Language of document : ECLI:EU:T:2014:1094

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

17 décembre 2014(*)

« Concurrence – Ententes – Marché européen du verre automobile – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Accords de partage de marchés et échanges d’informations commercialement sensibles – Amendes – Droits de la défense – Application rétroactive des lignes directrices pour le calcul du montant des amendes de 2006 – Valeur des ventes – Rôle passif ou mineur – Effet dissuasif de l’amende – Prise en compte d’amendes infligées antérieurement – Plafond de l’amende – Taux de change pour le calcul du plafond de l’amende »

Dans l’affaire T‑72/09,

Pilkington Group Ltd, établie à St Helens (Royaume-Uni),

Pilkington Automotive Ltd, établie à Lathom (Royaume-Uni),

Pilkington Automotive Deutschland GmbH, établie à Witten (Allemagne),

Pilkington Holding GmbH, établie à Gelsenkirchen (Allemagne),

Pilkington Italia SpA, établie à San Salvo (Italie),

représentées par MM. J. Scott, S. Wisking, K. Fountoukakos-Kyriakakos, sollicitors, J. Turner, QC, A. Bates, barrister, Mes C. Puech Baron et D. Katrana, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. F. Castillo de la Torre, A. Biolan et M. Kellerbauer, puis par MM. Biolan, Kellerbauer et N. von Lingen et enfin par MM. Biolan, Kellerbauer et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2008) 6815 final de la Commission, du 12 novembre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (COMP/39.125 – Verre automobile), telle que modifiée par la décision C (2009) 863 final de la Commission, du 11 février 2009, et par la décision C (2013) 1119 final de la Commission, du 28 février 2013, pour autant qu’elle concerne les requérantes, ainsi que, à titre subsidiaire, une demande d’annulation de l’article 2 de cette décision, en ce qu’il inflige une amende aux requérantes, ou, à titre encore plus subsidiaire, une demande de réduction du montant de cette amende,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood (rapporteur), président, F. Dehousse et J. Schwarcz, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la procédure écrite et suite à l’audience du 5 novembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par la décision C (2008) 6815 final, du 12 novembre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.125 – Verre automobile, ci-après la « décision attaquée »), la Commission des Communautés européennes a notamment constaté qu’un certain nombre d’entreprises, dont les requérantes, Pilkington Group Ltd, Pilkington Automotive Ltd, Pilkington Automotive Deutschland GmbH, Pilkington Holding GmbH et Pilkington Italia SpA, avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels dans le secteur du verre automobile dans l’EEE (article 1er de la décision attaquée).

2        Selon la décision attaquée, il s’agit d’une infraction unique et continue consistant en la répartition concertée de contrats relatifs à la fourniture de vitrages automobiles ou d’ensembles de vitrages, comprenant généralement un pare-brise, une lunette arrière et des vitres latérales, aux principaux constructeurs automobiles dans l’EEE. Cette concertation, selon la Commission, a pris la forme d’une coordination des politiques de prix et des stratégies d’approvisionnement de la clientèle, visant à maintenir une stabilité globale des positions des parties à l’entente sur le marché en question. Cette stabilité aurait notamment été recherchée par des mécanismes correcteurs, mis en œuvre lorsque les concertations n’aboutissaient pas aux résultats escomptés.

3        Aux termes de la décision attaquée, l’entente s’est déroulée du 10 mars 1998 au 11 mars 2003, la participation de certaines entreprises à celle-ci ayant toutefois été d’une durée plus courte.

4        Pilkington Group regroupe notamment Pilkington Automotive, Pilkington Automotive Deutschland, Pilkington Holding et Pilkington Italia. Les requérantes forment ensemble l’une des plus grandes entreprises de fabrication de verre et de produits pour vitrage dans le monde, en particulier dans le secteur automobile. Saint-Gobain Glass France SA, Saint-Gobain Sekurit Deutschland GmbH & Co. KG et Saint-Gobain Sekurit France SAS (ci-après, prises ensemble, « Saint-Gobain »), qui ont également introduit un recours en annulation contre la décision attaquée (affaire T‑56/09), sont des sociétés actives dans la production, la transformation et la distribution de matériaux, dont le verre automobile. Elles sont des filiales à 100 % de la Compagnie de Saint-Gobain SA (ci-après la « Compagnie »), qui poursuit elle aussi l’annulation de la décision attaquée (affaire T‑73/09). Soliver NV, qui a également introduit un recours en annulation contre la décision attaquée (affaire T‑68/09), est un fabricant de verre de plus petite taille, actif notamment dans le secteur automobile. Ces entreprises sont toutes destinataires de la décision attaquée.

5        Cette dernière a par ailleurs été adressée à une autre entreprise, Asahi Glass Co. Ltd (ci-après « Asahi »), qui n’a toutefois pas introduit de recours à l’encontre de celle-ci. Asahi, qui détient la totalité des parts de l’entreprise verrière belge Glaverbel SA/NV (ci-après « Glaverbel »), cette dernière détenant elle-même 100 % d’AGC Automotive France, est un producteur de verre, de produits chimiques et de composants électroniques établi au Japon. AGC Automotive France portait, avant le 1er janvier 2004, la dénomination sociale Splintex Europe SA [ci-après « AGC (Splintex) » ou la « demanderesse de clémence »].

6        L’enquête qui a abouti à l’adoption de la décision attaquée a été engagée à la suite de la communication à la Commission, par un avocat allemand agissant pour le compte d’un client anonyme, de courriers comportant des informations relatives à des accords et pratiques concertées de diverses entreprises actives dans la production et la distribution de verre automobile.

7        En février et en mars 2005, la Commission a procédé à des inspections dans divers locaux des requérantes ainsi que de Saint-Gobain, de la Compagnie, de Soliver et d’AGC (Splintex). La Commission a saisi plusieurs documents et fichiers à l’occasion de ces inspections.

8        À la suite de ces inspections, Asahi et Glaverbel ainsi que leurs filiales concernées par l’enquête ont présenté une demande d’immunité ou de réduction du montant de l’amende au titre de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3, ci-après la « communication sur la coopération de 2002 »). La demande d’immunité conditionnelle d’amende a été rejetée par la Commission le 19 juillet 2006, cette dernière ayant toutefois informé la demanderesse de clémence qu’elle comptait lui appliquer une réduction comprise entre 30 et 50 % du montant de l’amende qui lui aurait normalement été imposée, et ce conformément au point 26 de la communication sur la coopération de 2002.

9        Entre le 26 janvier 2006 et le 2 février 2007, la Commission a adressé diverses demandes de renseignements aux requérantes ainsi qu’à Saint-Gobain, à la Compagnie, à Soliver, à Asahi, à Glaverbel et à AGC (Splintex), au titre de l’article 18 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81[CE] et 82[CE] (JO 2003, L 1, p. 1). Les entreprises concernées ont répondu à ces diverses demandes.

10      Par ailleurs, la Commission a adressé, sur le même fondement, des demandes de renseignements à plusieurs constructeurs automobiles, à un constructeur italien d’autocars ainsi qu’à deux associations professionnelles de l’industrie du verre, qui y ont répondu.

11      Le 18 avril 2007, la Commission a adopté une communication des griefs concernant une infraction unique et continue ayant consisté en des accords ou pratiques concertées entre producteurs en vue de la répartition de contrats de fourniture de verre automobile. Cette communication des griefs a été notifiée aux requérantes ainsi qu’à Saint-Gobain, à la Compagnie, à Soliver, à Asahi, à Glaverbel et à AGC (Splintex). Chacune des entreprises destinataires de cette communication des griefs a eu accès au dossier. Une audition, à laquelle l’ensemble desdits destinataires a participé, s’est tenue le 24 septembre 2007.

 Décision attaquée

12      La Commission a adopté la décision attaquée le 12 novembre 2008. S’agissant des requérantes, la Commission a décidé qu’elles avaient participé aux accords et pratiques concertées en cause du 10 mars 1998 au 3 septembre 2002 [article 1er, sous c), de la décision attaquée] et leur a infligé une amende de 370 millions d’euros, pour laquelle elles sont tenues « conjointement et solidairement » pour responsables [article 2, sous c), de la décision attaquée].

13      En ce qui concerne Saint-Gobain et la Compagnie, la Commission a constaté qu’elles avaient participé aux accords et pratiques concertées visés aux points 1 et 2 ci-dessus du 10 mars 1998 au 11 mars 2003 [article 1er, sous b), de la décision attaquée] et leur a infligé « conjointement et solidairement » une amende de 896 millions d’euros [article 2, sous b), de la décision attaquée].

14      Asahi ainsi que ses filiales actives dans le secteur du verre automobile, dont la participation à l’infraction a été retenue pour la période comprise entre le 18 mai 1998 et le 11 mars 2003, ont été condamnées « conjointement et solidairement » à une amende de 113,5 millions d’euros [article 1er, sous a), et article 2, sous a), de la décision attaquée].

15      S’agissant enfin de Soliver, la Commission a considéré que cette entreprise avait participé à l’infraction du 19 novembre 2001 au 11 mars 2003 [article 1er, sous d), de la décision attaquée]. Elle lui a infligé une amende de 4 396 000 euros [article 2, sous d), de la décision attaquée].

16      Dans la décision attaquée, la Commission part du constat que les caractéristiques du marché du verre automobile, à savoir notamment des exigences techniques importantes ainsi qu’un degré élevé d’innovation, favorisent les fournisseurs importants, intégrés et d’envergure internationale. Les requérantes, AGC (Splintex) et Saint-Gobain comptent parmi les principaux producteurs de verre automobile à l’échelon mondial et couvrent ensemble 76 % de la demande mondiale de verre destiné au marché de la première monte (monte du verre automobile en usine, au moment de l’assemblage du véhicule). La Commission a également relevé un volume significatif d’échanges entre les États membres et les États membres de l’AELE qui font partie de l’EEE dans le secteur du verre automobile.

17      Par ailleurs, selon la Commission, les constructeurs automobiles négocient les contrats d’achat pour la fourniture de verre automobile dans l’EEE.

18      Il ressort de la décision attaquée que les fournisseurs de verre automobile visés par l’enquête de la Commission ont suivi de manière continue leurs parts de marché respectives durant la période considérée, non seulement par « compte véhicule », c’est-à-dire au regard du montant des ventes par modèle de véhicule, mais aussi globalement, tous comptes véhicules confondus.

19      La Commission relève que les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) ont participé à des réunions trilatérales, dénommées « réunions du club ». Ces réunions, organisées à tour de rôle par chacune de ces entreprises, ont eu lieu dans des hôtels de diverses villes en Europe, dans des résidences privées appartenant à des employés de ces entreprises ainsi que dans les locaux de l’association professionnelle Groupement européen de producteurs de verre plat (GEPVP) et dans ceux de l’Associazione nazionale degli industriali del vetro (Assovetro) (Association nationale des industriels du verre).

20      Des réunions ou contacts bilatéraux auraient également été organisés entre ces concurrents, dans le but de discuter de la fourniture de vitrage automobile pour des modèles actuels ou futurs. Ces diverses réunions portaient sur l’évaluation et le suivi des parts de marché, la répartition des livraisons de verre automobile aux constructeurs et l’échange d’informations sur les prix ainsi que sur l’échange d’autres informations commercialement sensibles et sur la coordination des stratégies de ces différents concurrents en matière de tarification et d’approvisionnement de la clientèle.

21      La première de ces réunions bilatérales, à laquelle auraient participé Saint-Gobain et les requérantes, aurait eu lieu le 10 mars 1998 à l’hôtel Hyatt Regency de l’aéroport Charles de Gaulle à Paris (France). La première réunion trilatérale aurait quant à elle eu lieu au printemps 1998, dans la résidence privée du responsable des grands comptes d’AGC (Splintex), à Königswinter (Allemagne). Ces réunions auraient été précédées, dès 1997, de contacts exploratoires entre Saint-Gobain et les requérantes, dont l’objet était l’harmonisation technique du vitrage surteinté produit par ces entreprises, s’agissant de la couleur, de l’épaisseur et de la transmission lumineuse. La Commission n’a toutefois pas inclus ces contacts dans l’entente litigieuse, étant donné qu’ils portaient essentiellement sur une étape avancée dans la chaîne de production du verre plat, avant sa transformation en verre automobile.

22      La Commission relève l’existence de près de 90 réunions et contacts entre le printemps 1998 et le mois de mars 2003. Le dernier contact trilatéral aurait eu lieu le 21 janvier 2003, alors que la dernière réunion bilatérale se serait déroulée dans le courant de la seconde moitié du mois de mars 2003, entre Saint-Gobain et AGC (Splintex). Les participants auraient eu recours à des abréviations ou à des noms de code pour s’identifier lors de ces réunions et contacts.

23      La participation de Soliver à l’entente n’aurait débuté que le 19 novembre 2001 et aurait perduré jusqu’au 11 mars 2003. Soliver aurait été contactée par Saint-Gobain dès l’année 2000 en vue de participer à l’entente litigieuse. Les participants initiaux à l’entente, en l’occurrence les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex), auraient exploité, à cet effet, la dépendance de Soliver envers les producteurs de matière première, cette dernière entreprise ne produisant pas de verre plat.

24      Aux termes de la décision attaquée, le plan global de l’entente consistait en une répartition des livraisons de verre automobile entre les participants à l’entente, tant en ce qui concernait les contrats de fourniture existants qu’en ce qui concernait les nouveaux contrats. Ce plan visait à préserver la stabilité des parts de marché de ces participants. Pour parvenir à cet objectif, les participants, au cours des réunions et contacts visés aux points 19 à 22 ci-dessus, auraient échangé des informations sur les prix ainsi que d’autres données commerciales sensibles et coordonné leurs politiques de fixation des prix et d’approvisionnement de la clientèle. En particulier, une concertation aurait eu lieu sur les réponses à apporter aux demandes d’offres de prix émises par les constructeurs automobiles, de manière à influencer le choix par ceux-ci d’un fournisseur de verre, voire de plusieurs d’entre eux en cas d’approvisionnement multiple. Les participants auraient disposé, à cet égard, de deux moyens pour favoriser l’attribution d’un contrat de fourniture au producteur convenu, à savoir soit ne faire aucune offre, soit remettre une offre de couverture, c’est-à-dire une offre comportant des prix plus élevés que ceux dudit producteur. Des mesures correctives, prenant la forme de compensations accordées à un ou à plusieurs participants, auraient, lorsque cela s’avérait nécessaire, été décidées afin de garantir que la situation globale de l’offre dans l’EEE demeure conforme à la répartition convenue. Lorsque des mesures correctives devaient affecter des contrats de fourniture en cours, le procédé utilisé par les concurrents pour ajuster l’équilibre des parts de marché aurait consisté à prévenir les constructeurs automobiles qu’un problème technique ou une pénurie de matières premières perturbait la livraison des pièces commandées et à suggérer un fournisseur de remplacement. Afin de conserver la répartition des contrats convenue, les participants à l’entente se seraient mis d’accord, à plusieurs reprises, sur des réductions de prix à accorder aux constructeurs automobiles en fonction des gains de productivité réalisés, voire sur d’éventuelles augmentations de prix appliquées à des modèles de véhicule dont le niveau de production était inférieur aux prévisions. Ils se seraient également entendus, le cas échéant, pour limiter la divulgation d’informations sur leurs coûts réels de production aux constructeurs automobiles, en vue d’éviter de trop fréquentes demandes de réduction de prix par ces derniers.

25      La concertation visant à la stabilité des parts de marché aurait été rendue possible, notamment, par la transparence du marché de la fourniture de verre automobile. L’évolution des parts de marché aurait été calculée sur la base des coûts de production et des prévisions de vente, en prenant en considération les contrats de fourniture préexistants.

26      La Commission indique qu’Asahi et Glaverbel, qui ont sollicité la clémence de la Commission, ont confirmé que, à partir de l’année 1998 au plus tard, des représentants de leur filiale Splintex ont participé, avec des concurrents, à des activités illicites du point de vue du droit de la concurrence. En outre, l’absence de contestation, par Saint-Gobain, de la matérialité des faits exposés dans la communication des griefs devrait être comprise comme une approbation, par cette entreprise, de la description faite par la Commission du contenu des réunions et contacts litigieux.

27      Selon la Commission, les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) se sont mises d’accord, lors d’une réunion qui s’est déroulée le 6 décembre 2001, sur une nouvelle méthode de calcul aux fins de la répartition et de la réattribution de contrats de fourniture.

28      C’est sur la base de ce faisceau d’indices que la Commission tient les requérantes, ainsi que Saint-Gobain, la Compagnie, Soliver, Asahi et plusieurs des filiales de cette dernière actives sur le marché du verre automobile au sein de l’EEE, pour responsables d’une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE. Les arrangements conclus entre ces parties constituent, selon la Commission, des accords ou pratiques concertées au sens de ces dispositions, qui ont faussé la concurrence sur le marché de la fourniture de verre automobile. La collusion entre les participants à l’entente correspondrait à une infraction unique et continue dès lors que lesdits participants ont exprimé leur volonté commune de se comporter d’une manière déterminée sur le marché et ont adopté un plan commun destiné à limiter leur autonomie commerciale individuelle en se répartissant les livraisons de verre automobile destiné aux voitures particulières et aux véhicules utilitaires légers ainsi qu’en faussant les prix de ces vitrages dans le but d’assurer une stabilité globale sur le marché et d’y maintenir des prix artificiellement élevés. Aux termes de la décision attaquée, la fréquence et le caractère ininterrompu de ces réunions et contacts, sur une période de cinq ans, ont eu pour résultat que tous les grands constructeurs de voitures particulières et de véhicules utilitaires légers dans l’EEE ont été couverts par l’entente.

29      La Commission a par ailleurs estimé que rien n’indiquait que les accords et les pratiques concertées entre les fournisseurs de verre automobile aient débouché sur des gains d’efficacité ou favorisé le progrès technique ou économique dans le secteur du verre automobile, de nature à justifier l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

30      S’agissant de l’identification des destinataires de la décision attaquée, la Commission a notamment considéré que les requérantes formaient une unité économique et faisaient dès lors partie de la même entreprise. Par conséquent, la Commission a tenu les requérantes pour responsables, conjointement et solidairement, d’une infraction à l’article 81 CE ainsi qu’à l’article 53 de l’accord EEE.

31      S’agissant de la durée de l’infraction, la Commission a retenu que les requérantes y avaient participé du 10 mars 1998 au 3 septembre 2002. La participation de Saint-Gobain et de la Compagnie a été retenue pour la période allant du 10 mars 1998 au 11 mars 2003. Enfin, il ressort de la décision attaquée que Soliver a participé à l’infraction entre le 19 novembre 2001 et le 11 mars 2003.

32      S’agissant du calcul des amendes, la Commission a tout d’abord déterminé la valeur des ventes de vitrage automobile réalisées par chaque entreprise participante au sein de l’EEE, liées directement ou indirectement à l’infraction. Elle a opéré une distinction, à cet effet, entre plusieurs périodes de l’infraction. Pour la période ayant débuté en mars 1998 et s’étant achevée le 30 juin 2000, qualifiée de période de « montée en puissance », elle a estimé ne disposer de preuves de l’infraction que pour une partie des constructeurs automobiles au sein de l’EEE. La Commission n’a dès lors retenu, en ce qui concerne cette période, que les ventes de verre automobile aux constructeurs pour lesquels elle disposait de preuves directes de l’entente. En ce qui concerne la période comprise entre le 1er juillet 2000 et le 3 septembre 2002, la Commission a observé que les comptes ayant fait l’objet de l’entente concernaient au moins 90 % des ventes au sein de l’EEE. Elle a dès lors conclu que, s’agissant de cette période, la totalité des ventes de verre automobile au sein de l’EEE, par les destinataires de la décision attaquée, devait être prise en considération. Enfin, à la fin de la période d’infraction, soit entre le 3 septembre 2002 et le mois de mars 2003, les activités du cartel se seraient ralenties à la suite du départ de l’un des membres de celui-ci. Par conséquent, la Commission a décidé de ne retenir, pour cette période, que les ventes à des constructeurs automobiles pour lesquels elle disposait de preuves directes de l’entente. Une moyenne annuelle pondérée de ces chiffres de vente a ensuite été établie pour chaque fournisseur de verre automobile concerné, en divisant les valeurs de vente évoquées ci-dessus par le nombre de mois de participation à l’infraction et en multipliant le produit de cette division par douze.

33      La Commission a ensuite relevé que l’infraction constatée, consistant en une répartition des clients, comptait parmi les restrictions de concurrence les plus graves. Eu égard à la nature de l’infraction, à sa portée géographique et à la part de marché cumulée des entreprises y ayant participé, la Commission a retenu, pour le calcul du montant de base de l’amende, une proportion de 16 % de la valeur des ventes de chaque entreprise impliquée, multipliée par le nombre d’années de participation à l’infraction. Le montant de base des amendes a, de surcroît, été majoré d’un montant équivalent à 16 % de la valeur des ventes, à des fins de dissuasion.

34      Le montant de base de l’amende infligée de manière solidaire à Saint-Gobain et à la Compagnie a été majoré de 60 % pour cause de récidive. Quant au montant de l’amende infligée à Soliver, il a été ramené à 10 % du chiffre d’affaires de cette dernière, conformément à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Une réduction de 50 % du montant de l’amende a, en revanche, été accordée à Asahi et à Glaverbel, eu égard aux éléments de preuve que celles-ci ont transmis à la Commission et qui ont permis à cette dernière d’avoir une meilleure compréhension des documents recueillis au cours des inspections.

35      Le 11 février 2009, la Commission a adopté la décision C (2009) 863 final, rectifiant la décision attaquée sur un nombre limité de points.

36      Le 28 février 2013, la Commission a adopté la décision C (2013) 1119 final, modifiant la décision attaquée s’agissant notamment du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes (ci-après la « décision modificative du 28 février 2013 »). Par cette décision, la Commission a, en substance, entendu rectifier deux erreurs qu’elle estimait avoir commises lors dudit calcul. D’une part, le montant des ventes de vitrage automobile au constructeur [confidentiel](1) pour l’année 1999 a été corrigé afin de refléter fidèlement les chiffres de vente qui avaient été communiqués par les requérantes à la Commission. D’autre part, la Commission a exclu de la base de calcul du montant de l’amende les ventes de vitrage automobile effectuées par les requérantes au constructeur [confidentiel] entre le début de l’infraction et le [confidentiel], afin de tenir compte de la circonstance que ce constructeur n’était devenu membre du groupe [confidentiel] qu’à [confidentiel]. En conséquence de cette décision, le nouveau montant de l’amende infligée aux requérantes a été fixé à 357 millions d’euros au lieu de 370 millions d’euros.

 Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2009, les requérantes ont introduit le recours dans la présente affaire.

38      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée, en tant qu’il les concerne ;

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée, en tant qu’il les concerne ;

–        réduire de manière substantielle le montant de l’amende qui leur a été infligée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

39      Dans un courrier parvenu au greffe du Tribunal le 15 mars 2013, les requérantes ont demandé à pouvoir modifier leurs conclusions, afin que leur recours soit compris comme étant dirigé contre la décision attaquée telle qu’amendée par la décision modificative du 28 février 2013, citée au point 36 ci-dessus.

40      Les requérantes ont par ailleurs sollicité le traitement confidentiel, à l’égard du public, d’une série d’informations contenues dans le rapport d’audience, au motif, en substance, que la divulgation de telles informations sensibles sur le plan commercial serait de nature à leur causer un préjudice grave.

41      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

42      Dans son courrier parvenu au greffe du Tribunal le 10 avril 2013, la Commission ne s’est pas formellement opposée à la demande des requérantes visant à la modification de leurs conclusions.

43      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre, à laquelle l’affaire a été, par conséquent, attribuée.

 En droit

44      Les requérantes invoquent, en substance, six moyens à l’appui de leur recours, pris, le premier, d’une erreur dans la qualification juridique des faits et d’une erreur d’appréciation de la gravité de l’infraction, le deuxième, d’une appréciation erronée de la durée de leur participation à l’entente litigieuse, le troisième, de l’utilisation de chiffres de vente inappropriés lors du calcul du montant de l’amende, d’une erreur de procédure et d’un défaut de motivation, le quatrième, d’une violation des principes de proportionnalité et d’individualité des peines ainsi que d’une méconnaissance de la pratique administrative antérieure, le cinquième, d’une erreur de calcul du montant de l’amende en raison de la gravité moindre du comportement des requérantes par rapport aux autres entreprises ayant participé à l’entente, d’une violation du principe d’égalité de traitement ainsi que d’une méconnaissance de la pratique administrative antérieure et, le sixième, d’un dépassement du plafond de l’amende tel qu’il résulte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Les requérantes demandent également au Tribunal qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction en réduisant substantiellement le montant de l’amende qui leur a été infligée, et ce, le cas échéant, indépendamment de ces différents moyens d’annulation.

45      Les différents moyens et arguments soulevés par les requérantes doivent être regroupés en trois catégories. Les deux premiers moyens portent sur la nature de l’infraction et la durée de participation des requérantes à celle-ci. Les troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens portent sur le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes. Les requérantes demandent également au Tribunal, et ce, le cas échéant, indépendamment de ces moyens d’annulation, qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction en réduisant substantiellement le montant de l’amende qui leur a été infligée. Il convient, à titre liminaire, d’examiner la demande des requérantes visant à l’adaptation de leurs conclusions à la suite de l’adoption de la décision modificative du 28 février 2013.

I –  Sur l’objet du recours

46      Il convient de rappeler que, lorsqu’une décision est, en cours de procédure, remplacée par une décision ayant le même objet, celle-ci doit être considérée comme un élément nouveau permettant à la partie requérante d’adapter ses conclusions et moyens. Il serait en effet contraire à une bonne administration de la justice et à une exigence d’économie de la procédure d’obliger la partie requérante à introduire un nouveau recours (voir arrêt du Tribunal du 11 juin 2009, Othman/Conseil et Commission, T‑318/01, Rec. p. II‑1627, point 53, et la jurisprudence citée). Il doit en aller de même lorsque, en cours d’instance, l’institution qui a adopté l’acte faisant l’objet du recours apporte à cet acte des modifications visant à le remplacer partiellement sans modifier son objet (arrêts du Tribunal du 2 février 2012, EI du Pont de Nemours e.a./Commission, T‑76/08, non publié au Recueil, point 34, et Dow Chemical/Commission, T‑77/08, non publié au Recueil, point 35).

47      En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande des requérantes visant à reformuler leurs conclusions, moyens et arguments à la lumière des modifications apportées par la Commission à la décision attaquée par le biais de l’adoption de la décision modificative du 28 février 2013. En effet, cette décision a pour effet de remplacer partiellement la décision attaquée sur un nombre limité de points, sans toutefois modifier l’objet de celle-ci, portant sur la constatation qu’un certain nombre d’entreprises, dont les requérantes, ont enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord EEE en participant à un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels dans le secteur du verre automobile dans l’EEE.

48      Dès lors, il convient de considérer que le présent recours tend à l’annulation de la décision attaquée telle que modifiée par la décision modificative du 28 février 2013, dans la mesure où elle concerne les requérantes, et à la réduction substantielle du montant de l’amende qui leur a été infligée, telle qu’elle résulte de cette même décision modificative.

II –  Sur les moyens relatifs à la nature de l’infraction ainsi qu’à la durée de participation des requérantes à celle-ci

A –  Sur le premier moyen, pris d’une erreur dans la qualification juridique des faits et d’une erreur d’appréciation de la gravité de l’infraction

a)     Arguments des parties

49      Par leur premier moyen, les requérantes, tout en admettant que la décision attaquée démontre qu’elles-mêmes, Saint-Gobain et AGC auraient participé à des réunions trilatérales, parfois dénommées « réunions du club » (ci-après le « club »), dont les participants ont eu un certain nombre de contacts au cours desquels ils ont pu échanger des informations sensibles sur le plan commercial, considèrent que c’est à tort que la Commission a, en l’espèce, qualifié le comportement des entreprises ayant participé à ces contacts de cartel à part entière, fonctionnant sur la base d’un plan prédéterminé visant à assurer la stabilité des parts de marché de ses participants et couvrant l’ensemble du marché. Cette qualification des faits ne serait aucunement étayée par les éléments de preuve avancés. Ces éléments de preuve permettraient tout au plus à la Commission d’identifier des contacts de type « cartel », lesquels se situent au bas de l’échelle de gravité des infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE.

50      Les requérantes rappellent que, conformément à la règle inscrite à l’article 2 du règlement n° 1/2003, la charge de la preuve tenant à l’existence et à la nature d’une infraction à l’article 81 CE pèse sur la Commission. Le niveau de preuve requis serait particulièrement élevé s’agissant des accords anticoncurrentiels, ceux-ci ne pouvant être établis que par des éléments clairs et non équivoques indiquant la volonté concordante des parties de se comporter sur le marché d’une manière déterminée. Ce degré élevé d’exigence en matière de preuve serait justifié par la nature et la sévérité des sanctions que le droit de l’Union européenne réserve aux infractions à l’article 81 CE.

51      À cet égard, les requérantes font tout d’abord valoir que les notes manuscrites sur lesquelles se fonde la Commission dans la décision attaquée, prises essentiellement par des employés d’Asahi, sont pour la plupart sibyllines dès lors qu’elles ne constituent qu’un ensemble de notes et de chiffres griffonnés. Leur valeur probante serait dès lors limitée, ces notes ne pouvant corroborer, ainsi que l’affirme la Commission, les déclarations orales du demandeur de clémence.

52      De surcroît, la Commission se serait fondée à tort sur les déclarations de la demanderesse de clémence en vue d’interpréter ces notes.

53      D’une part, lesdites notes manqueraient de clarté et n’auraient pas été interprétées par leurs auteurs. Elles auraient de plus été interprétées plusieurs années après leur rédaction. Ces facteurs permettraient d’expliquer les constants revirements opérés par la demanderesse de clémence dans ses déclarations quant à la signification de ces notes, de même que ses nombreuses suppositions et contradictions par rapport à des déclarations antérieures. Les requérantes soutiennent que, par son témoignage au titre de la demande de clémence, la demanderesse de clémence a en réalité cherché à donner des notes en question l’interprétation la plus négative possible, s’agissant notamment de l’existence d’un plan prédéterminé ou de la poursuite d’un objectif global de stabilité des parts de marché, en vue d’obtenir une immunité totale plutôt qu’une simple réduction du montant de l’amende qui lui serait infligée.

54      D’autre part, il résulterait d’une jurisprudence constante que la Commission ne peut pas traiter des aveux contestés d’une entreprise comme une preuve de l’existence d’une infraction, à moins que ces aveux ne soient corroborés par d’autres preuves précises et concordantes. Or, les éléments sur lesquels repose la décision attaquée ne répondraient pas à cette condition.

55      Les requérantes soulignent ensuite que la Commission n’a pas été en mesure de produire une quelconque preuve directe du plan ou de l’objectif de l’entente. Les déclarations opérées au titre de la demande de clémence ne seraient pas pertinentes à cet égard dès lors qu’elles ne sont corroborées par aucun document cité dans la décision. Ainsi, l’existence d’un tel plan ne saurait être déduite des seules discussions relatives aux demandes de prix émanant de constructeurs automobiles, de telles discussions ayant pu avoir lieu au cas par cas et s’inscrivant dès lors dans un ensemble de contacts non structurés. Cela ressortirait plus particulièrement des documents auxquels la Commission fait référence au considérant 461 de la décision attaquée, ceux-ci ne portant, pour la plupart, que sur un seul constructeur automobile et ne contenant aucune référence au marché pris dans son ensemble. Cette dernière thèse serait corroborée par le caractère sporadique des contacts qui ont eu lieu entre les participants à l’entente, à tout le moins jusqu’à la première moitié de l’année 2000 et à partir de la fin de l’année 2001. Les requérantes allèguent, sur ce point, que la reconnaissance par la Commission d’une période de « montée en puissance » de l’entente est en contradiction avec le point de vue selon lequel les contacts entre les membres du club auraient eu lieu sur la base d’un plan prédéterminé visant à la stabilité globale de leurs parts de marché. La décision attaquée ne contiendrait d’ailleurs aucune analyse systématique permettant d’étayer la qualification des contacts litigieux donnée par la Commission. De surcroît, la jurisprudence citée par la Commission dans sa défense serait sans pertinence en l’espèce dès lors qu’elle porte sur la preuve de contacts présentant un degré de gravité plus faible, de par leur nature, que le comportement reproché aux requérantes dans la présente affaire.

56      Les éléments avancés par la Commission indiqueraient en outre que la grande majorité des contacts n’a pas donné lieu à des accords visant à une coordination sur le marché ou à une mise en œuvre d’accords ou d’arrangements poursuivant un tel objectif. Or, de tels accords auraient été indispensables à la réalisation d’un plan collusoire global destiné à garantir la stabilité des parts de marché des participants, tel que décrit par la Commission. La circonstance que, parfois, plusieurs contrats aient été discutés lors de la même réunion ne permettrait pas de déduire que ceux-ci avaient un lien entre eux et, par conséquent, participaient d’un tel plan d’ensemble. De plus, la seule circonstance que les mêmes responsables des différentes entreprises concernées aient pu se rencontrer en diverses occasions serait sans pertinence aux fins de conclure que lesdites entreprises suivaient un plan prédéterminé aux fins de garantir la stabilité de leurs parts de marché.

57      Quant aux documents ou passages de documents commentés par la Commission dans le cadre de sa défense, soit ils seraient impropres à démontrer l’existence d’accords, soit ils ne prouveraient pas l’existence d’un plan global de stabilité des parts de marché, soit encore ils ne concerneraient pas les requérantes.

58      Ce serait par ailleurs à tort que la Commission invoquerait en l’espèce la jurisprudence en vertu de laquelle, lorsque l’objet anticoncurrentiel des contacts a été prouvé sur la base de preuves documentaires, il incombe aux entreprises concernées de contester ces faits par la production d’autres preuves documentaires. En effet, la Commission serait justement en défaut, en l’espèce, d’avoir démontré un tel objet anticoncurrentiel au moyen de preuves documentaires.

59      Les éléments de preuve cités dans la décision attaquée quant au contrôle des positions de marché n’établiraient pas non plus l’existence d’un plan d’ensemble ou d’un objectif global de l’entente, tels que décrits par la Commission. Ainsi, la plupart de ces éléments concerneraient des contrôles des parts de marché réalisés en interne et de manière indépendante par les producteurs de verre automobile concernés et, partant, un comportement licite.

60      Quant aux deux documents auxquels la Commission se réfère dans sa défense, ils n’étaieraient pas ses allégations tenant à l’existence d’un prétendu plan global du marché comprenant un mécanisme de suivi et de correction. En effet, ces documents dateraient de la fin de la période d’infraction et, partant, seraient dénués de valeur probante pour les trois premières années de celle-ci. De plus, le document portant la référence EF7, consistant en des notes prises lors d’une réunion du club du 6 décembre 2001, démontrerait tout au plus l’échange de données générales sur les parts de marché ainsi qu’une éventuelle tentative de convenir d’une méthode de suivi des parts de marché, sans prouver toutefois qu’une telle méthode a effectivement été arrêtée, emportant la conclusion d’un accord illégal. Le document portant la référence CC4, consistant en des notes prises lors d’une réunion du club le 10 juillet 2002, indiquerait pour sa part que les membres dudit club ne s’étaient pas encore entendus sur une méthode de suivi des parts de marché quelques mois seulement avant la fin des discussions.

61      Les requérantes font valoir, en outre, que les prétendues mesures correctrices identifiées par la Commission traduisent uniquement des divergences de vues apparues entre les participants aux contacts en cause, en ce qui concerne les résultats attendus par chacun d’entre eux au sujet de contrats précédents ainsi que des réclamations afin que des mesures soient prises en vue de répondre à ces attentes déçues. La Commission serait restée en défaut de démontrer que les entreprises concernées ont adopté et mis en œuvre des mesures communes de suivi ou de correction.

62      Enfin, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir exagéré le nombre de contacts illicites en l’espèce. Le caractère sporadique des contacts qui ont eu lieu entre les participants à l’entente contredirait l’hypothèse selon laquelle ceux-ci auraient agi selon un plan prédéterminé en vue de la réalisation d’un objectif à large échelle. Plus généralement, les requérantes font valoir que la Commission, en concluant à l’existence d’un plan prédéterminé et d’un objectif à l’échelle du marché sur la seule base des éléments en sa possession, s’est écartée du standard de preuve plus strict que reflètent d’autres décisions constatant des infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE.

63      Dès lors que la Commission n’aurait pas prouvé le type spécifique d’infraction qu’elle a sanctionné en l’espèce, les requérantes invitent le Tribunal à annuler l’article 1er de la décision attaquée, en tant qu’il les vise. Les explications fournies par la Commission au cours de la présente procédure ne seraient pas de nature à remédier à l’illégalité de cette disposition, en tant qu’elle concerne les requérantes. La gravité moindre du comportement de l’entreprise que forment les requérantes devrait en tout cas avoir pour conséquence une diminution du montant de l’amende qui leur a été infligée.

64      En réponse à ces arguments, la Commission souligne tout d’abord que les requérantes reconnaissent avoir eu un certain nombre de contacts inappropriés et échangé des informations sensibles sur le plan commercial avec des concurrents.

65      Elle rappelle ensuite qu’elle n’a pas qualifié les accords et pratiques concertées qu’elle a identifiés dans la décision attaquée d’entente structurée. Toutefois, en vertu d’une jurisprudence bien établie, le seul fait d’avoir reçu des informations concernant des concurrents, informations qu’un opérateur indépendant préserve comme secrets d’affaires, suffirait à manifester l’existence d’un esprit anticoncurrentiel. De surcroît, la seule circonstance qu’une entreprise a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’y être manifestement opposée, suffirait à démontrer la participation de ladite entreprise à l’entente. Il appartiendrait à l’entreprise concernée, lorsque sa participation à de telles réunions a été établie, d’avancer des indices de nature à prouver que cette participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur. Conformément à la jurisprudence, établir l’existence d’une infraction à l’article 81 CE ne requerrait pas nécessairement que chacune des preuves apportées par la Commission permette de démontrer chaque élément de l’infraction, un faisceau d’indices étant suffisant à cet égard.

66      La Commission commente ensuite les principaux éléments de preuve sur lesquels elle s’est fondée pour conclure à l’existence d’un plan visant à garantir la stabilité des parts de marché des membres du club. Elle souligne, à cet égard, l’importance du compte rendu de la réunion du 6 décembre 2001, portant la référence EF7, au cours de laquelle les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) auraient tenté de se mettre d’accord sur une méthodologie commune aux fins de la répartition et de la réattribution des contrats de fourniture de verre automobile, de même que l’importance du compte rendu de la réunion de suivi du 10 juillet 2002, portant quant à lui la référence CC4. Ces documents, lus conjointement avec les déclarations orales de la demanderesse de clémence et les autres éléments de preuve avancés dans la décision attaquée, formeraient un faisceau d’indices démontrant l’existence d’un plan global de l’entente. Le libellé du document portant la référence EF7, en particulier, ferait apparaître non seulement qu’une nouvelle méthodologie a été conçue à partir de la fin de l’année 2001, dans le mécanisme de répartition des contrats, mais aussi qu’un système de répartition existait déjà avant cette date.

67      Selon la Commission, le caractère succinct des autres notes sur lesquelles elle a également fondé la décision attaquée ne prive pas celles-ci de leur valeur probante. Elle souligne que la circonstance que la plupart de ces notes concernaient des contrats de fourniture devant être conclus avec l’un ou l’autre constructeur automobile n’est pas pertinente pour contester l’identification d’un plan collusoire global. La formulation de ces notes serait en effet large, celles-ci évoquant le marché dans sa globalité. Il y aurait lieu également d’envisager les divers contacts litigieux de manière globale, afin de percevoir la logique commune dans laquelle ils se sont inscrits.

68      La Commission ajoute que, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, il est très peu probable que, dans tous les cas où il est fait état de renseignements sur l’entreprise qu’elles forment, ces renseignements, parfois très précis, n’aient pas eu comme source les requérantes elles-mêmes.

69      La fiabilité des déclarations de la demanderesse de clémence ne saurait du reste être contestée en l’espèce, de telles déclarations pouvant, conformément à la jurisprudence, contribuer à établir l’existence d’une infraction pour autant qu’elles corroborent d’autres éléments de preuve. Selon la Commission, il est inévitable que les déclarations d’un demandeur de clémence, lors des enquêtes relatives à des ententes, soient effectuées plusieurs années après l’infraction. Un témoignage effectué dans le cadre d’une demande de clémence supposerait un processus au cours duquel le demandeur fournit des informations de plus en plus précises sur les faits constitutifs de l’infraction, au fur et à mesure qu’il sollicite sa mémoire au sujet d’événements qui se sont déroulés à certains moments au cours de la période concernée. D’éventuelles imprécisions ou hésitations de la part d’un demandeur de clémence ne remettraient pas nécessairement en cause la valeur probante de ses déclarations dès lors que, en vertu d’une jurisprudence bien établie, le fait de demander à bénéficier de l’application de la communication sur la coopération de 2002 en vue d’obtenir une réduction du montant de l’amende ne crée pas forcément une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants à l’entente incriminée. Il en irait d’autant plus ainsi en l’espèce que la demanderesse de clémence était consciente du fait qu’une éventuelle tentative de sa part d’induire la Commission en erreur aurait compromis ses chances de bénéficier de la communication sur la coopération de 2002. En tout état de cause, la Commission indique qu’elle a vérifié chacune de ces déclarations à la lumière des preuves écrites du dossier.

70      De plus, il ne serait pas nécessaire que les déclarations faites au titre d’une demande de clémence soient corroborées par d’autres preuves précises et concordantes, de simples preuves étant suffisantes à cet égard. À défaut, de telles déclarations seraient dépourvues de toute utilité.

71      La Commission conteste ensuite la tentative des requérantes de dépeindre le comportement collusoire des membres du club comme une série de contacts sporadiques et non structurés. Outre les éléments mentionnés ci-dessus, il conviendrait de tenir compte du nombre et de la fréquence des réunions dudit club ainsi que du fait que, la plupart du temps, les mêmes personnes ont participé aux réunions de celui-ci. La participation des requérantes à l’infraction serait corroborée par des preuves écrites ainsi que par les déclarations de la demanderesse de clémence. Ainsi, les requérantes auraient participé à 37 réunions et contacts au cours de la période d’infraction. C’est à tort que la requérante tenterait de réduire l’objet des discussions à certains constructeurs automobiles seulement, les diverses pièces du dossier permettant de conclure que les membres du club poursuivaient bien un objectif commun de stabilité des parts de marché. Il serait normal que, dans la poursuite de cet objectif, les membres du club aient eu des discussions sur la répartition des parts de marché pour certains constructeurs, l’attribution de contrats de livraison à ceux-ci étant de nature à influer sur les parts de marché globales respectives desdits membres.

72      Dans ce contexte, il incomberait aux requérantes non pas simplement de présenter une prétendue explication alternative des faits, mais bien de contester l’existence de ces faits établis au vu des pièces produites par la Commission. Or, les requérantes se seraient contentées, en l’espèce, d’avancer d’autres explications plausibles des éléments sur lesquels repose la décision attaquée, alors même que ceux-ci démontrent nécessairement le comportement anticoncurrentiel sanctionné par la Commission.

73      La Commission ajoute que la discipline que se sont imposée les membres du club a donné lieu à la mise sur pied d’un mécanisme de suivi des parts de marché ainsi que d’un mécanisme de correction. Les requérantes feraient valoir à tort que les documents sur lesquels se fonde la Commission indiquent uniquement que les différents départements marketing des membres du club fournissaient leurs propres prévisions et aperçus à plus long terme de l’évolution des parts de marché des concurrents. Selon la Commission, ces pièces témoigneraient au contraire du fait qu’un réel système d’échange d’informations avait été mis sur pied à cet égard. Par ailleurs, des compensations auraient été accordées à plusieurs reprises à certains membres du club, dont les requérantes, lorsque les contrats de fourniture n’avaient pu être répartis conformément au plan global. Il serait donc inexact, comme le prétendent les requérantes, que ces compensations démontrent seulement l’existence d’opinions divergentes concernant les attentes des membres du club sur les résultats générés par des contrats précédents. En tout état de cause, même s’il fallait considérer, à tort selon la Commission, que les membres du club ne se sont pas systématiquement mis d’accord sur un mécanisme de compensation, cette circonstance n’aurait aucune conséquence sur l’existence de l’infraction, consistant en un ensemble d’accords ou de pratiques concertées.

74      À titre subsidiaire, la Commission soutient que, même s’il fallait suivre l’affirmation des requérantes selon laquelle les réunions du club étaient sporadiques, la fréquence des réunions collusoires est sans pertinence sur l’existence d’un plan global de l’entente et, partant, sur la qualification de l’infraction.

75      Elle ajoute enfin que, conformément à la jurisprudence, l’article 81 CE interdit toute prise de contact directe ou indirecte entre opérateurs, ayant pour objet d’influencer le comportement des participants sur le marché. L’échange d’informations telles que les prix ou les volumes de vente potentiels serait couvert par cette interdiction, car de telles informations sont réputées être prises en compte par les participants afin de déterminer leur comportement sur le marché. Or, en l’espèce, les requérantes auraient reconnu que les membres du club ont échangé différentes informations commerciales sensibles. Dans ces circonstances, la Commission ne serait pas tenue de définir la forme exacte du comportement illégal, ni de réaliser une analyse systématique ou quantitative pour déterminer combien de demandes de prix ont été directement affectées par les pratiques collusoires des parties, ni même d’établir que les parties avaient une méthodologie convenue pour mesurer l’effet de leurs mesures de répartition des contrats de fourniture.

b)     Appréciation du Tribunal

76      Aux termes de la décision attaquée, l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE qui est au cœur du présent litige a consisté en une répartition concertée de contrats relatifs à la fourniture de verre automobile à tous les principaux constructeurs automobiles dans l’EEE, par la coordination des politiques de prix ainsi que des stratégies d’approvisionnement de la clientèle. L’objectif de cette entente, qui s’est déroulée entre mars 1998 et mars 2003, aurait été d’assurer une stabilité globale des parts de marché des différents participants. Des réunions auraient été régulièrement organisées entre ces derniers afin non seulement de discuter de l’attribution de contrats d’approvisionnement futurs, mais aussi d’assurer le suivi de décisions prises à l’occasion de réunions et de contacts antérieurs. Dès lors notamment qu’ils auraient été motivés par cet objectif économique commun, ces divers contacts collusoires ont constitué, selon la Commission, une infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE.

77      La Commission a plus particulièrement justifié cette conclusion au point 505 de la décision attaquée, dans les termes suivants :

« Les activités anticoncurrentielles menées par Saint-Gobain, [les requérantes], AGC et Soliver en ce qui concerne leurs livraisons de verre automobile aux constructeurs du secteur […] faisaient partie du même système consistant à fausser la concurrence dans l’EEE en vue de maintenir des prix artificiellement élevés et des positions artificiellement stables sur le marché. À cet égard, il convient notamment de prendre en considération les facteurs suivants :

–        les actions concertées décidées à l’occasion des réunions trilatérales et/ou bilatérales et des contacts entre les quatre fournisseurs de verre automobile poursuivaient un seul et même objectif commun, qui était de répartir les nouveaux contrats de fourniture et de réattribuer les contrats de fourniture existants pour les différents modèles de véhicules, de manière à fausser l’évolution normale des prix des livraisons de verre automobile et à réguler entre eux le marché de la fourniture de verre automobile aux constructeurs du secteur. Les fournisseurs de verre automobile étaient en mesure de suivre régulièrement leurs positions sur le marché et, en prenant des actions coordonnées dans le cadre de leurs réponses aux demandes de prix des constructeurs automobiles, de maintenir un certain degré de stabilité globale de leurs parts de marché respectives […]

–        […] les quatre fournisseurs de verre automobile ont tous participé à la mise en œuvre d’une série de mesures destinées à réaliser l’objectif susmentionné. En particulier, ils sont convenus de mécanismes particuliers pour se répartir les ventes de vitrages automobiles. Ils s’échangeaient notamment des informations sur les prix ainsi que d’autres informations commercialement sensibles, et coordonnaient leurs politiques de prix et leurs stratégies d’approvisionnement de la clientèle, ce qui leur permettait d’agir de façon concertée en réponse aux demandes de prix des constructeurs automobiles et d’influencer, dans une large mesure, le choix du fournisseur, ou dans le cas d’un approvisionnement multiple, des divers fournisseurs, et ce pour n’importe quel contrat de fourniture de verre automobile déterminé. Les entreprises concurrentes utilisaient des prix de référence concertés régulièrement supérieurs aux prix cibles demandés par les constructeurs automobiles lorsqu’elles se consultaient sur les éléments de coûts contenus dans les demandes de prix, tels que le coût du verre surteinté, les coûts d’usinage, les coûts de développement, les coûts de prototypes et les coûts liés à des spécifications techniques particulières décisives pour le choix de la source d’approvisionnement des constructeurs automobiles. En ce qui concerne la répartition des contrats individuels, elles avaient, à intervalles réguliers, des échanges destinés à identifier celle qui était susceptible de remporter un contrat de fourniture particulier, de même que les concurrents qui ne remettraient aucune offre de prix ou présenteraient une offre supérieure à celle de l’attributaire convenu du contrat en question. Elles convenaient, par exemple, d’informer le constructeur automobile qu’aucune d’elles ne disposait de capacités suffisantes pour assumer 100 % de la commande ou de faire en sorte que l’attributaire ‘présélectionné’ fixe un prix en réponse à des demandes de prix particulières, les autres concurrents acceptant dans ce cas de remettre des offres de prix supérieures en vue de maintenir leur position sur le marché, mécanisme désigné sous le nom de ‘mécanisme de couverture’[…]

–        […] les entreprises concurrentes suivaient de près aussi bien leurs parts de marché que les livraisons effectives et, si nécessaire, appliquaient des mesures correctives sous forme de compensations, de façon à garantir que la situation de l’offre dans l’EEE soit conforme à la répartition concertée pour les vitrages. Au cours des réunions, les concurrents s’assuraient que leurs parts respectives des activités de chaque client restaient plus ou moins stables et le seraient encore dans un avenir prévisible […] »

78      Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission n’a pas été en mesure de démontrer l’existence d’une telle infraction unique et continue à l’article 81 CE en l’espèce et, partant, elles estiment que c’est à tort qu’elles ont été sanctionnées à ce titre dans la décision attaquée.

79      À cet égard, il y a tout d’abord lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, il suffit, pour qu’un accord relève de son champ d’application, qu’il ait pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets. L’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet une restriction de la concurrence (voir arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, points 116 et 117, et la jurisprudence citée).

80      Le fait de communiquer des renseignements à ses concurrents en vue de préparer un accord anticoncurrentiel suffit à prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de l’article 81 CE, à savoir une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission, T‑148/89, Rec. p. II‑1063, point 82, et du 8 juillet 2008, BPB/Commission, T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 178).

81      De surcroît, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission doit rapporter la preuve des infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction (arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 58, et arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 79 supra, point 86). Dans ce cadre, il incombe notamment à la Commission d’établir tous les éléments permettant de conclure à la participation d’une entreprise à une telle infraction et à sa responsabilité pour les différents éléments qu’elle comporte (arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 79 supra, point 86).

82      Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères pour chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqués par ladite institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (arrêt de la Cour du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission, C‑407/08 P, Rec. p. I‑6375, point 47 ; arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, JFE Engineering e.a./Commission, T‑67/00, T‑68/00, T‑71/00 et T‑78/00, Rec. p. II‑2501, point 180). Par ailleurs, lorsque la Commission a invoqué des éléments de preuve documentaires à l’appui de sa constatation de l’existence d’un accord ou d’une pratique anticoncurrentielle, il incombe aux parties qui contestent cette constatation devant le Tribunal non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction (arrêt JFE Engineering e.a./Commission, précité, point 187, et arrêt du Tribunal du 16 juin 2011, Heineken Nederland et Heineken/Commission, T‑240/07, Rec. p. II‑3355, point 52).

83      De surcroît, il est usuel que les activités que des pratiques et accords anticoncurrentiels comportent se déroulent de manière clandestine, que les réunions se tiennent secrètement et que la documentation s’y rapportant soit réduite au minimum. Il s’ensuit que, même si la Commission découvre des pièces attestant de manière explicite une prise de contact illégitime entre des opérateurs, celles-ci ne seront normalement que fragmentaires et éparses, de sorte qu’il se révèle souvent nécessaire de reconstituer certains détails par des déductions. Dès lors, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêts de la Cour du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, points 55 à 57, et du 25 janvier 2007, Sumitomo Metal Industries et Nippon Steel/Commission, C‑403/04 P et C‑405/04 P, Rec. p. I‑729, point 51).

84      Dès lors qu’une entreprise participe, même sans y prendre une part active, à des réunions entre entreprises ayant un objet anticoncurrentiel et qu’elle ne se distancie pas publiquement du contenu de celles-ci, donnant ainsi à penser aux autres participants qu’elle participe à l’entente résultant desdites réunions et qu’elle s’y conformera, il peut être considéré qu’elle participe à l’entente en question (voir arrêt JFE Engineering e.a./Commission, point 82 supra, point 327, et la jurisprudence citée).

85      En l’espèce, il y a lieu de souligner à titre liminaire que les requérantes admettent, dans le cadre du présent recours, avoir eu un certain nombre de contacts avec des entreprises concurrentes, à tout le moins pendant une partie de la période pour laquelle la Commission a retenu leur participation à l’entente litigieuse. Elles reconnaissent également que plusieurs informations pouvant revêtir un caractère sensible sur le plan commercial ont été échangées à l’occasion de ces contacts.

86      Aux fins d’étayer sa conclusion tenant à l’existence d’une infraction unique et continue ayant consisté en des accords ou pratiques concertées au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission se fonde, d’une part, sur une série de notes manuscrites prises par des employés d’entreprises destinataires de la décision attaquée et, d’autre part, sur les déclarations orales faites par la demanderesse de clémence.

87      S’agissant de ce dernier point, il convient de préciser d’emblée que, contrairement à ce que suggèrent les requérantes, le seul fait que des informations ont été soumises à la Commission par une entreprise ayant formé une demande tendant au bénéfice de la communication sur la coopération de 2002 ne met pas en cause leur valeur probante. En effet, selon une jurisprudence constante, aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises concernées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve des comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 82 supra, point 192).

88      En premier lieu, la Commission produit les comptes rendus manuscrits de deux réunions des membres du club qui se seraient tenues, la première, le 6 décembre 2001 et, la seconde, le 10 juillet 2002, dont il ressortirait que lesdits membres ont élaboré un plan d’ensemble visant à la stabilité globale de leurs parts de marché (voir points 76 et 77 ci-dessus). Les requérantes n’ont pas contesté avoir participé à ces réunions.

89      Le premier compte rendu, qui porte la référence EF7, a été rédigé par un employé de la demanderesse de clémence et date du 6 décembre 2001. Ce compte rendu contient notamment, en son deuxième feuillet, les indications suivantes :

« Parts de marché et développement – 3 prochaines années

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–        définir quel est le marché jusqu’en 2004 ;

–         décrire clairement quelle est la référence ;

–        de quoi parlons-nous, quelle base (mètres carrés ; volume ; ensemble de vitrage) ;

–        cela n’a plus de sens de parler des pays, le problème réel, c’est le client ;

–        s’entendre, discuter, décider d’une règle sur un nouveau modèle jusqu’en 2004 ;

–        doit-on considérer le partage sur la part restante du gâteau après l’arrivée d’un nouveau concurrent. »

90      Le document, en ses deuxième et troisième feuillets, contient également deux tableaux indiquant les parts de marché prévisionnelles des requérantes, de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex) en 2001 et en 2004. Il ressort encore de ce document que ces tableaux reflètent des parts de marché calculées par référence au nombre de pièces de vitrage et « non plus » par référence aux mètres carrés.

91      Comme le soutient à juste titre la Commission, il peut être déduit du libellé de ce compte rendu que les membres du club échangeaient déjà des données sur leurs parts de marché respectives avant la réunion du 6 décembre 2001 et qu’ils ont à tout le moins cherché, lors de ladite réunion, à définir un nouveau système commun de calcul de leurs parts de marché en vue de comparer celles-ci, ledit système ne reposant plus sur une évaluation des parts de marché par pays. La présence, dans ce compte rendu, d’un tableau prévisionnel des parts de marché pour 2004 démontre de surcroît que les membres du club, au cours de la réunion du 6 décembre 2001, ont à tout le moins cherché à apprécier l’évolution future de leurs parts de marché respectives sur la base d’une méthode commune de calcul. Cette lecture est corroborée tant par les notes prises par un autre employé de la demanderesse de clémence, présent lors de la même réunion, et qui ont été communiquées volontairement à la Commission, que par les déclarations effectuées au sujet desdites notes par la demanderesse de clémence.

92      Ces éléments suffisent, au demeurant, à écarter l’interprétation alternative du document portant la référence EF7 qui a été proposée par les requérantes lors de l’audience, selon laquelle la référence faite dans celui-ci à des discussions par pays avant la date de la réunion en question pourrait ne refléter qu’une hypothèse qui ne s’est jamais concrétisée en pratique.

93      Le second compte rendu, qui porte la référence CC4 et date du 10 juillet 2002, contient notamment, en son troisième feuillet, un tableau comportant deux colonnes indiquant les parts de marché des requérantes, de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex), calculées par référence à la valeur monétaire, au volume, aux ensembles de vitrage et aux mètres carrés. Ces deux colonnes comparent les chiffres d’affaires des trois entreprises en cause en 1999 avec les chiffres d’affaires prévisionnels desdites entreprises en 2003, individuellement et de manière cumulée. Cela confirme le constat de la Commission selon lequel les membres du club ont à tout le moins cherché, au cours de cette réunion, à comparer leurs parts de marché sur la base de différentes méthodes de calcul, y compris pour une année postérieure à celle au cours de laquelle ladite réunion a eu lieu.

94      En second lieu, la Commission produit une série de notes manuscrites rédigées par M. T., un employé d’AGC (Splintex).

95      Ainsi, tout d’abord, la Commission se fonde sur le compte rendu d’une conversation entre cet employé et M. D.P., un employé de Saint-Gobain, qui aurait eu lieu le 28 mai 1998. Ce compte rendu comprend notamment les passages selon lesquels est « [c]onfirmé le principe pour [19]99 et 2000 : à partir des prix [de] déc[embre] [19]98 – [moins] 2 % fin [19]99 et [moins] 2 % fin 2000 » et « on reste sur les modèles actuels ». Ainsi qu’il ressort des déclarations orales de la demanderesse de clémence, ce contact avait pour objet une coordination des prix en vue de répercuter sur ces derniers les gains de productivité en 1999 et en 2000, par le biais de l’octroi de remises.

96      La Commission produit ensuite un tableau rédigé par M. T. le 17 juin 1998, illustrant les parts estimées de Saint-Gobain, de Splintex (AGC) et de l’entreprise formée par les requérantes sur le marché des pièces de rechange pour quatre modèles de [confidentiel], sur la base d’indications relatives aux prix pratiqués par ces concurrents. Ainsi que le soutient à juste titre la Commission, la demanderesse de clémence a déclaré que ledit tableau avait été complété à partir d’informations reçues d’entreprises concurrentes lors de diverses réunions ou d’appels téléphoniques.

97      Par ailleurs, il ressort des notes de M. T. datées du 30 septembre 1999, prises à l’occasion d’un contact entre ce dernier et M. D. P. au cours duquel a été discutée la fourniture de vitrage destiné au [confidentiel], ainsi que de l’explication qu’a donnée à ce sujet la demanderesse de clémence, que, à la suite d’une demande de ce constructeur, AGC (Splintex) et Saint-Gobain avaient décidé de coordonner leur attitude à son égard s’agissant de la fourniture de la lunette arrière du modèle en question, cette attitude consistant à refuser d’augmenter la production en prétextant une saturation de leurs capacités productives respectives. Ainsi qu’il ressort des explications de la demanderesse de clémence et du libellé même des notes en question, cette coordination avait pour but de fausser le jeu de la concurrence en faisant en sorte que [confidentiel] continue à s’approvisionner tant auprès de Saint-Gobain qu’auprès de la demanderesse de clémence. Cette coordination visait ainsi à préserver les parts de marché de ces deux concurrents dans le cadre de la fourniture de la lunette arrière destinée au [confidentiel].

98      Les requérantes font valoir qu’elles n’ont pas participé à ce contact. Toutefois, il convient de relever qu’un passage de ces notes, relatif au pare-brise feuilleté destiné à la [confidentiel], fait référence aux requérantes, sous la forme d’une suggestion qu’un contact avec ces dernières était nécessaire à ce sujet. Or, les déclarations de la demanderesse de clémence confirment que cette référence aux requérantes reflète l’accord entre la demanderesse de clémence et Saint-Gobain sur la nécessité de contacter les requérantes au sujet du modèle en cause, en vue de s’assurer que celles-ci couvriraient la demanderesse de clémence pour l’attribution du contrat de fourniture de pare-brise feuilleté relatif à ce modèle en remettant une offre de prix supérieure. Il ressort de surcroît tant des notes prises par M. T. à l’occasion d’une conversation avec M. D.P. le 2 novembre 1999 que des déclarations de la demanderesse de clémence que, d’une part, conformément à l’intention manifestée lors du contact du 30 septembre 1999, la demanderesse de clémence a bien eu un contact avec les requérantes au sujet du pare-brise feuilleté destiné à la [confidentiel] et que, d’autre part, les requérantes ont confirmé à cette occasion qu’elles couvriraient la demanderesse de clémence pour ce contrat. Cette interprétation est confirmée par la réponse des requérantes à la communication des griefs, dans laquelle elles ont admis que les notes du 2 novembre 1999, citées ci-dessus, permettaient à tout le moins d’établir qu’elles avaient exprimé leur absence d’intérêt pour l’obtention du contrat de fourniture de vitrage au prix proposé par la demanderesse de clémence.

99      Par ailleurs, il ressort des notes prises par M. T. le 20 septembre 1999, lues à la lumière des déclarations de la demanderesse de clémence, que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, une réunion s’est tenue à Paris à cette date, en présence d’employés de ces dernières, de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex), au cours de laquelle des informations sensibles sur le plan commercial ont été échangées entre ces concurrents au sujet de différents modèles du constructeur [confidentiel]. Ces mêmes notes ainsi que les déclarations de la demanderesse de clémence établissent par ailleurs que les requérantes ont sollicité à cette occasion une augmentation globale de leur part de marché s’agissant de ce constructeur, M. T. faisant référence, à cet égard, à une répartition « 38 %/38 %/24 % à l’horizon 2001/2002 ». Si cet extrait, lu à la lumière des déclarations de la demanderesse de clémence, ne permet certes pas de conclure que cette répartition a donné lieu à la conclusion d’un accord, il confirme en revanche la nature anticoncurrentielle de ce contact, auquel les requérantes ont participé.

100    Le contrôle du suivi des parts de marché des différents membres du club, au cours de réunions où étaient échangées des informations sensibles sur le plan commercial, est encore attesté par les notes prises par M. B., l’un des employés de la demanderesse de clémence, lors d’une réunion qui s’est tenue le 20 juin 2001. Ces notes, dont la demanderesse de clémence a indiqué qu’elles fournissaient une illustration du type d’informations échangées entre concurrents, contiennent en effet non seulement diverses informations sensibles sur le plan commercial, s’agissant notamment de la possibilité d’obtenir des augmentations de prix chez [confidentiel] ou de la perte de 140 000 pièces de vitrage destinées à la [confidentiel], mais aussi un aperçu de l’évolution des parts de marché en 2004 auprès de [confidentiel], lequel aurait été fourni par les requérantes.

101    Sur ce point, l’argument des requérantes selon lequel les pièces du dossier attesteraient tout au plus de l’existence d’un contrôle indépendant des parts de marché par chacun des concurrents, sans qu’un tel contrôle ait impliqué la communication par les requérantes d’informations sensibles sur le plan commercial ou la réception par celles-ci de telles informations communiquées par leurs concurrents, ne saurait être retenu. En effet, à supposer même que Saint-Gobain et la demanderesse de clémence aient obtenu certaines informations commerciales relatives aux requérantes par le biais de tiers, il y a lieu de rappeler que les requérantes ont elles-mêmes admis avoir échangé des informations sensibles sur le plan commercial avec certains de leurs concurrents. De surcroît et en tout état de cause, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer, sur la base tant des informations précises contenues au sujet des requérantes dans certaines des notes figurant au dossier que des déclarations de la demanderesse de clémence, que les requérantes avaient communiqué aux autres membres du club des informations sensibles sur le plan commercial au cours de contacts bilatéraux ou trilatéraux, en violation de l’interdiction figurant à l’article 81, paragraphe 1, CE.

102    S’agissant des notes prises par M. B. au sujet du constructeur [confidentiel], il ressort de ces dernières ainsi que des explications fournies à leur sujet par la demanderesse de clémence que, comme le fait valoir à juste titre la Commission, les requérantes, qui détenaient une part de marché plus faible que celle de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex) auprès de ce constructeur, souhaitaient néanmoins demeurer un acteur majeur en 2001-2002 et ne pouvaient par conséquent accepter une réduction de leurs parts de marché. Il ressort également de ces notes et déclarations que les requérantes ont échangé avec la demanderesse de clémence des informations sur les prix pratiqués en vue de la fourniture de vitrage à [confidentiel] en 2001, ainsi que sur d’éventuelles augmentations de prix ou remises à ce même constructeur en 2001 et 2002.

103    S’agissant des notes manuscrites prises par M. B. le 29 octobre 2001, au sujet du constructeur [confidentiel], il est possible notamment d’y lire que « [Pilkington] a transféré la réduction de prix de [confidentiel] [vers la] [confidentiel] » et que « [Pilkington] demandera une augmentation de prix afin d’éviter un changement de parts de marché de [Saint-Gobain, Pilkington et AGC (Splintex)] ». Or, les déclarations de la demanderesse de clémence confirment l’interprétation qui a été donnée de ces notes par la Commission, à savoir que celles-ci ont été prises à l’occasion d’une réunion qui s’est tenue à Rome (Italie) à cette date et au cours de laquelle les requérantes ont pris part à des discussions anticoncurrentielles au sujet de divers modèles du constructeur [confidentiel]. La demanderesse de clémence a expliqué, sur ce point, que les membres du club se sont coordonnés afin de permettre à Saint-Gobain, notamment, d’augmenter les prix pour la fourniture de la lunette arrière destinée à la nouvelle [confidentiel], sans que cela entraîne une modification des parts de marché de chacun d’eux. En vue de réaliser cet objectif, il aurait été convenu que les requérantes et AGC (Splintex) augmenteraient leurs prix pour cette pièce de vitrage, en sorte que Saint-Gobain puisse obtenir l’augmentation de prix qu’elle souhaitait. Les requérantes n’ont pas contesté avoir participé à cette réunion.

104    Ainsi, les notes et déclarations examinées aux points 102 et 103 ci-dessus contribuent également à démontrer que l’entreprise que forment les requérantes a, à tout le moins, participé à des discussions avec des concurrents impliquant des échanges d’informations sensibles sur le plan commercial, au sujet de grands groupes automobiles au sein de l’EEE, ainsi qu’un examen de l’évolution des parts de marché des principaux concurrents. Elles témoignent de surcroît de la volonté commune des requérantes, de Saint-Gobain et de la demanderesse de clémence de se coordonner en vue de stabiliser leurs parts de marché.

105    Sur ce dernier point, il y a encore lieu de se référer aux notes de M. G., un employé de la demanderesse de clémence, prises lors de la réunion qui s’est tenue le 3 septembre 2002 à Rome, dans les bureaux d’une association professionnelle de l’industrie du verre. Il ressort en effet de ce document que, en marge de discussions relatives à l’attribution du contrat de fourniture de vitrage destiné à la nouvelle [confidentiel], les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) étaient convenus d’examiner l’« [é]volution des parts de marché […] la prochaine fois ». Certes, comme le soutiennent les requérantes, la responsabilité de ces dernières n’a pas été retenue après cette date, en sorte qu’il doit être tenu pour établi qu’elles n’ont pas participé à l’éventuelle discussion ultérieure sur l’évolution des parts de marché évoquée dans ces notes. Cette référence constitue néanmoins un indice additionnel sur lequel la Commission a pu valablement s’appuyer pour conclure que l’entente litigieuse impliquait un suivi de l’évolution des parts de marché par les trois producteurs de verre automobile précités.

106    Par ailleurs, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles affirment que, dès lors que les preuves documentaires avancées par la Commission ne concernent que certains constructeurs, il ne saurait y avoir eu de plan collusoire portant sur le marché dans son ensemble.

107    En premier lieu, la formulation générale des comptes rendus examinés aux points 88 à 93 ci-dessus suggère que les membres du club ont cherché, à l’occasion de leurs réunions des 6 décembre 2001 et 10 juillet 2002, à affiner leur système de référence en vue du calcul global de leurs parts de marché respectives, sans qu’il apparaisse que cette discussion ait été limitée à certains constructeurs automobiles au sein du marché de l’EEE.

108    En deuxième lieu, il ressort tant de la décision attaquée que des explications données par les parties dans le cadre de la présente procédure que les constructeurs automobiles en cause négocient les contrats de fourniture de vitrage automobile dans l’EEE. Ainsi, la réalisation de l’objectif global de stabilité des parts de marché des membres du club supposait nécessairement que des discussions aient lieu au sujet de l’attribution de contrats spécifiques de livraison à certains constructeurs automobiles, à l’aune de la répartition des fournitures existante. Ainsi, par exemple, les notes manuscrites prises par M. B. lors d’une réunion qui s’est tenue avant la réunion du 23 juin 2000, au sujet notamment du contrat d’approvisionnement relatif à la [confidentiel], lues à la lumière des déclarations effectuées par la demanderesse de clémence, constituent une illustration du fait que l’objectif global de stabilité des parts de marché poursuivi par l’entente supposait qu’aient lieu des discussions propres à certains constructeurs automobiles, en tenant compte de la répartition existante des parts de marché pour des modèles déterminés et du renouvellement de ces derniers. Or, la Commission a suffisamment démontré que de telles discussions ont graduellement touché, sinon l’ensemble des contrats de fourniture, à tout le moins les principaux constructeurs automobiles au sein de l’EEE, à savoir notamment [confidentiel].

109    Enfin, en troisième lieu, lors de certaines réunions, plusieurs constructeurs ont fait l’objet de discussions, alors même qu’ils n’appartenaient pas au même groupe automobile et relevaient par conséquent de centrales d’achat distinctes. C’est ainsi, par exemple, que les notes manuscrites prises par M. T. les 20 septembre et 26 octobre 1999, de même que les notes prises par M. B. lors de la réunion du 20 juin 2001, contiennent chacune des références à des modèles du groupe [confidentiel] ainsi qu’à des modèles du groupe [confidentiel], à une époque où, ainsi qu’il ressort du libellé du compte rendu de la réunion du 6 décembre 2001, les discussions étaient encore organisées par pays, en l’occurrence, au sujet du marché français. De même, les notes prises par M. B. lors du contact du 23 juin 2000 contiennent des références non seulement à [confidentiel], mais aussi à [confidentiel].

110    S’agissant ensuite du mécanisme de compensation, dont l’existence est contestée par les requérantes, il y a tout d’abord lieu de se référer aux notes prises par M. B., un employé de la demanderesse de clémence, au cours de l’été 2000, et dont il apparaît que celle-ci a sollicité la « récupér[ation] de volumes » concernant l’ancien modèle de [confidentiel]. Il ressort de l’explication de ces notes fournie par la demanderesse de clémence que, à l’origine, cette dernière avait obtenu 50 % de la fourniture des vitres arrière destinées au nouveau modèle de [confidentiel]. Néanmoins, en raison de problèmes liés à la qualité des produits de la demanderesse de clémence, Saint-Gobain a finalement fourni à [confidentiel] 100 % des vitres arrière de ce modèle. Cette circonstance a, ainsi qu’il ressort des explications de la demanderesse de clémence, conduit cette dernière à réclamer une compensation ultérieure par le biais d’une augmentation de ses volumes de vente.

111    Ensuite, il ressort des notes prises par M. B. le 23 juin 2000 que, dans le cas où l’approvisionnement des nouveaux pare-brise destinés à la [confidentiel] ne devait pas être partagé entre Saint-Gobain et les requérantes, « [AGC (Splintex)] devrait […] céder quelque chose à [Saint-Gobain] ».

112    La Commission produit par ailleurs les notes prises par M. B. au cours de la réunion qui s’est tenue à Paris le 28 juillet 2000 au cours de laquelle des employés de Saint-Gobain, d’AGC (Splintex) et des requérantes ont discuté des fournitures aux constructeurs [confidentiel] et [confidentiel]. Il ressort notamment de ces notes que Saint-Gobain et les requérantes ont, au cours de cette réunion, exprimé leur inquiétude quant au fait qu’AGC (Splintex) avait obtenu, en 2000, 100 000 pare-brise destinés aux modèles [confidentiel] et qu’elles « pourraient [dès lors] avoir besoin de compensations ».

113    Enfin, les notes prises par M. B. peu avant septembre 2001 au sujet du constructeur [confidentiel] contiennent elles aussi des références à une compensation impliquant les membres du club.

114    Ainsi, les notes examinées aux points 110 à 113 ci-dessus, lues à l’aune des explications fournies par la demanderesse de clémence, constituent un faisceau d’indices démontrant à tout le moins l’existence de discussions entre les membres du club au sujet de l’octroi de compensations lorsque l’un d’eux n’obtenait pas un niveau de fourniture de vitrage correspondant à la répartition initialement prévue.

115    Dès lors que ce mécanisme de compensation était de nature à corriger d’éventuels aléas survenant dans le cadre de l’octroi de contrats de fourniture par les constructeurs automobiles ou de la mise en œuvre de tels contrats, c’est sans commettre d’erreur que la Commission a pu considérer que l’existence dudit mécanisme tendait à corroborer l’existence d’un plan global visant à la stabilité des parts de marché entre les entreprises participantes.

116    Il convient de souligner, de surcroît, que plusieurs des notes évoquées au point 110 ci-dessus de même que les notes manuscrites prises par M. B. lors des réunions qui se sont tenues le 27 octobre 2000 et le 5 février 2002, corroborées sur ce point par les déclarations de la demanderesse de clémence, démontrent que les requérantes ont pris part au mécanisme de compensation en cause.

117    Les requérantes soutiennent encore que la Commission n’a pas démontré qu’elles s’étaient systématiquement comportées sur le marché d’une manière conforme aux accords ou pratiques concertées qui ont fait l’objet des réunions et contacts mentionnés dans la décision attaquée, voire qu’elles n’avaient participé à ces réunions et contacts que de manière sporadique.

118    Le Tribunal considère toutefois que, même en supposant ces circonstances établies, celles-ci sont sans incidence sur l’examen du bien-fondé du premier moyen.

119    En effet, il y a lieu de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée au point 79 ci-dessus, dans le cas d’accords ou de pratiques concertées se manifestant lors de réunions d’entreprises concurrentes, une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE est constituée lorsque ces réunions ont pour objet de restreindre, d’empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence et visent ainsi à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. La responsabilité d’une entreprise déterminée du chef de l’infraction est valablement retenue lorsque ladite entreprise a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n’a pas, ensuite, mis en œuvre l’une ou l’autre des mesures convenues lors de celles-ci. L’assiduité plus ou moins grande de l’entreprise aux réunions ainsi que la mise en œuvre plus ou moins complète des mesures convenues peuvent avoir des conséquences non pas sur l’existence de sa responsabilité, mais sur l’étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction (arrêts de la Cour du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 509 et 510, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 145).

120    L’appréciation des effets de l’entente sur la concurrence est également superflue dès lors qu’il ressort du libellé même de l’article 81, paragraphe 1, CE, que tant les accords entre entreprises et les décisions d’associations d’entreprises que les pratiques concertées sont interdits, indépendamment de tout effet, lorsque ces accords, décisions ou pratiques ont un objet anticoncurrentiel (arrêts de la Cour Commission/Anic Partecipazioni, point 79 supra, point 123 ; du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 164, et du 21 septembre 2006, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektronisch Gebied/Commission, C‑105/04 P, Rec. p. I‑8725, points 136 et 137). Or, tel est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, des accords comportent des restrictions patentes de la concurrence comme la coordination des prix et la répartition du marché.

121    Quant au caractère prétendument sporadique des réunions entre les membres du club, il est démenti par l’examen du dossier.

122    Comme le souligne à juste titre la Commission, il y a lieu en effet d’apprécier la fréquence des réunions et contacts entre des concurrents, en vue d’aboutir à une concertation de leur comportement sur le marché, à l’aune tant de l’objet de cette concertation que des circonstances propres au marché qu’elle vise (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 juin 2009, T‑Mobile Netherlands e.a., C‑8/08, Rec. p. I‑4529, point 60).

123    Or, en l’espèce, il convient de tenir compte du fait que, si de nombreux contacts collusoires ont été nécessaires afin de coordonner le comportement des membres du club s’agissant de l’attribution de contrats de fourniture déterminés, dans le but d’assurer la stabilité de leurs parts de marché, les contrats de fourniture de verre automobile ont habituellement une durée de validité de plusieurs années, correspondant à la durée de commercialisation des modèles de véhicules auxquels ils se rapportent. À cette circonstance s’ajoute celle, soulignée à juste titre par la Commission, que la poursuite effective de l’objectif de stabilité des parts de marché des participants à l’entente ne supposait pas nécessairement une collusion sur chaque contrat de fourniture et que, dans certains cas, plusieurs contrats de fourniture faisaient l’objet de discussions au cours d’une même réunion ou lors d’un même contact. Dans ce contexte, la circonstance que des réunions ou contacts entre des membres du club aient pu être espacés de plusieurs semaines, voire dans certains cas de quelques mois, n’est pas de nature à remettre en cause le constat opéré par la Commission selon lequel l’entente litigieuse comportait un plan global visant à assurer la stabilité des parts de marché desdits membres.

124    S’agissant enfin de l’argument des requérantes selon lequel l’existence d’un plan d’ensemble visant à la stabilité globale des parts de marché serait en soi incompatible avec l’identification par la Commission d’une période dite de « montée en puissance » de l’entente, il ne saurait prospérer.

125    À cet égard, il y a tout d’abord lieu de rappeler que des liens de complémentarité entre des accords ou des pratiques concertées constituent des indices objectifs de l’existence d’un plan d’ensemble et qu’il existe de tels liens lorsque lesdits accords ou lesdites pratiques visent à faire face à une ou à plusieurs conséquences du jeu normal de la concurrence et contribuent, par leur interaction, à la réalisation d’un objectif unique anticoncurrentiel (arrêt du Tribunal du 28 avril 2010, Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, T‑446/05, Rec. p. II‑1255, point 92). Or, compte tenu du raisonnement exposé aux points 88 à 123 ci-dessus, il y a lieu de considérer que les contacts collusoires qui ont eu lieu entre les membres du club durant la période d’infraction présentaient entre eux des liens étroits de complémentarité et contribuaient, par leur interaction, à la stabilisation des parts de marché desdits membres dans l’EEE.

126    Il ressort par ailleurs de la jurisprudence que la qualification d’un ensemble de comportements collusoires d’infraction unique et continue à l’article 81, paragraphe 1, CE, caractérisé par le fait que ledit ensemble poursuit une seule finalité, n’est pas contredite par la circonstance que ladite infraction s’est concrétisée de manière progressive (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, point 79 supra, point 82, et arrêts du Tribunal du 16 juin 2011, Team Relocations e.a./Commission, T‑204/08 et T‑212/08, Rec. p. II‑3569, point 33, et Putters International/Commission, T‑211/08, Rec. p. II‑3729, point 31).

127    Ainsi, sans préjudice de l’analyse du deuxième moyen, force est d’admettre qu’une infraction complexe qui, comme en l’espèce, repose non seulement sur un système d’échange d’informations sensibles sur les prix et un contrôle mutuel des parts de marché, mais aussi sur une collusion destinée à répartir entre concurrents les contrats de fourniture avec la majeure partie de la clientèle au sein de l’EEE ainsi que sur un mécanisme de compensation, est susceptible d’impliquer un nombre élevé de réunions ou de contacts, répartis sur plusieurs mois ou années, au cours desquels les modalités de mise en œuvre du plan collusoire global sont discutées et affinées, le plan étant ainsi graduellement concrétisé (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, Dansk Rørindustri/Commission, T‑21/99, Rec. p. II‑1681, points 67 et 68).

128    Compte tenu de ces divers éléments, il y a dès lors lieu de considérer que c’est à juste titre que la Commission a qualifié l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE qui est au cœur du présent litige d’infraction unique et continue ayant consisté en une répartition concertée de contrats relatifs à la fourniture de verre automobile aux principaux constructeurs automobiles dans l’EEE, par la coordination des politiques de prix ainsi que des stratégies d’approvisionnement de la clientèle, et dont l’objectif était d’assurer une stabilité globale des parts de marché des participants dans l’EEE.

129    Sans préjudice de l’examen du deuxième moyen, par lequel les requérantes contestent, à titre subsidiaire, la durée de leur participation à cette infraction unique et continue, c’est, de plus, sans commettre d’erreur que la Commission a décidé que les requérantes avaient participé à ladite infraction unique et continue.

130    Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

B –  Sur le deuxième moyen, pris d’une appréciation erronée de la durée de la participation des requérantes à l’entente litigieuse

a)     Arguments des parties

131    Par leur deuxième moyen, les requérantes font valoir que c’est à tort que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, que leur participation à l’infraction avait débuté le 10 mars 1998. Leur participation à l’infraction n’aurait pas été établie avant le 15 janvier 1999 ou, en tout état de cause, avant le 3 novembre 1998.

132    À cet égard, elles soutiennent tout d’abord que les réunions auxquelles elles ont participé avec Saint-Gobain dans un hôtel à proximité de l’aéroport Charles de Gaulle à Paris, les 10 mars 1998 et 9 octobre 1998, et auxquelles il est fait référence dans la décision attaquée, portaient sur des discussions distinctes de l’ensemble des autres réunions et contacts ultérieurs ayant fondé la constatation, par la Commission, d’une infraction unique et continue. Selon les requérantes, ces réunions avaient pour objectif légitime une amélioration de la compétitivité et de la flexibilité de l’approvisionnement dans le secteur du verre teinté ou surteinté. La mention de certains prix finaux, lors de la réunion du 10 mars 1998, ne signifierait pas que des accords ont été conclus à cette occasion, de telles mentions devant plutôt être comprises, selon les requérantes, comme accessoires à ces discussions légitimes.

133    Même en supposant que ces réunions révèlent l’existence d’une infraction à l’article 81 CE, les requérantes font valoir que celle-ci serait distincte de l’infraction unique et continue sanctionnée dans la décision attaquée. En effet, toute constatation d’une infraction unique et continue devrait être fondée sur des éléments objectifs tels que le type des produits concernés, l’identité des entreprises participantes et des personnes impliquées, la portée géographique et le type de comportement concerné ainsi que tout autre fait pertinent susceptible d’établir un lien suffisamment étroit entre les différents actes en cause. Or, la Commission n’aurait pas démontré que les discussions relatives au verre teinté et surteinté étaient liées d’une quelconque façon aux discussions du club qui ont eu lieu au cours de la période ultérieure. Au contraire, la Commission aurait admis que ces discussions relatives au verre teinté et surteinté poursuivaient un objectif distinct, à savoir améliorer la flexibilité de l’offre dans ce domaine. Cette conclusion serait corroborée, notamment, par la circonstance que la plupart des employés qui ont participé à ces deux réunions n’ont pas participé ultérieurement à une quelconque des réunions du club.

134    Les requérantes soutiennent ensuite que c’est à tort que la Commission a inclus, parmi les réunions illicites du club, la réunion qui s’est tenue à Königswinter au printemps 1998, tant en raison de l’endroit où cette réunion a eu lieu que des personnes qui y ont participé et de l’attention spéciale qui y a été prêtée aux fournitures de vitrage à [confidentiel]. Les requérantes considèrent que cette réunion, de même que celle qui s’est déroulée au début de l’année 1999 à Bruxelles (Belgique), portait spécifiquement sur ce constructeur et mettait en présence des employés qui, pour l’essentiel, étaient responsables de ce compte au sein de leurs entreprises respectives. La circonstance que les noms de ces personnes n’apparaîtraient plus ou presque dans le cadre des autres réunions mentionnées dans la décision attaquée constituerait un indice objectif de la nature spécifique et distincte de la réunion qui s’est déroulée à Königswinter par rapport aux discussions du club. C’est ce que la Commission aurait implicitement admis en indiquant qu’il n’existait pas de plan établi, lié aux discussions du club, au moment où s’est tenue cette réunion.

135    Les requérantes ajoutent que les notes manuscrites prises par M. T., un employé d’AGC (Splintex), datées du 18 mai 1998 et relatives à un contact entre Saint-Gobain et AGC (Splintex) uniquement, ne démontrent pas leur participation à des échanges d’informations entre concurrents jusqu’à cette date. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, ces notes ne feraient même pas référence à l’entreprise qu’elles forment dans le secteur du verre automobile. Les notes de M. T. datées du 28 mai 1998, relatives à un contact entre AGC (Splintex) et Saint-Gobain, ne seraient pas davantage de nature à démontrer une quelconque participation des requérantes à des échanges d’informations sensibles à cette époque. Il en irait de même de l’ensemble des autres documents sur lesquels la Commission se fonde dans la décision attaquée.

136    Quant au document rédigé par M. T. en date du 3 novembre 1998, il ne permettrait d’établir ni que des informations sur les prix ont été échangées au sujet des requérantes à ce moment, ni, a fortiori, que de telles informations provenaient des requérantes. Les requérantes soutiennent, sur ce point, que la Commission ne saurait se fonder sur le témoignage de la demanderesse de clémence visant à interpréter en ce sens le document en cause, ce témoignage n’étant pas corroboré par le libellé dudit document. À titre subsidiaire, les requérantes font valoir que la Commission, en tout état de cause, n’a pas été en mesure de démontrer que des échanges d’information avaient eu lieu entre les requérantes et AGC (Splintex) avant le 3 novembre 1998.

137    Enfin, selon les requérantes, c’est à tort que la Commission a cru pouvoir déduire leur participation à l’entente au cours de l’année 1998 de l’affirmation de la demanderesse de clémence selon laquelle « les concurrents ont évalué les parts de chacun d’entre eux dans le compte [confidentiel] en 1998 », cette affirmation devant être interprétée, selon elles, comme une simple indication du fait que la demanderesse de clémence procédait elle-même, de manière indépendante, à l’évaluation de ses propres parts de marché ainsi que de celles de ses concurrents.

138    Partant, les requérantes demandent au Tribunal d’annuler la décision attaquée dans la mesure où celle-ci inclut, au titre de la durée de leur participation à l’infraction, la période comprise entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999, date à laquelle, selon la décision attaquée, une réunion a eu lieu à Bruxelles entre les trois membres du club et au cours de laquelle lesdits membres auraient échangé des informations relatives aux prix et aux volumes de production s’agissant des pare-brise en verre teinté foncé destinés à divers modèles du constructeur [confidentiel]. À titre subsidiaire, elles font valoir que la Commission n’a pas été en mesure de démontrer leur éventuelle participation à l’infraction avant le 3 novembre 1998. Les requérantes reprochent dès lors à la Commission d’avoir multiplié le montant de base de l’amende par 4,5 dans leur cas, ce coefficient multiplicateur correspondant au nombre d’années de leur prétendue participation à l’infraction, et font valoir qu’un coefficient multiplicateur de 4 tout au plus aurait dû leur être appliqué.

139    La Commission s’oppose à ces critiques.

140    Selon elle, c’est à bon droit que la participation des requérantes à l’infraction unique et continue faisant l’objet de la décision attaquée a été retenue pour la période comprise entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999.

141    Elle rappelle à cet égard que, en vertu d’une jurisprudence constante, l’existence d’une infraction unique et continue à l’article 81 CE ne saurait être remise en cause au motif qu’un ou plusieurs éléments de la série d’actes qui la composent pourraient également constituer, pris isolément, une violation de cette disposition. Ainsi que l’a confirmé la Cour dans son arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra (point 258), il y aurait lieu de tenir compte du fait que différentes actions s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Il serait sans importance, à cet égard, que la preuve d’une continuation de l’infraction n’ait pu être apportée pour certaines périodes déterminées, pour autant que les différentes actions qui font partie de ladite infraction poursuivent une seule finalité et s’inscrivent dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu.

142    La Commission souligne également qu’une entreprise peut être tenue pour responsable d’une infraction unique et continue à l’article 81 CE pour toute la période de sa participation à celle-ci, même si elle n’a participé directement qu’à un ou plusieurs des éléments constitutifs de ladite infraction, dès lors qu’elle savait, ou devait nécessairement savoir, d’une part, que la collusion à laquelle elle participait s’inscrivait dans un plan global et, d’autre part, que ce plan global recouvrait l’ensemble des éléments constitutifs de l’entente.

143    En l’espèce, les contacts qui ont eu lieu entre les requérantes et Saint-Gobain au sujet du verre teinté et surteinté, entre mai 1997 et janvier 1999, n’auraient pas poursuivi, dans leur ensemble, un objectif légitime. Ainsi, la Commission souligne que les requérantes n’ont pas contesté que l’un de leurs employés, M. C., était présent lors de la réunion du 10 mars 1998. Cet employé aurait participé à sept autres réunions au moins, qui n’avaient pas exclusivement pour objet le verre teinté. Les requérantes auraient par ailleurs admis, dans leur réponse à la communication des griefs, que les entreprises qui ont participé à la réunion du 10 mars 1998 ont non seulement échangé des informations tarifaires à caractère général s’agissant des prix cibles pour les toits ouvrants, mais aussi discuté des prix finaux à proposer aux clients pour les produits [confidentiel] et [confidentiel].

144    Or, il serait illogique de prétendre, comme le font les requérantes, que des prix finaux de pièces de vitrage ont été mentionnés de manière purement accessoire lors de cette réunion et que celle-ci avait dès lors un objet exclusivement technique. Selon la Commission, il ressortirait au contraire du dossier qu’une coordination sur les prix pour une pièce de vitrage pour des voitures particulières ainsi que des véhicules utilitaires légers a bien eu lieu lors de cette réunion. La nature similaire des contacts collusoires ultérieurs, y compris lors des réunions des 18 et 28 mai 1998, justifierait que l’ensemble de ces comportements soient sanctionnés au titre d’une seule et même infraction continue. Des conclusions identiques s’imposeraient en ce qui concerne la réunion du 9 octobre 1998, dès lors que les intérêts commerciaux des requérantes et de Saint-Gobain y ont été discutés et que ces entreprises ont exprimé leur souhait d’examiner les avantages mutuels que pourrait présenter une coopération.

145    La Commission conteste ensuite l’argument des requérantes selon lequel la réunion de Königswinter au printemps 1998 ne saurait être assimilée à une réunion du club dès lors que, d’une part, elle aurait concerné un constructeur spécifique, à savoir [confidentiel], et, d’autre part, leur représentant lors de cette réunion n’aurait participé à aucune réunion du club à un stade ultérieur. La Commission ne serait pas tenue, en vue de conclure à l’existence d’une infraction unique et continue, de démontrer que les mêmes représentants des entreprises concernées ont assisté à toutes les réunions de l’entente. Au contraire, la Commission soutient que les contacts anticoncurrentiels identifiés dans la décision attaquée ont pu impliquer plusieurs employés des requérantes, responsables de clients différents. Il ne serait pas nécessaire non plus, pour conclure à l’existence d’une infraction unique et continue, que toutes les discussions anticoncurrentielles aient le même contenu. À cet égard, la Commission souligne qu’il est logique que, durant la phase de « montée en puissance » de l’entente, les réunions se soient concentrées sur certains constructeurs automobiles seulement.

146    La Commission considère, de surcroît, que plusieurs notes manuscrites relatives à des discussions entre la demanderesse de clémence et Saint-Gobain, saisies au cours de l’enquête, confirment la participation des requérantes à l’infraction unique et continue entre mai et novembre 1998. Bien que le nom d’un représentant des requérantes n’apparaisse pas dans ces notes, la position de l’entreprise formée par les requérantes sur le marché du vitrage automobile y serait mentionnée à plusieurs reprises et aurait ainsi, nécessairement, été prise en compte pour déterminer les mesures à adopter ultérieurement. Partant, même s’il s’avérait que lesdites notes font référence à une conversation interne entre deux employés de la demanderesse de clémence, il en ressortirait que cette dernière entreprise a eu des contacts collusoires avec Saint-Gobain et avec les requérantes. Cette implication des requérantes dans les discussions qui ont eu lieu en 1998 serait encore confirmée par les déclarations de la demanderesse de clémence.

147    Quant à la note rédigée le 17 juin 1998 par M. T. ainsi qu’aux notes rédigées par M. B., un autre employé de la demanderesse de clémence, contenant des estimations des parts de marché des trois grands fournisseurs de verre automobile en 1998, elles établiraient l’implication des requérantes dans l’échange d’informations sensibles entre concurrents dès cette époque. Il serait sans pertinence, à cet égard, que la note de M. T. fasse référence à une fourchette de prix comprise entre « 140 [et] 142 » s’agissant des requérantes, un tel manque de précision pouvant s’expliquer par la circonstance que celles-ci n’avaient pas fourni à leurs concurrents d’informations plus détaillées sur ce point. Les déclarations de la demanderesse de clémence confirmeraient, de surcroît, que les évaluations de parts de marché contenues dans les notes de M. B. étaient le fruit d’un échange d’informations auquel les requérantes ont participé.

148    Enfin, selon la Commission, les requérantes n’auraient pas utilement contesté le fait qu’une réunion avait bien eu lieu entre les membres du club le 29 septembre 1998 et que, selon l’ordre du jour de cette réunion, des informations sur les prix devaient être échangées à cette occasion entre les requérantes, Saint-Gobain et la demanderesse de clémence s’agissant du nouveau modèle de [confidentiel]. Cela constituerait une nouvelle illustration des intentions anticoncurrentielles qui animaient ces entreprises dès 1998.

149    La Commission conclut dès lors que c’est à juste titre qu’elle a appliqué un coefficient multiplicateur de 4,5 lors du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, celui-ci reflétant le nombre d’années de participation de ces dernières à l’infraction.

b)     Appréciation du Tribunal

150    Selon une jurisprudence bien établie, une série de comportements de plusieurs entreprises peut constituer l’expression d’une infraction unique et complexe relevant pour partie de la notion d’accord et pour partie de celle de pratique concertée, pour autant que ces comportements partagent le même objet anticoncurrentiel (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, HFB e.a./Commission, T‑9/99, Rec. p. II‑1487, point 188, et la jurisprudence citée). Lorsque les différentes actions des entreprises impliquées s’inscrivent dans un plan d’ensemble, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, point 258, et la jurisprudence citée), même s’il est établi que l’entreprise concernée n’a participé directement qu’à un ou à plusieurs éléments constitutifs de l’infraction (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2007, BASF et UCB/Commission, T‑101/05 et T‑111/05, Rec. p. II‑4949, point 161, et la jurisprudence citée).

151    Par ailleurs, il résulte des principes rappelés au point 83 ci-dessus que des indices et coïncidences peuvent, compte tenu du caractère clandestin des activités que des accords ou pratiques anticoncurrentiels comportent, révéler non seulement l’existence de tels accords ou pratiques, mais également la durée d’un comportement anticoncurrentiel continu et la période d’application d’un accord conclu en violation des règles de la concurrence, la durée étant un élément constitutif de la notion d’infraction au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE (arrêt Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektronisch Gebied/Commission, point 120 supra, points 94 à 96, et arrêt de la Cour du 6 décembre 2012, Commission/Verhuizingen Coppens, C‑441/11 P, non encore publié au Recueil, point 71).

152    En l’espèce, il convient, à titre liminaire, de rappeler les constats opérés aux points 128 et 129 ci-dessus, selon lesquels c’est à juste titre que la Commission a, d’une part, qualifié l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE qui est au cœur du présent litige d’infraction unique et continue ayant consisté en une répartition concertée de contrats relatifs à la fourniture de verre automobile aux principaux constructeurs automobiles dans l’EEE, par la coordination des politiques de prix ainsi que des stratégies d’approvisionnement de la clientèle, et dont l’objectif était d’assurer une stabilité globale des parts de marché des participants dans l’EEE, et, d’autre part, conclu à la participation des requérantes à ladite infraction.

153    Par le présent moyen, les requérantes font toutefois valoir que c’est à tort que la Commission a retenu leur participation à cette infraction unique et continue entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999.

154    À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que, selon la décision attaquée, Saint-Gobain et les requérantes ont, dans la seconde moitié des années 90, cherché à harmoniser la couleur et le degré de transmission lumineuse du verre teinté foncé de leurs marques respectives, à savoir les marques [confidentiel] et [confidentiel], en vue de faciliter l’approvisionnement des clients et de créer des opportunités de permutation. Les requérantes soutiennent que ces discussions ont, à tout le moins jusqu’au mois de janvier 1999, exclusivement poursuivi un but légitime, à savoir l’amélioration de la compétitivité et la flexibilité de l’approvisionnement des constructeurs automobiles en verre surteinté.

155    Selon la Commission, au contraire, au moins à partir du 10 mars 1998, ces discussions ont également eu pour objet une coordination des réponses à apporter aux constructeurs automobiles qui souhaitaient faire jouer la concurrence entre les différents fournisseurs de verre automobile afin d’éviter d’être dépendants d’une source d’approvisionnement unique. C’est dans ce contexte que Saint-Gobain et les requérantes auraient eu plusieurs contacts au cours desquels elles ont harmonisé leurs gammes respectives de verre surteinté sur certains paramètres essentiels tels que la transmission lumineuse, la couleur ainsi que l’épaisseur, de façon à pouvoir organiser des permutations dans les livraisons. Des informations sensibles sur le plan commercial auraient été échangées au cours de ces réunions, notamment des informations tarifaires à caractère général ou des informations relatives aux coûts de production de verre flotté foncé, en vue d’une coordination des réponses à apporter à des appels d’offres lancés par certains constructeurs automobiles.

156    Ainsi, selon la Commission, l’objet de ces réunions a dépassé l’objectif légitime d’une amélioration de l’efficacité de l’approvisionnement des constructeurs automobiles. En particulier, aux termes du considérant 125 de la décision attaquée, lors d’une réunion bilatérale du 10 mars 1998 dans un hôtel à proximité de l’aéroport Charles de Gaulle à Paris, les requérantes et Saint-Gobain ont eu une discussion au sujet du verre teinté foncé pour les toits ouvrants. Des informations tarifaires à caractère général concernant les prix cibles pour les toits ouvrants auraient été échangées à cette occasion. Il ressortirait de surcroît du libellé des notes prises à l’occasion de cette réunion que ces deux concurrents y étaient convenus de maintenir à un certain niveau les prix de leurs produits [confidentiel] et [confidentiel].

157    Les requérantes ne contestent pas que deux de leurs employés, en l’occurrence MM. R. et C., ont assisté à cette réunion du 10 mars 1998, en présence de représentants de Saint-Gobain. Dès lors qu’il n’est pas davantage contesté que M. C. exerçait des fonctions commerciales au sein de l’entreprise formée par les requérantes, il est sans pertinence, aux fins de l’examen du bien-fondé du présent moyen, que M. R. assumait quant à lui des fonctions d’ordre technique pour le compte des requérantes. Les requérantes ont de plus admis, dans leur réponse à la communication des griefs, que les prix finaux des produits [confidentiel] et [confidentiel], à savoir des pièces de vitrage pour toits ouvrants, avaient bien été discutés lors de cette réunion. Il ressort au demeurant des notes auxquelles la Commission se réfère dans la décision attaquée que les requérantes et Saint-Gobain étaient, lors de cette réunion, « convenus [de] maintenir les prix » des deux produits de vitrage susvisés à [confidentiel] marks allemands.

158    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a conclu que les requérantes et Saint-Gobain avaient, au cours de cette réunion, coordonné les prix d’une pièce de vitrage pour des voitures particulières ainsi que des véhicules utilitaires légers. Ce constat ne saurait être remis en cause par la circonstance, soulignée par les requérantes, que les discussions qui ont eu lieu entre ces dernières et Saint-Gobain au cours de cette réunion portaient également sur des questions techniques potentiellement couvertes par l’exemption par catégorie s’appliquant aux accords de spécialisation. En effet, une telle circonstance n’est pas, en soi, de nature à atténuer ou à neutraliser le caractère anticoncurrentiel de la coordination sur les prix identifiée ci-dessus.

159    En deuxième lieu, les requérantes ne contestent pas avoir participé à une autre réunion à une date indéterminée au printemps 1998, trilatérale cette fois, en présence de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex), organisée au domicile de l’un des employés d’AGC (Splintex) à Königswinter, en Allemagne. Tout en ne contestant pas le contenu de cette réunion, elles font néanmoins valoir que celle-ci ne présentait aucun lien avec les discussions du club, cette réunion ayant concerné un seul constructeur, à savoir [confidentiel], et poursuivi des objectifs spécifiques. Dans ces circonstances, la Commission aurait rattaché à tort cette réunion à l’infraction unique et continue qui fait l’objet de la décision attaquée.

160    À cet égard, il ressort de la décision attaquée que, lors de cette réunion, des employés des requérantes, de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex) ont échangé des données relatives aux prix ainsi que d’autres informations commercialement sensibles concernant l’appel d’offres lancé par [confidentiel] au sujet du nouveau modèle d’[confidentiel]. La demanderesse de clémence a confirmé, dans ses déclarations orales à la Commission, que ces discussions avaient pour objet une répartition entre les trois concurrents de la fourniture des différentes pièces de vitrage destinées à ce modèle, tout en veillant à l’obtention de prix élevés. Les requérantes ne contestent pas, de surcroît, le constat opéré par la Commission au considérant 132 de la décision attaquée, selon lequel, pour arriver au niveau de prix souhaité, les concurrents sont partis du prix facturé par les requérantes pour [confidentiel], auquel 25 % ont été ajoutés afin de tenir compte de la surface plus importante du pare-brise du nouveau modèle d’[confidentiel]. La demanderesse de clémence a encore déclaré que, au cours de cette réunion, elle avait sollicité de la part de Saint-Gobain et des requérantes que ces entreprises lui offrent une couverture sur les prix dans le cadre de l’attribution du contrat de fourniture de vitrage destiné à ce modèle.

161    Il apparaît ainsi établi non seulement que les requérantes ont participé à cette réunion, mais aussi que cette dernière avait un objet anticoncurrentiel.

162    En troisième lieu, les pièces du dossier n’établissent certes pas la participation des requérantes aux contacts qui ont eu lieu les 18 et 28 mai 1998 entre un employé d’AGC (Splintex) et un employé de Saint-Gobain. Toutefois, les notes prises à l’occasion desdits contacts, versées au dossier, contiennent plusieurs indices corroborant l’interprétation de la Commission selon laquelle AGC (Splintex) et Saint-Gobain avaient, à tout le moins, l’intention de contacter les requérantes aux fins de prolonger leurs discussions collusoires. Ainsi, aux termes de l’une de ces notes, si « [AGC (Splintex)] [était] bien placé(e) », ce producteur n’offrait toutefois pas le prix le plus bas, cette note se poursuivant par une suggestion que l’offre la plus basse proviendrait des requérantes. Le sens de ce passage doit être compris à l’aune du « mécanisme de couverture » qui était au cœur de l’entente sanctionnée dans la décision attaquée, dont le fonctionnement a été rappelé au point 77 ci-dessus. Dans une autre note apparaît, outre une indication quasi similaire au sujet du modèle [confidentiel], une interrogation explicite quant aux prix pratiqués par les requérantes, cette note soulignant par ailleurs la nécessité de contacter ces dernières à ce sujet.

163    En quatrième lieu, il ressort des notes prises par M. T. le 22 septembre 1998 qu’une réunion était à tout le moins prévue à Fleurus (Belgique) entre les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex), le 29 septembre 1998. Si le dossier ne permet certes pas d’établir que cette réunion a bien eu lieu, il demeure que ce document fait expressément référence au modèle [confidentiel]. Or, premièrement, il ressort des déclarations orales de la demanderesse de clémence que des contacts ont bien eu lieu entre elle-même, les requérantes et Saint-Gobain entre les mois de mai et de novembre 1998, concernant les livraisons de vitrage destiné à la [confidentiel], contacts au cours desquels un employé des requérantes aurait communiqué des informations sur les prix pratiqués par ces dernières. Deuxièmement, les déclarations de la demanderesse de clémence confirment que cette dernière a utilisé ces informations en vue de préparer des discussions ultérieures au sujet du nouveau modèle de [confidentiel].

164    Ces éléments fournissent ainsi des indices corroborant l’interprétation de la Commission selon laquelle les requérantes ont, dès 1998, participé à des échanges d’informations sensibles sur les prix et les volumes de production concernant l’attribution de certains contrats de fourniture de vitrage à des constructeurs automobiles.

165    À ces indices s’ajoute le tableau préparé par M. T., un employé de la demanderesse de clémence, le 17 juin 1998. Ce tableau, qui a, selon la demanderesse de clémence, été complété avec des informations reçues de ses concurrents, contient en effet une référence à la production de [confidentiel] pare-brise par les requérantes, couvrant quatre modèles du constructeur [confidentiel], correspondant à [confidentiel] des parts de marché totales exprimées en volumes de production, ainsi qu’à un chiffre d’affaires de [confidentiel] de francs français (FRF), correspondant pour sa part à [confidentiel] des parts de marché totales exprimées en chiffres d’affaires.

166    Enfin, en cinquième lieu, il ressort des notes manuscrites prises par M. B. et auxquelles la Commission fait référence au considérant 157 de la décision attaquée, lues à l’aune des déclarations recueillies dans le cadre du programme de clémence, que les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) ont échangé des estimations de parts de marché en 1998 s’agissant du compte [confidentiel]. Ces mêmes notes et déclarations font également apparaître que les requérantes ont fourni à un employé de la demanderesse de clémence des informations sensibles s’agissant des prix et des volumes de production de vitrage destiné aux modèles du constructeur [confidentiel].

167    Ainsi, il découle du raisonnement exposé aux points 154 à 166 ci-dessus que, s’il n’est certes pas possible de conclure à la participation des requérantes à l’ensemble des réunions et contacts collusoires auxquels se réfère la Commission dans la décision attaquée entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999, il est en revanche établi que les requérantes ont, à compter du 10 mars 1998, pris part à divers contacts ou réunions au cours desquels elles ont échangé avec des concurrents des informations sensibles sur le plan commercial, s’agissant notamment des prix et des volumes de production. Or, le fait de communiquer des renseignements sensibles sur le plan commercial à ses concurrents, en vue de préparer un accord anticoncurrentiel, suffit à prouver l’existence d’une pratique concertée au sens de au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE (voir, en ce sens, arrêts Tréfilunion/Commission, point 80 supra, point 82, et BPB/Commission, point 80 supra, point 178).

168    En outre, les notes et les déclarations de la demanderesse de clémence examinées aux points 154 à 166 ci-dessus corroborent le point de vue de la Commission selon lequel les requérantes ont, à partir du 10 mars 1998, participé à des discussions ayant pour objet une répartition des livraisons de pièces de vitrage destinées à certains modèles de divers constructeurs automobiles. Or, même si la Commission ne parvient pas à démontrer que les entreprises ont conclu un accord au sens strict du terme, il suffit, pour constater une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, que les concurrents aient, comme en l’espèce, pris des contacts directs en vue de « stabiliser le marché » (voir, en ce sens, arrêt BPB/Commission, point 80 supra, point 170).

169    Ainsi qu’il ressort du point 158 ci-dessus, il est établi, de surcroît, que, dans le cas de la réunion initiale du 10 mars 1998, les requérantes se sont entendues avec Saint-Gobain sur le prix auquel seraient commercialisés aux constructeurs automobiles les produits [confidentiel] et [confidentiel].

170    Partant, les comportements que la Commission reproche aux requérantes à partir du 10 mars 1998 présentaient bien un caractère anticoncurrentiel.

171    Il convient toutefois d’examiner si, conformément aux principes rappelés au point 150 ci-dessus, lesdits comportements s’inscrivaient dans le plan d’ensemble de l’infraction unique et continue qui fait l’objet de la décision attaquée, en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun.

172    Le Tribunal considère, à cet égard, que la Commission a correctement établi la continuité, en termes de méthodes et de pratiques, existant entre les comportements examinés aux points 154 à 166 ci-dessus et l’infraction unique et continue sanctionnée par la Commission dans la décision attaquée (voir, par analogie, arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 127 supra, point 68).

173    Ainsi, tout d’abord, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, la circonstance que la réunion qui s’est déroulée au printemps 1998 au sujet du nouveau modèle d’[confidentiel] ne concernait qu’un seul constructeur automobile ne saurait être interprétée en ce sens que cette discussion était étrangère à l’infraction unique et continue sanctionnée dans la décision attaquée. En effet, ainsi qu’il a été exposé au point 108 ci-dessus, d’une part, la réalisation de l’objectif global de stabilité des parts de marché des membres du club supposait nécessairement que des discussions aient lieu au sujet de l’attribution de contrats spécifiques de livraison à certains constructeurs automobiles, à l’aune de la répartition des fournitures existante. D’autre part, la Commission a suffisamment démontré que de telles discussions ont graduellement touché, sinon l’ensemble des contrats de fourniture, à tout le moins les principaux constructeurs automobiles au sein de l’EEE. Or, compte tenu de l’objet anticoncurrentiel de cette réunion, tel qu’il est exposé au point 160 ci-dessus, il y a lieu de considérer que celle-ci se rattachait bien aux discussions portant sur la répartition concertée de contrats relatifs à la fourniture de verre automobile par le biais d’une coordination des politiques de prix ainsi que des stratégies d’approvisionnement de la clientèle, sanctionnées au titre d’une infraction unique et continue dans la décision attaquée.

174    Ensuite, s’il est exact que les différents contacts et réunions identifiés par la Commission dans la décision attaquée entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999 ne portaient pas encore sur la fourniture de verre automobile à la quasi-totalité des constructeurs automobiles au sein de l’EEE, l’examen global des éléments du dossier analysés aux points 154 à 166 ci-dessus fait néanmoins apparaître que les réunions ou contacts auxquels les requérantes ont participé au cours de cette période portaient sur la fourniture de verre automobile à plusieurs grands groupes automobiles dans l’EEE, à savoir [confidentiel]. Ces pièces fournissent également un faisceau d’indices que les requérantes ont pris part à des pratiques collusoires s’agissant de l’attribution de contrats de fourniture au cours de la période débattue dans le cadre du présent moyen, par le biais d’une participation au « mécanisme de couverture » dont le fonctionnement a été exposé au point 77 ci-dessus, et que ces pratiques collusoires impliquaient notamment un contrôle mutuel des parts de marché. Or, il existe une continuité évidente entre ces éléments et ceux ayant caractérisé les pratiques et comportements collusoires identifiés par la Commission au cours de la période d’infraction qui a débuté le 15 janvier 1999.

175    Par ailleurs, la succession de réunions et de contacts réguliers entre plusieurs concurrents sur le marché du verre automobile durant l’année 1998, afin d’échanger des informations sensibles et de discuter de la répartition de certains contrats de fourniture, tend à confirmer qu’il existait, dès cette époque, une volonté commune, parmi les participants à ces réunions et contacts, d’amorcer une stabilisation du marché par le biais de mesures restreignant la concurrence (voir, par analogie, arrêt Dansk Rørindustri/Commission, point 127 supra, point 46). Ainsi, ces discussions se rapportaient déjà à l’objectif global de l’entente ayant fait l’objet de la décision attaquée, consistant en une stabilisation globale des positions respectives des entreprises participantes sur le marché du verre automobile dans l’EEE.

176    Enfin, ainsi qu’il ressort du considérant 664 de la décision attaquée, il y a lieu de constater que, bien que les participants à l’entente aient eu, dès l’origine, une volonté commune d’amorcer une stabilisation du marché, ce n’est que de manière progressive qu’ils ont étendu leur comportement collusoire à un nombre croissant de constructeurs automobiles au cours de la période dite de « montée en puissance ». À cet égard, il ressort du compte rendu daté du 6 décembre 2001 et portant la référence EF7, examiné aux points 89 à 91 ci-dessus, que les discussions anticoncurrentielles des membres du club se sont déroulées par pays durant la première période d’infraction, qualifiée par la Commission de phase de « montée en puissance », avant d’être organisées à l’échelle de l’EEE.

177    Il importe de replacer cette dernière constatation dans le contexte plus général du marché du verre automobile dans l’EEE et du fonctionnement de l’infraction unique et continue sanctionnée dans la décision attaquée.

178    Ainsi, en premier lieu, il ressort du considérant 66 de la décision attaquée, qui n’a pas été contesté par les requérantes, que certains constructeurs automobiles privilégient la conclusion de contrats de fourniture de verre automobile pour la totalité du cycle de vie d’un modèle de véhicule, la Commission ayant souligné que de tels contrats  étaient en général conclus pour une durée de cinq à sept ans, voire pour une durée plus longue.

179    En deuxième lieu, ainsi qu’il est souligné au considérant 660 de la décision attaquée, l’objectif d’une stabilisation des parts de marché des membres du club ne nécessitait pas une collusion sur chaque contrat de fourniture. La nécessité de procéder à des discussions sur l’attribution de contrats de fourniture déterminés était appréciée, dans le cadre de l’entente litigieuse, en fonction de la répartition des livraisons en vigueur, du besoin subjectif de prendre des mesures pour conserver les parts de marché respectives des participants ainsi que de la capacité de chaque contrat à entraîner un changement notable dans la part des livraisons générales envisagées par chacun d’eux.

180    En troisième lieu, enfin, il convient de rappeler le constat opéré au point 127 ci-dessus, selon lequel une infraction complexe qui, comme en l’espèce, repose non seulement sur un système d’échange d’informations sensibles sur les prix et un contrôle mutuel des parts de marché, mais aussi sur une collusion destinée à répartir entre concurrents les contrats de fourniture à la majeure partie de la clientèle au sein de l’EEE ainsi que sur un mécanisme de compensation, est susceptible d’impliquer un nombre élevé de réunions ou de contacts, répartis sur plusieurs mois ou années, au cours desquels les modalités de mise en œuvre du plan collusoire global sont discutées et affinées, le plan d’ensemble n’étant ainsi concrétisé que de façon graduelle.

181    Dans ce contexte, la circonstance que les pratiques collusoires des membres du club n’aient, durant la période comprise entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999, touché que certains grands constructeurs automobiles au sein de l’EEE seulement ne fait pas obstacle à ce que lesdites pratiques soient incluses dans l’infraction unique et continue sanctionnée dans la décision attaquée, le fait que certaines caractéristiques ou que l’intensité de ces pratiques aient évolué au cours de la période d’infraction n’ayant pas pour effet de remettre en cause une telle qualification en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 24 mars 2011, Comap/Commission, T‑377/06, Rec. p. II‑1115, point 85).

182    Le Tribunal relève encore que les requérantes ne se sont pas distanciées publiquement du contenu des réunions et des contacts anticoncurrentiels auxquels elles ont participé entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999 et qu’elles n’ont par ailleurs avancé aucun indice de nature à établir que leur participation auxdites réunions ou auxdits contacts était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elles avaient indiqué à leurs concurrents qu’elles participaient à ces réunions et contacts dans une optique différente de la leur (voir la jurisprudence citée au point 84 ci-dessus).

183    Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est, dès lors, sans commettre d’erreur que la Commission a conclu que les requérantes avaient participé à l’infraction litigieuse durant la période comprise entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999. Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté comme non fondé.

III –  Sur les moyens visant le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes

184    Seront examinés successivement, tout d’abord, le moyen par lequel les requérantes reprochent à la Commission, en substance, d’avoir pris en compte des chiffres de vente inappropriés lors du calcul du montant de l’amende, d’avoir commis une erreur de procédure à cet égard et de ne pas avoir motivé la décision attaquée sur ce point, ensuite, le moyen pris d’une violation des principes de proportionnalité et d’individualité des peines ainsi que d’une méconnaissance de la pratique administrative antérieure, puis le moyen par lequel les requérantes reprochent à la Commission d’avoir insuffisamment tenu compte, lors du calcul du montant de l’amende, de la gravité moindre de leur comportement par rapport à celui de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex) et d’avoir ainsi méconnu le principe d’égalité de traitement et, enfin, le moyen pris d’un dépassement du plafond de l’amende tel qu’il résulte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

185    Il convient toutefois de répondre, à titre liminaire, au grief pris par les requérantes de l’erreur méthodologique qu’aurait commise la Commission lors de l’appréciation de la gravité relative de leur participation à l’entente litigieuse.

A –  Sur la méthodologie retenue par la Commission aux fins d’apprécier la gravité relative de la participation des requérantes à l’entente litigieuse

186    Il convient d’examiner, à titre liminaire, l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait dû tenir compte, au stade du calcul du montant de base de l’amende, de la gravité moindre de leur comportement dans le cadre de l’infraction, en comparaison de celui d’AGC (Splintex) et de Saint-Gobain. Les requérantes font valoir à cet égard que c’est à tort que le montant de base de l’amende qui leur a été infligée a été calculé en retenant, d’une part, le même taux de ventes liées directement ou indirectement à l’infraction que celui retenu à l’égard des autres participants à l’entente, à savoir 16 %, et, d’autre part, le même taux pour le calcul du montant additionnel, également qualifié de « droit d’entrée », que celui retenu à l’égard desdits participants, à savoir 16 %.

187    Ce grief ne saurait toutefois prospérer.

188    Il ressort des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement n° 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2, ci-après les « lignes directrices de 2006 »), appliquées dans la décision attaquée, de même que de la jurisprudence que, en principe, si la gravité de l’infraction est, dans un premier temps, appréciée en fonction des éléments propres à l’infraction, tels que sa nature, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et sa mise en œuvre ou non, dans un second temps, cette appréciation est modulée en fonction de circonstances aggravantes ou atténuantes propres à chacune des entreprises ayant participé à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, Rec. p. II‑7583, point 264, et la jurisprudence citée).

189    Ainsi, la première phase de la méthode de fixation de l’amende par la Commission a pour objet de déterminer le montant de base de l’amende infligée à chaque entreprise concernée, et ce en appliquant sur la valeur des ventes de produits ou de services en cause sur le marché géographique concerné de chacune d’elles un premier coefficient multiplicateur reflétant la gravité de l’infraction, voire un second coefficient multiplicateur visant à les dissuader de s’engager de nouveau dans de tels comportements illégaux. Or, ainsi qu’il ressort des lignes directrices de 2006, chacun de ces deux coefficients multiplicateurs est déterminé au regard de facteurs qui reflètent en principe les caractéristiques de l’infraction prise dans sa globalité, à savoir en ce qu’elle regroupe l’ensemble des comportements anticoncurrentiels de la totalité de ses participants (arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, point 188 supra, point 265).

190    Contrairement à ce que laissent entendre les requérantes, il n’y a donc pas lieu obligatoirement, lors de la détermination du montant de ces deux coefficients multiplicateurs, de tenir compte des caractéristiques spécifiques liées à l’infraction commise par chacun des participants pris individuellement, telles que l’éventuelle absence de participation de l’un d’eux à certaines réunions ou à certains contacts, voire la circonstance que l’un ou l’autre participant n’a pas mis en œuvre certains accords. Cette constatation est en outre confortée par l’objet même de la seconde phase de la méthode de fixation du montant des amendes, qui vise, quant à elle, précisément à tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes qui caractérisent, de manière individuelle, le comportement anticoncurrentiel de chacun des participants à l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non encore publié au Recueil, point 105 ; arrêt Aragonesas Industrias y Energía/Commission, point 188 supra, point 266).

191    Autrement dit, en application des lignes directrices de 2006, il était loisible à la Commission de procéder à une prise en compte de la gravité relative de la participation des requérantes à l’infraction et des circonstances particulières de l’affaire soit lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction, soit lors de l’ajustement du montant de base en fonction de circonstances atténuantes et aggravantes, sous réserve, dans ce dernier cas, de tenir compte de manière adéquate de la gravité relative de la participation à l’infraction ainsi que d’une éventuelle variation de cette gravité dans le temps (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, point 190 supra, point 104).

192    Par conséquent, sans préjudice de l’examen des autres moyens du recours relatifs au calcul du montant de l’amende, la Commission était fondée à appliquer à l’ensemble des entreprises destinataires de la décision attaquée les mêmes coefficients pour la détermination de la proportion des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction ainsi que pour la fixation des montants additionnels inclus dans les amendes. De même, la Commission était libre d’examiner la gravité relative de la participation des requérantes à l’entente dans le cadre de l’appréciation des circonstances aggravantes et atténuantes propres à chacune des entreprises concernées.

B –  Sur le troisième moyen, pris de l’utilisation de chiffres de vente inappropriés lors du calcul du montant de l’amende, d’une erreur de procédure et d’un défaut de motivation

193    Le troisième moyen, qui porte sur la valeur des ventes prises en compte par la Commission pour calculer le montant de l’amende infligée aux requérantes, se subdivise en trois branches. La première est tirée de la prise en compte de chiffres de vente inappropriés dans le cadre du calcul du montant de l’amende. La deuxième est tirée d’une violation des droits procéduraux dont bénéficient les requérantes au titre de l’article 27 du règlement n° 1/2003. La troisième, enfin, est tirée d’un défaut de motivation.

1.     Sur la première branche, tirée de la prise en compte de chiffres de vente inappropriés lors du calcul du montant de l’amende

a)     Arguments des parties

194    Les requérantes reprochent à la Commission, dans une première branche, de ne pas avoir suivi la méthode de calcul des amendes prescrite au point 13 des lignes directrices de 2006, en vertu duquel seules les ventes de l’entreprise concernée liées directement ou indirectement à l’infraction, durant la dernière année complète de leur participation à l’infraction, peuvent être prises en compte aux fins du calcul du montant de l’amende. La valeur des ventes effectuées par les requérantes, telle qu’elle a été retenue en l’espèce par la Commission, serait en effet sensiblement supérieure à celle des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction et, de surcroît, concernerait des ventes réalisées en dehors de la dernière année complète de participation des requérantes à l’infraction.

195    Les requérantes font tout d’abord valoir, à cet égard, que la Commission ne pouvait pas tenir compte des ventes réalisées en application de contrats conclus avant le début de la période d’infraction et qui n’ont pas fait l’objet d’une renégociation durant la période d’infraction. À l’audience, les requérantes ont fait valoir que, si, en vertu de la jurisprudence, la notion de valeur des ventes visée au point 13 des lignes directrices de 2006 ne saurait être comprise comme visant exclusivement le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par l’entente, en revanche, ladite notion ne saurait s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas de cette entente.

196    Pour ce même motif, la Commission aurait inclus à tort, dans sa base de calcul, des ventes de verre automobile réalisées en exécution de contrats au sujet desquels elle n’a pas établi l’existence de discussions illicites. En effet, seules les ventes qui, de manière directe ou indirecte, sont affectées par l’infraction pourraient être prises en compte. Or, les requérantes soulignent que, même s’il était établi que l’objectif des réunions et contacts en cause était une stabilisation globale des parts de marché, cela n’impliquerait pas que l’ensemble des ventes aux constructeurs automobiles, pendant une période déterminée, ait été affecté en ce sens. Ainsi, il y aurait lieu de tenir compte du fait que chaque contrat porte sur des produits distincts et que les constructeurs automobiles disposent d’un pouvoir considérable dans le cadre de chaque négociation. Les ventes résultant d’une offre remportée de manière pleinement concurrentielle ne seraient pas pertinentes en vue de refléter le préjudice pour la concurrence occasionné par l’infraction. La Commission ne pourrait pas, par ailleurs, supposer que certains contrats sont le fruit d’une collusion des membres du club sans être en mesure de le démontrer.

197    La Commission aurait également commis une erreur en calculant une moyenne des ventes affectées couvrant l’ensemble de la période d’infraction, alors même que, selon le point 13 des lignes directrices de 2006, seules les ventes de la dernière année complète d’infraction auraient dû être retenues.

198    Les requérantes soutiennent dès lors que le montant maximal des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction qui pouvait être retenu aux fins du calcul du montant de l’amende qui leur a été infligée était de 196 millions d’euros. Elles sollicitent par ailleurs du Tribunal qu’il invite la Commission, à titre de mesure d’organisation de la procédure, à fournir des documents présentant de manière précise les ventes et la méthode retenues ainsi que les calculs qu’elle a effectués en vue de déterminer la valeur des ventes.

199    La Commission s’oppose à cette première branche. Elle fait valoir qu’elle a retenu, en l’espèce, une approche prudente s’agissant du calcul de la valeur des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction, en opérant une distinction entre trois périodes d’infraction. Cette approche aurait consisté, pour la première période, dite de « montée en puissance », à prendre en considération l’ensemble des ventes à des constructeurs automobiles à l’égard desquels la Commission disposait de preuves qu’au moins un contrat de fourniture de verre automobile avait fait l’objet d’une collusion. La Commission indique que les chiffres retenus étaient ceux qui lui ont été communiqués par les parties à l’entente. Elle précise de surcroît que, dans le cadre de la phase de « montée en puissance », elle n’a pris en compte les ventes à des constructeurs pour lesquels elle disposait de preuves directes de collusion qu’à partir de l’année au cours de laquelle ces collusions sont intervenues, et non pour l’ensemble de la phase de « montée en puissance ». En revanche, la Commission aurait pris en compte toutes les ventes de vitrage aux constructeurs automobiles pour la période comprise entre le 1er juillet 2000 et le 3 septembre 2002. Estimant néanmoins que les requérantes s’étaient retirées de l’entente le 3 septembre 2002, elle aurait pondéré les chiffres de vente relatifs à l’exercice 2002 en tenant compte uniquement de huit mois de participation de celles-ci à l’infraction au cours cette année. La Commission apporte, dans le cadre de la duplique, plusieurs précisions complémentaires s’agissant du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes.

200    Selon la Commission, cette approche était justifiée tant par le mode opératoire de l’entente, ayant consisté en des échanges d’informations sensibles sur les prix, en la répartition de contrats de fourniture ainsi qu’en la mise sur pied de mécanismes de compensation, que par l’objectif de celle-ci, à savoir assurer la stabilité des parts de marché de chacun des concurrents sur l’ensemble du marché du verre automobile de première monte dans l’EEE. Cette stabilisation se serait notamment traduite par des compensations et ajustements entre différents comptes, sans pour autant que la réalisation de cet objectif ait requis une collusion sur chaque contrat de fourniture aux constructeurs automobiles. Partant, en dépit de la circonstance que tous les contrats de fourniture n’avaient pas fait l’objet d’une collusion, cet objectif de stabilisation aurait graduellement affecté le marché du verre automobile dans sa globalité. En tout état de cause, les requérantes n’auraient ni allégué ni a fortiori démontré que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de la valeur des ventes qui a servi de base au calcul du montant de l’amende qui leur a été infligée.

b)     Appréciation du Tribunal

201    Cette première branche se subdivise, en substance, en deux griefs. Le premier grief est tiré du caractère injustifié de la dérogation faite en l’espèce par la Commission à la méthode de calcul du montant des amendes prescrite au point 13 des lignes directrices de 2006, en tant que celle-ci prévoit en principe la prise en considération, aux fins du calcul du montant de l’amende, des ventes réalisées par l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction. Par leur second grief, les requérantes reprochent à la Commission, d’une part, d’avoir inclus dans les chiffres de vente pertinents, aux fins du calcul du montant de l’amende, ceux réalisés dans le cadre de contrats conclus avant le début de la période d’infraction et qui n’ont pas fait l’objet d’une renégociation durant celle-ci, et, d’autre part, les ventes réalisées en vertu de contrats de fourniture de vitrage dont il n’a pas été démontré qu’ils avaient spécifiquement fait l’objet d’une collusion.

202    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence, ces amendes constituant ainsi un instrument de la politique de concurrence (arrêts du Tribunal du 6 avril 1995, Martinelli/Commission, T‑150/89, Rec. p. II‑1165, point 59, et Aragonesas Industrias y Energía/Commission, point 188 supra, point 293).

203    Toutefois, la reconnaissance d’une telle marge d’appréciation en faveur de la Commission n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par celle-ci, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées. Pour la détermination du montant des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée des infractions et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celles-ci, tels que le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement des pratiques concertées, le profit qu’elles ont pu tirer de ces pratiques, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour l’Union (voir arrêts de la Cour du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, non encore publié au Recueil, points 94 et 96, et la jurisprudence citée ; Chalkor/Commission, C‑386/10 P, non encore publié au Recueil, points 54 et 56, et la jurisprudence citée, et KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, non encore publié au Recueil, points 121 et 123, et la jurisprudence citée). Des éléments objectifs tels que le contenu et la durée des comportements anticoncurrentiels, leur nombre et leur intensité, l’étendue du marché affecté et la détérioration subie par l’ordre public économique doivent être pris en compte. L’analyse doit également prendre en considération l’importance relative et la part de marché des entreprises responsables ainsi qu’une éventuelle récidive (arrêts du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, précité, point 97 ; Chalkor/Commission, précité, point 57, et du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, précité, point 124).

204    Selon une jurisprudence bien établie, la prise en compte du chiffre d’affaires réalisé par chacune des entreprises au cours de l’année de référence, à savoir la dernière année complète de la période d’infraction, permet d’apprécier la taille et la puissance économique de chaque entreprise ainsi que l’ampleur de l’infraction commise par chacune d’entre elles, ces éléments étant pertinents pour apprécier la gravité de l’infraction commise par chaque entreprise (arrêts du Tribunal du 30 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, T‑175/05, non publié au Recueil, point 143, et du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, T‑83/08, non publié au Recueil, point 134).

205    Ainsi, il résulte du point 13 des lignes directrices de 2006 que, en vue de déterminer le montant de base de l’amende à infliger, la Commission utilise la valeur des ventes de biens ou de services, réalisées par l’entreprise concernée, liées directement ou indirectement à l’infraction, dans le secteur géographique concerné à l’intérieur du territoire de l’EEE, et qu’elle prend normalement en compte à cet égard les ventes de l’entreprise durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction.

206    En adoptant une telle règle de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle l’appliquera dorénavant aux cas concernés par celle-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de cette règle sans justification, sous peine de se voir sanctionner, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (voir arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, point 211, et la jurisprudence citée, et arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Carbone-Lorraine/Commission, T‑73/04, Rec. p. II‑2661, point 71).

207    En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, tant dans la communication des griefs que dans la décision attaquée, que les amendes infligées dans cette dernière avaient été calculées par référence aux principes édictés dans les lignes directrices de 2006. C’est dans ce cadre qu’elle a notamment rappelé, au considérant 658 de la décision attaquée, la règle de calcul des ventes pertinentes énoncée au point 13 desdites lignes directrices. La Commission a également exposé les raisons pour lesquelles, selon elle, le calcul de la valeur des ventes pertinentes ne pouvait être opéré, en l’espèce, par référence aux seuls contrats pour lesquels elle disposait de preuves directes d’un accord ou d’une pratique concertée. Pour justifier cette approche, la Commission a notamment fait valoir, aux considérants 660 à 662 de la décision attaquée, non seulement que des accords ou pratiques concertées avaient pu être établis pour l’ensemble des grands constructeurs automobiles dans l’EEE, au cours de la période d’infraction, mais aussi que cette entente visait à la stabilité globale des parts de marché des participants et que cette stabilité avait notamment été poursuivie par le biais d’un mécanisme de compensation entre ceux-ci.

208    La Commission a ensuite indiqué que, en l’espèce, elle s’écarterait toutefois de la méthode de calcul du montant de l’amende consistant à ne retenir que les ventes réalisées durant la dernière année complète de participation à l’infraction, prescrite au point 13 des lignes directrices de 2006. Aux considérants 664 à 667 de la décision attaquée, la Commission a justifié cette dérogation, en substance, par le fait que l’entente litigieuse présentait la particularité d’avoir connu une intensité variable durant la période d’infraction. Au cours d’une première période, comprise entre mars 1998 et la première moitié de l’an 2000, qualifiée de période de « montée en puissance », la Commission aurait disposé de preuves directes de l’entente concernant une partie seulement des constructeurs automobiles européens. Durant la période comprise entre le 1er juillet 2000 et le 3 septembre 2002, en revanche, les accords ou pratiques concertées auraient concerné au moins 90 % des ventes de verre automobile de première monte au sein de l’EEE. Enfin, la période comprise entre le 3 septembre 2002 et la fin de la période d’infraction, qualifiée de période de « déclin », se serait caractérisée par un ralentissement des activités de l’entente à la suite du départ des requérantes.

209    Compte tenu de ces circonstances, la Commission a indiqué avoir retenu une approche « plus calibrée », ayant consisté à réduire le poids de la période de « montée en puissance » ainsi que de la période de « déclin » lors du calcul du montant de base de l’amende, en ne retenant, pour lesdites périodes, que la valeur des ventes à des constructeurs automobiles pour lesquels elle disposait de preuves directes qu’ils avaient fait l’objet de pratiques collusoires. En revanche, toutes les ventes réalisées au sein de l’EEE par chaque entreprise participante auraient été prises en compte s’agissant de la période comprise entre le 1er juillet 2000 et le 3 septembre 2002.

210    Selon le considérant 667 de la décision attaquée, les ventes retenues aux fins du calcul du montant de l’amende ont été déterminées, pour chaque participant à l’entente, sur la base des ventes totales calculées selon l’approche exposée au point précédent, divisées par le nombre total de mois de participation à l’infraction pour chaque participant et multipliées par douze afin d’établir une moyenne annuelle pondérée. La Commission a encore précisé que ces calculs avaient été effectués sur la base des chiffres fournis par les entreprises concernées en réponse à la demande de renseignements qu’elle leur avait adressée le 25 juillet 2008.

211    À cet égard, le Tribunal relève tout d’abord que, bien que la période infractionnelle ait été divisée en trois aux fins du calcul des amendes infligées dans la décision attaquée, seules les deux premières périodes sont pertinentes s’agissant des requérantes, à savoir la période de « montée en puissance » et la période comprise entre le 1er juillet 2000 et le 3 septembre 2002. En effet, c’est précisément en raison du retrait de l’entente de l’entreprise formée par les requérantes, à partir du 3 septembre 2002, que la Commission a retenu, au cours de la période dite « de déclin », les seules ventes à des constructeurs à l’égard desquels une collusion avait pu être directement démontrée.

212    Ensuite, il convient de souligner qu’il ressort tant du libellé du point 13 des lignes directrices de 2006, par l’emploi de l’adverbe « normalement » dans la deuxième phrase de celui-ci, que du point 37 de ces mêmes lignes directrices que, dans le cadre de l’autolimitation de son pouvoir d’appréciation s’agissant du calcul des amendes, la Commission a envisagé l’hypothèse où les particularités d’une affaire justifiaient de déroger à la règle visant à la prise en considération, aux fins du calcul du montant de l’amende, des ventes réalisées par l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2013, Total Raffinage Marketing/Commission, T‑566/08, non encore publié au Recueil, sous pourvoi, point 412).

213    Or, le Tribunal estime que la Commission a pu légitimement considérer que les particularités de l’entente visée par la décision attaquée justifiaient une telle dérogation en l’espèce.

214    En effet, cette entente constitue une infraction complexe ayant consisté en une répartition concertée de contrats relatifs à la fourniture de verre automobile aux principaux constructeurs automobiles dans l’EEE, par la coordination des politiques de prix ainsi que des stratégies d’approvisionnement de la clientèle, et dont l’objectif était d’assurer une stabilité globale des parts de marché des différents participants. De surcroît, cette infraction reposait non seulement sur un système d’échange d’informations sensibles sur les prix, mais aussi sur une collusion destinée à répartir entre concurrents les contrats de fourniture à la majeure partie des constructeurs automobiles au sein de l’EEE, ainsi que sur un mécanisme de suivi et de compensation. Ce mode opératoire a impliqué un nombre élevé de réunions ou de contacts, répartis sur plusieurs mois ou années, au cours desquels les modalités de mise en œuvre du plan collusoire global ont été discutées et affinées, ledit plan s’étant graduellement concrétisé (voir points 127 et 128 ci-dessus).

215    Or, il ressort des considérants 664 et 667 de la décision attaquée que c’est précisément en vue de refléter ce caractère graduel dans la réalisation de l’infraction ainsi que la circonstance que des preuves directes de pratiques collusoires n’étaient disponibles, au cours de la phase dite de « montée en puissance », qu’à l’égard de certains constructeurs automobiles au sein de l’EEE que la Commission a dérogé en l’espèce à la ligne de conduite qu’elle s’était fixée au point 13 des lignes directrices de 2006 selon laquelle l’amende devait être calculée par référence aux ventes en relation directe ou indirecte avec l’infraction réalisées par l’entreprise concernée durant la dernière année complète de sa participation à celle-ci.

216    Il s’ensuit que la Commission ne saurait se voir reprocher, en l’espèce, d’avoir calculé le montant de l’amende infligée aux requérantes en opérant une pondération, s’agissant des ventes prises en compte, entre les années de participation des requérantes, d’une part, à la phase de « montée en puissance » de l’entente et, d’autre part, à la phase centrale de celle-ci, une telle méthode de calcul étant de nature à aboutir à une amende reflétant plus fidèlement les caractéristiques de l’entente litigieuse que si l’amende avait été calculée par référence aux seules ventes réalisées durant la dernière année complète de participation des requérantes à l’infraction.

217    Par leur second grief, les requérantes reprochent à la Commission, en substance, d’avoir méconnu, mais sous un angle différent, le point 13 des lignes directrices de 2006. C’est, selon elles, à tort que la Commission a inclus dans la valeur des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction, d’une part, les ventes réalisées pendant la période d’infraction, mais au titre de contrats conclus avant le début de cette dernière et qui n’ont pas fait l’objet d’une renégociation durant celle-ci, et, d’autre part, les ventes réalisées en vertu de contrats de fourniture de verre automobile dont il n’a pas été démontré qu’ils avaient fait l’objet d’une collusion.

218    Cet argument ne saurait toutefois prospérer.

219    Il convient tout d’abord de relever que, aux termes du point 6 des lignes directrices de 2006, qui figure dans la partie introductive de celles-ci, « la combinaison de la valeur des ventes en relation avec l’infraction et de la durée est considérée comme une valeur de remplacement adéquate pour refléter l’importance économique de l’infraction ainsi que le poids relatif de chaque entreprise participant à l’infraction ».

220    Ainsi, la jurisprudence antérieure à l’adoption par la Commission de lignes directrices visant à encadrer l’exercice de son pouvoir d’appréciation s’agissant de la détermination du montant des amendes indiquait déjà de manière constante que, en vue de la détermination du montant de l’amende, il est loisible à la Commission de tenir compte non seulement du chiffre d’affaires global de l’entreprise, lequel constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle-ci et de sa puissance économique, mais également de la part de ce chiffre d’affaires qui provient des marchandises faisant l’objet de l’infraction et qui est donc de nature à donner une indication de l’ampleur de celle-ci (voir arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, point 190 supra, point 75, et la jurisprudence citée). En particulier, le chiffre d’affaires réalisé avec les produits ayant fait l’objet d’une pratique restrictive constitue un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de cette pratique pour le jeu normal de la concurrence (arrêts du Tribunal du 11 mars 1999, British Steel/Commission, T‑151/94, Rec. p. II‑629, point 643, et du 8 juillet 2008, Saint-Gobain Gyproc Belgium/Commission, T‑50/03, non publié au Recueil, point 84).

221    Il s’ensuit que le point 13 des lignes directrices de 2006 a pour objet de retenir comme point de départ pour le calcul du montant de l’amende infligée à une entreprise un montant qui reflète l’importance économique de l’infraction et le poids de cette entreprise dans celle-ci. Par conséquent, si la notion de valeur des ventes visée au point 13 des lignes directrices ne saurait, certes, s’étendre jusqu’à englober les ventes réalisées par l’entreprise en cause qui ne relèvent pas du champ d’application de l’entente reprochée, il serait toutefois porté atteinte à l’objectif poursuivi par cette disposition si cette notion s’entendait comme ne visant que le chiffre d’affaires réalisé avec les seules ventes pour lesquelles il est établi qu’elles ont réellement été affectées par cette entente (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, point 190 supra, point 76).

222    Ainsi, contrairement aux affirmations des requérantes, il ne ressort pas du point 13 des lignes directrices de 2006 que seule la valeur des ventes effectuées au titre de contrats pour lesquels la preuve d’une collusion spécifique a été rapportée est susceptible d’être prise en considération aux fins du calcul du montant de base d’une amende (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2011, Team Relocations e.a./Commission, point 126 supra, points 61 et 62, et Putters International/Commission, point 126 supra, point 58).

223    Il y a lieu d’ajouter qu’une telle limitation aurait pour effet de minimiser artificiellement l’importance économique de l’infraction commise par une entreprise donnée, dès lors que le seul fait qu’un nombre limité de preuves directes des ventes réellement affectées par une entente a été trouvé conduirait à infliger au final une amende sans relation réelle avec le champ d’application de l’entente en cause. Une telle prime au secret porterait atteinte à l’objectif de poursuite et de sanction efficace des infractions à l’article 81 CE et, partant, ne saurait être admise (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, point 190 supra, point 77).

224    En l’espèce, le Tribunal constate que la méthode de calcul de la valeur des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction retenue par la Commission était justifiée au regard tant de la portée de l’entente que du mode opératoire de celle-ci ainsi que de l’objectif global de stabilité du marché qu’elle poursuivait.

225    Ainsi, en premier lieu, il est constant que l’entente litigieuse a progressivement concerné la vente de vitrage à la quasi-totalité des grands constructeurs automobiles au sein de l’EEE. En second lieu, comme le fait valoir à juste titre la Commission, une collusion sur chaque contrat de fourniture n’était pas nécessaire en vue de stabiliser efficacement le marché. Les requérantes n’ont, à cet égard, avancé aucun élément permettant d’infirmer le constat opéré au considérant 660 de la décision attaquée selon lequel la nécessité d’une collusion portant sur un contrat de fourniture déterminé dépendait de la répartition des livraisons, du besoin subjectif de prendre des mesures pour conserver les parts de marché respectives ainsi que de la capacité de chaque contrat à entraîner un changement notable dans la part des livraisons générales envisagées par chaque participant à l’entente.

226    Dans ces circonstances, la Commission a dès lors pu valablement inclure dans la valeur des ventes calculée en application du point 13 des lignes directrices de 2006, aux fins du calcul du montant de base de l’amende, d’une part, les ventes de verre automobile réalisées pendant la période d’infraction, mais au titre de contrats conclus avant le début de cette dernière et qui n’avaient pas fait l’objet d’une renégociation durant celle-ci, et, d’autre part, les ventes de verre automobile réalisées en vertu de contrats de fourniture conclus durant la période d’infraction, mais dont il n’a pas été démontré qu’ils avaient fait spécifiquement l’objet d’une collusion. En effet, eu égard aux constatations opérées au point 225 ci-dessus, force est de constater que ces chiffres d’affaires provenaient de la vente de marchandises ayant fait l’objet de l’infraction litigieuse.

227    Il s’ensuit que la première branche du moyen doit être rejetée comme non fondée.

2.     Sur la deuxième branche, tirée d’une violation des droits procéduraux des requérantes découlant de l’article 27 du règlement n° 1/2003

a)     Arguments des parties

228    Dans une deuxième branche, les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu leurs droits procéduraux découlant de l’article 27 du règlement n° 1/2003, en ne leur accordant pas la possibilité d’être entendues sur la méthode précise de calcul du chiffre des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction retenue dans la décision attaquée. En effet, selon les requérantes, cette méthode n’avait pas été annoncée explicitement dans la communication des griefs et elle n’était pas prévisible. Or, il y aurait lieu de considérer que la valeur des ventes est l’un des éléments essentiels au calcul du montant de base de l’amende et que, partant, la méthode qui permet d’établir ladite valeur doit être annoncée aux entreprises concernées avant l’adoption de la décision afin de leur permettre de faire valoir leurs observations à son sujet.

229    Les différentes demandes de renseignements complémentaires adressées aux parties, après la notification de la communication des griefs, n’auraient pas réparé cette lacune. En effet, les requérantes considèrent que, s’il pouvait être déduit de ces demandes que la Commission envisageait plusieurs méthodes de calcul de la valeur des ventes, celle-ci n’a toutefois jamais exposé celle qu’elle proposait d’utiliser.

230    La Commission s’oppose à ces critiques. Selon elle, c’est afin de tenir compte de certains des arguments présentés par les entreprises destinataires de la communication des griefs qu’elle s’est partiellement écartée, en l’espèce, des lignes directrices de 2006 et, partant, a limité le volume des ventes prises en compte durant la phase de « montée en puissance ». Soulignant par ailleurs que les requérantes ont eu l’occasion de formuler des observations concernant la meilleure façon de calculer le montant de l’amende, la Commission considère qu’elle n’était pas tenue de leur soumettre la méthode finalement retenue avant l’adoption de la décision attaquée. La Commission se réfère à cet égard à une jurisprudence constante selon laquelle le droit d’être entendu au sujet du calcul du montant des amendes ne couvre pas la manière dont elle entend utiliser les critères impératifs de la gravité et de la durée de l’infraction aux fins de la détermination dudit montant.

b)     Appréciation du Tribunal

231    Dans le cadre de cette deuxième branche, les requérantes soutiennent, en substance, que c’est en méconnaissance de leurs droits de la défense, dont la portée dans le cadre des procédures visant à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE est précisée à l’article 27 du règlement n° 1/2003, que la Commission a omis d’expliciter dans la communication des griefs l’approche qu’elle allait suivre dans la décision attaquée s’agissant du calcul de la valeur des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction et, partant, ne leur a pas offert l’occasion d’être entendues à ce sujet.

232    À cet égard, il convient de souligner que, à l’instar du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), qui a été abrogé et remplacé par le règlement n° 1/2003, ce dernier règlement prévoit, à son article 27, paragraphe 1, l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, point 83 supra, point 67), pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission et faire valoir utilement leur défense avant que celle-ci n’adopte une décision définitive. Une telle communication des griefs constitue la garantie procédurale appliquant le principe fondamental du droit de l’Union, désormais consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union, qui exige le respect des droits de la défense dans toute procédure (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, Rec. p. II‑2149, point 135, et la jurisprudence citée, et du 18 juin 2013, Fluorsid et Minmet/Commission, T‑404/08, non encore publié au Recueil, points 106 et 108).

233    Ce principe exige notamment que la communication des griefs adressée par la Commission à une entreprise à l’égard de laquelle elle envisage d’infliger une sanction pour violation des règles de la concurrence contienne les éléments essentiels retenus à l’égard de cette entreprise, tels que les faits reprochés, la qualification qui leur est donnée et les éléments de preuve sur lesquels la Commission se fonde, afin que cette entreprise soit en mesure de faire valoir utilement ses arguments dans le cadre de la procédure administrative engagée à son égard (voir arrêt Elf Aquitaine/Commission, point 232 supra, point 136, et la jurisprudence citée).

234    Toutefois, selon une jurisprudence bien établie, au stade de la communication des griefs, le fait de donner des indications concernant le niveau des amendes envisagées, aussi longtemps que les entreprises n’ont pas été mises en mesure de faire valoir leurs observations sur les griefs retenus contre elles, reviendrait à anticiper de façon inappropriée la décision de la Commission (voir arrêts de la Cour du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 21, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, point 434, et la jurisprudence citée).

235    En effet, le fait qu’un opérateur économique ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque espèce apparaît justifié au regard des objectifs de répression et de dissuasion poursuivis par la politique des sanctions en matière de concurrence. Ces objectifs seraient menacés si les entreprises concernées étaient en mesure d’évaluer les bénéfices qu’elles retireraient de leur participation à une infraction en tenant compte, par avance, du montant de l’amende qui leur serait infligée en raison de ce comportement illicite (arrêt du Tribunal du 5 avril 2006, Degussa/Commission, T‑279/02, Rec. p. II‑897, point 83).

236    Ainsi, dès lors que la Commission indique expressément, dans sa communication des griefs, qu’elle va examiner s’il convient d’infliger des amendes aux entreprises concernées et qu’elle énonce les principaux éléments de fait et de droit susceptibles d’entraîner une amende, tels que la gravité et la durée de l’infraction et le fait d’avoir commis celle-ci « de propos délibéré ou par négligence », elle remplit son obligation de respecter le droit des entreprises d’être entendues. Ce faisant, elle leur donne les éléments nécessaires pour se défendre non seulement contre une constatation de l’infraction, mais aussi contre le fait de se voir infliger une amende (voir arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, point 428, et la jurisprudence citée, et arrêt de la Cour du 24 septembre 2009, Erste Group Bank e.a./Commission, C‑125/07 P, C‑133/07 P, C‑135/07 P et C‑137/07 P, Rec. p. I‑8681, point 181).

237    Il s’ensuit que, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, les droits de la défense des entreprises concernées sont garantis devant la Commission à travers la possibilité de faire valoir leurs observations sur la durée, la gravité et le caractère anticoncurrentiel des faits reprochés, mais ne requièrent pas en revanche que cette possibilité couvre la manière dont la Commission entend se servir des critères impératifs de la gravité et de la durée de l’infraction en vue d’une telle détermination (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, point 439). Les entreprises concernées bénéficient, à cet égard, d’une garantie supplémentaire, en ce qui concerne la détermination du montant des amendes, dans la mesure où le Tribunal statue avec une compétence de pleine juridiction et peut notamment supprimer l’amende ou réduire son montant (voir arrêt du Tribunal du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec. p. II‑1705, point 200, et la jurisprudence citée).

238    En l’espèce, il y a lieu tout d’abord de constater que la Commission a présenté en détail, dans la communication des griefs envoyée aux requérantes, le cadre factuel sur lequel elle entendait se fonder pour constater l’existence de l’infraction litigieuse. Elle a en outre exposé, aux pages 132 à 134 ainsi qu’aux pages 136 à 139 de la communication des griefs, les raisons pour lesquelles les réunions et contacts auxquels les requérantes ont, selon elle, participé, relevaient des concepts d’accords ou de pratiques concertées visés par l’article 81, paragraphe 1, CE.

239    Ensuite, la Commission a exposé, aux pages 136 à 139 et 157 à 160 de la communication des griefs, les éléments sur lesquels elle s’était fondée pour apprécier, notamment, la durée de la participation des requérantes à l’infraction. Elle a également décrit, aux pages 161 et 162 de cette communication des griefs, les principaux facteurs dont elle tiendrait compte en vue d’apprécier la gravité de l’infraction, à savoir notamment le fait que des arrangements collusoires du type de ceux constatés en l’espèce figurent parmi les infractions les plus graves à l’article 81, paragraphe 1, CE, que ces arrangements se sont répercutés sur la quasi-totalité du marché du verre automobile dans l’EEE au détriment non seulement des constructeurs automobiles, mais aussi des consommateurs, que les participants à l’entente étaient conscients du caractère illégal de leurs agissements et, enfin, que les activités de l’entente ont porté sur l’ensemble de l’EEE.

240    La Commission a ajouté, dans cette même communication des griefs, qu’elle calculerait le montant des amendes en fonction de la durée de la participation de chacune des entreprises concernées à l’entente, ainsi que d’éventuelles circonstances aggravantes ou atténuantes.

241    Ayant ainsi indiqué les principaux éléments de fait et de droit sur lesquels elle entendait fonder son calcul du montant des amendes, la Commission, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 237 ci-dessus, n’était pas tenue de préciser en outre la façon dont elle se servirait de chacun de ces éléments aux fins du calcul du montant de l’amende. Contrairement à ce que font valoir les requérantes et sans préjudice de l’examen de la troisième branche du présent moyen, il est sans pertinence à cet égard que la Commission se soit finalement écartée en partie, dans la décision attaquée, de la méthode de calcul de la valeur des ventes prescrite au point 13 des lignes directrices de 2006 (voir également points 207 à 215 ci-dessus).

242    En tout état de cause, il y a lieu de relever que la Commission a indiqué, à la page 161 de la communication des griefs, que l’amende qu’elle infligerait en l’espèce serait calculée par référence aux principes édictés dans les lignes directrices de 2006. Or, s’il ressort certes des considérants 664 à 667 de la décision attaquée que la Commission a dérogé en l’espèce, en partie, à la méthode de calcul prescrite au point 13 desdites lignes directrices, c’était, ainsi que le fait valoir à juste titre cette institution, en vue de répondre à certaines des objections formulées par les destinataires de la communication des griefs s’agissant de cette méthode, tant dans leurs observations sur ladite communication que dans leurs réponses à diverses demandes de renseignements qui leur avaient été adressées par la Commission.

243    Il s’ensuit que la Commission a suffisamment informé les requérantes, avant l’adoption de la décision attaquée, des éléments de fait et de droit sur lesquels elle entendait se fonder aux fins de constater la participation de ces dernières à une infraction à l’article 81 CE et de les sanctionner en raison de cette participation, et que les droits de la défense des requérantes, tels qu’ils sont consacrés à l’article 27 du règlement n° 1/2003, ont, dans cette mesure, été respectés.

244    Partant, la deuxième branche du moyen doit être rejetée comme non fondée.

3.     Sur la troisième branche, tirée d’un défaut de motivation

a)     Arguments des parties

245    Les requérantes reprochent enfin à la Commission, dans une troisième branche, de ne pas avoir suffisamment motivé la décision attaquée s’agissant du calcul de la valeur des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction, telle que cette valeur a été retenue en vue de fixer le montant de l’amende qui leur a été infligée. La Commission s’étant en l’espèce écartée des lignes directrices de 2006, elle aurait dû exposer clairement et de manière complète, dans la décision attaquée, les calculs qui lui ont permis de déterminer la valeur des ventes ayant servi à calculer le montant de l’amende infligée aux requérantes. De plus, les informations parcellaires divulguées par la Commission au stade de la procédure juridictionnelle ne permettraient pas au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel. Les requérantes sollicitent dès lors du Tribunal, au titre de mesure d’organisation de la procédure, qu’il ordonne à la Commission de produire les informations précises relatives aux chiffres d’affaires qui ont servi de base au calcul du montant de l’amende qui leur a été infligée, de même que le détail de ce calcul.

246    La Commission s’oppose à ces critiques. Elle fait valoir qu’elle n’est pas tenue de divulguer, dans une décision constatant une infraction à l’article 81 CE, tous les calculs arithmétiques qu’elle a effectués en vue de fixer le montant d’une amende qu’elle inflige à ce titre.

b)     Appréciation du Tribunal

247    Il convient de rappeler que, en ce qui concerne la fixation d’amendes au titre de violations du droit de la concurrence, la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu’elle indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction commise, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant de l’amende (voir arrêts du Tribunal du 3 mars 2011, Siemens/Commission, T‑110/07, Rec. p. II‑477, point 311, et la jurisprudence citée, et du 13 juillet 2011, Schindler Holding e.a./Commission, T‑138/07, Rec. p. II‑4819, point 243, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 66). Ainsi, l’indication de données chiffrées relatives au mode de calcul du montant des amendes, pour utiles que soient de telles données, n’est pas indispensable au respect de l’obligation de motivation (arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Raiffeisen Zentralbank Österreich e.a./Commission, T‑259/02 à T‑264/02 et T‑271/02, Rec. p. II‑5169, point 414 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, points 75 à 77).

248    Cette approche est justifiée par la nécessité d’éviter que les amendes ne soient aisément prévisibles pour les opérateurs économiques. En effet, si la Commission avait l’obligation d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes, il serait porté atteinte à l’effet dissuasif de celles-ci. Si le montant de l’amende était le résultat d’un calcul obéissant à une simple formule arithmétique, les entreprises auraient en effet la possibilité de prévoir l’éventuelle sanction et de la comparer aux bénéfices qu’elles tireraient de l’infraction aux règles du droit de la concurrence (arrêt BPB/Commission, point 80 supra, point 336).

249    En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 207 ci-dessus, la Commission a indiqué, dans la décision attaquée, que le montant de l’amende litigieuse avait été calculé par référence aux principes édictés dans les lignes directrices de 2006. Au considérant 658 de la décision attaquée, elle a notamment rappelé la règle de calcul des ventes pertinentes énoncée au point 13 desdites lignes directrices. La Commission a également exposé les raisons pour lesquelles, selon elle, le calcul de la valeur des ventes pertinentes ne pouvait être opéré, en l’espèce, par référence aux seuls contrats pour lesquels elle disposait de preuves directes d’un accord ou d’une pratique concertée. Pour justifier cette approche, la Commission a notamment fait valoir, aux considérants 660 à 662 de la décision attaquée, que des accords ou pratiques concertées avaient pu être établis pour l’ensemble des grands constructeurs automobiles dans l’EEE au cours de la période d’infraction, que cette entente visait à la stabilité globale des parts de marché des participants et que cette stabilité avait notamment été poursuivie par le biais d’un mécanisme de compensation entre ceux-ci (voir, à ce sujet, points 217 à 227 ci-dessus).

250    La Commission a ensuite indiqué qu’elle s’écarterait de la méthode de calcul consistant à ne retenir que les ventes réalisées durant la dernière année complète de participation à l’infraction. Aux considérants 664 à 667 de la décision attaquée, la Commission a justifié cette dérogation à la méthode inscrite au point 13 des lignes directrices de 2006, en substance, par le fait que l’entente litigieuse présentait la particularité d’avoir connu une intensité variable entre mars 1998 et mars 2003 (voir, à ce sujet, points 207 à 216 ci-dessus).

251    Selon le considérant 667 de la décision attaquée, les ventes retenues aux fins du calcul du montant de l’amende ont été déterminées, pour chaque participant au cartel, sur la base des ventes totales calculées de la façon exposée au point 208 ci-dessus, divisées par le nombre total de mois de participation à l’infraction pour chaque participant et multipliées par douze afin d’obtenir une moyenne annuelle pondérée. La Commission a encore précisé que ces calculs avaient été effectués sur la base des chiffres fournis par les entreprises concernées en réponse à la demande de renseignements qu’elle leur avait adressée le 25 juillet 2008.

252    Or, ces explications doivent être lues à la lumière d’autres parties de la décision attaquée, relatives notamment au fonctionnement de l’entente (considérants 120 à 428 de la décision attaquée), dans lesquelles la Commission a systématiquement identifié les constructeurs qui ont fait l’objet de contacts illégaux au cours des différentes périodes d’infraction.

253    De surcroît, la décision attaquée contient, en ses considérants 647 à 649, 658 à 667, 669 à 678, 682, 685 à 688, et 691 à 700, un nombre important de précisions en ce qui concerne le calcul du montant des amendes infligées aux entreprises destinataires de la décision attaquée, s’agissant notamment des chiffres de vente pertinents, de la proportion de la valeur des ventes prise en compte, du droit d’entrée ainsi que des ajustements du montant de base en fonction de circonstances atténuantes ou aggravantes.

254    Il apparaît ainsi que les indications figurant dans la décision litigieuse permettaient aux requérantes de comprendre les éléments sur la base desquels la Commission a examiné la gravité et la durée de l’infraction, de même que la méthode de calcul suivie en vue de fixer le montant de l’amende qui leur a été infligée. Dès lors, même si les détails de ce calcul ne figurent pas dans la décision attaquée, il y a lieu de considérer que cette dernière n’est pas entachée du défaut ou de l’insuffisance de motivation que lui reprochent les requérantes.

255    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel il ne serait pas possible d’apprécier en l’espèce si la Commission, lors du calcul des ventes pertinentes s’agissant de la phase dite de  »montée en puissance », a pris en considération les ventes effectuées par elles à des constructeurs automobiles durant l’ensemble de ladite phase, ou uniquement à partir du moment où un contact collusoire a eu lieu au sujet de chacun d’entre eux. Au demeurant et en tout état de cause, la Commission a clarifié ce point dans le cadre de la présente procédure. Il ressort en effet des explications fournies par la Commission dans ses écritures qu’elle n’a pris en considération les ventes à un constructeur automobile donné, au cours de ladite phase, qu’à partir de l’année au cours de laquelle celui-ci a fait l’objet d’un contact collusoire.

C –  Sur le quatrième moyen, pris d’une violation des principes de proportionnalité et d’individualité des peines ainsi que d’une méconnaissance de la pratique administrative antérieure

a)     Arguments des parties

256    Dans un quatrième moyen, les requérantes soutiennent que le montant de l’amende qui leur a été infligée, qui est l’une des plus importantes jamais infligées à un participant à un cartel, est disproportionné. La décision attaquée méconnaîtrait, sur ce point, le principe d’individualité des peines, l’amende n’étant pas, selon elles, proportionnée à la gravité de l’infraction. Les requérantes estiment, à cet égard, que le comportement qui leur est reproché n’a pas été particulièrement nuisible pour la concurrence, du fait que l’entente n’a pas systématiquement été mise en œuvre et que, de surcroît, l’infraction n’a pas été d’une longue durée et n’a pas impliqué un marché exceptionnellement étendu.

257    La circonstance que l’amende infligée aux requérantes avoisine, voire dépasse, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 constituerait un indice du caractère disproportionné de son montant. À l’audience, les requérantes ont plus particulièrement soutenu, en substance, que la nouvelle méthode de calcul des amendes inaugurée par les lignes directrices de 2006 avait pour effet de sanctionner plus lourdement les entreprises qui, comme elles, ont des activités peu diversifiées. C’est ce qui expliquerait que l’amende qui a été infligée aux requérantes représente une proportion nettement plus importante de leur chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent, avoisinant ou dépassant 10 %, que les amendes infligées à Saint-Gobain et à AGC (Splintex) au regard des chiffres d’affaires réalisés par ces entreprises au cours dudit exercice. Or, une telle disparité attesterait du caractère disproportionné du montant de l’amende infligée aux requérantes.

258    La décision attaquée méconnaîtrait de surcroît la pratique administrative antérieure dès lors que, dans les deux seules autres décisions déjà publiées au moment de l’introduction du recours et qui faisaient application des lignes directrices de 2006, à savoir la décision de la Commission du 28 novembre 2007 dans l’affaire COMP/39.165 – Verre plat (ci-après la « décision Verre plat ») et la décision de la Commission du 20 novembre 2007 dans l’affaire COMP/38.432 – Bandes vidéo professionnelles (ci-après la « décision Bandes vidéo professionnelles »), la Commission aurait retenu un pourcentage de ventes liées directement ou indirectement à l’infraction à peine supérieur, mais après avoir constaté que les infractions sanctionnées avaient été largement mises en œuvre. Or, le degré de gravité d’une infraction à l’article 81 CE devrait notamment dépendre de la mise en œuvre ou non de celle-ci, puisque, à défaut, l’appréciation de l’atteinte à la concurrence occasionnée par une infraction reposerait sur de simples spéculations. La nature différente de l’infraction visée par la décision attaquée, qui ne saurait être assimilée à une entente complexe, aurait, en tout état de cause, justifié que le taux reflétant le pourcentage des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction diffère de plus de 2 % du taux retenu dans les deux décisions antérieures précitées.

259    Les requérantes reprochent également à la Commission de ne pas avoir tenu compte, lors du calcul du montant de cette amende, de l’effet dissuasif que comportait déjà, selon elles, l’amende de 140 millions d’euros qui leur avait été infligée, pour infraction à l’article 81 CE, dans le cadre de la décision Verre plat. Ainsi, c’est à tort que la Commission aurait inclus un droit d’entrée de 16 % dans le montant de l’amende qui leur a été infligée, en dépit du fait que l’amende qui leur avait été infligée dans l’affaire ayant donné lieu à la décision Verre plat incluait déjà un droit d’entrée de 17 %. Ce droit d’entrée aurait en effet une fonction dissuasive et non punitive et il ressortirait de la jurisprudence que le montant d’une amende doit être modulé afin de tenir compte de l’impact recherché sur l’entreprise à laquelle elle est infligée, et ce, notamment, afin que l’amende ne soit pas excessive au regard de la capacité financière de l’entreprise concernée ou de l’objectif de dissuasion poursuivi. La prise en compte de la décision Verre plat aux fins du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, y compris s’agissant de l’application du plafond visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, serait d’autant plus justifiée que les produits visés dans ces affaires sont très étroitement liés et que, par conséquent, l’impact des deux amendes serait concentré sur des activités présentant un lien étroit au sein de l’entreprise formée par les requérantes.

260    Les requérantes font encore valoir que, à la suite de la procédure menée par la Commission, elles ont procédé à un examen global de leurs politiques et pratiques de mise en conformité au droit de la concurrence, en vue d’assurer une conformité complète dans le futur. Ce serait à tort que la Commission n’a pas tenu compte de cette circonstance lors du calcul du montant de l’amende.

261    Les requérantes soutiennent, de surcroît, que le rapport de la société de conseil qu’elles ont adressé au Tribunal en annexe à leur courrier du 18 janvier 2013 démontre que leur situation financière s’est détériorée depuis l’adoption de la décision attaquée. Elles font observer, à cet égard, que la Commission, au cours de la procédure administrative, ne leur a pas permis de faire connaître leur point de vue sur l’application éventuelle, en l’espèce, du point 35 des lignes directrices de 2006, s’agissant de l’absence de capacité contributive.

262    À titre subsidiaire, les requérantes sollicitent du Tribunal qu’il exerce sa compétence de pleine juridiction et réduise le montant de l’amende à un niveau adéquat, tenant compte des éléments qui viennent d’être exposés.

263    La Commission s’oppose à ces critiques. Elle souligne tout d’abord que la raison d’être du plafond de 10 % du chiffre d’affaires, visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, n’est pas de fixer une limite qui ne serait atteinte que dans les cas d’infractions les plus graves, mais d’éviter qu’une entreprise ne soit, eu égard à sa taille, dans l’incapacité de payer une amende qui lui est infligée pour infraction à l’article 81 CE. L’application de cette limite impliquerait que l’entreprise concernée ne doit pas payer la totalité de l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur la gravité et la durée de l’infraction. Il s’ensuit, selon la Commission, que la seule circonstance qu’une amende avoisine ou égale ce plafond n’apporte aucune indication sur le caractère proportionné ou non de celle-ci.

264    Aucune règle n’interdirait par ailleurs que les montants intermédiaires des amendes puissent atteindre régulièrement le plafond visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. À l’audience, la Commission a toutefois précisé, sur ce point, que la présente affaire ne saurait être comparée à une autre dans laquelle elle aurait décidé de tenir compte du caractère plus ou moins diversifié des activités des entreprises concernées, dès lors que, dans ladite affaire, l’absence de prise en compte d’un tel facteur l’aurait conduite à réduire un trop grand nombre d’amendes en application du plafond visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

265    La Commission fait ensuite valoir que le montant élevé de l’amende infligée aux requérantes s’explique par la taille importante du marché qui a fait l’objet de l’entente litigieuse ainsi que des parts de marché cumulées des membres du club dans l’EEE, par la participation des requérantes à l’infraction pendant une longue durée, de même que par la particulière gravité des restrictions de la concurrence qu’impliquait l’entente litigieuse.

266    Par ailleurs, en fixant le pourcentage des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction à 16 % dans la décision attaquée, la Commission n’aurait pas outrepassé son pouvoir d’appréciation pour la détermination du montant des amendes, tel qu’il découle notamment des lignes directrices de 2006. En effet, il y aurait lieu de tenir compte, à cet égard, du fait que la répartition des clients ainsi que la répartition des parts de marché comptent, par leur nature, parmi les restrictions de concurrence les plus graves ainsi que de la part de marché cumulée des participants à l’infraction et du fait que l’entente couvrait l’EEE dans son ensemble. De telles circonstances justifieraient de retenir un pourcentage des ventes élevé. Un taux de 16 % constituerait au demeurant un taux faible dans la partie supérieure de l’échelle appliquée par la Commission, comprise entre 15 et 30 %. Un tel taux serait justifié même en l’absence de mise en œuvre de l’entente, dès lors qu’une telle mise en œuvre n’est qu’un facteur parmi d’autres lors de la fixation du montant de l’amende.

267    S’agissant ensuite de la référence faite par les requérantes à la méthode de calcul des amendes infligées dans les décisions Verre plat et Bandes vidéo professionnelles, la Commission souligne, à titre principal, que, selon une jurisprudence constante, elle ne saurait être liée par sa pratique administrative antérieure lors du calcul du montant des amendes visant à sanctionner des infractions à l’article 81 CE. En tout état de cause, la Commission souligne que les amendes infligées dans les décisions Verre plat et Bandes vidéo professionnelles n’incluaient pas un pourcentage lié à la mise en œuvre des ententes ayant fait l’objet desdites décisions. En outre, les requérantes ne sauraient valablement soutenir qu’elles ont subi un traitement discriminatoire par rapport à celui réservé aux entreprises destinataires des décisions Verre plat et Bandes vidéo professionnelles, le pourcentage des ventes retenu dans la décision attaquée étant inférieur de deux points à celui ayant servi au calcul du montant de base des amendes dans ces deux affaires.

268    S’agissant du grief pris de l’absence de prise en compte du caractère dissuasif de l’amende infligée aux requérantes dans la décision Verre plat, la Commission souligne que le droit d’entrée constitue un montant forfaitaire, indépendant de la durée de l’infraction, qu’elle est libre d’infliger en vue de sanctionner adéquatement la décision d’une entreprise de participer à une entente. Il résulterait en outre des lignes directrices de 2006 que ce montant doit être imposé en présence d’accords portant sur la fixation des prix, comme c’est le cas en l’espèce. Dans ces circonstances, il serait sans importance qu’un droit d’entrée ait déjà été infligé aux requérantes dans la décision Verre plat, la Commission ayant pu considérer, sans outrepasser les limites de son pouvoir d’appréciation, que cette circonstance ne justifiait pas en l’espèce de s’écarter de sa méthode de calcul des amendes.

269    S’agissant de la référence faite par les requérantes à la décision de la Commission du 17 décembre 2002 dans l’affaire COMP/E-2/37.667 – Graphites spéciaux (ci-après la « décision Graphites spéciaux ») et à la décision de la Commission du 3 décembre 2003 dans l’affaire COMP/E-2/38.359 – Produits à base de carbone et de graphite pour applications électriques et mécaniques (ci-après la « décision Produits à base de carbone et de graphite »), s’agissant de la prise en compte de difficultés financières aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission souligne les différences existant entre la présente affaire et celles ayant donné lieu à l’adoption desdites décisions. Ainsi, selon la Commission, les requérantes n’auraient pas démontré qu’elles étaient confrontées à des difficultés financières importantes comparables à celles auxquelles SGL Carbon AG faisait face dans ces affaires. En tout état de cause, elle réfute le point de vue selon lequel elle serait tenue de prendre en compte la situation financière déficitaire d’une entreprise aux fins de calculer une amende pour infraction à l’article 81 CE, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.

270    La Commission soutient encore, à cet égard, que l’argument pris par les requérantes de la détérioration de leur situation financière depuis l’adoption de la décision attaquée, dont attesterait le rapport établi par une société de conseil produit par celles-ci, est sans pertinence en vue d’apprécier si le point 35 des lignes directrices a été méconnu en l’espèce, au cours de la procédure administrative. La Commission soutient en effet que ledit rapport concerne des développements postérieurs à l’adoption de la décision attaquée et dont, par hypothèse, elle ne pouvait tenir compte dans le cadre de la préparation de celle-ci. Il n’y aurait dès lors pas lieu de prendre en compte de tels éléments à l’occasion du contrôle de la légalité de la décision attaquée.

271    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel elles auraient mis en place des programmes de mise en conformité avec le droit de la concurrence, il résulterait d’une jurisprudence constante qu’une telle circonstance ne doit pas être prise en compte aux fins du calcul du montant de l’amende.

272    Quant à la prétendue nécessité de tenir compte de la décision Verre plat aux fins du calcul du plafond du montant de l’amende visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, il découlerait notamment de l’arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, SGL Carbon/Commission (T‑68/04, Rec. p. II‑2511, point 132), qu’un tel calcul ne doit pas être effectué en additionnant diverses amendes infligées à une même entreprise, pour des infractions distinctes à l’article 81 CE, étant donné que cette limite supérieure s’applique pour chaque infraction. Or, les requérantes n’auraient pas démontré, en l’espèce, que les ententes visées dans la décision Verre plat et dans la décision attaquée constituaient une seule et même infraction. En tout état de cause, ces deux décisions auraient été adoptées lors d’exercices distincts, de sorte que les requérantes ne sauraient faire valoir que l’amende qui leur a été infligée dans la décision attaquée, cumulée avec l’amende infligée dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à la décision Verre plat, correspondrait à 15 % de leur chiffre d’affaires au cours d’un même exercice.

b)     Appréciation du Tribunal

273    À titre liminaire, il convient d’écarter l’argument que les requérantes entendent tirer du rapport de la société de conseil produit en annexe à leur courrier adressé au Tribunal le 18 janvier 2013.

274    En effet, il ressort dudit rapport que celui-ci a pour objet de comparer l’impact de l’amende infligée aux requérantes avec celui des amendes infligées respectivement à AGC (Splintex) et à Saint-Gobain et qu’il tient compte, à cet égard, des développements postérieurs à la clôture de la procédure écrite. Il s’ensuit que ledit rapport porte sur l’évolution de la situation financière des requérantes après l’adoption de la décision attaquée ainsi que sur une comparaison de cette situation avec celle de deux de leurs principaux concurrents ayant participé à l’entente litigieuse.

275    Or, selon une jurisprudence bien établie, dans le cadre du contrôle effectué au titre de l’article 263 TFUE, un élément dont l’existence est postérieure à l’adoption de la décision attaquée ne peut en aucun cas avoir d’incidence sur la légalité de celle-ci, dans la mesure où la légalité d’un acte de l’Union s’apprécie en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec. p. II‑3255, point 377 ; voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 40).

276    Il y a lieu de rappeler ensuite que, à chaque fois que la Commission décide d’imposer des amendes en vertu du droit de la concurrence de l’Union, elle est tenue de respecter les principes généraux de droit, parmi lesquels figurent les principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, tels qu’interprétés par les juridictions de l’Union (arrêt Schindler Holding e.a./Commission, point 247 supra, point 105).

277    Dans le cadre des procédures engagées par la Commission pour sanctionner les violations des règles de concurrence de l’Union, l’application du principe de proportionnalité implique que les amendes ne doivent pas être démesurées par rapport aux objectifs visés, c’est-à-dire par rapport au respect de ces règles, et que le montant de l’amende infligée à une entreprise au titre d’une infraction en matière de concurrence doit être proportionné à l’infraction, appréciée dans son ensemble, en tenant compte, notamment, de la gravité de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Prym et Prym Consumer/Commission, T‑30/05, non publié au Recueil, points 223 et 224, et la jurisprudence citée). La Commission doit ainsi fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction, en appliquant ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée (arrêts du Tribunal du 27 septembre 2006, Jungbunzlauer/Commission, T‑43/02, Rec. p. II‑3435, points 226 à 228, et Amann & Söhne et Cousin Filterie/Commission, point 125 supra, point 171).

278    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les différents griefs avancés par les requérantes au soutien du présent moyen.

279    S’agissant, en premier lieu, du grief selon lequel le caractère disproportionné du montant de l’amende infligée aux requérantes serait attesté par la circonstance que cette amende avoisine, voire dépasse, le plafond visé à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, lequel n’aurait pas vocation à être atteint trop fréquemment, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la limite maximale qui résulte de cette disposition a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction, à savoir éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, points 280 et 282 ; arrêts du Tribunal du 8 juillet 2008, Knauf Gips/Commission, T‑52/03, non publié au Recueil, point 452, et du 5 octobre 2011, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06, Rec. p. II‑6681, point 257).

280    Cette limite, prévue par le législateur, est uniformément applicable à toutes les entreprises et articulée en fonction de la taille de chacune d’elles et vise à éviter des amendes d’un niveau excessif et disproportionné. Une telle limite a comme seule conséquence possible que le montant de l’amende calculé sur la base des critères de gravité et de durée de l’infraction soit réduit au niveau maximal autorisé lorsqu’il dépasse ce dernier. Son application implique que l’entreprise concernée ne paie pas la totalité de l’amende qui, en principe, serait due au titre d’une appréciation fondée sur lesdits critères (arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, points 281 et 283 ; Knauf Gips/Commission, point 279 supra, point 454, et Romana Tabacchi/Commission, point 279 supra, point 257).

281    Il s’ensuit que, sans préjudice de l’analyse du sixième moyen ci-dessous, la seule circonstance que l’amende infligée aux requérantes avoisine ou égale cette limite, à la différence de celles infligées à d’autres entreprises destinataires de la décision attaquée, est sans pertinence aux fins d’apprécier si cette amende est proportionnée ou non (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 16 septembre 2013, Villeroy & Boch e.a./Commission, T‑373/10, T‑374/10, T‑382/10 et T‑402/10, non publié au Recueil, sous pourvoi, point 393).

282    S’agissant, en deuxième lieu, des arguments selon lesquels le caractère disproportionné du montant de l’amende infligée aux requérantes découlerait du fait que l’infraction n’aurait eu qu’un impact économique limité en raison de son faible degré de mise en œuvre, que le comportement qui leur est reproché dans la décision attaquée ne s’est pas prolongé pendant une période particulièrement longue et que l’entente n’impliquait pas un marché exceptionnellement étendu, ils ne sauraient être retenus.

283    À cet égard, il y a tout d’abord lieu de souligner que les mécanismes décrits par la Commission dans la décision attaquée, consistant en la répartition concertée de contrats relatifs à la fourniture de verre automobile dans l’EEE, par la coordination des politiques de prix et des stratégies d’approvisionnement de la clientèle visant à maintenir une stabilité globale des parts de marché des entreprises y ayant participé, relèvent des formes les plus graves d’atteinte aux règles de la concurrence, en ce qu’ils tendent à l’élimination pure et simple de celle-ci entre les entreprises qui les mettent en œuvre. Ainsi, en vertu d’une jurisprudence bien établie, les ententes qui, comme en l’espèce, incluent une fixation des prix font partie des infractions les plus graves au droit de la concurrence de l’Union et peuvent donc, à elles seules, être qualifiées de très graves (arrêts du Tribunal du 12 juillet 2001, Tate & Lyle e.a./Commission, T‑202/98, T‑204/98 et T‑207/98, Rec. p. II‑2035, point 103, et du 19 mars 2003, CMA CGM e.a./Commission, T‑213/00, Rec. p. II‑913, point 262).

284    Il s’ensuit que c’est à juste titre que la Commission a considéré que les accords et pratiques concertées en cause constituaient, par leur nature même, une infraction très grave, relevant de la catégorie des infractions visées au point 23 des lignes directrices de 2006, justifiant, conformément audit point, l’application d’une proportion des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction comprise entre 15 et 30 % aux fins du calcul du montant de l’amende.

285    Ensuite, il n’est pas contesté que les parts de marché pertinentes cumulées des entreprises ayant participé à l’entente étaient d’environ 60 % en moyenne au cours de la période d’infraction et que, ainsi qu’il a déjà été souligné au point 225 ci-dessus, les accords et pratiques concertées litigieux ont progressivement concerné la quasi-totalité des grands constructeurs automobiles au sein de l’EEE. À ces éléments s’ajoute la circonstance que le marché de la vente de verre automobile aux fabricants d’équipements d’origine au sein de l’EEE est particulièrement vaste, puisqu’il génère un chiffre d’affaires annuel de plusieurs milliards d’euros, et que les requérantes étaient l’un des acteurs principaux sur ce marché. De surcroît, il ressort du considérant 677 de la décision attaquée que la Commission, dans son appréciation de la gravité de l’infraction, a tenu compte de la circonstance que les constructeurs automobiles avaient bénéficié d’un pouvoir de négociation qui leur avait permis d’élaborer des stratégies de réponse aux pratiques collusoires des participants à l’entente et du fait que ces stratégies avaient pu mettre en échec certaines décisions prises dans le cadre de celle-ci quant à la répartition de contrats de fourniture. C’est notamment dans ce type de situation que les participants à l’entente ont été conduits à s’accorder des compensations mutuelles, conformément au mécanisme décrit au point 73 ci-dessus.

286    Au vu de ces diverses circonstances, il y a lieu de considérer que c’est sans méconnaître le point 23 des lignes directrices de 2006 ainsi que, plus généralement, les limites de son pouvoir d’appréciation que la Commission a fixé à 16 % la proportion des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes.

287    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument des requérantes selon lequel l’entente n’a pas fait l’objet d’un degré élevé de mise en œuvre.

288    En effet, le Tribunal rappelle que, selon une jurisprudence bien établie, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors que celui-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Par conséquent, la démonstration d’effets anticoncurrentiels réels n’est pas requise lorsque l’objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429 ; du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑272/09 P, point 203 supra, point 65, et du 8 décembre 2011, KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, point 203 supra, point 75). Ainsi qu’il a déjà été souligné au point 120 ci-dessus, tel est notamment le cas lorsque, comme en l’espèce, des accords comportent des restrictions patentes de la concurrence telles que la coordination des prix et la répartition du marché.

289    C’est en application de ce principe que la Commission, au point 23 des lignes directrices de 2006, a précisé que les accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marché et de limitation de production, qui sont généralement secrets, comptent, par leur nature même, parmi les restrictions de concurrence les plus graves et doivent dès lors être sévèrement sanctionnés, la proportion des ventes prises en compte pour de telles infractions étant généralement retenue en haut de l’échelle. Il s’ensuit que, dans de tels cas, la Commission peut fixer le montant de l’amende au regard du seul critère de la nature de l’infraction, sans qu’il soit nécessaire de prendre en considération l’absence éventuelle de mise en œuvre de tout ou partie des accords litigieux (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, non encore publié au Recueil, points 420 à 423). Des éléments relevant de l’aspect intentionnel peuvent ainsi avoir plus d’importance que ceux relatifs aux effets de l’infraction sur le marché, surtout lorsqu’il s’agit d’infractions qui, comme en l’espèce, sont intrinsèquement graves dès lors qu’elles portent sur la coordination des prix et sur la répartition du marché (voir arrêt de la Cour du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, non encore publié au Recueil, point 134, et la jurisprudence citée).

290    L’argument pris par les requérantes des pourcentages de ventes liées directement ou indirectement à l’infraction retenus par la Commission dans les décisions Verre plat et Bandes vidéo professionnelles ne saurait davantage prospérer.

291    Il y a lieu de rappeler, en effet, que, selon une jurisprudence bien établie, la Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence (arrêts Martinelli/Commission, point 202 supra, point 59, et BPB/Commission, point 80 supra, point 335). Il s’ensuit que la pratique décisionnelle de la Commission ne sert pas, en elle-même, de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini par le règlement n° 1/2003, tel qu’appliqué à la lumière des lignes directrices, et que la Commission n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, points 209 à 213 ; du 19 mars 2009, Archer Daniels Midland/Commission, C‑510/06 P, Rec. p. I‑1843, point 82, et Erste Group Bank e.a./Commission, point 236 supra, point 123). Partant, le seul fait que la Commission a considéré, dans une ou plusieurs décisions antérieures, qu’un comportement justifiait une amende d’un certain montant n’implique nullement qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 décembre 1991, Hercules Chemicals/Commission, T‑7/89, Rec. p. II‑1711, point 357, et Heineken Nederland et Heineken/Commission, point 82 supra, point 401).

292    Eu égard à cette jurisprudence, il est également sans pertinence, aux fins d’apprécier la proportionnalité de l’amende litigieuse, que d’autres comportements contrevenant à l’article 81 CE, sanctionnés par la Commission dans des décisions antérieures, aient pu s’étendre sur des périodes plus longues que celle correspondant à la participation des requérantes à l’entente litigieuse qui a été retenue.

293    En outre, compte tenu du rejet du deuxième moyen (voir points 150 à 183 ci-dessus), il y a lieu de considérer comme établie la participation des requérantes à l’entente litigieuse pendant une période de quatre ans et demi environ. C’est sur ce fondement que la Commission a, dans la décision attaquée, appliqué la règle de calcul contenue au point 24 des lignes directrices de 2006, en multipliant par 4,5 le montant déterminé en fonction de la valeur des ventes liées directement ou indirectement à l’infraction réalisées par les requérantes.

294    Or, la circonstance qu’une amende infligée à une entreprise soit directement proportionnelle à la durée de sa participation à une infraction à l’article 81 CE n’est pas critiquable en soi au regard de l’exigence de proportionnalité et du principe d’individualité des peines. En effet, d’une part, habituellement, le profit illégitime que les participants à une entente tirent de celle-ci est d’autant plus important que l’infraction est de longue durée. Ainsi, en l’espèce, ce n’est qu’après avoir examiné les effets sur le marché des pratiques concertées mises en œuvre initialement qu’est apparue la nécessité d’ajustements et de mesures correctives, en vue de réaliser l’objectif d’une stabilisation des parts de marché des participants à l’entente. De surcroît, l’entente litigieuse n’a pu opérer que de manière graduelle sur l’ensemble du marché dans l’EEE, dès lors que les contrats de fourniture à des constructeurs automobiles sur lesquels portaient les pratiques collusoires avaient une durée de validité de plusieurs années. D’autre part, ainsi qu’il ressort du libellé du point 24 des lignes directrices de 2006, la méthode de calcul inscrite audit point contribue à individualiser la sanction appliquée à chacune des entreprises dont la participation à une infraction unique et continue est établie, en tenant compte d’éventuelles différences dans la durée de leur participation à l’entente.

295    Quant à la circonstance avancée par les requérantes selon laquelle l’amende litigieuse serait l’une des plus importantes jamais infligées par la Commission à un participant à une entente, elle ne saurait davantage être prise en compte. En effet, les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende ne sauraient acquérir une confiance légitime ni dans le fait que la Commission ne dépassera pas le niveau des amendes pratiqué antérieurement ni dans une méthode de calcul de ces dernières (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, point 228). Cela vaut également lorsque le relèvement du niveau des amendes résulte de l’application, dans des cas d’espèce, de règles de conduite ayant une portée générale, telles que les lignes directrices de 2006 (arrêts du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, points 229 et 230, et Archer Daniels Midland/Commission, point 291 supra, point 59).

296    S’agissant, en troisième lieu, du grief selon lequel le montant de l’amende infligée aux requérantes en l’espèce aurait été fixé sans tenir compte de la circonstance qu’elles s’étaient déjà vu infliger une amende de 140 millions d’euros dans la décision Verre plat et que, pour cette raison, le montant cumulé de ces deux amendes dépasserait le plafond de l’amende prévu à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, il ne saurait être retenu.

297    En effet, il est constant que la décision Verre plat et la décision attaquée visaient à sanctionner des infractions distinctes au droit de la concurrence, l’existence de marchés de produits différents, quand bien même voisins, constituant un critère pertinent aux fins de la détermination de la portée et, partant, de l’identité des infractions à l’article 81 CE (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 juin 2005, Tokai Carbon e.a./Commission, T‑71/03, T‑74/03, T‑87/03 et T‑91/03, non publié au Recueil, points 118 à 124 et 377, et Jungbunzlauer/Commission, point 277 supra, points 309 à 314).

298    Or, il ressort du libellé de l’article 23 du règlement n° 1/2003 que le plafond de 10 % du chiffre d’affaires ne s’applique qu’aux amendes infligées pour violation des articles 81 CE et 82 CE et qu’il vise séparément chaque infraction à l’un de ces articles. En tout état de cause, c’est à juste titre que la Commission relève que les montants des amendes infligées aux requérantes dans la présente affaire et dans la décision Verre plat ne sauraient être cumulés aux fins d’identifier un éventuel dépassement dudit plafond de 10 %. En effet, l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 fait référence, à cet égard, au « chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précéd[ant] » l’adoption de la décision. Or, en l’espèce, les décisions en question ont été adoptées au cours d’exercices sociaux différents.

299    S’agissant, en quatrième lieu, de l’argument des requérantes selon lequel la Commission ne pouvait inclure dans l’amende qui leur a été infligée un droit d’entrée de 16 %, sans tenir compte de l’effet dissuasif qu’emportait déjà, à leur égard, l’amende qui leur avait été infligée peu de temps avant l’adoption de la décision attaquée dans la décision Verre plat, il ne saurait être retenu.

300    À cet égard, il y a lieu de rappeler que le point 25 des lignes directrices de 2006, prévoyant l’inclusion d’un droit d’entrée dans le montant de base de l’amende, dispose ce qui suit :

« [I]ndépendamment de la durée de la participation d’une entreprise à l’infraction, la Commission inclura dans le montant de base une somme comprise entre 15 […] et 25 % de la valeur des ventes […], afin de dissuader les entreprises de même participer à des accords horizontaux de fixation de prix, de répartition de marchés et de limitation de production […] En vue de décider la proportion de la valeur des ventes à prendre en compte dans un cas donné, la Commission tiendra compte d’un certain nombre de facteurs, en particulier ceux identifiés au point 22 [à savoir, la nature de l’infraction, la part de marché cumulée de toutes les parties concernées, l’étendue géographique de l’infraction et la mise en œuvre ou non de l’infraction]. »

301    Les requérantes soutiennent, en substance, que la Commission ne pouvait inclure un tel droit d’entrée dans l’amende qui leur a été infligée, à titre dissuasif, dès lors qu’elles s’étaient déjà vu récemment infliger, dans la décision Verre plat, une amende pour infraction à l’article 81 CE incluant un droit d’entrée de 17 % et que ladite décision était postérieure à la cessation de leur comportement infractionnel sanctionné dans la décision attaquée.

302    Toutefois, la mission de surveillance que confère à la Commission le droit de l’Union, dans le domaine du droit de la concurrence, comprend la tâche d’instruire et de réprimer des infractions individuelles ainsi que le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. Il s’ensuit que la Commission doit veiller au caractère dissuasif des amendes (arrêts du Tribunal du 28 avril 2010, Gütermann et Zwicky/Commission, T‑456/05 et T‑457/05, Rec. p. II‑1443, point 79, et GDF Suez/Commission, point 289 supra, point 382).

303    Ainsi, l’effet dissuasif de l’amende ne vise pas uniquement à détourner l’entreprise en cause de la récidive (prévention spéciale). La Commission a le pouvoir de décider du niveau des amendes en vue de renforcer leur effet dissuasif à titre général, notamment lorsque des infractions d’un type déterminé sont encore relativement fréquentes ou sont à considérer comme graves (prévention générale) (voir, en ce sens, arrêts Tate & Lyle e.a./Commission, point 283 supra, point 134, et Total Raffinage Marketing/Commission, point 212 supra, point 460).

304    Eu égard à cette double fonction dissuasive de l’amende, les requérantes ne sauraient utilement invoquer le fait que l’amende qui leur avait été infligée récemment dans l’affaire ayant donné lieu à la décision Verre plat, pour une infraction en partie concomitante à l’infraction litigieuse, les avait déjà suffisamment dissuadées de commettre de nouvelles infractions graves à l’article 81 CE, de sorte qu’il n’y avait pas lieu d’inclure à nouveau un droit d’entrée dans l’amende qui leur avait été infligée au titre de l’infraction litigieuse. En effet, cette circonstance est dépourvue de pertinence du point de vue de l’objectif de prévention générale que poursuit l’amende litigieuse.

305    Le Tribunal relève encore qu’une interprétation différente aurait pour résultat, en l’espèce, de réduire l’intensité de l’amende infligée aux requérantes au titre de leur participation à l’infraction visée par la décision attaquée, au seul motif qu’elles ont déjà été sanctionnées pour une infraction distincte à l’article 81 CE. Or, une telle réduction aboutirait à une situation paradoxale dans laquelle une entreprise multipliant sa participation à des ententes, au cours d’une même période, verrait le coût marginal de chaque sanction diminuer progressivement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2011, Total et Elf Aquitaine/Commission, T‑206/06, non publié au Recueil, point 298). Cela équivaudrait à accorder aux requérantes une prime à la méconnaissance des règles de concurrence de l’Union et, pour cette raison, risquerait de compromettre l’efficacité de la discipline concurrentielle imposée par l’article 81, paragraphe 1, CE.

306    S’agissant, en cinquième lieu, de la référence faite par les requérantes à la réduction de 33 % de l’amende accordée par la Commission à l’une des entreprises destinataire des décisions Graphites spéciaux et Produits à base de carbone et de graphite, elle n’est pas pertinente en l’espèce.

307    En effet, d’une part, il ressort d’une jurisprudence constante, rappelée au point 291 ci-dessus, que la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence, étant donné que celui-ci est uniquement défini dans le règlement n° 1/2003, tel qu’appliqué à la lumière des lignes directrices, et que la Commission n’est pas liée par les appréciations qu’elle a portées antérieurement. Les décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une discrimination (arrêts de la Cour du 21 septembre 2006, JCB Service/Commission, C‑167/04 P, Rec. p. I‑8935, points 201 et 205, et du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, Rec. p. I‑4405, point 60).

308    D’autre part, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, cette dernière n’est pas obligée, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise intéressée, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché (arrêt de la Cour du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, point 105 ; voir arrêt du Tribunal du 29 novembre 2005, Union Pigments/Commission, T‑62/02, Rec. p. II‑5057, point 175, et la jurisprudence citée). Il est sans importance, à cet égard, que de telles difficultés financières apparaissent dans un contexte de crise affectant les marchés sur lesquels l’entreprise concernée est active. En premier lieu, une telle crise a, en principe, un impact plus important sur les entreprises les moins adaptées aux conditions du marché. En deuxième lieu, une éventuelle obligation pour la Commission de prendre en compte toute situation de crise économique aux fins de réduire le montant des amendes infligées en matière d’infractions à l’article 81, paragraphe 1, CE pourrait affecter de manière significative l’effectivité de l’interdiction contenue dans cette disposition dès lors qu’il est fréquent que les cartels naissent au moment où un secteur connaît des difficultés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 mai 2009, KME Germany e.a./Commission, T‑127/04, Rec. p. II‑1167, point 122). En troisième lieu, enfin, des circonstances telles qu’une baisse continue de la demande ou la capacité de production excédentaire qui peut en résulter, fussent-elles mêmes établies en l’espèce, sont des risques inhérents à toute activité économique qui, en tant que tels, ne caractérisent pas une situation structurelle ou conjoncturelle exceptionnelle susceptible d’être prise en compte pour la fixation du montant de l’amende (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Groupe Danone/Commission, T‑38/02, Rec. p. II‑4407, point 414).

309    En tout état de cause, c’est à juste titre que la Commission fait valoir que la situation de SGL Carbon dans le cadre des affaires ayant donné lieu aux décisions Graphites spéciaux et Produits à base de carbone et de graphite ne saurait être comparée à la situation des requérantes en l’espèce.

310    En effet, dans cette affaire, la Commission avait réduit de 33 % le montant de l’amende infligée à SGL Carbon en raison de ses graves difficultés financières ainsi que de la circonstance qu’elle avait, peu de temps auparavant, subi deux condamnations au paiement d’amendes pour des infractions au droit de la concurrence commises simultanément (arrêt Carbone-Lorraine/Commission, point 206 supra, points 22 et 315). Or, s’il n’est pas contesté que l’industrie automobile traverse une crise depuis plusieurs années et que la situation financière des requérantes s’est détériorée depuis l’adoption de la décision attaquée, ainsi qu’en atteste le rapport de la société de conseil produit dans le cadre de la présente procédure juridictionnelle, lesdites requérantes n’ont en revanche pas démontré qu’elles faisaient face, au moment de l’adoption de la décision attaquée, à des difficultés financières d’une gravité comparable à celles traversées par SGL Carbon en 2002 et 2003.

311    S’agissant, en sixième lieu, du grief pris de l’absence de prise en compte du programme de mise en conformité aux règles de la concurrence mis en place par les requérantes, il y a lieu d’observer que ces dernières n’ont fourni aucune explication concrète sur le contenu dudit programme ni même cherché à en étayer l’existence au moyen de preuves documentaires. De surcroît, à supposer même que l’existence d’un tel programme soit établie, il a été jugé que les mesures que ce type de programme comprend, bien qu’elles puissent s’avérer souhaitables en vue d’empêcher que de nouvelles infractions au droit de la concurrence de l’Union soient commises à l’avenir, n’affectent en rien la réalité des infractions commises. Il s’ensuit que l’adoption d’un programme de mise en conformité par l’entreprise concernée n’oblige pas la Commission à octroyer une réduction du montant de l’amende en raison de cette circonstance (arrêts du Tribunal BASF et UCB/Commission, point 150 supra, point 52 ; du 13 juillet 2011, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑38/07, Rec. p. II‑4383, point 96, et Schindler Holding e.a./Commission, point 247 supra, point 282).

312    Au vu de l’ensemble de ces éléments, il y a dès lors lieu de conclure que le quatrième moyen n’est pas fondé et qu’il doit être rejeté.

D –  Sur le cinquième moyen, pris d’une erreur de calcul du montant de l’amende en raison de la gravité moindre du comportement des requérantes par rapport à celui d’autres entreprises ayant participé à l’entente ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement

a)     Arguments des parties

313    Par leur cinquième moyen, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir surestimé le rôle individuel qu’elles ont joué dans le cadre de l’infraction litigieuse et, partant, d’avoir commis une erreur dans l’appréciation de la gravité de leur comportement. Les requérantes affirment ne pas avoir pris part matériellement à l’un quelconque des contacts bilatéraux entre AGC (Splintex) et Saint-Gobain, à tout le moins jusqu’au deuxième semestre de l’année 2000 et à partir de la fin de l’année 2001. En outre, les requérantes auraient tout au plus joué un rôle mineur dans le cadre de l’entente entre le deuxième semestre de l’année 2000 et la fin de l’année 2001.

314    Les requérantes font valoir, à cet égard, que la Commission a conclu à leur participation à plusieurs réunions et supposé qu’elles y avaient divulgué des informations sensibles, sans toutefois en apporter la preuve. Les notes manuscrites ainsi que le témoignage de la demanderesse de clémence auxquels la Commission se réfère seraient insuffisants à cet égard, le schéma général de l’entente tel qu’il ressort desdites notes apparaissant pour l’essentiel comme un ensemble de contacts bilatéraux entre AGC (Splintex) et Saint-Gobain. En tout état de cause, les requérantes auraient participé à un nombre moins élevé de contacts et de réunions que ces deux dernières entreprises. Le rôle limité des requérantes dans l’infraction serait également attesté par la circonstance que le nombre de leurs employés ayant participé aux contacts et réunions litigieux est moins élevé que le nombre d’employés d’AGC (Splintex) et de Saint-Gobain ayant participé à de tels contacts et réunions.

315    Selon les requérantes, la gravité moindre de leur comportement aurait dû être prise en compte lors du calcul du montant de l’amende qui leur a été infligée. Ainsi, le juge de l’Union aurait reconnu que le rôle limité d’une entreprise peut constituer une circonstance atténuante justifiant une réduction du montant de l’amende.

316    Les requérantes reprochent en outre à la Commission de leur avoir infligé une amende d’un montant disproportionné par rapport à celle infligée aux autres participants à l’entente litigieuse et d’avoir ainsi méconnu le principe d’égalité de traitement. Les requérantes font valoir qu’elles ont participé à l’entente pendant une période sensiblement plus courte que les autres destinataires de la décision attaquée et que leur rôle dans celle-ci était bien moins important que celui de ces derniers. De surcroît, les requérantes formeraient une entreprise de taille beaucoup plus modeste que Saint-Gobain et AGC (Splintex) et auraient des activités moins diversifiées que ces dernières. La méthode de calcul du montant de l’amende retenue en l’espèce par la Commission aurait dès lors abouti à leur infliger une amende qui représente une part nettement plus importante de leur chiffre d’affaires que celle que représentent les amendes infligées respectivement à Saint-Gobain et à AGC (Splintex). Ce contraste serait plus remarquable encore en tenant compte de l’effet cumulé de la présente amende et de celle infligée aux requérantes dans la décision Verre plat.

317    Dans un courrier du 18 janvier 2013, les requérantes ont par ailleurs, ainsi qu’il a été rappelé au point 261 ci-dessus, adressé au Tribunal un rapport préparé par une société de conseil, présentant non seulement leur situation financière actuelle ainsi que celle du groupe auquel elles appartiennent, mais aussi une comparaison avec la situation financière de Saint-Gobain et d’Asahi. Ce document démontrerait les effets préjudiciables plus importants qu’emporte sur les requérantes l’amende qui leur a été infligée, lorsqu’on les compare à ceux qu’ont emporté pour ces autres entreprises les amendes qui leur ont été infligées.

318    La Commission s’oppose à ces critiques. En premier lieu, elle conteste en partie la recevabilité du présent moyen, la requête n’exposant pas de manière suffisante, selon elle, les griefs sur lesquels repose la contestation par les requérantes de leur participation à certaines réunions ou à certains contacts dans le cadre de l’entente.

319    En deuxième lieu, la Commission soutient avoir établi la participation des requérantes à l’ensemble des réunions pour lesquelles une telle participation a été retenue dans la décision attaquée, sur la base non seulement des documents découverts dans les locaux de certaines entreprises destinataires de la décision attaquée, mais aussi des déclarations faites au titre de la clémence. Or, ces réunions représenteraient environ 80 % des réunions trilatérales identifiées dans la décision attaquée et les requérantes auraient admis avoir participé à la grande majorité de celles-ci. Dans ces conditions, selon la Commission, les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles allèguent avoir joué un rôle mineur dans le cadre de l’entente.

320    En troisième lieu, la Commission fait valoir que, quand bien même les requérantes n’auraient pas participé à certaines réunions ou à certains contacts pour lesquels leur participation a été retenue dans la décision attaquée, cela serait sans incidence sur la gravité de leur comportement anticoncurrentiel sur le marché du verre automobile. Les requérantes auraient en effet admis avoir pris part à l’essentiel des contacts pour lesquels leur participation a été retenue dans la décision attaquée, en particulier les contacts trilatéraux qui ont eu lieu entre le milieu de l’année 2000 et la fin de l’année 2001. La Commission rappelle, sur ce point, la jurisprudence selon laquelle l’établissement de la pleine participation d’une entreprise à une infraction unique et continue ne nécessite pas de preuve de la participation de ladite entreprise à l’ensemble des réunions de l’entente, ni même à une majorité d’entre elles, du moment que ladite entreprise savait, ou devait savoir, que la collusion à laquelle elle prenait part faisait partie d’un plan global et que ce plan global comportait tous les éléments constitutifs de l’entente. Le degré de participation des requérantes aux réunions du club serait, au demeurant et en tout état de cause, au moins comparable à celui des autres membres dudit club.

321    En quatrième lieu, la Commission conteste l’argument des requérantes selon lequel ces dernières auraient dû bénéficier de circonstances atténuantes en l’espèce. Elle fait valoir que, par l’adoption des lignes directrices de 2006, elle a changé sa politique en la matière. L’attitude « suiviste » d’une entreprise serait sans incidence sur sa participation à une infraction à l’article 81 CE. De surcroît, l’absence de mise en œuvre d’une entente ne justifierait désormais une réduction du montant de l’amende, au titre des circonstances atténuantes, que dans l’hypothèse où un comportement concurrentiel effectif est adopté par l’entreprise concernée, ce qui n’aurait pas été le cas des requérantes en l’espèce. Ainsi, le seul fait que la participation des requérantes à l’entente ait été d’une durée plus courte ne justifierait pas une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée au titre de prétendues circonstances atténuantes.

322    En tout état de cause, la Commission estime que les requérantes n’ont pas joué un rôle passif dans l’entente litigieuse, au sens de la jurisprudence, et qu’il est à tout le moins établi que l’entente a bien été mise en œuvre à certains moments. L’importance de la participation des requérantes à l’entente serait attestée par le fait qu’elles constituent l’un des plus importants fournisseurs de verre automobile dans le monde, avec des parts de marché qui se situaient entre 29 et 35 % pendant la période d’infraction.

323    Enfin, en cinquième lieu, la Commission conteste également avoir méconnu en l’espèce le principe d’égalité de traitement. Elle souligne qu’elle a correctement apprécié le rôle des requérantes dans l’entente globale, la proportion plus élevée que représente l’amende qui leur a été infligée au regard de leur chiffre d’affaires total, en comparaison des autres participants à l’entente, trouvant son origine dans la circonstance que cette entreprise fournit principalement les produits concernés par l’entente litigieuse.

324    La Commission ajoute que, selon une jurisprudence bien établie, confirmée notamment par le Tribunal dans son arrêt du 6 mai 2009, Wieland-Werke/Commission (T‑116/04, Rec. p. II‑1087), la circonstance que les amendes infligées au titre du règlement n° 1/2003 ne rendent pas compte des différences entre les entreprises eu égard à leur chiffre d’affaires global n’enfreint pas les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement. Ainsi, la part que représente l’amende dans le chiffre d’affaires global d’une entreprise ne saurait suffire à établir le caractère disproportionné du montant de celle-ci ou une rupture du principe d’égalité de traitement.

325    Quant aux lignes directrices de 2006, elles ne mentionneraient pas la possibilité de réduire le montant de l’amende lorsqu’il s’agit d’une petite entreprise, le plafond de 10 % du chiffre d’affaires fixé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 ayant déjà pour objet une prise en compte de la taille d’une entreprise visée par une décision imposant une sanction au titre de l’article 81 CE. Il résulterait en outre d’une jurisprudence constante, d’une part, que la Commission n’est pas tenue de prendre en considération les difficultés que traverse une entreprise lorsqu’elle inflige à cette dernière une amende au titre de l’article 81 CE et, d’autre part, que l’argument selon lequel les plus grandes entreprises devraient se voir infliger des amendes proportionnellement plus élevées, du seul fait de leur puissance économique, ne saurait prospérer.

b)     Appréciation du Tribunal 

326    Par leur cinquième moyen, les requérantes contestent, en substance, avoir eu un comportement d’une gravité comparable à celui de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex) dans le cadre de l’entente. Cette gravité moindre serait due, en substance, à une participation à un nombre moins élevé de réunions et de contacts en comparaison de ces deux dernières entreprises. À titre liminaire, il y a toutefois lieu d’examiner la fin de non-recevoir opposée par la Commission aux arguments formulés par les requérantes aux annexes A.32 et A.34 de leur requête.

 Quant à la recevabilité de l’argumentation développée par les requérantes dans certaines annexes de leur requête

327    La Commission soutient que les annexes A.32 et A.34 de la requête, dans lesquelles les requérantes développent une argumentation afin de contester leur participation à certaines réunions ou à certains contacts avec des entreprises concurrentes, ne sont pas recevables dès lors que cette argumentation n’a pas été présentée dans la requête elle-même.

328    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les annexes ne sauraient servir à développer un moyen qui n’est que sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci (arrêt du Tribunal du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, Rec. p. II‑107, point 167, et la jurisprudence citée).

329    En l’espèce, force est de constater que les annexes de la requête auxquelles il est fait référence au point 327 ci-dessus complètent ou étayent sur des points spécifiques les arguments contenus aux points 76 à 80 de la requête et qu’il est possible pour le Tribunal de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent lesdits arguments. Dans ces circonstances, rien ne s’oppose dès lors à ce que le Tribunal tienne compte des annexes A.32 et A.34 de la requête dans son analyse du présent moyen, de sorte que la fin de non-recevoir présentée par la Commission doit être rejetée.

 Quant à la participation des requérantes aux réunions et contacts de l’entente

330    Quant au fond, il y a tout d’abord lieu de rappeler le constat opéré au point 167 ci-dessus, selon lequel, s’il est exact que la Commission n’a pas établi la participation des requérantes à l’ensemble des réunions et contacts collusoires auxquels elle se réfère dans la décision attaquée s’agissant de la période comprise entre le 10 mars 1998 et le 15 janvier 1999, il résulte toutefois du dossier que les requérantes ont, au cours de cette même période, pris part à diverses réunions ou contacts au cours desquels elles ont échangé avec des concurrents des informations sensibles sur le plan commercial, s’agissant notamment des prix et des volumes de production. Les éléments de preuve examinés aux points 157 à 166 ci-dessus corroborent également le point de vue de la Commission selon lequel les requérantes ont, au cours de ladite période, participé à des discussions ayant pour objet une répartition des livraisons de pièces de vitrage destinées à certains modèles de véhicule.

331    En ce qui concerne la période d’infraction qui a débuté le 15 janvier 1999, il convient de souligner que les requérantes ne contestent pas, d’une part, leur participation à 23 réunions auxquelles il est fait référence dans le tableau 2 figurant au considérant 98 de la décision attaquée et, d’autre part, à dix autres contacts auxquels il est fait référence dans le tableau 3 figurant au même considérant de ladite décision. Les requérantes contestent en revanche leur participation à six réunions auxquelles il est fait référence dans le tableau 2 et à cinq « autres contacts » auxquels il est fait référence dans le tableau 3.

–       Sur la réunion qui se serait déroulée à Paris au milieu de l’année 2000 au sujet de la fourniture de vitrage destiné à la [confidentiel]

332    En ce qui concerne tout d’abord la réunion qui se serait déroulée à Paris au milieu de l’année 2000 au sujet du constructeur [confidentiel], il ressort des considérants 247 à 249 de la décision attaquée que cette réunion a mis en présence des employés des requérantes, d’AGC (Splintex) et de Saint-Gobain et qu’elle portait sur la répartition des fournitures de vitrage destiné à la [confidentiel]. Selon les requérantes, la seule circonstance que les notes prises par un employé de la demanderesse de clémence à cette occasion indiqueraient que ce modèle était « couvert par [Pilkington] » ne permettrait d’établir ni qu’elles ont participé à cette réunion ni qu’elles ont accepté de couvrir [confidentiel] en vue de l’attribution à cette dernière entreprise du contrat de fourniture de vitrage destiné à ce modèle, en présentant une offre à un prix plus élevé.

333    La Commission souligne que ces notes manuscrites doivent être lues à la lumière d’un passage des déclarations effectuées par la demanderesse de clémence le 28 février 2008, dans lequel cette dernière aurait indiqué que les requérantes avaient accepté de faire une offre à un niveau de prix plus élevé que le sien s’agissant du modèle en question. Les requérantes estiment néanmoins que ce passage constitue une simple tentative d’explication se fondant sur le libellé même des notes en question et que, compte tenu de leur caractère vague sur ce point, les déclarations faites par la demanderesse de clémence ne sont pas crédibles. Les requérantes soulignent, à cet égard, que la demanderesse de clémence n’a pas été en mesure d’indiquer le lieu et la date de cette réunion.

334    Le Tribunal considère toutefois que, sans même qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la présence d’employés des requérantes lors de cette réunion, il ressort du libellé même des notes prises par un employé de la demanderesse de clémence à cette occasion, ainsi que des déclarations effectuées par cette dernière à leur sujet, que les requérantes ont à tout le moins pris part aux discussions relatives à l’attribution du contrat de fourniture en cause et qu’elles ont accepté, à cette occasion, de couvrir l’offre de la demanderesse de clémence en faisant une offre à un prix supérieur.

335    Cette conclusion ne saurait être affectée par les doutes émis par les requérantes envers la crédibilité des déclarations de la demanderesse de clémence auxquelles se réfère la Commission. D’une part, comme le souligne à juste titre la Commission, le passage desdites déclarations auquel elle se réfère fournit une explication cohérente de l’extrait des notes prises par l’employé de la demanderesse de clémence s’agissant de la fourniture de vitrage destiné à la [confidentiel]. Il y a dès lors lieu de considérer que ledit passage est corroboré par un autre élément de preuve (voir, en ce sens, arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 82 supra, point 219, et Groupe Danone/Commission, point 308 supra, point 285). D’autre part, la fiabilité de cette explication est d’autant plus grande que son contenu était de nature à confirmer la participation de la demanderesse de clémence à une collusion spécifique visant à l’attribution à cette dernière d’un contrat de fourniture, une telle explication allant à l’encontre de ses intérêts (voir, par analogie, arrêts du Tribunal JFE Engineering e.a./Commission, point 82 supra, points 211 et 212, et du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié au Recueil, point 59).

–       Sur la réunion qui se serait déroulée le 5 juillet 2000 au sujet de la fourniture de vitrage destiné à certains modèles de [confidentiel] et de [confidentiel]

336    En ce qui concerne la réunion qui se serait déroulée le 5 juillet 2000 au sujet du vitrage destiné à certains modèles de [confidentiel] et de [confidentiel], il y a lieu de relever que, aux termes du considérant 230 de la décision attaquée, cette réunion a eu lieu soit dans un hôtel à proximité de l’aéroport Charles de Gaulle à Paris, soit dans les locaux d’une association professionnelle à Rome. Au cours de cette réunion, les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) auraient discuté d’une couverture sur les prix en faveur d’AGC (Splintex) s’agissant du contrat de fourniture relatif à la [confidentiel]. Ces concurrents auraient également, à cette occasion, échangé des informations sur les prix du modèle [confidentiel] et envisagé le partage entre eux de l’approvisionnement en vitrage d’une série d’autres modèles du constructeur [confidentiel].

337    Les requérantes font néanmoins valoir que la Commission n’a pas été en mesure d’établir leur participation à cette réunion. Les déclarations orales de la demanderesse de clémence ne seraient pas suffisamment fiables compte tenu du fait que, d’une part, celle-ci ne s’est pas remémoré l’endroit où ladite réunion avait eu lieu et que, d’autre part, elle n’a fait état de cette réunion qu’à un stade avancé de la procédure d’enquête.

338    Ces arguments ne sauraient toutefois être retenus.

339    En effet, les notes prises lors de la réunion du 5 juillet 2000 par un employé de la demanderesse de clémence, comprises à l’aune des déclarations effectuées par cette dernière dans le cadre du programme de clémence, suffisent à établir la participation des requérantes à ce contact collusoire. Certes, ces éléments du dossier ne permettent pas d’établir avec certitude que les requérantes ont accepté de couvrir AGC (Splintex) en vue de l’attribution à cette dernière du contrat de fourniture de vitrage destiné à la [confidentiel], les références aux requérantes contenues sur ce point dans les notes pouvant être interprétées comme une simple déclaration d’intention de la part d’AGC (Splintex). La demanderesse de clémence a néanmoins confirmé dans ses déclarations que le tableau figurant à la fin de ces mêmes notes reflétait la répartition des marchés décidée entre elle-même, Saint-Gobain et les requérantes au sujet de divers modèles de [confidentiel], par le biais d’une collusion sur les prix. La fiabilité de cette déclaration de la demanderesse de clémence ne saurait être remise en cause au motif que celle-ci n’a pu identifier avec certitude le lieu où la réunion en question s’était déroulée, un tel oubli pouvant s’expliquer par la circonstance que cette déclaration a été faite près de cinq ans après la date de ladite réunion. Le stade de la procédure d’enquête auquel cette déclaration est intervenue est également sans pertinence dès lors que cette déclaration ne manque ni de précision ni de cohérence et qu’elle s’appuie sur des notes suffisamment explicites en soi.

340    Il s’ensuit que c’est à juste titre également que la Commission a retenu la participation des requérantes au contact collusoire du 5 juillet 2000.

–       Sur la réunion qui se serait déroulée à la fin d’octobre ou au début de novembre 2000 au sujet de certains modèles de [confidentiel]

341    Aux termes du considérant 275 de la décision attaquée, une autre réunion trilatérale s’est tenue à la fin d’octobre ou au début de novembre 2000, à l’occasion de laquelle des employés des requérantes, de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex) auraient échangé des informations sur les prix afin de se partager la fourniture de vitrage destiné aux [confidentiel]. Les requérantes auraient, lors de cette réunion, obtenu de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex) que ces dernières les couvrent pour la fourniture des custodes et de la lunette arrière de la [confidentiel], en remettant à ce constructeur des offres à des prix plus élevés.

342    Sans contester en soi la tenue de cette réunion, les requérantes font valoir que les notes prises par un employé de la demanderesse de clémence ne permettent pas de conclure qu’elles y ont pris part ni a fortiori qu’elles ont participé à l’accord que la Commission a cru pouvoir y déceler. Les déclarations de la demanderesse de clémence seraient en outre vagues sur ce point.

343    À cet égard, il y a tout d’abord lieu de constater que les notes en question contiennent bien une liste de pièces de vitrage relative au modèle [confidentiel] ainsi que des informations sensibles sur le plan commercial telles que des prix et des coûts de production concernant les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex). Ensuite, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, les déclarations de la demanderesse de clémence fournissent une explication claire et cohérente quant à la signification de ces notes. Selon cette explication, il a été décidé, au cours de cette réunion, que la fourniture des custodes et des lunettes arrière de la [confidentiel] serait attribuée aux requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) ayant accepté de les couvrir à cet égard.

344    Il s’ensuit que la participation des requérantes à la réunion qui s’est déroulée à la fin d’octobre ou au début de novembre 2000 au sujet de certains modèles de [confidentiel] doit être tenue pour établie, de même que le caractère anticoncurrentiel de ladite réunion.

–       Sur la réunion du 1er novembre 2000 au sujet de certains modèles de [confidentiel]

345    S’agissant ensuite de la réunion qui se serait déroulée en novembre 2000 au sujet de certains modèles de [confidentiel], la demanderesse de clémence a déclaré que les notes s’y rapportant, prises par l’un de ses employés, reflétaient notamment une discussion entre les trois grands producteurs de verre automobile en vue d’une augmentation du prix de certaines pièces de vitrage destiné au modèle [confidentiel]. Aux termes du considérant 280 de la décision attaquée, il ressortirait de ces notes qu’un accord avait été conclu entre concurrents en vue d’appliquer des augmentations tarifaires uniformes de 4 % pour les pare-brise et les vitres latérales et de 3 % pour les lunettes arrière.

346    S’il est certes exact que lesdites notes semblent refléter l’existence d’un contact collusoire, le Tribunal estime toutefois que la participation des requérantes à celui-ci n’est pas établie. En effet, contrairement à de nombreuses autres notes sur lesquelles se fonde la Commission, les notes prises lors de cette réunion ne contiennent aucune référence explicite aux requérantes, la Commission ayant elle-même admis dans la décision attaquée qu’il ne pouvait être conclu avec certitude qu’un représentant des requérantes y avait participé.

347    Ainsi, il y a lieu de considérer que les déclarations de la demanderesse de clémence ne sont pas suffisamment corroborées par d’autres éléments de preuve s’agissant de la participation des requérantes au contact collusoire du 1er novembre 2000 (voir, en ce sens, arrêts JFE Engineering e.a./Commission, point 82 supra, point 219, et Groupe Danone/Commission, point 308 supra, point 285).

–       Sur la réunion ayant eu lieu « quelque temps avant ou aux alentours des 13-14 décembre 2000 », au sujet de certains modèles de [confidentiel]

348    S’agissant de la réunion ou du contact qui aurait eu lieu « quelque temps avant ou aux alentours des 13-14 décembre 2000 », au sujet de certains modèles de [confidentiel], il y a lieu de rappeler que, aux termes du considérant 295 de la décision attaquée, il s’agissait d’un contact trilatéral entre les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex). Ce contact aurait pris la forme soit d’une réunion dans un hôtel à proximité de l’aéroport de Bruxelles, soit d’un entretien téléphonique.

349    Les requérantes font néanmoins valoir que les notes d’un employé de la demanderesse de clémence produites par la Commission, même lues à la lumière des déclarations de la demanderesse de clémence, ne permettent d’établir ni que cette réunion a bien eu lieu ni, a fortiori, qu’elles y ont participé.

350    Cet argument ne saurait toutefois prospérer.

351    Tout d’abord, les notes prises par un employé de la demanderesse de clémence, datées des « 13-14 décembre 2000 », contiennent une référence explicite aux requérantes. Ces dernières ne contestent pas, à cet égard, que c’est à elles que se rapporte le nom de code « Y » qui apparaît dans lesdites notes. Ensuite, la demanderesse de clémence a confirmé que les trois grands producteurs de vitrage automobile avaient participé à cette réunion ou à ce contact et que des discussions de nature collusoire avaient eu lieu à cette occasion, au sujet des [confidentiel]. Selon ces mêmes déclarations, lesdits producteurs y ont en outre échangé des informations sensibles s’agissant des coûts de production de pièces de vitrage destinées à la [confidentiel]. Bien qu’il soit exact que les notes prises par l’employé de la demanderesse de clémence à l’occasion de cette réunion ou de ce contact soient assez brèves et peu détaillées, leur contenu apparaît, au regard des principes rappelés au point 83 ci-dessus, suffisamment explicite lorsqu’il est lu à l’aune des déclarations de la demanderesse de clémence.

352    Ainsi que le souligne la Commission, les précautions prises par la demanderesse de clémence en effectuant ces déclarations, par exemple par l’emploi d’expressions anglaises telles que « it is believed that » (il est supposé que) ou par l’indication que les notes pourraient alternativement se rapporter à une réunion dans un hôtel de l’aéroport de Bruxelles ou à des contacts téléphoniques, ne sauraient, en soi, en altérer la valeur probante. De telles précautions peuvent en effet s’expliquer par la volonté de la demanderesse de clémence de formuler ses déclarations avec prudence afin d’éviter que d’éventuelles inexactitudes ne risquent de compromettre ses chances d’obtenir une réduction du montant de l’amende. De surcroît, la circonstance qu’un employé de la demanderesse de clémence n’ait pu se remémorer avec précision le lieu de cette réunion ou de ce contact n’est pas déterminante, compte tenu du nombre important de réunions et de contacts qui ont eu lieu dans le cadre de l’entente, de la circonstance que plusieurs années se sont écoulées entre cette réunion ou ce contact et le moment où la demanderesse de clémence a effectué ses déclarations à la Commission et, enfin, du niveau de précision desdites déclarations s’agissant de la nature et de la portée des discussions qui ont eu lieu à cette occasion.

353    Au vu de ces divers éléments, il est établi que les requérantes ont participé à la réunion ou au contact collusoire qui a eu lieu « quelque temps avant ou aux alentours des 13-14 décembre 2000 » au sujet de certains modèles de [confidentiel].

–       Sur la réunion ou le contact du 30 avril 2002

354    S’agissant de la réunion trilatérale qui aurait eu lieu dans un aéroport le 30 avril 2002, il convient de relever que, contrairement à ce qu’indique le considérant 391 la décision attaquée, ladite réunion, ainsi qu’il ressort des déclarations de la demanderesse de clémence, n’a pas eu lieu à l’aéroport Charles de Gaulle à Paris, la demanderesse de clémence ayant indiqué que cette réunion avait probablement eu lieu dans un hôtel de l’aéroport de Bruxelles. Il ressort également de la décision attaquée qu’un autre contact a eu lieu le même jour entre Saint-Gobain et AGC (Splintex), au cours duquel auraient notamment été échangées des informations commerciales sensibles communiquées par les requérantes à ces entreprises.

355    Les requérantes contestent avoir participé à ces contacts.

356    À cet égard, il convient tout d’abord de relever que, comme l’indiquent les requérantes, rien ne permet d’établir la participation de celles-ci au premier de ces deux contacts qui concernait le constructeur [confidentiel]. D’une part, les notes prises par un employé de la demanderesse de clémence à ce sujet ne contiennent aucune référence aux requérantes. D’autre part, il ressort des déclarations effectuées par la demanderesse de clémence que ce contact a mis en présence cette dernière et Saint-Gobain uniquement.

357    En ce qui concerne le second contact, il ressort des notes prises par l’un des employés de la demanderesse de clémence ainsi que des déclarations effectuées par cette dernière à leur sujet que les requérantes ont, à tout le moins, participé à un contact collusoire au sujet des [confidentiel]. Ainsi, les déclarations de la demanderesse de clémence indiquent qu’une discussion a bien eu lieu entre les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) au sujet de la livraison du vitrage destiné à ces modèles et que cette discussion portait sur une répartition en parts égales de la fourniture de vitrage destiné à ces modèles entre Saint-Gobain et les requérantes.

358    Il convient dès lors de tenir pour établie la participation des requérantes au contact collusoire du 30 avril 2002, relatif à la fourniture de vitrage destiné aux [confidentiel].

–       Sur le contact ayant eu lieu peu de temps avant le 23 juin 2000 au sujet du constructeur [confidentiel]

359    Aux termes du considérant 219 de la décision attaquée, un contact a eu lieu entre un employé de la demanderesse de clémence et un employé des requérantes à une date indéterminée avant le 23 juin 2000, au cours duquel la fourniture de vitrage au constructeur [confidentiel] a été discutée. Des informations sur les prix auraient été échangées, à cette occasion, entre ces deux entreprises concurrentes, en vue de l’octroi d’une couverture mutuelle s’agissant de la [confidentiel]. Les requérantes auraient également présenté les parts de marché des trois grands producteurs de verre automobile s’agissant du constructeur [confidentiel] pour la période comprise entre 1998 et 2003, ainsi que leur cible en termes de part de marché pour les [confidentiel].

360    Les requérantes estiment que ni les notes prises par un employé de la demanderesse de clémence à cette date, ni les déclarations faites par celle-ci en vue de bénéficier de la clémence ne permettent de conclure qu’elles ont communiqué à un concurrent les informations contenues dans lesdites notes.

361    Cet argument ne saurait toutefois prospérer. Comme le fait valoir à juste titre la Commission, il résulte sans ambiguïté des déclarations de la demanderesse de clémence, corroborées sur ce point par les notes prises par l’un de ses employés, qu’un échange d’informations commerciales sensibles a bien eu lieu peu de temps avant le 23 juin 2000 et que les requérantes ont pris part à cet échange. Tout d’abord, le tableau figurant en bas de la page desdites notes comprend une référence aux requérantes en marge de l’indication des années couvertes par ce tableau. Or, cette référence s’ajoute à celle faite aux requérantes dans ce même tableau, en vue d’indiquer leurs parts de marché, effectives ou présumées. Une telle présentation tend à étayer l’explication donnée par la demanderesse de clémence, dans le cadre de ses déclarations faites à la Commission, selon laquelle ledit tableau a été rédigé sur la base d’informations fournies par les requérantes elles-mêmes. Par ailleurs, les notes en question se réfèrent à l’objectif manifesté par les requérantes d’obtenir respectivement 22 % et 44 % des parts de marché pour les [confidentiel]. Il ressort encore des explications données par la demanderesse de clémence que cet échange d’informations avait pour objet, d’une part, d’organiser la répartition de contrats de fourniture relatifs à un ou à plusieurs modèles du constructeur [confidentiel], par l’utilisation du mécanisme de couverture, et, d’autre part, d’évaluer plus globalement la situation des trois grands producteurs de vitrage à l’égard de ce constructeur en vue de procéder, si nécessaire, à d’éventuels ajustements.

362    Partant, c’est à juste titre que la Commission a retenu la participation des requérantes au contact qui a eu lieu peu de temps avant le 23 juin 2000 au sujet du constructeur [confidentiel].

–       Sur les contacts ayant eu lieu le 23 juin et le 17 juillet 2000 au sujet du constructeur [confidentiel]

363    Aux termes du considérant 227 de la décision attaquée, des employés des requérantes et d’AGC (Splintex) ont été en contact les 23 juin et 17 juillet 2000 au sujet du constructeur [confidentiel], plus particulièrement en ce qui concerne la [confidentiel]. Les requérantes font néanmoins valoir, en substance, qu’il ne saurait être déduit des notes prises par un employé de la demanderesse de clémence, produites par la Commission, ainsi que des déclarations faites par la demanderesse de clémence à ce sujet qu’elles ont pris part à ce contact ou, plus généralement, qu’elles ont échangé des informations commerciales sensibles concernant ledit modèle.

364    Les requérantes ne sauraient toutefois être suivies sur ce point, eu égard tant aux notes prises par un employé de la demanderesse de clémence qu’aux explications fournies à leur sujet dans le cadre du programme de clémence. Ainsi, la demanderesse de clémence a apporté une explication claire et précise à propos des notes prises par l’un de ses employés au sujet du constructeur [confidentiel], lors des contacts qui ont eu lieu les 23 juin et 17 juillet 2000. Selon ces déclarations, le tableau figurant en haut de la page 51 desdites notes contient des indications sur les prix à l’unité envisagés par la demanderesse de clémence et par Saint-Gobain pour les différentes pièces de vitrage destinées à la [confidentiel], de même que sur certains coûts liés à la fourniture de ces pièces. Aux termes de ces mêmes déclarations, il a été convenu que Saint-Gobain ne fournirait pas de pièces de vitrage s’agissant dudit modèle et offrirait par conséquent une couverture sur les prix aux deux autres membres du club. Cette explication est cohérente au regard du tableau susvisé, dont il ressort que les prix à l’unité de Saint-Gobain étaient plus élevés que ceux de la demanderesse de clémence pour chacune des pièces de vitrage destinées à la [confidentiel]. Ensuite, toujours selon la demanderesse de clémence, il a été convenu que cette dernière bénéficierait d’une couverture sur les prix de la part des requérantes pour ce modèle, à l’exception de deux pièces de vitrage, en l’occurrence les custodes et les lunettes arrière. Ainsi qu’il ressort non seulement des explications fournies par la demanderesse de clémence, mais aussi de l’observation figurant en bas du tableau apparaissant dans les notes prises par l’un des employés de celle-ci, les entreprises ayant participé au contact ont toutefois envisagé la possibilité que les requérantes n’obtiennent pas le marché de fourniture des custodes, une hypothèse dans laquelle les requérantes devaient bénéficier d’une compensation.

365    Il s’ensuit que les éléments avancés par la Commission suffisent à corroborer la conclusion de cette dernière selon laquelle les requérantes ont participé à une discussion collusoire au sujet de la [confidentiel], à l’occasion de contacts avec AGC (Splintex) en juin et juillet 2000.

–       Sur le contact ayant eu lieu en mai 2001 au sujet de la [confidentiel]

366    Aux termes du considérant 318 de la décision attaquée, des représentants des requérantes ainsi que de la demanderesse de clémence ont, dans le courant du mois de mai 2001, échangé des informations sur les prix s’agissant de la nouvelle [confidentiel]. La Commission se fonde, en particulier, sur un tableau fourni par la demanderesse de clémence, contenant un aperçu détaillé d’offres de prix remises par les requérantes pour la fourniture et l’assemblage de vitrage destiné à ce modèle et comparant ces prix avec les prix cibles du client [confidentiel], propriétaire de [confidentiel] à cette époque.

367    Les requérantes nient toutefois avoir communiqué de telles informations sensibles sur le plan commercial. Selon elles, il est plus probable que les informations concernant les offres de prix qu’elle a remises à [confidentiel] ont été communiquées à la demanderesse de clémence par ce constructeur automobile lui-même.

368    À cet égard, le Tribunal relève tout d’abord qu’il ressort en effet des déclarations de la demanderesse de clémence commentant le tableau en cause que cette dernière n’était pas en mesure de confirmer si les informations relatives aux offres de prix des requérantes émanaient des requérantes elles-mêmes. Ainsi, la demanderesse de clémence a indiqué qu’il arrivait que le constructeur automobile lui-même fournisse des informations détaillées sur les offres remises par l’un ou l’autre des producteurs de verre automobile.

369    Toutefois, il ressort d’un autre passage de ces mêmes déclarations que, en dépit de l’incertitude concernant la divulgation par les requérantes d’informations sensibles sur le plan commercial au sujet de la [confidentiel] au mois de mai 2001, les requérantes avaient en revanche communiqué de telles informations à AGC (Splintex) au mois d’octobre 2000.

370    Dès lors, il y a lieu de tenir pour établi que les requérantes ont bien communiqué à un concurrent des informations sensibles concernant la [confidentiel] au cours de la période d’infraction.

–       Sur le contact ayant eu lieu le 10 septembre 2001 au sujet du [confidentiel]

371    Selon le considérant 343 de la décision attaquée, les requérantes et la demanderesse de clémence ont échangé des informations sur les prix au sujet du [confidentiel], lors d’un contact téléphonique du 10 septembre 2001. Les requérantes font toutefois valoir que leur participation à ce contact n’a pas été établie, compte tenu du caractère obscur des notes prises par un employé de la demanderesse de clémence et sur lesquelles se fonde la Commission à cet égard.

372    À titre liminaire, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la chronologie des événements relatifs à l’attribution du contrat de fourniture de vitrage destiné au [confidentiel] témoignerait du caractère contradictoire des déclarations effectuées à ce sujet par la demanderesse de clémence. En effet, sans même qu’il soit nécessaire de vérifier l’exactitude de l’affirmation de la Commission selon laquelle il est fréquent que la fourniture de vitrage destiné à un modèle fasse l’objet de renégociations ou de réattributions au cours de la durée de vie dudit modèle, il suffit de constater que les requérantes n’ont même pas cherché à étayer leur affirmation selon laquelle, en septembre 2001, le contrat de fourniture relatif au [confidentiel] avait déjà été attribué.

373    S’agissant ensuite de la question de la participation des requérantes au contact en question, il y a lieu tout d’abord de relever que, nonobstant son caractère succinct, l’extrait des notes prises par un employé de la demanderesse de clémence produit par la Commission contient une référence explicite aux requérantes. Ensuite, cet extrait contient des informations précises sur les prix de différentes pièces de vitrage destiné au [confidentiel]. Or, ainsi que le relève la Commission, la demanderesse de clémence a fourni une explication claire et cohérente au sujet de ces notes, en indiquant que les requérantes leur avaient communiqué ces diverses informations sensibles les 10 et 12 septembre 2001.

374    Il s’ensuit que, au regard des éléments de preuve avancés par la Commission, la participation des requérantes au contact qui a eu lieu en septembre 2001 au sujet du [confidentiel], impliquant l’échange d’informations sensibles sur le plan commercial, doit être tenue pour établie.

–       Sur le contact ayant eu lieu le 6 novembre 2001 au sujet du constructeur [confidentiel]

375    Selon le considérant 354 de la décision attaquée, un contact a eu lieu le 6 novembre 2001 entre la demanderesse de clémence et les requérantes. Des informations sensibles sur les prix du vitrage destiné à la nouvelle [confidentiel] auraient été échangées lors de ce contact. Les requérantes contestent avoir communiqué de telles informations sensibles à la demanderesse de clémence. Selon elles, ces informations ont été communiquées à la demanderesse de clémence par [confidentiel], ce constructeur automobile ayant cherché à faire pression sur celle-ci afin qu’elle lui remette une meilleure offre que celle faite par les requérantes.

376    Cet argument ne saurait être retenu.

377    Tout d’abord, il convient de constater que les notes prises par un employé de la demanderesse de clémence à cette occasion contiennent plusieurs références aux requérantes, ainsi que ces dernières l’admettent elles-mêmes. Ces références sont à chaque fois accompagnées, dans le cas de la [confidentiel], d’indications précises relatives aux prix se rapportant à diverses pièces de vitrage destinées audit modèle. Ensuite, la demanderesse de clémence a indiqué, dans ses déclarations faites à la Commission, que ces informations lui avaient été communiquées par les requérantes.

378    Ces éléments tendent ainsi à corroborer le point de vue de la Commission, selon lequel les requérantes ont participé à un contact avec la demanderesse de clémence le 6 décembre 2001, au cours duquel des informations sensibles sur les prix relatifs à la nouvelle [confidentiel] ont été échangées.

–       Conclusion sur les réunions et contacts examinés dans le cadre du présent moyen

379    Au vu du raisonnement exposé aux points 332 à 378 ci-dessus, il y a lieu de considérer qu’est établie la participation des requérantes à la plupart des réunions et contacts pour lesquels leur participation a été retenue dans la décision attaquée.

 Quant à l’appréciation de la gravité individuelle du comportement des requérantes

380    C’est à l’aune de ce constat qu’il convient d’examiner le bien-fondé des divers griefs avancés par les requérantes au soutien de leur point de vue selon lequel la Commission a apprécié erronément la gravité de leur comportement par rapport à celui de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex).

381    S’agissant tout d’abord du grief pris par les requérantes de leur rôle prétendument passif dans le cadre de l’entente, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le rôle passif d’une entreprise dans la réalisation de l’infraction implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas », c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Cheil Jedang/Commission, T‑220/00, Rec. p. II‑2473, point 167). Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peut être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 mai 1998, BPB de Eendracht/Commission, T‑311/94, Rec. p. II‑1129, point 343, et Cheil Jedang/Commission, précité, points 168 et 181).

382    Néanmoins, seule une passivité totale ou presque est susceptible d’entrer en ligne de compte au titre de circonstance atténuante, une telle passivité devant être établie par la partie qui l’invoque (voir arrêts du Tribunal du 6 mars 2012, FLS Plast/Commission, T‑64/06, non publié au Recueil, point 127, et FLSmidth/Commission, T‑65/06, non publié au Recueil, sous pourvoi, point 59, et la jurisprudence citée).

383    Or, en l’espèce, le Tribunal constate que, au vu non seulement du raisonnement exposé aux points 332 à 378 ci-dessus, mais également du nombre de réunions et de contacts collusoires auxquels les requérantes n’ont pas contesté avoir pris part, ces dernières ne se sont pas limitées à un rôle passif dans le cadre de l’entente, justifiant une réduction du montant de base de l’amende au titre de circonstance atténuante.

384    En premier lieu, il est établi que les requérantes ont participé régulièrement aux réunions et contacts de nature anticoncurrentielle entre les membres du club, durant la période comprise entre le 10 mars 1998 et le 3 septembre 2002, en sorte que leur participation à l’entente ne présente nullement un caractère sporadique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 juin 2012, Berning & Söhne, T‑445/07, non publié au Recueil, point 219).

385    En deuxième lieu, les requérantes n’ont pas nié avoir été représentées, au cours de ces réunions et contacts, par des cadres supérieurs ou des responsables de grands comptes, ni avoir elles-mêmes organisé plusieurs des réunions du club.

386    En troisième lieu, il convient de souligner que, dans l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 381 supra, cité par les requérantes, le Tribunal n’est pas parvenu à la conclusion que l’entreprise en cause avait joué un rôle passif pendant une partie de la période d’infraction en se fondant uniquement sur la circonstance que ladite entreprise n’avait participé qu’à certaines des réunions de l’entente. Le Tribunal s’est également fondé, à cet égard, d’une part, sur le fait que cette entreprise n’avait pas participé aux deux réunions les plus importantes de l’entente, à savoir celles au cours desquelles une répartition définitive et affinée des quotas de vente avait été décidée par les autres producteurs, et, d’autre part, sur le fait que ladite entreprise avait accepté a posteriori de faibles quotas de vente (arrêt Cheil Jedang/Commission, point 381 supra, points 178 à 180 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Coats Holdings et Coats/Commission, T‑36/05, non publié au Recueil, point 208).

387    Or, les circonstances de la présente affaire se distinguent sur des aspects essentiels de celles ayant donné lieu à l’arrêt Cheil Jedang/Commission, point 381 supra (point 182). Ainsi, les requérantes ne contestent pas leur participation aux deux réunions du club qui se sont tenues les 6 décembre 2001 et 10 juillet 2002, examinées aux considérants 113 et 114 de la décision attaquée. Or, ainsi qu’il a été exposé aux points 88 à 93 ci-dessus, les requérantes, Saint-Gobain et AGC (Splintex) ont, au cours de ces réunions, procédé à une appréciation globale du fonctionnement de l’entente ainsi qu’à des adaptations jugées nécessaires afin de poursuivre efficacement leur collusion sur les parts de marché. Il est dès lors établi que les requérantes ont participé à deux des réunions les plus importantes de l’entente, au cours desquelles les objectifs globaux de l’entente ainsi que les modalités de sa mise en œuvre ont été débattus et précisés.

388    Il résulte ainsi du raisonnement exposé aux points 384 à 387 que le grief par lequel les requérantes soutiennent qu’elles se sont limitées à un rôle passif dans le cadre de l’entente ne saurait prospérer.

389    S’agissant ensuite de l’argument des requérantes selon lequel elles n’auraient pas mis en œuvre la grande majorité des décisions prises lors des réunions de l’entente, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors que celui-ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun. Par conséquent, la démonstration d’effets anticoncurrentiels réels n’est pas requise, alors même que l’objet anticoncurrentiel des comportements reprochés est établi (voir, en ce sens, la jurisprudence citée au point 288 ci-dessus).

390    Il ressort par ailleurs du point 29, troisième tiret, des lignes directrices de 2006 que le montant de base de l’amende peut être réduit par la Commission, au titre des circonstances atténuantes, lorsque l’entreprise concernée apporte la preuve que sa participation à l’infraction est substantiellement réduite et démontre par conséquent que, pendant la période au cours de laquelle elle a adhéré aux accords infractionnels, elle s’est effectivement soustraite à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché.

391    Toutefois, la Commission n’est tenue de reconnaître l’existence d’une circonstance atténuante du fait de l’absence de mise en œuvre d’une entente que si l’entreprise qui invoque cette circonstance peut démontrer qu’elle s’est clairement et de manière considérable opposée à la mise en œuvre de cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci, et qu’elle n’a pas adhéré à l’accord en apparence et, de ce fait, incité d’autres entreprises à mettre en œuvre l’entente en cause. Dans ce contexte, le fait qu’une entreprise, dont la participation à une concertation avec ses concurrents pour partager les marchés est établie, ne se soit pas comportée sur le marché d’une manière conforme à celle convenue avec ses concurrents ne constitue pas nécessairement un élément devant être pris en compte, en tant que circonstance atténuante, lors de la détermination du montant de l’amende à infliger (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, Rec. p. II‑2223, point 277, et la jurisprudence citée, et Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission, point 204 supra, point 248).

392    En l’espèce, il y a lieu de constater que, compte tenu notamment des constats opérés aux points 379, 384 et 387 ci-dessus, les requérantes n’ont nullement démontré que leur participation à l’infraction était substantiellement réduite et que, partant, elles s’étaient effectivement soustraites à l’application des collusions auxquelles elles avaient participé, en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché. Il s’ensuit que, à supposer même que les requérantes ne se soient pas conformées, dans la pratique, à certaines décisions prises dans le cadre de l’entente, leur argument selon lequel elles auraient dû bénéficier de la circonstance atténuante visée au point 29, troisième tiret, des lignes directrices de 2006 ne saurait être retenu.

393    S’agissant encore du grief pris par les requérantes d’une violation du principe d’égalité de traitement, il convient de rappeler, à titre liminaire, que ce principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals, C‑106/01, Rec. p. I‑4403, point 69, et la jurisprudence citée).

394    Ce grief ne saurait toutefois prospérer.

395    En ce qui concerne, en premier lieu, le rôle prétendument plus limité des requérantes dans le cadre de l’entente, par rapport à celui de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex), il ressort du raisonnement exposé aux points 381 à 392 ci-dessus que les requérantes ne sauraient se prévaloir en l’espèce d’un quelconque rôle passif ou d’une absence de mise en œuvre des accords ou pratiques concertées, de nature à établir que la gravité de leur comportement dans le cadre de l’entente était moindre que celle des autres entreprises participantes et qu’elles auraient dès lors dû bénéficier d’une réduction du montant de l’amende au titre de circonstances atténuantes. De surcroît, conformément au point 24 des lignes directrices de 2006, les variations dans la durée de participation respective des différentes entreprises destinataires de la décision attaquée ont été dûment prises en compte par la Commission lors du calcul du montant des amendes infligées à chacune d’elles, par l’application d’un facteur de multiplication proportionnel au nombre d’années de participation de chacune d’elles à l’infraction.

396    En ce qui concerne, en second lieu, la proportion de l’amende infligée aux requérantes par rapport à leur chiffre d’affaires global, laquelle serait nettement plus importante que celle des amendes infligées à Saint-Gobain et à AGC (Splintex), il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la gravité de l’infraction est déterminée par référence à de nombreux facteurs, pour lesquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation, aucune liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte n’ayant à cet égard été établie (voir arrêt de la Cour du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec. p. I‑829, point 129, et la jurisprudence citée).

397    Par conséquent, la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant des amendes, de s’assurer, dans le cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes traduisent une différenciation entre les entreprises concernées quant à leur chiffre d’affaires global (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, point 312 ; voir arrêt Mannesmannröhren-Werke/Commission, point 391 supra, point 247, et la jurisprudence citée ; voir, en ce sens, arrêt Dalmine/Commission, point 396 supra, points 141 à 144).

398    Ainsi, la circonstance que la méthode de calcul des amendes exposée dans les lignes directrices de 2006 n’est pas fondée sur le chiffre d’affaires global des entreprises concernées et permet, de ce fait, qu’apparaissent, comme en l’espèce, des disparités entre lesdites entreprises en ce qui concerne le rapport entre leur chiffre d’affaires global et le montant des amendes qui leur sont infligées est sans pertinence pour apprécier si la Commission a violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement ainsi que d’individualité des peines (voir, par analogie, arrêt Wieland-Werke/Commission, point 324 supra, points 86 et 87). Comme le fait valoir à juste titre la Commission, il n’est donc pas contraire à ces principes que, par application de la méthode de calcul du montant de base des amendes prévue au point 13 des lignes directrices de 2006, une entreprise dont les activités se concentrent davantage que d’autres sur la vente de biens ou de services liées directement ou indirectement à l’infraction se voie infliger une amende représentant une proportion de son chiffre d’affaires global plus élevée que celle que représentent les amendes infligées respectivement à chacune de ces autres entreprises.

399    Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles reprochent à la Commission, lors du calcul du montant des amendes infligées dans la décision attaquée, de ne pas avoir modulé le montant de ces dernières en tenant compte de la différence entre leur chiffre d’affaires global et les chiffres d’affaires globaux plus élevés réalisés par Saint-Gobain et par AGC (Splintex), ou encore de la circonstance que, par rapport à ces dernières, elles ont réalisé une proportion nettement plus élevée de leur chiffre d’affaires par la vente de verre automobile.

400    S’agissant enfin de l’argument que les requérantes entendent tirer du rapport de la société de conseil qu’elles ont produit en annexe à leur courrier adressé au Tribunal le 18 janvier 2013, selon lequel ledit rapport établirait que l’amende qui leur a été infligée a sur elles un effet disproportionné par comparaison à celui qu’entraînent, pour les autres entreprises destinataires de la décision attaquée, les amendes que ces dernières ont subies, il ne saurait prospérer.

401    En effet, il y a lieu de rappeler le raisonnement exposé aux points 274 et 275 ci-dessus, selon lequel ledit rapport porte sur des circonstances postérieures à l’adoption de la décision attaquée et de tels éléments ne peuvent en aucun cas avoir d’incidence sur la légalité de celle-ci.

402    Il s’ensuit que le cinquième moyen n’est pas fondé et doit par conséquent être rejeté.

E –  Sur le sixième moyen, pris d’un dépassement du plafond de l’amende tel qu’il résulte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

a)     Arguments des parties

403    Par leur sixième moyen, les requérantes soutiennent que l’amende qui leur a été infligée, d’un montant de 357 millions d’euros, dépasse le plafond résultant de l’application des dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Ce dépassement serait dû à l’application, par la Commission, d’un taux de change erroné lors de la conversion en euros du chiffre d’affaires total des requérantes lors de l’exercice social précédant l’adoption de la décision attaquée.

404    Les requérantes font valoir, à cet égard, qu’elles ont réalisé un chiffre d’affaires total de 2 614 000 000 livres sterling (GBP) au cours de l’exercice social précédant l’adoption de la décision attaquée, clos le 31 mars 2008, et que, partant, l’amende ne pouvait dépasser un montant de 261 400 000 GBP. Si la Commission est certes autorisée à calculer ce plafond en euros, encore conviendrait-il toutefois qu’elle applique, pour ce faire, le taux de change officiel à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée, dès lors que cette date correspond au moment auquel l’amende devient exigible. Seul ce taux permettrait de respecter pleinement l’objectif de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003 à l’égard d’entreprises dont la comptabilité est établie dans une monnaie autre que l’euro. Il résulterait de la jurisprudence qu’il est permis de retenir, à cet égard, un taux distinct de celui appliqué pour le calcul du montant de l’amende comme telle, par référence au taux de change du dernier exercice social précédant la fin de l’infraction. L’utilisation du chiffre d’affaires réalisé au cours de cet exercice pour le calcul du montant de l’amende de base aurait pour objectif d’assurer que la taille et la puissance économique de l’entreprise, ainsi que sa position par rapport aux autres entreprises impliquées dans l’infraction, sont correctement évaluées au moment où l’infraction a eu lieu. En revanche, l’objectif poursuivi par le plafond de 10 % du chiffre d’affaires serait différent, celui-ci visant à protéger de manière absolue les entreprises concernées contre des conséquences économiques trop importantes liées aux amendes qui leur sont infligées. Selon les requérantes, cet objectif ne saurait être utilement atteint si le plafond lui-même était soumis à des fluctuations du taux de change.

405    L’approche consistant à calculer le plafond de l’amende par référence au taux de change applicable au moment de l’adoption de la décision attaquée serait la seule permettant de respecter le principe d’égalité de traitement entre les entreprises dont les comptes sont libellés en euros et celles dont les comptes sont libellés dans une autre devise, s’agissant de l’appréciation de l’impact financier réel d’une amende au moment où celle-ci est infligée. Elle serait également la seule méthode qui soit conforme à l’objectif poursuivi par le plafond visé à l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003, dès lors qu’aucune autre ne protège les entreprises dont les comptes ne sont pas libellés en euros contre l’impact d’éventuelles fluctuations de change jusqu’au moment où est adoptée la décision en cause.

406    En l’espèce, selon les requérantes, dont les comptes sont libellés en livres sterling, l’application du taux de change officiel de la Banque centrale européenne (BCE) au moment de l’adoption de la décision attaquée aurait dû conduire la Commission à constater que le plafond de l’amende était de 317 547 860 euros, par application du taux de change applicable le 12 novembre 2008 (1 euro = 0,8231 GBP). Les requérantes sollicitent dès lors du Tribunal qu’il annule l’amende qui leur a été infligée et, dans le cadre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, réduise celle-ci d’un montant de 39 452 140 euros.

407    La Commission s’oppose à ces critiques. Tout d’abord, il résulterait de la jurisprudence qu’elle peut utiliser le taux de change en vigueur au cours de l’année utilisée comme année de référence, tant pour le calcul du montant de base de l’amende que pour celui du plafond visé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Les éventuels désavantages que l’application de cette méthode de conversion peuvent impliquer pour une entreprise, dans certaines circonstances, constitueraient un aléa auquel font face habituellement les entreprises qui réalisent une partie de leurs ventes sur les marchés d’exportation et qui, par conséquent, n’est pas susceptible de rendre inapproprié le montant d’une amende légalement fixé.

408    La Commission ajoute que l’application du taux de change moyen au cours du dernier exercice social est conforme à l’objectif de sécurité juridique. Cette méthode permettrait en effet aux entreprises concernées de connaître à l’avance le plafond d’une éventuelle amende qui pourrait leur être infligée au cours de l’exercice suivant. Par contraste, si le taux de change applicable à la date de la décision était retenu, celui-ci différerait en fonction du jour où cette décision est adoptée. Une telle méthode pourrait encourager des procédés opportunistes ou dilatoires de la part des entreprises concernées. En tout état de cause, les requérantes ne sauraient être protégées contre les aléas des fluctuations monétaires lors du calcul du chiffre d’affaires total de l’exercice précédent. Le fait que les requérantes doivent, le cas échéant, payer une amende d’un montant supérieur à celle qui aurait été due si un taux de change différent avait été appliqué ne serait que la conséquence de fluctuations dans les valeurs réelles des diverses devises nationales.

409    Enfin, selon la Commission, la méthode qu’elle a retenue en l’espèce ne conduit pas à méconnaître le principe d’égalité de traitement entre entreprises, selon que leurs comptes sont libellés en euros ou dans une autre devise. La Commission soutient qu’un éventuel calcul du plafond de l’amende par référence au taux de change applicable au jour de l’adoption de la décision ne favoriserait pas un traitement égal des entreprises concernées dès lors que le risque lié aux fluctuations est inévitable, quelle que soit la méthode de calcul retenue.

b)     Appréciation du Tribunal

410    La Commission a conclu en l’espèce que l’amende infligée aux requérantes ne dépassait pas le plafond de 10 % du chiffre d’affaires total réalisé par ces dernières lors de l’exercice social précédant l’adoption de la décision attaquée, à savoir celui qui s’est achevé le 31 mars 2008. Elle est parvenue à cette conclusion après avoir converti en euros le chiffre d’affaires total réalisé par les requérantes lors dudit exercice, libellé en livres sterling, en utilisant le taux de change moyen de la BCE, applicable pour ces deux devises durant la période comprise entre le 1er avril 2007 et le 31 mars 2008.

411    Les parties au présent litige ne contestent pas que le taux de change retenu par la Commission correspond effectivement au taux de change moyen entre les devises en cause durant cette période, calculé sur la base des taux de change publiés par la BCE au cours de cette même période.

412    Les requérantes estiment toutefois que l’application de cette méthode de calcul, plutôt qu’une conversion par référence au taux de change officiel applicable le jour de l’adoption de la décision attaquée, à savoir le 12 novembre 2008, leur a été défavorable compte tenu de la fluctuation du taux de change de la livre sterling à l’égard de l’euro intervenue entre le dernier exercice social précédent et le jour de l’adoption de ladite décision. Elles allèguent également que l’application du taux de change moyen au cours de l’exercice social ayant précédé l’adoption de la décision attaquée a entraîné une inégalité de traitement entre elles, dont les comptes sont libellés en livres sterling, et les autres entreprises destinataires de cette décision, dont les comptes sont libellés en euros, ces dernières ayant, selon les requérantes, bénéficié d’un degré de certitude plus élevé quant à l’impact financier réel représenté par les amendes qui leur ont été infligées.

413    Cette argumentation ne saurait toutefois être retenue.

414    Le Tribunal rappelle, à cet égard, que la limite maximale qui résulte de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 a un objectif distinct et autonome par rapport à celui des critères de gravité et de durée de l’infraction, à savoir éviter que ne soient infligées des amendes dont il est prévisible que les entreprises, au vu de leur taille, telle que déterminée par leur chiffre d’affaires global, fût-ce de façon approximative et imparfaite, ne seront pas en mesure de s’acquitter (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 119 supra, points 281 et 282 ; arrêts Knauf Gips/Commission, point 279 supra, point 452, et Romana Tabacchi/Commission, point 279 supra, point 257).

415    Ainsi, conformément à la volonté exprimée par le législateur de l’Union dans le règlement n° 1/2003, c’est en principe par référence à la réalité économique telle qu’elle apparaissait au cours de l’exercice social précédant l’adoption de la décision sanctionnant une infraction à l’article 81 CE que la limite maximale résultant de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit règlement doit être fixée. Le montant maximal de l’amende ainsi calculé constitue une limite aux conséquences préjudiciables éventuelles des fluctuations monétaires qui ont pu intervenir depuis la fin du comportement infractionnel (voir, en ce sens, arrêt Sarrió/Commission, point 247 supra, point 89, et arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 119 supra, point 606, et la jurisprudence citée).

416    Or, la méthode de calcul de cette limite maximale consistant à appliquer le taux de change officiel moyen applicable durant l’exercice social précédant l’adoption de la décision, en vue de convertir en euros le chiffre d’affaires total de l’entreprise concernée réalisé au cours dudit exercice, apparaît conforme à cet objectif (voir, en ce sens, arrêt HFB e.a./Commission, point 150 supra, points 542 et 543).

417    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance que des fluctuations monétaires peuvent intervenir entre l’exercice social précédant la date à laquelle est adoptée une décision sanctionnant un comportement en infraction à l’article 81 CE et cette même date, entraînant le paiement, le cas échéant, d’une amende plus élevée que celle qui aurait dû être acquittée si le plafond de l’amende avait été calculé par référence au taux de change applicable au moment de l’adoption de ladite décision.

418    En effet, en premier lieu, les fluctuations monétaires constituent un aléa susceptible de générer des avantages comme des désavantages, auquel les entreprises qui réalisent une partie de leurs ventes sur les marchés d’exportation sont habituellement appelées à devoir faire face dans le cadre de leurs activités commerciales et dont l’existence, en tant que telle, n’est pas de nature à rendre inapproprié le montant d’une amende légalement fixé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction (voir arrêt Sarrió/Commission, point 247 supra, point 89, et arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, point 119 supra, point 604, et la jurisprudence citée).

419    Le règlement n° 1/2003 n’interdisant par ailleurs pas d’utiliser l’euro pour la fixation des amendes (voir, par analogie, arrêt Sarrió/Commission, point 247 supra, point 88), les requérantes ne sauraient être suivies lorsqu’elles soutiennent que, du fait de la méthode de conversion de leur chiffre d’affaires retenue par la Commission aux fins du calcul du montant maximal de l’amende, elles ont subi une différence de traitement injustifiée par rapport aux entreprises destinataires de la décision attaquée dont la comptabilité est établie en euros.

420    En second lieu, contrairement à ce que suggèrent les requérantes, le choix opéré par la Commission de calculer le montant maximal de l’amende par référence à la moyenne des taux de change applicables au cours de l’exercice social précédant l’adoption de la décision attaquée a permis à celles-ci de bénéficier d’un degré de sécurité juridique plus élevé que si leur chiffre d’affaires total réalisé au cours dudit exercice avait été converti en euros par référence au taux de change applicable à la date de l’adoption de cette décision. En effet, d’une part, le taux de change moyen officiel au cours de cet exercice constituait pour les requérantes, à la date de la clôture de celui-ci, une donnée objective à laquelle elles étaient en mesure de se fier aux fins d’apprécier le montant maximal de l’amende qui pouvait leur être infligée au cours du prochain exercice social. Par contraste, le taux de change applicable au moment où a été adoptée la décision attaquée n’a, par hypothèse, été connu que le jour de l’adoption de ladite décision par la Commission, à une date choisie par cette dernière seule. D’autre part, l’application du taux de change moyen entre l’euro et la livre sterling au cours d’une année complète, aux fins du calcul du montant maximal de l’amende, était de nature à réduire, au moins partiellement, l’aléa lié aux fluctuations constantes entre ces devises.

421    C’est dès lors à juste titre que la Commission a calculé le plafond de l’amende résultant de l’application des dispositions de l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 1/2003 par référence au chiffre d’affaires total réalisé par les requérantes lors de l’exercice social précédent, converti en euros par application du taux de change moyen au cours dudit exercice, et qu’elle a dès lors conclu que l’amende de 357 millions d’euros infligée aux requérantes ne dépassait pas ledit plafond.

422    Il s’ensuit que le sixième moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.

423    Aucun des moyens soulevés par les requérantes n’étant fondé, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation de la décision attaquée dans leur ensemble.

IV –  Sur l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction

a)     Arguments des parties

424    Les requérantes sollicitent du Tribunal qu’il exerce en l’espèce sa compétence de pleine juridiction en réduisant substantiellement le montant de l’amende qui leur a été infligée.

425    Le montant de l’amende infligée aux requérantes serait en effet disproportionné, compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’affaire. Ainsi, les requérantes contestent que les contacts qui leur sont reprochés constituent la forme la plus grave de comportement collusoire et soutiennent que la méthodologie qui a été appliquée par la Commission pour le calcul du montant de l’amende donne lieu à des sanctions qui aboutissent trop fréquemment à un dépassement du plafond de 10 % du chiffre d’affaires. Les requérantes ajoutent que la réduction du montant de l’amende par le Tribunal est d’autant plus justifiée en l’espèce que, d’une part, un climat économique difficile existait au moment où la Commission a adopté la décision attaquée, ce climat n’ayant cessé de se détériorer depuis lors, et, d’autre part, les amendes infligées en droit de l’Union figurent parmi les plus élevées dans le monde. De surcroît, l’absence de diminution de l’amende infligée aux requérantes en l’espèce aurait pour conséquence paradoxale, selon elles, de réduire leur capacité concurrentielle sur le marché du verre automobile au sein de l’EEE, ce résultat étant contraire à celui recherché par l’article 81, paragraphe 1, CE ainsi que par l’article 53 de l’accord EEE. Le rapport de la société de conseil produit en annexe à un courrier des requérantes adressé au Tribunal le 18 janvier 2013 démontrerait le caractère disproportionné du montant de l’amende, compte tenu notamment de la détérioration de leur situation financière depuis l’adoption de la décision attaquée.

426    À l’audience, les requérantes ont encore invoqué, au soutien de leur demande de réduction du montant de l’amende, qu’elles s’étaient volontairement retirées de l’entente plusieurs mois avant la cessation de celle-ci, que l’amende qui leur avait été infligée dans l’affaire ayant donné lieu à la décision Verre plat les avait déjà suffisamment dissuadées de commettre à nouveau des infractions à l’article 81 CE et, enfin, que l’amende litigieuse représentait un pourcentage important de leur chiffre d’affaires annuel, en raison du fait qu’elles avaient des activités moins diversifiées que celles de Saint-Gobain et d’AGC (Splintex).

427    La Commission estime qu’aucune raison objective ne justifie l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction en l’espèce. Il serait sans importance, à cet égard, que l’application de la nouvelle méthode de calcul des amendes prévue par les lignes directrices de 2006 donne lieu à des amendes qui atteignent plus souvent qu’autrefois le plafond fixé à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003. Quant aux difficultés financières traversées par les requérantes à l’époque de la décision attaquée, même à les supposer établies, elles seraient sans pertinence en vue de fixer le montant de l’amende, étant donné que leur prise en compte reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions du marché.

428    La Commission s’oppose par ailleurs à la prise en compte par le Tribunal, aux fins de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, du rapport de la société de conseil produit par les requérantes en annexe à leur courrier du 18 janvier 2013. Tout en admettant que le juge de l’Union puisse être conduit à tenir compte, dans l’exercice d’une telle compétence, d’éléments complémentaires d’information qui n’ont pas été mentionnés dans la décision attaquée, la Commission soutient que cette possibilité doit en principe se limiter à la prise en compte d’éléments d’information antérieurs à la décision attaquée. En tout état de cause, ce rapport manquerait de pertinence en l’espèce dès lors que la prise en considération des éventuelles difficultés financières des requérantes depuis l’adoption de la décision attaquée n’est pas obligatoire aux fins du calcul du montant de l’amende. En particulier, la Commission a souligné lors de l’audience que, à la différence de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 279 supra, les requérantes n’avaient pas démontré en l’espèce que le paiement de l’amende litigieuse serait de nature à entraîner leur mise en liquidation et, par voie de conséquence, leur disparition du marché.

429    Enfin, la Commission fait valoir qu’il est normal que certaines des amendes qu’elle inflige en application du droit de la concurrence de l’Union figurent parmi les plus élevées dans le monde, dès lors qu’elle ne sanctionne que les infractions de dimension communautaire et que, de surcroît, le contrôle qu’elle opère couvre le plus vaste marché qu’ait à protéger une autorité de la concurrence.

b)     Appréciation du Tribunal

430    À titre liminaire, il y a lieu de déterminer si, ce que conteste la Commission, le Tribunal peut être appelé à tenir compte, au titre de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’éléments tels que ceux contenus dans le rapport de la société de conseil produit par les requérantes en annexe à leur courrier du 18 janvier 2013, relatifs à des faits postérieurs à la date d’adoption de la décision attaquée.

431    À cet égard, il convient de rappeler que la compétence de pleine juridiction conférée au Tribunal en matière de concurrence par l’article 31 du règlement n° 1/2003, en application de l’article 229 CE, habilite cette juridiction, au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d’annuler l’acte attaqué, à réformer celui-ci, même en l’absence d’annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, afin de modifier le montant de l’amende (voir arrêt de la Cour du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 86, et la jurisprudence citée).

432    Le Tribunal étant compétent pour apprécier le caractère approprié du montant des amendes dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction, cette appréciation peut justifier la production et la prise en considération d’éléments complémentaires d’information dont la mention dans la décision n’est pas, comme telle, requise en vertu de l’obligation de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, KNP BT/Commission, C‑248/98 P, Rec. p. I‑9641, point 40 ; arrêts Cheil Jedang/Commission, point 381 supra, point 100, et Tokai Carbon e.a./Commission, point 297 supra, point 164).

433    Il s’ensuit que le rapport de la société de conseil visé au point 430 ci-dessus peut être pris en compte par le Tribunal aux fins d’apprécier s’il y a lieu d’exercer en l’espèce sa compétence de pleine juridiction en réduisant le montant de l’amende infligée aux requérantes, conformément aux conclusions présentées par ces dernières.

434    Toutefois, le Tribunal estime que ni ce rapport ni, plus généralement, les circonstances de la présente affaire ne justifient une réduction du montant de l’amende infligée aux requérantes, tel qu’il résulte en dernier lieu de la décision modificative du 28 février 2013.

435    S’agissant tout d’abord de l’argument des requérantes pris du fait que leur comportement aurait présenté un degré de gravité moindre que celui d’autres entreprises ayant participé à l’entente litigieuse, il y a lieu de souligner que les pratiques collusoires au cœur du présent litige ont, ainsi que l’a souligné à juste titre la Commission, constitué une infraction grave au droit de la concurrence de l’Union, perpétrée à très large échelle durant plusieurs années. Quoique la Commission n’ait pas estimé pouvoir qualifier cette infraction d’entente structurée, il convient d’observer que celle-ci, dont l’objectif était une stabilisation des parts de marché des entreprises participantes, a impliqué un ensemble de réunions et de contacts réguliers au cours desquels lesdites entreprises ont organisé la répartition de multiples contrats de fourniture, notamment par le biais de discussions sur les prix. De plus, le fonctionnement de l’entente a été rendu possible non seulement par la mise au point d’une méthode commune s’agissant du calcul des parts de marché des entreprises participantes, mais aussi par des mesures de compensation destinées à ajuster les parts de marché lorsqu’un ou plusieurs contrats de fourniture n’étaient pas attribués conformément à la répartition décidée au sein de l’entente.

436    Au demeurant, compte tenu du raisonnement exposé aux points 380 à 402 ci-dessus, les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que les comportements qui leur étaient reprochés dans la décision attaquée étaient sensiblement moins graves que ceux des autres membres du club. Le Tribunal constate également que les requérantes n’ont pas fait preuve d’un degré particulièrement élevé de coopération envers la Commission au cours de l’enquête.

437    De plus, s’il est certes exact que, à la différence de Saint-Gobain, les requérantes n’étaient pas en situation de récidive dans le cadre de l’infraction au droit de la concurrence de l’Union au cœur du présent litige, et que leur participation à l’infraction s’est étendue sur une période moins longue qu’en ce qui concerne Saint-Gobain, ces circonstances se sont reflétées dans une différence significative entre les montants des amendes infligées à ces deux entreprises.

438    S’agissant par ailleurs de l’argument des requérantes selon lequel l’amende qui leur a été infligée pèse plus lourdement sur leur situation financière que celles infligées à AGC (Splintex) et à Saint-Gobain, car leurs activités sont moins diversifiées que celles de ces dernières, le Tribunal estime qu’une telle circonstance, à la supposer avérée, n’est pas de nature à justifier une réduction du montant de l’amende. En effet, conformément à l’article 23, paragraphe 3, du règlement n° 1/2003, le montant d’une amende doit être fixé par seule référence aux critères de gravité et de durée d’une infraction à l’article 81 CE. Par conséquent, le fait que des disparités, même importantes, puissent exister entre les pourcentages de chiffres d’affaires que représentent diverses amendes infligées à des entreprises ayant participé à une même entente, en raison notamment de la part du chiffre d’affaires de chacune d’entre elles concernée par l’infraction, est sans pertinence aux fins de l’examen du caractère proportionné de ces amendes ainsi que du respect du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, la jurisprudence citée au point 397 supra).

439    S’agissant par ailleurs du caractère dissuasif de l’amende infligée aux requérantes dans l’affaire ayant donné lieu à la décision Verre plat, le Tribunal estime qu’il ne saurait justifier une réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée en l’espèce. En effet, ainsi qu’il ressort du raisonnement exposé aux points 299 à 305 ci-dessus, une telle réduction aurait pour effet, d’une part, d’altérer la fonction de prévention générale des infractions graves à l’article 81 CE que revêt l’amende litigieuse et, d’autre part, d’accorder aux requérantes une prime à la méconnaissance des règles de concurrence de l’Union.

440    Enfin, l’argument pris par les requérantes de la détérioration de leur situation financière depuis l’adoption de la décision attaquée ne saurait davantage être retenu.

441    À cet égard, le Tribunal relève que l’effectivité de la politique de concurrence menée par la Commission, sous le contrôle du juge de l’Union, pourrait être compromise si les conséquences financières des amendes infligées en cas de violation des règles de la concurrence de l’Union ne pouvaient revêtir une certaine gravité pour les entreprises concernées, en particulier lorsque ces dernières invoquent soit des difficultés financières propres soit la crise traversée par un secteur économique aux fins d’obtenir un adoucissement de la sanction qui leur est infligée du fait d’une telle violation. Il en va d’autant plus ainsi que, d’une part, comme il a été exposé au point 308 supra, il est fréquent que les cartels naissent au moment où un secteur économique connaît des difficultés et que, d’autre part, la capacité d’une entreprise à s’acquitter d’une amende qui lui est infligée pour infraction à l’article 81 CE est déjà prise en compte du fait de la limitation du montant de l’amende à 10 % du chiffre d’affaires total de l’exercice social précédent, conformément aux dispositions de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003.

442    Il s’ensuit que les difficultés financières auxquelles une entreprise est confrontée ne sont susceptibles de justifier, comme telles, une réduction du montant de l’amende infligée à cette entreprise que dans des circonstances exceptionnelles, lorsqu’un intérêt supérieur le justifie. Il peut notamment en aller ainsi lorsqu’il est établi que le paiement de l’amende fixée par la Commission serait de nature à entraîner la mise en liquidation de la société qui en est débitrice, de sorte que le montant de cette amende n’apparaît pas proportionné au regard du fait qu’une telle liquidation pourrait emporter des conséquences sociales graves et irréversibles (voir, en ce sens, arrêt Romana Tabacchi/Commission, point 279 supra, points 283 et 284).

443    En l’espèce, le rapport de la société de conseil produit par les requérantes tend certes à établir que l’amende litigieuse est de nature à avoir un impact non négligeable sur leur situation financière. Force est toutefois de constater que les requérantes n’ont pas démontré l’existence de circonstances exceptionnelles qui justifieraient qu’il soit tenu compte des difficultés financières auxquelles le paiement de cette amende pourrait les confronter en réduisant le montant de ladite amende.

444    L’amende litigieuse apparaissant ainsi, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’affaire, tout à la fois proportionnée et adéquate, les conclusions visant à ce que le Tribunal exerce en l’espèce sa compétence de pleine juridiction en réduisant son montant doivent être rejetées.

445    Il résulte des conclusions intermédiaires exposées aux points 423 et 444 ci-dessus que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

446    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut, notamment, répartir les dépens pour des motifs exceptionnels.

447    En l’espèce, les requérantes ont succombé en l’ensemble de leurs chefs de conclusions et la Commission a conclu à leur condamnation aux entiers dépens de l’instance.

448    Toutefois, il y a lieu de tenir compte du fait que ce n’est qu’en cours d’instance, plusieurs années après l’adoption de la décision attaquée et après la clôture de la procédure écrite, que la Commission a rectifié deux erreurs commises lors du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes, par l’adoption de la décision modificative du 28 février 2013. Or, d’une part, le Tribunal constate que, si la requête ne visait pas de manière spécifique ces erreurs, elle contenait néanmoins un grief pris d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée s’agissant des chiffres de ventes pris en compte aux fins du calcul du montant de l’amende et de l’impossibilité corollaire d’en vérifier l’exactitude. D’autre part, ce n’est qu’à la suite de la présentation par la Commission, dans sa duplique, d’un aperçu détaillé du calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes que ces dernières ont été en mesure d’identifier les deux erreurs en question et de solliciter de la Commission qu’elle procède à leur rectification.

449    Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que les requérantes supporteront 90 % de leurs propres dépens ainsi que l’intégralité de ceux exposés par la Commission, alors que cette dernière supportera 10 % des dépens des requérantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Pilkington Group Ltd, Pilkington Automotive Ltd, Pilkington Automotive Deutschland GmbH, Pilkington Holding GmbH et Pilkington Italia SpA supporteront 90 % de leurs propres dépens ainsi que l’intégralité de ceux exposés par la Commission européenne, cette dernière supportant quant à elle 10 % des dépens des requérantes.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 décembre 2014.

Signatures

Table des matières


Antécédents du litige

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Sur l’objet du recours

II –  Sur les moyens relatifs à la nature de l’infraction ainsi qu’à la durée de participation des requérantes à celle-ci

A –  Sur le premier moyen, pris d’une erreur dans la qualification juridique des faits et d’une erreur d’appréciation de la gravité de l’infraction

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le deuxième moyen, pris d’une appréciation erronée de la durée de la participation des requérantes à l’entente litigieuse

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

III –  Sur les moyens visant le calcul du montant de l’amende infligée aux requérantes

A –  Sur la méthodologie retenue par la Commission aux fins d’apprécier la gravité relative de la participation des requérantes à l’entente litigieuse

B –  Sur le troisième moyen, pris de l’utilisation de chiffres de vente inappropriés lors du calcul du montant de l’amende, d’une erreur de procédure et d’un défaut de motivation

1.  Sur la première branche, tirée de la prise en compte de chiffres de vente inappropriés lors du calcul du montant de l’amende

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur la deuxième branche, tirée d’une violation des droits procéduraux des requérantes découlant de l’article 27 du règlement n° 1/2003

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

3.  Sur la troisième branche, tirée d’un défaut de motivation

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le quatrième moyen, pris d’une violation des principes de proportionnalité et d’individualité des peines ainsi que d’une méconnaissance de la pratique administrative antérieure

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

D –  Sur le cinquième moyen, pris d’une erreur de calcul du montant de l’amende en raison de la gravité moindre du comportement des requérantes par rapport à celui d’autres entreprises ayant participé à l’entente ainsi que d’une violation du principe d’égalité de traitement

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Quant à la recevabilité de l’argumentation développée par les requérantes dans certaines annexes de leur requête

Quant à la participation des requérantes aux réunions et contacts de l’entente

–  Sur la réunion qui se serait déroulée à Paris au milieu de l’année 2000 au sujet de la fourniture de vitrage destiné à la [confidentiel]

–  Sur la réunion qui se serait déroulée le 5 juillet 2000 au sujet de la fourniture de vitrage destiné à certains modèles de [confidentiel] et de [confidentiel]

–  Sur la réunion qui se serait déroulée à la fin d’octobre ou au début de novembre 2000 au sujet de certains modèles de [confidentiel]

–  Sur la réunion du 1er novembre 2000 au sujet de certains modèles de [confidentiel]

–  Sur la réunion ayant eu lieu « quelque temps avant ou aux alentours des 13-14 décembre 2000 », au sujet de certains modèles de [confidentiel]

–  Sur la réunion ou le contact du 30 avril 2002

–  Sur le contact ayant eu lieu peu de temps avant le 23 juin 2000 au sujet du constructeur [confidentiel]

–  Sur les contacts ayant eu lieu le 23 juin et le 17 juillet 2000 au sujet du constructeur [confidentiel]

–  Sur le contact ayant eu lieu en mai 2001 au sujet de la [confidentiel]

–  Sur le contact ayant eu lieu le 10 septembre 2001 au sujet du [confidentiel]

–  Sur le contact ayant eu lieu le 6 novembre 2001 au sujet du constructeur [confidentiel]

–  Conclusion sur les réunions et contacts examinés dans le cadre du présent moyen

Quant à l’appréciation de la gravité individuelle du comportement des requérantes

E –  Sur le sixième moyen, pris d’un dépassement du plafond de l’amende tel qu’il résulte de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

IV –  Sur l’exercice par le Tribunal de sa compétence de pleine juridiction

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’anglais.


1 – Données confidentielles occultées.