Language of document : ECLI:EU:T:2014:253

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

14 mai 2014 (*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen des stabilisants thermiques étain – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE – Fixation des prix, répartition des marchés et échange d’informations commerciales sensibles – Durée de l’infraction – Amendes – Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Montant de base – Circonstances atténuantes – Capacité contributive – Égalité de traitement – Proportionnalité – Pouvoirs de pleine juridiction – Caractère approprié du montant de l’amende »

Dans l’affaire T‑30/10,

Reagens SpA, établie à San Giorgio di Piano (Italie), représentée par M. B. O’Connor, solicitor, Mes L. Toffoletti, E. De Giorgi et D. Gullo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. J. Bourke, F. Ronkes Agerbeek et P. Van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques), ou, à titre subsidiaire, une demande de réformation quant au montant de l’amende infligée à la requérante,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 septembre 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La présente affaire a trait à la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques) (ci-après la « décision attaquée », résumé au JO 2010, C 307, p. 9).

2        Par la décision attaquée, la Commission des Communautés européennes a considéré qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à deux ensembles d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels couvrant le territoire de l’EEE et concernant, d’une part, le secteur des stabilisants thermiques étain (ci-après les « stabilisants étain ») et, d’autre part, le secteur de l’huile de soja époxydée et des esters (ci-après le « secteur ESBO/esters »).

3        La décision attaquée retient l’existence de deux infractions portant sur ces deux catégories de stabilisants thermiques, lesquels constituent des produits ajoutés aux produits à base de polychlorure de vinyle (PVC) afin d’améliorer leur résistance thermique (considérant 3 de la décision attaquée).

4        Selon l’article 1er de la décision attaquée, chacune de ces infractions a consisté à fixer les prix, à répartir les marchés par le biais de quotas de vente, à répartir les clients et à échanger des informations commerciales sensibles, en particulier sur les clients, la production et les ventes.

5        La décision attaquée énonce que les entreprises concernées ont participé à ces infractions au cours de diverses périodes comprises entre le 24 février 1987 et le 21 mars 2000, pour les stabilisants étain, et entre le 11 septembre 1991 et le 26 septembre 2000, pour le secteur ESBO/esters.

6        La requérante, Reagens SpA, dont le siège principal est à San Giorgio di Piano (Italie), est la société faitière d’un groupe international qui produit et vend des stabilisants étain et qui achète, pour les revendre, de l’huile de soja époxydée et des esters (considérant 63 de la décision attaquée).

7        La décision attaquée tient la requérante pour responsable en ce qu’elle a participé à l’infraction sur les stabilisants étain du 20 novembre 1992 au 21 mars 2000.

8        L’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée a été engagée à la suite de l’introduction par Chemtura d’une demande d’immunité, le 26 novembre 2002, en application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 ») (considérants 79 et 80 de la décision attaquée).

9        Les 12 et 13 février 2003, la Commission a effectué des inspections dans les locaux de CECA (France), de Baerlocher (Allemagne, France, Italie et Royaume-Uni), de la requérante (Italie), d’Akcros (Royaume-Uni) et de Rohm & Haas (France), en application de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204).

10      Au cours de l’inspection menée chez Akcros, les représentants de cette dernière ont indiqué aux fonctionnaires de la Commission que certains documents étaient couverts par la protection de la confidentialité des communications entre avocats et clients (considérant 81 de la décision attaquée). La revendication de cette protection a ensuite fait l’objet de procédures judiciaires intentées les 11 avril et 4 juillet 2003 devant le Tribunal, qui ont donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 17 septembre 2007, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission (T‑125/03 et T‑253/03, Rec. p. II‑3523), rejetant les recours (considérants 84 à 90 de la décision attaquée) (ci-après la « procédure judiciaire Akzo »).

11      Le 8 octobre 2007 et à plusieurs reprises en 2008, la Commission a envoyé aux entreprises impliquées, dont la requérante, des demandes de renseignements au titre de l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1) (considérants 91 et 92 de la décision attaquée).

12      Le 17 mars 2009, la Commission a adopté une communication des griefs qui a été notifiée à plusieurs sociétés, dont la requérante, le 18 mars 2009 (considérant 95 de la décision attaquée).

13      La requérante a répondu à la communication des griefs par courrier du 25 mai 2009.

14      Au cours de la procédure précédant l’adoption de la décision attaquée, la requérante a introduit une demande, rejetée par la Commission, fondée sur le point 35 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »).

15      Le 11 novembre 2009, la Commission a adopté la décision attaquée.

16      Le 27 novembre 2009, la requérante a demandé un nouvel accès à la version non confidentielle du dossier de la Commission, notamment quant aux documents relatifs à l’application du point 35 des lignes directrices de 2006 à l’égard de deux autres sociétés impliquées, dont Baerlocher.

17      La Commission a rejeté cette demande les 9 et 21 décembre 2009.

18      Le 5 janvier 2010, la requérante a saisi la Commission d’une demande confirmative d’accès auxdits documents.

19      Le 23 février 2010, la Commission a rejeté la demande confirmative de la requérante du 5 janvier 2010. La requérante a formé un recours contre cette décision(affaire T‑181/10, Reagens/Commission).

20      Le 8 janvier 2010, la requérante a déposé auprès du comptable de la Commission une demande par laquelle elle a sollicité la suspension de l’obligation de paiement de l’amende. Après réception de cette demande, un échange oral entre la requérante et les agents placés sous la responsabilité du comptable de la Commission a eu lieu à propos de la possibilité de fournir une garantie bancaire.

21      L’article 1er de la décision attaquée déclare la requérante responsable d’avoir participé à l’infraction portant sur les stabilisants étain du 20 novembre 1992 au 21 mars 2000.

22      En ce qui concerne son pouvoir d’infliger une amende à la requérante pour l’infraction susmentionnée, la Commission a rejeté les arguments avancés par les entreprises concernées selon lesquelles la suspension résultant de la procédure judiciaire Akzo, en vertu de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, s’appliquait seulement aux parties à ladite procédure, à savoir Akzo Nobel Chemicals Ltd et Akcros Chemicals Ltd. La Commission a, en effet, considéré que ladite suspension avait un effet erga omnes, de sorte que la prescription avait été suspendue à l’égard de toutes les entreprises concernées par l’enquête, y compris la requérante (considérants 672 à 682 de la décision attaquée).

23      Pour fixer le montant de l’amende, la Commission a fait application des lignes directrices de 2006.

24      L’article 2 de la décision attaquée énonce ce qui suit :

« Pour l’/(les) infraction(s) sur le marché des stabilisants étain […], les amendes suivantes sont infligées :

[…]

16)      Reagens est responsable pour le montant de 10 791 000 euros. »

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2010, la requérante a formé le présent recours.

26      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée.

27      Le 10 février 2010, le président du Tribunal a ordonné le sursis à l’exécution de l’article 2 de la décision attaquée en ce qui concerne la requérante, jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

28      Par ordonnance du président du Tribunal du 12 mai 2010, Reagens/Commission (T−30/10 R, non publiée au Recueil), la demande de la requérante visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée a été rejetée.

29      Par lettres déposées au greffe du Tribunal le 12 juillet 2011, la Commission a fait savoir que, à la lumière de l’arrêt de la Cour du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ ArcelorMittal Luxembourg e.a. (C‑201/09 P et C‑216/09 P, Rec. p. I−2239), elle retirait ses arguments selon lesquels la suspension de la prescription, en application de l’article 25, paragraphe 6, du règlement n° 1/2003, par la procédure judiciaire Akzo avait un effet erga omnes, y compris à l’égard de la requérante, ce dont le Tribunal a pris acte.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, d’inviter la requérante à répondre à des questions, en particulier à préciser clairement les numéros des points de la requête se rattachant à chacun des dix moyens énoncés au point 220 de celle-ci.

31      La requérante a déféré à cette demande dans le délai imparti et la Commission a fait valoir ses observations sur la réponse de la requérante.

32      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 19 septembre 2012.

33      Lors de l’audience, le Tribunal a invité la requérante à produire son chiffre d’affaires pour l’année 2011.

34      La requérante ayant déféré à cette demande dans le délai imparti, le Tribunal a invité la Commission à déposer ses observations éventuelles sur ledit document.

35      Ces observations ont été déposées dans le délai imparti.

36      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée ;

–        ordonner une mesure d’organisation de la procédure sur l’application du point 35 des lignes directrices de 2006 à l’égard de deux autres sociétés et concernant tous les éléments soumis par les destinataires de la décision attaquée après la notification de la communication des griefs ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.      

 En droit

38      Par le présent recours, la requérante demande au Tribunal, à titre principal, d’annuler la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée.

39      Au soutien de ses conclusions, la requérante fait valoir dix moyens qu’elle a énoncés au point 220 de sa requête.

40      Eu égard à la réponse apportée par la requérante à la question posée par le Tribunal quant aux différents points de la requête se rattachant et étayant ses dix moyens exposés au point 220 de celle-ci, il doit être considéré que la requérante soutient, premièrement, que la Commission a enfreint les principes de bonne administration et de confiance légitime (troisième moyen), deuxièmement, que la Commission a également enfreint les principes de bonne administration et du délai raisonnable (neuvième moyen), troisièmement, que la Commission a porté atteinte à ses droits de la défense (quatrième, cinquième et dixième moyens), quatrièmement, que, en substance, la Commission a violé l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’EEE (premier moyen), en ce qu’elle n’a pas établi l’existence de l’infraction au-delà de la période « 1996-1997 », de sorte que son action était prescrite (deuxième moyen), et, cinquièmement, que, concernant le montant de l’amende qui lui a été infligée dans la décision attaquée, la Commission a enfreint l’article 81 CE, par une application erronée des lignes directrices de 2006 (huitième moyen), ainsi que les principes d’égalité de traitement (sixième moyen) et de proportionnalité (septième moyen).

41      En outre, dans la réplique, la requérante excipe de l’irrecevabilité du mémoire en défense de la Commission, dès lors que cette dernière n’aurait pas répondu à la requête dans les formes et les délais requis.

 Sur la recevabilité du mémoire en défense de la Commission

42      Selon la requérante, le mémoire en défense qu’elle a reçu de la Commission mentionne qu’il s’agit d’une « copie conforme à l’original ». Or, si c’est le cas, la Commission n’a pas, selon la requérante, déposé un mémoire en défense respectant les formes exigées dans le délai requis, dès lors que ce mémoire ne serait pas signé, en violation de l’article 43 du règlement de procédure du Tribunal.

43      Dans le cas contraire, si la Commission soutient qu’un autre mémoire a finalement été dûment signé, cette dernière aurait également violé l’article 43, dès lors que le document signifié à la requérante ne serait pas une copie de ce document signé, que la Commission n’aurait pas communiqué un original et six copies du document comme requis et que le mémoire en défense n’aurait pas été déposé dans le délai prescrit.

44      La requérante prétend que, par conséquent, ses conclusions doivent lui être adjugées.

45      Si le Tribunal devait juger que le mémoire en défense de la Commission a été valablement déposé et que l’article 43 du règlement de procédure n’a pas été enfreint, la requérante affirme qu’il y aurait lieu de considérer qu’il ne lui a pas été signifié.

46      La Commission affirme avoir déposé son mémoire en défense dans les formes et les délais requis, de sorte qu’elle considère que les arguments de la requérante à cet égard sont dénués de tout fondement et que l’exception d’irrecevabilité de la requérante doit être rejetée.

47      À cet égard, d’une part, il convient de relever que l’original du mémoire en défense de la Commission, déposé au greffe du Tribunal dans les délais impartis, était dûment signé.

48      D’autre part, il ne ressort d’aucune disposition du règlement de procédure, ni des instructions pratiques aux parties, que les copies conformes à l’original, déposées au greffe du Tribunal avec l’original signé de l’acte de procédure et signifiées aux autres parties, doivent être également signées.

49      Partant, il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la requérante quant au mémoire en défense de la Commission.

 Sur la mesure d’organisation de la procédure sollicitée

50      Dans la requête, la requérante demande au Tribunal d’ordonner une mesure d’organisation de la procédure sur l’application du point 35 des lignes directrices de 2006 à l’égard de deux autres sociétés et concernant tous les éléments soumis par les destinataires de la décision attaquée après la notification de la communication des griefs.

51      La requérante rappelle avoir demandé à la Commission, le 27 novembre 2009, un nouvel accès à la version non confidentielle du dossier de la Commission dans cette affaire afin de comprendre certains arguments soumis par les autres destinataires de la décision, tant à propos des documents généraux soumis après la notification de la communication des griefs qu’à propos de la demande déposée par deux autres sociétés au titre du point 35 des lignes directrices de 2006.

52      La Commission aurait rejeté cette demande, le 9 décembre 2009, en violation des droits de la défense de la requérante.

53      Afin de remédier à cette violation, la requérante demande au Tribunal d’examiner la correspondance entre la Commission et les destinataires de la décision attaquée et tous les documents soumis entre le 18 mars 2009, date de la notification de la communication des griefs, et le 29 janvier 2010, date du dépôt de la requête, et d’ordonner à la Commission la production de ces documents et leur mise à sa disposition ou, de manière confidentielle, à ses conseils.

54      Par cette demande, il y a lieu de considérer que la requérante sollicite une mesure d’organisation, au sens de l’article 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure.

55      En vertu de cette disposition, le Tribunal peut ordonner aux parties la production de documents, pour assurer, dans les meilleures conditions, la mise en état des affaires, le déroulement des procédures et le règlement des litiges.

56      Cependant, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 93, et arrêt du Tribunal du 26 avril 2007, Bolloré e.a./Commission, T‑109/02, T‑118/02, T‑122/02, T‑125/02, T‑126/02, T‑128/02, T‑129/02, T‑132/02 et T‑136/02, Rec. p. II‑947, point 730).

57      Or, en l’espèce, force est de constater que la demande de la requérante ne remplit pas ces conditions.

58      En effet, d’une part, la requérante n’identifie aucunement les documents dont elle sollicite la production, sinon par référence à une période donnée de dix mois, qui couvre au demeurant une période de plus de deux mois après l’adoption de la décision attaquée.

59      Certes, au point 221 de la requête, elle demande expressément l’accès aux documents relatifs au point 35 des lignes directrices de 2006 concernant deux autres sociétés impliquées.

60      Toutefois, ces éléments du dossier ne sont pas visés dans les arguments au soutien de la demande, énoncés aux points 14 à 29 de la requête, de sorte que l’accès à ces documents n’est aucunement motivé.

61      D’autre part, force est également de constater que, au soutien de la demande, la requérante ne fournit aucun élément accréditant l’utilité des documents sollicités pour les besoins de l’instance, sinon en invoquant, de manière aucunement étayée, une violation de ses droits de la défense.

62      Partant, il y a lieu de rejeter la demande de mesure d’organisation de la procédure.

 Sur le troisième moyen, tiré de violations des principes de bonne administration et de confiance légitime

63      Dans le cadre de son troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé les principes de bonne administration et ses attentes légitimes tenant à ce que la Commission conduise son enquête de son mieux, de manière rigoureuse et diligente, et à ce qu’elle n’ignore pas les preuves démontrant une concurrence.

64      D’emblée, force est de constater que, si ce moyen est, certes, énoncé au point 220 de la requête, ce n’est que de manière tout à fait abstraite, et qu’il n’est aucunement étayé ni dans la requête ni dans la réplique.

65      Dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet, la requérante a indiqué que les points 36 à 38, 49 et 50 de la requête se rattachaient à son troisième moyen.

66      Toutefois, lesdits points de la requête n’ont aucunement trait aux principes de bonne administration et de confiance légitime, puisqu’ils font état d’éléments qu’avance la requérante pour attester de son comportement concurrentiel, de sorte qu’ils ne sauraient être pertinents aux fins de l’appréciation du troisième moyen.

67      Or, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts du Tribunal du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T‑102/92, Rec. p. II‑17, point 68, et du 12 mai 2010, EMC Development/Commission, T‑432/05, Rec. p. II‑1629, point 43).

68      Par conséquent, même si la requête contient une référence, au point 220, au troisième moyen, tiré d’une violation des principes de bonne administration et de confiance légitime, force est de constater qu’aucune argumentation n’est développée au soutien de celui-ci, de sorte qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable, en ce qu’il n’est pas satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt EMC Development/Commission, précité, point 47).

69      Partant, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le neuvième moyen, tiré de violations des principes de bonne administration et du délai raisonnable

70      Dans le cadre de son neuvième moyen, la requérante invoque une violation des principes de bonne administration et du délai raisonnable du fait de la durée de la procédure administrative.

71      Un délai excessivement long se serait écoulé entre le début des investigations, le 12 février 2003, la première lettre adressée à la requérante, le 8 octobre 2007, la communication des griefs, le 18 mars 2009, et l’adoption de la décision attaquée, le 11 novembre 2009, à savoir, au total, plus de six années.

72      Or, un tel délai ne saurait être justifié par le niveau de complexité de l’affaire. En outre, la Commission n’avait pas, selon la requérante, à suspendre, à son égard, la procédure administrative dans l’attente de l’issue de la procédure judiciaire Akzo.

73      Tout en rappelant qu’elle a admis, au considérant 771 de la décision attaquée, que la phase d’enquête avait duré plus longtemps qu’habituellement en raison de circonstances particulières, ce qui a justifié une réduction exceptionnelle de 1 % du montant des amendes infligées, notamment pour la requérante, la Commission affirme qu’elle devait attendre l’issue de la procédure judiciaire Akzo, de sorte que la durée de la procédure ne lui serait pas imputable.

74      La Commission soutient également, que, même à considérer que cette durée lui soit imputable, cela ne saurait emporter l’annulation de la décision, dès lors que les droits de la défense de la requérante n’en ont pas été affectés.

75      À cet égard, il faut rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit dont les juridictions de l’Union européenne assurent le respect (voir arrêt de la Cour du 21 septembre 2006, Technische Unie/Commission, C‑113/04 P, Rec. p. I‑8831, point 40, et la jurisprudence citée), ce principe ayant été consacré à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

76      Il importe également de rappeler que l’appréciation de la source d’éventuelles entraves à l’exercice efficace des droits de la défense ne doit pas être limitée à la phase contradictoire de la procédure administrative, mais doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle-ci (arrêt Technische Unie/Commission, précité, points 54 et 55).

77      En l’espèce, il est constant que, ainsi que cela a été rappelé aux points 9 à 15 du présent arrêt, la Commission a débuté son enquête dans cette affaire par des mesures d’inspection, les 12 et 13 février 2003, qu’elle l’a reprise, par des demandes de renseignements adressées aux entreprises impliquées, dont la requérante, le 8 octobre 2007, et qu’elle leur a adressé une communication des griefs le 18 mars 2009, avant d’adopter la décision attaquée le 11 novembre 2009.

78      Par conséquent, pour ce qui est de la requérante, la procédure administrative aura duré du 11 février 2003 au 11 novembre 2009, soit plus de six années.

79      Au surplus, il convient de souligner que, dans la décision attaquée, la Commission a, notamment concernant la requérante, réduit le montant de l’amende pour tenir compte de la durée de la procédure administrative.

80      Il ressort toutefois également de la jurisprudence qu’il n’y a pas lieu en droit d’annuler une décision de la Commission, même en présence d’une durée excessive de la procédure, lorsqu’il n’est pas démontré de façon circonstanciée qu’il a été porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées et qu’il n’existe donc aucun motif de croire que la durée excessive de la procédure a eu une incidence sur le contenu de la décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 49, et arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, Compagnie maritime belge/Commission, T‑276/04, Rec. p. II‑1277, point 45).

81      En dehors de cette hypothèse, le non-respect du principe du délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative et ne saurait entacher la décision attaquée d’illégalité.

82      En l’espèce, dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet, la requérante a indiqué que son neuvième moyen était étayé par les considérations énoncées aux points 155 à 164 de sa requête.

83      Dans lesdits points, tout d’abord, la requérante soutient que la durée excessive de la procédure administrative a conduit à ce que l’amende qui lui a été infligée, en 2009, a été d’un montant plus élevé que si la Commission avait adopté la décision attaquée en 2004, eu égard au chiffre d’affaires de la requérante pris en compte par la Commission.

84      Ensuite, la requérante soutient que la procédure judiciaire Akzo n’a pas eu pour effet de suspendre les délais de prescription.

85      Pour rejeter ces argumentations dans le présent contexte, il suffit de relever qu’elles sont inopérantes aux fins d’établir une violation des droits de la défense de la requérante.

86      Enfin, d’une part, la requérante soutient que, du fait de la durée de la procédure administrative, elle ne pensait pas qu’elle devait préparer sa défense, face au silence de la Commission durant la période ayant séparé les premières mesures d’inspection, les 12 et 13 février 2003, et les demandes de renseignements adressées aux entreprises impliquées, dont elle-même, le 8 octobre 2007.

87      D’autre part, la période ayant séparé l’issue de la procédure judiciaire Akzo et l’adoption de la décision attaquée aurait compromis sa défense.

88      Pour rejeter cette argumentation, il suffit de relever qu’elle s’avère des plus génériques et aucunement étayée par des éléments démontrant de façon circonstanciée qu’il a été porté atteinte aux droits de la défense de la requérante et qu’il existe des motifs de croire que la durée de la procédure administrative a eu une incidence sur le contenu de la décision attaquée.

89      Force est donc de considérer que la requérante n’a nullement établi une violation de ses droits de la défense du fait de la durée de la procédure administrative.

90      Partant, une éventuelle violation des principes de bonne administration et du délai raisonnable, du fait de la durée de la procédure administrative, ne saurait entacher la décision attaquée d’illégalité en l’espèce.

91      Il n’en demeure pas moins que, dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet, la requérante a indiqué que son neuvième moyen tendait également à la réformation de la décision attaquée quant au montant de l’amende qui lui a été infligée.

92      À cet égard, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a, notamment concernant la requérante, réduit le montant de l’amende pour tenir compte de la durée de la procédure administrative, ainsi que cela a été relevé au point 73 du présent arrêt.

93      Or, dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, le Tribunal considère que la réduction du montant de l’amende accordée dans la décision attaquée est appropriée eu égard aux circonstances de la présente affaire.

94      Partant, il y a lieu de rejeter le neuvième moyen.

 Sur les quatrième, cinquième et dixième moyens, tirés de violations des droits de la défense

95      Dans le cadre de ses quatrième, cinquième et dixième moyens, la requérante invoque des violations de ses droits de la défense, en ce que la Commission n’aurait pas correctement examiné les preuves qu’elle a fournies en réponse à la communication des griefs et lors de l’audition des parties (quatrième moyen), en ce qu’elle ne lui a pas permis d’accéder, une nouvelle fois, à la version non confidentielle du dossier (cinquième moyen) et en ne poursuivant pas son enquête durant la procédure judiciaire Akzo (dixième moyen).

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense en ce que la Commission n’aurait pas correctement examiné les preuves que la requérante a fournies en réponse à la communication des griefs et lors de l’audition des parties

96      Dans le cadre de son quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense en ce que celle-ci n’aurait pas correctement examiné les preuves qu’elle a fournies en réponse à la communication des griefs et lors de l’audition des parties.

97      D’emblée, force est de constater que, si ce moyen est, certes, énoncé au point 220 de la requête, ce n’est que de manière tout à fait abstraite, et qu’il n’est aucunement étayé ni dans la requête ni dans la réplique.

98      Dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet, la requérante a indiqué que différents points de la requête se rattachaient à son quatrième moyen.

99      Toutefois, lesdits points de la requête ne font aucunement état d’une éventuelle violation des droits de la défense de la requérante du fait de l’appréciation portée par la Commission sur les éléments qu’elle a avancés durant la procédure administrative, mais concernent lesdits éléments, de sorte que ces points ne sauraient être pertinents aux fins de l’appréciation du quatrième moyen.

100    Or, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts Viho/Commission, précité, point 68, et EMC Development/Commission, précité, point 43).

101    Par conséquent, même si la requête contient une référence, au point 220, au quatrième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, force est de constater qu’aucune argumentation n’est développée au soutien de celui-ci, de sorte qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable, en ce qu’il n’est pas satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt EMC Development/Commission, précité, point 47).

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense en ce que la Commission n’a pas permis à la requérante d’accéder, une nouvelle fois, à la version non confidentielle du dossier

102    La requérante rappelle avoir demandé à la Commission, le 27 novembre 2009, soit après l’adoption de la décision attaquée, à savoir le 11 novembre 2009, un nouvel accès à la version non confidentielle du dossier pour examiner les éléments soumis par deux sociétés impliquées dans le cadre de leur demande introduite en application du point 35 des lignes directrices de 2006, mais que la Commission a rejeté cette demande en faisant valoir que le dossier ne contenait aucune preuve nouvelle.

103    Or, la requérante aurait relevé, dans la décision attaquée, 24 notes en bas de page et quatre considérants faisant référence à des éléments insérés dans le dossier après l’unique occasion à laquelle elle a été autorisée à le consulter, ce qui aurait constitué une atteinte à ses droits de la défense.

104    La Commission soutient que la requérante a eu accès au dossier, avant l’adoption de la décision attaquée, le 24 mars et le 15 avril 2009 et que, tant pour les documents à charge que pour ceux à décharge auxquels la requérante se réfère, elle y a eu accès avant l’adoption de la décision attaquée.

105    À cet égard, il convient de considérer que, dans le cadre de son cinquième moyen, la requérante invoque une violation des droits de la défense en ce que la Commission ne lui a pas permis d’accéder, une nouvelle fois, à la version non confidentielle du dossier, mais ce après l’adoption de la décision attaquée, de sorte que ce moyen ne saurait emporter l’annulation de la décision attaquée, dont la légalité doit être appréciée au moment de son adoption.

106    Partant, il convient de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le dixième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense en ce que la Commission n’a pas poursuivi son enquête durant la procédure judiciaire Akzo

107    Dans le cadre de son dixième moyen, la requérante soutient que ses droits de la défense ont été lésés du fait que la Commission n’a pas poursuivi l’enquête durant la procédure judiciaire Akzo.

108    D’emblée, force est de constater que, si ce moyen est, certes, énoncé au point 220 de la requête, ce n’est que de manière tout à fait abstraite, et qu’il n’est aucunement étayé ni dans la requête ni dans la réplique.

109    Dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet pour réponse avant l’audience, la requérante a indiqué que les points 159 à 164 de la requête se rattachaient à son dixième moyen.

110    Toutefois, lesdits points de la requête se rattachent, ainsi que l’affirme également la requérante, au neuvième moyen, tiré de violations des principes de bonne administration et du délai raisonnable, et ne font aucunement état d’une éventuelle violation des droits de la défense de la requérante du fait que la Commission n’a pas poursuivi l’enquête durant la procédure judiciaire Akzo, de sorte que lesdits points ne sauraient être pertinents aux fins de l’appréciation du dixième moyen.

111    Or, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête introductive d’instance doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autre information à l’appui. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (arrêts Viho/Commission, précité, point 68, et EMC Development/Commission, précité, point 43).

112    Par conséquent, même si la requête contient une référence, au point 220, au dixième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense, force est de constater qu’aucune argumentation n’est développée au soutien de celui-ci, de sorte qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable, en ce qu’il n’est pas satisfait aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure (voir, en ce sens, arrêt EMC Development/Commission, précité, point 47).

113    Partant, il convient de rejeter le dixième moyen.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés de violations de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE, ainsi que de la prescription

114    Dans le cadre de ses premier et deuxième moyens, la requérante soutient, en substance, que la Commission a enfreint l’article 81 CE ainsi que l’article 53 de l’accord EEE en n’établissant pas la preuve de l’infraction pour toute la durée qu’elle a retenue dans la décision attaquée et que celle-ci doit être annulée pour cause de prescription.

115    En ce sens, elle soutient que la Commission n’a rapporté aucune preuve de son comportement infractionnel « entre janvier 1996 et mars 1997 », de sorte que ses pouvoirs d’infliger des amendes étaient prescrits pour la période antérieure à 1996.

116    En tout état de cause, la requérante conteste la force probante des éléments rapportés par la Commission dans la décision attaquée pour établir que l’infraction avait perduré jusqu’au 11 novembre 1999.

 Rappel de la jurisprudence pertinente

117    À cet égard, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêts de la Cour Baustahlgewebe/Commission, précité, point 58 ; du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 86, et du 6 janvier 2004, BAI et Commission/Bayer, C‑2/01 P et C‑3/01 P, Rec. p. I‑23, point 62).

118    Aussi est-il nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour fonder la ferme conviction que l’infraction a été commise (voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. I‑2501, point 179, et la jurisprudence citée).

119    Certes, si la Commission constate une infraction aux règles de la concurrence en se fondant sur la supposition que les faits établis ne peuvent pas être expliqués autrement qu’en fonction de l’existence d’un comportement anticoncurrentiel, le juge de l’Union sera amené à annuler la décision en question lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission pour conclure à l’existence d’une infraction. En effet, dans un tel cas, il ne saurait être considéré que la Commission a apporté la preuve de l’existence d’une infraction au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission, 29/83 et 30/83, Rec. p. 1679, point 16, et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission, C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, Rec. p. I‑1307, points 126 et 127).

120    Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction, car il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêts du Tribunal, JFE Engineering e.a./Commission, précité, point 180, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, points 56 et 271).

121    Il convient également de considérer que l’interdiction de participer à des pratiques et à des accords anticoncurrentiels ainsi que les sanctions que les contrevenants peuvent encourir étant notoires, il est usuel que les activités que ces pratiques et ces accords comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement, le plus souvent dans un pays tiers, et que la documentation s’y rapportant soit réduite au minimum (arrêt de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 55).

122    Par ailleurs, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, telles que les comptes rendus d’une réunion, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 56).

123    Ainsi, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices, qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 57).

124    En outre, il ressort de la jurisprudence que, en l’absence d’éléments de preuve susceptibles d’établir directement l’intégralité de la durée d’une infraction, la Commission doit se fonder, au moins, sur des éléments de preuve se rapportant à des faits suffisamment rapprochés dans le temps, de façon qu’il puisse être raisonnablement admis que cette infraction s’est poursuivie de façon ininterrompue entre deux dates précises (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 7 juillet 1994, Dunlop Slazenger/Commission, T‑43/92, Rec. p. II‑441, point 79, et du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II‑6681, point 132).

125    La Cour a également jugé que, dès lors que la Commission avait pu établir qu’une entreprise avait participé à des réunions entre entreprises à caractère manifestement anticoncurrentiel, le Tribunal avait pu estimer à juste titre qu’il incombait à cette dernière de fournir une autre explication du contenu de ces réunions. Ce faisant, le Tribunal n’avait pas opéré un renversement indu de la charge de la preuve, ni violé la présomption d’innocence (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, point 181).

126    De même, lorsque la Commission se fonde sur des éléments de preuve qui sont, en principe, suffisants pour démontrer l’existence de l’infraction, il ne suffit pas à l’entreprise concernée d’évoquer la possibilité qu’une circonstance s’est produite qui pourrait affecter la valeur probante de ces éléments de preuve pour que la Commission supporte la charge de prouver que cette circonstance n’a pas pu affecter la valeur probante de ceux-ci. Au contraire, sauf dans les cas où une telle preuve ne pourrait pas être fournie par l’entreprise concernée en raison du comportement de la Commission elle-même, il appartient à l’entreprise concernée d’établir à suffisance de droit, d’une part, l’existence de la circonstance qu’elle invoque et, d’autre part, que cette circonstance met en cause la valeur probante des éléments de preuve sur lesquels se fonde la Commission (arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, E. ON Energie/Commission, T‑141/08, Rec. p. II‑5761, point 56).

127    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, pour prouver à suffisance de droit la participation d’une entreprise à une entente, il suffit de démontrer que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée. Lorsque la participation à de telles réunions a été établie, il incombe à cette entreprise d’avancer des indices de nature à établir que sa participation auxdites réunions était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 81, et du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 119).

128    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de vérifier si, dans la décision attaquée, la Commission a établi, à suffisance de droit, la participation de la requérante à l’infraction portant sur les stabilisants étain du 20 novembre 1992 au 21 mars 2000.

 Sur la durée de l’infraction

129    En l’espèce, il convient d’emblée d’observer que, si la requérante soutient que l’infraction portant sur les stabilisants étain a cessé en « janvier 1996 », elle admet expressément, dans ses écrits devant le Tribunal, l’existence de ladite infraction pour la période antérieure, à savoir du 20 novembre 1992 à « janvier 1996 » (ci-après la « première phase de l’entente »).

130    Aussi la requérante ne conteste-t-elle pas tant la commission ou l’objet de lʼentente, mais seulement sa durée.

131    Partant, il n’y a pas lieu de vérifier si la Commission a établi à suffisance de droit le comportement infractionnel de la requérante durant la première phase de l’entente.

132    En revanche, il faut considérer que, à titre principal, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi l’existence de l’infraction après la première phase de l’entente, à savoir de « janvier 1996 » au 11 novembre 1999 (ci-après la « deuxième phase de l’entente »), et que, en tout état de cause, elle conteste la force probante des éléments avancés par la Commission dans la décision attaquée pour établir que l’infraction a perduré au-delà 11 novembre 1999 (ci-après la « dernière phase de l’entente »).

133    Il convient également de relever que la requérante admet que c’est principalement dans le cadre de réunions organisées en Suisse par AC-Treuhand (ci-après les « réunions AC-Treuhand ») que les comportements infractionnels en cause ont eu lieu durant la première phase de l’entente.

134    La requérante reconnait également avoir participé aux réunions AC-Treuhand durant la première phase de l’entente.

135    Elle ne conteste pas que, durant la première phase de l’entente, les réunions AC-Treuhand ont toutes été « animées », en toute connaissance du caractère infractionnel de l’objet desdites réunions, par M. S., un collaborateur d’AC-Treuhand.

136    La requérante admet tout autant l’existence de réunions AC-Treuhand durant les deuxième et dernière phases de l’entente.

137    Elle ne conteste pas avoir participé aux réunions AC-Treuhand durant les deuxième et dernière phases de l’entente.

138    Elle ne conteste pas non plus que toutes les réunions AC-Treuhand ayant eu lieu durant les deuxième et dernière phases de l’entente ont également été animées par M. S., et ce avec la quasi-totalité des entreprises ayant participé aux réunions AC-Treuhand durant la première phase de l’entente.

139    La requérante ne soutient pas, enfin, que, durant la deuxième ou la dernière phase de l’entente, elle s’est publiquement distanciée de l’objet des réunions AC-Treuhand.

140    Par conséquent, pour apprécier le premier moyen de la requérante, il suffit de vérifier si la Commission a, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, que les réunions AC-Treuhand auxquelles la requérante a participé durant la deuxième et la dernière phase de l’entente, c’est-à-dire du mois de « janvier 1996 » au 21 mars 2000, avaient un objet anticoncurrentiel tout comme les réunions AC-Treuhand qui ont eu lieu durant la première phase de l’entente.

141    Premièrement, pour ce qui est de l’année 1996, dans la décision attaquée, la Commission a établi l’existence de six réunions AC-Treuhand, qui ont eu lieu à Zurich (Suisse) les 8 et 9 janvier, les 15 et 16 juillet ainsi que les 6 et 7 novembre (considérant 242 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que sa participation à ces réunions.

142    Deuxièmement, la Commission a fait valoir un document et des notes manuscrites saisis chez Baerlocher, datés du 8 janvier 1996 et faisant état de discussions sur les volumes des ventes et sur les prix des stabilisants étain appliqués à certains clients ainsi que sur des quotas (considérants 243 et 244 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

143    Troisièmement, la Commission a mis en avant une lettre datée du 27 novembre 1996 et saisie chez Baerlocher. Cette lettre, rédigée et envoyée par AC-Treuhand, rapporte des statistiques pour les stabilisants étain pour le mois d’octobre 1996 sur le marché de l’Europe de l’Ouest (considérant 251 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

144    Quatrièmement, pour ce qui est de l’année 1997, quatre réunions AC-Treuhand ont eu lieu à Zurich et à Lugano (Suisse) les 11 et 12 mars ainsi que les 16 et 17 septembre (considérant 257 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que sa participation à ces réunions.

145    Cinquièmement, la Commission a rapporté le contenu d’une note interne de Reagens intitulée « Réunion AC-Treuhand à Zurich le 11 mars 1997 avec M. [S] » et faisant état de niveaux des ventes de stabilisants étain et d’écarts par rapport à des « quotas » (considérants 258 et 259 de la décision attaquée).

146    Sixièmement, la Commission a reproduit le contenu de notes manuscrites de Baerlocher datées du 12 mars 1997 indiquant des écarts par rapport à des quotas géographiques pour chaque entreprise participante, dont la requérante (considérants 260 et 261 de la décision attaquée).

147    Septièmement, la Commission a mentionné des notes manuscrites de Ciba rédigées à l’occasion d’une réunion AC-Treuhand à Lugano le 17 septembre 1997, à laquelle la requérante a participé, ce qu’elle ne conteste pas, et indiquant « pas d’autres baisses des prix » (considérant 264 de la décision attaquée).

148    Huitièmement, la Commission a fait valoir des notes manuscrites rédigées à propos d’une réunion des 19 et 20 septembre 1997 indiquant « AC-Treuhand (ex-Fides) est toujours à pied d’œuvre » (considérant 266 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

149    Neuvièmement, pour ce qui est de l’année 1998, huit réunions AC-Treuhand ont eu lieu à Zurich et à Lugano les 10 et 11 février, les 29 et 30 juin, les 14 et 15 septembre ainsi que les 12 et 13 novembre (considérant 270 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que sa participation à ces réunions.

150    Dixièmement, la Commission a invoqué des notes manuscrites rédigées à l’occasion de la réunion AC-Treuhand du 11 février 1998, à laquelle la requérante a participé, ce qu’elle ne conteste pas, mentionnant des prix minimas pour certains clients et un gel de la clientèle (considérant 272 de la décision attaquée).

151    Onzièmement, selon des notes manuscrites datées du 5 novembre 1998 de CECA, des contacts bilatéraux ont eu lieu entre cette entreprise et la requérante, de même que des discussions avec les autres participants à l’entente (considérant 276 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

152    Douzièmement, la Commission a fait valoir des notes manuscrites de Ciba datées du 13 novembre 1998, rédigées à l’occasion d’une réunion AC-Treuhand de cette même date, à laquelle la requérante a participé, ce qu’elle ne conteste pas, et faisant état d’un accord des participants sur des nouveaux prix indicatifs et des prix minimaux pour les marchés européens (considérant 277 de la décision attaquée).

153    Treizièmement, pour ce qui est de l’année 1999, neuf réunions AC-Treuhand ont eu lieu à Zurich et à Lugano, les 22 et 23 février, les 26 et 27 avril, les 19 et 20 juillet, le 23 septembre ainsi que les 29 et 30 novembre (considérant 299 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que sa participation à ces réunions.

154    Quatorzièmement, la Commission a rapporté le contenu d’un courriel d’Akcros dont ressort l’existence d’engagements sur les prix de la part des fournisseurs de stabilisants étain (considérant 300 de la décision attaquée).

155    Quinzièmement, la Commission a fait valoir des notes manuscrites rédigées à l’occasion d’une réunion AC-Treuhand du 23 février 1999, à laquelle la requérante a participé, ce qu’elle ne conteste pas, et faisant état d’une adhésion des participants à une hausse sur les prix (considérant 301 de la décision attaquée).

156    Seizièmement, la Commission a fait valoir des notes manuscrites rédigées à l’occasion d’une réunion AC-Treuhand du 27 avril 1999, à laquelle la requérante a participé, ce qu’elle ne conteste pas, et faisant état d’un accord sur une augmentation des prix au Royaume-Uni afin de compenser une variation des taux de change (considérant 302 de la décision attaquée).

157    Dix-septièmement, selon un rapport de Chemtura pour le mois d’août, daté du 16 septembre 1999, les concurrents de cette entreprise suivaient l’augmentation de ses prix, même si une entreprise avait des difficultés « à respecter une discipline des prix » et que des « actions [étaie]nt en cours pour mettre fin à cette tendance » (considérant 303 de la décision attaquée).

158    Dix-huitièmement, la Commission a fait état d’un courriel de Chemtura daté du 23 novembre 1999 indiquant une hausse des prix de 8 % en 1999 en Europe de l’Ouest et qu’une hausse de 3 % était attendue au quatrième trimestre (considérant 304 de la décision attaquée).

159    Dix-neuvièmement, pour ce qui est de l’année 2000, deux réunions AC-Treuhand ont eu lieu à Zurich, les 20 et 21 mars (considérant 316 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante, pas plus que sa participation à ces réunions.

160    Vingtièmement, au considérant 317 de la décision attaquée, la Commission a fait valoir un mémorandum daté du 16 février 2000 et rédigé par un collaborateur d’Akcros pour l’un de ses supérieurs (ci-après le « mémorandum Akcros »), dont il convient de reproduire intégralement les termes, que ne conteste pas la requérante, ci-après :

« J’ai parlé aux directeurs marketing qui connaissent très bien les marchés UE des stabilisants […] Aujourd’hui nous et la plupart de nos concurrents UE participons à des groupes industriels (un pour l’ESBO et un pour les stabilisants étains) dont l’objectif principal consiste à consolider les informations du marché sous la forme de ventes mensuelles de tonnes. Chaque entreprise membre envoie ces informations à AC-Treuhand, Suisse, qui renvoie les résultats à toutes les entreprises participantes sous la forme de totaux […] Aucune information concurrentielle n’apparaît. Ceci me paraît tout ce qu’il y a de plus régulier et utile. Toutefois, de deux à quatre fois par an, les entreprises membres se rencontrent en Suisse afin de débattre des points d’intérêt commun tels que les perspectives et les tendances du marché, les activités des entreprises non-membres et ainsi de suite. Alors que la réunion présidée par AC-Treuhand ne semble pas en soi abusive, l’on m’a rapporté qu’une fois ensemble les concurrents discutaient des niveaux des prix et des clients. C’est pour cette raison que je recommanderais de faire savoir à AC-Treuhand que nous ne participerons plus à ces réunions, mais enverrons nos informations sur nos ventes afin de bénéficier de ce service. Il y a deux ans, la situation de ces groupes était tout à fait différente. Puis les feuilles rouges sont apparues : ils contenaient le procès-verbal des réunions et détaillaient les décisions de groupes, portant sur les hausses de tarifs et la répartition des marchés. L’on y parlait également de clients spécifiques. Ces procès-verbaux n’étaient pas distribués mais conservés dans des dossiers AC-Treuhand, en ‘sécurité’, puisque la Suisse n’était pas membre de l’UE. En 1996 ou 1997, ce genre de réunion n’a plus eu lieu, vraisemblablement à cause des pressions accrues pour ne pas exercer de telles activités, en raison d’une application plus rigoureuse des lois. Plus d’un membre du groupe étain a exercé une pression sur notre représentant pour revenir à la situation où la fixation des prix et la répartition du marché étaient régulièrement convenues lors de ces réunions AC-Treuhand. Baerlocher, exerce la plus forte pression sur nous ainsi que sur d’autres membres qui ne sont pas en faveur d’un tel accord. Ils parlent plus particulièrement de ‘geler’ les parts de marchés, mais si un membre augmente sa part en prenant un client, il devrait céder un autre client pour retrouver l’équilibre. Cela serait confirmé par des vérifications mensuelles des quotas. Nous n’accepterons plus de participer à de telles activités abusives, et ceci est une raison supplémentaire pour laquelle nous devrions nous retirer de ces réunions […] En résumé, il y a eu apparemment des réunions/discussions abusives auxquelles a bien participé Akcros. Bien que nous ayons encore probablement des discussions occasionnelles qui pourraient être considérées comme étant inadéquates, nous ne participons plus à ces réunions officielles qui sont clairement inappropriées. Je recommanderais de : 1) notifier à AC-Treuhand que nous n’assisterons plus aux réunions en Suisse pour les groupes étain et [ESBO/esters], même si nous continuons à envoyer nos données de vente comme auparavant ; 2) organiser une formation de sensibilisation […] pour nos directeurs marketing (et autres) afin qu’ils connaissent clairement les limites à ne pas franchir dans le cadre des contacts avec les concurrents. Veuillez me faire savoir si vous adhérez à ces suggestions ».

161    Vingt-et-unièmement, pour corroborer son interprétation du mémorandum Akcros, la Commission a fait valoir, au considérant 318 de la décision attaquée, qu’Akzo avait reconnu que le mémorandum Akcros avait été précédé de notes manuscrites de l’auteur dudit mémorandum (ci-après les « notes manuscrites Akcros ») dont il ressort, ce que ne conteste pas la requérante, d’une part, que des discussions « non écrites » avaient lieu sur le « niveau des prix », « devant être augmenté[s] » ou « soutenu[s] » ainsi que sur « certains clients » et, d’autre part, que les réunions avaient lieu en « Suisse, non membre de l’UE », car ne pouvant « pas faire l’objet de visites surprises ».

162    Vingt-deuxièmement, la Commission a fait observer que, dans le prolongement du mémorandum Akcros, le représentant de cette société a fait savoir, dans le cadre d’une réunion AC-Treuhand du 21 mars 2000, à Zurich, qu’elle ne participerait plus aux réunions AC-Treuhand, « tout en continuant à échanger des données sur les ventes » (considérant 319 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

163    Vingt-troisièmement, la Commission a souligné qu’Akcros avait confirmé, par courrier du 5 juin 2000 adressé à M. S. d’AC-Treuhand, qu’elle ne participerait plus aux réunions AC-Treuhand (considérant 321 de la décision attaquée), ce que ne conteste pas la requérante.

164    Vingt-quatrièmement, la Commission a fait valoir des déclarations effectuées par Chemtura dans le cadre de sa coopération avec elle durant la procédure administrative, faisant état de la continuation de l’entente sur les stabilisants étain « jusqu’en 2000 » [considérant 420, sous a), de la décision attaquée].

165    Eu égard à l’ensemble de ces éléments, pris ensemble, le Tribunal estime que la Commission a établi la participation de la requérante aux deuxième et dernière phases de l’entente, en fournissant des éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs de l’infraction portant sur les stabilisants étain sur l’ensemble de ces phases durant des réunions auxquelles la requérante a participé et dont elle ne s’est pas distanciée, de sorte que la Commission a fait état, dans la décision attaquée, de preuves suffisantes pour fonder la ferme conviction que la requérante a participé à l’infraction portant sur les stabilisants étain durant les deuxième et dernière phases de l’entente.

166    En effet, considérés ensemble, les différents éléments rapportés aux points 141 à 164 du présent arrêt établissent, à suffisance de droit, que, durant les deuxième et dernière phases de l’entente, ses participants sont convenus de la fixation de prix et de la répartition des clients sous la forme de quotas, de même que de l’échange d’informations commercialement sensibles.

167    Lesdits éléments démontrent clairement que les réunions auxquelles la requérante a participé avaient pour objet la fixation de prix et la répartition des clients sous la forme de quotas, notamment pour ce qui est des réunions AC-Treuhand tenues entre 1996 et 2000, du mémorandum Akcros, évoquant des discussions sur les prix et des quotas, et des notes manuscrites Akcros, mentionnant également des discussions sur les prix et sur les clients.

168    Il en ressort que les réunions AC-Treuhand ayant eu lieu durant les deuxième et dernière phases de l’entente, auxquelles la requérante admet avoir participé, n’ont pas pris un tour différent, quant à leur objet anticoncurrentiel, que les précédentes durant plusieurs années, alors que les mêmes entreprises et les mêmes personnes se rencontraient dans le même contexte autour de M. S.

169    Par conséquent, il y a lieu de juger que la Commission a fait état, dans la décision attaquée, d’un faisceau d’indices qui, apprécié globalement, fonde la ferme conviction que la requérante a participé à l’infraction portant sur les stabilisants étain durant les deuxième et dernière phases de l’entente.

170    L’ensemble des considérations qui précèdent ne saurait être remis en cause par les arguments de la requérante.

171    Premièrement, la requérante fait valoir que les déclarations des entreprises ayant introduit des demandes en application de la communication de 2002 sur la coopération divergent quant à la fin de l’entente sur les stabilisants étain et que, selon quatre d’entre elles, l’entente aurait cessé bien avant 1999, Baerlocher ayant changé sa position au cours de la procédure administrative.

172    Cette argumentation ne saurait prospérer, dès lors que la Commission a, dans la décision attaquée, fait état de suffisamment de preuves qu’elle a recueillies indépendamment de toute demande introduite en application de la communication de 2002 sur la coopération, dont celle de Baerlocher, ou que la requérante ne conteste pas.

173    Il en est notamment ainsi des éléments rapportés aux points 141 à 146, 148, 149, 151, 157, 159, 160, 162 et 163 du présent arrêt.

174    Deuxièmement, la requérante ne saurait utilement faire valoir que certains éléments de preuve ne la mentionnent pas, dès lors qu’ils se rattachent à des réunions AC-Treuhand auxquelles elle admet avoir participé.

175    Troisièmement, la requérante ne saurait convaincre en contestant l’interprétation retenue par la Commission du mémorandum Akcros et en soutenant qu’il en ressort clairement que l’entente s’est achevée bien avant le 10 novembre 1999 ainsi que cela ressortirait des déclarations d’Akcros durant la procédure administrative.

176    En effet, l’interprétation retenue par la Commission du mémorandum Akcros est la seule qui puisse expliquer et justifier le retrait formel de l’entente de la part de cette entreprise en mars 2000, indépendamment du contenu de ses déclarations durant la procédure administrative quant à la fin de l’entente.

177    Quatrièmement, la requérante ne saurait utilement faire valoir, aux fins de son argumentation, que les notes manuscrites Akcros ne sont pas datées et qu’elles doivent probablement avoir été rédigées avant février 2000.

178    En effet, si la Commission s’est certes appuyée sur lesdites notes pour corroborer son interprétation du mémorandum Akcros, il n’en demeure pas moins que son interprétation dudit mémorandum s’avère fondée, indépendamment de la date à laquelle les notes en question ont été rédigées. À cet égard, il convient de rappeler que l’absence de date ou de signature d’un document ou le fait qu’il soit mal écrit n’enlève pas à ce document toute force probante, dès lors que son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 10 mars 1992, Shell/Commission, T‑11/89, Rec. p. II‑757, point 86, et du 13 décembre 2006, FNCBV e.a./Commission, T‑217/03 et T‑245/03, Rec. p. II‑4987, point 124).

179    Cinquièmement, la requérante ne saurait utilement faire valoir que la Commission n’a pas établi, pour la dernière phase de l’entente, des effets anticoncurrentiels et n’a pas vérifié l’évolution des prix.

180    En effet, force est de rappeler, ainsi qu’il a été jugé aux points 165 à 169 du présent arrêt, que, dans la décision attaquée, la Commission a établi à suffisance de droit que les réunions AC-Treuhand auxquelles la requérante admet avoir participé avaient, en tout état de cause, un objet anticoncurrentiel.

181    Sixièmement, la requérante se contente d’affirmer que la Commission n’a rapporté aucune preuve de la poursuite de l’entente durant sa deuxième phase.

182    Or, ainsi que cela ressort des points 141 à 158 du présent arrêt, la Commission a, à suffisance de droit, établi la participation de la requérante à la deuxième phase de l’entente.

183    Partant, il convient de rejeter le premier moyen.

184    Puisque, dans le cadre de son deuxième moyen, tiré de la prescription, la requérante soutient, en substance, que l’infraction a cessé « en 1996/1997 » ou, à titre subsidiaire, qu’elle a été interrompue de janvier 1996 à mars 1997 et, en tout état de cause, que la Commission n’a pas établi son existence au 11 novembre 1999, il convient également de rejeter le deuxième moyen, dès lors que, dans le cadre de l’appréciation du premier moyen, il a été jugé que la Commission avait, dans la décision attaquée, établi, à suffisance de droit, le comportement infractionnel et ininterrompu de la requérante du 20 novembre 1992 au 21 mars 2000.

185    Partant, il y a lieu de rejeter les premier et deuxième moyens.

 Sur les sixième, septième et huitième moyens, tirés de violations de l’article 81 CE, par une application erronée des lignes directrices de 2006, ainsi que des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité

186    Dans le cadre de ses sixième, septième et huitième moyens, la requérante soutient que la Commission a enfreint l’article 81 CE, par une application erronée des lignes directrices de 2006, ainsi que les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité.

 Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 81 CE par une application erronée des lignes directrices de 2006

187    Dans le cadre de son huitième moyen, la requérante soutient que la Commission a enfreint l’article 81 CE par une application erronée du point 35 des lignes directrices de 2006.

188    Dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet, la requérante a indiqué que son huitième moyen, énoncé de manière abstraite au point 220 de la requête, y était étayé aux points 199 à 205.

189    En substance, il ressort desdits points de la requête que, selon la requérante, la Commission a généré une distorsion de la concurrence, contraire à l’article 81 CE, en faisant, en application du point 35 des lignes directrices de 2006, bénéficier une autre entreprise impliquée d’une réduction du montant de son amende, alors que la situation économique de cette dernière ne le justifiait pas.

190    Cette argumentation, qui tend essentiellement à l’annulation de la décision attaquée, ne saurait prospérer.

191    En effet, même à supposer que la Commission a, dans la décision attaquée, adopté une solution qui procure un avantage concurrentiel pour un autre membre de l’entente, la requérante ne saurait faire valoir, en sa faveur, une illégalité commise, le cas échéant, en faveur d’autrui (arrêt du Tribunal du 18 juillet 2005, Scandinavian Airlines System/Commission, T‑241/01, Rec. p. II‑2917, point 170). De même, il convient de souligner que la décision attaquée vise précisément à remédier à la distorsion de concurrence causée, notamment, par le comportement infractionnel de la requérante. Au demeurant, dans l’hypothèse où les arguments de la requérante pourraient être interprétés comme visant également à la réformation de la décision attaquée, il y a lieu d’ajouter que lesdits arguments ne permettent pas d’établir que l’amende qui lui a été infligée ne reflète pas, de manière appropriée, la gravité et la durée de l’infraction qu’elle a commise. Dès lors, lesdits arguments ne justifient pas une réformation de la décision attaquée, d’autant moins qu’une réduction injustifiée de l’amende infligée à la requérante pourrait constituer une distorsion de la concurrence à l’égard de concurrents ayant respecté l’article 101 TFUE.

192    Partant, il convient de rejeter le huitième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré de violations du principe d’égalité de traitement et des lignes directrices de 2006

193    Dans le cadre de son sixième moyen, la requérante soutient que la Commission a, dans la décision attaquée, violé le principe d’égalité de traitement et les lignes directrices de 2006, en ce qui concerne le montant des amendes qui ont été infligées aux entreprises sanctionnées.

194    Dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet, la requérante a indiqué que son sixième moyen, énoncé de manière abstraite au point 220 de la requête, y était étayé aux points 208 et 209.

195    Il ressort desdits points que, alors que des entreprises instigatrices de l’entente se seraient vu infliger des amendes inférieures à 1 % de leur chiffre d’affaires de 2008, la requérante, qui aurait démontré sa participation limitée, sa compétitivité et son agressivité sur le marché, se serait vu infliger une amende représentant 7,44 % de son chiffre d’affaires de 2008.

196    Pour rejeter cette argumentation, il suffit de rappeler que le fait que le calcul du montant des amendes infligées par la Commission pour violation des règles de concurrence de l’Union ne soit pas nécessairement fondé sur le chiffre d’affaires global des entreprises concernées et permette, de ce fait, l’apparition de disparités entre les entreprises en ce qui concerne le rapport entre leurs chiffres d’affaires et le montant des amendes qui leur sont infligées est sans pertinence pour apprécier si la Commission a violé les principes d’égalité de traitement ou de proportionnalité. En effet, la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction en cause, d’assurer, au cas où des amendes seraient infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation parmi celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires pertinent (voir arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission, T‑116/04, Rec. p. II‑1087, point 86, et la jurisprudence citée).

197    Les arguments de la requérante, quant au comportement infractionnel de certaines entreprises impliquées, par rapport à celui qu’elle aurait prétendument tenu, ne sauraient remettre en cause cette appréciation aux fins de l’analyse du sixième moyen.

198    Partant, il convient de rejeter le sixième moyen, tel qu’énoncé au point 220 de la requête et étayé par les arguments indiqués aux points 208 et 209 de celle-ci.

199    Néanmoins, nonobstant, d’une part, la réponse apportée par la requérante à la question de savoir quels étaient, dans la requête, les points étayant son sixième moyen et, d’autre part, le manque important de clarté et le défaut manifeste de structuration des moyens, griefs et arguments dans la requête, il convient de relever que la requérante y fait valoir d’autres griefs ou arguments au soutien de son sixième moyen, tiré de violations du principe d’égalité de traitement et des lignes directrices de 2006.

200    Dès lors que la Commission a pu prendre position sur l’ensemble de ces griefs et arguments dans ses écrits et lors de l’audience, il y a lieu de les examiner.

201    Par ses griefs et arguments rattachables à son sixième moyen, la requérante soutient que la Commission a erronément fixé le montant de base des amendes, qu’elle n’a pas tenu compte de l’existence de circonstances atténuantes, ni de son défaut de capacité contributive aux fins du paiement de l’amende.

–       Sur la fixation du montant de base de l’amende

202    En premier lieu, pour ce qui est de la fixation du montant de base de l’amende, la requérante soutient, concernant la gravité de l’infraction, que la Commission a erronément retenu, pour la détermination du montant variable, fondé sur la valeur des ventes, un taux plus élevé (20 %) pour les stabilisants étain que pour le secteur ESBO/esters (19 %), et ce alors que la Commission aurait retenu que les deux infractions avaient la même gravité.

203    La requérante fait également valoir dans ce contexte un défaut de motivation.

204    De plus, les preuves rassemblées par la Commission démontreraient que l’infraction sur le secteur ESBO/esters a été établie avec beaucoup plus d’éléments que celle portant sur les stabilisants étain et qu’elle a duré plus longtemps.

205    Au surplus, le prix de revient des stabilisants étain étant beaucoup plus élevé que celui relatif au secteur ESBO/esters, l’utilisation de montants de base identiques pour les deux types de produits aboutirait à une amende beaucoup plus élevée pour les stabilisants étain. La Commission n’ayant pas pris en compte ce facteur, elle aurait pénalisé les producteurs de stabilisants étain.

206    En deuxième lieu, pour ce qui est de la durée de l’infraction, la requérante affirme que la Commission l’a, à son détriment, inégalement traitée par rapport à CECA, pour laquelle elle n’a pris en compte que la dernière période de l’infraction.

207    En troisième lieu, pour ce qui est à la fois de la gravité et de la durée de l’infraction, la requérante affirme que la Commission l’a, à son détriment, tout autant inégalement traitée par rapport à Arkema, pour laquelle elle n’a pris en compte que la dernière période de l’infraction au titre de sa mise en œuvre.

208    En quatrième et dernier lieu, pour ce qui est du droit d’entrée, la requérante fait valoir que la Commission a, en fixant un taux identique pour toutes les entreprises impliquées, enfreint le principe d’égalité de traitement, dès lors que, contrairement à d’autres entreprises, elle aurait participé durant plus de temps à la période la « moins rigoureuse » de l’entente.

209    Pour sa part, la Commission rejette, à titre liminaire, le grief de la requérante tiré d’un défaut de motivation, en faisant valoir qu’elle a suffisamment motivé sa mise en œuvre des lignes directrices de 2006 pour ce qui est des taux fixés pour le montant variable et le droit d’entrée.

210    Elle ajoute, dans le mémoire en défense, avoir, eu égard à la nature très grave des deux infractions, fixé, dans un premier temps, le taux du montant variable à 16 % de la valeur des ventes pour les deux infractions, ce pourcentage ayant été ensuite majoré de 1 % en raison de l’étendue géographique et de 1 % pour la mise en œuvre des deux infractions. Selon la Commission, le seul domaine de différenciation des ententes concernait la part de marché, qui était supérieure à 90 % pour les stabilisants étain et légèrement supérieure à 80 % pour le secteur ESBO/esters. La Commission a dès lors estimé que l’infraction dans le secteur des stabilisants étain méritait une majoration supplémentaire de 2 %, contre 1 % pour l’infraction dans le secteur ESBO/esters.

211    Sur le fond, la Commission fait valoir qu’elle a démontré que l’infraction s’était poursuive après 1996 et renvoie à cet égard aux arguments qu’elle fait valoir dans le cadre du premier moyen, tout en admettant avoir considéré que l’intensité de la mise en œuvre de l’entente a baissé à compter de 1996, ce dont elle aurait tenu compte pour la fixation du montant de l’amende.

212    La Commission rejette également l’argument tiré d’un coût supérieur des matières premières, en faisant valoir qu’aucune raison valable n’impose de calculer le chiffre d’affaires d’un marché déterminé en excluant certains coûts de production.

213    À cet égard, il y a lieu, d’emblée, de rejeter le grief tiré d’un défaut de motivation dans le présent contexte, dès lors que, dans la décision attaquée, la Commission a consacré pas moins d’une quinzaine de considérants à la détermination des montants variables et des droits d’entrée.

214    En résumé, la Commission a expliqué, aux considérants 699 à 708 et 714 à 717 de la décision attaquée, qu’elle avait, en application des lignes directrices de 2006, pris en compte la nature des infractions, les parts de marché cumulées des participants, l’étendue géographique des infractions et leur mise en œuvre pour déterminer les pourcentages des valeurs des ventes afin de fixer les montants variables et le droit d’entrée.

215    Pour ce qui est, plus spécifiquement, des différences des taux retenus pour les montants variables et le droit d’entrée, la Commission les a justifiées, dans la décision attaquée, au titre des parts de marché cumulées pour ce qui est des deux infractions (considérants 704, 708, 709, 715 et 716 de la décision attaquée), et au titre d’une mise en œuvre moins rigoureuse pour ce qui est de certaines entreprises (considérants 707, 708 et 715 de la décision attaquée).

216    Or, il importe de rappeler, d’une part, que la portée de l’obligation de motivation concernant le calcul d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence doit être déterminée au regard des dispositions de l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, aux termes desquelles, « [p]our déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci », et, d’autre part, qu’il est satisfait aux exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction. Par ailleurs, les lignes directrices de 2006 contiennent des règles indicatives sur les éléments d’appréciation dont la Commission tient compte pour mesurer la gravité et la durée de l’infraction. Dans ces conditions, il est satisfait aux exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation dont elle a tenu compte en application de ses lignes directrices et qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 décembre 2005, Brouwerij Haacht/Commission, T‑48/02, Rec. p. II‑5259, point 46, et du 28 avril 2010, Oxley Threads/Commission, T‑448/05, non publié au Recueil, point 91).

217    Ainsi qu’il a été observé aux points 213 à 215 ci-dessus, la Commission a fait mention des raisons qui ont motivé son choix de différencier les taux des montants variables et des droits d’entrée.

218    Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, pour ce qui est des taux retenus pour les montants variables et les droits d’entrée.

219    Sur le fond, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé, à l’encontre de la requérante, les lignes directrices de 2006 dans le cadre de la fixation du montant de base de l’amende, dès lors que la Commission a correctement appliqué la méthodologie qui y est exposée pour déterminer la valeur des ventes, le taux du montant variable et le taux du droit d’entrée concernant la requérante.

220    Même si la requérante ne conteste pas les taux qui lui ont été appliquées pour le montant variable (20 %) et pour le droit d’entrée (20 %), pris isolément, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà jugé que la difficulté de déterminer un pourcentage précis dans la fourchette de 0 à 30 % est dans une certaine mesure réduite dans le cas d’accords horizontaux secrets de fixation des prix et de répartition du marché, comme en l’espèce, dans lesquels la proportion des ventes prise en compte sera généralement retenue à un niveau situé en haut de l’échelle, de sorte que, pour les restrictions les plus graves, le taux devrait, à tout le moins, être supérieur à 15 % (arrêts du Tribunal du 16 juin 2011, Gosselin Group et Stichting Administratiekantoor Portielje/Commission, T‑208/08 et T‑209/08, Rec. p. II‑3639, point 131, et Ziegler/Commission, T‑199/08, Rec. p. II‑3507, point 141).

221    Le Tribunal a également jugé que la Commission pouvait fixer le taux sur le seul fondement de la nature intrinsèquement grave de l’infraction. En effet, lorsque la Commission se contente d’appliquer un taux égal ou presque égal au taux minimal prévu pour les restrictions les plus graves, il n’est pas nécessaire de prendre en compte des éléments ou des circonstances additionnels (arrêts Gosselin Group et Stichting Administratiekantoor Portielje/Commission, précité, point 132, et Ziegler/Commission, précité, point 142).

222    Il convient tout autant de considérer que la Commission a majoré le montant variable conformément aux lignes directrices de 2006, indépendamment de la question de savoir si elle a erronément ou non apprécié la durée de l’infraction, cette question ayant toutefois été discutée dans le cadre du premier moyen, lequel a été rejeté.

223    Partant, même à considérer que la requérante invoque une violation des lignes directrices de 2006, son argumentation ne saurait prospérer pour ce qui est du montant de base.

224    Toutefois, la requérante fait également valoir dans le présent contexte des violations du principe d’égalité de traitement dans la fixation du montant de base.

225    En ce sens, en premier lieu, elle soutient que la Commission ne pouvait pas appliquer des taux différents pour les montants variables pour les deux infractions, à savoir 20 % pour les stabilisants étain et 19 % pour le secteur ESBO/esters, la seule différence relevée, entre ces deux infractions, étant les parts cumulées de marché, respectivement 90 % et 80 %, et ce alors que le prix de revient des stabilisants étain est plus élevé.

226    Cette argumentation ne saurait prospérer.

227    En effet, c’est à juste titre que la Commission a pris en compte la différence de parts cumulées de marché pour fixer les taux du montant variable, cette différence ayant été constatée par la Commission et non contestée par la requérante (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Comap/Commission, T‑377/06, Rec. p. II‑1115l, point 107).

228    Il convient de rappeler que les lignes directrices de 2006 précisent que, afin de décider si la proportion de la valeur des ventes à prendre en considération dans un cas donné devrait être au bas ou au haut de l’échelle de 0 à 30 %, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, tels que la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction.

229    Il convient également de rappeler que le Tribunal n’a pas exclu que la Commission pût retenir des taux différents pour les entreprises ayant commis la même infraction (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Gosselin Group et Stichting Administratiekantoor Portielje/Commission, précité, points 144 et 145, et du 16 juin 2011, Team Relocations e.a./Commission, T‑204/08 et T‑212/08, Rec. p. II‑3569, points 92 et 93, ainsi que du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, Rec. p. II‑7583, points 265 à 267).

230    Cette solution vaut, a fortiori, en présence de deux infractions, comme en l’espèce.

231    En tout état de cause, la Commission est libre d’appliquer, à cet égard, un critère approprié au regard des circonstances de chaque cas.

232    Si la Commission pouvait tout à fait prendre en compte les parts de marché cumulées pour les deux infractions, elle n’était certainement pas tenue de prendre en compte les différences de prix de revient des produits en cause, contrairement à ce que soutient la requérante.

233    En effet, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, le Tribunal a déjà jugé qu’aucune raison valable n’imposait de calculer le chiffre d’affaires d’un marché déterminé en excluant certains coûts de production, tous les secteurs industriels supportant des coûts inhérents au produit final qui échappent au contrôle du fabricant, mais qui constituent néanmoins un élément essentiel de son activité globale, et qui dès lors ne sauraient être exclus de son chiffre d’affaires au moment de fixer le montant de base de l’amende (voir arrêt du Tribunal du 19 mai 2010, KME Germany e.a.,/Commission, T‑25/05, non publié au Recueil, point 97, et la jurisprudence citée).

234    Au surplus, le Tribunal a déjà jugé que il n’y avait pas lieu, lors de la détermination du taux du montant de base, de tenir compte des caractéristiques spécifiques liées à l’infraction commise par chacun des participants pris individuellement, car les facteurs énumérés dans les lignes directrices de 2006, afin de déterminer ce taux, avaient tous pour objet d’évaluer l’infraction aux règles de concurrence de l’Union, prise dans son ensemble (arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, précité, point 265).

235    Par conséquent, il convient de juger que la Commission n’a pas enfreint le principe d’égalité de traitement en fixant différemment les taux des montants variables pour les deux infractions.

236    Pour ce qui concerne, en deuxième lieu, des taux retenus pour les montants variables pour les différentes entreprises impliquées, dont la requérante, cette dernière soutient que la Commission aurait dû fixer, en raison de son comportement concurrentiel, le même taux que celui appliqué à Arkema en raison de sa non-participation à l’infraction durant une certaine période.

237    Cette argumentation ne saurait prospérer.

238    En effet, il ne saurait sérieusement être contesté qu’un comportement concurrentiel n’équivaut pas à une non-participation à l’infraction.

239    Aussi, indépendamment de la question de savoir si le comportement prétendument concurrentiel de la requérante justifiait ou justifie une réduction du montant de l’amende au titre des circonstances atténuantes, force est de constater que la situation de la requérante n’était manifestement pas comparable à celle d’Arkema.

240    Au surplus, le Tribunal a déjà jugé qu’il n’y a pas lieu, lors de la détermination du taux du montant de base, de tenir compte des caractéristiques spécifiques liées à l’infraction commise par chacun des participants pris individuellement, car les facteurs énumérés dans les lignes directrices de 2006, afin de déterminer ce taux, ont tous pour objet d’évaluer l’infraction aux règles de concurrence de l’Union, prise dans son ensemble (arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, précité, point 266).

241    Par conséquent, il convient de juger que la Commission n’a pas enfreint le principe d’égalité de traitement en fixant différemment les taux des montants variables pour deux entreprises, dont la requérante, au titre de la mise en œuvre de l’infraction.

242    Pour ce qui est, en troisième lieu, des taux retenus pour les droits d’entrée des entreprises impliquées, la requérante soutient que c’est en violation du principe d’égalité de traitement que la Commission a infligé des droits d’entrée pour toutes les entreprises impliquées à un taux unique, alors que, contrairement à elle, certaines entreprises ont participé plus longtemps à la période la plus « rigoureuse » de l’infraction, soit avant 1996.

243    Cet argument ne saurait non plus prospérer.

244    En effet, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, pour ce qui est de la prise en compte de la gravité au titre de la fixation de taux différents pour les montants de base respectifs des entreprises sanctionnées, si la gravité relative de la participation à l’infraction et les circonstances particulières de l’affaire doivent être prises en compte, il reste loisible à la Commission, en application des lignes directrices de 2006, de procéder à une telle prise en compte lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction ou de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes (voir arrêts Gosselin Group et Stichting Administratiekantoor Portielje/Commission, précité, point 145 ; Team Relocations e.a./Commission, précité, points 92 et 93, et Aragonesas Industrias y Energía/Commission, précité, points 265 à 267).

245    En l’espèce, il ne saurait donc être reproché à la Commission d’avoir appliqué un taux unique pour les droits d’entrée.

246    Au surplus, il faut rappeler que, dans le cadre des lignes directrices de 2006, le droit d’entrée opère indépendamment de la durée de l’infraction, car la majoration effectuée au titre de la durée repose sur le seul montant variable et non sur le droit d’entrée.

247    Il convient également de rappeler que le Tribunal a déjà jugé qu’il n’y a pas lieu, lors de la détermination du taux du droit d’entrée, de tenir compte des caractéristiques spécifiques liées à l’infraction commise par chacun des participants pris individuellement, car les facteurs énumérés dans les lignes directrices de 2006, afin de déterminer ce taux, ont tous pour objet d’évaluer l’infraction aux règles de concurrence de l’Union, prise dans son ensemble (arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, précité, point 265).

248    La requérante ne saurait donc utilement faire valoir que l’unicité du taux des droits d’entrée doit refléter une durée de participation différente des entreprises impliquées.

249    Par conséquent, il convient de juger que la Commission n’a pas enfreint le principe d’égalité de traitement en fixant les droits d’entrée à un taux unique pour toutes les entreprises, dont la requérante.

250    Pour ce qui est, en quatrième et dernier lieu, des durées retenues pour les différentes entreprises, dont la requérante, force est de constater que les arguments de la requérante sont identiques à ceux qu’elle fait valoir dans le cadre de son premier moyen, lequel a été rejeté.

251    Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation que la requérante a fait valoir, dans le cadre de son sixième moyen, concernant le montant de base de l’amende.

–       Sur l’existence de circonstances atténuantes

252    En premier lieu, selon la requérante, la Commission aurait violé les lignes directrices de 2006 en ne prenant pas en compte son comportement concurrentiel sur le marché durant la période infractionnelle.

253    En deuxième lieu, la Commission aurait également violé les lignes directrices de 2006 en ne prenant pas suffisamment en compte la durée de la procédure administrative, alors qu’une durée plus courte aurait eu un impact sur le montant de l’amende, eu égard à son chiffre d’affaires en 2004 au regard du plafond de 10 % et à l’application, en l’espèce, des lignes directrices de 2006 et non des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, [CA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 1998 »).

254    En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission n’a pas pris en compte sa participation limitée à l’infraction ou son rôle secondaire, tout en ne majorant pas le montant des amendes des entreprises ayant eu un rôle primordial.

255    En quatrième et dernier lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas pris en compte l’existence d’une entente sur les produits intermédiaires destinés à la fabrication des stabilisants étain et qu’elle a été contrainte par une autre entreprise d’adhérer à l’entente.

256    La Commission soutient que c’est à bon droit qu’elle n’a retenu aucune circonstance atténuante pour la requérante.

257    En premier lieu, selon la Commission, la simple affirmation d’un comportement concurrentiel de la requérante sur le marché ne suffit pas à démontrer que sa participation à l’infraction était « substantiellement réduite » et qu’elle « s’est effectivement soustraite à [son] application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché », ainsi que l’exige le point 29 des lignes directrices de 2006, conformément à la jurisprudence.

258    En deuxième lieu, la Commission soutient, après avoir rappelé qu’elle a accordé une réduction du montant de l’amende du fait de la longueur de la procédure, que les affirmations de la requérante sur l’incidence de l’application des lignes directrices de 2006 sur le montant de l’amende sont spéculatives et que, en tout état de cause, elle peut toujours ajuster sa politique en augmentant le montant des amendes.

259    La Commission ajoute, pour ce qui est de l’application du plafond de 10 % en cas d’adoption d’une décision en 2004 ou en 2005, que l’argumentation de la requérante implique que les décisions sont adoptées dans les deux années suivant le lancement des inspections alors qu’il n’en est nullement ainsi et que, même si l’enquête n’avait pas été retardée par la procédure judiciaire Akzo, une décision n’aurait pas été prise avant 2006, au plus tôt, de sorte que, eu égard au chiffre d’affaires de la requérante en 2005, le plafond de 10 % aurait été respecté.

260    En troisième lieu, la Commission rejette l’argument de la requérante tiré de son rôle secondaire dans la commission de l’infraction par rapport à d’autres entreprises impliquées, en précisant ne pas avoir estimé, en l’espèce, qu’il y avait de bonnes raisons de trouver des chefs de file. Elle ajoute que, même s’il existait des circonstances aggravantes pour d’autres sociétés, cela n’aurait pas modifié son appréciation du comportement de la requérante et que, par principe, le participant à une infraction ne saurait invoquer une circonstance atténuante tirée du comportement des autres participants à cette infraction, de sorte que le fait que d’autres membres de l’entente y participaient auparavant, ou peut-être de manière plus importante, aurait pu constituer une circonstance aggravante en ce qui les concernait, mais non une circonstance atténuante pour un autre participant.

261    En quatrième et dernier lieu, la Commission considère que la requérante ne fournit aucun élément permettant d’établir qu’elle a effectivement été contrainte de participer à l’entente et, le cas échéant, qu’elle aurait pu s’en plaindre auprès des autorités compétentes plutôt que d’y participer.

262    À cet égard, il convient de considérer que, dans le cadre de son sixième moyen, la requérante invoque une violation des lignes directrices de 2006, en ce que la Commission n’aurait pas tenu compte de certaines circonstances atténuantes.

263    En premier lieu, pour ce qui est de l’argument tiré d’un comportement concurrentiel équivalant à une non-mise en œuvre de l’entente, il convient, tout d’abord, de relever que la Commission a, au considérant 726 de la décision attaquée, souligné qu’une entente est une entreprise commune dans laquelle chaque participant peut jouer son propre rôle et que, si des conflits internes et des rivalités, voire des tricheries, peuvent survenir, cela n’empêchera pas l’accord de constituer un accord ou une pratique concertée contraire à l’article 81 CE lorsqu’il y a un but unique, commun et permanent.

264    Dans le même contexte, la Commission a considéré que la requérante n’avait pas fourni la preuve qu’elle avait évité de mettre en œuvre les accords en adoptant un comportement concurrentiel ou en violant clairement et substantiellement les obligations relatives à la mise en œuvre de l’entente au point de nuire à son fonctionnement.

265    Au considérant 727 de la décision attaquée, la Commission a ajouté que la requérante n’avait pas fourni d’éléments de preuve démontrant qu’elle s’était publiquement distanciée de tous les concurrents participant à l’entente sous tous ses aspects, mais que, au contraire, il était établi que la requérante avait continué à rencontrer les autres participants à l’entente et à discuter des augmentations de prix, des prix et des volumes des ventes jusqu’à la fin de l’entente.

266    Il y a lieu, ensuite, de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 490, et la jurisprudence citée).

267    En effet, une entreprise qui poursuit, malgré la concertation avec ses concurrents, une politique plus ou moins indépendante sur le marché peut simplement tenter d’utiliser l’entente à son profit et une entreprise qui ne se distancie pas des résultats d’une réunion à laquelle elle a assisté conserve, en principe, sa pleine responsabilité du fait de sa participation à l’entente. Dès lors, la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle s’est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause. Il serait effectivement trop aisé pour les entreprises de minimiser le risque de devoir payer une lourde amende si elles pouvaient profiter d’une entente illicite et bénéficier ensuite d’une réduction du montant de l’amende au motif qu’elles n’avaient joué qu’un rôle limité dans la mise en œuvre de l’infraction, alors que leur attitude a incité d’autres entreprises à se comporter d’une manière plus nuisible à la concurrence (voir arrêt Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, précité, point 491, et la jurisprudence citée).

268    Une circonstance atténuante ne saurait être reconnue à une entreprise participant à une entente que dans l’hypothèse où l’entreprise concernée a fourni la preuve que sa participation à l’infraction était substantiellement réduite et démontré par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 décembre 2012, Ecka Granulate et non ferrum Metallpulver/Commission, T‑400/09, non publié au Recueil, point 86, et la jurisprudence citée).

269    Or, en l’espèce, force est de constater que la requérante n’a pas établi que ces conditions étaient remplies en l’espèce.

270    En effet, alors que la requérante admet avoir participé aux réunions en cause, elle se contente d’évoquer un comportement concurrentiel sur le marché, mais ne prétend aucunement s’être clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de l’entente.

271    Par conséquent, il y a lieu de juger, d’une part, que la Commission n’était pas tenue de reconnaître une circonstance atténuante tirée d’un comportement concurrentiel de la requérante et, d’autre part, dans l’exercice des pouvoirs de pleine juridiction, qu’un tel comportement, à défaut notamment d’avoir été établi, ne justifie pas en l’espèce en tout état de cause une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

272    En deuxième lieu, la requérante soutient, en substance, que la durée de l’enquête devrait constituer une circonstance atténuante, car, si une décision avait été prise en 2004 ou en 2005, son chiffre d’affaires pertinent aurait été plus faible, de sorte que le plafond de 10 % aurait été appliqué de même que les lignes directrices de 1998 et que, par conséquent, l’amende qui lui aurait été infligée aurait été plus faible.

273    À cet égard, il convient de considérer que, par ces griefs, la requérante demande au Tribunal, eu égard à la durée de la procédure devant la Commission, de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée, et fait valoir en ce sens deux arguments pour soutenir que, si la décision avait été adoptée plus tôt, l’amende infligée aurait été plus faible.

274    Son premier argument a trait à son chiffre d’affaires avant 2005 aux fins du respect du plafond de 10 %.

275    Cet argument ne saurait prospérer.

276    En effet, cet argument implique que la Commission aurait dû retenir, dans la décision attaquée, un autre exercice aux fins de vérifier le respect du plafond de 10 %, à savoir l’exercice de 2003 ou celui de 2004, et non celui retenu dans la décision attaquée, ce qui serait contraire aux termes de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

277    Le second argument de la requérante a trait à l’application des lignes directrices de 2006. Certes, il est manifeste que lesdites lignes directrices ont eu une incidence majeure sur le calcul du montant des amendes, notamment pour les infractions de longue durée, ce qui est le cas en l’espèce.

278    Il n’en demeure pas moins que la requérante n’étaye aucunement son argumentation par des hypothèses de calcul, ainsi qu’elle l’admet expressément au point 183 de la requête, de sorte que son argumentation demeure totalement spéculative. En tout état de cause, les entreprises participant à une entente doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Cela vaut non seulement lorsque la Commission procède à un relèvement du niveau du montant des amendes en prononçant des amendes dans des décisions individuelles, mais également si ce relèvement s’opère par l’application, à des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale telles que les lignes directrices de 2006 (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. II‑5425, points 229 et 230). Dès lors, le remplacement des lignes directrices de 1998 par une nouvelle méthode de calcul, contenue dans les lignes directrices de 2006, à supposer que ladite méthode ait eu un effet aggravant sur le niveau des amendes infligées, était raisonnablement prévisible pour les entreprises participant à l’entente et ne saurait en soi être entachée d’illégalité (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, points 231 et 232), d’autant moins, et en tout état de cause, que l’introduction des lignes directrices de 2006 n’a pas modifié le niveau maximal des amendes prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

279    Cet argument ne saurait donc non plus prospérer dans le cadre du sixième moyen.

280    En troisième lieu, la requérante soutient, en substance, qu’elle a eu un rôle secondaire dans la commission de l’infraction par rapport à d’autres entreprises impliquées, lesquelles n’auraient pas fait l’objet d’une majoration au titre de circonstances aggravantes.

281    À cet égard, et indépendamment de la question de savoir si c’est à tort que la Commission n’a pas retenu de circonstances aggravantes pour les autres entreprises visées par la requérante, il convient également de rejeter ce grief.

282    En effet, pour ce qui est du comportement de la requérante, envisagé isolément, son argumentation équivaut, en substance, à celle qu’elle fait valoir au titre de son comportement concurrentiel, laquelle a déjà été appréciée et rejetée aux points 263 à 271 du présent arrêt.

283    Pour ce qui est du comportement de la requérante, envisagé par rapport à d’autres entreprises qui auraient eu, selon elle, un rôle de meneur, son argumentation ne saurait non plus prospérer, même à vouloir admettre cette prémisse.

284    En effet, le Tribunal considère que, par principe, le participant à une infraction ne saurait invoquer une circonstance atténuante tirée du comportement des autres participants à cette infraction (arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 125).

285    En l’espèce, le fait que les autres membres de l’entente s’étaient engagés différemment dans le temps ou plus radicalement, dans celle-ci pourrait constituer, le cas échéant, une circonstance aggravante à retenir à leur égard, mais non une circonstance atténuante en faveur de la requérante (voir, en ce sens, arrêt Union Pigments/Commission, précité, point 125).

286    Par conséquent, il convient de juger, d’une part, que la Commission n’était pas tenue de reconnaître une circonstance atténuante tirée d’un prétendu rôle secondaire de la requérante et, d’autre part, dans l’exercice des pouvoirs de pleine juridiction, qu’un tel comportement, même à le supposer établi, ne justifie pas une réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée.

287    En quatrième et dernier lieu, la requérante prétend à la reconnaissance d’une circonstance atténuante du fait de l’existence d’une entente sur un autre marché en amont et de mesures de contrainte dont elle aurait fait l’objet pour rejoindre l’entente sur le marché en cause dans la présente affaire.

288    À cet égard, force est de constater que l’argumentation de la requérante n’est pas des plus étayées et, en tout état de cause, ne convainc pas.

289    Pour ce qui est, d’une part, de l’existence d’une entente sur un autre marché, en amont, la requérante n’a aucunement établi que la Commission était tenue de la prendre en considération.

290    Pour ce qui est, d’autre part, des mesures de contrainte prétendument exercées sur la requérante, certes, cette dernière fait état, aux points 32 à 33 de la requête, de contraintes exercées à son égard, mais ce sans relier son argumentation à la prise en compte d’une circonstance atténuante à ce titre, et admet, au point 34, que, dans le cadre de sa stratégie de croissance en Europe, elle a accepté d’adhérer à l’entente sur les stabilisants étain en novembre 1992.

291    Force est de donc constater que la requérante, pour le moins, n’étaye aucunement son affirmation en se contentant d’affirmer, de manière péremptoire au point 189 de la requête, avoir démontré que le dossier contenait des preuves en ce sens, et qu’elle ne consacre aucun développement sur ce point dans la réplique.

292    Par conséquent, ce grief doit être écarté.

293    Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la requérante concernant l’existence de circonstances atténuantes.

–       Sur la capacité contributive de la requérante

294    Par des arguments rattachables à son sixième moyen, la requérante fait valoir que, pour apprécier sa capacité contributive à la suite de sa demande présentée en application du point 35 des lignes directrices de 2006, la Commission n’aurait pas tenu compte du montant de l’amende qu’elle lui a finalement infligée et qu’elle aurait apprécié de manière erronée les éléments soumis quant à sa situation financière.

295    Selon la Commission, son analyse de la capacité contributive de la requérante a démontré qu’il s’agissait d’une entreprise financièrement solide, solvable et de fait rentable, de sorte que rien ne justifiait une réduction du montant de son amende en vertu du point 35 des lignes directrices de 2006, la Commission jouissant en tout état de cause d’une certaine marge d’appréciation en la matière.

296    Dans le mémoire en défense, la Commission soutient avoir parfaitement pris en compte l’incidence du montant de l’amende sur la situation économique de la requérante, eu égard à sa solidité financière, à sa rentabilité, à sa solvabilité, à des liquidités et à ses facilités d’emprunt.

297    La Commission ajoute que, si la requérante devait réellement faire face à de graves difficultés financières, il aurait été envisageable qu’elle fût pour le moins en mesure d’en rapporter la preuve devant le Tribunal, dans le contexte de la demande de mesures provisoires. Or, il n’en a pas été ainsi, de sorte que ses arguments à cet endroit seraient totalement dénués de fondement.

298    À cet égard, il convient de considérer que, dans le cadre de son sixième moyen, la requérante soutient que la Commission a violé les lignes directrices de 2006, en ce qu’elle n’a pas tenu compte de son défaut de capacité contributive.

299    À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que, en application du point 35 des lignes directrices de 2006, la Commission peut, sur demande, tenir compte de l’absence de capacité contributive d’une entreprise dans un contexte social et économique particulier et qu’aucune réduction du montant d’une amende ne sera accordée à ce titre par la Commission sur la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire, une réduction ne pouvant être accordée que sur le fondement de preuves objectives que l’imposition d’une amende, dans les conditions fixées par la décision, mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur.

300    Il ressort clairement de ces dispositions que la Commission n’est aucunement tenue d’accorder une réduction du montant d’une amende à ce titre, pour le moins si les conditions requises ne sont pas réunies.

301    Il convient également de rappeler que, dernièrement, le Tribunal a jugé qu’une réduction du montant de l’amende en vertu du point 35 des lignes directrices de 2006 est subordonnée à trois conditions cumulatives, à savoir l’introduction d’une demande au cours de la procédure administrative, l’existence d’un contexte social et économique particulier et l’absence de capacité contributive de l’entreprise, celle-ci devant fournir des éléments de preuve objectifs démontrant que l’imposition d’une amende mettrait irrémédiablement en danger sa viabilité économique et conduirait à priver ses actifs de toute valeur (arrêts Team Relocations e.a./Commission, précité, point 171, et Ziegler/Commission, précité, point 165), ce qui ne coïncide pas nécessairement avec l’ouverture d’une procédure de liquidation en présence d’actifs valorisables.

302    Or, force est de constater que la requérante est loin d’avoir établi que ces conditions étaient remplies devant la Commission au stade de la procédure administrative, dans la requête ou la réplique dans le cadre du présent recours et dans la demande de mesures provisoires devant le président du Tribunal.

303    À cet égard, il convient de préciser que le président du Tribunal a relevé, pour rejeter la demande de mesures provisoires de la requérante, que cette dernière n’avait pas usé de la possibilité, offerte par la Commission, de constituer une garantie bancaire (ordonnance Reagens/Commission, précitée, point 36).

304    Même s’il ne saurait en être déduit que la Commission n’a pas enfreint le point 35 des lignes directrices de 2006, force est de constater que la requérante a préféré risquer la voie d’un paiement certes provisoire, mais intégral et immédiat, ce qui ne peut attester d’une situation économique fragile.

305    En tout état de cause, eu égard à la situation économique de la requérante, telle que ressortant des pièces du dossier, notamment du mémoire en défense de la Commission, que ne conteste pas la requérante dans la réplique, et telle que constatée par le président du Tribunal dans son ordonnance Reagens/Commission, précitée, de même que des données fournies par la requérante en réponse à une question du Tribunal à cet effet, il convient de juger, dans l’exercice des pouvoirs de pleine juridiction, qu’il n’y a pas lieu, indépendamment des conditions définies au point 35 des lignes directrices de 2006, de réduire le montant de l’amende à cet effet.

306    Par conséquent, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante quant à son défaut de capacité contributive et, partant, le sixième moyen dans son ensemble.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité

307    Dans le cadre de son septième moyen, la requérante soutient que la Commission a, dans la décision attaquée, violé le principe de proportionnalité en ce qui concerne le montant de l’amende qui lui a été infligée.

308    Dans la réponse apportée à une question posée par le Tribunal à cet effet, la requérante a indiqué que son septième moyen, énoncé de manière abstraite au point 220 de la requête, y était étayé aux points 206 et 207.

309    Il ressort desdits points que, selon la requérante, les objectifs de dissuasion et de répression poursuivis par l’infliction d’une amende pour violation des règles de concurrence de l’Union ne requéraient pas de lui infliger une amende représentant 7,44 % de son chiffre d’affaires de 2008 alors que d’autres entreprises impliquées se seraient vu infliger des amendes représentant moins de 1 % de leurs chiffres d’affaires.

310    Pour rejeter cette argumentation, il suffit de renvoyer aux considérations exposées au point 196 du présent arrêt.

311    Pour le surplus, et en tout état de cause, il y a lieu de considérer que le montant de l’amende infligée à la requérante dans la décision attaquée est approprié eu égard à l’ensemble des circonstances de la présente affaire, notamment pour ce qui est de la gravité et de la durée de l’infraction, ainsi que de la situation économique de la requérante, telle qu’elle ressort des données qu’elle a produites en réponse à une question posée par le Tribunal à cet effet.

312    Partant, il convient de rejeter le septième moyen et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

313    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

314    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Reagens SpA est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 mai 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.