Language of document : ECLI:EU:T:2021:849

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

1er décembre 2021 (*)

« Fonction publique – Recrutement – Avis de concours – Concours général EPSO/AD/363/18 – Décision de ne pas admettre le requérant à l’étape suivante du concours – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Exception d’illégalité – Égalité de traitement – Proportionnalité – Droit d’être entendu – Principe de bonne administration – Régime linguistique du concours – Discrimination fondée sur la langue – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑804/19,

HC, représenté par Mes G. Pandey, V. Villante et D. Rovetta, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme M. Brauhoff, M. T. Lilamand et Mme D. Milanowska, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation, premièrement, de l’avis de concours EPSO/AD/363/18 du 11 octobre 2018 organisé aux fins de constituer deux listes de réserve à partir desquelles la Commission recruterait des administrateurs (AD 7) dans les domaines des douanes et de la fiscalité, deuxièmement, de la décision du jury de ce concours de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste des personnes invitées au centre d’évaluation, troisièmement, de la décision de ce même jury rejetant sa demande de réexamen, quatrièmement, de la décision de la Commission du 20 août 2019 rejetant sa réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, cinquièmement, de la liste des candidats invités à la phase suivante du concours et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait subi de ce fait,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de M. J. Svenningsen, président, Mme T. Pynnä et M. J. Laitenberger (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 7 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 11 octobre 2018, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EPSO/AD/363/18 – Administrateurs (AD 7) dans les domaines suivants : 1. Douanes, 2. Fiscalité (JO 2018, C 368 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »). Ce concours, organisé par l’EPSO, visait à la constitution de deux listes de réserve à partir desquelles la Commission européenne recruterait des administrateurs (AD 7) dans les domaines des douanes, d’une part, et de la fiscalité, d’autre part.

2        Le requérant, HC, s’est porté candidat au concours en cause, pour le domaine des douanes.

3        Par lettre du 18 décembre 2018, le requérant a été informé par l’EPSO que sa candidature satisfaisait aux critères d’admission et qu’il était admis à l’étape suivante du concours, relative à la sélection sur titres, à savoir l’épreuve dite de l’« évaluateur de talent » (ci-après l’« évaluateur de talent »).

4        Le 28 janvier 2019, le requérant a été informé, par l’intermédiaire de son compte EPSO, de la décision du jury de ne pas l’admettre à la phase du concours qui succédait à l’« évaluateur de talent », à savoir les épreuves dites du « centre d’évaluation » (ci-après la « première décision attaquée »). Le requérant a ainsi été informé que le jury avait procédé à une analyse approfondie des réponses qu’il avait données aux questions de l’« évaluateur de talent » et lui avait attribué une note de 27 points, ce qui n’était pas suffisant pour l’inviter à l’étape suivante du concours, à savoir le centre d’évaluation, dès lors que le seuil minimal requis pour être admis à prendre part aux épreuves du centre d’évaluation avait été fixé à 33 points.

5        Par courriel du 29 janvier 2019, le requérant a introduit une demande de réexamen de la décision du jury.

6        Par lettre du 21 mars 2019, l’EPSO a rejeté la demande de réexamen, en informant le requérant que le jury avait confirmé sa décision de ne pas l’inviter aux épreuves du centre d’évaluation (ci-après la « deuxième décision attaquée »).

7        Par courriel du 18 avril 2019, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), laquelle a été rejetée par décision du directeur de l’EPSO du 20 août 2019 (ci-après la « troisième décision attaquée »).

II.    Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 novembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

9        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2019, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 2 mars 2020, le Tribunal (huitième chambre) a fait droit à cette demande.

10      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « déclarer l’article 90 du statut illégal et inapplicable à la présente procédure, sur le fondement de l’article 277 TFUE » ;

–        annuler l’avis de concours ;

–        annuler la « liste complète des [candidats] sélectionnés pour participer audit concours » ;

–        annuler les première, deuxième et troisième décisions attaquées ;

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de réparation du dommage subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

12      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a posé des questions aux parties, qui y ont répondu dans les délais impartis.

13      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 7 juillet 2021.

III. En droit

14      À titre liminaire, il y a lieu de constater que le requérant demande au Tribunal, dans ses conclusions, de déclarer l’article 90 du statut illégal et inapplicable à la présente procédure, sur le fondement de l’article 277 TFUE.

15      S’agissant de la question de savoir si cette demande peut être interprétée comme une exception d’illégalité dans le cadre de la demande d’annulation de l’avis de concours et de la « liste complète des [candidats] sélectionnés pour participer audit concours », il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal, conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit néanmoins être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Par conséquent, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt du 2 avril 2020, Barata/Parlement, T‑81/18, non publié, EU:T:2020:137, point 33).

16      À cet égard, il convient de constater que la raison pour laquelle le requérant estime que l’article 90 du statut devrait être déclaré illégal ressort clairement de la requête. Ainsi, le requérant estime que la procédure de réclamation prévue par cet article viole l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en ce sens qu’elle ne lui permet pas de se prononcer sur le projet de décision de rejet de la réclamation avant qu’il ne soit adopté.

17      Or, il y a lieu d’observer, à cet égard, que le requérant n’a pas du tout précisé, dans la requête, si la demande de « déclarer l’article 90 du statut illégal et inapplicable à la présente procédure » était soulevée dans le cadre des demandes d’annulation de l’avis de concours et de la « liste complète des candidats sélectionnés pour participer audit concours ».

18      En conséquence, et compte tenu de ce qui est exposé au point 16 ci-dessus cette demande doit être interprétée comme une exception d’illégalité dans le cadre des demandes d’annulation des première, deuxième et troisième décisions attaquées et sera, dès lors, examinée à un stade ultérieur de l’analyse.

A.      Sur la demande d’annulation de l’avis de concours

19      Selon une jurisprudence constante, le délai de trois mois pour introduire une réclamation contre un acte faisant grief, prévu par l’article 90 du statut, est d’ordre public. Il n’est pas à la disposition des parties et du juge, dans la mesure où il a été institué en vue d’assurer la clarté et la sécurité des situations juridiques ainsi que la certitude du droit. Il appartient donc au juge de l’Union de vérifier, d’office, s’il a été respecté. Même si une institution répond sur le fond à une réclamation administrative tardive, et donc irrecevable, cela ne peut avoir pour effet ni de déroger au système des délais impératifs institués par les articles 90 et 91 du statut, ni de priver l’administration de la faculté de soulever, au stade de la procédure juridictionnelle, une exception d’irrecevabilité tirée de la tardiveté de la réclamation et encore moins de dispenser le Tribunal de l’obligation qui lui incombe de vérifier le respect des délais statutaires (voir, en ce sens, ordonnance du 7 septembre 2005, Krahl/Commission, T‑358/03, EU:T:2005:301, points 35 et 36 et jurisprudence citée).

20      Or, en l’espèce, il a lieu d’observer que, selon l’article 90, paragraphe 2, du statut, le requérant disposait de trois mois, à compter de la date de publication de l’avis de concours au Journal officiel, c’est-à-dire le 11 octobre 2018, pour introduire sa réclamation administrative, soit jusqu’au 11 janvier 2019. Celle-ci ayant été déposée le 18 avril 2019, il y a lieu de constater que la réclamation est tardive, en ce qu’elle concerne l’avis de concours et que, partant, la demande d’annulation doit être rejetée comme irrecevable.

21      Au demeurant, le requérant a lui-même reconnu qu’il ne justifiait pas d’un intérêt à demander l’annulation de l’avis de concours.

22      En effet, force est de constater que, s’il est vrai que le requérant conteste certaines dispositions de l’avis de concours par le biais d’exceptions d’illégalité qui seront analysées ci-après, il ne cherche toutefois pas, par son recours, à obtenir l’annulation du concours dans sa totalité. Il se prévaut plutôt d’irrégularités intervenues lors du déroulement d’un concours, dont certaines trouveraient leur origine dans le texte même de l’avis de concours.

23      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que la demande d’annulation de l’avis de concours doit être rejetée comme irrecevable.

B.      Sur la demande d’annulation des première, deuxième et troisième décisions attaquées

1.      Sur l’objet de la demande d’annulation

24      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsqu’un candidat à un concours sollicite le réexamen d’une décision prise par le jury, c’est la décision prise par le jury, après réexamen, qui constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, dudit statut (arrêt du 5 septembre 2018, Villeneuve/Commission, T‑671/16, EU:T:2018:519, point 24 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 21, et arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 29). Il s’ensuit que la deuxième décision attaquée s’est substituée à la première décision attaquée et constitue l’acte faisant grief.

25      S’agissant de la troisième décision attaquée, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8).

26      Or, en l’espèce, la troisième décision attaquée n’a pas de contenu autonome par rapport à la deuxième décision attaquée, dont elle se borne à préciser la motivation. La présente demande en annulation doit, dès lors, être considérée comme étant dirigée contre cette dernière, même si, dans le cadre de l’examen de la légalité de cette dernière, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la troisième décision attaquée, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la deuxième décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59).

27      Il résulte de ce qui précède que la demande d’annulation doit être considérée comme portant sur la deuxième décision attaquée.

2.      Sur le fond

28      Le requérant soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, d’erreurs manifestes d’appréciation, de l’illégalité de l’annexe II de l’avis de concours, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une violation du principe de proportionnalité, le deuxième, d’une violation du droit d’être entendu, de l’illégalité de l’article 90, paragraphe 2, du statut et d’une violation du principe de bonne administration, le troisième, d’une violation des règles relatives au régime linguistique du concours et, le quatrième, d’une illégalité de l’« évaluateur de talent ».

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, d’erreurs manifestes d’appréciation, de l’illégalité de l’annexe II de l’avis de concours, d’une violation du principe d’égalité de traitement et d’une violation du principe de proportionnalité

29      Le premier moyen peut être décomposé en cinq branches distinctes.

1)      Sur la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’obligation de motivation

30      Le requérant soulève une violation de l’obligation de motivation.

31      Ainsi, il soutient que le jury, dans sa décision de réexamen, n’a pas indiqué avec précision les raisons justifiant le « rejet » de son expérience.

32      Il affirme en particulier que le jury était tenu d’expliquer la raison pour laquelle il avait suivi une approche « stricte » lors de l’évaluation de ses réponses à l’« évaluateur de talent ».

33      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

34      Il y a lieu de relever qu’une partie de l’argumentation du requérant vise en réalité à contester le fond de la deuxième décision attaquée et, en particulier, l’appréciation par le jury de concours de son expérience professionnelle et de ses diplômes. Or, il convient de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 48, et du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 32).

35      Il s’ensuit que les arguments du requérant se rapportant au fond de la décision attaquée seront examinés dans le cadre des autres branches du premier moyen.

36      S’agissant des arguments du requérant qui portent sur la motivation de la décision attaquée, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 25, deuxième alinéa, du statut, toute décision faisant grief doit être motivée.

37      Il y a lieu de relever qu’il est de jurisprudence constante que l’obligation de motivation, édictée à l’article 25, deuxième alinéa, du statut, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé les indications nécessaires pour savoir si la décision est ou non fondée et, d’autre part, de rendre possible le contrôle juridictionnel (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017, Commission/Frieberger et Vallin, T‑232/16 P, non publié, EU:T:2017:15, point 40 et jurisprudence citée).

38      Cela dit, la motivation d’une mesure n’a pas à être exhaustive et l’administration n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments mentionnés (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2016, Zuffa/EUIPO (ULTIMATE FIGHTING CHAMPIONSHIP), T-590/14, non publié, EU:T:2016:295, point 38).

39      En ce qui concerne les décisions prises par un jury de concours, l’obligation de motivation doit en outre être conciliée avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut (voir arrêt du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 24 et jurisprudence citée).

40      Compte tenu de la nécessaire conciliation de l’obligation de motivation d’une décision faisant grief avec le respect du secret qui entoure les travaux du jury, la communication des notes obtenues aux différentes épreuves constitue une motivation suffisante des décisions du jury (arrêts du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, EU:C:1996:276, point 31, et du 27 mars 2003, Martínez Páramo e.a./Commission, T‑33/00, EU:T:2003:84, point 50).

41      En l’espèce, le requérant a reçu ses notes au moyen d’un message publié sur son compte EPSO le 28 janvier 2019 ainsi que la communication de la note minimale requise pour être admis à l’étape suivante du concours. Il a également reçu, en pièce jointe à ce message, une grille de notation détaillée montrant les points qu’il avait obtenus sur la base de ses réponses pour chaque critère de sélection de l’« évaluateur de talent » ainsi que les facteurs de pondération correspondants établis par le jury avant l’appréciation. Dès lors, eu égard à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, une telle motivation doit être considérée comme étant suffisante.

42      Au surplus, dans la troisième décision attaquée, l’EPSO a fourni au requérant des informations relatives à l’utilisation par le jury des critères d’évaluation appliqués dans son cas et a exposé les raisons ayant conduit le jury à attribuer les notes litigieuses, soit des informations qui allaient bien au-delà de la simple communication de ces notes.

43      Dans son recours, le requérant n’explique d’ailleurs pas en quoi ces informations seraient insuffisantes au regard des exigences de la jurisprudence susmentionnée.

44      En particulier, la requête, qui renvoie aux informations relatives au raisonnement du jury fournies par l’EPSO dans la troisième décision attaquée, démontre que le requérant a compris le raisonnement du jury, bien qu’il le conteste.

45      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme non fondée.

2)       Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’erreurs manifestes d’appréciation

46      Le requérant fait valoir que le jury de concours a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation lorsqu’il a évalué les réponses apportées par le requérant à plusieurs questions de l’« évaluateur de talent ».

i)      Sur le premier grief

47      Le requérant soutient que le jury a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne lui attribuant aucun point pour ses réponses à la question 1 de l’« évaluateur de talent », destinée à évaluer l’expérience professionnelle des candidats concernant la rédaction de législation, de règles ou de procédures dans les domaines relevant du concours en question, y compris le domaine des douanes. Il fait notamment valoir à cet égard que, lors de son affectation à la Mission d’assistance de l’Union européenne à la frontière entre la Moldavie et l’Ukraine (ci-après l’« EUBAM »), il était responsable de la rédaction de lignes directrices et de projets d’amendement du code des douanes moldave. À l’occasion de sa réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le requérant a souligné que, bien qu’elles n’aient pas de force obligatoire en droit, les lignes directrices sont reconnues comme étant des mesures importantes pour l’interprétation et l’application des règles de procédures douanières de l’Union.

48      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

49      À titre liminaire, comme le souligne à juste titre la Commission, force est de constater que le requérant opère une confusion entre le stade de l’admissibilité, où le jury vérifie si les candidats ont l’expérience nécessaire leur permettant de concourir, et le stade de l’« évaluateur de talent », où le jury procède à une première sélection des candidats sur la base d’un examen plus spécifique. Or, contrairement à ce qu’affirme le requérant, le jury a pris en compte le fait qu’il possédait six années d’expérience professionnelle appropriée, ce qui lui a permis d’accéder à la première étape du concours, à savoir l’« évaluateur de talent ».

50      Selon le libellé de la question 1 de l’« évaluateur de talent », il était explicitement attendu des candidats qu’ils indiquent s’ils disposaient d’une expérience professionnelle dans la rédaction de « dispositions législatives, règles et procédures concernant des mesures relatives à la politique commerciale ou à la fiscalité directe/indirecte ».

51      La Commission a précisé que, selon le système de notation établi par le jury, celui-ci devait prendre en compte la pertinence, la durée et la diversité de l’expérience professionnelle décrite par les candidats.

52      Il y a lieu d’estimer que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation qu’aucun point n’a été attribué au requérant pour sa réponse dans la mesure où le jury a considéré que son expérience, telle que détaillée dans sa réponse à la question 1b, ne comprenait pas la rédaction de dispositions législatives, de règles ou de procédures mais plutôt des « activités d’exécution et de conseil », comme il ressort de la troisième décision attaquée.

53      En effet, il y a tout d’abord lieu de relever que le fait de distinguer une expérience professionnelle relevant de la rédaction de dispositions législatives, de règles ou de procédures, d’une part, d’une expérience professionnelle relevant d’activités d’exécution et de conseil, d’autre part, ne constitue pas, en soi, une erreur manifeste d’appréciation. Au contraire, la rédaction de dispositions ayant force obligatoire et destinées à être appliquées de façon générale se distingue de leur mise en application ou de l’activité de conseil à leur égard. Aussi, il convient d’examiner si la réponse du requérant à la question 1b faisait effectivement état ou non d’une expérience professionnelle relevant de la rédaction de dispositions législatives, de règles ou de procédures.

54      À cet égard, s’agissant, tout d’abord, du premier point de la réponse du requérant à la question 1b, l’expérience du requérant était décrite de la manière suivante :

« À deux moments distincts (2013/2016) des plans d’action de l’EUBAM, j’ai analysé la question, rédigé le rapport final des deux unités pour lesquelles je travaillais (“soutien analytique et opérationnel” [et] “contrôle de la qualité de l’opération”) et envoyé ce rapport pour que la direction de la mission y donne suite (résultat : recommandation officielle aux autorités douanières moldaves) […] »

55      Or, il convient de relever qu’il ne ressort pas de cette description que le requérant aurait rédigé des « dispositions législatives, de règles ou de procédures ».

56      En outre, les éléments suivants ressortaient également du premier point de la réponse du requérant à la question 1b :

« […] Mon rôle clé consistait à traiter également des informations du terrain, à examiner et à analyser la législation (les meilleures pratiques nationales et de l’UE) et à proposer des solutions viables en ce qui concerne des modifications de la législation primaire des partenaires. »

57      Or, ici encore, force est de constater qu’il ne ressort pas de cette phrase que le requérant aurait rédigé lui-même de quelconques « dispositions législatives, règles ou procédures ». Telle qu’elle est présentée, cette expérience professionnelle s’apparente plutôt à une activité analytique. S’il est vrai que l’information se réfère à des dispositions législatives, de règles ou de procédures, il est également vrai qu’elle est présentée plutôt comme une activité de conseil à des entités externes. En outre, il ne ressort pas de cette information quelles étaient les dispositions précises rédigées ou, à tout le moins, élaborées sous forme de projet par le requérant.

58      S’agissant, ensuite, du deuxième point de la réponse du requérant à la question 1b, l’expérience du requérant était décrite de la manière suivante : 

« […] Occupant un poste d’encadrement, j’ai examiné et approuvé les rapports d’experts (et donc analysé et étudié les dispositions pertinentes) concernant des propositions de modifications dans la législation nationale du service partenaire pour rapprocher l’acquis de l’UE et les meilleures pratiques :

a)      sur les procédures de dédouanement pour les navires et les yachts appliquées aux ports maritimes d’Odessa et d’Illich[i]vsk […] ;

b)      [sur] l’analyse des lacunes constatées dans la chaîne de contrôle au terminal de ferry du port d’lllichivsk en cas de contrebande de cigarettes et des recommandations de modification des dispositions locales […] ;

c)      [sur] la législation ukrainienne relative aux examens physiques de marchandises au port d’Odessa […]. L’analyse présentée se terminait par une recommandation adressée au cabinet des ministres ukrainien […] ;

d)      [sur] l’analyse du contrôle douanier et du dédouanement des navires long-courriers […] Dès lors, le bureau régional d’Odessa a demandé à l’unité compétente de l’EUBAM de recommander aux partenaires des services fiscaux de l’État ukrainien à un niveau central de réviser les dispositions pertinentes figurant dans la résolution susmentionnée. »

59      Force est de constater que cette expérience professionnelle ne recouvre pas la notion de « rédaction » visée par l’avis de concours. En effet, la présentation de cette expérience recouvre, pour l’essentiel, une activité d’« analyse » et d’ « approbation » de rapports.

60      De plus, ces documents étaient qualifiés, par le requérant, de « rapports d’experts […] concernant des propositions de modifications » de législations nationales. Or, à cet égard, le jury pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que l’analyse et l’examen de tels rapports sur des propositions de modifications d’une législation n’équivalaient pas à la rédaction de « dispositions législatives, règles ou procédures ». Il y a en effet une différence entre l’identification de problèmes en matière de législation, de règles et de procédures et l’activité de conseil permettant de résoudre ces problèmes, d’une part, et la rédaction proprement dite de dispositions amendées ou nouvelles en la matière, d’autre part. Telle qu’elle est présentée par le requérant, son expérience professionnelle s’apparente davantage, de nouveau, à une activité de conseil pour le compte des pays concernés qu’à une activité de rédaction proprement dite de dispositions spécifiques et détaillées.

61      S’agissant, enfin, du troisième point de la réponse du requérant à la question 1b, l’expérience du requérant était décrite de la manière suivante :

« Rédaction de lignes directrices pour l’organisation et la coordination d’opérations internationales des services répressifs [fournissant aux autorités douanières moldaves un premier “vade-mecum” sur la manière de diriger les opérations en tant que membre d’organisations internationales (OMC, SELEC, etc.)]. »

62      À cet égard, comme l’a souligné le requérant dans sa réponse à une question posée par le Tribunal dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, force est de constater que « l’EUBAM promeut l’adoption de normes et de pratiques en matière de contrôle des frontières, de douane et de commerce, qui respectent les standards de l’Union européenne et qui répondent aux besoins des deux pays partenaires [la Moldavie et l’Ukraine] » et que, « bien que le rôle d’assistance et de conseil de l’EUBAM lui confère certains privilèges, celle‑ci ne dispose pas de pouvoirs exécutifs ».

63      Il apparaît donc que, selon le requérant, le rôle de l’EUBAM n’est pas d’édicter des « dispositions législatives, [des] règles ou des procédures » mais de « promouvoir » l’adoption de normes par l’Ukraine et la Moldavie, dans le cadre de missions d’« assistance et de conseil ».

64      En outre, dans sa réponse à la question du Tribunal, le requérant indique que les lignes directrices n’ont, en général, pas « force obligatoire » et qu’elles sont un outil visant à l’interprétation de règles préexistantes. Or, il peut être considéré que la question en cause de l’« évaluateur de talent » visait à apprécier si le candidat en question avait rédigé des textes « originaux » ayant « force obligatoire » ou ayant, à tout le moins, une teneur plus « prescriptive » que la simple interprétation de règles ou de procédures déjà existantes.

65      L’argumentation du requérant ne remet donc pas en cause l’appréciation du jury de concours selon laquelle l’expérience du requérant n’a pas consisté à rédiger des « dispositions législatives, règles ou procédures », mais a plutôt consisté en une activité de conseil ou d’exécution liée à de telles dispositions.

66      Le requérant indique par ailleurs dans son recours qu’il a rédigé une « recommandation », qu’il décrit comme un « projet de modifications à apporter au code des douanes moldave dans le secteur des magasins hors taxes, dans le cadre d’une analyse comparative avec la législation de l’UE ». Toutefois, comme l’indique la Commission, force est de constater que la description qu’il donne de son travail diffère des termes employés dans sa réponse à la question 1b de l’« évaluateur de talent ».

67      Or, en l’espèce, le jury était tenu de procéder à son appréciation des candidatures, au stade de l’« évaluateur de talent », sur la seule base des informations fournies dans cette section, comme il était indiqué au point 4) du titre « Comment serai-je sélectionné ? » de l’avis de concours.

68      Cela signifie que l’analyse comparative des réponses des candidats a dû être effectuée sur la seule base des informations mentionnées dans la section de l’« évaluateur de talent », sans utiliser de données supplémentaires. Comme la Commission l’a souligné avec pertinence lors de l’audience, il importait donc que le requérant rédige sa réponse à la question 1, et plus particulièrement à la question 1b, de l’« évaluateur de talent » avec diligence, en donnant toutes les précisions utiles qui permettaient d’étayer sa propre expérience en matière de rédaction de « dispositions législatives, règles ou procédures », ce qu’il n’a pas fait.

69      De la même manière, s’agissant de l’allégation selon laquelle le requérant aurait été chargé, tout au long de sa carrière, du suivi, de la proposition et de la mise en œuvre de la législation douanière, il suffit de constater qu’une telle expérience ne figure pas de manière suffisamment précise dans sa réponse à la question litigieuse, de sorte que le jury n’était pas en mesure d’en apprécier la pertinence.

70      Au vu de ce qui précède, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être reprochée au jury s’agissant de son appréciation des réponses du requérant à la question 1 de l’« évaluateur de talent ».

71      Il y a donc lieu de rejeter le premier grief de la deuxième branche du premier moyen.

ii)    Sur le deuxième grief

72      Le requérant soutient que le jury a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne lui attribuant aucun point pour sa réponse apportée à la question 7 de l’« évaluateur de talent », destinée à évaluer l’expérience professionnelle acquise dans le domaine de la recherche universitaire ou de l’enseignement. Il indique à cet égard avoir prodigué plusieurs formations, notamment dans le domaine de la comptabilité et des finances, et avoir rédigé plusieurs rapports dans le cadre de son activité professionnelle.

73      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

74      Il y a lieu de constater que la question 7 de l’« évaluateur de talent » portait sur l’expérience professionnelle en matière de recherche universitaire ou d’enseignement dans le domaine du droit douanier ou fiscal ou de l’économie. Selon le système de notation établi par le jury, la pertinence et la durée de l’expérience professionnelle décrite, ainsi que la question de savoir si cette expérience comprenait la rédaction de publications, figuraient parmi les éléments à prendre en compte lors de l’évaluation des réponses à cette question.

75      En réponse à cette question, le requérant a mentionné les expériences suivantes :

« Formation de spécialistes dans le cadre de cours portant sur des “questions de comptabilité et de finance” (formations d’une durée de deux ou trois mois chacune, organisées à Trieste, en Italie, pendant trois années universitaires, de 2002 à 2005) au “centre de formation professionnelle Opera Villaggio del Fanciullo”, Via di Conconello 16 34151 – Trieste, j’ai enseigné la comptabilité, l’administration et les affaires internationales à des élèves du secondaire, lors de sessions de trois mois (par an) organisées par l’école.

Formations dispensées à des services partenaires dans le cadre de l’EUBAM sur des sujets liés aux douanes (19 et 20 juillet 2012, séminaire sur le carnet ATA destiné aux agents des douanes moldaves et ukrainiens du bureau des douanes de Briceni et du poste-frontière du Dniestr – environ 70 participants). »

76      Or, il convient d’observer que seule la formation dispensée aux agents des douanes relevait du cadre de la question. Toutefois, sa durée, décrite comme étant de deux jours, était inférieure au seuil d’un an nécessaire pour obtenir un point à la question.

77      En s’appuyant sur les informations fournies par le requérant, force est de constater que le jury a conclu, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que son expérience n’était pas suffisamment pertinente pour le domaine d’activité couvert par le critère de sélection pour la question 7. Le jury a en effet considéré que son expérience était en grande partie dénuée de pertinence, puisqu’elle consistait davantage à dispenser des formations qu’à se livrer à de la recherche universitaire ou de l’enseignement, et, de surcroît, que la durée totale de cette expérience était inférieure à la durée minimale requise pour l’attribution de points selon l’échelle de notation préétablie par le jury.

78      En outre, le requérant fait valoir qu’il « a progressé dans sa carrière, dans la mesure où il a étendu la nature de ses responsabilités, conduit des recherches et rédigé des rapports pour le ministère italien et l’EUBAM ». Toutefois, il y a lieu de considérer que même une telle précision n’explique pas de quelle manière il aurait acquis de l’expérience en « recherche universitaire » ou en « enseignement ».

79      En particulier, une expérience consistant à « rédiger des rapports » dans le cadre de son activité professionnelle ne s’apparente pas à une activité de « recherche universitaire ».

80      Au vu de ce qui précède, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être reprochée au jury s’agissant de son évaluation des réponses du requérant à la question 7 de l’« évaluateur de talent ».

81      Il y a donc lieu de rejeter le deuxième grief de la deuxième branche du premier moyen.

iii) Sur le troisième grief

82      Le requérant soutient que le jury a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne lui attribuant aucun point pour sa réponse apportée à la question 6b de l’« évaluateur de talent », destinée à évaluer le critère de l’obtention d’un diplôme de spécialisation de niveau universitaire, en complément du diplôme donnant accès au concours, dans un des domaines relevant dudit concours. Il indique à cet égard détenir trois diplômes qui seraient en rapport avec les domaines visés par l’avis de concours.

83      La Commission conteste l’argumentation du requérant.

84      Il y a lieu de constater que la question 6 de l’« évaluateur de talent » concernait la possession d’un diplôme de niveau universitaire avec une spécialisation en droit fiscal ou douanier, en administration des entreprises ou en économie, hormis celui donnant accès au concours. Selon le système de notation établi par le jury, avant qu’il ne soit procédé à l’appréciation des candidatures, la pertinence, le niveau et le nombre de diplômes supplémentaires figuraient parmi les éléments que le jury devait prendre en compte lors de l’évaluation des réponses à cette question.

85      Le diplôme qui a donné au requérant accès au concours est un master en économie obtenu en 1997 à Trieste.

86      À la question 6b de l’« évaluateur de talent », le requérant a indiqué les titres supplémentaires suivants :

« 10/2004-07/2005 – Master en comptabilité, administration et finance – Ordre des experts-comptables d’Udine – Italie “Diplôme de spécialisation post master en comptabilité, administration et finance. École préparatoire à l’examen d’État d’admission dans le registre national des conseillers et comptables”;

12/2002-01/2003 Master en droit de l’Union européenne – École supérieure de l’administration publique de Rome – CEIDA Italie. »

87      En se fondant sur la réponse susvisée, le jury a conclu, selon la Commission, que, hormis le diplôme donnant accès au concours, le requérant ne possédait aucun diplôme pertinent supplémentaire répondant aux indications de cette question. Dès lors, le jury n’a attribué aucun point.

88      En ce qui concerne le premier des deux titres visés dans la réponse du requérant, il convient d’observer qu’il s’agit d’un titre délivré par un organisme professionnel.

89      À cet égard, dans ses réponses aux questions du Tribunal, le requérant s’est contenté d’affirmer que ce titre serait équivalent à un diplôme de niveau universitaire au sens de l’avis de concours, en renvoyant au décret italien portant création de l’ordre des experts-comptables et des comptables agréés, sans toutefois identifier précisément la disposition qui conférerait à ce titre un niveau équivalent à celui d’un diplôme de niveau universitaire.

90      À supposer même que la législation italienne reconnaisse au titre litigieux un niveau équivalent à celui d’un diplôme de niveau universitaire, l’affirmation du requérant, selon laquelle un tel diplôme « peut être considéré comme une spécialisation dans le domaine des douanes et de la fiscalité », ne saurait être suivie.

91      En effet, pour examiner l’objet du diplôme litigieux, le jury devait exercer son pouvoir d’appréciation sur le contenu du diplôme et pouvait à cet égard prendre en considération notamment la spécialisation et les cours suivis (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2006, Tas/Commission, F‑12/05, EU:F:2006:68, point 44).

92      Or, sur ce point, les éléments soumis par le requérant au Tribunal ne permettent pas d’établir de manière évidente qu’il s’agirait d’un cursus spécialisé dans le domaine des douanes ou de la fiscalité. Il ressort en particulier de la liste des cours suivis par le requérant que, sur les 46 enseignements mentionnés, seuls 8 visaient le droit fiscal et aucun ne concernait le domaine des douanes.

93      Dans ces conditions, le jury pouvait, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, n’attribuer aucun point au titre de ce diplôme.

94      En ce qui concerne le second diplôme visé dans la réponse du requérant, à savoir un master en droit de l’Union, il y a lieu de constater que ce diplôme ne porte pas sur la législation douanière ou fiscale, la gestion d’entreprise ou l’économie. En tout état de cause, la réponse du requérant à la question 6b de l’« évaluateur de talent » ne contenait aucune indication concernant le fait que ce diplôme en « droit de l’Union européenne » couvrait des matières liées au droit douanier ou fiscal et, si c’était le cas, le pourcentage du programme consacré à ces matières. C’est donc sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le jury a considéré qu’aucun point ne devait lui être attribué à cet égard.

95      En effet, le « droit de l’Union européenne » peut, par définition, couvrir toute matière pour laquelle l’Union a des compétences législatives, y compris, mais pas exclusivement, les douanes et la fiscalité. Selon l’interprétation littérale et logique de son titre, un diplôme en « droit de l’Union européenne » n’est dès lors pas un diplôme avec une spécialisation en droit douanier ou fiscal.

96      En outre, le requérant indique que son diplôme de master en économie de l’université de Trieste n’a pas été mentionné dans sa réponse dans l’« évaluateur de talent », mais qu’il figure dans la « section consacrée à ses études ». Il considère qu’il aurait dû se voir attribuer des points sur cette base si le jury avait pris en considération d’autres sections de sa candidature.

97      Or, il convient de noter qu’il est clairement indiqué au point 4 du titre « Comment serai-je sélectionné ? » de l’avis de concours que les candidats devaient fournir toutes les informations pertinentes dans les réponses de l’« évaluateur de talent », et ce même si elles figuraient déjà dans d’autres sections de l’acte de candidature.

98      En tout état de cause, en l’espèce, le premier titre du requérant ne pouvait pas être pris en compte, car il était explicitement demandé dans cette question d’indiquer un diplôme « outre celui donnant accès au concours », et il n’est pas contesté que le diplôme de master en économie de l’université de Trieste du requérant était celui qui lui avait donné accès au concours. Il ne pouvait dès lors pas obtenir de points sur cette base.

99      Au vu de ce qui précède, aucune erreur manifeste d’appréciation ne peut être reprochée au jury s’agissant de son évaluation de la réponse du requérant à la question 6 de l’« évaluateur de talent ».

100    Il y a donc lieu de rejeter le troisième grief et, partant, la deuxième branche du premier moyen dans sa totalité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les demandes de mesures d’organisation de la procédure et de mesures d’instruction formulées par le requérant dans la réplique.

3)      Sur la troisième branche du premier moyen, tirée de l’illégalité de l’annexe II de l’avis de concours

101    Le requérant soulève une exception d’illégalité du point 1.1 de l’annexe II de l’avis de concours et, partant, de l’ensemble de cette annexe.

102    Dans un premier grief, le requérant fait valoir qu’il résulte du point 1.1 de cette annexe que celui-ci vise uniquement, de facto, des activités et des tâches qui ne peuvent être accomplies que par des personnes travaillant pour la Commission, en raison de l’exclusivité des compétences européennes dans ces matières, ce qui aurait pour effet de défavoriser les candidats ayant acquis une expérience professionnelle au sein des autorités douanières des États membres de l’Union.

103    Ainsi, le requérant estime que seules les personnes qui ont acquis une expérience professionnelle substantielle à la direction générale (DG) « Fiscalité et union douanière » ou à la DG « Commerce » de la Commission possèdent l’expertise technique requise pour la rédaction des actes juridiques spécifiques correspondant au critère « rédaction » de l’avis de concours. En effet, le requérant explique que les autorités douanières des États membres ne rédigent pas, en règle générale, la législation douanière, qui relèvent des parlements nationaux.

104    En outre, selon le requérant, la référence aux « instructions nationales » est également vide de sens, puisque la législation douanière de l’Union produit des effets directs dans les États membres et que, dès lors, de nombreuses autorités douanières n’émettent pas d’instructions nationales.

105    Le requérant affirme que ce procédé a pour effet pratique et objectif de favoriser ceux qui ont déjà travaillé, sur une longue période, pour la Commission ou les institutions européennes, ce qui remettrait ainsi en cause le caractère « général » du concours en cause.

106    Dans un second grief, le requérant fait également valoir que l’annexe II de l’avis de concours est illégale, quant à son point 1.1, en ce qu’il instaure une discrimination injustifiée à l’égard des personnes qui ont travaillé dans le domaine des douanes pour le secteur privé ou pour d’autres organisations internationales ou des États hors de l’Union.

107    Le requérant estime avoir un intérêt à ce que soient supprimées ces dispositions dans la mesure où elles ont directement conduit à ce que son expérience professionnelle soit jugée insuffisante.

108    La Commission conteste cette argumentation.

109    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le requérant est en droit de se prévaloir d’irrégularités intervenues lors du déroulement du concours, y compris de certaines qui trouvent leur l’origine alléguée dans le texte même de l’avis de concours, à l’occasion d’un recours dirigé contre une décision individuelle ultérieure, telle que la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T-609/16, EU:T:2017:910, points 26 et 27 et jurisprudence citée).

110    Sur ce point, les éléments avancés par le requérant ne permettent pas d’étayer les allégations selon lesquelles seuls des candidats ayant déjà travaillé pour la Commission étaient en mesure de satisfaire les conditions mentionnées au point 1.1 de l’annexe II de l’avis de concours. S’il est vrai qu’une expérience de travail préalable à la Commission était susceptible de répondre aux critères mentionnés dans ce point, il n’est pas démontré que d’autres expériences professionnelles ne pouvaient pas également répondre à ces critères. En ce qui concerne plus particulièrement l’argument selon lequel les autorités douanières des États membres ne rédigent pas, en règle générale, la législation douanière, qui relèvent des parlements nationaux, il suffit de souligner que, en règle générale, les administrations nationales sont impliquées, à tout le moins, dans la préparation des travaux législatifs ou réglementaires, par exemple par la présentation de projets ou par la rédaction d’observations détaillées et spécifiques, et qu’elles peuvent être également directement impliquées dans la rédaction de procédures, de sorte que certains de leurs agents puissent être impliqués dans des travaux de rédaction de textes législatifs ou réglementaires ou de procédures. De même, pour ce qui est de l’argument relatif à une discrimination injustifiée à l’égard des personnes qui ont travaillé dans le domaine des douanes pour le secteur privé ou pour d’autres organisations internationales ou des États hors de l’Union, il convient de relever qu’il n’est nullement exclu que de telles entités puissent soumettre des propositions ou des avis comportant des propositions de textes législatifs ou réglementaires et que l’expérience professionnelle de certains de leurs employés puisse également répondre aux critères fixés au point 1.1 de l’annexe II de l’avis de concours.

111    Partant, la troisième branche du premier moyen doit être rejetée.

4)      Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement

112    Le requérant estime que le jury de concours n’a pas évalué sa candidature et celle d’un autre candidat, à savoir celle de M. X, de manière homogène.

113    En effet, selon le requérant, bien que M. X et lui aient indiqué, dans les champs 1a et 1b de l’« évaluateur de talent », avoir accompli exactement les mêmes activités, à savoir la rédaction de recommandations officielles en matière de législation douanière aux agences douanières moldaves et ukrainiennes, dans le cadre de l’EUBAM, le requérant mentionne qu’il a obtenu 0 point pour ce critère, alors que M. X a reçu 9 points pour ce critère.

114    De plus, le requérant relève que M. X n’a pas respecté les instructions mentionnées à la question 1b de l’« évaluateur de talent », car il a décrit, selon lui, de manière trop générale les activités qu’il a exercées et n’a pas fourni les informations spécifiques qui étaient exigées par l’EPSO sur ce point, ce qui n’était pas le cas du requérant qui, lui, avait fourni les informations requises de manière précise.

115    Aussi le requérant considère-t-il que les qualifications de M. X n’ont pas été évaluées de façon correcte, si elles sont comparées aux siennes, par exemple.

116    En effet, selon le requérant, les conseils donnés aux représentants des douanes et des garde-frontières moldaves et ukrainiens, dans le cadre du mandat et de la compétence de l’EUBAM, n’étaient pas des activités relevant de la notion de « rédaction de dispositions législatives » et ne s’apparentaient pas non plus à la rédaction de règles, de procédures ou d’instructions nationales. Il s’agissait simplement, selon le requérant, de conseils visant à comparer les meilleurs pratiques dans des domaines d’expertise spécifiques entre les législations de l’Union et celles de la Moldavie et de l’Ukraine. Le requérant mentionne que ces activités, exercées par des experts de l’Union, n’obligeaient pas les autorités moldaves ou ukrainiennes à modifier leurs dispositions nationales, étant donné que ces avis se bornaient à comparer des dispositions déjà en vigueur. À l’inverse, le requérant estime que les recommandations qu’il a rédigées visaient à modifier la législation primaire et dérivée de l’Ukraine et de la Moldavie relative aux douanes et aux frontières, moyennant l’accord préalable des autorités nationales moldaves et ukrainiennes.

117    La Commission conteste l’argumentation du requérant.

118    Selon une jurisprudence constante, une partie requérante ne saurait s’appuyer sur un acte illégal ou erroné favorisant une autre personne pour obtenir le même bénéfice pour elle-même. Une application erronée du texte de l’avis de concours par laquelle d’autres candidats pourraient avoir été indûment admis au concours ne constitue pas une violation du principe d’égalité de traitement sur laquelle un candidat exclu peut se fonder pour demander l’annulation de la décision du jury de mettre un terme à sa participation au concours (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 1994, Cortes Jimenez e.a./Commission, T‑82/92, EU:T:1994:24, point 43 et jurisprudence citée).

119    En effet, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité. Nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui. En effet, une telle approche équivaudrait à consacrer le principe de « l’égalité de traitement dans l’illégalité » (voir arrêts du 4 juillet 1985, Williams/Cour des comptes, 134/84, EU:C:1985:297, point 14 et jurisprudence citée, du 16 octobre 2019, Palo/Commission, T-432/18, EU:T:2019:749, point 38 et jurisprudence citée et du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F‑4/07, EU:F:2008:22, point 81 et jurisprudence citée).

120    Ainsi, même à supposer que le jury ait, comme l’affirme le requérant, commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation des réponses apportées par M. X à la question 1 de l’« évaluateur de talent », il découle de la jurisprudence citée ci-dessus que le requérant n’était pas fondé à invoquer, à son profit, l’illégalité de cette évaluation.

121    En tout état de cause, il apparaît que les réponses apportées par le requérant et par M. X à la question 1 de l’« évaluateur de talent » ne sont pas identiques et que, dans le cadre de sa large marge d’appréciation, le jury a pu estimer que les réponses apportées par M. X méritaient davantage de points que celles apportées par le requérant. À cet égard, il y a lieu de relever que l’évaluation des réponses ne se fonde pas sur leur nature plus ou moins succincte, mais sur la précision de l’information donnée. Aussi, une information succincte mais précise peut valoir une évaluation plus positive qu’une information moins succincte mais également moins précise. Ainsi, le jury a pu estimer que, sur la base de sa réponse, M. X avait rédigé lui-même des recommandations et que, compte tenu de la teneur juridique de ces recommandations, elles relevaient des « dispositions législatives, règles et procédures (y compris les instructions nationales) » dans le contexte du concours, alors qu’il n’apparaissait pas clairement de la réponse du requérant qu’il avait lui-même rédigé des recommandations similaires.

122    Force est de constater que le requérant tend à remettre en cause le résultat même de l’évaluation à laquelle a procédé le jury sur les aptitudes des candidats. Or, de telles appréciations ne sauraient être soumises au contrôle du juge de l’Union qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (voir arrêt du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T‑17/90, T‑28/91 et T‑17/92, EU:T:1993:69, point 90 et jurisprudence citée). Comme le requérant n’a pas apporté d’élément remettant en cause le bien-fondé de la manière dont le jury avait différencié sa réponse de celle de M. X, force est de constater qu’aucune violation évidente des règles qui président aux travaux du jury n’est démontrée dans le cas d’espèce.

123    Il y a donc lieu de rejeter la quatrième branche du premier moyen.

5)      Sur la cinquième branche du premier moyen, tirée de la violation du principe de proportionnalité

124    À titre subsidiaire, le requérant fait valoir une violation du principe de proportionnalité en ce qu’il considère qu’il a reçu tardivement la deuxième décision attaquée, soit le 21 mars 2019, alors que, selon lui, le réexamen de sa candidature était simple à effectuer et que les conséquences négatives pour lui étaient significatives.

125    La Commission n’a pas répondu à cette argumentation.

126    Tout d’abord, il convient de relever que le requérant a formulé sa demande de réexamen le 29 janvier 2019 et qu’il a reçu la deuxième décision attaquée le 21 mars 2019, soit moins de deux mois plus tard. À cet égard, il n’explique pas en quoi ce délai serait illégal ou déraisonnable.

127    En outre, le requérant n’explique pas dans quelle mesure le caractère supposément tardif de la réception de la deuxième décision attaquée aurait une incidence sur sa légalité.

128    Il découle de ce qui précède que la cinquième branche du premier moyen doit être écartée et, partant, le premier moyen dans sa totalité.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, de l’illégalité de l’article 90, paragraphe 2, du statut et d’une violation du principe de bonne administration

129    Le deuxième moyen peut être subdivisé en trois branches distinctes.

1)      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation du droit d’être entendu

130    Le requérant fait valoir que le jury aurait dû l’informer de son intention de l’exclure du concours et lui donner la possibilité de formuler des observations avant l’adoption de cette décision. Il estime également qu’il aurait dû être autorisé à formuler des observations avant l’adoption par le jury de sa décision en réponse à sa demande de réexamen et avant le rejet par l’EPSO de sa réclamation administrative.

131    Le requérant estime ainsi que son droit d’être entendu a été violé.

132    La Commission conteste l’argumentation du requérant.

133    Comme il a été précisé ci-dessus, le recours doit être considéré comme portant sur la deuxième décision attaquée. Il convient donc de vérifier si celle-ci a été adoptée en violation du droit d’être entendu du requérant.

134    Il convient de rappeler que la procédure de réexamen vise à donner au candidat la possibilité de contester la décision initiale d’exclusion en formulant ses observations et ses arguments à ce sujet.

135    Or, en l’espèce, le requérant a introduit une demande de réexamen, dans le délai applicable, de la première décision attaquée. Cette demande a ensuite été examinée par le jury et le requérant a ensuite reçu une réponse le 21 mars 2019 qui constitue la deuxième décision attaquée.

136    Il s’ensuit que le requérant a donc bel et bien bénéficié du droit d’être entendu avant l’adoption de la deuxième décision attaquée.

137    La première branche du deuxième moyen est donc dénuée de fondement et doit donc être écartée.

2)      Sur la deuxième branche du deuxième moyen, tirée de l’illégalité de l’article 90, paragraphe 2, du statut

138    Le requérant soulève une exception d’illégalité de l’article 90, paragraphe 2, du statut.

139    Ainsi, il allègue que cet article, s’il devait être interprété comme autorisant l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») à adopter des décisions de rejet de réclamation sans possibilité de formuler des observations préalables, viole le droit d’être entendu inscrit à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux.

140    La Commission conteste cette argumentation.

141    Comme il a été indiqué ci-dessus, la demande d’annulation doit être considérée comme dirigée à l’encontre de la deuxième décision attaquée. Or, l’exception d’illégalité soulevée par le requérant, si elle devait être accueillie, ne saurait remettre en cause cette décision dans la mesure où l’article 90, paragraphe 2, du statut ne porte pas sur la procédure de réexamen par le jury d’une décision antérieure mais sur la réclamation administrative qui peut être formée à l’encontre d’une décision telle que la deuxième décision attaquée. Il convient donc de rejeter l’exception d’illégalité comme inopérante.

142    En tout état de cause, par le biais de sa réclamation, le requérant a été en mesure de faire valoir utilement son point de vue. Partant, l’exception d’illégalité soulevée par le requérant doit être rejetée comme non fondée (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 2020, Barata/Parlement, T‑81/18, non publié, EU:T:2020:137, point 108).

143    Il y a donc lieu d’écarter la deuxième branche du deuxième moyen.

3)      Sur la troisième branche du deuxième moyen, tirée d’une violation du principe de bonne administration

144    Le requérant fait également valoir que le réexamen de ses réponses n’aurait pas dû être effectué par le jury, étant donné qu’il s’agit de l’organe qui avait attribué les notes faisant l’objet de contestations. Un tel réexamen remettrait « en question les principes d’indépendance et de bonne administration ».

145    La Commission conteste cette argumentation.

146    Selon le point 4.2.2 des dispositions générales applicables aux concours généraux reproduites en annexe III de l’avis de concours les demandes de réexamen sont examinées par « l’organe ayant adopté la décision contestée (soit le jury soit l’EPSO) » et, selon l’article 7, paragraphe 2, sous b), de l’annexe III du statut, qui énonce les tâches incombant à l’EPSO, à la demande d’une institution de l’Union, l’EPSO a pour mission de fournir un appui technique aux concours internes que cette institution organise. Il résulte d’une lecture combinée de ces dispositions que, lorsque la décision faisant l’objet de la demande de réexamen a été adoptée par le jury, c’est ce dernier, en tant qu’auteur de la décision contestée, qui est compétent pour examiner et statuer sur ladite demande (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Commission/HM, C‑70/19 P, non publié, EU:C:2020:544, points 76 à 78).

147    Il convient de relever que les décisions prises par le jury, qui statue en toute indépendance, ne sauraient être modifiées par l’AIPN (arrêt du 26 février 1981, Authié/Commission, 34/80, EU:C:1981:57, point 7).

148    Dans ce contexte, la finalité de la procédure de réexamen est donc d’imposer à la seule autorité compétente pour modifier sa décision de procéder au réexamen de celle-ci à la lumière des objections éventuelles du candidat évincé. Une telle voie de recours facultative, qui s’exerce préalablement à la saisine du juge de l’Union, ne saurait être considérée comme étant contraire au principe de bonne administration.

149    Il y a donc lieu d’écarter la troisième branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans sa totalité.

c)      Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité du régime linguistique du concours

150    Le requérant affirme que l’avis de concours est illégal en ce qu’il oblige les candidats à choisir une « langue 2 » parmi un nombre restreint de langues. Selon lui, il s’agit d’une violation des articles 1er à 4 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié par le règlement (UE) no 517/2013 du Conseil, du 13 mai 2013, portant adaptation de certains règlements et décisions adoptés dans les domaines de la libre circulation des marchandises, de la libre circulation des personnes, du droit des sociétés, de la politique de la concurrence, de l’agriculture, de la sécurité sanitaire des aliments, de la politique vétérinaire et phytosanitaire, de la politique des transports, de l’énergie, de la fiscalité, des statistiques, des réseaux transeuropéens, du pouvoir judiciaire et des droits fondamentaux, de la justice, de la liberté et de la sécurité, de l’environnement, de l’union douanière, des relations extérieures, de la politique étrangère, de sécurité et de défense et des institutions, du fait de l’adhésion de la République de Croatie (JO 2013, L 158, p. 1), de l’article 1er quinquies et de l’article 28 du statut ainsi que de l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de son annexe III.

151    Le requérant ajoute également qu’il aurait dû avoir la possibilité d’encoder sur le site Internet de l’EPSO les données relatives à son expérience professionnelle et à ses qualifications dans sa langue maternelle, à savoir l’italien.

152    La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé du présent moyen.

153    Avant d’examiner le bien-fondé du troisième moyen, il convient d’en apprécier la recevabilité.

154    Il y a lieu de rappeler que, si une partie requérante est en droit de former dans les délais prescrits un recours direct contre un avis de concours lorsque celui-ci constitue une décision de l’AIPN lui faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut, elle n’est pas forclose dans le cadre d’un recours dirigé contre la décision de ne pas l’admettre au concours ou, partant, à ces différents stades, au seul motif qu’elle n’a pas attaqué l’avis de concours en temps utile (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T‑60/92, EU:T:1993:74, point 21, et du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, points 39 et 40). Un candidat à un concours ne saurait, en effet, être privé du droit de contester le bien-fondé de la décision individuelle en tous ses éléments, y compris ceux qui ont été définis dans l’avis de concours, adoptée à son égard en exécution des conditions définies dans cet avis, dans la mesure où seule cette décision d’application individualise sa situation juridique et lui permet de savoir avec certitude comment et dans quelle mesure ses intérêts particuliers sont affectés (voir, en ce sens, arrêts du 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T‑60/92, EU:T:1993:74, point 23, et du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 41). En effet, tant que les candidatures des parties requérantes n’ont pas été écartées par le jury, leur intérêt à agir à l’encontre de l’avis de concours demeure encore incertain, de sorte qu’il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir attaqué ledit avis dans les délais prévus aux articles 90 et 91 du statut. Une partie requérante peut donc, à l’occasion d’un recours dirigé contre des actes ultérieurs, faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui leur sont étroitement liés (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2017, Commission/FE, T‑734/15 P, EU:T:2017:612, point 115).

155    En revanche, à défaut de lien étroit entre la motivation de la décision attaquée et le moyen tiré de l’irrégularité alléguée de l’avis de concours non attaqué en temps utile, ce moyen doit être déclaré irrecevable, en application des règles d’ordre public relatives aux délais de recours, auxquelles il ne saurait être dérogé, dans une hypothèse de ce type, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique (voir, en ce sens, arrêts du 11 mars 1986, Adams e.a./Commission, 294/84, EU:C:1986:112, point 17 ; du 16 septembre 1993, Noonan/Commission, T‑60/92, EU:T:1993:74, point 27, et du 31 janvier 2006, Giulietti/Commission, T‑293/03, EU:T:2006:37, point 42).

156    C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu de déterminer si, en l’espèce, il existe un lien étroit entre la motivation de la deuxième décision attaquée et le troisième moyen, tiré de l’illégalité du régime linguistique du concours.

157    À cet égard, il convient de rappeler que, sous l’intitulé « Puis-je poser ma candidature ? » de l’avis de concours, il était exigé, sous le titre « Conditions particulières – Langues », en tant que conditions d’admission au concours, d’une part, pour la langue 1, un niveau C1 au minimum dans l’une des 24 langues officielles de l’Union et, d’autre part, pour la langue 2, un niveau B2 au minimum en anglais ou en français, cette langue 2 devant obligatoirement être différente de la langue 1. Par ailleurs, sous ce même intitulé, il était indiqué que la « langue 2 [devrait] être l’anglais ou le français ». Il était indiqué, en outre, que, si la connaissance d’autres langues pouvait être un atout, la plupart des services de la Commission dans le domaine des douanes et de la fiscalité utilisent l’anglais ou le français pour leurs travaux d’analyse, leur communication tant en interne qu’avec les parties prenantes externes, les publications et les rapports, la législation ou les documents économiques, comme cela est mentionné sous le titre « Quelles tâches puis-je m’attendre à devoir effectuer ?» et à l’annexe I. Selon l’avis de concours, une connaissance satisfaisante de l’anglais ou du français était donc essentielle et, par conséquent, un lauréat n’ayant pas une connaissance satisfaisante de l’anglais ou du français n’aurait pas été immédiatement opérationnel.

158    En l’espèce, à l’instar de ce qui a déjà été jugé dans une affaire similaire (arrêt du 14 décembre 2017, PB/Commission, T‑609/16, EU:T:2017:910, points 31 à 38) dans laquelle une candidate à un concours général, après avoir échoué à l’épreuve de l’« évaluateur de talent », avait soulevé, dans son recours, une exception d’illégalité du régime linguistique de l’avis dudit concours, il y a lieu de constater que la deuxième décision attaquée n’est en rien fondée sur des éléments liés au régime linguistique du concours, mais seulement sur le nombre insuffisant de points attribués aux réponses données par le requérant dans l’« évaluateur de talent ».

159    En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que le rejet de la candidature du requérant résulte, même en partie, d’une quelconque insuffisance dans sa maîtrise de l’anglais, langue qu’il a choisie parmi les deux langues susmentionnées pour rédiger son acte de candidature, en particulier l’« évaluateur de talent », et qu’il a indiqué maîtriser, pour l’expression écrite, au niveau « C1 Utilisateur expérimenté (niveau autonome) ».

160    D’une part, le requérant ne prétend pas qu’il ait eu des difficultés pour rédiger son acte de candidature en anglais ou encore qu’il n’ait obtenu qu’une note de 27 points en raison de contraintes rédactionnelles dans cette langue. Il se borne à soutenir que, en règle générale, un candidat devrait pouvoir choisir sa deuxième langue parmi l’ensemble des langues officielles de l’Union, qu’il n’est pas démontré qu’un fonctionnaire des douanes ait impérieusement besoin de pouvoir travailler en anglais ou en français et que les candidats dont la langue maternelle et la deuxième langue ne sont ni l’anglais ni le français sont discriminés et défavorisés par rapport aux candidats dont la langue maternelle est l’anglais ou le français. Il n’indique toutefois pas en quoi, dans le présent litige, la rédaction en anglais de son acte de candidature l’aurait pénalisé. Le requérant se borne en effet à faire valoir que les évaluations du jury auraient été négativement influencées par l’obligation de rédiger sa candidature en anglais.

161    D’autre part, il convient d’observer que ce qui est en cause en l’espèce n’est pas la présentation linguistique des réponses à l’« évaluateur de talent », mais bien le contenu de ces réponses. En d’autres termes, si les réponses avaient été rédigées non pas en anglais mais dans une autre langue, force est de constater qu’elles n’auraient donné lieu, en aucun cas, à une évaluation différente par le jury. En effet, le fait, pour le jury, de ne pas attribuer de points aux réponses à certaines questions, et plus particulièrement aux réponses aux questions 1, 6 et 7, est lié à un manque d’éléments pertinents dans ces réponses et non à des problèmes de clarté dans l’expression écrite ou de compréhension linguistique.

162    Il convient par ailleurs d’indiquer que la situation du requérant en l’espèce était différente de celle de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission (T‑202/17, sous pourvoi, EU:T:2021:323), qui a été évoquée lors de l’audience.

163    Premièrement, il y a lieu de souligner que les deux affaires traitent de l’exclusion d’un candidat à des étapes distinctes du concours. En effet, dans la présente affaire, le requérant n’avait pas été admis aux épreuves dites du « centre d’évaluation », alors que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission (T‑202/17, sous pourvoi, EU:T:2021:323), la partie requérante avait été exclue à l’issue des épreuves du centre d’évaluation. Or, il y a lieu de constater que les aptitudes linguistiques des candidats peuvent avoir un impact différent sur l’évaluation des épreuves du centre d’évaluation et sur celle de l’« évaluateur de talent ». Par exemple, au cours des épreuves du centre d’évaluation, les candidats disposent en principe de peu de temps de préparation pour répondre aux questions qui leur sont posées, de sorte qu’il n’est pas exclu qu’ils ne disposent pas du temps et des outils nécessaires pour une vérification de la qualité linguistique de leurs réponses. Un candidat n’est en revanche pas soumis aux mêmes contraintes lorsqu’il remplit son acte de candidature.

164    Deuxièmement, il y a lieu de constater que, selon le point 54 de l’arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission (T‑202/17, sous pourvoi, EU:T:2021:323), la partie requérante avait obtenu ses appréciations et ses notes les plus basses pour la compétence en matière de « communication », ce qui avait notamment conduit le Tribunal à considérer qu’il existait un lien étroit entre la motivation de la décision attaquée et les dispositions de l’avis de concours relatives au régime linguistique du concours en cause dont la légalité était contestée. Toutefois, dans la présente affaire, le requérant n’a fait état d’aucun élément concret laissant supposer que sa non-admission au centre d’évaluation était liée à une maîtrise insuffisante de l’anglais. La motivation de la deuxième décision attaquée n’est pas non plus liée à un aspect relevant des capacités de communication du requérant.

165    En outre, il convient de noter que, à la différence de l’argumentation développée par la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2021, Calhau Correia de Paiva/Commission (T‑202/17, sous pourvoi, EU:T:2021:323), le requérant dans la présente affaire n’a pas non plus invoqué d’autres éléments concrets et circonstanciés portant sur un quelconque désavantage résultant du régime linguistique du concours en ce qui concerne l’étape du concours en question, comme des contraintes liées à l’utilisation d’un clavier d’ordinateur particulier, telles que relevées au point 58 de cet arrêt.

166    Partant, il y a lieu de conclure qu’il n’existe pas de lien étroit entre l’exception d’illégalité litigieuse et les motifs de la deuxième décision attaquée.

167    Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être déclaré irrecevable.

d)      Sur le quatrième moyen, tiré de l’illégalité de l’« évaluateur de talent »

168    Le requérant soutient que l’utilisation de l’« évaluateur de talent » dans les concours généraux est illégale au motif qu’une telle procédure ne s’applique pas aux fonctionnaires titulaires nommés à des postes vacants par la voie d’une mutation.

169    La Commission conteste la recevabilité et le bien-fondé de ce moyen.

170    À cet égard, comme dans le raisonnement tenu aux points 154 à 166 ci-dessus, force est de constater qu’il n’existe aucun lien étroit entre les critiques générales que le requérant formule à l’égard de l’« évaluateur de talent » et la raison pour laquelle il n’a pas été invité à l’étape suivante du concours, à savoir qu’il ne s’est pas vu attribuer le nombre de points nécessaires, sur la base des informations fournies par lui.

171    En tout état de cause, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les critères de capacités exigés par les emplois à pourvoir et pour déterminer, en fonction de ces critères et dans l’intérêt du service, les conditions et les modalités d’organisation d’un concours (voir arrêt du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, EU:T:2005:115, point 83 et jurisprudence citée). Or, l’argumentation du requérant n’est étayée par aucun élément permettant de considérer qu’une méthode de sélection sur titres telle que celle prévue par l’avis de concours serait inappropriée au regard des critères de capacité exigés par les emplois à pourvoir ou contraire à l’intérêt du service. Ce moyen doit donc, en tout état de cause, être rejeté comme étant non fondé.

172    Il y a donc lieu de rejeter le quatrième moyen comme irrecevable et, en tout état de cause, non fondé et partant, la demande d’annulation de la deuxième décision attaquée.

C.      Sur la demande d’annulation de la « liste complète des [candidats] sélectionnés pour participer audit concours »

173    S’agissant de la demande d’annulation visant la « liste complète des [candidats] sélectionnés pour participer audit concours », il y a lieu d’interpréter cette demande comme une demande d’annulation de la liste des candidats ayant été invités à la phase du concours qui succédait à l’« évaluateur de talent », c’est-à-dire aux épreuves dites du « centre d’évaluation ».

174    En effet, c’était le stade auquel se trouvait le concours au moment où le requérant en a été écarté.

175    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’annulation de l’ensemble des résultats d’un concours constitue, en principe, une sanction excessive de l’illégalité commise, et ce quelle que soit la nature de l’irrégularité et l’ampleur de ses conséquences sur les résultats du concours (arrêt du 5 mai 2010, Bouillez e.a./Conseil, F‑53/08, EU:F:2010:37, point 83).

176    Partant, des conclusions tendant à l’annulation de la liste de réserve d’un concours ne sont en principe recevables, conformément à la jurisprudence, que dans la mesure où elles visent le refus du jury de concours d’inscrire la partie requérante sur la liste de réserve en question (voir, en ce sens, arrêt du 25 mai 2000, Elkaïm et Mazuel/Commission, T‑173/99, EU:T:2000:142, point 23 et jurisprudence citée). En effet, lorsque, dans le cadre d’un concours général organisé pour la constitution d’une réserve de recrutement, une illégalité est constatée, les droits d’une partie requérante sont adéquatement protégés si le jury et l’AIPN reconsidèrent la décision lui faisant grief et cherchent une solution équitable à son cas. Il n’y a donc pas lieu de mettre en cause l’ensemble du résultat du concours ou d’annuler les nominations intervenues à la suite de celui-ci (voir arrêt du 6 juillet 1993, Commission/Albani e.a., C‑242/90 P, EU:C:1993:284, point 13 et jurisprudence citée).

177    Il y a lieu d’estimer que ce raisonnement, développé s’agissant d’une demande d’annulation de la liste de réserve d’un concours, peut être appliqué, par analogie, à la liste des candidats invités à la phase suivante d’un concours.

178    Ainsi, la demande d’annulation de la « liste complète des [candidats] sélectionnés pour participer audit concours » doit être rejetée comme irrecevable pour défaut d’intérêt à agir (voir, par analogie, arrêt du 10 février 2021, XC/Commission, T‑488/18, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:76, points 180 et 181).

D.      Sur la demande indemnitaire

179    Au soutien de sa demande, le requérant considère que « ses perspectives de carrière ont été entravées par les décisions attaquées qui sont manifestement erronées ». Sur cette base, il réclame des dommages et intérêts à hauteur de 50 000 euros.

180    La Commission conteste cette argumentation.

181    Selon une jurisprudence constante, les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées soit comme étant irrecevables, soit comme étant non fondées (arrêt du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, EU:T:1997:71, point 159, et ordonnance du 16 novembre 2018, OT/Commission, T‑552/16, non publiée, EU:T:2018:807, point 89).

182    Or il résulte de tout ce qui précède que les conclusions en annulation ont été rejetées. Il résulte également de ce qui est énoncé au point 179 ci-dessus que la demande indemnitaire présente un lien étroit avec lesdites conclusions en annulation. Par conséquent, la demande indemnitaire doit être rejetée

183    Il y a donc lieu de rejeter le recours dans sa totalité.

IV.    Sur les dépens

184    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      HC est condamné aux dépens.

Svenningsen

Pynnä

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 1er décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.