Language of document : ECLI:EU:T:2021:863

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

8 décembre 2021 (*)

« Fonction publique – Personnel de la BCE – Demande de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie – Responsabilité non contractuelle – Préjudice matériel – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑500/16,

BZ, représentée par Me H. Tettenborn, avocat,

partie requérante,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes E. Carlini et F. Feyerbacher, en qualité d’agents, assistées de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et sur l’article 50 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et tendant, d’une part, à l’annulation des décisions de la BCE du 29 août 2011, du 20 décembre 2011 et du 25 avril 2012 ainsi que, d’autre part, à la réparation des préjudices matériels et moraux que la requérante aurait subis du fait des agissements de la BCE,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Agent, à partir du 1er septembre 1995, de l’Institut monétaire européen (IME), puis, à compter de 1998, de la Banque centrale européenne (BCE), la requérante, BZ, a été affectée en qualité d’experte à la division des infrastructures de marché de la direction générale « Paiements » de la BCE.

2        En 1998, la requérante est devenue membre du comité du personnel de la BCE et, à l’exception d’une courte période en 2006, l’est restée jusqu’au mois de juin 2008. Pour ses activités de représentation du personnel, la requérante a bénéficié de dispenses de service variant entre 20 % et 50 % de son temps de travail.

3        À partir du premier semestre 2006, la requérante a commencé à souffrir de problèmes de santé. De ce fait, elle a bénéficié d’un temps de travail adapté de mars à fin mai 2007.

4        Depuis le 18 janvier 2008, la requérante est en congé de maladie.

5        La requérante, a été mise en invalidité pour une période de trois mois en décembre 2008, prolongée en mars 2009, puis en mars 2010 à la suite de contrôles médicaux.

6        Le 2 octobre 2008, la requérante a introduit une demande visant à la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie.

7        Le 10 décembre 2008, la requérante a reçu une lettre de la BCE lui expliquant les étapes de la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle d’une maladie. En outre, la BCE a saisi l’occasion pour informer la requérante que l’expert médical choisi pour sa demande était A.

8        Le 16 février 2010, la requérante a demandé au médecin-conseil de la BCE de remplacer A, expert médical chargé de son dossier, par un autre expert, au motif que celui-ci n’était pas suffisamment neutre.

9        Par lettre du 31 mai 2010, la BCE a décidé de faire droit à la demande de la requérante de clôturer la première procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et d’ouvrir une deuxième procédure en désignant un nouvel expert médical, à savoir B.

10      Par lettre du 28 juin 2011, la requérante a demandé l’annulation de la deuxième procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et la communication de l’ensemble des données recueillies et conservées par la BCE sur son état de santé et sur les procédures médicales la concernant. À cet égard, la requérante se réfère en particulier à la version non anonyme des réponses au questionnaire établi par la BCE afin de déterminer l’environnement de travail de la requérante et les autres données qui avaient pu être recueillies jusque-là, comme les notes des entretiens organisés par la direction des ressources humaines, sous forme non anonyme, ainsi que toute donnée qui serait recueillie à l’avenir dans le cadre de la nouvelle procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante. Par ailleurs, la requérante a demandé la conduite d’une enquête prenant en compte l’ensemble des faits relatifs à ses conditions de travail, ces faits pouvant être utiles pour l’évaluation du médecin et l’établissement d’un rapport approprié. Elle a également introduit une demande de réparation des préjudices matériels et moraux qu’elle affirmait avoir subis en raison, d’une part, de plusieurs fautes commises par la BCE au cours des deux procédures visant à la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et de la procédure d’invalidité la concernant et, d’autre part, de la conduite de la BCE, responsable selon elle de la détérioration de son état de santé et de l’impossibilité pour elle de guérir.

11      Par lettre du 29 août 2011, la BCE a, d’une part, accueilli la demande de la requérante visant à la clôture de la deuxième procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et ouvert une troisième procédure et, d’autre part, rejeté les demandes indemnitaires de la requérante.

12      Le 27 octobre 2011, la requérante a introduit une demande de réexamen administratif relative au rejet de la demande de réparation des préjudices qu’elle affirmait avoir subis.

13      Le 20 décembre 2011, la BCE a rejeté cette demande.

14      Le 20 février 2012, la requérante a introduit une réclamation.

15      Le 25 avril 2012, la BCE a rejeté cette réclamation.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 5 juillet 2012, la requérante a introduit le présent recours, enregistré sous le numéro [confidentiel] (1).

17      Le 17 mai 2013, la requérante a demandé un second échange de mémoires.

18      Par décision du 29 mai 2013, le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a décidé de suspendre la procédure dans l’affaire [confidentiel], jusqu’au prononcé de la décision du Tribunal mettant fin à l’instance dans l’affaire [confidentiel].

19      Par arrêt [confidentiel], le Tribunal a annulé l’arrêt [confidentiel] et renvoyé le jugement de l’affaire au Tribunal de la fonction publique. Ladite affaire a été enregistrée sous le numéro [confidentiel].

20      Le 22 octobre 2015, la procédure a repris.

21      À la suite de l’arrêt [confidentiel], le président de la troisième chambre du Tribunal de la fonction publique a décidé, le 9 novembre 2015, de suspendre de nouveau la procédure jusqu’à ce que la décision mettant fin à l’instance dans l’affaire [confidentiel] soit passée en force de chose jugée.

22      En application de l’article 3 du règlement (UE, Euratom) 2016/1192 du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2016, relatif au transfert au Tribunal de la compétence pour statuer, en première instance, sur les litiges entre l’Union européenne et ses agents (JO 2016, L 200, p. 137), la présente affaire a été transférée au Tribunal dans l’état où elle se trouvait à la date du 31 août 2016. Elle a été enregistrée sous le numéro T‑500/16.

23      L’affaire [confidentiel], à la suite de son transfert au Tribunal, a été enregistrée sous le numéro [confidentiel].

24      Par arrêt [confidentiel], le Tribunal a annulé, d’une part, la décision de la BCE du 24 novembre 2009 clôturant l’enquête administrative interne ouverte à la suite de la plainte de la requérante et, d’autre part, la décision de la BCE du 24 mars 2010 rejetant le recours spécial de la requérante. Le Tribunal a également condamné la BCE à verser à la requérante la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts.

25      Le 7 août 2020, la procédure a repris dans la présente affaire.

26      Le 26 août 2020, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à prendre position sur les conséquences qu’elles tiraient, dans la présente affaire, de l’arrêt [confidentiel].

27      Le 15 septembre 2020, la requérante et la BCE ont répondu à la question du Tribunal.

28      Le 28 octobre 2020, le Tribunal a fait droit à la demande de la requérante de déposer une réplique, ce qu’elle a fait le 18 décembre 2020.

29      Le 3 mars 2021, la BCE a déposé la duplique.

30      Le 9 mars 2021, le Tribunal a demandé aux parties si elles souhaitaient la tenue d’une audience.

31      La BCE n’a pas répondu à la demande du Tribunal.

32      Par lettre du 12 avril 2021, la requérante a répondu qu’elle ne souhaitait pas être entendue. Cependant, elle a, d’une part, présenté ce qu’elle qualifie comme étant des offres de preuve et, d’autre part, excipé de l’illégalité de la « pratique administrative » de la BCE.

33      Le 19 avril 2021, le président de la première chambre du Tribunal a fixé un délai de deux semaines à la BCE pour déposer ses observations, d’une part, conformément à l’article 85, paragraphe 4, du règlement de procédure, sur ce que la requérante qualifie comme étant des offres de preuve et, d’autre part, conformément à l’article 84, paragraphe 3, du même règlement, sur l’exception d’illégalité soulevée par cette dernière.

34      Le 5 mai 2021, la BCE a déposé ses observations.

35      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 25 avril 2012 par laquelle la BCE a rejeté ses demandes du 28 juin 2011 ainsi que celles contenues dans les lettres du 27 octobre 2011 et du 20 février 2012 ;

–        par conséquent, faire droit auxdites demandes, notamment celles visant à la conduite d’une enquête adéquate et à l’établissement d’un rapport approprié ainsi qu’à l’énumération de l’ensemble des faits relatifs à ses conditions de travail, dans la mesure où ceux-ci pourraient être utiles pour l’évaluation du médecin ;

–        ordonner à la BCE de lui communiquer l’ensemble des données recueillies et conservées par la direction des ressources humaines sur son état de santé et sur les procédures médicales la concernant, notamment les données recueillies jusqu’à présent, y compris la version non anonyme des réponses au questionnaire, les autres données qui ont pu être recueillies jusqu’à ce jour, comme les notes des entretiens organisés par ladite direction, sous forme non anonyme, ainsi que toute donnée qui pourra être recueillie à l’avenir dans le cadre de la nouvelle procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie ;

–        condamner la BCE à lui verser la somme de 50 000 euros au titre du retard déraisonnable ayant affecté la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie ;

–        condamner la BCE à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais d’avocat exposés au cours des procédures illégales de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et de son invalidité ;

–        condamner la BCE à lui verser les sommes de 25 000 euros au titre de la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et de 25 000 euros au titre de la procédure d’invalidité, pour le préjudice moral résultant des agissements illicites de la BCE, de la charge supplémentaire inutile qu’elle a supportée au cours des procédures médicales, de ses efforts déployés au cours de la période en cause ainsi que de l’insécurité dans laquelle elle s’est trouvée ;

–        condamner la BCE à lui verser la somme de 25 000 euros pour l’atteinte portée à son honneur et à sa réputation et la tentative illégale de résilier son contrat d’engagement ;

–        condamner la BCE à lui verser la différence entre l’allocation d’invalidité qui lui a été versée et le plein salaire qu’elle aurait dû percevoir depuis janvier 2009 ;

–        condamner la BCE à lui verser la somme de 100 000 euros au titre de la perte de ses perspectives de carrière ;

–        condamner la BCE à lui verser l’équivalent de sept points de salaire par an (3,5 %) depuis 2009 pour compenser la perte d’augmentation de son salaire ;

–        condamner la BCE à lui rembourser l’intégralité des frais médicaux qu’elle a engagés depuis 2006 en relation avec sa maladie d’origine professionnelle ;

–        condamner la BCE à lui verser des intérêts moratoires à hauteur de 8 % du montant accordé ;

–        condamner la BCE aux dépens.

36      Par ailleurs, la requérante demande au Tribunal d’adopter une mesure d’organisation de la procédure afin que la BCE produise l’intégralité des documents relatifs aux procédures médicales la concernant qu’elle a refusé de lui fournir.

37      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le premierchef de conclusions

38      En réponse à la lettre de la requérante du 28 juin 2011, la BCE, par décision du 29 août 2011, a clos la deuxième procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante et a ouvert une troisième procédure. Par la même décision, la BCE a, en revanche, rejeté la demande de réparation des préjudices que la requérante affirmait avoir subis.

39      En réponse à la demande de révision administrative de la requérante du 27 octobre 2011, la BCE, par décision du 20 décembre 2011, a, de nouveau, rejeté la demande indemnitaire introduite par celle-ci.

40      En ce qui concerne la réclamation de la requérante du 20 février 2012, dans laquelle elle a réitéré sa demande indemnitaire, elle a été rejetée par décision de la BCE du 25 avril 2012.

41      Dès lors, il convient de comprendre le premier chef de conclusions de la requérante comme visant à l’annulation des décisions de la BCE du 29 août 2011, du 20 décembre 2011 et du 25 avril 2012, dans la mesure où ces décisions rejettent sa demande indemnitaire.

42      À cet égard, selon une jurisprudence constante en matière de fonction publique, la décision d’une institution portant rejet d’une demande en indemnité fait partie intégrante de la procédure administrative préalable qui précède un recours en responsabilité formé devant le Tribunal et, par conséquent, les conclusions en annulation ne peuvent être appréciées de manière autonome par rapport aux conclusions en responsabilité. En effet, l’acte contenant la prise de position de l’institution pendant la phase précontentieuse a uniquement pour effet de permettre à la partie qui aurait subi un préjudice de saisir le Tribunal d’une demande en indemnité (voir arrêt du 19 décembre 2019, Wehrheim/BCE, T‑100/18, non publié, EU:T:2019:882, point 25 et jurisprudence citée).

43      Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur les conclusions en annulation formées par la requérante dans son premier chef de conclusions, celles-ci n’ayant pas d’autre objet que celui d’obtenir réparation des préjudices matériels et moraux que la requérante estime avoir subis en raison des agissements de la BCE.

 Sur les préjudices matériels que la requérante affirme avoir subis

44      En premier lieu, la requérante fait valoir que le préjudice matériel subi se concrétise par une perte de salaire et, plus largement, par la perte d’autres revenus, liées au fait qu’elle se trouve toujours en invalidité.

45      À cet égard, la requérante estime que le montant total de ce préjudice comprend, premièrement, la différence entre l’allocation d’invalidité qui lui est versée et le plein salaire qu’elle aurait dû percevoir depuis 2009, deuxièmement, un montant de 100 000 euros pour la perte de ses perspectives de carrière, troisièmement, l’équivalent de sept points de salaire par an depuis 2009, quatrièmement, l’augmentation annuelle équivalant à ces sept points de salaire jusqu’à ce qu’elle reprenne son activité professionnelle ou, en cas de prolongement de son invalidité, jusqu’à ce qu’elle puisse bénéficier de sa retraite et, cinquièmement, le remboursement intégral des frais médicaux qu’elle a engagés en raison de sa maladie d’origine professionnelle.

46      En second lieu, la requérante affirme avoir également subi un préjudice matériel dû au fait qu’elle a été obligée de se faire assister par plusieurs avocats pour se défendre contre les mesures fautives de la BCE, préjudice qu’elle évalue à un montant de 5 000 euros.

47      La BCE conteste les arguments de la requérante.

–       Sur le préjudice matériel lié aux frais médicaux exposés ainsi qu’à la perte de salaire et d’autres revenus

48      Il y a lieu de relever que la demande indemnitaire de la requérante est fondée sur l’origine prétendument professionnelle de sa maladie et sur le fait qu’elle a été prétendument victime de harcèlement.

49      Cependant, d’une part, dans la mesure où l’arrêt du 30 juin 2021, BZ/BCE (T‑554/16, non publié, EU:T:2021:387), a annulé la décision de la BCE du 23 juillet 2014 qui a clos la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante, il appartient à la BCE de prendre toutes les mesures que comporte son exécution et, partant, le cas échéant, de statuer de nouveau sur la demande de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. D’autre part, dans la mesure où l’arrêt [confidentiel] a annulé la décision de la BCE du 24 novembre 2009 clôturant l’enquête administrative interne ouverte à la suite de la plainte de la requérante pour discrimination et atteinte à sa dignité, constitutives d’un prétendu harcèlement moral, il appartient à la BCE de prendre toutes les mesures que comporte son exécution et, partant, le cas échéant, de statuer de nouveau sur la plainte de la requérante aux fins de déterminer si les comportements qui y sont dénoncés sont constitutifs d’un harcèlement moral ou d’une discrimination à son égard.

50      Ainsi, le Tribunal ne pouvant préjuger des mesures prises en exécution de ces deux arrêts et ne pouvant donc préjuger de l’issue de la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante et des conclusions de l’enquête administrative interne, au regard desquelles cette dernière pourra, le cas échéant, présenter de nouvelles demandes indemnitaires, il y a lieu de rejeter les conclusions indemnitaires tendant à la réparation du préjudice matériel lié aux frais médicaux exposés ainsi qu’à la perte de salaire et d’autres revenus comme étant prématurées (voir, en ce sens, ordonnance du 3 mai 2017, De Nicola/BEI, T‑71/16 P, non publiée, EU:T:2017:307, point 24).

–       Sur le préjudice matériel lié aux frais d’avocat supportés par la requérante

51      S’agissant du préjudice matériel que la requérante prétend avoir subi du fait d’avoir été obligée de se faire assister par plusieurs avocats pour se défendre contre les mesures fautives de la BCE, il convient de rappeler qu’une demande visant à la réparation des dommages causés par une institution doit contenir des éléments qui permettent d’identifier, notamment, le préjudice que la partie requérante prétend avoir subi et, plus précisément, le caractère et l’étendue de ce préjudice (arrêt du 30 juin 2021, BZ/BCE, T‑554/16, non publié, EU:T:2021:387, point 93). Dans ce contexte, il suffit de constater que la requérante se borne à évaluer son préjudice matériel à un montant de 5 000 euros, sans apporter aucun élément de preuve au soutien de cette évaluation.

52      Partant, ce volet de la demande de réparation du préjudice matériel que la requérante prétend avoir subi doit être également rejeté.

 Sur les préjudices moraux que la requérante affirme avoir subis

53      En premier lieu, la requérante fait valoir que le retard déraisonnable ayant affecté la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie, celle-ci n’ayant toujours pas abouti après près de trois ans, lui a causé un préjudice moral qu’elle chiffre, à titre provisoire, à 50 000 euros.

54      En deuxième lieu, la requérante demande, en réparation des préjudices moraux résultant des agissements illicites de la BCE, de la charge supplémentaire inutile qu’elle a supportée au cours des procédures médicales, des efforts qu’elle a déployés au cours de la période en cause ainsi que de l’insécurité dans laquelle elle s’est trouvée, une indemnisation qu’elle chiffre, à titre provisoire, à 50 000 euros, à savoir 25 000 euros au titre de la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et 25 000 euros au titre de la procédure d’invalidité.

55      Premièrement, s’agissant des deux procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie, tout d’abord, la requérante soutient que le rapport d’enquête du 11 novembre 2009, adopté dans le cadre de la procédure relative au harcèlement dont elle affirme avoir été victime et utilisé dans le cadre desdites procédures, est irrégulier et non objectif, comme cela a par ailleurs été reconnu par le Tribunal dans l’arrêt [confidentiel]. Ensuite, dans la décision du 20 décembre 2011, la BCE, en s’appuyant sur ce rapport, aurait méconnu la portée de l’arrêt [confidentiel], dans la mesure où les constations effectuées dans cet arrêt font état, selon la requérante, du fait que le volume de travail qui lui avait été confié faisait partie des conditions de travail étant à l’origine de sa maladie. Enfin, la requérante affirme, alors qu’il ressort d’une lettre reproduite à l’annexe A.25 de la requête qu’elle avait demandé à plusieurs reprises à la BCE d’adresser les communications la concernant uniquement à son avocat, que le rapport d’enquête du 11 novembre 2009 lui a été adressé directement, ce qui lui a causé un état de stress et d’anxiété.

56      Deuxièmement, s’agissant de la procédure d’invalidité la concernant, la requérante reproche à la BCE un défaut de neutralité et un abus de pouvoir. Selon elle, la BCE est intervenue auprès de son médecin-conseil pour qu’il modifie le certificat médical du 14 avril 2009 en supprimant la recommandation de changement de poste la concernant ainsi que la durée de sa période d’invalidité.

57      En outre, d’une part, la requérante affirme que l’attitude de la BCE dans le cadre de la procédure d’invalidité la concernant a également eu des conséquences sur les deux procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie et, d’autre part, elle précise que le préjudice moral qu’elle a subi est également dû à l’incertitude dans laquelle l’a placée ladite attitude de la BCE et l’inobservation par cette dernière des recommandations médicales la concernant.

58      Troisièmement, la requérante soutient que la BCE est responsable de la détérioration de son état de santé.

59      Quatrièmement, la requérante fait valoir que la conduite de la BCE lui a fait supporter une charge supplémentaire inutile pendant sa maladie et lui a demandé des efforts au cours de cette période.

60      En troisième lieu, la requérante soutient que l’atteinte portée à son honneur et à sa réputation et la tentative de la BCE de résilier son contrat d’engagement lui ont causé un préjudice moral qu’elle chiffre à 25 000 euros.

61      En ce qui concerne l’atteinte portée à son honneur et à sa réputation, la requérante soutient que, malgré son souhait d’obtenir le rétablissement de sa réputation, ses démarches sont restées sans réponse de la part de la BCE. Au soutien de son allégation, la requérante évoque les recommandations de ses médecins traitants et du médecin de la BCE, reproduites aux annexes A.28, A.29 et A.33 de la requête.

62      En ce qui concerne la tentative de la BCE de résilier son contrat d’engagement, la requérante, d’une part, se réfère à une réunion qui s’est tenue le 2 décembre 2009 au siège du Tribunal de la fonction publique et qui avait pour objet une tentative de règlement amiable dans le cadre des affaires enregistrées sous les numéros [confidentiel], dans lesquelles elle était également requérante, et, d’autre part, produit deux documents, à savoir les observations versées au procès-verbal de cette réunion, en annexe A.26 de la requête, et une lettre du Tribunal de la fonction publique, en annexe A.27 de la requête.

63      La BCE conteste les arguments de la requérante.

–       Sur le préjudice moral lié au retard déraisonnable ayant affecté les première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante

64      Il y a lieu de relever que, d’une part, la première procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante a été ouverte le 8 octobre 2008 et a été clôturée le 31 mai 2010 et, d’autre part, la deuxième procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de cette dernière a été ouverte le 31 mai 2010 et a été clôturée le 29 août 2011. Elles ont ainsi duré, respectivement, un peu plus de 19 mois et environ 15 mois.

65      Or, dans l’arrêt du 30 juin 2021, BZ/BCE (T‑554/16, non publié, EU:T:2021:387, point 95), le Tribunal a jugé, concernant la durée de la troisième procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante, que la période comprise entre le 1er octobre 2012 et le 23 juillet 2014, soit un peu plus de 21 mois, n’était pas une durée excessive de nature à engendrer pour cette dernière un préjudice moral. Par conséquent, il y a lieu de constater que, en l’espèce, les durées des première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante sont inférieures à 21 mois et ne peuvent ainsi être considérées comme excessives et de nature à engendrer pour elle un préjudice moral.

66      Par ailleurs, même en admettant que la durée cumulée de 34 mois de ces deux procédures soit prise en compte, cette durée ne pourrait pas non plus être considérée, en tenant compte des circonstances de l’espèce, comme étant déraisonnable. En effet, il y a lieu, d’une part, de rappeler que les première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante ont été clôturées à la demande de cette dernière et, d’autre part, de constater que leur durée peut être justifiée, comme cela ressort du dossier, par l’existence d’autres procédures également en cours à l’époque et ayant un certain degré d’interaction avec celles-ci, notamment la procédure d’invalidité et l’enquête administrative interne ouverte à la suite de la plainte de la requérante relative à un prétendu harcèlement.

–       Sur les préjudices moraux liés aux première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante et à la procédure d’invalidité la concernant, dus aux agissements illicites de la BCE, à la charge supplémentaire inutile que la requérante a supportée pendant sa maladie, aux efforts qu’elle a déployés au cours de la période en cause ainsi qu’à l’insécurité dans laquelle elle s’est trouvée

67      En premier lieu, la requérante reproche à la BCE d’être responsable d’irrégularités commises au cours des première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie, qui lui ont causé un préjudice moral et qui, en substance, découlent de l’utilisation par la BCE du rapport d’enquête du 11 novembre 2009 pour les besoins desdites procédures.

68      À cet égard, il suffit de constater que, même s’il était admis que le rapport d’enquête du 11 novembre 2009 avait entrainé l’irrégularité des première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante ainsi que l’irrégularité de la décision de la BCE du 20 décembre 2011, il y a lieu de considérer que ces irrégularités auraient été suffisamment réparées par l’arrêt [confidentiel], qui a reconnu le caractère lacunaire et manifestement erroné dudit rapport.

69      Il en va de même pour l’argument de la requérante selon lequel la BCE lui a causé un préjudice en lui adressant directement le rapport d’enquête du 11 novembre 2009 alors qu’elle avait demandé « à plusieurs reprises », comme cela ressort, selon elle, de la lettre reproduite à l’annexe A.25 de la requête, que toute communication soit adressée à son avocat. Par ladite lettre, le représentant de la requérante demande effectivement à la BCE de lui adresser directement les communications la concernant. Toutefois, ni cette lettre ni aucun autre élément du dossier ne permet de constater la réitération de cette demande, de sorte qu’il y a lieu de considérer que le lien entre la communication directe du rapport d’enquête à la requérante et le préjudice qu’elle prétend avoir subi n’est pas établi. Par conséquent, même si la BCE a transmis directement le rapport d’enquête du 11 novembre 2009 à la requérante, une telle circonstance ne peut pas être considérée comme susceptible d’engager sa responsabilité.

70      En deuxième lieu, s’agissant de la procédure d’invalidité de la requérante, il convient de relever que la BCE reconnaît que le médecin-conseil a délivré un certificat médical qui contenait une recommandation visant à ce que celle-ci soit employée dans un autre service. Toutefois, la BCE a considéré que ce certificat médical n’était pas valable, au motif que le médecin avait outrepassé le mandat et les compétences qui lui étaient attribués, dans la mesure où il était chargé de procéder à une évaluation sur un plan strictement médical et non sur un plan opérationnel. Par conséquent, à la suite d’un échange entre la BCE et le médecin-conseil, ce dernier a établi, le même jour, soit le 14 avril 2009, un nouveau certificat médical se limitant à confirmer l’invalidité de la requérante. La BCE précise que, à la suite des accusations, formulées par la requérante, selon lesquelles cette modification constituait une falsification du certificat médical, le premier certificat médical a été réinséré dans son dossier individuel et le second a été détruit.

71      Eu égard au fait que la requérante elle-même reconnaît, dans la requête, que la BCE a effectivement remplacé le second certificat par le premier, il y a lieu de considérer qu’aucun préjudice moral ne doit lui être reconnu, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si l’intervention de la BCE auprès du médecin-conseil était illégale.

72      Il en va de même pour le préjudice moral que la requérante prétend avoir subi du fait, d’une part, de l’attitude de la BCE et, d’autre part, de l’incertitude dans laquelle elle s’est trouvée. En effet, le dossier médical ayant été corrigé par la substitution de certificats médicaux, la requérante ne peut ni prétendre s’être trouvée dans une situation d’incertitude quant au contenu des observations médicales présentées dans le cadre de la procédure d’invalidité, ni faire valoir que l’attitude de la BCE, dans le cadre de ladite procédure, a eu des conséquences sur les deux procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie lui ayant causé un préjudice.

73      En troisième lieu, s’agissant de la détérioration de la santé de la requérante, il suffit de constater qu’il y a lieu, pour qu’il puisse être conclu que la BCE est responsable de cette dégradation, de déterminer préalablement, d’une part, le bien-fondé de sa plainte relative au harcèlement moral qu’elle affirme avoir subi et, d’autre part, l’origine professionnelle de sa maladie. Dès lors, et pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 50 ci-dessus, il convient de rejeter cette demande comme étant prématurée.

74      En quatrième lieu, s’agissant de la charge supplémentaire inutile que la requérante prétend avoir supportée pendant sa maladie et des efforts qu’elle aurait déployés au cours de cette période, il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, une requête visant à la réparation des dommages prétendument causés par une institution de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que la partie requérante reproche à l’institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir arrêt du 25 juin 2020, ZS/BEI, T‑659/18, non publié, EU:T:2020:281, point 94 et jurisprudence citée).

75      Or, la requérante, dans ses conclusions, se réfère uniquement à la charge supplémentaire inutile qu’elle a supportée pendant sa maladie et aux efforts qu’elle a déployés au cours de cette période, sans exposer les raisons pour lesquelles elle estime qu’il existe un lien de causalité entre un comportement de la BCE, au demeurant non clairement identifiable, et le préjudice qu’elle prétend avoir subi. Partant, cette demande ne peut pas non plus être accueillie.

–       Sur le préjudice moral lié à une atteinte portée à l’honneur et à la réputation de la requérante et à la tentative de la BCE de résilier son contrat

76      En ce qui concerne le préjudice moral qu’elle affirme avoir subi en raison d’une atteinte portée à son honneur et à sa réputation, la requérante fournit, au soutien de ses allégations, les recommandations de ses médecins traitants et du médecin de la BCE, reproduites aux annexes A.28, A.29 et A.33 de la requête.

77      Tout d’abord, il convient de constater que, dans les documents fournis à l’annexe A.28 de la requête, l’un des médecins traitants de la requérante fait référence à la circonstance que la BCE aurait tenu des propos négatifs au sujet de cette dernière en ce qui concerne des absences fréquentes, des retards dans l’accomplissement de son travail et le fait qu’elle était une collègue difficile. Un autre médecin relève que la réputation de la requérante aurait été mise en cause dans le rapport d’enquête du 11 novembre 2009, adopté dans le cadre de la procédure relative au harcèlement dont elle affirmait avoir été victime. Ensuite, dans le document reproduit à l’annexe A.33 de la requête, le même médecin observe, de nouveau, que ledit rapport aurait nuit à la réputation de la requérante. Enfin, dans le document reproduit à l’annexe A.29 de la requête, le médecin de la BCE ne fait en revanche aucune référence à une atteinte portée à la réputation de la requérante. En effet, il se borne à constater qu’il n’était pas opportun d’organiser un entretien concernant les conflits sur le lieu de travail de la requérante, un tel entretien étant susceptible d’entrainer la détérioration de son état de santé.

78      À cet égard, il convient de rappeler que, aux points 343 à 345 et 441 de l’arrêt [confidentiel], sur lequel les parties ont pu prendre position (voir point 27 ci-dessus), le Tribunal a jugé que le caractère diffamatoire des propos tenus au sujet de la requérante, notamment les affirmations contenues dans le rapport d’enquête du 11 novembre 2009 sur sa prétendue mauvaise réputation liée à ses absences fréquentes, à ses retards dans l’accomplissement de son travail et au fait qu’elle serait une collègue difficile, n’était pas établi. Par conséquent, le Tribunal a rejeté la demande de la requérante relative à un préjudice moral découlant de ces propos.

79      Or, selon une jurisprudence constante, l’autorité de la chose jugée s’attachant à un arrêt est susceptible de faire obstacle à la recevabilité d’un recours si celui ayant donné lieu à l’arrêt en cause a opposé les mêmes parties, a porté sur le même objet et a été fondé sur la même cause, étant précisé que ces conditions ont nécessairement un caractère cumulatif (voir arrêt du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, EU:T:2010:255, point 197 et jurisprudence citée).

80      En particulier, s’agissant des conclusions en indemnité, l’autorité de la chose jugée qui s’attache à un arrêt ayant rejeté de telles conclusions, au motif que ni la réalité et l’étendue des préjudices allégués ni l’existence d’un lien de causalité entre eux et les illégalités de fond invoquées au soutien de cette demande n’ont été établies à suffisance de droit, s’oppose à ce que la partie requérante puisse demander de nouveau la réparation d’un préjudice correspondant à celui dont la demande de réparation au même titre a déjà été rejetée (voir, en ce sens, arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, points 21 à 25 et jurisprudence citée).

81      En l’espèce, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la condition relative à l’identité des parties en cause est remplie. Ensuite, la condition relative à l’identité d’objet est également remplie, dans la mesure où, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt [confidentiel], la requérante demandait, comme elle le fait, en substance, dans la présente affaire, la réparation du préjudice lié à l’atteinte portée à sa réputation en raison du caractère diffamatoire des affirmations contenues dans le rapport d’enquête du 11 novembre 2009. Enfin, la condition relative à l’identité de cause est elle aussi satisfaite, dans la mesure où, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt [confidentiel], la requérante fondait également sa demande sur la responsabilité non contractuelle de la BCE en faisant valoir que les affirmations contenues dans le rapport d’enquête du 11 novembre 2009 concernant sa prétendue mauvaise réputation étaient liées à ses absences fréquentes, à ses retards dans l’accomplissement de son travail et au fait qu’elle serait une collègue difficile.

82      Ainsi, étant donné l’autorité de la chose jugée qui se rattache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de l’arrêt [confidentiel], il y a lieu de rejeter la demande de réparation du préjudice moral que la requérante affirme avoir subi en raison d’une atteinte portée à son honneur et à sa réputation.

83      Au soutien de son argument tiré de la tentative de la BCE de résilier son contrat d’engagement, la requérante se réfère à une réunion qui s’est tenue le 2 décembre 2009 au siège du Tribunal de la fonction publique et qui avait pour objet une tentative de règlement amiable dans le cadre des affaires [confidentiel], dans lesquelles elle était également requérante. À cet égard, la requérante produit deux documents, à savoir les observations versées au procès-verbal de cette réunion, en annexe A.26 de la requête, et une lettre envoyée par le Tribunal de la fonction publique, en annexe A.27 de la requête.

84      Or, il convient de relever que tant l’article 70 du règlement de procédure du Tribunal de la fonction publique, alors applicable, que l’article 125 quinquies du règlement de procédure prévoient, en substance, que les avis exprimés, les suggestions formulées, les propositions présentées, les concessions faites ou les documents établis aux fins du règlement amiable ne peuvent pas être utilisés par le juge ou par les parties dans le cadre de la procédure juridictionnelle. Ainsi, à l’instar de la BCE, il y a lieu de constater que la requérante ne peut pas utiliser, dans le cadre du présent recours, la possible résiliation de son contrat, évoquée dans le cadre de la tentative de règlement amiable, pour fonder sa demande de réparation.

85      À la lumière de ces considérations, il y a lieu de rejeter la demande de la requérante de réparation du préjudice moral qu’elle prétend avoir subi.

 Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions, contenant une demande d’injonction à l’égard de la BCE, d’une part, d’effectuer une enquête adéquate et d’établir un rapport approprié et, d’autre part, de communiquer à la requérante l’ensemble des données recueillies et conservées par la direction des ressources humaines sur son état de santé et sur les procédures médicales la concernant

86      Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’enjoindre à la BCE, d’une part, d’effectuer une enquête adéquate et d’établir un rapport approprié et, d’autre part, de lui communiquer l’ensemble des données recueillies et conservées par la direction des ressources humaines sur son état de santé et sur les procédures médicales la concernant.

87      Force est de constater que, par ces chefs de conclusions, la requérante demande, en substance, au Tribunal d’adresser des injonctions à la BCE. Or, selon une jurisprudence bien établie, le juge de l’Union ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l’autorité administrative, adresser des injonctions à une institution de l’Union. Le Tribunal n’est pas seulement incompétent, dans le cadre d’un recours en annulation, pour connaître des conclusions visant à ordonner à l’institution défenderesse de prendre les mesures qu’implique l’exécution d’un arrêt d’annulation, mais il l’est également, en principe, dans le cadre d’un recours de pleine juridiction, tel qu’un recours en indemnité dans le cadre duquel une partie requérante demande la condamnation de l’institution défenderesse à prendre des mesures déterminées en vue de réparer le préjudice allégué (voir, en ce sens, arrêt du 15 janvier 2019, HJ/EMA, T‑881/16, non publié, EU:T:2019:5, point 26 et jurisprudence citée).

88      Par conséquent, la demande de la requérante visant à enjoindre à la BCE, d’une part, d’effectuer une enquête adéquate et d’établir un rapport approprié et, d’autre part, de lui communiquer l’ensemble des données recueillies et conservées par la direction des ressources humaines sur son état de santé et sur les procédures médicales la concernant doit être rejetée pour cause d’incompétence.

 Sur les offres de preuve et sur l’exception d’illégalité contenues dans la lettre de la requérante du 12 avril 2021

89      À titre liminaire, il convient de relever que, dans sa lettre du 12 avril 2021, la requérante, d’une part, présente ce qu’elle qualifie comme étant des offres de preuve et, d’autre part, soulève une exception d’illégalité à l’encontre de la pratique administrative de la BCE.

90      En ce qui concerne ce qu’elle qualifie comme étant des offres de preuve, la requérante, en premier lieu, demande au Tribunal que la BCE produise la version confidentielle d’une note établie par son service juridique le 18 novembre 2010, intitulée « Résultat et implications des arrêts [confidentiel] », dont elle fournit la version non confidentielle en annexe A.31 de la requête et, en second lieu, fait valoir des erreurs commises dans l’exécution de l’arrêt [confidentiel] ayant des conséquences dans la présente affaire.

91      Premièrement, s’agissant de la demande de production de la version confidentielle de la note établie par le service juridique de la BCE, il y a lieu de constater qu’il s’agit, en réalité, d’une demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure.

92      Or, d’une part, il convient de relever que ladite note est citée par la requérante à l’appui de son argument selon lequel la méconnaissance, par la BCE, dans le rapport d’enquête du 11 novembre 2009, de la portée de l’arrêt [confidentiel] aurait eu un impact sur la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie. À cet égard, il suffit de constater qu’il a été jugé, au point 68 ci-dessus, que, même s’il était admis que des irrégularités susceptibles d’avoir eu un impact sur les première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante ainsi que sur la décision de la BCE du 20 décembre 2011 et liées au rapport d’enquête du 11 novembre 2009 étaient établies, il y a lieu de considérer qu’elles auraient été suffisamment réparées par l’arrêt [confidentiel], qui a reconnu le caractère lacunaire et manifestement erroné dudit rapport.

93      D’autre part, la requérante demande l’adoption d’une telle mesure d’organisation de la procédure afin de démontrer que la BCE envisageait la possibilité de résilier son contrat. Cependant, il suffit de constater que cet argument a été jugé irrecevable au point 84 ci-dessus.

94      Ainsi, la demande d’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure visant à la production de la version confidentielle de la note fournie en annexe A.31 de la requête doit être rejetée.

95      Deuxièmement, s’agissant des prétendues erreurs commises par la BCE dans l’exécution de l’arrêt [confidentiel], il suffit de constater que ce ne sont pas des offres de preuve, mais des critiques présentées par la requérante en réponse à la duplique. Or, aucun texte ne prévoit qu’un requérant puisse soumettre, par écrit et de sa propre initiative, de nouveaux arguments en réponse à la duplique. Par ailleurs, à supposer que ces critiques puissent être regardées comme des moyens nouveaux, ces moyens seraient tardifs et devraient être rejetés comme irrecevables en application de l’article 84 du règlement de procédure.

96      En ce qui concerne l’exception d’illégalité soulevée par la requérante, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa recevabilité, il suffit de constater qu’elle n’aurait pas d’incidence dans le présent recours indemnitaire. En effet, elle vise une prétendue illégalité de la pratique administrative de la BCE ayant régi les première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante s’agissant, notamment, des modalités d’adoption du rapport d’enquête du 11 novembre 2009. À cet égard, il a été constaté, au point 68 ci-dessus, que, même s’il était admis que ledit rapport avait entrainé, notamment, l’irrégularité des première et deuxième procédures de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante, cette irrégularité aurait été suffisamment réparée par l’arrêt [confidentiel], qui a reconnu le caractère lacunaire et manifestement erroné de ce rapport.

97      À la lumière de ces considérations, il convient de rejeter le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer ni sur l’irrecevabilité de certains moyens soulevée par la BCE ni sur la demande de la requérante, évoquée au point 36 ci-dessus, d’adopter une mesure d’organisation de la procédure visant à la production de l’intégralité des documents qui lui ont été refusés. En effet, à ce dernier égard, la requérante se borne à demander l’adoption de ladite mesure sans expliquer en quoi ces documents pourraient avoir une influence sur l’examen de son recours et, en tout état de cause, compte tenu des moyens qu’elle soulève au soutien de ses demandes indemnitaires, il y a lieu de considérer que lesdits documents ne sont pas susceptibles d’avoir une incidence sur l’appréciation du Tribunal.

 Sur les dépens

98      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombée, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      BZ est condamnée aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.