce dernier, dès le retour de celui-ci, par l’intermédiaire de l’unité ‘Soutien à la Direction’ et du secrétariat ‘Gouvernance de l’Office’.»

12      L’annexe 1 de la décision du 2 juin 2007 prévoit, pour les décisions statuant sur les réclamations ou les plaintes internes, le régime de la délégation exceptionnelle au bénéfice du directeur adjoint du département «Gouvernance de l’Office».

13      Le 25 février 2008, en présence de M. Alvarez, chef de l’unité «Ressources humaines», les chefs d’unité du département «Formes graves de criminalité» se sont réunis. Le compte rendu de cette réunion (ci-après le «compte rendu du 25 février 2008») est libellé comme suit:

«1. Ressources humaines – Nouvelle procédure d’évaluation

M. Alvarez a donné aux chefs d’unité les informations suivantes à propos des modifications récentes introduites dans la procédure d’évaluation du personnel. […]

Il n’y a pas eu de modifications du formulaire A (autoévaluation). Toutefois, la structure du formulaire B a été modifiée […]

M. Alvarez a indiqué qu’un échelon de mérite par an serait accordé, pourvu qu’il ressorte de l’évaluation de l’agent concerné que ce dernier “répond pleinement aux attentes”.

[…]

M. Alvarez a précisé que la nouvelle procédure d’évaluation entrerait en vigueur à partir du 1er juillet 2008.

M. Salgó a ajouté que pendant la période comprise entre ce jour et le 30 mai 2008, il accepterait les formulaires d’évaluation antérieurs mais qu’à partir du 1er juin 2008, il n’accepterait que le nouveau formulaire [...]»

14      Par décision du 6 avril 2009, entrée en application le 1er janvier 2010 conformément à son article 64, le Conseil a créé l’Office européen de police (JO L 121, p. 37), entité de l’Union qui est, en vertu de l’article 1er de ladite décision, le successeur juridique d’Europol institué par la convention Europol.

 Faits à l’origine du litige

15      Il ressort du dossier que le requérant est entré au service d’Europol le 1er avril 2006 en qualité de chef d’unité du département «Formes graves de criminalité».

16      La première évaluation annuelle du requérant a porté sur la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2007. Le rapport établi à la suite de cette évaluation, daté du 28 juin 2007, attribuait au requérant la note de 3 sur une échelle de 1 à 5 (ci-après le «premier rapport d’évaluation»).

17      La deuxième évaluation annuelle de l’intéressé a porté sur la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2008. Le rapport établi à la suite de cette évaluation, daté du 12 juin 2008, attribuait au requérant la note de 4 sur une échelle de 1 à 5 (ci-après le «deuxième rapport d’évaluation»).

18      Par décision du 14 juillet 2008, le directeur d’Europol a accordé au requérant un avancement d’un échelon à compter du 1er avril 2008.

19      Par lettre du 6 octobre 2008, reçue par Europol le même jour, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de la décision du directeur d’Europol du 14 juillet 2008 sur le fondement de l’article 92, paragraphe 2, du statut Europol, en faisant valoir qu’il estimait avoir droit à un avancement de deux échelons.

20      La réclamation du requérant a été rejetée par décision du 19 janvier 2009, signée par délégation pour le directeur d’Europol par M. Simancas, directeur-adjoint du département «Formes graves de criminalité».

 Conclusions des parties et procédure

21      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler la décision du 19 janvier 2009, portant rejet de sa réclamation dirigée contre la décision du 14 juillet 2008, et annuler également cette dernière décision;

–        condamner Europol aux dépens, en ce compris les honoraires de ses représentants.

22      Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours comme non fondé;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

23      Suite au dépôt du mémoire en défense, un deuxième échange de mémoires a eu lieu.

24      Par courrier du 3 mars 2010, le Tribunal a invité les parties à répondre à des mesures d’organisation de la procédure et à lui faire part de leurs observations sur la proposition de statuer sans audience, sur le fondement de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, compte tenu du fait qu’un double échange de mémoires avait eu lieu.

25      Respectivement les 15 et 16 mars 2010, le requérant et Europol ont déféré à ces mesures d’organisation de la procédure et déclaré l’un et l’autre qu’ils n’avaient pas d’objection à formuler à la proposition du Tribunal de statuer sans audience.

 Sur l’objet du recours

26      Le requérant sollicite, outre l’annulation de la décision du directeur d’Europol du 14 juillet 2008 par laquelle ce dernier ne lui a accordé qu’un seul échelon, l’annulation de la décision du 19 janvier 2009, portant rejet de sa réclamation dirigée contre la décision du 14 juillet 2008.

27      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la réclamation administrative et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe. Dans ces conditions, le recours au Tribunal, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal de l’acte ou des actes faisant grief contre lesquels la réclamation a été présentée (voir, notamment, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, Rec. p. 23, point 8; arrêt du Tribunal du 11 septembre 2008, Spee/Europol, F‑121/06, non encore publié au Recueil, point 22).

28      En l’espèce, il y a donc lieu de considérer que les conclusions en annulation de la décision du 19 janvier 2009 se confondent avec les conclusions en annulation de la décision du 14 juillet 2008 et que la requête est dirigée contre la décision du directeur d’Europol du 14 juillet 2008 (ci-après la «décision attaquée»).

 Sur la recevabilité du recours

 Arguments des parties

29      En réponse au deuxième moyen invoqué par le requérant, tiré de l’illégalité de la politique sur les échelons 2006, Europol fait valoir que, en cas de déclaration d’illégalité de cette décision à caractère général, avec pour conséquence l’annulation de la décision attaquée, le requérant n’a pas de garantie d’obtenir les deux échelons qu’il réclame au lieu de l’échelon accordé. Europol conclut ainsi au défaut d’intérêt à agir du requérant.

30       Le requérant conteste la fin de non-recevoir soulevée par Europol.

 Appréciation du Tribunal

31      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où le requérant a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques (arrêt de la Cour du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AZKO Chemie UK/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 21; arrêts du Tribunal de première instance du 14 septembre 1995, Antillean Rice Mills e.a./Commission, T‑480/93 et T‑483/93, Rec. p. II-2305, points 59 et 60, et la jurisprudence citée, et du 20 juin 2001, Euroalliages/Commission, T‑188/99, Rec. p. II-1757, point 26) ou, selon une autre formule, que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêt du Tribunal de première instance du 28 septembre 2004, MCI/Commission, T‑310/00, Rec. p. II‑3253, point 44).

32      En l’espèce, dans l’hypothèse où l’exception d’illégalité de la politique sur les échelons 2006 serait accueillie et ladite politique déclarée illégale, ce qui entraînerait par voie de conséquence l’annulation de la décision attaquée, il n’est pas exclu que la nouvelle politique qui serait adoptée en matière de détermination des échelons soit plus favorable au requérant en ce sens qu’il pourrait se voir accorder plus d’un échelon pour ses performances pour la période allant du 1er avril 2006 au 31 mars 2008. Le Tribunal considère donc que le requérant a un intérêt à agir et, dès lors, que le recours est recevable.

 Sur le bien-fondé du recours en annulation

33      À l’appui de son recours, le requérant invoque quatre moyens.

34      Le premier moyen concerne uniquement la décision du 19 janvier 2009 portant rejet de la réclamation et est pris de l’incompétence du signataire de cette décision. Les trois autres moyens ont trait à la décision attaquée et sont tirés, en substance:

–        de l’illégalité de la politique sur les échelons 2006, en ce qu’elle a été adoptée en violation de l’article 29 du statut Europol;

–        à titre subsidiaire, de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, de la politique sur les échelons 2006, en ce que cette disposition viole tant le principe selon lequel l’examen comparatif des mérites doit se faire avec soin, en équité et dans l’intérêt du service, que le principe d’égalité de traitement;

–        de la violation de l’article 29 du statut Europol en ce que le directeur d’Europol a dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation.

35      Étant donné qu’il convient de garder pour la fin l’examen du premier moyen, le Tribunal analysera d’abord les trois derniers moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’illégalité de la politique sur les échelons 2006 en ce qu’elle aurait été adoptée en violation de l’article 29 du statut Europol

 Arguments des parties

36      Par son deuxième moyen, le requérant soutient que la politique sur les échelons 2006, adoptée par le directeur d’Europol en exécution de l’article 29 du statut Europol et sur le fondement de laquelle un seul échelon lui aurait été accordé, n’est pas «contraignante» car elle n’a pas été arrêtée par le conseil d’administration d’Europol, comme l’exigerait l’article 29 du statut Europol. S’il est vrai qu’Europol, dans sa décision du 19 janvier 2009 portant rejet de la réclamation, renvoie à un compte rendu d’une réunion du conseil d’administration d’Europol d’octobre 2004, il ne ressortirait pas de ce compte rendu que le conseil d’administration aurait arrêté la procédure d’évaluation figurant dans la politique sur les échelons 2006.

37      Selon Europol, le moyen est irrecevable pour défaut de concordance entre la réclamation et la requête dans la mesure où ce moyen n’aurait pas été soulevé au stade de la réclamation. À titre subsidiaire, Europol estime que le moyen n’est pas fondé.

38      Dans sa réplique, le requérant soutient qu’il y a bien concordance entre les moyens soulevés dans la réclamation et ceux présentés dans la requête. Le deuxième moyen s’inscrirait dans la suite logique de sa réclamation dans laquelle il a allégué que l’application de la politique sur les échelons 2006 conduit à un traitement injuste et discriminatoire, ce qui reviendrait à contester le caractère «contraignant» de cette politique. Quant au fond, le requérant estime que l’arrêt du Tribunal de première instance du 22 mars 2006, Mausolf/Europol (T‑209/02 et T‑210/04, RecFP p. I‑A‑2‑79 et II‑A‑2‑335), cité par Europol pour sa défense, conforte précisément sa thèse, et non celle d’Europol.

 Appréciation du Tribunal

–       Considérations liminaires

39      Il convient d’observer que, tant dans la requête que dans le mémoire en réplique, le deuxième moyen manque de précision.

40      En premier lieu, même si, à la lettre, le requérant soutient que la politique sur les échelons 2006 «n’est pas contraignante», il ressort de l’ensemble de ses écritures qu’en réalité il en conteste la légalité et non le caractère contraignant.

41      En second lieu, l’intitulé donné par le requérant à son deuxième moyen, selon lequel «[l]es règles arrêtées par le directeur en exécution de l’article 29 du statut [Europol] [politique sur les échelons de 2006] ne sont pas, pour ce qui nous intéresse ici, contraignantes en ce qu’elles n’ont pas été arrêtées par le conseil d’administration», prête également à confusion. En effet, les seules règles arrêtées par le directeur d’Europol en exécution de l’article 29 du statut Europol, et dont le requérant conteste le caractère contraignant, sont celles qui figurent à l’article 5 de la politique sur les échelons 2006. Or, il ressort de l’ensemble des écritures du requérant qu’il conteste la légalité, non seulement de l’article 5 de la politique sur les échelons 2006, mais de toutes les dispositions de la politique sur les échelons 2006.

42      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le deuxième moyen est tiré de l’illégalité de la politique sur les échelons 2006.

–       Sur la recevabilité du moyen

43      En ce qui concerne la fin de non-recevoir soulevée par Europol pour violation de la règle de concordance entre la réclamation et le recours, il convient de rappeler que cette règle exige, en substance, qu’il y ait concordance entre l’objet et la cause de la requête et l’objet et la cause de la réclamation. À cet égard, le Tribunal a jugé qu’une interprétation souple de cette exigence s’impose. Ainsi, la règle de concordance ne saurait intervenir qu’au seul cas où le recours contentieux modifie l’objet de la réclamation, ou sa cause, cette dernière notion de «cause» étant à interpréter au sens large. Suivant une telle interprétation, et s’agissant des conclusions en annulation, par «cause du litige» il convient d’entendre la contestation par le requérant de la légalité interne de l’acte attaqué ou, alternativement, la contestation de sa légalité externe (arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement, F‑45/07, non encore publié au Recueil, points 109, 115 et 119, et la jurisprudence citée).

44      S’agissant des exceptions d’illégalité, quand bien même elles se rapporteraient à une autre cause juridique que celle apparaissant dans la réclamation, le Tribunal a jugé (arrêt Mandt/Parlement, précité, point 121) que «leur irrecevabilité pour non-respect de la règle de concordance romprait l’équilibre entre la sauvegarde des droits procéduraux du fonctionnaire et la finalité de la procédure précontentieuse et constituerait une sanction disproportionnée et injustifiée pour le fonctionnaire. En effet, en raison de la nature intrinsèquement juridique d’une exception d’illégalité, ainsi que du raisonnement qui conduit l’intéressé à rechercher et soulever une telle illégalité, il ne saurait être exigé du fonctionnaire ou agent qui introduit la réclamation, et qui ne dispose pas nécessairement des compétences juridiques appropriées, de formuler une telle exception au stade précontentieux, et ce sous peine d’irrecevabilité par la suite. Ceci d’autant que, soulever une exception d’illégalité au stade précontentieux semble peu susceptible de conduire à ce que le réclamant obtienne gain de cause à ce stade, car il est improbable que l’administration choisisse de laisser inappliquée une disposition en vigueur, qui méconnaîtrait éventuellement une règle de rang supérieur, dans le seul but de permettre la résolution extrajudiciaire du différend».

45      Il s’ensuit que la présentation, uniquement au stade de la requête, du moyen tiré de l’illégalité de la politique sur les échelons 2006 ne méconnaît pas la règle de concordance.

46      Le moyen étant recevable, il convient de l’examiner au fond.

–       Sur le fond

47      Le requérant fait valoir que la politique sur les échelons 2006 est illégale car elle aurait été adoptée par une autorité incompétente.

48      Le système en vigueur à Europol prévoit deux procédures distinctes: d’une part, la notation, objet de l’article 28 du statut Europol et relevant de la compétence de l’évaluateur et, d’autre part, l’avancement d’échelons, prévu par l’article 29 du statut Europol et dont la compétence revient au directeur d’Europol. Le régime juridique applicable à l’avancement d’échelon des agents d’Europol se distingue de celui applicable à la notation. Ces deux types de décisions ont un objet distinct et relèvent de deux autorités compétentes différentes (arrêts du Tribunal Spee/Europol, précité, points 40 et 46, et du 7 juillet 2009, Bernard/Europol, F‑99/07 et F‑45/08, non encore publié au Recueil, point 54).

49      Le requérant affirme que son point de vue, repris au point 36 ci-dessus, a été celui du Tribunal dans l’arrêt Mausolf/Europol, précité. Toutefois, le requérant procède à une lecture erronée de cet arrêt. En effet, selon cet arrêt, il ressort du libellé de l’article 29, premier alinéa, première phrase, du statut Europol, dans plusieurs versions linguistiques, telles que l’espagnole, l’allemande, l’anglaise, la française et la néerlandaise, que les décisions du directeur d’Europol portant sur l’attribution des échelons bisannuels au personnel d’Europol sont adoptées sur le fondement d’une «évaluation» qui tient compte des performances de chaque agent concerné. Il s’ensuit que, lorsque l’article 29, premier alinéa, troisième phrase, du statut Europol prescrit que «les modalités précises de la procédure d’évaluation sont arrêtées par le conseil d’administration», cette disposition renvoie à la procédure selon laquelle les performances des agents d’Europol sont évaluées et notées (arrêt Mausolf/Europol, précité, point 37).

50      Les dispositions de l’article 29, premier alinéa, troisième phrase, du statut Europol, selon laquelle le conseil d’administration, sur proposition du directeur et après consultation du comité du personnel, fixe les modalités précises de la procédure à travers laquelle les prestations des agents d’Europol sont évaluées et notées n’exigent donc pas que le conseil d’administration d’Europol arrête les modalités de la procédure relative à l’avancement d’échelon.

51      Au vu de ce qui précède, le requérant n’est pas fondé à soutenir que la décision attaquée a été prise sur la base d’une réglementation illégale, à savoir, la politique sur les échelons 2006, au motif que cette politique n’aurait pas été arrêtée, comme l’exigerait l’article 29 du statut Europol, par le conseil d’administration d’Europol.

52      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, invoqué à titre subsidiaire, tiré de l’illégalité de l’article 5, paragraphe 1, de la politique sur les échelons 2006 en ce que cette disposition violerait tant le principe selon lequel l’examen comparatif des mérites doit se faire avec soin, en équité et dans l’intérêt du service, que le principe d’égalité de traitement

 Arguments des parties

53      Le requérant rappelle que l’article 29 du statut Europol concerne une matière dans laquelle les autorités compétentes doivent en principe disposer d’un large pouvoir d’appréciation, et qu’aux termes mêmes de la politique sur les échelons 2006 ce «pouvoir discrétionnaire doit obéir à de solides principes». Or, le régime de récompenses de l’article 5 de ladite politique violerait ces «solides principes», en particulier, le principe selon lequel l’examen comparatif des mérites doit se faire avec soin, en équité et dans l’intérêt du service, en ce qu’il donnerait lieu à des récompenses qui ne sont pas graduellement proportionnées. En effet, deux notes annuelles successives de 1 et 3 entraîneraient la même récompense que les notes de 3 et 5, alors que des notes annuelles successives de 2 et 2 ou de 4 et 4, qui aboutiraient à la même moyenne mathématique que les notes antérieures, seraient récompensées par l’attribution de respectivement zéro et deux échelons. Le requérant ajoute que ce manque de proportionnalité implique également une inégalité de traitement en fonction de la position occupée par l’agent concerné sur l’échelle de notation, étant donné que des prestations classées de mauvaises à médiocres seraient aussi bien récompensées que des prestations classées de bonnes à excellentes.

54      Selon Europol, les écritures du requérant ne permettent pas de savoir s’il entend soulever une exception d’illégalité à l’encontre de l’article 5 de la politique sur les échelons 2006 ou s’il conteste la manière dont Europol a appliqué cette disposition à son égard. Dans l’hypothèse où il s’agirait d’une exception d’illégalité, Europol considère qu’elle est irrecevable pour violation de la règle de concordance entre la réclamation et le recours, car elle n’a pas été soulevée au stade de la réclamation. En tout état de cause, le moyen serait non fondé.

 Appréciation du Tribunal

–       Considération liminaire

55      Le libellé de l’article 5 de la politique sur les échelons 2006 révèle que le directeur d’Europol ne dispose pas de pouvoir discrétionnaire quand il attribue les échelons étant donné que ladite disposition fait dépendre l’octroi d’un échelon, de deux échelons, voire l’absence d’attribution d’échelon, de la note globale figurant dans chacun des deux derniers rapports de notation. Le Tribunal considère donc que le requérant ne conteste pas l’application qui lui a été faite dudit article, mais qu’il a souhaité soulever une exception d’illégalité à son encontre. Il ressort en outre du dossier que l’exception d’illégalité n’est soulevée qu’à l’égard du paragraphe 1 de l’article 5 de la politique sur les échelons 2006.

56      Ayant clarifié l’étendue du troisième moyen, il y a lieu d’examiner s’il est recevable.

–       Sur la recevabilité du moyen

57      S’agissant de la recevabilité d’une exception d’illégalité non soulevée dans la réclamation, le Tribunal a déjà déclaré, au point 44 supra, que l’irrecevabilité des exceptions d’illégalité pour non-respect de la règle de concordance romprait l’équilibre entre la sauvegarde des droits procéduraux de l’agent et la finalité de la procédure précontentieuse et constituerait une sanction disproportionnée et injustifiée pour l’agent.

58      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être déclaré recevable et, dès lors, qu’il convient de l’examiner au fond.

–       Sur le fond

59      En vertu de l’article 29 du statut Europol, le directeur peut accorder au maximum deux échelons par période de deux ans, sur le fondement d’une évaluation et en tenant compte des prestations de l’intéressé. L’application de cet article relève d’un domaine dans lequel il convient de reconnaître au directeur d’Europol une large marge d’appréciation, à l’instar de celle qui est, selon une jurisprudence constante, reconnue à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN») dans l’application de l’article 45 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le «statut») (arrêt Mausolf/Europol, précité, point 67).

60      Selon la jurisprudence, pour évaluer les mérites à prendre en considération dans le cadre d’une décision de promotion au titre de l’article 45 du statut, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation et le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le Tribunal ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et des mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêt du Tribunal du première instance du 13 avril 2005, Nielsen/Conseil, T‑353/03, RecFP p. I‑A‑95 et II‑443, point 58, et la jurisprudence citée). Cependant, selon cette même jurisprudence, le pouvoir discrétionnaire ainsi reconnu à l’administration est limité par la nécessité de procéder à l’examen comparatif des candidatures avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement (arrêts Nielsen/Conseil, précité, point 59, et Mausolf/Europol, précité, point 68).

61      En l’espèce, l’article 5, paragraphe 1, de la politique sur les échelons 2006 détermine les critères d’attribution des échelons. En se fondant sur les deux dernières évaluations annuelles, le directeur d’Europol accorde deux échelons aux agents ayant dépassé constamment ou fréquemment les attentes, aucun échelon à ceux n’ayant que partiellement ou pas du tout répondu aux attentes, et un échelon à tous les autres agents.

62      Il ressort de l’article 5, paragraphe 1, de la politique sur les échelons 2006 que le directeur d’Europol n’accorde deux échelons que dans les seuls cas où l’agent concerné a réalisé des prestations particulièrement excellentes et ne s’est pas limité à répondre aux attentes pendant chacune des deux années de la période de référence. Ces critères, certes très exigeants, visent à récompenser la continuité de l’effort. Il ne peut être nié que la politique visant à inciter les agents à persister dans leurs efforts pour dépasser les attentes, politique adoptée par le directeur d’Europol dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 29 du statut Europol, poursuit l’intérêt du service.

63      Dans la mesure où, comme signalé au point 55 supra, le directeur d’Europol ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire dans l’application de l’article 5, paragraphe 1, de la politique sur les échelons 2006 et se doit de respecter strictement les critères fixés par ladite disposition, l’encadrement par lesdits critères de son pouvoir en matière d’avancement d’échelon permet précisément au directeur de veiller à ce que les candidatures soient examinées avec soin, de façon équitable et dans le respect du principe d’égalité de traitement.

64      Au vu des considérations qui précèdent, le requérant n’est pas fondé à soutenir que l’article 5, paragraphe 1, de la politique sur les échelons de 2006 est entaché d’illégalité.

65      Il s’ensuit que le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 29 du statut Europol en ce que le directeur d’Europol aurait dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation

 Arguments des parties

66      Par son quatrième moyen, le requérant soutient que, en ne lui accordant qu’un seul échelon, le directeur d’Europol a outrepassé les limites du pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu par l’article 29 du statut Europol, en ce qu’il n’a pas comparé les prestations des candidats avec soin et impartialité, dans l’intérêt du service et conformément au principe d’égalité de traitement.

67      Le requérant se prévaut à cet égard du compte rendu du 25 février 2008. Il ressortirait de ce compte rendu que le chef de l’unité «Ressources humaines» d’Europol aurait informé les chefs d’unité présents à la réunion des modifications récentes intervenues dans la procédure d’évaluation, de ce que l’agent qui aurait «pleinement répondu aux exigences» se verrait accorder un échelon par an, que le formulaire d’évaluation B avait été modifié, et que la nouvelle procédure d’évaluation deviendrait effective le 1er juillet 2008. En outre, un autre participant à la même réunion aurait indiqué que l’ancien formulaire d’évaluation B serait encore accepté jusqu’au 30 mai 2008, laissant entrevoir qu’il y aurait une période transitoire pendant laquelle l’ancien formulaire B pourrait être utilisé en parallèle avec le nouveau formulaire B.

68      Le requérant estime en premier lieu que, compte-tenu de l’annonce, lors de la réunion du 25 février 2008, de modifications intervenues dans la procédure d’évaluation et du nouveau critère d’attribution d’un échelon par an, et étant donné que selon son premier et son deuxième rapport d’évaluation il répondait pleinement aux exigences de son poste, il pouvait être confiant dans le fait que deux échelons lui seraient accordés.

69      En deuxième lieu, le requérant observe que ses deux rapports d’évaluation ont été établis sur des anciens formulaires B, alors que le deuxième rapport d’évaluation aurait pu être réalisé, au choix du notateur, sur un nouveau formulaire B. Or, l’utilisation simultanée pendant une période transitoire de deux formulaires différents de notation, qui se fondent chacun sur une méthode d’évaluation différente, méconnaîtrait le principe d’égalité de traitement.

70      Par souci d’exhaustivité, le requérant indique que la politique sur les échelons 2006 a été remplacée par une décision du directeur d’Europol du 26 août 2008 dénommée «Politique de détermination des grades et échelons du personnel d’Europol» (ci-après «politique sur les échelons 2008»). Même si le requérant admet que cette politique sur les échelons 2008 ne lui est pas applicable en l’espèce, le régime de récompenses contenu dans cette politique corroborerait sa thèse selon laquelle il aurait droit à deux échelons, un pour chaque année pendant laquelle ses performances ont été jugées satisfaisantes.

71      Dans son mémoire en réplique, le requérant a précisé qu’il n’avait pas invoqué le compte rendu du 25 février 2008 dans le but de faire valoir une confiance légitime quant à l’attribution de deux échelons, plutôt que d’un seul.

72      Europol estime que le moyen n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

73      En premier lieu, le Tribunal observe que le requérant invoque dans sa requête la violation du principe d’égalité de traitement ainsi que, vraisemblablement, celle du principe de protection de la confiance légitime. Or, dans son mémoire en réplique, en réponse à Europol, le requérant dément avoir eu l’intention de soulever la violation de ce dernier principe.

74      Au cas où le Tribunal devrait considérer que le requérant invoque quant même le principe de la protection de la confiance légitime lorsqu’il fait référence au compte rendu du 25 février 2008, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui est un des principes fondamentaux du droit de l’Union, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, a fait naître chez l’intéressé des espérances conformes aux dispositions du statut Europol et aux normes applicables en général (voir, par exemple, arrêts du Tribunal du 4 septembre 2008, Lafili/Commission, F-22/07, non encore publié au Recueil, point 111, et la jurisprudence citée, et du 30 novembre 2009, Ridolfi/Commission, F‑3/09, non encore publié au Recueil, point 70, et la jurisprudence citée).

75      En l’espèce, il ressort du libellé du compte rendu du 25 février 2008 que celui-ci ne contient aucune assurance précise, inconditionnelle et concordante selon laquelle deux échelons devraient être accordés au requérant. En effet, il ne peut être déduit d’aucune disposition de ce compte rendu que les prestations du requérant pendant la période du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 auraient dû être évaluées selon une nouvelle procédure, ni qu’à la date du 25 février 2008 le directeur d’Europol avait adopté la nouvelle politique de détermination des grades et échelons ni même que, en vertu de la nouvelle politique sur les échelons 2008, le requérant aurait pu s’attendre à recevoir deux échelons.

76      Il y a lieu de rappeler que, la décision attaquée étant une décision en matière d’avancement d’échelon et non une décision en matière de notation, c’est la politique sur les échelons 2006, et non la réglementation relative à l’évaluation des prestations des agents, qui constituait le cadre juridique pertinent lorsque le directeur d’Europol a arrêté, le 14 juillet 2008, la décision attaquée.

77      Ainsi, même à supposer que les prestations du requérant pour la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 auraient dû être évaluées selon une procédure de notation différente de celle qui a été employée pour l’établissement du deuxième rapport d’évaluation, compte tenu du fait que le régime juridique applicable à l’avancement d’échelon se distingue de celui applicable à la notation et qu’aucune norme n’impose que l’avancement d’échelon soit régi par les règles d’évaluation applicables à l’époque de l’établissement de la notation (arrêt Spee/Europol, précité, point 46), l’évaluation des prestations du requérant pour la période allant du 1er avril 2007 au 31 mars 2008 selon une procédure qui n’aurait plus été en vigueur serait sans incidence sur la décision attaquée.

78      Étant donné qu’il ressort du dossier, et qu’il n’est pas contesté, qu’à la date du 14 juillet 2008 la politique sur les échelons 2006 était toujours applicable, celle-ci n’ayant été abrogée qu’à l’entrée en vigueur de la politique sur les échelons 2008, le directeur d’Europol ne pouvait statuer sur l’avancement d’échelons du requérant que conformément à la politique sur les échelons 2006 (voir, en ce sens, arrêt Spee/Europol, précité, points 44 et 45).

79      S’agissant, en second lieu, de l’allégation tirée de la violation du principe d’égalité de traitement, il résulte du dossier que le notateur a commencé la rédaction du deuxième rapport d’évaluation le 16 avril 2008, que ce rapport a été finalisé le 12 juin suivant et que le formulaire employé est identique à celui utilisé pour le premier rapport d’évaluation. Il ressort par ailleurs de la politique sur les échelons 2008 que les formulaires d’évaluation ont été modifiés en mars 2008. Dès lors, il est constant que, pendant une période déterminée, deux types de formulaires d’évaluation ont été simultanément disponibles. Selon le compte rendu du 25 février 2008, l’utilisation des deux types de formulaires était permise jusqu’au 30 mai 2008, date à partir de laquelle seuls les nouveaux formulaires ont été autorisés.

80      À cet égard, si le requérant estimait que le formulaire employé pour son deuxième rapport d’évaluation lui avait causé un grief en ce qu’il avait violé son droit de bénéficier de l’égalité de traitement, il aurait dû contester son deuxième rapport d’évaluation en présentant une réclamation conformément à l’article 92, paragraphe 2, du statut Europol. Or, le requérant n’a pas procédé de la sorte et son deuxième rapport est donc devenu définitif.

81      Dès lors, en soulevant la violation du principe d’égalité de traitement à l’encontre de la décision attaquée, le requérant semble avoir souhaité échapper à l’application des dispositions du statut Europol qui lui interdisent de remettre en cause la légalité de son deuxième rapport d’évaluation. Or, un agent d’Europol qui n’a pas attaqué dans les délais prévus à l’article 92 du statut Europol une décision lui faisant grief ne saurait se prévaloir de la prétendue illégalité de cette décision dans le cadre d’un recours en annulation contre une autre décision lui faisant grief (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal de première instance du 29 février 1996, Lopes/Cour de justice, T-547/93, RecFP p. I-A-63 et II-185, point 128, et du 27 septembre 2006, Lantzoni/Cour de justice, T-156/05, RecFP p. I-A-2-189 et II-A-2-969, point 103).

82      Au vu de ces considérations, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompétence du signataire de la décision du 19 janvier 2009 portant rejet de la réclamation

 Arguments des parties

83      Le requérant soutient que M. Simancas, directeur adjoint du département «Formes graves de criminalité», n’était pas compétent pour signer la décision du 19 janvier 2009 portant rejet de sa réclamation, étant donné que l’article 2, paragraphe 4, de la décision du 2 juin 2007, lu en combinaison avec les dispositions de l’annexe 1 de cette décision relatives aux décisions statuant sur les réclamations ou les plaintes internes, impose, en l’absence du directeur d’Europol, une délégation exceptionnelle en faveur du directeur adjoint du département «Gouvernance de l’Office». Dès lors que M. Simancas n’était pas compétent pour signer la décision du 19 janvier 2009, celle-ci devrait être annulée.

84      La défenderesse soutient que le moyen n’est pas fondé.

 Appréciation du Tribunal

85      Le requérant estime que la décision du 19 janvier 2009 portant rejet de sa réclamation contre la décision attaquée est entachée du vice d’incompétence et devrait donc être annulée. Toutefois, le Tribunal ayant déjà examiné la légalité de la décision attaquée, la question se pose de savoir s’il est encore nécessaire pour le Tribunal de se prononcer sur un moyen dirigé contre la décision du 19 janvier 2009. En effet, l’objet de la procédure de la réclamation précontentieuse est précisément d’apprécier la légalité de la décision initiale.

86      Or, lorsque le Tribunal, après avoir examiné la légalité de la décision attaquée ayant fait l’objet d’une réclamation préalable, parvient, comme en l’espèce, à la même conclusion que l’AIPN, à savoir que les griefs formés contre ladite décision doivent être rejetés et qu’il y a donc lieu de rejeter la réclamation, il n’existe plus d’intérêt pour le Tribunal à statuer sur un moyen invoqué à l’appui de conclusions dirigées contre la décision de rejet de la réclamation. Ces conclusions se confondent en effet avec celles tendant à l’annulation de la décision attaquée (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 30 novembre 2009, De Nicola/BEI, F‑55/08, non encore publié au Recueil, point 197, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑37/10 P).

87      Par suite, les conclusions dirigées contre la décision du 19 janvier 2009 portant rejet de la réclamation se confondant avec celles dirigées contre la décision attaquée, elles doivent être rejetées par voie de conséquence du rejet de ces dernières conclusions.

88      Il y a lieu d’ajouter, en outre, que, à supposer même que le Tribunal considère que la décision du 19 janvier 2009 portant rejet de la réclamation soit entachée d’incompétence et doive, dès lors, être annulée, une telle annulation laisserait subsister la décision attaquée.

89      Au vu des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91      Europol a, dans ses conclusions, demandé qu’il soit statué sur les dépens comme de droit. Cette conclusion ne saurait être considérée comme une demande tendant à la condamnation aux dépens de la partie requérante (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 9 juin 1992, Lestelle/Commission, C‑30/91 P, Rec. p. I‑3755, point 38, et du 29 avril 2004, Parlement/Ripa di Meana e.a., C‑470/00 P, Rec. p. I‑4167, point 86; arrêt du Tribunal du 24 février 2010, P/Parlement, F‑89/08, non encore publié au Recueil, point 127, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑213/10 P). Il y a donc lieu de faire supporter à chacune des parties ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête:

1)      Le recours de M. van Heuckelom est rejeté.

2)      Chaque partie supporte ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2010.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni

Les textes de la présente décision ainsi que des décisions des juridictions de l'Union européenne citées dans celle-ci sont disponibles sur le site internet www.curia.europa.eu


* Langue de procédure: le néerlandais.