Language of document : ECLI:EU:C:2024:114

ORDONNANCE DU VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR

2 février 2024 (*)

« Pourvoi – Référé – Médicament à usage humain – Autorisation de mise sur le marché – Prolongation de la période de protection de la mise sur le marché – Urgence – Absence »

Dans l’affaire C‑609/23 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 4 octobre 2023,

Zentiva k.s., établie à Prague (République tchèque),

Zentiva Pharma GmbH, établie à Francfort-sur-le-Main (Allemagne),

représentées par Mes C. Dumont, T. De Meese, K. Roox et J. Stuyck, advocaten,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mmes L. Haasbeek, E. Mathieu et M. A. Spina, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE VICE-PRÉSIDENT DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente


Ordonnance

1        Par leur pourvoi, Zentiva k.s. et Zentiva Pharma GmbH demandent l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 24 juillet 2023, Zentiva et Zentiva Pharma/Commission (T‑278/23 R, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2023:420), par laquelle celui-ci a rejeté leur demande tendant, d’une part, à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision d’exécution C(2023) 3067 final de la Commission, du 2 mai 2023, modifiant la décision d’exécution C(2014) 601 final portant autorisation de mise sur le marché du médicament à usage humain Tecfidera – dimethyl fumarate (ci-après la « décision litigieuse »), au titre du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures de l’Union pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) 2019/5 du Parlement européen et du Conseil, du 11 décembre 2018 (JO 2019, L 4, p. 24) (ci-après le « règlement no 726/2004 »), ainsi que de toute autre décision ou tout autre acte ultérieurs prolongeant ou remplaçant la décision litigieuse, en tant qu’ils les concernent, et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à la Commission européenne de s’abstenir de prendre toute autre mesure qui équivaudrait à un retrait des autorisations de mise sur le marché (ci-après les « AMM ») dont sont titulaires les requérantes ou à une interdiction de mettre sur le marché des produits génériques du Dimethyl fumarate.

 Le cadre juridique

 La directive 2001/83/CE

2        La directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par le règlement (CE) no 1394/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 13 novembre 2007 (JO 2007, L 324, p. 121, et rectificatif JO 2009, L 87, p. 174) (ci-après la « directive 2001/83 »), prévoit, à son article 6, paragraphe 1 :

« Aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une [AMM] n’ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à la présente directive, ou qu’une autorisation n’ait été délivrée conformément aux dispositions du règlement (CE) no 726/2004 [...]

Lorsqu’un médicament a obtenu une première [AMM] conformément au premier alinéa, tout dosage, forme pharmaceutique, voie d’administration et présentation supplémentaires, ainsi que toute modification et extension, doivent également obtenir une autorisation conformément au premier alinéa ou être inclus dans l’[AMM] initiale. Toutes ces [AMM] sont considérées comme faisant partie d’une même autorisation globale, notamment aux fins de l’application de l’article 10, paragraphe 1. »

3        L’article 10, paragraphe 1, de cette directive énonce :

« [...] le demandeur n’est pas tenu de fournir les résultats des essais précliniques et cliniques s’il peut démontrer que le médicament est un générique d’un médicament de référence qui est ou a été autorisé [...] depuis au moins huit ans dans un État membre ou dans la Communauté.

Un médicament générique autorisé en vertu de la présente disposition ne peut être commercialisé avant le terme de la période de dix ans suivant l’autorisation initiale du médicament de référence.

[...]

La période de dix ans visée au deuxième alinéa est portée à onze ans au maximum si le titulaire de l’[AMM] obtient pendant les huit premières années de ladite période de dix ans une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles qui sont jugées, lors de l’évaluation scientifique conduite en vue de leur autorisation, apporter un avantage clinique important par rapport aux thérapies existantes. »

 Le règlement no 726/2004

4        L’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 dispose :

« Les médicaments à usage humain autorisés conformément aux dispositions du présent règlement bénéficient, sans préjudice du droit concernant la protection de la propriété industrielle et commerciale, d’une période de protection des données d’une durée de huit ans et d’une période de protection de la mise sur le marché d’une durée de dix ans portée à onze ans au maximum si le titulaire de l’[AMM] obtient pendant les huit premières années de ladite période de dix ans une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles qui sont jugées, lors de l’évaluation scientifique conduite en vue de leur autorisation, apporter un bénéfice clinique important par rapport aux thérapies existantes. »

 Les antécédents du litige

5        Les antécédents du litige sont exposés aux points 2 à 17 de l’ordonnance attaquée. Ils peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

6        Le 30 janvier 2014, la Commission a adopté, à la demande de Biogen Idec Ltd, la décision d’exécution C(2014) 601 final portant autorisation de mise sur le marché du Tecfidera – dimethyl fumarate au titre du règlement no 726/2004 (ci-après la « décision d’exécution du 30 janvier 2014 »). Au considérant 3 de cette décision d’exécution, la Commission indique que le médicament en cause (ci-après le « Tecfidera »), d’une part, et le médicament déjà autorisé dénommé Fumaderm, d’autre part, ne font pas partie d’une même AMM globale conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83.

7        Le 27 novembre 2017, Pharmaceutical Works Polpharma S.A. a déposé une demande auprès de l’Agence européenne du médicaments (EMA) visant à obtenir confirmation que cette société était éligible au dépôt d’une demande d’AMM selon la procédure centralisée pour un médicament générique dérivé du Tecfidera.

8        Par décision du 30 juillet 2018, l’EMA a informé Pharmaceutical Works Polpharma qu’elle n’était pas en mesure de valider cette demande, au motif que, en substance, selon le considérant 3 de la décision d’exécution du 30 janvier 2014, le Tecfidera, d’une part, et le médicament déjà autorisé Fumaderm, d’autre part, ne faisaient pas partie d’une même AMM globale, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83, et que, par conséquent, le Tecfidera bénéficiant d’une période indépendante de huit ans de protection des données, cette période de protection n’avait pas encore expiré (ci-après la « décision de l’EMA du 30 juillet 2018 »).

9        La décision de l’EMA du 30 juillet 2018 a été annulée par l’arrêt du Tribunal du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), par lequel le Tribunal a fait droit à un moyen tiré de l’exception d’illégalité de la décision d’exécution du 30 janvier 2014, qui en constitue la base légale, en tant que, dans cette décision d’exécution, la Commission avait considéré que le Tecfidera ne relevait pas de la même AMM globale que le Fumaderm.

10      Le 13 mai 2022, par la décision d’exécution C(2022) 3251 final de la Commission, modifiant la décision d’exécution du 30 janvier 2014, la Commission a rejeté la demande, présentée par Biogen Netherlands BV, d’extension d’une année de la protection de la mise sur le marché du Tecfidera.

11      À la suite de l’arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), les requérantes ont obtenu plusieurs AMM nationales pour leurs médicaments génériques du Dimethyl fumarate avec le Tecfidera comme médicament de référence (ci-après les « médicaments génériques en cause »). Après l’obtention de ces AMM, Zentiva Pharma a commencé à commercialiser les médicaments génériques en cause en Allemagne.

12      Par l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), la Cour a annulé l’arrêt du Tribunal du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241). Évoquant l’affaire et statuant sur le recours introduit en première instance, la Cour a également rejeté l’unique moyen tiré de l’exception d’illégalité de la décision d’exécution du 30 janvier 2014 et, partant, le recours tendant à l’annulation de la décision de l’EMA du 30 juillet 2018.

13      Le 2 mai 2023, la Commission a adopté la décision litigieuse, par laquelle elle a modifié la décision d’exécution du 30 janvier 2014 en octroyant à Biogen Netherlands, pour le Tecfidera, une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché, jusqu’au 2 février 2025.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2023, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse ainsi que de toute autre décision ou tout autre acte ultérieurs prolongeant ou remplaçant la décision litigieuse, en tant qu’ils la concernent.

15      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, les requérantes ont introduit une demande en référé tendant, d’une part, à ce qu’il soit sursis à l’exécution de la décision litigieuse, ainsi que de toute autre décision ou tout autre acte ultérieurs prolongeant ou remplaçant la décision litigieuse, en tant qu’ils les concernent, et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à la Commission de s’abstenir de prendre toute autre mesure qui équivaudrait à un retrait des AMM dont elles sont titulaires ou à une interdiction de mettre sur le marché des produits génériques du Dimethyl fumarate.

16      Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté cette demande en référé, au motif que les requérantes n’avaient pas établi que la condition relative à l’urgence était remplie.

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

17      Zentiva et Zentiva Pharma demandent à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de faire droit à la demande en référé ;

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner Zentiva et Zentiva Pharma aux dépens.

19      Par acte déposé au greffe de la Cour le 10 novembre 2023, Biogen Netherlands a demandé à être admise à intervenir dans le présent litige au soutien des conclusions de la Commission. Étant donné que la présente ordonnance clôture la procédure de pourvoi, il n’y a plus lieu de statuer sur cette demande et, par voie de conséquence, sur la demande de traitement confidentiel à l’égard de Biogen Netherlands formée par Zentiva et Zentiva Pharma.

 Sur le pourvoi

20      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent quatre moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit prétendument commise lors de l’examen de la recevabilité du recours au fond, le deuxième, d’une erreur de droit prétendument commise lors de l’examen de la condition relative à l’urgence, le troisième, d’une violation de l’obligation de motivation et, le quatrième, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

21      Il convient d’examiner d’emblée le troisième moyen.

 Argumentation

22      Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation.

23      À cet égard, elles relèvent que les motifs par lesquels le président du Tribunal a considéré que la condition d’urgence n’était pas remplie sont fondés uniquement sur les effets de la décision litigieuse sur l’AMM des médicaments génériques en cause et sur le préjudice financier qui pourrait découler du paiement, par les requérantes, de dommages et intérêts.

24      Or, ces motifs n’apporteraient aucune réponse à des arguments cruciaux avancés dans la demande en référé. En particulier, le président du Tribunal n’aurait pas répondu aux arguments tirés de l’existence d’une violation flagrante et grave de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, du risque d’engagement de la responsabilité pénale des requérantes en raison de l’effet rétroactif de la décision litigieuse et des conséquences de cette dernière sur les systèmes de soin de santé. Dans ce contexte, le président du Tribunal n’aurait envisagé que le prononcé éventuel d’une condamnation pécuniaire, en omettant à tort de prendre en compte le risque de mise en œuvre de procédures civiles d’injonction ou de prononcé de sanctions par des autorités nationales.

25      La Commission estime que l’ordonnance attaquée est suffisamment motivée.

26      Elle fait valoir que le président du Tribunal a implicitement écarté l’incidence alléguée du prétendu caractère sérieux du fumus boni juris sur la condition relative à l’urgence en rappelant l’interprétation traditionnelle de cette condition et le caractère cumulatif des conditions d’octroi des mesures provisoires.

27      En outre, il se serait prononcé sur le défaut de pertinence des actions potentielles de Biogen Netherlands ou des autorités nationales et aurait implicitement estimé que les incidences négatives alléguées sur les tiers sont dénuées de pertinence en l’espèce.

 Appréciation

28      Il convient de rappeler, d’une part, que, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation, obligation qui découle de l’article 36 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce statut, et de l’article 117 du règlement de procédure du Tribunal [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 14 juin 2016, Chemtura Netherlands/EFSA, C‑134/16 P(R), EU:C:2016:442, point 46 et jurisprudence citée].

29      Cette obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, la motivation du Tribunal pouvant dès lors être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 14 juin 2016, Chemtura Netherlands/EFSA, C‑134/16 P(R), EU:C:2016:442, point 47 et jurisprudence citée].

30      En l’espèce, le président du Tribunal a estimé, d’une part, au point 36 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse n’a, en tant que telle, aucun effet sur la légalité des AMM des requérantes. Il a relevé, d’autre part, aux points 37 à 39 de cette ordonnance, que les mesures actuelles ou futures prises par Biogen Netherlands ou par des autorités nationales ne découlent pas directement de la décision litigieuse et que l’éventuelle condamnation des requérantes au paiement de dommages et intérêts n’entraînerait qu’un préjudice d’ordre financier.

31      Toutefois, il convient de relever que, ainsi que le soutiennent les requérantes, celles-ci avaient, dans leur demande en référé, explicitement soutenu que la décision litigieuse était entachée d’une grave illégalité et que cette circonstance suffisait, à elle seule, à établir que la condition relative à l’urgence était remplie.

32      Or, l’ordonnance attaquée ne comporte aucune réponse explicite à cet argument, qui n’est d’ailleurs pas mentionné aux points 33 et 34 de cette ordonnance par lesquels le président du Tribunal a exposé l’argumentation des requérantes.

33      En outre, dès lors qu’il ressort des motifs figurant aux points 30 à 36 de ladite ordonnance que le président du Tribunal, lorsqu’il a examiné si la condition relative à l’urgence était remplie, ne s’est pas prononcé sur la pertinence ou le bien-fondé de l’illégalité invoquée par les requérantes, ceux-ci ne sauraient être compris comme rejetant implicitement l’argument mentionné au point 32 de la présente ordonnance.

34      Dans ces conditions, la motivation de l’ordonnance attaquée n’est pas de nature à permettre aux requérantes de connaître les motifs pour lesquels le président du Tribunal n’a pas fait droit à cet argument et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle quant au bien-fondé de ces motifs.

35      Il s’ensuit que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation.

36      Le président du Tribunal n’ayant ainsi pas répondu à l’un des arguments invoqués par les requérantes pour démontrer que la condition relative à l’urgence était remplie et la demande en référé ayant été rejetée au motif que les requérantes n’avaient pas établi que cette condition était satisfaite, ce défaut de motivation prive de fondement le dispositif de l’ordonnance attaquée.

37      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir le troisième moyen et, en conséquence, d’annuler l’ordonnance attaquée dans son ensemble, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments tirés d’un défaut de motivation de cette ordonnance ou les autres moyens du pourvoi.

 Sur la demande de mesures provisoires présentée devant le Tribunal

38      Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lorsque la Cour annule la décision du Tribunal, elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue. Cette disposition s’applique également aux pourvois formés conformément à l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne [ordonnance du vice‑président de la Cour du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 172 ainsi que jurisprudence citée].

39      En l’espèce, le vice-président de la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur la demande en référé présentée par Zentiva et par Zentiva Pharma.

40      À cette fin, il importe de rappeler que l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours au fond. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence [ordonnance du vice-président de la Cour du 24 mai 2022, Puigdemont i Casamajó e.a./Parlement et Espagne, C‑629/21 P(R), EU:C:2022:413, point 175 ainsi que jurisprudence citée].

41      Dans le cadre de l’examen desdites conditions, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle du droit de l’Union ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 juillet 2021, Symrise/ECHA, C‑282/21 P(R), EU:C:2021:631, point 28 et jurisprudence citée].

42      En l’espèce, il convient d’examiner d’emblée la condition relative à l’urgence.

 Argumentation

43      Les requérantes font valoir, en premier lieu, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il y a lieu de suspendre un acte qui semble manquer même de l’apparence de la légalité, sans qu’il soit nécessaire d’établir le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable. Or, la décision litigieuse aurait été adoptée en violation flagrante et grave de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, en tant qu’une extension de la période de protection de la mise sur le marché ne pourrait être accordée que lorsque le titulaire de l’AMM a obtenu, pendant les huit premières années de cette période, une autorisation pour une ou plusieurs indications thérapeutiques nouvelles, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

44      En deuxième lieu, il serait nécessaire de prononcer les mesures provisoires sollicitées en vue d’assurer la pleine efficacité de la décision à intervenir dans la procédure au fond. En effet, étant donné que la décision litigieuse prolonge la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera jusqu’au 2 février 2025 et au regard des délais usuels de traitement des affaires devant le Tribunal, la décision à intervenir dans la procédure au fond ne sera probablement pas prise en temps utile pour éviter la survenance de conséquences préjudicielles majeures de la décision litigieuse, dans la mesure où cette dernière interdirait rétroactivement aux requérantes d’utiliser, jusqu’au 2 février 2025, les AMM nationales qui leur ont été accordées.

45      En troisième lieu, les requérantes soutiennent qu’elles subiraient un préjudice irréparable si elles étaient illégalement contraintes, du fait de l’application de la décision litigieuse, de ne plus mettre de produits sur le marché pendant une période supplémentaire d’une année. Ce préjudice consisterait notamment en un manque à gagner, en une perte totale de parts de marchés, en des coûts supplémentaires liés à la réintroduction des médicaments génériques en cause et en une atteinte à leur réputation.

46      À cet égard, les requérantes soulignent que les ventes des médicaments génériques en cause ont connu une forte croissance et leur ont permis d’occuper des parts significatives du marché en cause dans certains États membres, en particulier en Allemagne. Or, divers facteurs les empêcheraient de reconquérir, ultérieurement, ces parts de marché, ce qui leur causerait un préjudice qui ne pourrait pas être facilement évalué ni réparé.

47      Elles font valoir, en particulier, que, à la suite du retrait du marché des médicaments génériques en cause, elles ne seront plus en mesure de bénéficier de l’avantage concurrentiel dont disposent les premiers entrants sur un marché, que les patients comme les systèmes de santé nationaux subiront des coûts supplémentaires notables, que leur réputation sera durablement dégradée, qu’elles ne pourront satisfaire à leurs obligations contractuelles et extracontractuelles de fourniture des médicaments génériques en cause, que des pénuries de médicaments pourraient avoir lieu dans certains États membres, que des stocks de médicaments devront être détruits, que leurs droits et leurs libertés fondamentales seront méconnus et qu’elles risqueront de faire l’objet de sanctions, notamment pénales, pour des faits qui échappent à leur contrôle, puisque la décision litigieuse est rétroactive.

48      Des mesures provisoires auraient d’ailleurs été octroyées, dans des circonstances similaires, tant par le Tribunal que par des juridictions nationales.

49      La Commission fait valoir, tout d’abord, que l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux n’est pas de nature à justifier l’octroi de mesures provisoires sans que l’existence d’un préjudice grave et irréparable soit démontrée. Les juridictions de l’Union n’auraient assoupli cette exigence que dans trois domaines spécifiques, lesquels ne seraient pas en cause en l’espèce. En tout état de cause, les requérantes n’auraient pas établi que la décision litigieuse est entachée d’une illégalité flagrante et extrêmement grave.

50      Ensuite, la finalité même de la procédure de référé serait de garantir la pleine efficacité de la décision à intervenir sur le recours au fond et il incomberait donc aux requérantes de démontrer que la condition relative à l’urgence est remplie.

51      Enfin, la Commission estime que les requérantes n’ont pas établi l’existence d’un risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable.

52      Le risque invoqué procéderait ainsi, très largement, non pas de la décision litigieuse, mais de l’application des règles de protection de la mise sur le marché prévues à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, lesquelles empêcheraient déjà la mise sur le marché des médicaments génériques en cause avant le 3 février 2024.

53      Par ailleurs, le préjudice allégué serait purement pécuniaire et ne présenterait pas un caractère irréparable, dans la mesure où il ne serait pas établi qu’il menace l’existence des requérantes ou qu’il n’est pas quantifiable. Ces dernières n’auraient pas non plus apporté la preuve que des obstacles structurels les empêcheraient de reconquérir les parts de marché perdues. Par ailleurs, une entreprise pharmaceutique n’aurait pas qualité pour se prévaloir de préjudices subis par des tiers, tels que les patients ou les systèmes de santé. Le risque d’une altération sensible de la réputation des requérantes serait également hypothétique et non étayé.

 Appréciation

54      À titre liminaire, il y a lieu de souligner que les requérantes demandent, au point 4 du dispositif de leur demande en référé, d’enjoindre à la Commission de s’abstenir de prendre toute autre mesure qui équivaudrait à un retrait de l’AMM des médicaments génériques en cause ou à l’interdiction, pour les requérantes, de mettre sur le marché de tels produits génériques. Or, le juge des référés n’a pas compétence pour enjoindre à une institution de l’Union de suspendre une procédure qui ne dépend pas d’un acte attaqué. Toutefois, les requérantes bénéficient de la protection juridictionnelle que leur octroie le droit primaire de l’Union contre une mesure de cet ordre, dès lors que cette mesure est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, assorti d’une demande en référé, laquelle pourra, le cas échéant, conduire au prononcé de mesures provisoires en application de l’article 156, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal [voir, en ce sens, ordonnance du vice-président de la Cour du 28 septembre 2023, Conseil/Mazepin, C‑564/23 P(R), EU:C:2023:727, point 83].

55      Dès lors, il y a lieu de déterminer si la condition relative à l’urgence est remplie uniquement au regard des autres mesures provisoires sollicitées par les requérantes, lesquelles tendent, en substance, à obtenir le sursis à l’exécution de la décision litigieuse ou de toute mesure se substituant à cette décision.

56      S’agissant, en premier lieu, de l’allégation selon laquelle l’urgence doit en l’espèce être reconnue en raison d’une violation flagrante et grave de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004, il résulte de la jurisprudence de la Cour que le caractère plus ou moins sérieux du fumus boni juris n’est pas sans influence sur l’appréciation de l’urgence. L’urgence dont peut se prévaloir une partie requérante doit ainsi d’autant plus être prise en considération par le juge des référés que le fumus boni juris des moyens et des arguments sur lesquels il s’appuie paraît particulièrement sérieux [ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), EU:C:2022:797, point 69 et jurisprudence citée].

57      Il n’en reste pas moins que, conformément aux dispositions de l’article 156, paragraphe 4, du règlement de procédure du Tribunal, les conditions relatives au fumus boni juris et à l’urgence sont distinctes et cumulatives, de telle sorte que la partie qui sollicite une protection provisoire demeure tenue de démontrer l’imminence d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), EU:C:2022:797, point 70 et jurisprudence citée].

58      Néanmoins, lorsqu’une décision apparaît, à la lumière des moyens dirigés contre elle, comme un acte auquel il manque même l’apparence de la légalité, le juge des référés doit en suspendre immédiatement l’exécution, sans qu’il soit nécessaire que la partie qui sollicite une protection provisoire démontre que cette protection doit lui être accordée en vue d’éviter la survenance d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), EU:C:2022:797, point 71 et jurisprudence citée].

59      Il découle de cette jurisprudence que seule une illégalité d’une nature et d’une gravité exceptionnelles peut justifier le prononcé d’un sursis à exécution d’une décision, sans que soit établi un risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable, et que la démonstration de l’existence d’un fumus boni juris particulièrement sérieux n’est donc pas suffisante à cet égard [ordonnance du vice-président de la Cour du 12 octobre 2022, Mariani/Parlement, C‑525/22 P(R), EU:C:2022:797, point 72].

60      En l’espèce, s’il devait être considéré, comme le soutiennent les requérantes, que, d’une part, la prolongation de la période de protection de la mise sur le marché est subordonnée à une condition d’obtention, au cours d’une période prédéfinie, d’une ou de plusieurs indications thérapeutiques nouvelles et que, d’autre part, cette condition n’était pas remplie s’agissant du Tecfidera, une telle irrégularité serait certes de nature à justifier, de prime abord, l’annulation de la décision litigieuse qui octroie à Biogen Netherlands une année supplémentaire de protection de la mise sur le marché du Tecfidera.

61      Pour autant, l’illégalité invoquée, à savoir la méconnaissance des conditions auxquelles l’adoption d’une décision est subordonnée, n’apparaît pas, en tout état de cause, comme présentant une nature et une gravité exceptionnelles, permettant de considérer que la décision litigieuse n’aurait même pas l’apparence de la légalité.

62      Les requérantes se prévalent d’ailleurs du caractère prétendument flagrant de l’illégalité invoquée, sans pour autant présenter d’arguments destinés à établir le caractère exceptionnel de la nature et de la gravité de cette illégalité.

63      Partant, à supposer même que l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 ait été violé, il y a lieu de constater qu’une telle violation ne présenterait pas un caractère exceptionnel de nature à démontrer que la condition relative à l’urgence serait satisfaite en l’espèce.

64      En ce qui concerne, en deuxième lieu, l’argument selon lequel le prononcé des mesures provisoires sollicitées est nécessaire pour assurer aux requérantes une protection juridictionnelle effective, il y a lieu de rappeler que la finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice de cette nature [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 juillet 2021, Symrise/ECHA, C‑282/21 P(R), EU:C:2021:631, point 40 et jurisprudence citée].

65      Il s’ensuit qu’il incombe aux requérantes, en vue d’établir la réalité de la lacune dans la protection juridictionnelle qu’elles allèguent, de démontrer le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable. La circonstance que la décision litigieuse interdirait rétroactivement aux requérantes d’utiliser, jusqu’au 2 février 2025, les AMM nationales qui leur ont été accordées, à la supposer établie, devrait donc être prise en compte en vue d’apprécier ce risque. En l’absence d’une telle démonstration, l’allégation générale selon laquelle les requérantes risquent d’être privées d’une protection juridictionnelle effective ne saurait justifier le prononcé de mesures provisoires.

66      En outre, pour autant qu’il y ait lieu de comprendre l’argument des requérantes tiré du principe de protection juridictionnelle effective comme étant fondé sur la circonstance que la décision juridictionnelle sur le recours au fond risque d’intervenir après que la décision litigieuse a épuisé ses effets, il importe de souligner que, dans la mesure notamment où une éventuelle annulation de la décision litigieuse aurait en principe un caractère rétroactif, une telle circonstance n’est pas de nature, à elle seule, à établir qu’il est indispensable de suspendre les effets de cette décision ou de prononcer d’autres mesures provisoires destinées à limiter ces effets.

67      En troisième lieu, il convient d’examiner l’argumentation des requérantes tirée du risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable dans l’attente de l’issue de la procédure au fond.

68      À cet égard, les requérantes et la Commission fondent leurs argumentations respectives sur le fait que la décision litigieuse a pour effet d’interdire aux requérantes de mettre sur le marché les médicaments génériques en cause ou d’empêcher une telle mise sur le marché durant la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera découlant de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 ainsi que de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83, et ce même si l’AMM nationale de ces médicaments n’a pas été modifiée.

69      Il n’apparaît cependant pas nécessaire, afin de se prononcer sur la condition relative à l’urgence, de déterminer si la décision litigieuse a effectivement un tel effet, dans la mesure où, à supposer même que tel soit le cas, les requérantes n’ont pas établi que l’application de la décision litigieuse dans l’attente de la décision sur le recours au fond serait de nature à leur causer un préjudice grave et irréparable.

70      En effet, il importe, premièrement, de relever qu’il ne résulte pas de l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 et de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83 que le régime applicable à la commercialisation des médicaments génériques au cours de la période initiale de dix ans de protection de la mise sur le marché du médicament de référence diffère du régime applicable au cours de la période supplémentaire de protection d’une année qui peut être octroyée au médicament de référence conformément à ces dispositions.

71      En l’espèce, il ressort des termes mêmes de la décision litigieuse que celle-ci a pour objet de prolonger d’une année, à compter du 3 février 2024, la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera découlant de l’AMM octroyée par la décision d’exécution du 30 janvier 2014.

72      Une telle prolongation suppose certes nécessairement que la Commission a considéré, lors de l’adoption de la décision litigieuse, que le Tecfidera bénéficiait d’une telle période de protection et que celle-ci ne devait pas expirer avant le 3 février 2024.

73      Pour autant, conformément à l’article 14, paragraphe 11, du règlement no 726/2004 et à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2001/83, la période initiale de protection de la mise sur le marché d’un médicament procède non pas d’une décision prolongeant cette période, mais de l’AMM de ce médicament. Dès lors, la protection de la mise sur le marché du Tecfidera avant le 3 février 2024, à la supposer établie, découle nécessairement non pas de la décision litigieuse, mais de la décision d’exécution du 30 janvier 2014.

74      La circonstance que le Tribunal ait, dans son arrêt du 5 mai 2021, Pharmaceutical Works Polpharma/EMA (T‑611/18, EU:T:2021:241), accueilli le moyen tiré de l’exception d’illégalité de cette décision d’exécution pour annuler la décision de l’EMA du 30 juillet 2018 et que cet arrêt ait, par la suite, été annulé par l’arrêt du 16 mars 2023, Commission e.a./Pharmaceutical Works Polpharma (C‑438/21 P à C‑440/21 P, EU:C:2023:213), n’est pas susceptible de remettre en cause cette appréciation.

75      En effet, en jugeant, au point 106 de ce dernier arrêt, que la Commission n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en concluant que le Tecfidera ne faisait pas partie de la même AMM globale que le Fumaderm et en rejetant, en conséquence, le moyen tiré de l’exception d’illégalité de la décision d’exécution du 30 janvier 2014, la Cour s’est bornée à confirmer la légalité de cette décision d’exécution. Partant, à la suite dudit arrêt, ladite décision d’exécution produit ses effets sans qu’il soit nécessaire que la Commission adopte une nouvelle décision d’exécution à cette fin.

76      Dans ces conditions, bien que, comme le soulignent les requérantes, la Commission expose, au considérant 6 de la décision litigieuse, l’interprétation qu’elle entend retenir du même arrêt, les effets produits par la décision d’exécution du 30 janvier 2014 ne dépendent pas de cette interprétation.

77      Il s’ensuit que, si, dans l’hypothèse où la prémisse exposée au point 68 de la présente ordonnance était fondée, la décision litigieuse aurait pour effet d’interdire ou d’empêcher la mise sur le marché du DMF Mylan entre le 3 février 2024 et le 2 février 2025, cette décision ne saurait, en revanche, produire un tel effet avant le 3 février 2024.

78      Or, en vue d’établir l’existence de risques de dégradation durable de sa réputation, de violation d’obligations contractuelles et extracontractuelles ainsi que de destruction de stocks de médicaments, les requérantes se fondent, dans leur demande en référé, sur les effets prévisibles d’un retrait du marché des médicaments génériques en cause, auquel elles devraient procéder en vue de se conformer à la protection de la mise sur le marché dont bénéficierait le Tecfidera.

79      Il résulte toutefois des points 73, 76 et 77 de la présente ordonnance que, à supposer même que la protection de la mise sur le marché du Tecfidera leur impose de retirer du marché les médicaments génériques en cause, un tel retrait s’imposait déjà, à tout le moins, à compter du 16 mars 2023, une fois confirmée la légalité de la décision d’exécution du 30 janvier 2014.

80      Dans ce contexte, l’argumentation présentée par les requérantes ne permet pas d’établir en quoi la prolongation de la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera résultant de la décision litigieuse aurait un effet déterminant s’agissant des risques mentionnés au point 78 de la présente ordonnance et, en conséquence, en quoi le sursis à l’exécution ou la limitation de certains effets de cette décision serait de nature à éviter la réalisation de ces risques, alors que seules des mesures provisoires aptes à éviter la survenance du préjudice allégué peuvent être ordonnées par le juge des référés [voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 12 février 2003, Marcuccio/Commission, C‑399/02 P(R), EU:C:2003:90, point 26].

81      Il en va de même pour le risque de perte de parts de marché allégué par les requérantes.

82      À cet égard, les éléments avancés dans la demande en référé quant aux parts du marché en cause acquises par les requérantes ou quant à l’avantage retiré de leur qualité de premier entrant sur ce marché ne permettent pas d’établir que ces parts de marché pouvaient être conservées jusqu’au 3 février 2024 ou, à l’inverse, que les parts de marché qui ont pu être conservées à cette date seraient probablement perdues avant le 2 février 2025.

83      Certes, la prolongation de la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera serait susceptible, à supposer que la prémisse exposée au point 68 de la présente ordonnance soit fondée, de retarder la date à laquelle les parts de marché éventuellement perdues par les requérantes pourraient être reconquises par cette entreprise.

84      Cependant, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, lorsque la partie qui sollicite la mesure provisoire se prévaut de la perte de ses parts de marché, elle doit démontrer que des obstacles de nature structurelle ou juridique l’empêchent de reconquérir une fraction appréciable de ces parts de marché [ordonnance du président de la Cour du 24 mars 2009, Cheminova e.a./Commission, C‑60/08 P(R), EU:C:2009:181, point 64].

85      Or, la seule circonstance que la date à laquelle une nouvelle entrée sur le marché en cause sera possible soit retardée ne saurait, en tant que telle, constituer un tel obstacle de nature structurelle ou juridique. En outre, pour autant que les requérantes entendent se prévaloir des risques mentionnés au point 78 de la présente ordonnance comme représentant de tels obstacles de nature structurelle ou juridique, une telle argumentation ne saurait prospérer, puisqu’il résulte des points 79 et 80 de cette ordonnance que l’existence d’un lien entre ces risques et la décision litigieuse n’a pas été établie.

86      Deuxièmement, en ce qui concerne le risque que les requérantes soient exposées au prononcé de sanctions, notamment pénales, pour des faits qui échappent à leur contrôle, il convient de relever que, dans la mesure où la décision litigieuse a pour effet de prolonger la période de protection de la mise sur le marché du Tecfidera à compter du 3 février 2024, elle n’est pas susceptible d’exposer les requérantes à des poursuites pour des faits antérieurs à cette date.

87      Par ailleurs, force est de constater que la demande en référé ne précise pas le fondement sur lequel de telles sanctions seraient prises et qu’elle se borne à évoquer l’hypothèse que de telles sanctions pourraient être prononcées, ce qui ne saurait suffire à établir que le risque invoqué est prévisible avec un degré de probabilité suffisant.

88      Troisièmement, s’agissant des effets négatifs allégués de la décision litigieuse sur les patients et les systèmes de santé nationaux ainsi que du risque de pénurie de médicaments, il convient certes de relever que des intérêts considérés comme étant généraux sur le plan national peuvent être invoqués par des États membres dans le cadre d’une procédure en référé (ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 13 avril 2021, Lituanie/Parlement et Conseil, C‑541/20 R, EU:C:2021:264, point 21).

89      En revanche, une entreprise telle que Zentiva ou Zentiva Pharma ne saurait se prévaloir de tels intérêts à l’appui d’une demande en référé. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, pour que sa demande en référé soit déclarée fondée, une entreprise doit apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure principale sans avoir à subir personnellement un préjudice qui entraînerait des conséquences graves et irréparables pour elle [ordonnance du président de la Cour du 24 mars 2009, Cheminova e.a./Commission, C‑60/08 P(R), EU:C:2009:181, point 35].

90      Quatrièmement, étant donné que les requérantes font valoir que l’application de la décision litigieuse conduira à méconnaître leurs droits et leurs libertés fondamentales, il convient de rappeler qu’il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à des droits fondamentaux pour établir que le dommage qui pourrait en découler a nécessairement un caractère grave et irréparable [ordonnance du vice‑président de la Cour du 12 juin 2018, Nexans France et Nexans/Commission, C‑65/18 P(R), EU:C:2018:426, point 36 ainsi que jurisprudence citée].

91      Cinquièmement, en tant que les requérantes allèguent qu’elles subiront un préjudice résultant d’un manque à gagner et des coûts de la réintroduction des médicaments génériques en cause, il y a certes lieu de constater qu’une prolongation de la période durant laquelle ces médicaments ne peuvent être commercialisés pourrait être de nature à augmenter le montant de ce manque à gagner, voire de ces coûts.

92      Un tel préjudice présenterait néanmoins un caractère purement pécuniaire.

93      Or, il ressort d’une jurisprudence constante de la Cour qu’un préjudice d’ordre financier ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme étant irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice [voir, en ce sens, ordonnance du juge des référés du 24 octobre 2023, VC/EU-OSHA, C‑456/23 P(R), EU:C:2023:831, point 85 et jurisprudence citée].

94      Dans ce contexte, lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient notamment s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant le prononcé de la décision mettant fin à la procédure au fond au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient [ordonnance du juge des référés du 24 octobre 2023, VC/EU-OSHA, C‑456/23 P(R), EU:C:2023:831, point 86 et jurisprudence citée].

95      En l’espèce, les requérantes ne présentent pas d’argument destiné à établir que le préjudice financier qu’elles allèguent est de nature à mettre en péril leur viabilité financière.

96      Il convient de relever, toutefois, qu’un préjudice d’ordre financier peut notamment être considéré comme étant irréparable si ce préjudice, même lorsqu’il se produit, ne peut pas être chiffré [ordonnance du juge des référés du 24 octobre 2023, VC/EU-OSHA, C‑456/23 P(R), EU:C:2023:831, point 91 et jurisprudence citée].

97      Certes, l’incertitude liée à la réparation d’un préjudice d’ordre financier dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité ne saurait être considérée, en elle-même, comme étant une circonstance de nature à établir le caractère irréparable d’un tel préjudice, au sens de la jurisprudence de la Cour. En effet, au stade du référé, la possibilité d’obtenir ultérieurement la réparation d’un préjudice d’ordre financier dans le cadre d’un éventuel recours en indemnité, qui pourrait être intenté à la suite de l’annulation de l’acte attaqué, est nécessairement incertaine. Or, la procédure de référé n’a pas pour objet de se substituer à un tel recours en indemnité pour éliminer cette incertitude, sa finalité étant seulement de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive à intervenir dans la procédure au fond sur laquelle le référé se greffe, à savoir, en l’espèce, un recours en annulation [voir, en ce sens, ordonnance du juge des référés du 24 octobre 2023, VC/EU-OSHA, C‑456/23 P(R), EU:C:2023:831, point 92 et jurisprudence citée].

98      En revanche, il en va autrement lorsqu’il apparaît clairement, dès l’appréciation effectuée par le juge des référés, que le préjudice invoqué, compte tenu de sa nature et de son mode prévisible de survenance, ne sera pas susceptible d’être identifié et chiffré de manière adéquate s’il se produit et que, en pratique, un recours en indemnité ne saurait par conséquent permettre de le réparer [ordonnance du juge des référés du 24 octobre 2023, VC/EU-OSHA, C‑456/23 P(R), EU:C:2023:831, point 92 et jurisprudence citée].

99      En l’espèce, si les modalités du calcul de la réparation que les requérantes pourraient éventuellement obtenir doivent encore être précisées, il n’en demeure pas moins que celles-ci font état d’un préjudice qui, au regard de sa nature et de son mode prévisible de survenance, pourrait en principe être déterminé en se fondant sur le volume des ventes des médicaments génériques en cause avant leur retrait du marché, sur les perspectives d’évolution de ce volume et sur le montant des investissements devant être engagés pour permettre de commercialiser à nouveau ces médicaments.

100    Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que le préjudice financier allégué ne pourrait pas être chiffré.

101    Partant, les requérantes n’ont pas démontré que ce préjudice présente un caractère irréparable.

102    En conséquence, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas établi qu’elles ne sauraient attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice grave et irréparable.

103    Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il apparaît que les requérantes n’ont pas démontré que la condition relative à l’urgence était satisfaite en l’espèce.

104    Compte tenu du caractère cumulatif des conditions requises pour l’octroi de mesures provisoires, il convient, dès lors, de rejeter la demande en référé, sans qu’il soit besoin d’examiner les conditions relatives au fumus boni juris et à la mise en balance des intérêts.

 Sur les dépens

105    Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement, elle statue sur les dépens.

106    L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 138, paragraphe 3, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, prévoit, en outre, que, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Toutefois, si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

107    Par ailleurs, l’article 142 du règlement de procédure de la Cour, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, énonce que, en cas de non-lieu à statuer, la Cour règle librement les dépens.

108    En l’espèce, eu égard à l’annulation de l’ordonnance attaquée et au rejet du recours de première instance, il convient de condamner les requérantes et la Commission à supporter leurs propres dépens afférents au pourvoi.

109    S’agissant des dépens relatifs à la demande d’intervention au pourvoi de Biogen Netherlands, il y a lieu, en vertu de l’article 142 du règlement de procédure de la Cour, de décider que les requérantes, la Commission et Biogen Netherlands supporteront leurs propres dépens.

110    Concernant les dépens afférents à la procédure de référé de première instance, il y a lieu, conformément à l’article 137 du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, de réserver les dépens des requérantes et de la Commission.

Par ces motifs, le vice-président de la Cour ordonne :

1)      L’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 24 juillet 2023, Zentiva et Zentiva Pharma/Commission (T278/23 R, EU:T:2023:420), est annulée.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande d’intervention au pourvoi de Biogen Netherlands BV.

3)      La demande en référé est rejetée.

4)      Zentiva k.s., Zentiva Pharma GmbH et la Commission européenne supportent leurs propres dépens afférents au pourvoi.

5)      Zentiva k.s., Zentiva Pharma GmbH, la Commission européenne et Biogen Netherlands BV supportent leurs propres dépens afférents à la demande d’intervention au pourvoi de cette dernière.

6)      Les dépens de Zentiva k.s., de Zentiva Pharma GmbH et de la Commission européenne afférents à la procédure de référé de première instance sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.