Language of document : ECLI:EU:T:2001:145

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

5 juin 2001 (1)

«Traité CECA - Aides d'État - Aides à l'investissement - Aides au fonctionnement - Champ d'application du traité CECA - Principe de protection de la confiance légitime»

Dans l'affaire T-6/99,

ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH, établie à Riesa (Allemagne), représentée par Mes W. M. Kühne et S. Bauer, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenue par

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et C.-D. Quassowski, en qualité d'agents,

et par

Freistaat Sachsen, représenté par Mes J. Sedemund et T. Lübbig, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. D. Triantafyllou et P. Nemitz, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 1999/580/CECA de la Commission, du 11 novembre 1998, relative aux aides accordées par l'Allemagne à ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH, Riesa, Saxe (JO 1999, L 220, p. 28),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. J. Azizi, président, P. Mengozzi, K. Lenaerts, R. M. Moura Ramos et M. Jaeger, juges,

greffier: M. G. Herzig, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 5 décembre 2000,

rend le présent

Arrêt

Contexte juridique et factuel du litige

1.
    La requérante est une entreprise sidérurgique de droit allemand, contrôlée par le groupe italien Feralpi, également producteur d'acier. Son siège et son site de production sont situés à Riesa (Saxe), en Allemagne.

2.
    Par lettre du 1er mars 1993, la Commission a approuvé, en application de l'article 5, troisième tiret, de sa décision n° 3855/91/CECA, du 27 novembre 1991, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 362, p. 57, ci-aprèsle «cinquième code des aides à la sidérurgie»), l'octroi à la requérante par les autorités allemandes d'une subvention à l'investissement de 19,55 millions de marks allemands (DEM), d'un avantage fiscal à l'investissement de 5,3 millions de DEM et d'une garantie de l'État de 60,8 millions de DEM (dossier d'aide N 351/92).

3.
    Par lettre du 13 janvier 1995, la Commission a approuvé, conformément à l'article 5 du cinquième code des aides à la sidérurgie, l'octroi à la requérante par les autorités allemandes d'une subvention à l'investissement de 11,73 millions de DEM, d'un avantage fiscal à l'investissement de 4,08 millions de DEM, d'un prêt de 6,215 millions de DEM lié à un programme régional de protection de l'environnement et d'une garantie de l'État relative à un prêt de 23,975 millions de DEM (dossier d'aide N 673/94).

4.
    En 1995, une subvention à l'investissement de 9,35714 millions de DEM et un avantage fiscal à l'investissement de 1,236 million de DEM ont par ailleurs été octroyés à la requérante, sans notification préalable à la Commission. En 1997, la requérante s'est en outre vu accorder, sans notification préalable à la Commission, une garantie de l'État de 12 millions de DEM pour la couverture de crédits d'exploitation.

5.
    En mai 1997, la Commission a été informée par des tiers que la requérante avait reçu d'autres aides et que certaines des aides autorisées auraient été affectées à d'autres fins que celles qu'elle avait admises.

6.
    Le 18 novembre 1997, la Commission a décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 6, paragraphe 4, de sa décision n° 2496/96/CECA, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie (JO L 338, p. 42, ci-après le «sixième code des aides à la sidérurgie»). Par lettre du 2 décembre 1997, elle en a informé la République fédérale d'Allemagne, qui a été priée de faire part de ses commentaires à ce sujet. Cette lettre a fait l'objet d'une communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 18 février 1998 (JO C 51, p. 3, ci-après la «communication du 18 février 1998»), par laquelle la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations.

7.
    Par lettre du 3 mars 1998, la République fédérale d'Allemagne a adressé ses commentaires à la Commission. Elle lui a fait parvenir des observations complémentaires dans deux lettres datées des 19 et 25 mars 1998. Dans cette dernière lettre, elle a fait savoir à la Commission qu'une subvention à l'investissement supplémentaire d'un montant de 1,35586 million de DEM, qu'elle avait présentée dans une lettre du 13 octobre 1997 comme un relèvement envisageable de la subvention à l'investissement visée au point 4 ci-dessus, avait en réalité déjà été versée à cette époque.

8.
    Le 1er avril 1998, la Commission a transmis à la République fédérale d'Allemagne les observations qu'elle avait reçues le 17 mars 1998 de l'UK Steel Association (association britannique de l'industrie sidérurgique). Par lettre du 22 avril 1998, la République fédérale d'Allemagne a fait part à la Commission de ses observations sur le point de vue défendu par cette association professionnelle.

9.
    Par lettre du 24 avril 1998, la Commission a informé la République fédérale d'Allemagne de sa position provisoire. La République fédérale d'Allemagne a réagi à celle-ci par lettre du 6 mai 1998.

10.
    Par lettre du 12 octobre 1998, la République fédérale d'Allemagne a informé la Commission que, des 10,713 millions de DEM représentant le montant global de la subvention à l'investissement visée aux points 4 et 7 ci-dessus, 2,54 millions de DEM, correspondant à des investissements destinés au laminoir à chaud de la requérante, avaient été remboursés par cette dernière.

11.
    Le 11 novembre 1998, la Commission a adopté la décision 1999/580/CECA relative aux aides accordées par l'Allemagne à ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH, Riesa, Saxe (JO 1999, L 220, p. 28, ci-après la «décision attaquée»).

12.
    Celle-ci comprend les dispositions suivantes:

«Article premier

La subvention à l'investissement de 8,173 millions de [DEM], la prime à l'investissement de 1,236 million de [DEM] et la garantie de 12 millions de [DEM] contenant un élément d'aide accordées en 1995 par l'Allemagne à l'entreprise ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH, Riesa, sont incompatibles avec la décision n° 2496/96/CECA et le marché commun du charbon et de l'acier.

L'élément d'aide contenu dans les garanties octroyées à la fin de l'année 1994 pour couvrir les crédits d'exploitation de 7,2 millions de [DEM] et de 4,8 millions de [DEM] n'avait pas été approuvé et est incompatible avec la décision n° 2496/96/CECA et le marché commun du charbon et de l'acier.

Article 2

L'Allemagne procède à la récupération auprès d'ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH des aides versées, conformément aux dispositions du droit allemand relatives à la récupération des avances de l'État. Pour annuler l'effet de l'aide, des intérêts sont perçus sur son montant depuis le jour de son octroi jusqu'à celui de son remboursement. Le taux est celui qui est appliqué par la Commission, pendant la période concernée, pour le calcul de l'équivalent-subvention net des aides régionales.

Article 3

L'Allemagne informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, des mesures qu'elle aura prises pour s'y conformer.

Article 4

La République fédérale d'Allemagne est destinataire de la présente décision.»

Procédure

13.
    C'est dans ce contexte que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 1999, la requérante a introduit le présent recours.

14.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 juin 1999, le Freistaat Sachsen a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la requérante. Les parties principales n'ont pas formulé d'observations sur cette demande d'intervention.

15.
    Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 juin 1999, la République fédérale d'Allemagne a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la requérante. Dans sa lettre du 5 juillet 1999, la Commission n'a soulevé aucune objection. La requérante n'a pas formulé d'observations.

16.
    Par ordonnance du 8 novembre 1999, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a autorisé la République fédérale d'Allemagne et le Freistaat Sachsen à intervenir au soutien des conclusions de la requérante.

17.
    La République fédérale d'Allemagne et le Freistaat Sachsen ont déposé leurs mémoires en intervention, respectivement, le 24 et le 26 janvier 2000.

18.
    Le 13 mars 2000, la Commission a déposé ses observations sur ces deux mémoires en intervention.

19.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 de son règlement de procédure, il a invité les parties à répondre à des questions écrites et à déposer certains documents. Il a été satisfait à ces demandes dans le délai imparti.

20.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 5 décembre 2000.

Conclusions des parties

21.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    ordonner à la Commission, conformément à l'article 23 du statut CECA de la Cour de justice, de produire l'ensemble des documents relatifs à l'adoption de la décision attaquée;

-    lui permettre de consulter les documents ainsi produits;

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

22.
    La République fédérale d'Allemagne conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    ordonner à la Commission, conformément à l'article 23 du statut de la Cour, de produire l'ensemble des documents relatifs à l'adoption de la décision attaquée;

-    lui permettre, ainsi qu'à la requérante, de consulter les documents ainsi produits;

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

23.
    Le Freistaat Sachsen conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    ordonner à la Commission, conformément à l'article 23 du statut de la Cour, de produire l'ensemble des documents relatifs à l'adoption de la décision attaquée;

-    lui permettre, ainsi qu'à la requérante, de consulter les documents ainsi produits;

-    annuler la décision attaquée;

-    condamner la Commission aux dépens.

24.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

Sur les conclusions tendant à la production et à la consultation du dossier administratif

25.
    À la suite de la mesure d'organisation de la procédure du Tribunal qui lui avait été communiquée le 22 octobre 1999, la Commission a, conformément à l'article 23 du statut de la Cour, déposé au greffe du Tribunal, accompagnant une lettre du 12 novembre 1999, le dossier afférent à la procédure administrative ayant conduit à l'adoption de la décision attaquée. Dans cette lettre, elle a sollicité la confidentialité pour tous les documents de ce dossier, à l'exception de ses propres communications et des pièces émanant de la requérante.

26.
    Par télécopie du 16 novembre 1999, elle a adressé au greffe du Tribunal la liste des documents constitutifs du dossier administratif.

27.
    La lettre et la télécopie de la Commission visées aux deux points précédents ont été communiquées par le greffe du Tribunal le 23 novembre 1999 à la requérante et le 28 mars 2000 aux parties intervenantes.

28.
    Aucune de ces parties n'a réagi à cette communication.

29.
    Dans ces conditions, et eu égard au fait que la lecture des écritures de la requérante ne fait pas apparaître que l'absence d'accès au dossier administratif ait nui, comme elle le prétend dans sa requête sans étayer son propos, à la présentation de ses arguments au cours de la procédure devant le Tribunal, il y a lieu d'écarter les conclusions examinées.

Sur les conclusions en annulation

30.
    À l'appui de ses conclusions en annulation, la requérante développe une série de moyens dirigés contre l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée. Un moyen tend à l'annulation de l'article 1er, deuxième alinéa, de ladite décision. Un moyen vise à l'annulation de l'article 2 de celle-ci.

Sur les moyens tendant à l'annulation de l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée

31.
    Ces moyens sont au nombre de six. Le premier moyen est pris de l'application erronée du traité CECA. Le deuxième moyen est tiré d'une modification illégale du droit communautaire primaire. Le troisième moyen est fondé sur un détournement de pouvoir. Le quatrième moyen est tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime. Le cinquième moyen est fondé sur la violation du principe de non-discrimination. Le sixième moyen est tiré de la violation des articles 5 et 15, premier alinéa, du traité CECA.

32.
    Tout en prenant en considération l'ensemble des moyens précités, il convient de privilégier l'analyse du premier moyen.

Arguments des parties

33.
    La requérante fait valoir, en premier lieu, que la Commission a méconnu le fait que le produit final concerné par les aides à l'investissement litigieuses, à savoir le rond d'acier à béton «allongé», ne relève pas de la catégorie des produits définie à l'annexe I du traité CECA. Soutenue par la République fédérale d'Allemagne et le Freistaat Sachsen, elle expose que le fil machine, auquel la décision attaquée rattache son produit final, relève du code 4400 de cette annexe, lequel vise les «produits finis à chaud en fer, en acier ordinaire ou en acier spécial», c'est-à-dire des produits issus du laminage à chaud.

34.
    Toutefois, son produit final n'acquerrait ses caractéristiques essentielles à son utilisation dans les constructions en béton armé qu'au terme d'un processus de transformation à froid du fil machine. Ce processus correspondrait à une évolution technologique du procédé classique de transformation par tréfilage. Or, les produits tréfilés seraient exclus de la nomenclature des produits CECA définie à l'annexe I du traité CECA. Ils relèveraient de la réglementation relative à l'«Encadrement de certains secteurs sidérurgiques hors CECA» (JO 1988, C 320, p. 3, ci-après l'«encadrement hors CECA»), qui mentionnerait expressément le tréfilage et l'étirage du fil machine.

35.
    Se fondant sur le rapport d'expertise du professeur Hensel (ci-après le «rapport Hensel»), de la Montanuniversität de Freiberg (Allemagne), concernant son laminoir et son installation d'«allongeage» à froid, la requérante, soutenue par le Freistaat Sachsen, explique que la fabrication de ronds d'acier à béton «allongés» exige que le fil machine qui sort du laminoir à chaud fasse l'objet d'une opération d'ajustage, visant à lui donner une forme permettant de le travailler à froid dans l'installation d'«allongeage». L'«allongeage» à froid procéderait d'une nouvelle technologie développée en 1990 et reconnue par l'Office européen des brevets en juin 1994. Il aurait remplacé la technique du long tréfilage. Il se déroulerait dans un atelier distinct des ateliers de laminage et d'ajustage et constituerait, sur le plan technique et économique, une opération totalement distincte du laminage à chaud. Les producteurs de fil machine disposeraient d'ailleurs rarement d'installations d'«allongeage». Selon les propres constatations de la Commission, l'«allongeage» du fil machine se ferait généralement dans des centres de services sidérurgiques.

36.
    Les parties requérante et intervenantes font valoir que la Commission, lorsqu'elle évoque, au point IV, cinquième alinéa, des considérants de la décision attaquée, le cas des entreprises ne relevant pas de l'article 80 du traité CECA qui utilisent des installations d'«allongeage» pour travailler le fil machine, admet elle-même implicitement que le produit final en cause, les installations utilisées pour sa fabrication et les aides destinées à de telles installations ne relèvent pas du champd'application du traité CECA. Le Freistaat Sachsen ajoute que, dans ce passage de la décision attaquée, la Commission reconnaît que le produit final de la requérante constitue un marché spécifique, qui ne relève en principe pas du champ d'application du traité CECA.

37.
    En second lieu, la requérante fait valoir que la thèse défendue par la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle des aides d'État accordées à des entreprises ayant des activités relevant, pour partie, du traité CECA doivent faire l'objet d'une appréciation indifférenciée à la lumière des règles du traité CECA, est entièrement nouvelle par rapport à la position de cette institution au cours de la procédure administrative.

38.
    La République fédérale d'Allemagne et le Freistaat Sachsen contestent que les règles du traité CECA en matière d'aides soient indistinctement applicables à toute aide perçue par une entreprise sidérurgique. Les aides à l'investissement en faveur d'une telle entreprise devraient être appréciées sous l'angle du traité CE lorsqu'elles sont destinées à des activités ne relevant pas du traité CECA. Une telle interprétation serait conforme à l'économie des règles des traités CE et CECA en matière d'aides, lesquelles viseraient à garantir une concurrence loyale, dans la Communauté, entre entreprises actives sur le même marché de produits. Or, en produisant des ronds d'acier à béton «allongés», la requérante serait en concurrence non avec les entreprises relevant du traité CECA, mais avec les centres de services sidérurgiques et les entreprises de construction en béton, lesquels relèveraient des règles du traité CE. Celles-ci devraient dès lors également s'appliquer à la requérante, pour cette partie de sa production.

39.
    Le Freistaat Sachsen ajoute que, le droit des aides constituant un instrument de contrôle de la concurrence, la compatibilité de celles-ci avec le marché commun doit être appréciée en fonction du marché sur lequel l'entreprise bénéficiaire intervient, et non sur la base d'un rattachement formel à l'un ou l'autre traité. L'approche retenue en l'espèce par la Commission, et fondée sur la circonstance que la requérante est une entreprise sidérurgique au sens de l'article 80 du traité CECA, serait contraire à sa propre pratique, ainsi qu'à la jurisprudence, qui consacrerait la prépondérance, en droit des aides, du critère lié à la nature du produit ou de la production sur celui tiré de la qualification de l'entreprise (voir arrêt de la Cour du 17 décembre 1959, Société des fonderies de Pont-à-Mousson/Haute Autorité, 14/59, Rec. p. 445, 471, 472, et les conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous cet arrêt, Rec. p. 483, 491; voir également arrêts de la Cour du 15 décembre 1987, Deutsche Babcock, 328/85, Rec. p. 5119, point 9, et du 2 mai 1996, Hopkins e.a., C-18/94, Rec. p. I-2281, point 14).

40.
    Dans sa réplique, la requérante fait valoir, documents à l'appui, qu'elle tient une comptabilité distincte par branche de production, qui écarte le risque de détournement d'aides à l'investissement destinées à ses activités ne relevant pas du traité CECA au profit de ses activités soumises à ce dernier. La Républiquefédérale d'Allemagne et le Freistaat Sachsen ajoutent que, alors que la requérante a prouvé la séparation nette de ses comptes par branche d'activités, la Commission n'a établi ni dans la décision attaquée ni dans ses écritures que les activités de la requérante relevant du traité CECA aient tiré profit des aides affectées à son installation d'«allongeage» ou que celle-ci n'ait pas pris les mesures suffisantes pour éviter une telle confusion. Le Freistaat Sachsen affirme encore que, dans sa communication du 18 février 1998, la Commission avait envisagé un examen détaillé à ce sujet. Il déduit de l'absence d'allusion audit examen dans la décision attaquée que le résultat de celui-ci a été favorable à la requérante.

41.
    La Commission souligne, à titre liminaire, que la requérante, qui n'a pas pris part à la procédure administrative, produit une série de documents qui n'ont jamais été portés à sa connaissance au cours de ladite procédure. Ces documents, ainsi que les affirmations factuelles qui s'y rattachent, devraient dès lors être considérés comme dénués de pertinence aux fins de l'appréciation de la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 1999, Salomon/Commission, T-123/97, Rec. p. II-2925, point 55, et la jurisprudence citée).

42.
    La Commission affirme que, en tout état de cause, l'argumentation de la requérante et des parties intervenantes n'est pas fondée.

43.
    En premier lieu, elle conteste la présentation, faite par ces dernières, du processus de production de ronds d'acier à béton «allongés». Elle expose, comme dans la décision attaquée, que l'«allongeage» ou dressage de l'acier n'est qu'une technique qui permet d'améliorer la qualité du fil machine laminé à chaud pour satisfaire aux spécifications techniques du secteur de la construction. Cette opération n'altérerait pas la nature et les propriétés du produit travaillé au point d'en faire un produit CE. Elle se rattacherait à la production du fil machine et, donc, aux activités de production CECA de la requérante, et non à l'activité de tréfilage/étirage, laquelle modifierait la substance du produit.

44.
    Cette analyse serait corroborée par les avis des professionnels de l'industrie sidérurgique, qui relieraient l'activité de dressage à la production d'acier, ainsi que par différents documents versés au dossier par la requérante.

45.
    Ainsi, dans le fascicule de brevet joint à la requête, le dressage serait décrit comme un procédé de consolidation de l'acier à béton et il y serait également expliqué que la technologie nouvelle développée par la requérante vise à substituer à l'ancien processus de dressage fondé sur une déformation par torsion discontinue une technique de dressage continu permettant d'obtenir une consolidation à froid pluriaxiale, très uniforme et très isotrope, et d'améliorer les limites d'extension, de résistance et d'allongement de l'acier à béton. Cette description technique, dans laquelle la notion d'étirage serait systématiquement évitée, serait corroborée par le rapport Hensel, dans lequel le processus en question serait constamment qualifié d'ajustage, et jamais de tréfilage ou d'étirage. Elle serait aussi confirmée par le document joint en annexe à la requête et intitulé «L'acier allongé à béton - unprocédé simple de transformation normalisée», qui montrerait que le produit en cause demeure de l'acier au sens du traité CECA.

46.
    Les indications fournies par ces différents documents seraient confirmées par les définitions du fil machine et du rond à béton figurant dans le questionnaire statistique 2-71 que la Commission adresse aux entreprises relevant du traité CECA conformément à sa décision n° 4104/88/CECA, du 13 décembre 1988, concernant la modification des questionnaires contenus dans l'annexe de la décision n° 1566/86/CECA (JO L 365, p. 1). Il ressortirait en effet desdites définitions que la déformation régulière à froid de ces produits, notamment par «allongeage» ou dressage, ne fait pas obstacle au rattachement des produits issus de telles opérations à la catégorie des produits sidérurgiques. Ces définitions, qui remonteraient à 1986 [voir note relative à la définition du fil machine contenue dans la décision n° 1566/86/CECA de la Commission, du 24 février 1986, concernant les statistiques du fer et de l'acier (JO L 141, p. 1, 43)], n'auraient jamais été mises en cause à l'époque par les milieux professionnels. Elles ne seraient pas contestées par les parties requérante et intervenantes.

47.
    En second lieu, et à titre subsidiaire, la Commission soutient que, même en considérant l'acier à béton dressé comme un produit relevant du traité CE, la requérante ne pouvait, en tout état de cause, pas bénéficier d'aides à l'investissement pour ce type de produit, du fait qu'elle est une entreprise sidérurgique.

48.
    L'argumentation de la requérante, axée sur la nature du produit, méconnaîtrait la portée de l'interdiction des aides contenue à l'article 4, sous c), du traité CECA, laquelle serait fonction de la qualité du bénéficiaire de l'aide (voir conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt de la Cour du 23 février 1961, De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, 30/59, Rec. p. 1, 59). Or, conformément à l'article 80 du traité CECA, l'exercice d'une activité de production dans le domaine du charbon et de l'acier suffirait à qualifier l'entreprise concernée d'entreprise sidérurgique (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T-129/95, T-2/96 et T-97/96, Rec. p. II-17, point 97). Appliquée à une telle entreprise, l'interdiction des aides contenue à l'article 4, sous c), du traité CECA viserait donc non seulement les aides destinées à financer des investissements directement liés à la fabrication de produits sidérurgiques, mais aussi celles qui sont affectées à des activités ne relevant pas directement du traité CECA (voir, en ce sens, arrêt Société des fonderies de Pont-à-Mousson/Haute Autorité et conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous cet arrêt, cités au point 39 ci-dessus, respectivement, Rec. p. 470 à 472 et p. 493). Une telle interprétation serait confirmée par l'article 1er du sixième code des aides à la sidérurgie, lequel viserait les aides à la sidérurgie spécifiques ou non.

49.
    L'application de l'article 4, sous c), du traité CECA fondée sur la qualité de l'entreprise bénéficiaire des aides découlerait en outre de la lettre et de l'économie des dispositions dudit traité. Elle répondrait au souci d'éviter que des aides accordées à une entreprise sidérurgique pour sa production non soumise au traité CECA renforcent sa position financière sur le marché relevant dudit traité et faussent ainsi la concurrence sur ce marché. Or, en l'espèce, le risque d'une telle répercussion serait double. D'une part, la requérante ne tiendrait pas de comptabilité analytique distincte par branche de production, de sorte que les aides qui lui sont accordées lui permettraient d'améliorer sa situation financière globale et de vendre ses produits relevant du traité CECA à moindre prix. D'autre part, les aides litigieuses permettraient à la requérante d'améliorer la qualité du rond à béton, ce qui accroîtrait ses débouchés pour sa production principale soumise au traité CECA.

50.
    Dans ses observations adressées à la Commission par lettre du 22 avril 1998, mentionnée au point 8 ci-dessus, la République fédérale d'Allemagne aurait affirmé que l'intégration de stades ultérieurs de la transformation de l'acier accroissait les dépenses d'investissement et de fonctionnement de l'entreprise dans son ensemble. Cette affirmation confirmerait que des aides destinées à financer de telles dépenses bénéficient en définitive à l'ensemble des activités de l'entreprise concernée. Or, la production relevant du traité CECA d'une entreprise sidérurgique ne pourrait bénéficier d'une aide déguisée sous la forme d'une subvention à la production non soumise audit traité, sous peine de priver d'effet utile l'article 4, sous c), du traité CECA, qui interdit l'octroi d'aides sur le marché relevant du traité CECA sous quelque forme que ce soit.

51.
    La Commission soutient que sa thèse est confortée par le point 4 de l'annexe I du traité CECA. Les préoccupations liées aux répercussions des aides accordées pour des activités ne relevant pas du traité CECA auraient par ailleurs été prises en considération, dans l'encadrement hors CECA, au niveau des relations mère-filiale dans les groupes sidérurgiques.

52.
    L'absence de séparation effective entre les activités subventionnées et les autres activités de la requérante et les risques corrélatifs de détournement des aides et de répercussion sur le marché relevant du traité CECA amèneraient également à écarter l'argument de la requérante tenant à la possibilité technique de procéder au dressage du fil machine dans des ateliers distincts du laminoir à chaud, voire dans des entreprises séparées, comme les centres de services sidérurgiques.

53.
    Dans ses observations sur les mémoires en intervention, la Commission souligne que le risque de répercussion précité n'est pas aussi élevé en présence d'un centre de services sidérurgiques, dès l'instant où celui-ci n'appartient pas à une entreprise de production relevant du traité CECA et où la production soumise à ce dernier, qu'il transforme en produits dépendant du traité CE, a été achetée à une entreprise sidérurgique aux conditions normales du marché. Elle ajoute que, en présence d'une entreprise dont les différentes branches de production sont, comme enl'espèce, techniquement intégrées, il ne lui incombe pas de fournir la preuve d'un détournement abusif des aides contestées, lequel serait présumé, sauf preuve contraire, du fait d'une telle intégration industrielle (voir, en ce sens, arrêt Société des fonderies de Pont-à-Mousson/Haute Autorité, cité au point 39 ci-dessus, Rec. p. 445). Au contraire, il appartiendrait à l'État membre concerné de démontrer la compatibilité de l'aide litigieuse (arrêt de la Cour du 28 avril 1993, Italie/Commission, C-364/90, Rec. p. I-2097, point 33), ce que la République fédérale d'Allemagne n'aurait pas fait en l'espèce. Celle-ci n'aurait en effet produit, au cours de la procédure administrative, aucun élément permettant d'infirmer la présomption susvisée.

54.
    S'agissant des documents comptables joints à la réplique, la Commission soutient qu'ils sont irrecevables, conformément à l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal. Ces documents ne pourraient en outre influencer l'examen de la légalité de la décision attaquée, dans la mesure où ils n'auraient pas été portés à la connaissance de la Commission au cours de la procédure administrative. En tout état de cause, ils ne permettraient pas de considérer que tout danger lié aux répercussions des aides octroyées à des activités ne relevant pas du traité CECA est écarté en l'espèce. En effet, les comptes finaux de la requérante seraient consolidés, de sorte qu'il ne serait pas exclu qu'une subvention destinée à la dernière phase de sa production puisse profiter aux étapes antérieures à celle-ci.

Appréciation du Tribunal

55.
    À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée, visé par les moyens examinés, sont déclarées incompatibles avec le sixième code des aides à la sidérurgie et le marché commun du charbon et de l'acier la subvention à l'investissement de 8,173 millions de DEM et la prime à l'investissement de 1,236 million de DEM accordées à la requérante en 1995, de même que la garantie de l'État de 12 millions de DEM octroyée à celle-ci non en 1995, comme indiqué dans cette disposition, mais en 1997, ainsi que cela ressort du point II des considérants de la décision attaquée et des réponses de la Commission aux questions écrites du Tribunal.

56.
    En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a confirmé que, ainsi que cela ressort de ses écritures, ses moyens tendant à l'annulation de l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée concernent uniquement la subvention et la prime à l'investissement, à l'exclusion de la garantie de l'État de 12 millions de DEM qui lui a été accordée en 1997 pour couvrir des crédits d'exploitation.

57.
    Dans ces conditions, il convient d'examiner si la Commission était fondée à appliquer le traité CECA à ces aides à l'investissement et à les déclarer incompatibles avec les règles relatives aux aides d'État découlant dudit traité.

58.
    À l'article 4, sous c), du traité CECA, qui constitue le fondement du régime juridique des aides d'État relevant de ce traité, sont déclarées incompatibles avec le marché commun du charbon et de l'acier et, en conséquence, interdites, dans les conditions prévues par le traité, les subventions ou aides accordées par les États sous quelque forme que ce soit.

59.
    Il n'est pas précisé dans cet article si le principe d'interdiction que celui-ci édicte suppose uniquement, pour son application, que l'entreprise destinataire des subventions ou des aides soit une entreprise sidérurgique au sens du traité CECA, à savoir, conformément à l'article 80 dudit traité, une entreprise qui exerce une activité de production dans le domaine du charbon et de l'acier, ou s'il est, en plus, nécessaire que l'activité visée par les subventions ou par les aides soit une activité de production relevant du traité CECA.

60.
    La circonstance que l'entreprise considérée exerce, comme en l'espèce, des activités de production dans le domaine de l'acier et est, par conséquent, une entreprise sidérurgique conformément à l'article 80 du traité CECA n'implique pas - ce que la Commission ne prétend d'ailleurs pas - que l'ensemble de ses activités doivent être considérées comme des activités soumises au traité CECA.

61.
    Une telle circonstance ne saurait non plus autoriser à considérer que les aides à l'investissement destinées à une telle entreprise doivent être appréhendées, en toute hypothèse, sous l'angle des règles relatives aux aides d'État relevant du traité CECA.

62.
    À cet égard, il ne ressort pas de la jurisprudence invoquée par la Commission dans ses écritures (voir ci-dessus point 48) que l'entreprise sidérurgique qui exerce, pour partie, des activités relevant du traité CECA et pour partie, des activités ne relevant pas de celui-ci est, en toutes circonstances, soumise à l'application des règles du traité CECA en matière d'aides d'État, y compris dans l'hypothèse où elle serait destinataire d'aides à l'investissement en relation avec ses activités ne relevant pas dudit traité.

63.
    Dans l'arrêt Société des fonderies de Pont-à-Mousson/Haute Autorité, cité au point 39 ci-dessus, la question était de savoir si la fabrication par l'entreprise requérante de fonte liquide faisait de celle-ci une entreprise exerçant une activité de production au sens de l'article 80 du traité CECA, aux fins de l'application d'un mécanisme financier de péréquation visé par l'article 53 dudit traité. La requérante prétendait que tel n'était pas le cas, en faisant valoir, d'une part, que la fonte liquide fabriquée n'était pas un produit visé par l'annexe I du traité CECA et, d'autre part, que cette fonte était destinée à sa production de moulages de fonte, lesquels étaient exclus du champ d'application du traité CECA. Cette thèse était rejetée par la Haute Autorité.

64.
    Suivant les conclusions de l'avocat général M. Lagrange, la Cour, après avoir affirmé que la fonte liquide fabriquée par la requérante relevait de la catégorie«fonte de fonderie et autres fontes brutes», visée au code 4200 de l'annexe I du traité CECA, a jugé que la circonstance que la requérante n'écoulait pas sa fonte liquide sur le marché mais la consommait immédiatement, dans ses installations, pour la fabrication de produits échappant à la juridiction du traité CECA, n'était pas de nature à écarter l'application de celui-ci à ladite fonte. Elle a dès lors conclu que la requérante, en tant que productrice de fonte, était une entreprise exerçant une activité de production dans le domaine de l'acier au sens des dispositions du traité CECA et avait donc été à juste titre assujettie par la Haute Autorité au mécanisme de péréquation en cause pour sa production de fonte liquide (Rec. p. 467 à 473).

65.
    Aucun passage de l'arrêt analysé ne permet de soutenir la thèse de la Commission selon laquelle la qualité d'entreprise sidérurgique du bénéficiaire de l'aide suffit à la soumettre, en toutes circonstances, aux règles du traité CECA en matière d'aides d'État. Au contraire, il ressort dudit arrêt qu'une même entreprise peut à la fois relever du traité CECA pour certains de ses produits, en l'occurrence la fonte liquide, et du traité CE pour d'autres produits, en l'occurrence les moulages de fonte. En ce sens, cet arrêt conforte l'argumentation des parties requérante et intervenantes tendant au rejet de la thèse de la Commission susmentionnée.

66.
    Il convient encore d'observer qu'il ne découle pas de l'arrêt examiné, rendu dans une matière différente de celle des aides d'État, qu'il existe, en présence d'une entreprise sidérurgique exerçant, pour partie, des activités relevant du traité CECA et, pour partie, des activités ne relevant pas dudit traité, une présomption de détournement des aides destinées aux activités non soumises à ce traité au profit de celles qui le sont, présomption qu'il reviendrait à l'État membre concerné, le cas échéant assisté de l'entreprise bénéficiaire de ces aides, de renverser par la preuve contraire.

67.
    S'agissant des conclusions de l'avocat général M. Lagrange sous l'arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, citées au point 48 ci-dessus, force est de constater que celles-ci portent sur des questions étrangères à l'espèce, liées, d'une part, à la signification de la notion de subvention visée à l'article 4, sous c), du traité CECA et, d'autre part, à la délimitation du champ d'application respectif de cette disposition et de l'article 67 du traité CECA.

68.
    Dans l'arrêt Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, cité au point 48 ci-dessus, le Tribunal a constaté que les sociétés requérantes relevaient du champ d'application de l'article 80 du traité CECA dès lors qu'elles fabriquaient des produits répertoriés à l'annexe I dudit traité et a, en conséquence, conclu à l'application des dispositions du traité CECA (point 97 de l'arrêt). Il n'a, toutefois, pas eu à se prononcer sur la question de savoir si une telle conclusion était valable à l'égard d'activités de production d'une entreprise sidérurgique étrangères au traité CECA.

69.
    Tant dans sa décision d'ouverture de la procédure administrative que dans la décision attaquée, la Commission elle-même admet d'ailleurs que la seule circonstance que l'entreprise bénéficiaire des aides à l'investissement est une entreprise sidérurgique au sens de l'article 80 du traité CECA ne suffit pas à l'assujettir, en toute hypothèse, à l'application des règles du traité CECA en matière d'aides d'État.

70.
    Dans sa communication du 18 février 1998 (p. 5), la Commission indique:

«Une partie à ce jour inconnue des aides à l'investissement pourrait être compatible avec le marché commun dans la mesure où elle concerne exclusivement des investissements réalisés hors du secteur CECA et où un détournement au profit des activités CECA de ESF [Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH] est exclu [...]»

71.
    Au point IV, troisième alinéa, des considérants de la décision attaquée, elle affirme:

«[... L'article 4, sous c), du traité CECA] englobe les aides accordées à certains investissements pouvant aussi servir à des activités hors CECA, si elles sont octroyées à des entreprises CECA et s'il n'existe pas de limite clairement définie entre les activités CECA et hors CECA.»

72.
    Au cinquième alinéa de ce même point, elle souligne:

«[... D]ans le cas [des entreprises ne relevant pas de l'article 80 du traité CECA], les aides destinées à couvrir en partie les coûts des investissements réalisés dans des installations de dressage seraient examinées en application du traité CE et seraient peut-être prises en considération à titre d'aides régionales à l'investissement, en application de l'article 92, paragraphe 3, point c), du traité CE. Cela ne veut toutefois pas dire que les investissements des entreprises CECA dans des installations satisfaisant également aux critères définissant les entreprises hors CECA doivent par principe être appréciés au regard du traité CE. L'interdiction des aides édictée à l'article 4, point c), du traité CECA est censée garantir une concurrence loyale entre les entreprises qui fabriquent les produits CECA. En général comme dans le cas d'espèce, [les entreprises qui fabriquent des produits relevant du traité CECA] ne peuvent bénéficier d'aides à l'investissement que si les activités exercées grâce aux installations financées sont totalement séparées des autres activités CECA.»

73.
    Il ressort de ces extraits que la Commission elle-même n'exclut pas d'écarter l'application du principe d'interdiction des aides édicté par l'article 4, sous c), du traité CECA, au profit de l'application des règles instituées par le traité CE en matière d'aides d'État, à des aides à l'investissement accordées à une entreprise sidérurgique pour ses activités non soumises au traité CECA, pourvu que cette entreprise se caractérise par une séparation complète entre ces activitéssubventionnées et ses activités de production relevant du traité CECA, qui écarte tout risque de détournement des aides au profit de ces dernières.

74.
    Dans ces conditions, il y a lieu d'examiner si la Commission était fondée à considérer que les aides à l'investissement visées par l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée concernaient des activités de production de la requérante relevant du traité CECA. Si cela s'avère être le cas, il sera permis de conclure que la Commission a, à bon droit, appliqué le traité CECA en l'espèce. Dans l'hypothèse inverse, il conviendra de vérifier si l'application du traité CECA est malgré tout justifiée par le fait que l'organisation des activités de la requérante n'offre pas de garanties suffisantes permettant d'exclure un détournement des aides à l'investissement litigieuses au profit de ses activités de production soumises au traité CECA et, donc, une affectation de la concurrence sur le marché relevant dudit traité.

75.
    En réponse aux questions écrites du Tribunal, la Commission a produit une copie de la lettre qui lui avait été adressée le 12 octobre 1998 par la République fédérale d'Allemagne (voir ci-dessus point 10), et dont il ressort que les aides litigieuses ont été accordées à la requérante pour des investissements destinés à ses installations d'ajustage et d'«allongeage». Il convient donc d'appliquer l'analyse exposée au point précédent, en premier lieu, à la partie des aides à l'investissement se rapportant à l'activité d'ajustage de la requérante et, en second lieu, à celle relative à son activité d'«allongeage».

76.
    En ce qui concerne, en premier lieu, la partie des aides à l'investissement liée à l'activité d'ajustage de la requérante, il ressort du rapport Hensel que ladite activité vise à préparer le fil machine sortant du laminoir à chaud en vue de l'opération d'«allongeage» (points 6 et 7.2.).

77.
    Dans ce rapport, les produits issus de l'opération d'ajustage sont rattachés au groupe des produits finis du laminoir en fer, en acier ou en acier spécial, visés sous le code 4400 de l'annexe I du traité CECA (point 6). Les parties requérante et intervenantes n'ayant développé dans leurs écritures aucun argument visant à mettre en cause la qualification de produits relevant du traité CECA retenue dans ce rapport, elles ont été invitées, à l'audience, à prendre position sur les indications relatives auxdits produits contenues dans le rapport Hensel. Elles ont confirmé l'exactitude de ces indications.

78.
    Même si la description de la gamme de produits fabriqués par la requérante, fournie dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, donne à penser que le fil machine issu de son installation d'ajustage n'est pas un produit qu'elle met en vente, tel quel, sur le marché, une telle circonstance n'est, en tout état de cause, pas de nature à écarter son activité d'ajustage, et le produit issu de cette activité, du champ d'application du traité CECA (voir, en ce sens, arrêt Société desfonderies de Pont-à-Mousson/Haute Autorité, cité au point 39 ci-dessus, Rec. p. 470 à 472).

79.
    S'agissant des aides relatives à l'activité d'ajustage, il convient d'écarter l'argumentation du Freistaat Sachsen tirée du rattachement des aides à l'investissement litigieuses à des programmes régionaux d'aides antérieurement approuvés par la Commission sur la base du traité CE.

80.
    En effet, invité par le biais d'une question écrite à identifier ces programmes, le Freistaat Sachsen a fait état, à propos, respectivement, de la subvention et de la prime à l'investissement, du 24. Rahmenplan der Gemeinschaftsaufgabe «Verbesserung der regionalen Wirtschaftsstruktur» (24e plan-cadre d'intérêt commun pour l'amélioration des structures économiques régionales) et d'une loi allemande de 1991 sur les primes à l'investissement. Toutefois, ainsi qu'il l'indique lui-même dans sa réponse à cette question écrite, les décisions de la Commission autorisant ces régimes d'aides comportent toutes deux une réserve pour le secteur relevant du traité CECA. Par conséquent, les aides à l'investissement relatives à l'activité d'ajustage de la requérante ne sauraient être considérées comme couvertes par ces décisions d'approbation.

81.
    Il ressort de l'analyse opérée aux quatre points précédents que la Commission était fondée à examiner lesdites aides au regard du traité CECA.

82.
    Sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité au regard de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, l'argumentation de la requérante, développée dans sa réplique, visant à écarter l'application de l'article 4, sous c), du traité CECA au profit de l'article 67 dudit traité, ne saurait être accueillie.

83.
    L'article 67 du traité CECA tend à parer aux atteintes à la concurrence que l'exercice des pouvoirs retenus par les États membres ne peut manquer d'entraîner (voir arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, cité au point 48 ci-dessus, Rec. p. 47). À cette fin, le paragraphe 2 de cette disposition permet à la Commission d'autoriser un État membre à accorder des aides à son industrie sidérurgique nationale lorsque celles-ci sont destinées à contrebalancer les effets dommageables pour cette industrie, en termes de conditions de concurrence, d'une autre action étatique (voir, en ce sens, conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt de la Cour du 13 juillet 2000, Salzgitter/Commission, C-210/98 P, Rec. p. I-5843, I-5845, point 3).

84.
    Toutefois, ni la requérante ni les parties intervenantes n'ont avancé le moindre élément tendant à démontrer que telle ait été la finalité poursuivie, en l'espèce, par l'octroi à la requérante des aides à l'investissement litigieuses.

85.
    L'article 67, paragraphe 3, du traité CECA vise l'action d'un État membre qui conférerait un avantage à son industrie sidérurgique par rapport aux autresindustries nationales. Il reconnaît implicitement la légalité d'un tel avantage, tout en habilitant la Commission à adresser à l'État membre intéressé les recommandations nécessaires (arrêt De Gezamenlijke Steenkolenmijnen in Limburg/Haute Autorité, cité au point 48 ci-dessus, Rec. p. 41). Toutefois, ainsi que la Commission le souligne dans ses écritures, cette disposition vise uniquement les avantages en faveur de l'industrie sidérurgique découlant de l'application d'une législation ou d'une réglementation étatique liée à la politique économique générale de l'État membre concerné, et non les subventions publiques accordées spécialement à l'industrie du charbon et de l'acier ou, comme en l'espèce, à une entreprise sidérurgique donnée, lesquelles relèvent de l'article 4, sous c), du traité CECA (voir, en ce sens, les conclusions de l'avocat général M. Roemer sous l'arrêt de la Cour du 6 juillet 1971, Pays-Bas/Commission, 59/70, Rec. p. 639, 662 à 664; voir également arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Forges de Clabecq/Commission, T-37/97, Rec. p. II-859, point 141).

86.
    Au vu des considérations qui précèdent (points 76 à 85), la Commission était fondée à examiner la compatibilité de la partie des aides à l'investissement litigieuses relative à l'activité d'ajustage de la requérante au regard de l'article 4, sous c), du traité CECA et du sixième code des aides à la sidérurgie, qui fixe les dérogations générales au principe d'interdiction des aides énoncé par la disposition susvisée du traité CECA (arrêts du Tribunal du 24 octobre 1997, British Steel/Commission, T-243/94, Rec. p. II-1887, point 49, et Wirtschaftsvereinigung Stahl e.a./Commission, T-244/94, Rec. p. II-1963, point 37). À cet égard, il convient de souligner que les parties requérante et intervenantes n'ont pas contesté la teneur de l'examen opéré par la Commission à ce sujet au point IV, sixième et septième alinéas, des considérants de la décision attaquée.

87.
    En conclusion, il y a lieu d'écarter le premier moyen, pris d'une application erronée du traité CECA, pour autant que celui-ci concerne la partie des aides à l'investissement visées à l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée relative aux investissements de la requérante dans son installation d'ajustage du fil machine.

88.
    Les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés, respectivement, d'une modification illégale du droit communautaire primaire, d'un détournement de pouvoir et d'une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, doivent aussi être écartés en ce qu'ils concernent les aides visées au point précédent, dans la mesure où ils reposent sur la prémisse, non fondée s'agissant de l'activité d'ajustage de la requérante, selon laquelle les activités subventionnées en l'espèce sont des activités ne relevant pas du traité CECA.

89.
    Dans ces conditions, et eu égard au fait qu'il ressort des écritures des parties requérante et intervenantes que leurs cinquième et sixième moyens, tirés, respectivement, d'une violation du principe de non-discrimination et d'une violation des articles 5 et 15, premier alinéa, du traité CECA, concernent exclusivement l'activité d'«allongeage» de la requérante, il y a lieu de conclure à la légalité del'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée, pour autant que la Commission y déclare incompatible avec le sixième code des aides à la sidérurgie et avec le marché commun du charbon et de l'acier la partie des aides à l'investissement accordées en 1995 à la requérante relative aux investissements de cette dernière dans son installation d'ajustage du fil machine.

90.
    En ce qui concerne, en second lieu, l'autre partie des aides à l'investissement visée au point 75 ci-dessus, la Commission affirme, au point IV, quatrième alinéa, des considérants de la décision attaquée:

«[...] Le dressage de l'acier n'est qu'une technique qui permet d'améliorer la qualité du fil machine laminé à chaud pour satisfaire aux spécifications techniques du secteur de la construction. Le produit final (fil machine redressé) est un produit CECA aux termes de l'annexe I du traité CECA et relève du code 4400 'Fil machine‘ de ladite annexe ainsi que du code 7213 de la nomenclature combinée, qui concerne les produits CECA. Le point de vue allemand selon lequel le dressage de l'acier n'est pas lié à la fabrication de produits CECA ne saurait donc être partagé.»

91.
    Il est constant entre les parties que, dans le contexte de la présente affaire, la notion de dressage, utilisée par la Commission dans la décision attaquée, et celle d'«allongeage», employée par la requérante et par les parties intervenantes dans leurs écritures, doivent être regardées comme équivalentes. Il en va de même des termes dérivés, respectivement, de ces deux notions. Il est également constant entre les parties que, en l'espèce, les notions de fil machine «allongé»/(re)dressé et de rond d'acier à béton «allongé»/(re)dressé, indifféremment employées par les parties au cours du débat judiciaire, désignent toutes deux le produit final issu de l'activité de dressage («allongeage») de la requérante. Dans l'appréciation qui suit, il sera fait référence au dressage pour désigner l'activité considérée et au fil machine dressé pour identifier le produit final concerné.

92.
    Dans ce contexte, il convient, suivant le schéma d'analyse exposé au point 74 ci-dessus, de vérifier si la Commission était fondée à considérer que l'activité de dressage de la requérante et le produit final issu de cette activité relevaient du champ d'application du traité CECA.

93.
    À cet égard, il y a lieu de noter que, dans le cadre d'un recours en annulation fondé sur l'article 33 du traité CECA, la légalité de l'acte communautaire concerné doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où cet acte a été adopté (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T-371/94 et T-394/94, Rec. p. II-2405, point 81). Ainsi, les appréciations complexes portées par la Commission ne doivent être examinées qu'en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16, etdu 26 septembre 1996, France/Commission, C-241/94, Rec. p. I-4551, point 33; arrêt British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, précité, point 81).

94.
    C'est à la lumière de ces principes qu'il convient d'examiner le bien-fondé de l'analyse opérée par la Commission dans le passage de la décision attaquée reproduit au point 90 ci-dessus.

95.
    Sur ce point, il y a lieu de souligner, premièrement, que l'article 81 du traité CECA dispose que les mots «charbon» et «acier», qui circonscrivent le champ d'application matériel dudit traité, sont définis à l'annexe I de celui-ci. Le code 4400 de ladite annexe, auquel la Commission rattache le produit final de la requérante, désigne le «[f]il machine» parmi une série de «[p]roduits finis à chaud en fer, en acier ordinaire ou en acier spécial». Le code 7213 du règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1, ci-après la «nomenclature combinée»), également invoqué par la Commission dans la décision attaquée, range parmi les produits relevant du traité CECA le «[f]il machine».

96.
    Toutefois, il est constant entre les parties que le produit final de la requérante est le résultat d'une opération de dressage du fil machine réalisée à froid. Or, ni le code 4400, ni aucun autre code de l'annexe I du traité CECA, ni la classification des produits relevant du traité CECA contenue dans la nomenclature combinée ne visent le fil machine dressé à froid. Au contraire, la désignation, sous le code 4400 de l'annexe susvisée, du fil machine comme produit fini à chaud n'autorise pas, à défaut d'indication en sens contraire, à assimiler à ce produit le produit issu d'une opération d'usinage à froid.

97.
    Invoquant le point 4 de l'annexe I du traité CECA, la Commission défend une interprétation large du concept de fil machine visé au code 4400 de ladite annexe, qui l'autoriserait à assimiler à ce concept le fil machine dressé à froid produit par la requérante.

98.
    Il ressort de cette disposition que l'action de la Commission doit tenir compte du fait que la production de certains des produits figurant sur la liste contenue dans ladite annexe est directement liée à celle de sous-produits qui n'y figurent pas, mais dont les prix de vente peuvent conditionner celui des produits principaux.

99.
    Toutefois, ni dans la décision attaquée ni au cours de la procédure judiciaire la Commission n'a expliqué en quoi le prix du fil machine dressé à froid produit par la requérante est, en tant que tel, susceptible de conditionner celui du fil machine et des autres produits sidérurgiques fabriqués en amont par cette dernière.

100.
    Dans ses écritures, elle affirme, certes, que les aides accordées à la requérante pour des investissements liés à son activité de dressage lui permettent d'améliorer sasituation financière globale et de vendre ses produits relevant du traité CECA à moindre prix. Lesdites aides permettraient par ailleurs à la requérante d'améliorer la qualité de son rond d'acier à béton, ce qui accroîtrait ses débouchés pour sa production principale CECA (voir ci-dessus point 49). De telles allégations tendent cependant à démontrer que, à supposer que le fil machine dressé à froid produit par la requérante ne puisse être considéré comme un produit visé par l'annexe I du traité CECA, les aides à l'investissement se rapportant à ce produit peuvent en l'espèce avoir une incidence sur le marché relevant du traité CECA justifiant qu'elles soient appréciées au regard des règles dudit traité en la matière. Elles n'établissent pas, en revanche, que, ainsi que l'exige le point 4 de l'annexe I du traité CECA, le prix du fil machine dressé à froid produit par la requérante peut, en tant que tel, influer sur le prix des produits sidérurgiques commercialisés par celle-ci.

101.
    Dans ces conditions, la Commission ne saurait utilement invoquer cette disposition pour justifier sa décision d'appliquer, en l'espèce, les règles du traité CECA au produit final de la requérante.

102.
    Il convient par ailleurs de souligner que, d'après l'article 81, deuxième alinéa, du traité CECA, il revient au Conseil, statuant à l'unanimité, de compléter les listes de produits contenues dans l'annexe I du traité CECA. Faute, pour le Conseil, d'avoir fait usage de cette disposition pour inclure dans ladite annexe le fil machine dressé à froid, celle-ci ne saurait être lue comme s'étendant à ce produit, sous peine de méconnaître le fait que le traité CECA constitue, en vertu de l'article 232, paragraphe 1, du traité CE (devenu article 305, paragraphe 1, CE), une lex specialis dérogeant à la lex generalis qu'est le traité CE [arrêt de la Cour du 24 octobre 1985, Gerlach, 239/84, Rec. p. 3507, points 9 à 11, et conclusions de l'avocat général M. VerLoren van Themaat sous cet arrêt, Rec. p. 3508, point 3.1.; voir également, en ce sens, l'avis de la Cour 1/94, du 15 novembre 1994 (Rec. p. I-5267) sur la compétence de la Communauté pour conclure des accords internationaux en matière de services et de protection de la propriété intellectuelle, points 25 à 27] et que, par conséquent, les termes servant à circonscrire son champ d'application doivent être interprétés de manière stricte.

103.
    Deuxièmement, dans la mesure où, s'agissant de l'activité de dressage exercée par la requérante, la Commission se borne à mentionner le rapport Hensel dans la présentation de l'argumentation développée par la République fédérale d'Allemagne au cours de la procédure administrative (point III, troisième alinéa, des considérants de la décision attaquée), sans préciser en quoi ce rapport soutient son analyse exposée au point 90 ci-dessus, ni indiquer si, et dans quelle mesure, d'autres éléments sont entrés en ligne de compte lors de ladite analyse, le Tribunal s'est vu contraint de demander à la Commission, par le biais d'une question écrite, que celle-ci identifie les éléments soutenant cette analyse.

104.
    Dans sa réponse à cette question écrite, la Commission a indiqué que son analyse reposait sur le rapport Hensel, sur les observations reçues le 17 mars 1998 del'association sidérurgique britannique (voir ci-dessus point 8), sur les définitions du fil machine et du rond d'acier à béton figurant dans le questionnaire statistique 2-71 annexé à ses décisions n°s 1566/86 et 4104/88, citées au point 46 ci-dessus, lesquelles assimilent ces produits au fil machine et au rond d'acier à béton dressés à froid, ainsi que sur des entretiens approfondis avec des experts du secteur.

105.
    Conformément à la jurisprudence rappelée au point 93 ci-dessus, il convient de vérifier si ces différents éléments soutiennent l'analyse de la Commission relative à l'activité de dressage de la requérante.

106.
    En ce qui concerne le rapport Hensel, la Commission, dans ses écritures, fait valoir, en premier lieu, qu'il ressort de celui-ci que le dressage du fil machine pratiqué par la requérante se distingue de l'étirage. L'auteur dudit rapport éviterait en effet systématiquement de recourir à la notion d'étirage pour désigner l'activité de dressage de la requérante.

107.
    Pourtant, le point 6 du rapport Hensel contient l'indication suivante:

«De ce fait, une mesure d'investissement, destinée à la fabrication de fil à béton allongé à froid (étiré), peut continuer à bénéficier d'une aide dans tous les cas. Le fil à béton nervuré est écroui par un procédé de flexion-allongeage spécifique, dans la mesure où une traction dans un outil d'étirage normal, comme pour des fils lisses, entraînerait une déformation inacceptable des nervures.»

108.
    Au point 7.2. du rapport, le dressage est décrit comme «un écrouissage comme dans un étirage à froid classique de fils lisses».

109.
    À deux reprises dans le rapport Hensel, l'activité de dressage à froid pratiquée par la requérante est donc assimilée à une activité d'étirage dont il est constant entre les parties qu'elle n'entre pas dans le champ d'application du traité CECA (voir la note 5 relative au code 4500 de l'annexe I du traité CECA, ainsi que l'encadrement hors CECA).

110.
    À l'audience, la Commission n'a pas pu s'expliquer sur l'absence de prise en compte de sa part, au cours de la procédure administrative, des indications du rapport Hensel reproduites aux points 107 et 108 ci-dessus.

111.
    En second lieu, les écritures de la Commission font ressortir que celle-ci a déduit du rapport Hensel que le dressage opéré par la requérante correspond à un ajustage du fil machine laminé à chaud.

112.
    Toutefois, la seule lecture de la table des matières de ce rapport permet de constater que, ainsi que le confirme sans équivoque le contenu de celui-ci, l'ajustage constitue, dans le nouveau processus technologique développé par la requérante, une opération distincte du dressage (voir les points 7.2. et 7.4.),destinée à refroidir et à préparer le fil machine sortant du laminoir à chaud en vue dudit dressage.

113.
    Au point 6 du rapport, il est ainsi expliqué que, dans l'installation d'ajustage, «les sections de fil sont refroidies, rassemblées en bottes, transportées à l'état froid, liées, contrôlées, étiquetées et pesées». Ensuite, «le fil à béton préparé selon une qualité élevée et lié en coils dans la nouvelle installation d'ajustage du laminoir est amené dans une proportion de plus en plus importante à un niveau de résistance augmenté à tolérance de largeur étroite dans l'installation de flexion-laminage et d'allongeage à froid et livré nettoyé» (point 7.2. du rapport).

114.
    Il ressort des considérations qui précèdent (ci-dessus points 106 à 113) que la Commission a fait du rapport Hensel une lecture tronquée, en faisant abstraction des passages de celui-ci comparant le processus de dressage à froid pratiqué par la requérante à un processus d'étirage, et erronée, en confondant les phases d'ajustage et de dressage qui se succèdent dans le processus de fabrication du produit final de la requérante.

115.
    S'agissant des observations de l'association sidérurgique britannique, il y a lieu de constater que cette dernière n'a pas pris position sur la qualification technique et juridique de l'activité de dressage de la requérante. Elle s'est limitée à affirmer que, s'il devait apparaître que l'aide a profité aux activités soumises au traité CECA de la requérante, il s'ensuivrait nécessairement que cette aide serait incompatible avec le sixième code des aides à la sidérurgie.

116.
    Dans ses observations, basées sur la supposition que l'aide était destinée à des activités ne relevant pas du traité CECA de la requérante, l'association précitée a souligné le degré élevé d'intégration des activités de cette dernière et le risque corrélatif de détournement de l'aide au profit des activités soumises au traité CECA de celle-ci. L'association sidérurgique britannique a dès lors recommandé que les activités de la requérante, qu'elles relèvent ou non du traité CECA, soient en l'occurrence considérées comme un ensemble intégré, soumis à la réglementation des aides du traité CECA.

117.
    Il ressort des considérations exposées aux deux points précédents que les observations examinées ne contiennent pas d'élément soutenant l'analyse de la Commission contenue au point IV, quatrième alinéa, des considérants de la décision attaquée.

118.
    En ce qui concerne les définitions du fil machine et du rond d'acier à béton contenues dans le questionnaire statistique 2-71, celles-ci ne sauraient occulter le fait que ni le code 4400 de l'annexe I du traité CECA ni le code 7213 de la nomenclature combinée, mentionnés dans la décision attaquée, n'assimilent le fil machine dressé à froid au fil machine (voir ci-dessus points 95 et 96). Elles ne sauraient non plus écarter les indications du rapport Hensel selon lesquelles le dressage à froid du fil machine opéré par la requérante procède d'une évolutiontechnologique apparue au début des années 90, soit après l'adoption des décisions de la Commission mentionnées au point 46 ci-dessus, et doit être comparé à l'étirage à froid classique du fil machine.

119.
    Il convient d'ajouter que l'absence de réaction du milieu professionnel et, au cours de la présente procédure judiciaire, des parties requérante et intervenantes au rattachement, à des fins statistiques, du fil machine dressé à froid au fil machine ne saurait, de toute évidence, être interprétée comme une reconnaissance, de la part de ces dernières, de la qualification du produit final de la requérante de produit relevant du traité CECA aux fins de l'application des règles relatives aux aides d'État.

120.
    S'agissant des entretiens menés par la Commission avec des experts de la sidérurgie, force est de constater que, ni dans la décision attaquée, ni dans ses mémoires, ni dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission ne fournit la moindre indication quant au contenu de ces entretiens. Ceux-ci ne sauraient dès lors être utilement pris en compte au soutien de son analyse.

121.
    À l'audience, la Commission a encore fait valoir que, par le passé, la République fédérale d'Allemagne avait elle-même rattaché l'activité de dressage à froid de la requérante aux activités de production relevant du traité CECA. Elle a fait référence, à cet égard, à des communications du 26 mai 1992 et du 29 juin 1994 par lesquelles la République fédérale d'Allemagne lui avait notifié, conformément au cinquième code des aides à la sidérurgie, des projets d'aides à l'investissement en faveur de la requérante.

122.
    Toutefois, la lecture de ces deux communications amène à écarter les allégations de la Commission. Ces communications ne comportent en effet aucune indication permettant de considérer que les projets d'aides notifiés se soient rapportés à l'activité de dressage à froid de la requérante.

123.
    Certes, ainsi que la Commission l'a affirmé à l'audience, elles mentionnent, parmi les investissements concernés par les projets d'aides, ceux liés aux activités de déformation à froid de la requérante. Toutefois, rien ne permet d'affirmer qu'une telle mention désigne son activité de dressage à froid. Au contraire, le tableau joint en annexe à la communication du 26 mai 1992 donne à penser que cette mention vise son activité de laminage à froid.

124.
    Au terme de l'examen qui précède (ci-dessus points 90 à 123), il y a lieu de conclure que la Commission a, à tort, considéré l'activité de dressage à froid du fil machine exercée par la requérante comme une activité de production soumise au traité CECA et qualifié le produit final de celle-ci de produit relevant de l'annexe I du traité CECA et de la nomenclature combinée.

125.
    Conformément à l'analyse exposée au point 74 ci-dessus, l'application du traité CECA aux aides accordées à la requérante pour ses investissements relatifs à son activité de dressage ne peut, dans ces conditions, se justifier qu'à défaut de garanties suffisantes permettant d'exclure un détournement desdites aides au profit de ses activités de production relevant du traité CECA.

126.
    À cet égard, il y a lieu de souligner que, certes, il appartient à l'État membre concerné, le cas échéant assisté de l'entreprise bénéficiaire de l'aide, qui dispose des données pertinentes à cette fin, de fournir à la Commission tous les éléments devant permettre à celle-ci de vérifier, au cours de la procédure administrative, l'existence ou non de telles garanties. Toutefois, la Commission se doit de conduire ladite procédure avec diligence et conformément au principe de protection de la confiance légitime, lequel s'inscrit parmi les principes fondamentaux de la Communauté (arrêt de la Cour du 14 octobre 1999, Atlanta/Communauté européenne, C-104/97 P, Rec. p. I-6983, point 52) et implique, en la matière, de prendre en compte la confiance légitime d'ordre procédural qu'ont pu inspirer aux parties concernées les indications contenues dans la décision de l'institution d'ouvrir la procédure d'examen des aides litigieuses.

127.
    Or, en l'espèce, il ressort de la communication du 18 février 1998 (p. 5, premier alinéa) ce qui suit:

«Une partie à ce jour inconnue des aides à l'investissement pourrait être compatible avec le marché commun dans la mesure où elle concerne exclusivement des investissements réalisés hors du secteur CECA et où un détournement au profit des activités CECA de ESF [Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH] est exclu. L'étude présentée portant sur l'affectation des coûts ne permet toutefois pas de déterminer cette partie avec certitude. Il convient donc d'examiner ce point plus en détail.»

128.
    Il découle de ces indications que, au moment d'ouvrir la procédure administrative, la Commission avait envisagé un examen détaillé visant à déterminer si, et dans quelle mesure, une partie des aides à l'investissement litigieuses a concerné exclusivement des investissements réalisés par la requérante en dehors du secteur relevant du traité CECA et, le cas échéant, à vérifier qu'un détournement de ces aides au profit de ses activités soumises audit traité était exclu. Contrairement à ce que la Commission a soutenu à l'audience, une telle indication ne correspondait pas à une invitation, adressée aux parties concernées, à lui communiquer les éléments devant lui permettre de procéder à cette vérification. À la lecture de cette indication, lesdites parties étaient en droit d'attendre que la Commission leur demande, dans le cadre de l'examen envisagé par elle dans la communication susmentionnée, de lui fournir ces éléments.

129.
    Toutefois, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal et à l'audience, la Commission a expliqué avoir estimé, au cours de la procédure administrative, que le fil machine dressé à froid produit par la requérante était un produit relevant du traité CECA si bien qu'il y avait lieu de considérer que l'ensemble des aides àl'investissement litigieuses se rapportait à des activités soumises au traité CECA. Elle a ajouté que, en tout état de cause, le degré d'intégration des activités de la requérante excluait d'emblée la possibilité d'une séparation complète entre elles, de sorte que toute aide à l'investissement accordée à la requérante devait nécessairement être appréciée au regard du traité CECA.

130.
    Il ressort donc de ces indications qu'elle n'a pas procédé à l'examen annoncé dans sa communication du 18 février 1998 et n'a pas invité les parties concernées à lui adresser les éléments devant lui permettre de vérifier concrètement si un détournement des aides à l'investissement destinées à l'activité de dressage de la requérante au profit des activités relevant du traité CECA exercées en amont par cette dernière était ou non exclu.

131.
    Dans ces conditions, les passages de la décision attaquée, reproduits aux points 71 et 72 ci-dessus, évoquant l'hypothèse d'une absence de séparation complète, au niveau de l'entreprise bénéficiaire des aides, entre ses activités relevant du traité CECA et celles non soumises à ce dernier, ne sauraient être regardés comme reflétant le résultat d'un examen concret et contradictoire qui aurait fait ressortir l'absence de garanties suffisantes permettant d'écarter, en l'espèce, un tel détournement.

132.
    La Commission n'étant pas fondée à qualifier l'activité de dressage de la requérante d'activité relevant du traité CECA, l'absence d'un tel examen interdit de conclure à l'applicabilité dudit traité aux aides considérées.

133.
    Le soin de mener l'examen envisagé par la Commission dans sa communication du 18 février 1998 n'incombe pas au Tribunal, qui ne saurait procéder à un tel examen sans empiéter sur les compétences de l'institution communautaire concernée (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 24 février 2000, ADT Projekt/Commission, T-145/98, Rec. p. II-387, point 83).

134.
    Dans ces conditions, il y a lieu, au vu des considérations qui précèdent (ci-dessus points 90 à 133), d'accueillir le moyen fondé sur une application erronée du traité CECA, en ce que ce moyen concerne les aides accordées à la requérante pour des investissements liés à son installation de dressage à froid du fil machine.

135.
    Compte tenu de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens et arguments dirigés par les parties requérante et intervenantes contre l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée, il y a lieu de conclure que cette disposition, pour autant que la Commission y déclare incompatibles avec le sixième code des aides à la sidérurgie et avec le marché commun du charbon et de l'acier les aides à l'investissement accordées en 1995 à la requérante pour des investissements dans son installation de dressage à froid du fil machine, est illégale et doit, en conséquence, être annulée. Les conclusions en annulation dirigées contre cette disposition de la décision attaquée doivent être rejetées pour le surplus.

Sur le moyen, pris d'une violation du principe de sécurité juridique, tendant à l'annulation de l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée

Arguments des parties

136.
    La requérante invoque une violation du principe de sécurité juridique. Elle soutient que la Commission avait autorisé l'utilisation partielle des garanties de l'État relatives aux dossiers d'aide N 351/92 et N 673/94 pour la couverture de crédits d'exploitation. En effet, en ce qui concerne la première de celles-ci, la République fédérale d'Allemagne aurait adressé le 17 décembre 1992 au fonctionnaire de la Commission en charge du dossier N 351/92 une télécopie indiquant que 18 millions de DEM sur la garantie de bonne fin à 80 % devaient servir à couvrir les pertes subies pendant la réalisation des investissements, ainsi que les intérêts échus. S'agissant de la seconde garantie de l'État, la République fédérale d'Allemagne aurait expliqué à la Commission, dans une lettre du 26 septembre 1994, que, sur le montant total de cette garantie, 4,8 millions de DEM étaient affectés à la couverture de crédits d'exploitation.

137.
    Renvoyant à l'analyse détaillée qu'elle consacre à cette question au point IV des considérants de la décision attaquée, la Commission affirme que les garanties de l'État litigieuses avaient été déclarées, l'une comme l'autre, comme des aides à l'investissement. Toutefois, au cours de la procédure administrative, la République fédérale d'Allemagne aurait adressé à la Commission le 17 décembre 1992 et le 26 septembre 1994, des documents faisant apparaître que ces garanties avaient été partiellement affectées au financement de crédits d'exploitation avant leur approbation par l'institution.

138.
    De telles aides auraient été non seulement illégales, étant donné qu'elles auraient été accordées sans l'accord de la Commission, mais aussi incompatibles avec le code des aides à la sidérurgie, d'après lequel sont seules susceptibles d'être approuvées les aides à la recherche, au développement, à la protection de l'environnement et à la fermeture. Compte tenu de leur caractère manifestement incompatible avec le marché commun, les aides au fonctionnement ne seraient pas visées par ledit code, lequel devrait être interprété de manière restrictive en ce qu'il déroge au principe d'interdiction des aides (voir, en ce sens, arrêt Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, cité au point 48 ci-dessus). En l'espèce, une affectation des aides à des fins autres que l'investissement aurait donc été interdite.

139.
    La Commission ajoute qu'elle ne saurait accepter, a posteriori, des précisions modifiant la nature des aides concernées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 février 1987, Falck/Commission, 304/85, Rec. p. 871, point 16, et la jurisprudence citée). Cela expliquerait que, en l'espèce, elle s'en est tenue aux précisions initialement fournies par la République fédérale d'Allemagne et a autorisé les aides en tant qu'aides à l'investissement.

Appréciation du Tribunal

140.
    En ce qui concerne, tout d'abord, le dossier d'aide N 351/92, il est constant entre les parties que la République fédérale d'Allemagne a notifié à la Commission le 26 mai 1992, par lettre du 2 juin 1992, un projet d'octroi à la requérante d'une subvention et d'une prime à l'investissement pour des investissements évalués à 85 millions de DEM.

141.
    Le 15 juillet 1992, la République fédérale d'Allemagne a communiqué à la Commission son intention d'accorder à la requérante une garantie de l'État à concurrence de 80 %, d'un montant de 68,8 millions de DEM, «pour les coûts nécessités par la création de l'entreprise» (voir lettre adressée par la République fédérale d'Allemagne à la Commission le 3 mars 1998 et visée au point I, deuxième alinéa, des considérants de la décision attaquée). Le 13 octobre 1992, la République fédérale d'Allemagne a indiqué à la Commission que le montant susvisé était ramené à 60,8 millions de DEM (voir la lettre précitée).

142.
    Le 17 décembre 1992, la République fédérale d'Allemagne a adressé à la Commission une télécopie (ci-après la «télécopie du 17 décembre 1992») contenant les indications suivantes:

«La somme des investissements mentionnés dans la notification ne concerne que les coûts admissibles pour la subvention et la prime à l'investissement. En ce qui concerne la garantie de l'État, d'autres coûts d'investissement ont été pris en considération:

Coûts du terrain                                

8
    Mio DEM

Pertes subies jusqu'au

démarrage de l'exploitation                        

8
    Mio DEM

Intérêts échus                                

10
    Mio DEM

Coûts d'investissements déjà mentionnés                

85
    Mio DEM

--------------

                                        

111
    Mio DEM

moins subvention et prime à l'invest.                

24
,85    Mio DEM

moins capital propre                            

10
    Mio DEM

--------------

montant à garantir                            

76
,15    Mio DEM

                arr.                        

76
    Mio DEM

dont 80 %                                    

60
,8    Mio DEM.»

143.
    Il ressort de sa lettre du 1er mars 1993 que la Commission a autorisé, notamment, l'octroi à la requérante d'«une garantie de l'État à concurrence de 80 % liée aux coûts nécessités par la création de l'entreprise et estimés à 76 millions de DEM», soit, ainsi qu'il est indiqué dans la décision attaquée (voir tableau récapitulatiffigurant à la fin du point II des considérants), une garantie de l'État de 60,8 millions de DEM (80 % de 76 millions de DEM).

144.
    En ce qui concerne, ensuite, le dossier d'aide N 673/94, il est constant entre les parties que, par une communication du 29 juin 1994, la République fédérale d'Allemagne a notifié à la Commission un projet d'octroi à la requérante d'une subvention et d'une prime à l'investissement pour des investissements complémentaires estimés à 51 millions de DEM. Cette communication contient les indications qui suivent:

«[...]

Le financement des investissements complémentaires de 51 millions [de] DEM se présente comme suit:

- Fonds propres (augmentation du capital social)        

5
,4    Mio DEM

- Subvention à l'investissement                    

11
,73    Mio DEM

- Prime à l'investissement (8 %)                    

4
,08    Mio DEM

- Crédit au taux actuel du marché                    

30
,19    Mio DEM

    (il sera peut-être nécessaire de l'assortir

    d'une garantie complémentaire, pour laquelle

    la décision tombera dans les prochains mois)

                        Total:            

51
,00    Mio DEM.

Le gouvernement fédéral notifie les mesures de soutien suivantes en faveur [de la requérante]:

Subvention à l'investissement                        

11
,73    Mio DEM

Prime à l'investissement                        

4
,08    Mio DEM.»

145.
    Par une communication du 26 septembre 1994 (ci-après la «communication du 26 septembre 1994»), la République fédérale d'Allemagne a «notifié [...] une garantie de l'État complémentaire de 24 millions de DEM, dont 19,2 millions de DEM pour des investissements et 4,8 millions de DEM pour des crédits d'exploitation».

146.
    Il ressort tant de la communication du 18 février 1998 (voir tableau récapitulatif figurant à la page 4) que de la décision attaquée (voir tableau récapitulatif figurant à la fin du point II des considérants) que, par sa lettre du 13 janvier 1995, la Commission a approuvé, notamment, l'octroi à la requérante d'une garantie de l'État d'un montant de 23,975 millions de DEM.

147.
    Des éléments qui précèdent (points 140 à 146), il découle que, en ce qui concerne tant la garantie de l'État relative au dossier d'aide N 351/92 que celle liée au dossier d'aide N 673/94, la République fédérale d'Allemagne avait, respectivement, dans sa télécopie du 17 décembre 1992 et dans sa communication du 26 septembre1994, donné à la Commission, avant que celle-ci approuve les éléments d'aide liés à l'octroi de ces garanties à la requérante, des indications précises sur la ventilation des coûts concernés par celles-ci. Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la Commission affirme qu'elle n'a pas enregistré la télécopie du 17 décembre 1992 et que la communication du 26 septembre 1994 a constitué un simple complément d'information dans le cadre du dossier d'aide N 673/94, de sorte que ces deux documents ne sauraient être considérés comme des notifications formelles. Elle ne nie toutefois pas avoir reçu ces documents et ne conteste pas leur lien avec les dossiers d'aide N 351/92 et N 673/94.

148.
    Dans l'un et l'autre cas, la Commission a pris position sur les garanties de l'État concernées. La lettre du 1er mars 1993 vise en effet la «garantie de l'État à concurrence de 80 % liée aux coûts nécessités par la création de l'entreprise et estimés à 76 millions de DEM» (voir ci-dessus point 143). Le rapprochement de cet extrait et de l'indication, dans la télécopie du 17 décembre 1992, d'un montant global de 76 millions de DEM à garantir à concurrence de 80 % permet de conclure que, ce que la Commission ne conteste pas, celle-ci s'est prononcée sur la garantie de l'État relative au dossier d'aide N 351/92 en considération des informations fournies par ladite télécopie. S'agissant de la lettre du 13 janvier 1995, la Commission ne nie pas que la référence, contenue dans cette lettre, au «prêt commercial assorti d'une garantie de l'État» d'un montant de 23,975 millions de DEM traduit la prise en considération de sa part des indications contenues dans la communication du 26 septembre 1994 au sujet du projet d'octroi à la requérante d'une garantie de l'État dans le cadre du dossier d'aide N 673/94.

149.
    Pour cette raison, il y a lieu d'écarter l'application, en l'espèce, de la solution adoptée dans l'arrêt Falck/Commission (cité au point 139 ci-dessus), invoqué par la Commission dans ses écritures. En effet, dans cet arrêt, la Cour a jugé, à propos de projets d'aides à la sidérurgie dont le délai de notification à la Commission expirait le 31 mai 1985 en vertu du code des aides à la sidérurgie applicable à cette époque, que la Commission n'était pas tenue d'accepter des précisions intervenues après cette date qui auraient eu pour résultat que la nature de l'aide envisagée en fût affectée et que, partant, le projet mis en oeuvre ne correspondît pas à celui qui avait été notifié. Or, en l'espèce, il n'est pas contesté que la télécopie du 17 décembre 1992 est parvenue en temps utile à la Commission et il ressort de l'analyse exposée aux deux points précédents que les indications figurant dans cette télécopie ont été prises en compte par la Commission dans le cadre de sa décision finale contenue dans la lettre du 1er mars 1993. S'agissant de la communication du 26 septembre 1994, la Commission elle-même affirme, dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, que cette communication a été «considérée comme un simple complément d'information dans l'affaire [N] 673/94» et qu'elle a dès lors été rattachée au dossier de notification qui lui avait été adressé par la République fédérale d'Allemagne le 29 juin 1994 et qui avait annoncé un possible projet d'octroi d'une garantie complémentaire de l'État à la requérante (voir ci-dessus point 144). De plus, l'analyse exposée aux deux points précédents fait ressortir queles indications figurant dans cette communication ont été prises en considération par la Commission dans le cadre de sa décision finale contenue dans sa lettre du 13 janvier 1995.

150.
    La lecture de la lettre du 1er mars 1993 fait apparaître que le projet d'octroi de la garantie de l'État concernée est désigné, au même titre que les autres éléments d'aide relatifs au dossier N 351/92, comme un projet d'aide à l'investissement et a été examiné et approuvé au regard de l'article 5, troisième tiret, du cinquième code des aides à la sidérurgie, relatif aux aides régionales à l'investissement en faveur d'entreprises établies sur le territoire de l'ancienne République démocratique allemande. Dans la lettre du 13 janvier 1995, il est indiqué également que le projet d'octroi à la requérante d'une garantie de l'État liée à un prêt commercial a, à l'instar des autres éléments d'aide concernés par le dossier N 673/94, été examiné et approuvé sur la base de cette même disposition du code des aides à la sidérurgie.

151.
    Au point IV, onzième alinéa, des considérants de la décision attaquée, la Commission affirme pourtant que «[la République fédérale d'Allemagne] a effectivement notifié des aides générales au fonctionnement en faveur d'une entreprise sidérurgique CECA». Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal et à l'audience, la Commission a confirmé que, ainsi que cela ressort de sa place dans la décision attaquée, cette affirmation vise la télécopie du 17 décembre 1992 et la communication du 26 septembre 1994. Au vu de ces éléments, il est donc permis de penser que la Commission a compris à l'époque, à la lecture de ces documents, que les garanties de l'État décrites dans ceux-ci contenaient des éléments d'aide générale au fonctionnement. L'affirmation, faite par la Commission dans ses écritures, selon laquelle la télécopie du 17 décembre 1992 et la communication du 26 septembre 1994 ont fait apparaître une affectation partielle de ces garanties de l'État à la couverture de crédits d'exploitation (voir ci-dessus point 137) confirme cette analyse.

152.
    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, en approuvant, dans le cadre des dossiers d'aide N 351/92 et N 673/94, et en parfaite connaissance de cause, les garanties de l'État à concurrence de l'intégralité des montants mentionnés par la République fédérale d'Allemagne, respectivement, dans sa télécopie du 17 décembre 1992 et dans sa communication du 26 septembre 1994, à 25 000 DEM près dans le second cas, la Commission a autorisé l'utilisation partielle, annoncée dans ces deux documents, de ces garanties de l'État comme aides au fonctionnement.

153.
    L'argument de la Commission selon lequel l'absence d'allusion, dans ses lettres du 1er mars 1993 et du 13 janvier 1995, au projet d'affectation partielle des garanties de l'État à la couverture de crédits d'exploitation devait nécessairement amener la République fédérale d'Allemagne à se rendre compte qu'aucune aide au fonctionnement n'avait été autorisée ne saurait être accueilli.

154.
    Si l'intention des autorités allemandes d'affecter une partie des garanties de l'État à la couverture de tels crédits suscitait une objection de sa part, la Commission aurait dû à l'époque, dans le respect de la procédure prévue à cette fin, adopter une décision qui soit n'autorisait l'octroi de ces garanties qu'à concurrence du montant se rapportant à la couverture de dépenses d'investissement, soit n'approuvait l'octroi de ces garanties dans leur intégralité qu'à la condition que celles-ci fussent entièrement affectées à la couverture de dépenses d'investissement. Or, force est de constater que telle n'est pas la teneur des deux lettres susmentionnées.

155.
    La Commission ne saurait non plus invoquer le caractère manifestement incompatible des aides au fonctionnement avec le marché commun du charbon et de l'acier pour soutenir que la République fédérale d'Allemagne devait nécessairement se douter que l'affectation partielle des garanties de l'État à la couverture de crédits d'exploitation n'avait pas été approuvée.

156.
    En effet, outre ce qui a été exposé aux points 152 et 154 ci-dessus, force est de constater que, au point IV, onzième alinéa, des considérants de la décision attaquée, la Commission affirme qu'«[elle] n'approuve [...] pas aisément des aides au fonctionnement contraires à des principes bien connus». La Commission elle-même n'exclut donc pas que de telles aides puissent être autorisées. Elle ne saurait, dans ces conditions, objecter que la République fédérale d'Allemagne ne pouvait raisonnablement lire ses lettres du 1er mars 1993 et du 13 janvier 1995 comme portant approbation des éléments d'aide au fonctionnement contenus dans les garanties de l'État litigieuses.

157.
    En admettant que, en dépit de ce qu'elle affirme dans la décision attaquée et dans ses écritures (voir ci-dessus point 151), la Commission ait perçu à l'époque les projets d'octroi des garanties de l'État litigieuses comme correspondant intégralement à des projets d'aides à l'investissement, il convient de souligner qu'une telle perception ainsi que son examen et son approbation desdites garanties de l'État comme aides à l'investissement sont intervenus en considération des indications fournies par la République fédérale d'Allemagne dans sa télécopie du 17 décembre 1992 et dans sa communication du 26 septembre 1994 quant aux coûts concernés par ces garanties (voir ci-dessus points 147 et 148). À cet égard, il ne saurait, au vu de ces indications, être reproché à la République fédérale d'Allemagne d'avoir cherché à masquer les finalités envisagées des garanties litigieuses et à faire ainsi approuver par la Commission une affectation de celles-ci différente de celle qui lui avait été indiquée.

158.
    Dans ces conditions, l'autorisation comme aides à l'investissement, contenue dans les lettres du 1er mars 1993 et du 13 janvier 1995, des garanties de l'État à concurrence de l'intégralité - à 25 000 DEM près, dans le second cas - du montant global mentionné par la République fédérale d'Allemagne, respectivement, dans sa télécopie du 17 décembre 1992 et dans sa communication du 26 septembre 1994doit être considérée comme portant approbation de l'utilisation de ces garanties de l'État pour la couverture des montants respectifs des différents types de coûts mentionnés dans ces deux documents.

159.
    Il n'appartient pas au Tribunal de s'interroger sur les raisons pour lesquelles la Commission a, à l'époque, approuvé l'octroi à la requérante des garanties de l'État litigieuses sans la moindre réserve à l'égard des indications fournies par la République fédérale d'Allemagne dans sa télécopie du 17 décembre 1992 et dans sa communication du 26 septembre 1994 au sujet de l'affectation desdites garanties envisagée dans ces deux documents. Force est de constater, au terme de l'analyse qui précède (voir ci-dessus points 140 à 158), que les lettres du 1er mars 1993 et du 13 janvier 1995 doivent être lues comme portant autorisation de l'octroi à la requérante de garanties de l'État, respectivement, de 60,8 millions de DEM et de 23,975 millions de DEM, telles que ces garanties avaient été détaillées, en termes d'affectation, par la République fédérale d'Allemagne dans sa télécopie du 17 décembre 1992 et sa communication du 26 septembre 1994 dont les passages utiles ont été reproduits aux points 142 et 145 ci-dessus.

160.
    Ni dans la décision attaquée, ni dans ses écritures, la Commission ne conteste le lien établi par la République fédérale d'Allemagne, au cours de la procédure administrative, entre la garantie de l'État de 7,2 millions de DEM, visée à l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée, accordée à la fin de l'année 1994 à la requérante pour couvrir des crédits d'exploitation et l'affectation, annoncée dans la télécopie du 17 décembre 1992 relative au dossier d'aide N 351/92, de la garantie de l'État visée par cette télécopie à la couverture de pertes subies pendant la réalisation des investissements et d'intérêts échus, évalués globalement à 18 millions de DEM. Il n'est pas non plus contesté que le montant de 7,2 millions de DEM, susvisé, n'excède pas la limite admissible, compte tenu de l'importance respective des différents types de coûts concernés par la garantie de l'État considérée, de l'affectation partielle de celle-ci à la couverture de crédits d'exploitation.

161.
    La Commission ne réfute pas davantage, dans la décision attaquée et dans ses écritures, le lien établi par la République fédérale d'Allemagne, au cours de la procédure administrative, entre la garantie de l'État de 4,8 millions de DEM, visée à l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée, accordée à la requérante à la fin de l'année 1994 pour couvrir des crédits d'exploitation et l'affectation, annoncée dans la communication du 26 septembre 1994 relative au dossier d'aide N 673/94, de la garantie de l'État visée par cette communication à la couverture de crédits d'exploitation à concurrence de 4,8 millions de DEM.

162.
    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que l'élément d'aide contenu dans les garanties de l'État accordées à la requérante à la fin de l'année 1994 pour couvrir des crédits d'exploitation à hauteur, respectivement, de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM, avait été approuvé par la Commission, respectivement, dans sa lettre du 1er mars 1993 relative au dossier d'aide N 351/92 et dans sa lettre du 13 janvier 1995 relative au dossier d'aide N 673/94.

163.
    Il convient encore de vérifier si la Commission était fondée à considérer, à l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée, que cet élément d'aide est incompatible avec le sixième code des aides à la sidérurgie et avec le marché commun du charbon et de l'acier.

164.
    À cet égard, il y a lieu de noter que la qualification d'aide générale au fonctionnement conférée par la Commission à cet élément d'aide dans la décision attaquée (point IV, huitième et onzième alinéas, des considérants) n'est pas contestée par les parties requérante et intervenantes. Or, les aides générales au fonctionnement ne relèvent d'aucune des catégories d'aides, définies par le sixième code des aides à la sidérurgie, applicable depuis le 1er janvier 1997, pour lesquelles est prévue une dérogation générale au principe d'interdiction énoncé à l'article 4, sous c), du traité CECA. Par ailleurs, tant au cours de la procédure administrative que pendant la procédure judiciaire, les parties en cause se sont bornées à soutenir que les garanties de l'État de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM accordées à la fin de l'année 1994 à la requérante pour couvrir des crédits d'exploitation avaient été approuvées par la Commission. Elles n'ont pas développé d'arguments tendant à démontrer la compatibilité de ces garanties avec le marché commun du charbon et de l'acier.

165.
    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission était fondée à déclarer, à l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée, que l'élément d'aide contenu dans les garanties de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM accordées à la requérante à la fin de l'année 1994 pour couvrir des crédits d'exploitation est incompatible avec le sixième code des aides à la sidérurgie et le marché commun du charbon et de l'acier.

166.
    Compte tenu de tout ce qui précède (ci-dessus points 140 à 165), l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée doit être annulé en ce qu'il dispose que l'élément d'aide contenu dans les garanties de l'État de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM accordées à la requérante à la fin de l'année 1994 pour couvrir des crédits d'exploitation n'avait pas été approuvé. Le moyen examiné doit être rejeté pour le surplus.

Sur le moyen, pris de la violation du principe de protection de la confiance légitime, tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision attaquée

Arguments des parties

167.
    La requérante fait valoir qu'elle pouvait légitimement croire que des aides destinées à des installations non affectées, en tant que telles, à une activité relevant du traité CECA allaient être examinées au regard des règles du traité CE en matière d'aides d'État et cela, en dépit de l'absence d'intervention d'une entreprise distincte dans l'exploitation desdites installations (arrêt du Tribunal du 31 mars1998, Preussag Stahl/Commission, T-129/96, Rec. p. II-609, point 77, et la jurisprudence citée).

168.
    S'agissant des garanties de l'État, elle affirme avoir cru que la République fédérale d'Allemagne avait satisfait à l'obligation de notification au moyen de ses communications à la Commission. Par ailleurs, en approuvant ces garanties, l'institution communautaire aurait fait naître dans son chef des espérances fondées (arrêt du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 51).

169.
    La requérante expose qu'elle a procédé à des investissements irréversibles, en utilisant très largement les moyens qui lui avaient été accordés. Elle soutient que, si elle avait été informée du risque d'une demande de remboursement des aides litigieuses, elle n'aurait pas procédé à de tels investissements et ne serait pas actuellement confrontée aux problèmes que lui pose une telle demande.

170.
    Elle rappelle le souci de la jurisprudence communautaire d'assurer un équilibre entre le principe de légalité, d'une part, et les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, d'autre part (arrêt de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205 à 215/82, Rec. p. 2633, point 30).

171.
    Le Freistaat Sachsen soutient que les aides à l'investissement litigieuses ont constitué des mesures individuelles d'exécution de programmes régionaux d'aides qui avaient été autorisés par la Commission conformément à l'article 93 du traité CE (devenu article 88 CE). Elles correspondraient donc à des aides existantes, dispensées d'obligation de notification préalable à la Commission.

172.
    La Commission affirme que, outre le fait que la requérante soutient une qualification erronée de l'opération de dressage, il ressort d'une jurisprudence constante que les entreprises bénéficiaires d'une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue, ce dont un opérateur économique diligent doit pouvoir s'assurer (arrêt de la Cour du 20 septembre 1990, Commission/Allemagne, C-5/89, Rec. p. I-3437, point 14). À cet égard, une communication de la Commission (JO 1983, C 318, p. 3) mettrait en garde les bénéficiaires potentiels d'aides illégalement accordées contre le risque de remboursement de telles aides.

173.
    En ce qui concerne les aides visées à l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée, la requérante ne pourrait, en outre, se prévaloir d'aucune décision d'approbation susceptible de fonder sa confiance légitime. S'agissant de l'argument tiré du caractère irréversible de ses investissements, il serait dépourvu de pertinence. En effet, la Commission n'exigerait pas le retrait desdits investissements, mais uniquement le remboursement des fonds illégalement perçus. Une telle mesure de remboursement serait la conséquence logique de la constatation d'incompatibilité de l'aide avec le marché commun, dès lors qu'ellevise au rétablissement de la situation antérieure (arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959).

174.
    S'agissant des garanties de l'État relatives aux dossiers d'aide N 351/92 et N 673/94, elles auraient été utilisées en violation du cinquième code des aides à la sidérurgie. En effet, elles auraient été affectées à des fins autres que celles déclarées à la Commission, et interdites par ledit code. En outre, elles auraient été octroyées à la requérante avant que la Commission ait arrêté sa position à leur égard. Dans ces conditions, la requérante ne serait pas fondée à prétendre que l'approbation de ces garanties comme aides à l'investissement lui a légitimement donné à penser que celles-ci étaient autorisées comme aides au fonctionnement (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 6 juillet 1988, Dillinger Hüttenwerke/Commission, 236/86, Rec. p. 3761, point 14, et du 6 décembre 1990, Wirtschaftsvereinigung Eisen- und Stahlindustrie/Commission, C-180/88, Rec. p. I-4413, point 22).

175.
    La Commission ajoute que la jurisprudence communautaire exige la récupération d'aides illégales même lorsque l'autorité nationale est à ce point responsable de l'illégalité que le retrait de la décision d'octroi de l'aide apparaît, à l'égard du bénéficiaire de l'aide, comme contraire à la bonne foi et cela, parce que ledit bénéficiaire n'a pas pu avoir, en raison du non-respect de la procédure prévue, une confiance légitime dans la régularité de l'aide en cause (arrêt de la Cour du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C-24/95, Rec. p. I-1591, point 43). La récupération des aides s'imposerait d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, les autorités nationales ont cherché à faire approuver a posteriori une affectation de l'aide différente de celle qui avait été initialement notifiée à la Commission.

Appréciation du Tribunal

176.
    Il convient, en premier lieu, de rappeler que l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée doit être annulé, pour autant que la Commission y déclare incompatible avec le sixième code des aides à la sidérurgie et le marché commun du charbon et de l'acier la partie des aides à l'investissement accordées à la requérante en 1995 relative à des investissements dans son installation de dressage à froid du fil machine (voir ci-dessus point 135).

177.
    Or, la récupération des aides que la Commission peut imposer à l'État membre concerné est la conséquence de leur incompatibilité avec le marché commun. Elle ne peut être justifiée par le seul motif que l'aide considérée n'a pas été notifiée à la Commission (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, points 11 à 22; du 21 mars 1990, Belgique/Commission, cité au point 173 ci-dessus, points 15 à 20; du 11 juillet 1996, SFEI e.a., C-39/94, Rec. p. I-3547, point 43; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1995, SIDE/Commission, T-49/93, Rec. p. II-2501, point 85).

178.
    Par conséquent, la Commission n'est pas fondée à exiger de la République fédérale d'Allemagne, à l'article 2 de la décision attaquée, la récupération des aides à l'investissement mentionnées au point 176 ci-dessus.

179.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les autres aides visées à l'article 1er, premier alinéa, de la décision attaquée, il y a d'abord lieu de rappeler que la Commission a, à bon droit, déclaré incompatible avec le sixième code des aides à la sidérurgie et le marché commun du charbon et de l'acier la partie des aides à l'investissement accordées à la requérante en 1995 relative à des investissements dans son installation d'ajustage (voir ci-dessus point 89). S'agissant de la garantie de l'État de 12 millions de DEM octroyée à cette dernière en 1997, les parties requérante et intervenantes n'ont pas mis en cause, au cours de la procédure judiciaire, la constatation, faite par la Commission dans la disposition susvisée de la décision attaquée, selon laquelle l'élément d'aide contenu dans cette garantie est incompatible avec le sixième code des aides à la sidérurgie et le marché commun du charbon et de l'acier (voir ci-dessus point 56).

180.
    Ensuite, il convient d'observer que la requérante ne nie pas avoir été consciente, à l'époque, des éléments d'aide publique contenus dans les aides à l'investissement et dans la garantie de l'État visées au point précédent.

181.
    Dans ses réponses aux questions écrites du Tribunal, la requérante n'a par ailleurs pas contesté que, ainsi que cela ressort des indications figurant dans la communication du 18 février 1998 (voir, en particulier, le tableau reproduit à la page 4) et dans la décision attaquée (voir, notamment, le tableau récapitulatif figurant à la fin du point II des considérants), ces éléments d'aide lui ont été accordés sans notification préalable à la Commission. Or, la procédure de notification préalable s'impose d'une manière générale aux États membres à propos de tout projet d'intervention financière des pouvoirs publics au bénéfice d'entreprises sidérurgiques (voir, en ce sens, l'ordonnance du président de la Cour du 3 mai 1996, Allemagne/Commission, C-399/95 R, Rec. p. I-2441, points 50 et 54). À cet égard, l'argument du Freistaat Sachsen reproduit au point 171 ci-dessus doit être écarté, compte tenu des constatations opérées au point 80 ci-dessus.

182.
    En vertu d'une jurisprudence constante, l'entreprise bénéficiaire d'une aide d'État ne saurait avoir une confiance légitime dans la régularité de l'aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure, ce dont un opérateur économique diligent doit être en mesure de s'assurer (voir arrêts du Tribunal Preussag Stahl/Commission, cité au point 167 ci-dessus, point 77, et du 29 septembre 2000, CETM/Commission, T-55/99, non encore publié au Recueil, point 121).

183.
    Le bénéficiaire d'une aide illégale est, certes, admis à invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance légitime dans le caractère régulier de cette aide, pour s'opposer à son remboursement (arrêt CETM/Commission, cité au point précédent, point 122).

184.
    Toutefois, force est de constater que, en l'espèce, la requérante ne se prévaut même pas de telles circonstances.

185.
    Elle ne soutient pas non plus que la Commission lui a fourni des assurances précises de nature à lui donner des espérances fondées quant à la régularité des aides concernées.

186.
    Elle ne saurait, dans ces conditions, reprocher à la Commission de ne pas avoir pondéré les impératifs des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, d'une part, et du principe de légalité, d'autre part (voir, en ce sens, arrêt Preussag Stahl/Commission, cité au point 167 ci-dessus, point 84).

187.
    La Commission est donc fondée à ordonner la récupération des éléments d'aide visés au point 179 ci-dessus.

188.
    En ce qui concerne, en troisième lieu, l'élément d'aide, visé à l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée, contenu dans les garanties de l'État de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM accordées à la requérante à la fin de l'année 1994 pour couvrir des crédits d'exploitation, il convient de rappeler que la Commission avait autorisé ces garanties, respectivement, dans ses lettres du 1er mars 1993 et du 13 janvier 1995 (voir ci-dessus points 140 à 166). Ce faisant, la Commission a, à l'époque, fourni des assurances précises ayant permis aux parties concernées, notamment la requérante, d'avoir des espérances fondées quant à la régularité de l'élément d'aide contenu dans ces garanties (arrêts Unifruit Hellas/Commission, cité au point 168 ci-dessus, point 51, et Preussag Stahl/Commission, cité au point 167 ci-dessus, point 78).

189.
    Dans ces conditions, le principe de protection de la confiance légitime s'oppose à ce que la Commission ordonne la récupération de cet élément d'aide dont, à la suite d'informations émanant de tiers (voir communication du 18 février 1998, p. 3), elle a réexaminé, plusieurs années après l'approbation des garanties concernées, la compatibilité avec le marché commun du charbon et de l'acier et constaté l'incompatibilité avec celui-ci.

190.
    À cet égard, l'argument de la Commission tiré de ce que les garanties de l'État litigieuses ont été accordées à la requérante avant qu'elle ait arrêté sa position à leur égard, doit être rejeté. En effet, s'agissant de la garantie de l'État de 7,2 millions de DEM accordée dans le cadre du dossier d'aide N 351/92 (voir ci-dessus point 160), il ressort des termes mêmes de l'article 1er, deuxième alinéa, de la décision attaquée que cette garantie a été octroyée à la requérante «à la fin de l'année 1994», soit postérieurement à la lettre du 1er mars 1993 portant approbation du dossier d'aide susvisé. En tout état de cause, cet argument ne saurait occulter le fait que, en approuvant les garanties de l'État concernées, respectivement, le 1er mars 1993 et le 13 janvier 1995, la Commission a donné à la requérante des assurances précises de nature à lui donner des espérances fondéesquant à la régularité de l'élément d'aide contenu dans ces garanties, qui interdisent à la Commission d'en ordonner le recouvrement à la suite de la constatation ultérieure de leur incompatibilité avec le marché commun.

191.
    Il s'ensuit que la Commission n'est pas fondée à exiger de la République fédérale d'Allemagne, à l'article 2 de la décision attaquée, qu'elle récupère l'élément d'aide contenu dans les garanties de l'État de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM accordées à la requérante à la fin de l'année 1994 pour couvrir des crédits d'exploitation.

192.
    Compte tenu de tout ce qui précède (ci-dessus points 176 à 191), l'article 2 de la décision attaquée doit être annulé, en ce qu'il y est ordonné à la République fédérale d'Allemagne de procéder à la récupération de la partie des aides à l'investissement accordées en 1995 à la requérante relative à des investissements dans son installation de dressage à froid du fil machine, ainsi que de l'élément d'aide contenu dans les garanties de l'État de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM accordées à la requérante à la fin de l'année 1994 pour couvrir des crédits d'exploitation. Le moyen examiné doit être rejeté pour le surplus.

Sur les dépens

193.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l'espèce, si, certes, la requérante a succombé en partie, elle a obtenu gain de cause pour une partie significative de ses conclusions.

194.
    Le Tribunal fera dès lors une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que la requérante supportera deux tiers de ses dépens et que la Commission supportera, outre ses propres dépens, un tiers des dépens de la requérante.

195.
    Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    L'article 1er, premier alinéa, de la décision 1999/580/CECA de la Commission, du 11 novembre 1998, relative aux aides accordées par l'Allemagne à ESF Elbe-Stahlwerke Feralpi GmbH, Riesa, Saxe, est annulé,dans la mesure où il y est déclaré incompatible avec la décision n° 2496/96/CECA de la Commission, du 18 décembre 1996, instituant des règles communautaires pour les aides à la sidérurgie, et le marché commun du charbon et de l'acier la partie des aides à l'investissement accordées à la requérante en 1995 relative à des investissements dans son installation de dressage à froid du fil machine.

2)    L'article 1er, deuxième alinéa, de la décision 1999/580 est annulé, dans la mesure où il y est indiqué que l'élément d'aide contenu dans les garanties octroyées à la fin de l'année 1994 à la requérante pour couvrir des crédits d'exploitation de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM n'avait pas été approuvé.

3)    L'article 2 de la décision 1999/580 est annulé, dans la mesure où il y est exigé que la République fédérale d'Allemagne procède à la récupération auprès de la requérante de la partie des aides à l'investissement accordées à la requérante en 1995 relative à des investissements dans son installation de dressage à froid du fil machine, ainsi que de l'élément d'aide contenu dans les garanties octroyées à la fin de l'année 1994 à la requérante pour couvrir des crédits d'exploitation de 7,2 millions de DEM et de 4,8 millions de DEM.

4)    Le recours est rejeté pour le surplus.

5)    La requérante supportera deux tiers de ses dépens.

6)    La Commission supportera, outre ses propres dépens, un tiers des dépens exposés par la requérante.

7)    Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Azizi

Mengozzi
Lenaerts

        Moura Ramos                    Jaeger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juin 2001.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Azizi


1: Langue de procédure: l'allemand.