Language of document : ECLI:EU:T:2021:539

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 septembre 2021 (*) (1)

« Protection de la santé et de la sécurité des consommateurs et des travailleurs – Directive 2006/42/CE – Clause de sauvegarde – Mesure nationale de retrait du marché et d’interdiction de mise sur le marché d’une machine à relever les quilles et d’un kit complémentaire – Exigences essentielles de santé et de sécurité – Décision de la Commission déclarant la mesure justifiée – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑152/19,

Brunswick Bowling Products LLC, anciennement Brunswick Bowling & Billiards Corporation, établie à Muskegon, Michigan (États-Unis), représentée par Mes R. Martens et V. Ostrovskis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. M. Huttunen et P. Ondrůšek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté par Mmes H. Eklinder, R. Eriksson, C. Meyer-Seitz, A. Runeskjöld, M. Salborn Hodgson, H. Shev, MM. J. Lundberg et O. Simonsson, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2018/1960 de la Commission, du 10 décembre 2018, concernant une mesure de sauvegarde adoptée par la Suède conformément à la directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil pour interdire la mise sur le marché d’un type de machine à relever les quilles et d’un kit complémentaire destiné à être utilisé avec ce type de machine, fabriqués par Brunswick Bowling & Billiards, et retirer les machines déjà mises sur le marché (JO 2018, L 315, p. 29),

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović, présidente, M. F. Schalin et Mme P. Škvařilová-Pelzl (rapporteure), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, cheffe d’unité,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 6 octobre 2020,

vu l’ordonnance de réouverture de la phase orale de la procédure du 11 mars 2021 et les réponses des parties aux questions écrites du Tribunal,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Brunswick Bowling Products LLC, anciennement Brunswick Bowling & Billiards Corporation, est une entreprise établie aux États-Unis, qui est active sur le marché comme opérateur de services complets de quilles et de centres récréatifs en Amérique du Nord et dans l’Union européenne et qui fournit des gammes complètes d’équipements de quilles et conçoit des tables de billard et des accessoires. La requérante produit, notamment, les machines à relever les quilles « Brunswick GS-X » (ci-après les « machines litigieuses ») et des kits complémentaires de pièces « Advanced Guards » (ci-après, pris ensemble, les « produits litigieux »). Les produits litigieux sont mis sur le marché dans 26 États membres.

2        Le 30 août 2013, l’Arbetsmiljöverket (Office de l’environnement de travail, Suède, ci-après l’« OSET ») a rendu une décision (ci-après la « décision de l’OSET ») par laquelle il a pris des mesures de sauvegarde au titre de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/42/CE du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, relative aux machines et modifiant la directive 95/16/CE (refonte) (JO 2006, L 157, p. 24), visant à interdire la mise sur le marché des produits litigieux, d’une part, et, sous certaines réserves, à les retirer du marché, d’autre part.

3        Plus précisément, selon la décision de l’OSET, les produits litigieux présentaient plusieurs défauts. Les principales objections portaient sur la visibilité de la zone dangereuse dans les machines litigieuses lors de la procédure de démarrage, la largeur insuffisante dans leur zone de renvoi des boules, à savoir les passerelles des machines litigieuses de 190 mm de large, le risque associé à l’accès frontal desdites machines et d’autres défauts concernant les étiquettes du contrôleur, l’utilisation des témoins lumineux, des problèmes de traduction et de documentation.

4        S’agissant du retrait des produits litigieux, plusieurs possibilités ont été indiquées dans la décision de l’OSET, à savoir, premièrement, corriger les défauts liés à l’environnement de travail de l’opérateur, deuxièmement, reprendre les produits litigieux et les remplacer par d’autres produits de type identique ou équivalent conformes aux exigences techniques requises ou, troisièmement, reprendre lesdits produits et indemniser le propriétaire.

5        Plus précisément, s’agissant de la première possibilité, à savoir corriger les défauts des produits existants, l’OSET n’a pas retenu certaines des actions requises afin de corriger les irrégularités pour les nouveaux produits litigieux. C’est ainsi qu’il n’a pas été demandé d’effectuer les corrections concernant, tout d’abord, l’emplacement de trois témoins lumineux distincts indiquant différents modes sur le panneau de commande, ensuite, l’élargissement des points d’accès entre les machines servant également de plateformes de travail, enfin, la vue d’ensemble de la zone dangereuse.

6        Les raisons invoquées par le Royaume de Suède pour justifier les mesures de sauvegarde, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2006/42, telles que visées aux points 2 à 5 ci-dessus, étaient le non-respect par les produits litigieux de certaines exigences essentielles de santé et de sécurité (ci-après les « EESS ») énoncées à l’annexe I de la directive 2006/42 et l’application incorrecte de certaines normes harmonisées.

7        Conformément à l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2006/42, les autorités suédoises ont informé la Commission européenne des mesures visant à interdire la mise sur le marché des produits litigieux ainsi qu’à les retirer du marché.

8        Conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2006/42, la Commission a, par lettre du 11 avril 2014, demandé à la requérante, en tant que fabricant, de présenter ses observations sur les mesures prises par le Royaume de Suède. Dans un document non daté, joint en annexe à la requête, la requérante a demandé à la Commission de ne pas déclarer lesdites mesures comme justifiées. Elle a également envoyé des informations complémentaires à la Commission, par lettre du 6 décembre 2016.

9        La Commission a fait réaliser une étude par des experts indépendants (ci-après l’« étude indépendante »), datée du 8 mai 2017, afin de déterminer si les produits litigieux étaient conformes à la directive 2006/42. Par lettre du 22 juin 2018, la requérante a présenté ses observations sur cette étude.

10      Par sa décision d’exécution (UE) 2018/1960, du 10 décembre 2018, concernant une mesure de sauvegarde adoptée par la Suède conformément à la directive 2006/42 pour interdire la mise sur le marché d’un type de machine à relever les quilles et d’un kit complémentaire destiné à être utilisé avec ce type de machine, fabriqués par Brunswick Bowling & Billiards, et retirer les machines déjà mises sur le marché (JO 2018, L 315, p. 29, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2006/42, considéré que les mesures prises par le Royaume de Suède, telles que visées aux points 2 à 5 ci-dessus, étaient justifiées.

11      Plus précisément, au considérant 14 de la décision attaquée, la Commission a estimé que « [l]’examen de la justification présentée par [le Royaume de] Suède concernant la mesure de sauvegarde, l’étude indépendante confirmant les conclusions tirées par [le Royaume de] Suède et les observations communiquées par le fabricant confirm[ai]ent que la machine à relever les quilles ne satisfaisait pas aux [EESS] énoncées aux [points] 1.1.2, 1.1.6, 1.2.2, 1.3.8, 1.4, 1.6.1, 1.6.2, 1.7.1, 1.7.4, 1.7.4.1 et 1.7.4.2 de l’annexe I de la directive 2006/42 […] et que le kit complémentaire ne satisfaisait pas aux [EESS] énoncées aux [points] 1.1.2, 1.2.2, 1.3.8, 1.4, 1.7.1, 1.7.4, 1.7.4.1 et 1.7.4.2 lorsque [le Royaume de] Suède [lui] a notifié les mesures en décembre 2013 ». Elle en a conclu, au même considérant, que ces irrégularités risquaient de compromettre la santé et la sécurité des personnes et que, par conséquent, les mesures de sauvegarde en cause devaient être considérées comme justifiées.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2019, la requérante a introduit le présent recours.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2019, le Royaume de Suède a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. La Commission et la requérante ont marqué leur accord sur ladite demande d’intervention, respectivement le 9 et le 17 juillet 2019. Par décision du 25 juillet 2019 de la présidente de la première chambre du Tribunal, il a été fait droit à la demande d’intervention du Royaume de Suède.

14      Le 24 juin 2019, la Commission a déposé un mémoire en défense au greffe du Tribunal.

15      La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal respectivement le 21 août et le 22 octobre 2019.

16      Le 9 octobre 2019, le Royaume de Suède a déposé un mémoire en intervention au greffe du Tribunal.

17      Respectivement le 5 et le 7 novembre 2019, la Commission et la requérante ont déposé leurs observations sur le mémoire en intervention du Royaume de Suède au greffe du Tribunal.

18      Par décision du président du Tribunal du 16 octobre 2019, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la deuxième chambre.

19      En application de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la requérante a présenté, le 3 décembre 2019, une prise de position motivée sur la tenue d’une audience de plaidoiries.

20      Par décision du 16 juillet 2020, le Tribunal a adopté une mesure d’organisation de la procédure, sur le fondement des articles 88 à 90 du règlement de procédure. La Commission y a répondu dans le délai imparti. Les autres parties n’ont pas donné suite à l’invitation, qui leur avait été adressée, à présenter leurs observations quant à la réponse de la Commission.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 octobre 2020.

22      Par ordonnance du 11 mars 2021, le Tribunal a décidé de rouvrir la phase orale de la procédure et, par décision du même jour, a adopté une mesure d’organisation de la procédure, sur le fondement des articles 88 à 90 du règlement de procédure, invitant la requérante à préciser son lien juridique avec Brunswick Bowling & Billiards, visée au considérant 1 de la décision attaquée en tant que fabricant des produits litigieux.

23      Dans sa réponse du 26 mars 2021, la requérante a présenté ses explications et des éléments de preuve qui démontrent que la décision attaquée la visait sous son ancienne dénomination sociale. Par lettre du 16 avril 2021, la Commission a indiqué qu’elle n’avait pas d’observation à formuler quant à la réponse de la requérante. Le Royaume de Suède n’a pas déposé d’observations dans le délai imparti.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

26      La requérante soulève cinq moyens au soutien de sa demande d’annulation de la décision attaquée. Le premier moyen est tiré d’une violation des règles procédurales, prévues à l’article 11 de la directive 2006/42 et à l’article 18, paragraphe 5, du règlement (CE) no 765/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 9 juillet 2008, fixant les prescriptions relatives à l’accréditation et à la surveillance du marché pour la commercialisation des produits et abrogeant le règlement (CEE) no 339/93 du Conseil (JO 2008, L 218, p. 30), ainsi que du principe de proportionnalité, visé à l’article 18, paragraphe 4, dudit règlement. Le deuxième moyen est tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration. Le troisième moyen est pris d’une violation des règles procédurales prévues à l’annexe I de la directive 2006/42. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de bonne administration. Le cinquième moyen est pris d’une violation de l’article 6 de la directive 2006/42 et du principe d’égalité du traitement.

27      Ainsi, le présent recours s’inscrit principalement dans le cadre de l’application et de l’interprétation de la directive 2006/42 et, notamment, de la clause de sauvegarde prévue à l’article 11 de cette directive. Dans l’exposé des cinq moyens soulevés, la requérante se prévaut également des dispositions du règlement no 765/2008, notamment celles qui sont relatives aux obligations des États membres en matière d’organisation de la surveillance du marché.

 Sur la recevabilité du grief, soulevé dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

28      Dans la réplique, au titre du deuxième moyen, la requérante invoque un grief, tiré d’une violation du principe de bonne administration. À cet égard, elle soutient que la Commission a violé l’obligation imposée aux institutions de l’Union par l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne d’agir dans un délai raisonnable en ce qu’elle a adopté la décision attaquée environ cinq ans après la décision de l’OSET, alors que son examen était limité et qu’elle ne devait pas mener de nouvelles investigations, ni établir de nouveaux faits.

29      Dans la duplique, la Commission conclut au rejet du grief comme irrecevable, au motif qu’il a été soulevé pour la première fois au stade de la réplique.

30      À cet égard, il convient de rappeler que, selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure. En outre, il ressort de la jurisprudence que cette condition régit a fortiori toute modification des conclusions et que, à défaut d’éléments de droit et de fait révélés pendant la phase écrite de la procédure, seules les conclusions de la requête peuvent être prises en considération (voir arrêt du 3 mai 2018, Grizzly Tools/Commission, T‑168/16, non publié, EU:T:2018:246, point 23 et jurisprudence citée).

31      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater que le grief pris d’une violation de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux, en ce qu’il prévoit une obligation d’agir dans un délai raisonnable, a été soulevé pour la première fois dans la réplique. En effet, la requête ne contient aucun élément susceptible de se rapporter à une telle violation. Ce grief ne peut donc pas être considéré comme l’ampliation d’un des moyens ou arguments déjà exposés dans la requête.

32      Deuxièmement, il convient de relever que, alors qu’il a été avancé pour la première fois dans la réplique, la requérante n’a fourni aucune justification quant à la présentation tardive dudit grief, ce contrairement aux exigences de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure.

33      Partant, le grief en cause, soulevé dans le cadre du deuxième moyen et ayant été présenté de manière tardive, doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le fond

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des règles procédurales prévues à l’article 11 de la directive 2006/42 et à l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 765/2008 ainsi que du principe de proportionnalité visé à l’article 18, paragraphe 4, dudit règlement

34      Le premier moyen s’articule autour de deux branches. La première porte sur une violation des règles procédurales prévues à l’article 11 de la directive 2006/42 et à l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 765/2008, au motif que la requérante aurait été induite en erreur par plusieurs autorités nationales compétentes. La seconde porte sur une violation du principe de proportionnalité, visé à l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 765/2008, au motif qu’il aurait été possible de recourir à des mesures moins contraignantes pour se conformer à la directive 2006/42.

–       Sur la première branche, tirée d’une violation des règles procédurales prévues à l’article 11 de la directive 2006/42 et à l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 765/2008

35      S’agissant de la première branche, prise d’une violation des règles procédurales, la requérante se prévaut du fait que les produits litigieux ont été essentiellement développés en collaboration étroite avec les autorités nationales compétentes au Danemark, en Allemagne, en Finlande et au Royaume-Uni et qu’ils ont été jugés conformes à la directive 2006/42 par ces autorités, avant que la décision de l’OSET ne soit rendue. Compte tenu de cette affirmation, premièrement, la requérante soutient que la procédure prévue à l’article 11 de la directive 2006/42 n’a pas été appliquée de manière uniforme par les autorités nationales compétentes. Deuxièmement, selon la requérante, l’exigence de coopération et d’échange d’informations entre les autorités nationales compétentes de surveillance du marché des États membres, qui est prévue par la directive 2006/42 aux fins d’assurer l’application uniforme de cette directive, n’a pas été respectée. La requérante souligne que les autorités nationales compétentes devraient instaurer des critères uniformes en matière de qualité des machines à relever les quilles, ce qui n’a pas été fait en l’espèce. Par conséquent, elle considère que le système de surveillance du marché était défectueux et soutient qu’elle a été mal orientée par les autorités nationales compétentes, de sorte que les mesures de sauvegarde en cause ne sont pas justifiées.

36      La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conteste les arguments de la requérante.

37      La directive 2006/42 a été adoptée sur la base de l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE), qui habilite le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne à arrêter des mesures ayant pour objet l’élimination des entraves aux échanges résultant des disparités entre les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres. Elle vise à harmoniser les conditions dans lesquelles les machines munies du marquage CE et de la déclaration CE de conformité sont mises sur le marché intérieur et à assurer leur libre circulation au sein de l’Union, tout en garantissant le respect d’un ensemble d’exigences destinées à protéger la santé et la sécurité des personnes à l’égard des risques découlant de l’utilisation de ces machines, à l’instar de la directive 89/392/CEE du Conseil, du 14 juin 1989, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux machines (JO 1989, L 183, p. 9), et de la directive 98/37/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux machines (JO 1998, L 207, p. 1), qui l’ont précédée (voir arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 25 et jurisprudence citée).

38      Ainsi, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2006/42, les États membres prennent toutes les mesures utiles pour que les machines ne puissent être mises sur le marché ou mises en service que si elles satisfont aux dispositions de ladite directive qui les concernent et ne compromettent pas la santé et la sécurité des personnes et, le cas échéant, des animaux domestiques et des biens et, s’il y a lieu, de l’environnement, lorsqu’elles sont installées et entretenues convenablement et utilisées conformément à leur destination ou dans des conditions raisonnablement prévisibles.

39      L’article 5, paragraphe 1, de la directive 2006/42 prévoit que, avant de mettre sur le marché ou de mettre en service une machine, le fabricant ou son mandataire doit, notamment, veiller à ce qu’elle satisfasse aux EESS pertinentes énoncées à l’annexe I de ladite directive, assurer la disponibilité du dossier technique, mettre à disposition les informations nécessaires, appliquer les procédures d’évaluation de la conformité pertinentes, établir la déclaration CE de conformité et apposer le marquage CE sur la machine.

40      L’article 6, paragraphe 1, de la directive 2006/42 dispose que les États membres ne peuvent pas interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché ou la mise en service sur leur territoire des machines qui satisfont à cette directive.

41      L’article 11 de la directive 2006/42 définit les conditions de mise en œuvre de la clause de sauvegarde. Cette disposition exige, d’une part, des États membres qu’ils prennent toutes les mesures utiles pour restreindre la libre circulation sur leur marché national des machines dont ils constatent qu’elles risquent de compromettre la santé ou la sécurité des personnes et, d’autre part, de la Commission qu’elle « examine » si ces mesures « sont ou non justifiées » (arrêt du 3 mai 2018, Grizzly Tools/Commission, T‑168/16, non publié, EU:T:2018:246, point 50).

42      La directive 2006/42 met donc en place un système de surveillance et de régulation du marché intérieur, dans lequel c’est, au premier chef, aux autorités nationales compétentes qu’il revient d’évaluer si une machine risque de compromettre la santé ou la sécurité des personnes et, dans l’affirmative, de prendre les mesures de retrait ou d’interdiction qui s’imposent. La clause de sauvegarde prévue à cet effet par l’article 11 de la directive 2006/42 doit elle-même être appréhendée au regard de l’article 114, paragraphe 10, TFUE, qui permet aux États membres de prendre de telles mesures pour une ou plusieurs des raisons non économiques visées à l’article 36 TFUE, parmi lesquelles figure la protection de la santé et de la vie des personnes. Il ressort de la jurisprudence qu’un tel exercice peut impliquer, de la part des autorités nationales compétentes, des appréciations complexes d’ordre technique ou scientifique. La Commission vérifie, pour sa part, le caractère justifié ou non, en droit et en fait, des mesures adoptées par les États membres dans le cadre de la directive 2006/42 (voir arrêt du 3 mai 2018, Grizzly Tools/Commission, T‑168/16, non publié, EU:T:2018:246, point 52 et jurisprudence citée).

43      Dans ce cadre, le Tribunal a déjà jugé que, d’une part, afin de pouvoir poursuivre efficacement l’objectif qui lui est assigné, et en considération des évaluations techniques complexes qu’elle doit opérer, un large pouvoir d’appréciation devait être reconnu à la Commission quant à l’appréciation des faits. D’autre part, le contrôle juridictionnel du bien‑fondé des raisons juridiques ayant conduit la Commission à conclure au caractère justifié des mesures nationales en cause ne peut être, s’agissant d’une question de droit, qu’un contrôle entier (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, points 48 et 80 et jurisprudence citée).

44      S’agissant de l’obligation d’application uniforme de la directive 2006/42 et de coopération des États membres, il y a lieu d’observer que l’article 14, paragraphe 7, de la directive 2006/42 dispose que, « [a]fin de coordonner l’application uniforme de la[dite] directive, la Commission prévoit l’organisation d’un échange d’expériences entre les autorités des États membres chargées de la désignation, de la notification et de la surveillance des organismes notifiés et les organismes notifiés ».

45      De même, l’article 19, paragraphe 1, de la directive 2006/42 prévoit que « [l]es États membres prennent les mesures appropriées pour que les autorités compétentes [nationales] coopèrent entre elles ainsi qu’avec la Commission et se transmettent les informations nécessaires pour permettre une application uniforme de la[dite] directive ». Le paragraphe 2 du même article dispose que « [l]a Commission prévoit l’organisation d’un échange d’expériences entre les autorités compétentes chargées de la surveillance du marché en vue de coordonner l’application uniforme de la[dite] directive ».

46      En outre, selon le considérant 9 de la directive 2006/42, « [l]a surveillance du marché [étant] un outil essentiel dans la mesure où elle assure l’application correcte et uniforme des directives[, i]l convient dès lors de mettre en place un cadre juridique dans lequel elle pourra se dérouler harmonieusement ».

47      Il y a lieu d’observer également que, selon le considérant 10 de la directive 2006/42, « [l]es États membres veillent sous leur responsabilité à ce que la[dite] directive soit appliquée efficacement sur leur territoire et à ce que la sécurité des machines concernées soit, autant que possible, améliorée conformément à ses dispositions » et « [i]ls veillent à pouvoir exercer une surveillance effective du marché, compte tenu des orientations établies par la Commission, de façon à garantir une mise en œuvre correcte et uniforme de la[dite] directive ».

48      En vertu des dispositions de l’article 1er du règlement no 765/2008, des règles sont établies concernant l’organisation et le fonctionnement de l’accréditation des organismes d’évaluation chargés d’accomplir des tâches d’évaluation de la conformité. Ce règlement fixe un cadre pour la surveillance du marché des produits afin de garantir qu’ils répondent aux exigences garantissant un haut niveau de protection des intérêts publics tels que la santé et la sécurité en général, la santé et la sécurité sur le lieu de travail, la protection des consommateurs, la protection de l’environnement et la sécurité. Il fixe également un cadre pour les contrôles des produits provenant de pays tiers et établit les principes généraux applicables au marquage CE.

49      Les dispositions de l’article 18 du règlement no 765/2008, dont la requérante se prévaut, concernent la surveillance du marché, notamment les obligations des États membres en matière d’organisation de cette surveillance. Tout d’abord, au sens du paragraphe 1 dudit article, les États membres établissent des mécanismes de communication et de coordination appropriés entre leurs autorités de surveillance du marché. Ensuite, les États membres sont également tenus d’établir des procédures appropriées en matière d’organisation de la surveillance du marché et d’assurer aux autorités de surveillance du marché les pouvoirs, les ressources et les connaissances nécessaires pour accomplir correctement leurs tâches (paragraphes 2 et 3 dudit article). En outre, l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 765/2008 prévoit une obligation, pour les États membres, de veiller à ce que les autorités de surveillance du marché exercent leurs compétences conformément au principe de proportionnalité. De même, selon le paragraphe 5 dudit article, les États membres sont obligés d’établir, d’appliquer et de mettre à jour périodiquement leurs programmes de surveillance du marché, qui doivent être communiqués, notamment, aux autres États membres et à la Commission. Enfin, les États membres doivent revoir et évaluer périodiquement le fonctionnement de leurs activités de surveillance (article 18, paragraphe 6, du règlement no 765/2008).

50      Premièrement, s’agissant des arguments de la requérante concernant l’application uniforme de la directive 2006/42, il convient de rappeler qu’il ressort de l’article 14, paragraphe 7, et de l’article 19 de la directive 2006/42, lus à la lumière de ses considérants 9 et 10, que, dans le cadre de la surveillance du marché organisée par ladite directive, et plus particulièrement de la mise en œuvre de la clause de sauvegarde prévue par son article 11, les États membres ont l’obligation de garantir l’application correcte et uniforme de cette directive, en se coordonnant et en tenant compte des orientations établies par la Commission (arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 27).

51      Deuxièmement, s’agissant des arguments de la requérante quant à l’obligation de coopération et d’échange d’informations des autorités nationales compétentes, il est vrai que l’article 19 de la directive 2006/42 prévoit pour les États membres une obligation de prendre les mesures appropriées pour que les autorités nationales compétentes coopèrent entre elles ainsi qu’avec la Commission et se transmettent les informations nécessaires pour permettre une application uniforme de ladite directive. L’article 18, paragraphe 5, du règlement no 765/2008 prévoit également une obligation pour les États membres d’établir, d’appliquer et de mettre à jour périodiquement leurs programmes de surveillance du marché, qui doivent être communiqués, notamment, aux autres États membres et à la Commission.

52      Nonobstant l’importance des obligations pesant sur la Commission et les États membres visées aux points 50 et 51 ci-dessus, il y a lieu d’observer qu’aucune d’elles n’implique une quelconque obligation qui lierait la Commission et les États membres afin de coordonner l’adoption des solutions techniques dans ces derniers. Au contraire, l’application uniforme de la directive 2006/42 n’implique pas nécessairement que les solutions techniques soient identiques dans tous les États membres.

53      En effet, l’obligation d’application uniforme de la directive 2006/42 porte sur l’appréhension générale de l’objectif d’assurer la santé et la sécurité, notamment des personnes, dans le secteur des machines, en particulier en ce qui concerne le système de surveillance du marché par les autorités nationales compétentes ainsi que des principes et des procédures à suivre à cette fin. Cela est illustré et confirmé par le considérant 10 de la directive 2006/42 cité au point 47 ci-dessus, selon lequel les États membres veillent sous leur propre responsabilité à ce que ladite directive soit appliquée efficacement sur leur territoire et à ce que la sécurité des machines concernées soit, autant que possible, améliorée conformément à ses dispositions.

54      C’est ainsi que, conformément à la jurisprudence, la décision attaquée implique que chacun des États membres autres que le Royaume de Suède prenne des mesures utiles relatives à la mise ou au maintien des produits litigieux sur son marché et garantisse, ce faisant, l’application correcte et uniforme de la directive 2006/42, à la lumière des mesures adoptées par les autorités suédoises, après qu’elles ont été déclarées justifiées par la Commission. La décision attaquée a pour conséquence directe de déclencher des procédures nationales mettant en cause le droit dont la requérante jouissait jusqu’alors, dans l’ensemble de l’Union, de commercialiser une machine qui bénéficiait elle‑même de la présomption de conformité prévue par l’article 7 de ladite directive, dès lors qu’elle était munie du marquage CE et accompagnée de la déclaration CE de conformité (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 28).

55      Dès lors, l’application correcte et uniforme de la directive 2006/42 est, notamment, assurée par le fonctionnement de la surveillance du marché et par l’application de la clause de sauvegarde qui permettent de garantir que tous les États membres sont informés et tenus d’agir dans le cas où des mesures de sauvegarde sont déclarées justifiées par la Commission. En revanche, contrairement à ce que soutient, en substance, la requérante, la directive 2006/42 n’empêche pas un État membre de prendre les mesures prévues à l’article 11 de cette directive, au motif que d’autres États membres ne l’auraient pas fait.

56      Pour cette raison, les arguments de la requérante soulevés dans le cadre de la première branche du premier moyen ne sont pas susceptibles de remettre en cause l’appréciation de la Commission dans la décision attaquée. Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen comme étant non fondée.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité

57      S’agissant de la seconde branche du premier moyen, prise d’une violation du principe de proportionnalité, tout d’abord, la requérante soutient que la décision attaquée ne contient pas une motivation adéquate sur la question de la proportionnalité. Ensuite, elle reproche à la Commission de ne pas avoir apprécié, dans la décision attaquée, si les irrégularités relevées par l’OSET concernant les produits litigieux étaient si importantes que les mesures de sauvegarde étaient justifiées en fait et en droit. En outre, les implications de la décision attaquée seraient disproportionnées parce qu’elle exigerait que tous les États membres dans lesquels les produits litigieux sont installés prennent des mesures visant à assurer l’application uniforme de la directive 2006/42. Selon la requérante, les exigences et demandes de l’OSET portant sur les produits litigieux iraient au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre la sécurité de ces produits. De plus, la requérante souligne que la Commission n’a tenu compte ni du plan de mise à niveau exécuté pour les produits litigieux dans les locaux d’un centre de bowling de Gustavsberg (Suède) et présenté à l’OSET en 2016 comme une solution pour le marché suédois ni des observations positives à cet égard quant aux produits litigieux dans l’étude indépendante. Enfin, selon la requérante, les mesures prévues respectivement dans la décision de l’OSET et dans la décision attaquée entraîneraient une charge financière disproportionnée en comparaison avec les problèmes de sécurité et les risques répertoriés par l’OSET.

58      La Commission, soutenue par le Royaume de Suède, conteste l’argumentation de la requérante.

59      L’article 5 TUE, auquel la requérante fait brièvement référence dans le cadre de ce moyen, prévoit en son paragraphe 4 que, « [e]n vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités » et que « [l]es institutions de l’Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité ».

60      Comme cela a été rappelé au point 49 ci-dessus, l’article 18, paragraphe 4, du règlement no 765/2008 prévoit que « [l]es États membres veillent à ce que les autorités de surveillance du marché exercent leurs compétences conformément au principe de proportionnalité ».

61      En outre, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, du même règlement, « [l]es États membres garantissent que toute mesure prise en vertu de la législation […] d’harmonisation pertinente [de l’Union] et visant à interdire ou restreindre la mise à disposition d’un produit sur le marché, ou à le rappeler ou le retirer du marché, soit proportionnée et qu’elle établisse les motifs exacts sur lesquels elle repose ».

62      Ainsi, ces dispositions du règlement no 765/2008 confirment l’obligation des autorités nationales compétentes de respecter le principe de proportionnalité.

63      Selon une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 55 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25].

64      Le principe de proportionnalité s’applique d’ailleurs de la même manière au niveau national, car il impose aux États membres d’adopter des mesures propres à réaliser les objectifs poursuivis et n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (voir arrêt du 4 octobre 2018, Link Logistik N&N, C‑384/17, EU:C:2018:810, point 40 et jurisprudence citée).

65      En premier lieu, s’agissant des arguments de la requérante pris d’une violation du principe de proportionnalité en ce que la Commission n’aurait pas pris en compte son plan de mise à niveau présenté au centre de bowling de Gustavsberg en 2016 et des observations positives de l’étude indépendante à cet égard, il y a lieu de souligner, à l’instar de la Commission, que la décision attaquée porte sur la question de savoir si les mesures de sauvegarde prises par l’OSET en 2013 étaient ou non justifiées.

66      À cet égard, il convient d’observer que le paragraphe 10 de l’article 95 CE, qui constitue la base juridique de la directive 2006/42, dispose que les mesures d’harmonisation adoptées sur ce fondement comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les États membres à prendre, pour une ou plusieurs des raisons non économiques visées à l’article 36 TFUE, des « mesures provisoires soumises à une procédure de contrôle de l’Union ». Il en résulte, selon la jurisprudence, que, si c’est effectivement aux États membres qu’il incombe de mettre en œuvre correctement la directive 2006/42, notamment au regard du principe de proportionnalité, et de veiller à ce que les machines mises sur le marché ou mises en service sur leur territoire satisfassent à ses dispositions, le cas échéant en prenant des mesures telles que celles envisagées par l’article 11 de ladite directive, il n’en appartient pas moins à la Commission de contrôler le caractère justifié de ces mesures, en s’assurant en particulier du bien-fondé des raisons juridiques et factuelles ayant motivé leur adoption et, notamment, du caractère proportionné des mesures prises. Le résultat de ce contrôle conditionne le maintien définitif de la mesure nationale en cause, en ce sens que l’État membre ne peut la maintenir que si la Commission la déclare justifiée et doit y mettre fin dans le cas contraire (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2018, Grizzly Tools/Commission, T‑168/16, non publié, EU:T:2018:246, point 51 et jurisprudence citée).

67      Il ressort de la jurisprudence citée au point 66 ci-dessus que, au titre du contrôle qu’elle exerce, la Commission est uniquement habilitée à vérifier si les mesures de sauvegarde nationales, telles qu’elles ont été adoptées puis communiquées par le Royaume de Suède en vertu de l’article 11, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/42, sont justifiées ou non et, par conséquent, si lesdites mesures peuvent, au terme dudit contrôle, être définitivement maintenues.

68      De plus, dans la mesure où, ainsi que cela ressort de ladite jurisprudence, il incombe à la Commission de contrôler le caractère justifié des mesures de sauvegarde concernées, en s’assurant en particulier du bien-fondé des raisons juridiques et factuelles ayant motivé leur adoption, force est de constater que le contrôle exercé par la Commission ne peut se fonder que sur des circonstances qui existaient au moment de l’adoption de la décision de l’OSET, et non sur des circonstances postérieures.

69      Pour les raisons exposées aux points 66 à 68 ci-dessus, les circonstances postérieures à la décision de l’OSET invoquées par la requérante, telles que les améliorations des produits litigieux au centre de bowling de Gustavsberg en 2016, ne sont pas pertinentes aux fins de l’appréciation du bien-fondé de la décision attaquée. De même, force est de constater que les arguments de la requérante sur les « observations positives », figurant dans l’étude indépendante, quant aux produits litigieux se rapportent à des améliorations desdits produits qui ont été réalisées après l’adoption de la décision de l’OSET. Ils sont donc également dénués de pertinence.

70      En deuxième lieu, il ressort de l’argumentation de la requérante que celle-ci reproche à la Commission, d’une part, de ne pas avoir examiné si les défaillances répertoriées étaient si importantes que les mesures de sauvegarde étaient justifiées et, d’autre part, d’avoir confirmé des mesures de sauvegarde qui iraient au-delà de ce qui était nécessaire pour assurer la santé et la sécurité des personnes.

71      À cet égard, premièrement, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/42 que, dans le cas où les machines visées par cet article, telles que celles du cas d’espèce, ne respectent pas les exigences essentielles de santé et de sécurité pertinentes et risquent ainsi de compromettre la santé ou la sécurité des personnes, les États membres prennent toutes les mesures utiles pour les retirer du marché, interdire leur mise sur le marché ou leur mise en service ou restreindre leur libre circulation. Partant, le constat que des machines ne respectent pas les normes essentielles de santé et de sécurité pertinentes et risquent de compromettre la santé ou la sécurité des personnes justifie que les autorités compétentes adoptent des décisions de retrait du marché des machines et d’interdiction de mise sur le marché.

72      Il y a d’ailleurs lieu de souligner que, selon la jurisprudence, l’objectif de protection de la santé et de la vie des personnes occupe le premier rang parmi les biens ou les intérêts protégés par l’article 36 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 23 décembre 2015, Scotch Whisky Association e.a., C‑333/14, EU:C:2015:845, point 35), au regard duquel les États membres peuvent adopter les mesures de sauvegarde prévues dans la directive 2006/42, ainsi que cela ressort de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus.

73      Or, en l’espèce, il ressort de l’ensemble des violations des EESS retenues par la Commission aux considérants 9 à 13 de la décision attaquée que ces dernières constituent des risques pour la santé et la sécurité des personnes, notamment l’absence de vue d’ensemble de la zone dangereuse, le risque de blessure, le risque de chute dans la machine, le risque engendré par les éléments mobiles et le risque d’un mauvais usage. C’est donc à juste titre que la Commission a constaté, au considérant 14 de la décision attaquée, que les irrégularités répertoriées risquaient de compromettre la santé et la sécurité des personnes.

74      Par conséquent, les machines en cause n’étant pas conformes aux EESS et présentant des risques pour la santé et la sécurité des personnes, force est de constater que la Commission était fondée, conformément à l’article 11 de la directive 2006/42 et sans violer le principe de proportionnalité, à conclure que les mesures de sauvegarde, à savoir l’interdiction de mise sur le marché et le retrait du marché des produits litigieux, adoptées par l’OSET, étaient, en soi, justifiées.

75      Deuxièmement, s’agissant dudit retrait, il convient d’ajouter que, ainsi qu’il ressort du considérant 2 de la décision attaquée, plusieurs solutions alternatives pour sa mise en œuvre ont été visées, à savoir la possibilité de corriger les défauts liés à l’environnement de travail de l’opérateur, de reprendre les produits litigieux et de les remplacer par d’autres produits de type identique ou équivalent ne présentant aucun défaut technique ou de reprendre les produits litigieux et d’indemniser le propriétaire.

76      Il y a lieu d’observer que, au considérant 5 de la décision attaquée, la Commission a indiqué ce qui suit :

« Concernant les mesures adoptées, les autorités suédoises ont expliqué avoir respecté le principe de proportionnalité fixé à l’article 18 du règlement […] no 765/2008 […]. Sur la base dudit principe, compte tenu de la gravité des risques et des coûts du retrait, certaines des actions requises afin de corriger les irrégularités pour les [nouveaux produits litigieux] n’ont pas été exigées dans le cas du retrait des [produits litigieux] existants, à savoir les actions concernant l’emplacement de trois témoins lumineux distincts indiquant différents modes sur le panneau de commande, l’élargissement des points d’accès entre les machines servant également de plateformes de travail et la vue d’ensemble de la zone dangereuse. »

77      Il convient de considérer que, la Commission n’ayant pas remis en cause les explications du Royaume de Suède visées au point 76 ci-dessus, elle a confirmé le constat que l’approche de l’OSET était proportionnée.

78      Ainsi, il ressort de la décision attaquée que, au regard du principe de proportionnalité, une mise en balance de la gravité des risques et du coût de retrait a été effectuée. À ce titre, les produits qui seraient vendus ultérieurement ont été distingués des produits litigieux déjà installés sur le marché, et ce, s’agissant de ces derniers, par l’application d’une liste réduite des irrégularités impliquant leur retrait. De plus, les trois solutions alternatives au titre de la mise en œuvre du retrait des produits litigieux, tel qu’il a été expliqué au point 75 ci-dessus, contribuent au respect du principe de proportionnalité par l’OSET et, partant, par la Commission.

79      En troisième lieu, eu égard aux constatations qui précèdent, les arguments de la requérante concernant une charge financière disproportionnée qui résulterait des mesures de sauvegarde ne sauraient prospérer. D’une part, les risques auxquels les machines de la requérante exposent la santé et la sécurité des personnes, tels que visés au point 73 ci-dessus, justifient la nécessité d’interdire la mise sur le marché et le retrait du marché des produits litigieux, nonobstant le coût que cela pourrait représenter à la charge de la requérante. D’autre part, la distinction des mesures de sauvegarde entre les produits litigieux existants et les nouveaux ainsi que les trois solutions alternatives quant au retrait des produits litigieux et le fait que, au titre de la première desdites solutions, le nombre d’irrégularités devant être corrigées, pour maintenir lesdits produits sur le marché, était réduit démontrent, à cet égard, que l’approche retenue par l’OSET et la Commission était proportionnée par rapport à la charge financière que les mesures de sauvegarde risquaient de faire peser sur la requérante.

80      En quatrième lieu, force est de constater que, compte tenu tant des références précises aux justifications fournies par le Royaume de Suède que de l’analyse approfondie des risques quant à l’utilisation des produits litigieux, faites par la Commission, les arguments de la requérante concernant le défaut, dans la décision attaquée, d’une motivation adéquate sur la question de la proportionnalité des mesures de sauvegarde sont dénués de fondement.

81      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que c’est sans violer le principe de proportionnalité que la Commission a considéré que les mesures de sauvegarde en cause étaient justifiées.

82      En cinquième lieu, s’agissant des arguments de la requérante quant à la violation du principe de proportionnalité en ce que tous les autres États membres sont tenus de prendre des mesures à la suite de la décision attaquée, tout d’abord, il y a lieu de souligner que, selon la jurisprudence, la décision prise par la Commission au sens de l’article 11 de la directive 2006/42 a pour destinataires tous les États membres de l’Union, en cohérence avec les obligations de communication et d’information imposées à la Commission par l’article 11, paragraphes 3 et 6, de la directive 2006/42. Elle est donc obligatoire pour chacun d’entre eux dans tous ses éléments, conformément à l’article 288 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 24).

83      Ainsi, les conséquences évoquées par la requérante sont inhérentes à la procédure d’examen par la Commission du caractère justifié des mesures de sauvegardes, telles que prévues à l’article 11 de la directive 2006/42. Comme cela a été rappelé au point 54 ci-dessus, il ressort de l’ensemble des dispositions de la directive 2006/42, telles qu’interprétées par la jurisprudence, que la décision attaquée implique que les États membres prennent des mesures utiles relatives à la mise ou au maintien sur leur marché des produits litigieux. En effet, il s’agit d’un élément essentiel de la procédure de la clause de sauvegarde, prévue à l’article 11 de la directive 2006/42, visant à en garantir une application uniforme.

84      Ensuite, il ressort des dispositions de l’article 11 de la directive 2006/42 que la Commission était obligée d’agir à la suite de la notification par l’OSET des mesures de sauvegarde prises à l’égard des produits litigieux et de prendre une décision quant au caractère justifié ou non de ces mesures. Partant, les arguments de la requérante à cet égard ne sauraient prospérer.

85      En outre, il convient d’observer que les conclusions exposées aux points 82 à 84 ci-dessus ne peuvent pas être réfutées par le contenu de l’article 9 de la directive 2006/42, auquel la requérante s’est référée pendant l’audience au soutien de son argument selon lequel la Commission disposait d’une marge de discrétion en ce qui concerne les conséquences de la décision attaquée dans les États membres.

86      En effet, l’article 9 de la directive 2006/42, qui institue des « [m]esures particulières visant des machines potentiellement dangereuses », dispose notamment que, lorsque, en conformité avec la procédure visée à l’article 11 de ladite directive, la Commission estime qu’une mesure prise par un État membre est justifiée, elle peut prendre des mesures exigeant des États membres d’interdire ou de restreindre la mise sur le marché de machines qui, par leurs caractéristiques techniques, présentent le même risque que celles visées par les mesures nationales ou soumettre ces machines à des conditions spéciales. Par ailleurs, le considérant 13 de cette directive précise que de telles mesures, adoptées au niveau de l’Union, ne sont pas directement applicables aux opérateurs économiques et doivent faire l’objet d’une mise en œuvre par les États membres (arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 33).

87      À cet égard, selon la jurisprudence, il convient de constater que, si les États membres doivent assurer l’application correcte et uniforme de la directive 2006/42, en tirant les conséquences d’une mesure de sauvegarde nationale prise à l’égard d’une machine donnée et déclarée justifiée par la Commission, sans disposer d’une marge d’appréciation quant au résultat à atteindre, ils ne peuvent à l’évidence pas étendre de leur propre chef, et en dehors du cadre procédural et matériel prévu par l’article 11, paragraphe 1, de cette directive, le champ d’application de cette mesure à d’autres machines, au motif que ces dernières présenteraient le même risque, sauf à méconnaître le principe de libre circulation énoncé par l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive et la présomption de conformité prévue par son article 7. C’est la raison pour laquelle le législateur de l’Union a conditionné cette extension à la mise en œuvre d’une procédure spécifique, visée à l’article 9 de la directive 2006/42, impliquant notamment l’adoption, d’une part, d’une décision expresse de la Commission à cet effet et, d’autre part, de mesures nationales de mise en œuvre de cette décision. En revanche, de tels actes ne sont ni prévus ni nécessaires aux fins de l’article 11 de la directive en question, compte tenu de la portée de celui-ci (voir arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 34 et jurisprudence citée).

88      Il y a lieu de conclure que, eu égard à la jurisprudence visée aux points 86 et 87 ci-dessus, dans les circonstances de la présente affaire, qui se rapportent uniquement à l’examen de la mesure de sauvegarde en cause, les dispositions de l’article 9 de la directive 2006/42 ne sont pas applicables au cas d’espèce.

89      Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, la seconde branche du premier moyen relative à la violation du principe de proportionnalité et, partant, le premier moyen dans sa totalité doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration

90      Le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration, s’articule autour de deux branches. La première est prise de ce que la requérante pouvait raisonnablement se fonder sur les attentes légitimes créées par les autorités nationales compétentes danoises, allemandes, finnoises et du Royaume-Uni en ce qu’elles n’avaient pas activé la clause de sauvegarde après leurs investigations. Or, les observations et l’approche subséquente desdites autorités n’auraient pas été prises en compte par la Commission. La seconde branche est tirée de ce que, dans la décision attaquée, aucun délai raisonnable et effectif quant à sa mise en œuvre au sein des États membres n’a été prévu.

–       Sur la première branche, tirée d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

91      S’agissant de la première branche du deuxième moyen, la requérante soutient, en substance, que, à la lumière des contrôles menés par les autorités nationales compétentes du Royaume-Uni, allemandes, finnoises et danoises ainsi que des investissements et modifications qu’elle a effectués sur ses produits ultérieurement, elle pouvait légitimement s’attendre à ce que les autorités suédoises n’aillent pas jusqu’à activer la clause de sauvegarde de l’article 11 de la directive 2006/42. La requérante précise que lesdites autorités nationales compétentes avaient clôturé leurs investigations après qu’elle avait répondu à leurs demandes ; or, aucune mesure de sauvegarde n’avait été prise ensuite. En outre, la requérante souligne que les autorités nationales compétentes du Royaume-Uni et allemandes avaient publié des orientations, dans lesquelles ses produits avaient été présentés comme des produits à la pointe de l’industrie. Selon la requérante, le principe de confiance légitime, dont elle allègue la violation en l’espèce, est un principe général, largement reconnu par les États membres et la jurisprudence de l’Union, qui s’applique également aux autorités des États membres.

92      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

93      Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Il suppose la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 11 juillet 2019, IPPT PAN/Commission et REA, T‑805/16, non publié, EU:T:2019:496, points 205 et 206 et jurisprudence citée).

94      Ce principe est le corollaire du principe de sécurité juridique, qui exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (voir arrêt du 13 novembre 2008, SPM/Conseil et Commission, T‑128/05, non publié, EU:T:2008:494, point 147 et jurisprudence citée).

95      La requérante soutient, en substance, qu’elle pouvait légitimement s’attendre à ce que les autorités suédoises n’aillent pas jusqu’à mettre en œuvre la clause de sauvegarde visée à l’article 11 de la directive 2006/42, eu égard aux contrôles réalisés par les autres autorités nationales compétentes et, dans ce cadre, aux investissements ultérieurs et aux modifications apportées à ses produits afin de répondre aux demandes desdites autorités. Ainsi, la requérante allègue que des assurances de nature à faire naître chez elle des attentes légitimes auraient été fournies par des actions ou des inactions éventuelles desdites autorités nationales compétentes.

96      À titre principal, force est de constater que, contrairement à la jurisprudence rappelée au point 93 ci-dessus, la requérante ne se prévaut aucunement d’une quelconque assurance qui aurait été fournie par l’administration de l’Union, mais uniquement d’assurances qu’elle prétend pouvoir tirer des décisions prises par certaines autorités nationales compétentes. Partant, la première branche du deuxième moyen doit être rejetée comme manifestement non fondée.

97      À titre surabondant, à supposer même que le Tribunal soit compétent pour examiner l’argumentation de la requérante prise d’assurances qu’elle aurait reçues de la part de certaines autorités nationales compétentes, quod non, ladite argumentation devrait être écartée pour les deux raisons suivantes. Premièrement, aucune décision adoptée par une ou plusieurs autorités nationales compétentes ne saurait faire naître une quelconque espérance que d’autres autorités nationales compétentes adopteront une décision identique ou à tout le moins similaire, s’agissant de l’absence de recours à une mesure de sauvegarde. Autrement dit, les actions entreprises par d’autres autorités nationales compétentes quant aux produits litigieux ne pouvaient pas susciter la moindre assurance, dans l’esprit de la requérante, quant à des actions ou des inactions futures de l’OSET. Aucune disposition de la directive 2006/42 n’empêche les autorités nationales compétentes d’adopter des mesures de sauvegarde nécessaires d’une manière libre et autonome. Deuxièmement, les pièces du dossier de l’affaire ne contiennent aucun élément faisant apparaître que l’OSET aurait donné à la requérante une quelconque assurance précise, inconditionnelle et concordante quant à la possibilité qu’elle décide de ne pas recourir à des mesures de sauvegarde. Au contraire, ainsi que le relève la Commission, il ressort de la lettre de la requérante à l’OSET du 3 septembre 2012 que la requérante était consciente d’un tel risque, puisqu’elle y a expressément sollicité la tenue d’une réunion avec l’OSET, précisant qu’une telle réunion pourrait permettre d’éviter l’adoption de l’interdiction proposée qui, selon la requérante, ne correspondait ni à la lettre ni à l’esprit de la directive 2006/42.

98      Compte tenu de ces circonstances, il y a lieu de rejeter la première branche du deuxième moyen comme non fondée.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une violation des principes de bonne administration et de sécurité juridique

99      S’agissant de la seconde branche du deuxième moyen, la requérante souligne que les mesures, les procédures et les délais visant le retrait des machines litigieuses seront différents d’un État membre à l’autre. La Commission aurait donc dû, dans la décision attaquée, fournir des orientations concernant le calendrier et les modalités de la mise en œuvre de cette dernière. Selon la requérante, une telle situation, dans laquelle il n’y a pas une approche de surveillance du marché cohérente visant les produits litigieux et où la requérante ne sait pas, au préalable, ce qu’impliquera la mise en œuvre de la décision attaquée dans les autres États membres, est disproportionnée et contraire au principe de bonne administration ainsi qu’au principe de sécurité juridique.

100    La Commission conteste les arguments de la requérante.

101    Premièrement, il convient de souligner que, conformément à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 2006/42, le rôle de la Commission dans la procédure de la clause de sauvegarde se cantonne, d’une part, à vérifier si un État membre, en l’espèce le Royaume de Suède, a pris des mesures justifiées à l’égard des produits litigieux et, d’autre part, à informer les autres États membres et le fabricant desdits produits de sa décision à cet égard. Il ressort également des dispositions des paragraphes 3 et 6 du même article que la Commission est chargée de veiller à informer les autres États membres, d’une part, des mesures prises par l’État membre compétent si la machine n’est pas conforme et est munie du marquage CE et, d’autre part, du déroulement et des résultats de la procédure se rapportant à la clause de sauvegarde. Ainsi, il ne ressort pas des dispositions de l’article 11 de la directive 2006/42 que la Commission est tenue d’émettre et d’imposer des instructions aux États membres quant aux suites à donner à sa décision constatant qu’une mesure de sauvegarde adoptée par un État membre, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, de ladite directive, est justifiée.

102    Concernant le rôle des États membres quant aux suites à donner, au niveau national, à la décision de la Commission constatant le caractère justifié des mesures de sauvegarde adoptées par le Royaume de Suède, ainsi que cela a été rappelé au point 54 ci-dessus, ladite décision implique que chacun desdits États prenne des mesures utiles relatives à la mise ou au maintien des produits litigieux sur son marché et garantisse, ce faisant, l’application correcte et uniforme de la directive 2006/42, à la lumière des mesures adoptées par les autorités suédoises et déclarées justifiées par la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 28). En outre, en l’absence d’harmonisation de règles procédurales précises à cet égard, en droit de l’Union, lesdits États appliquent leurs procédures nationales d’une manière autonome.

103    Par conséquent, la Commission ne peut pas donner des instructions précises aux États membres dans la décision attaquée, telles qu’un calendrier ou des modalités de mise en œuvre de cette décision, sans risquer de violer les règles de la procédure de la clause de sauvegarde, telles qu’elles résultent des dispositions de l’article 11 de la directive 2006/42. Autrement dit, comme la Commission l’a fait valoir dans la duplique, cela serait en contradiction avec le rôle joué par les États membres dans le système de surveillance du marché ainsi qu’avec l’habilitation que le législateur a attribuée à la Commission dans les dispositions respectives de la directive 2006/42.

104    Deuxièmement, il y a lieu de souligner que, dans le cadre de cette branche, la requérante invoque une violation éventuelle des principes de bonne administration et de sécurité juridique. Cependant, elle ne fournit pas d’arguments ou d’éléments de preuve afin de démontrer un lien entre la décision attaquée et ladite violation. En invoquant cette violation, la requérante se concentre sur les décisions futures des autres États membres qui, selon elle, pourraient avoir certaines conséquences négatives à son égard, en raison d’un manque d’instructions de la part de la Commission aux États membres dans la décision attaquée. Outre l’impossibilité pour la Commission d’adresser de telles instructions dans la décision attaquée, il convient de souligner que ces conséquences négatives présentent un caractère purement hypothétique, de sorte qu’elles ne sauraient affecter la légalité de ladite décision.

105    Pour ces raisons, il y a lieu d’écarter la seconde branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble comme non fondés.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des règles procédurales prévues à l’annexe I de la directive 2006/42

106    La requérante fait grief à la Commission d’avoir violé les règles procédurales prévues à l’annexe I de la directive 2006/42 en ce qu’aucune référence n’a été faite au principe général de l’état de la technique ni dans la décision attaquée ni dans la décision de l’OSET. Selon la requérante, les observations de l’OSET et de la Commission relatives aux systèmes d’accès et aux plateformes de travail des produits litigieux sont disproportionnées, car la solution technique retenue par la requérante à cet égard, même si elle n’était pas complètement conforme à la norme harmonisée EN ISO 14122-2 :2001, était conforme à l’état de la technique au moment de l’inspection et il n’existait pas de meilleure option, ce que confirmerait l’étude indépendante, sur laquelle la Commission aurait largement fondé la décision attaquée. Plus précisément, la requérante soutient que la disposition de ladite norme harmonisée prévoyant 500 mm de largeur d’accès dégagé à une hauteur inférieure de 1 080 mm va au-delà de l’état de la technique.

107    La Commission conteste les arguments de la requérante.

108    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphes 1 et 2, de la directive 2006/42 prévoit notamment que les États membres considèrent que les machines munies du marquage CE et accompagnées de la déclaration CE de conformité satisfont aux dispositions de cette directive et qu’une machine construite conformément à une norme harmonisée, dont les références ont fait l’objet d’une publication au Journal officiel de l’Union européenne, est présumée conforme aux EESS couvertes par cette norme harmonisée. Autrement dit, le respect d’une norme harmonisée permet de présumer qu’une machine est conforme aux EESS respectives. De même, en vertu de l’article 2, sous l), de la directive 2006/42, une norme harmonisée est une spécification technique adoptée par un organisme de normalisation, dans le cadre d’un mandat délivré par la Commission, et dépourvue de caractère obligatoire. Il ressort de ces dispositions que les solutions techniques proposées par une norme harmonisée ne sont pas obligatoires, mais que leur application confère au produit en cause le bénéfice de la présomption de conformité avec les dispositions de la directive 2006/42.

109    Cependant, tout en restant libres de choisir les méthodes d’évaluation de la conformité de leurs produits avec les EESS, le fabricant ou son mandataire sont tenus non seulement d’assurer cette conformité, mais aussi de la démontrer dans le dossier technique, comme cela est prévu dans l’annexe VII de la directive 2006/42. Or, le choix de ne pas appliquer de normes harmonisées a pour conséquence que la présomption de conformité citée ci-dessus ne peut pas être appliquée non plus, de sorte que la conformité des produits doit être démontrée par d’autres moyens.

110    Il y a lieu de préciser que, au regard des arguments de la requérante, le troisième moyen se rapporte au considérant 10 de la décision attaquée, dans lequel la Commission a confirmé que les EESS énoncées aux points 1.1.6, 1.6.1 et 1.6.2 de l’annexe I de la directive 2006/42, selon lesquelles les machines doivent être conçues et construites d’une façon qui facilite le travail de l’opérateur, lui permettant de travailler sans être gêné et en toute sécurité, en dehors des zones dangereuses, n’avaient pas été respectées en ce qui concerne les machines litigieuses. Plus précisément, la Commission, sur le fondement de la décision de l’OSET, a considéré qu’il existait un risque de blessure lors de l’accès aux machines litigieuses, causé par l’étroite passerelle de 190 mm entre lesdites machines ou par une extrémité abrupte de 1 000 mm à l’avant de ces machines.

111    Il convient de relever que, s’agissant de ladite largeur de la passerelle de 190 mm, les arguments de la requérante concernent notamment les constatations de la Commission, voire directement de l’OSET. En substance, d’une part, la requérante leur reproche de ne pas avoir tenu compte du principe de l’état de la technique en ce qu’il n’y avait pas de références à ce principe dans leurs décisions respectives. D’autre part, selon la requérante, sa solution technique en cause correspondait à l’état de la technique au moment de l’inspection, alors que l’exigence prévue par la norme harmonisée EN ISO 14122-2 :2001 allait au-delà de l’état de la technique.

112    À titre principal, tout d’abord, il y a lieu de rappeler qu’il est constant que, dans la déclaration CE de conformité, la requérante s’est prévalue, notamment, de la norme harmonisée EN ISO 14122-2 :2001. Autrement dit, la requérante a fait le libre choix d’appliquer cette norme harmonisée afin d’établir la conformité des produits litigieux avec les EESS énoncées aux points 1.1.6, 1.6.1 et 1.6.2 de l’annexe I de la directive 2006/42.

113    Ensuite, la norme harmonisée EN ISO 14122-2 :2001 définit les prescriptions techniques de sécurité pour les moyens d’accès permanents aux machines et notamment pour les plateformes de travail et les passerelles. Alors que la norme en question prévoit une largeur de 500 mm, il est constant que les passerelles installées sur les machines litigieuses avaient une largeur de 190 mm. Ainsi, force est de constater, à l’instar de la Commission, que, bien que la requérante ait fait le choix d’appliquer la norme harmonisée EN ISO 14122-2 :2001, elle ne la respectait pas.

114    Enfin, s’agissant des conditions d’application des EESS, le considérant 14 de la directive 2006/42 prévoit que les EESS devraient être appliquées avec discernement afin de tenir compte de l’état de la technique lors de la construction ainsi que des impératifs techniques et économiques. En outre, le point 3 du premier titre, intitulé « Principes généraux », de l’annexe I de ladite directive prévoit que, bien que les EESS énoncées dans cette annexe soient obligatoires, il ne saurait être exclu que, compte tenu de l’état de la technique, les objectifs qu’elles fixent puissent ne pas être atteints. Il est précisé que, dans ce cas, la machine doit, dans la mesure du possible, être conçue et construite pour tendre vers ces objectifs.

115    En l’espèce, en premier lieu, la requérante reproche à la Commission ainsi qu’à l’OSET d’avoir violé les règles procédurales prévues à l’annexe I de la directive 2006/42, au motif qu’aucune référence au principe de l’état de la technique n’aurait été faite ni dans la décision attaquée ni dans la décision de l’OSET. Premièrement, il convient de souligner que la requérante ne précise aucunement les règles procédurales qui auraient été violées, mais cite les dispositions prévoyant le respect du principe de l’état de la technique dans l’application des EESS. Or, force est de constater que, si, au considérant 14 de la directive 2006/42 et au point 3 du premier titre de l’annexe I de ladite directive, tels que visés au point qui précède, il est prévu de tenir compte de l’état de la technique au titre de l’application des EESS, la directive ne prévoit aucune règle procédurale faisant obligation de fournir, dans la décision d’une autorité nationale compétente ou dans la décision de la Commission, adoptée dans le cadre de la procédure de la clause de sauvegarde, une analyse concernant l’application du principe de l’état de la technique. Deuxièmement, le fait qu’une analyse de l’application du principe de l’état de la technique n’a pas été fournie dans la décision attaquée ou dans la décision de l’OSET n’implique pas en soi une violation de ce principe. Pour ces raisons, les arguments de la requérante concernant l’absence de référence audit principe dans les décisions en cause ne peuvent prospérer.

116    En deuxième lieu, il est important de souligner que, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, sous b), de la directive 2006/42, parmi les raisons de non-conformité d’une machine qu’un État membre doit communiquer à la Commission et aux autres États membres au titre de la mesure de sauvegarde qu’il a décidé d’adopter, figure l’application incorrecte des normes harmonisées. Autrement dit, même si les normes harmonisées ne sont pas obligatoires, le choix de les appliquer et de s’en prévaloir dans la déclaration CE de conformité requiert leur application correcte. En cas d’application incorrecte de telles normes, l’autorité nationale compétente est en droit de constater la non-conformité des produits dans des mesures prises dans le cadre de la procédure de la clause de sauvegarde, au sens de l’article 11 de la directive 2006/42. Pour ces raisons, c’est à bon droit que, au considérant 10 de la décision attaquée, la Commission a constaté, au regard de la mesure de sauvegarde adoptée par l’OSET, que, s’agissant des machines litigieuses, les EESS énoncées aux points 1.1.6, 1.6.1 et 1.6.2 de l’annexe I de la directive 2006/42 n’avaient pas été respectées, à cause de l’application incorrecte de la norme harmonisée.

117    Ainsi que la Commission le soutient à juste titre, dès lors que la requérante avait choisi de se référer à une norme harmonisée dans la déclaration CE de conformité, elle aurait dû entièrement respecter cette norme. Dans le cas où, comme en l’espèce, la norme n’avait pas été respectée en ce qui concerne la largeur des passerelles des machines litigieuses, la requérante aurait dû présenter une autre solution technique assurant le même niveau de sécurité et démontrer la conformité des produits litigieux avec les EESS respectives, ce qu’elle n’a pas fait.

118    En troisième lieu, s’agissant de l’application du principe de l’état de la technique en ce qui concerne l’exigence d’une largeur de 500 mm pour les passerelles des machines litigieuses, il y a lieu de souligner trois aspects.

119    Premièrement, il convient de préciser qu’une norme harmonisée dont les références ont fait l’objet d’une publication au Journal officielfait partie du droit de l’Union (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2016, James Elliott Construction, C‑613/14, EU:C:2016:821, point 40).

120    Deuxièmement, la Commission soutient à bon droit que, bien que les normes harmonisées ne soient pas obligatoires, elles reflètent le niveau de sécurité exigé et tiennent compte de l’état de la technique.

121    À cet égard, il est important de relever que le paragraphe 162 duGuide pour l’application de la directive « Machines » 2006/42, publié par la Commission en juin 2010, précise désormais, notamment, que les normes harmonisées fournissent une bonne indication de l’état de la technique au moment de leur adoption. En outre, selon le même document, l’évolution de l’état de la technique est reflétée dans des amendements ou des révisions ultérieures des normes harmonisées.

122    Troisièmement, il convient d’ajouter que la requérante fait référence aux conclusions de l’étude indépendante afin d’étayer ses arguments quant à la non‑existence d’une meilleure option. À cet égard, force est de constater que ces conclusions, qui se rapportent aux possibilités de corriger les défauts des machines déjà installées et non à l’état de la technique en général à la date de la décision de l’OSET, concernent la situation au centre de bowling de Gustavsberg, après les modifications apportées aux produits litigieux à la suite de l’adoption de la décision de l’OSET. Or, ainsi qu’il a déjà été conclu au point 69 ci-dessus, lesdites conclusions ne sont pas pertinentes en l’espèce.

123    Il ressort de ce qui précède que l’argument de la requérante, selon lequel l’exigence concernant la largeur des passerelles des machines litigieuses allait au‑delà de l’état de la technique, doit être rejeté comme non fondé.

124    Au regard des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

125    La requérante reproche à la Commission d’avoir violé le principe de bonne administration en ne lui demandant pas de fournir le dossier technique des produits litigieux. À ce titre, elle fait grief à la Commission d’avoir constaté qu’aucun lien n’avait été établi dans le dossier technique, conformément aux dispositions de l’annexe VII de la directive 2006/42, entre les références des normes harmonisées et les EESS respectives, alors qu’elle n’avait pas obtenu ce dossier technique. Selon la requérante, dès lors que ni l’OSET ni la Commission ne lui ont demandé de fournir le dossier technique, aucune conclusion ne pouvait être tirée de ce dossier et, pour cette raison, la décision attaquée serait entachée d’une erreur de fait.

126    La Commission conteste les arguments de la requérante.

127    Premièrement, l’imprécision dans la décision attaquée que dénonce la requérante, en ce qui concerne le dossier technique, n’affecte pas l’analyse effectuée par l’OSET ou par la Commission et ne saurait emporter l’annulation de la décision attaquée. En effet, le fait que la requérante n’a pas établi dans le dossier technique un lien entre les références des normes harmonisées et les EESS respectives, conformément aux exigences de la directive 2006/42, n’était pas la raison pour laquelle l’OSET a adopté les mesures de sauvegarde, ni la raison pour laquelle la Commission a estimé que ces mesures étaient justifiées. En effet, les raisons invoquées par le Royaume de Suède pour justifier les mesures de sauvegarde étaient, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, sous a) et b), de la directive 2006/42, le non-respect par les produits litigieux de certaines EESS énoncées à l’annexe I de la directive 2006/42 et l’application incorrecte de certaines normes harmonisées.

128    Il y a lieu d’ajouter que, ainsi que cela ressort des considérants 10, 11 et 13 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, même si lesdites références n’avaient pas été indiquées par la requérante, le Royaume de Suède avait pu répertorier les EESS sur lesquelles ces références à la norme harmonisée pourraient avoir porté. Ainsi, lesdits manquements reprochés à la requérante ont été recensés dans un but d’information et de précision plutôt que comme un argument supplémentaire à l’appui de la confirmation des mesures de sauvegarde en cause.

129    Deuxièmement, le fait que la Commission n’ait pas demandé le dossier technique ne saurait, en tout état de cause, modifier l’analyse et les conclusions quant à la non-conformité des produits litigieux avec la directive 2006/42, ni renverser la charge de la preuve, qui incombait à la requérante, ainsi que cela a été rappelé au point 109 ci-dessus.

130    Ainsi, les arguments fournis par la requérante dans le cadre du quatrième moyen ne sauraient entraîner l’annulation de la décision attaquée.

131    Par ailleurs, il ressort de la description détaillée des irrégularités techniques dans la décision de l’OSET, telle que résumée au point 3 ci-dessus, que, bien que la requérante ne lui ait pas communiqué le dossier technique, l’OSET disposait manifestement de données quant aux caractéristiques techniques des machines litigieuses. En outre, force est de constater que la requérante n’a jamais contesté l’exactitude desdites données dont disposait l’OSET, en particulier la largeur de 190 mm de la passerelle.

132    Pour ces raisons, les circonstances invoquées par la requérante, au titre de la violation alléguée de ses droits, ne sauraient avoir une quelconque incidence sur les conclusions relatives à la non-conformité des produits, telles que formulées dans la décision attaquée. Par conséquent, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme inopérant.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 6 de la directive 2006/42 et du principe d’égalité de traitement

133    La requérante reproche à la Commission d’avoir violé l’article 6 de la directive 2006/42, relatif à la libre circulation, et le principe d’égalité de traitement, en ce que les mesures de sauvegarde visent spécifiquement ses produits, alors que des produits similaires et moins conformes aux exigences sont proposés à la vente par d’autres fabricants sur le marché intérieur de l’Union. En outre, en prévoyant uniquement le retrait et le rappel des produits litigieux, la décision attaquée fausserait le marché, dans la mesure où, d’une part, des machines similaires proposées par d’autres fabricants seraient toujours autorisées sur le marché intérieur de l’Union et, d’autre part, la décision attaquée donnerait l’impression erronée que seuls les produits de la requérante ne sont pas conformes à la directive 2006/42. Selon la requérante, ses produits sont considérés comme proposant la meilleure solution technique possible sur le marché des machines à relever les quilles. Elle souligne que la Commission, en adoptant la décision attaquée, n’a pas cherché à déterminer si l’OSET avait soumis d’autres produits similaires fabriqués par d’autres fabricants à des contrôles comparables ou à des exigences semblables à ceux appliqués aux machines litigieuses. À cet égard, la requérante fait référence à la jurisprudence, selon laquelle une telle situation serait contraire au principe d’égalité de traitement ainsi qu’aux dispositions de la directive 2006/42 (arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502).

134    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

135    Il ressort de l’argumentation de la requérante que le cinquième moyen se divise en deux branches, à savoir, d’une part, la violation de l’article 6 de la directive 2006/42, relatif à la libre circulation, et, d’autre part, la violation du principe d’égalité de traitement.

–       Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 6 de la directive 2006/42, relatif à la libre circulation

136    S’agissant de la violation alléguée de l’article 6 de la directive 2006/42, il convient de rappeler que, en vertu de cet article, les États membres ne peuvent pas interdire, restreindre ou entraver la mise sur le marché ou la mise en service sur leur territoire des machines qui satisfont à ladite directive. Ainsi, les États membres sont obligés de respecter la libre circulation des machines, sous la seule condition que celles-ci soient conformes aux exigences de cette directive.

137    Selon la jurisprudence, tout risque lié à l’installation, à l’entretien ou au fonctionnement de la machine en cause, que ce soit dans des conditions d’usage normal ou de mauvais usage raisonnablement prévisible, peut justifier le recours à la clause de sauvegarde prévue par l’article 11 de la directive 2006/42. Toutefois, cet article exige que le risque motivant la mise en œuvre de la clause de sauvegarde soit « constat[é] » et donc que l’État membre qui s’en prévaut établisse à suffisance de droit la réalité d’un tel risque. À défaut d’une telle démonstration, l’atteinte au principe de libre circulation engendrée par la mesure nationale adoptée au titre de la clause de sauvegarde prévue par cette disposition ne pourrait pas être considérée comme « justifiée » au sens de celle-ci (voir arrêt du 3 mai 2018, Grizzly Tools/Commission, T‑168/16, non publié, EU:T:2018:246, point 54 et jurisprudence citée). À cet égard, il convient de préciser que l’obligation de l’État membre d’établir le risque motivant la mise en œuvre de la clause de sauvegarde n’affecte aucunement la charge de la preuve qui incombe à la requérante visant à assurer et à démontrer la conformité de ses produits avec les EESS, ainsi qu’il a été constaté au point 109 ci-dessus.

138    L’existence d’un risque pour la santé ou la sécurité des personnes au sens de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/42 peut être évaluée, entre autres critères, à la lumière des EESS imposées aux fabricants de machines par l’article 5, paragraphe 1, sous a), de la directive 2006/42 et l’annexe I de ladite directive. En effet, le respect de ces exigences, instaurées dans le but de garantir que la conception et la construction des machines prennent en compte les risques associés à celles-ci (partie intitulée « Principes généraux » et point 1.1.2 de l’annexe I de la directive 2006/42), conditionne la mise sur le marché de ces machines (article 4, paragraphe 1, et article 5, paragraphe 1, de la même directive). Pour sa part, selon l’article 11, paragraphe 2, de la directive en cause, leur non-respect peut être invoqué à l’appui d’une mesure de retrait ou d’interdiction (voir arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 58 et jurisprudence citée).

139    Cela étant, il convient de rappeler que le pouvoir que l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/42 confère aux autorités nationales compétentes constitue une dérogation au principe de libre circulation énoncé par la directive 2006/42 qui ne peut se justifier qu’en présence d’un risque lié à l’usage normal ou au mauvais usage raisonnablement prévisible de la machine en cause, à savoir un usage susceptible de résulter d’un comportement humain aisément prévisible. Dans ce contexte, le fait que les autorités nationales évaluent la réalité d’un tel risque en se plaçant du point de vue concret d’un utilisateur moyen et raisonnablement diligent, et non de manière abstraite, contribue à garantir qu’elles ne portent pas une atteinte non justifiée, au sens de l’article 11, paragraphe 1, de ladite directive, à la libre circulation des machines. Néanmoins, dès lors que la réalité d’un tel risque est établie à suffisance de droit, par référence à un utilisateur moyen et raisonnablement diligent, le fait que ce dernier ait été informé par avance de l’existence de ce risque est en lui-même indifférent, compte tenu, d’une part, de la hiérarchie établie par la directive 2006/42 entre les obligations de prévention et celles d’information qu’elle impose aux fabricants de machines et, d’autre part, des conséquences attachées au non-respect de ces obligations (arrêts du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, points 64 et 84, et du 3 mai 2018, Grizzly Tools/Commission, T‑168/16, non publié, EU:T:2018:246, point 56).

140    Il ressort de ces dispositions que, dans le cas où, comme en l’espèce, une machine ne satisfait pas aux dispositions de la directive 2006/42, sa libre circulation est susceptible d’être restreinte. Partant, c’est de manière manifestement erronée que la requérante se prévaut d’une violation de l’article 6 de la directive 2006/42. La première branche du cinquième moyen doit donc être écartée comme non fondée.

–       Sur la seconde branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

141    S’agissant d’une violation alléguée du principe d’égalité de traitement, il convient d’analyser deux aspects à cet égard.

142    Premièrement, il convient de souligner que, à l’appui du grief pris de la violation du principe d’égalité de traitement, la requérante soutient que les mesures de sauvegarde sont appliquées à l’égard des produits litigieux, alors que d’autres produits moins conformes, émanant d’autres fabricants, seraient restés sur le marché. Néanmoins, en l’espèce, il ne ressort pas des éléments du dossier que la requérante a fourni des éléments de preuve susceptibles d’étayer cette allégation. Pour cette raison, cette dernière présente un caractère purement hypothétique.

143    Deuxièmement, il convient de noter que tant la requérante que la Commission, au soutien de leurs arguments, se réfèrent à l’arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission (T‑337/13, EU:T:2015:502).

144    À ce sujet, il y a lieu de rappeler que, au point 104 de l’arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission (T‑337/13, EU:T:2015:502), le Tribunal a jugé que l’article 11 de la directive 2006/42 n’imposait pas à la Commission, dans le cadre spécifique de l’examen du caractère justifié ou non des mesures que lui communiquent les États membres, de déterminer si celles-ci étaient, par ailleurs, conformes ou non au principe d’égalité de traitement. Ainsi, selon la jurisprudence, dès lors qu’une mesure nationale est justifiée au sens de l’article 11 de la directive 2006/42, comme cela découle, en l’espèce, des développements ci-dessus, la décision par laquelle la Commission reconnaît son caractère justifié ne peut pas être remise en cause au motif que des machines comparables à celle visée par cette mesure seraient présentes sur le marché national en cause, mais n’auraient pas fait l’objet de mesures similaires en violation du principe d’égalité de traitement (voir arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission, T‑337/13, EU:T:2015:502, point 105 et jurisprudence citée).

145    Force est donc de constater, ainsi que le fait valoir la Commission, que la requérante, en se référant à l’arrêt du 15 juillet 2015, CSF/Commission (T‑337/13, EU:T:2015:502), a procédé à une lecture et une interprétation sélectives dudit arrêt, qui fait abstraction de l’ensemble des appréciations du Tribunal dans cet arrêt. Ainsi, c’est à tort que la requérante se prévaut de ladite jurisprudence, de sorte que ses arguments quant à la violation du principe d’égalité de traitement ne sauraient prospérer.

146    Par conséquent, la seconde branche du cinquième moyen et, partant, le cinquième moyen ainsi que le recours dans son ensemble doivent être rejetés comme non fondés.

 Sur les dépens

147    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

148    En l’espèce, la requérante a succombé en ses conclusions. En outre, la Commission a expressément conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens.

149    Partant, il y a lieu de condamner la requérante à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

150    En application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que le Royaume de Suède supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Brunswick Bowling Products LLC est condamnée aux dépens.

3)      Le Royaume de Suède supportera ses propres dépens.

Tomljenović

Schalin

Škvařilová-Pelzl

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité du grief, soulevé dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

Sur le fond

Sur le pre mier moyen, tiré d’une violation des règles procédurales prévues à l’article 11 de la directive 2006/42 et à l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 765/2008 ainsi que du principe de proportionnalité visé à l’article 18, paragraphe 4, dudit règlement

– Sur la première branche, tirée d’une violation des règles procédurales prévues à l’article 11 de la directive 2006/42 et à l’article 18, paragraphe 5, du règlement no 765/2008

– Sur la seconde branche, tirée d’une violation du principe de proportionnalité

Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration

– Sur la première branche, tirée d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

– Sur la seconde branche, tirée d’une violation des principes de bonne administration et de sécurité juridique

Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des règles procédurales prévues à l’annexe I de la directive 2006/42

Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 6 de la directive 2006/42 et du principe d’égalité de traitement

– Sur la première branche, tirée d’une violation de l’article 6 de la directive 2006/42, relatif à la libre circulation

– Sur la seconde branche, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.