Language of document : ECLI:EU:T:2023:530

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 septembre 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine – Gel de fonds – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes concernés – Notion “d’homme d’affaires influent” – Obligation de motivation – Erreur d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑305/22,

Viktor Filippovich Rashnikov, demeurant à Magnitogorsk (Russie), représenté par Mes D. Rovetta, M. Campa, M. Moretto, V. Villante, M. Pirovano et A. Ronco, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. J. Rurarz et Mme P. Mahnič, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, I. Gâlea et T. Tóth (rapporteur), juges,

greffier : M. G. Mitrev, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 12 juin 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Viktor Filippovich Rashnikov, demande l’annulation, premièrement, de la décision (PESC) 2022/429 du Conseil, du 15 mars 2022, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 44), et du règlement d’exécution (UE) 2022/427 du Conseil du 15 mars 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 87 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux »), deuxièmement, de la décision (PESC) 2022/1530, du Conseil du 14 septembre 2022 modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 149), et du règlement d’exécution (UE) 2022/1529 du Conseil, du 14 septembre 2022, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2022, L 239, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « premiers actes de maintien »), et, troisièmement, de la décision (PESC) 2023/572 du Conseil, du 13 mars 2023, modifiant la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 134), et du règlement d’exécution (UE) 2023/571 du Conseil, du 13 mars 2023, mettant en œuvre le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2023, L 75 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « seconds actes de maintien » et pris ensemble avec les actes initiaux et les premiers actes de maintien les « actes attaqués »), en tant que ces actes inscrivent et maintiennent son nom sur les listes annexées auxdits actes.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est un homme d’affaires de nationalité russe.

3        Le 17 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2014/145/PESC concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 16).

4        À la même date, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (JO 2014, L 78, p. 6).

5        Le 23 février 2022, le Conseil a adopté une première série de mesures restrictives interdisant notamment le financement de la Fédération de Russie, de son gouvernement et de sa banque centrale.

6        Le 24 février 2022, le président de la Fédération de Russie a annoncé une opération militaire en Ukraine et, le même jour, les forces armées russes ont attaqué l’Ukraine à plusieurs endroits du pays.

7        Le 25 février 2022, le Conseil a adopté une deuxième série de mesures restrictives applicables notamment dans le domaine de la finance, de la défense, de l’énergie, dans le secteur de l’aviation et de l’industrie spatiale.

8        À la même date, au vu de la gravité de la situation en Ukraine, le Conseil a adopté, d’une part, la décision (PESC) 2022/329 modifiant la décision 2014/145/PESC (JO 2022, L 50, p. 1), et, d’autre part, le règlement (UE) 2022/330 modifiant le règlement (UE) no 269/2014 (JO 2022, L 51, p. 1), afin notamment d’amender les critères en application desquels des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes pouvaient être visés par les mesures restrictives en cause. Selon le considérant 11 de la décision 2022/329, le Conseil a estimé qu’il convenait de modifier les critères de désignation de façon à inclure les personnes et entités qui apportaient un soutien au gouvernement de la Fédération de Russie ou qui tiraient avantage de ce gouvernement ainsi que les personnes et entités qui lui fournissaient une source substantielle de revenus et les personnes physiques ou morales associées aux personnes et entités figurant sur la liste.

9        L’article 2, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/145, dans sa version modifiée par la décision 2022/329 (ci-après la « décision 2014/145 modifiée »), se lit comme suit :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant :

[…]

g)      à des femmes et hommes d’affaires influents ou des personnes morales, des entités ou des organismes ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine,

[…]

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

10      Les modalités de ce gel de fonds sont définies aux paragraphes suivants du même article.

11      L’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145 modifiée proscrit l’entrée ou le passage en transit sur le territoire des États membres des personnes physiques répondant à des critères en substance identiques à ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de cette même décision.

12      Le règlement no 269/2014, dans sa version modifiée par le règlement 2022/330 (ci-après le « règlement no 269/2014 modifié »), impose l’adoption des mesures de gel de fonds et définit les modalités de ce gel en des termes identiques, en substance, à ceux de la décision 2014/145 modifiée. En effet, l’article 3, paragraphe 1, sous a) à g), de ce règlement reprend pour l’essentiel le contenu de l’article 2, paragraphe 1, sous a) à g), de ladite décision.

13      Dans ce contexte, le 15 mars 2022, le Conseil a adopté les actes initiaux, sur le fondement de l’article 29 TUE et de l’article 215 TFUE.

14      Par ces deux actes, le nom du requérant, M. Viktor Filippovich Rashnikov, a été ajouté, respectivement, sur la liste annexée à la décision 2014/145 modifiée et sur celle figurant à l’annexe I du règlement no 269/2014 modifié (ci-après les « listes en cause »), aux motifs suivants :

« [Le requérant] est un oligarque russe influent qui est propriétaire et président du conseil d’administration de l’entreprise Magnitogorsk Iron & Steel Works (MMK). MMK est l’un des plus grands contribuables de la Russie. La charge fiscale pesant sur l’entreprise a récemment augmenté, ce qui a entraîné une augmentation considérable des recettes pour le budget de l’État russe.

Il est donc un homme d’affaires russe influent intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine ».

15      Le Conseil a publié au Journal officiel de l’Union européenne du 16 mars 2022 (JO 2022, C I 121, p. 1), un avis à l’attention des mesures restrictives prévues par les actes initiaux. Cet avis indiquait, notamment, que les personnes concernées pouvaient adresser au Conseil une demande de réexamen de la décision par laquelle leurs noms avaient été inscrits sur les listes annexées auxdits actes, en y joignant des pièces justificatives.

16      Par courriel du 13 avril 2022, le requérant a contesté le bien-fondé de l’inscription de son nom sur les listes en cause et a demandé au Conseil de lui donner accès aux documents ayant servi de fondement à l’adoption des mesures restrictives le concernant.

17      Par lettre du 28 avril 2022, le Conseil a répondu à la demande du requérant visée au point 16 ci-dessus et a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 3631/2022, daté du 12 mars 2022 (ci-après le « premier dossier WK »).

18      Le 31 mai 2022, le requérant a introduit une demande de réexamen auprès du Conseil.

19      Le 14 septembre 2022, le Conseil a adopté les premiers actes de maintien qui ont prolongé les mesures prises à l’encontre du requérant jusqu’au 15 mars 2023, sans apporter de modification aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

20      Par lettre du 15 septembre 2022, le Conseil a répondu à la demande de réexamen du 31 mai 2022 du requérant, en la rejetant et en lui notifiant sa décision de son nom maintenir sur les listes en cause.

21      Par lettre du 16 septembre 2022, le requérant a demandé au Conseil la communication du dossier ayant servi de fondement à l’adoption des premiers actes de maintien. Par lettre du 27 octobre 2022, le Conseil lui a répondu qu’il ne disposait pas de nouveaux éléments de preuve par rapport à ceux contenus dans le premier dossier WK.

22      Par lettre du 31 octobre 2022, le requérant a demandé le réexamen des premiers actes de maintien.

23      Par lettre du 22 décembre 2022, le Conseil a informé le requérant de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard et a transmis les informations figurant dans le dossier portant la référence WK 1760/2022, daté du 14 décembre 2022 (ci-après le « second dossier WK »).

24      Le 20 janvier 2023, le requérant a présenté ses observations sur ladite lettre.

25      Par lettre du 14 mars 2023, le Conseil a transmis au requérant ses observations et lui a indiqué que, le 13 mars 2023, le Conseil a adopté les seconds actes de maintien qui ont prolongé les mesures prises à son égard jusqu’au 15 septembre 2023, sans apporter de modification aux motifs d’inscription de son nom sur les listes en cause par rapport à ceux figurant dans les premiers actes de maintien.

 Conclusions des parties

26      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

27      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

28      À l’appui du recours, le requérant soulève cinq moyens, tirés, en substance, le premier, d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation et du non-respect de la charge de la preuve, le troisième, d’une violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux et, le quatrième, d’une violation du principe de non-discrimination. Par ailleurs, dans les deux mémoires en adaptation, il soulève à l’encontre des premiers et des seconds actes de maintien un cinquième moyen tiré de la violation du droit d’être entendu et de l’obligation du Conseil de revoir sa décision.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du droit à une protection juridictionnelle effective et de lobligation de motivation

29      Le requérant soutient, en substance, que la motivation retenue dans les actes attaqués ne lui permettrait pas de se défendre et de comprendre les critères que le Conseil entend appliquer, ni même comment et pourquoi ces critères lui seraient applicables. La motivation serait soit quasi absente ou contradictoire, soit non conforme aux exigences de précision, et, en tout état de cause, incomplète. Par ailleurs, la motivation des actes attaqués et les pièces contenues dans les deux dossiers WK ne lui permettraient pas non plus de connaître les raisons individuelles, spécifiques et concrètes de nature à lui donner une indication suffisante pour savoir si les actes attaqués sont bien fondés.

30      Premièrement, le requérant soutient que le Conseil n’a pas expliqué ce qu’il faut entendre par « revenus substantiels », il n’a pas identifié le secteur économique qui fournirait des revenus substantiels au gouvernement de la Fédération de Russie et n’a pas apporté la preuve que de tels revenus sont fournis. Deuxièmement, le requérant fait valoir que le Conseil s’est fondé exclusivement sur des éléments de preuve concernant Magnitogorsk Iron & Steel Works (MMK), et non sur le secteur économique dans lequel elle exerce son activité. Or, il fait valoir que selon le « libellé littéral du motif de droit invoqué à l’appui de la désignation du requérant, c’est le secteur économique, et non une entreprise en particulier, qui devrait constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie ». Il ajoute que, en tout état de cause, les éléments de preuve sont peu fiables, contradictoires et non crédibles.

31      Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

32      Selon une jurisprudence constante, le droit à une protection juridictionnelle effective, affirmé à l’article 47, paragraphe 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), exige que l’intéressé puisse connaître les motifs sur lesquels est fondée la décision prise à son égard, soit par la lecture de la décision elle-même, soit par une communication de ces motifs faite à sa demande. Cela est sans préjudice du pouvoir du juge compétent d’exiger de l’autorité en cause qu’elle les communique, afin de lui permettre de défendre ses droits dans les meilleures conditions possibles et de décider, en pleine connaissance de cause, s’il est utile de saisir le juge compétent, ainsi que pour mettre ce dernier pleinement en mesure d’exercer le contrôle de la légalité de la décision en cause (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 100 et jurisprudence citée ; arrêt du 21 janvier 2016, Makhlouf/Conseil, T‑443/13, non publié, EU:T:2016:27, point 38).

33      En outre, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications des mesures prises aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 25 et jurisprudence citée).

34      La motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par ledit acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 1er juin 2022, Prigozhin/Conseil, T‑723/20, non publié, EU:T:2022:317, point 26 et jurisprudence citée).

35      Enfin, il importe de rappeler que la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle, est distincte de celle de la preuve du comportement allégué, laquelle relève de la légalité au fond de l’acte en cause et implique de vérifier la réalité des faits mentionnés dans cet acte, ainsi que la qualification de ces faits comme constituant des éléments justifiant l’application des mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir arrêt du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil, T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748, point 111 et jurisprudence citée).

36      En l’espèce, la motivation retenue à l’égard du requérant dans les actes attaqués est celle exposée au point 14 ci-dessus.

37      En premier lieu, il convient de relever que le contexte général, ayant conduit le Conseil à adopter les mesures restrictives en cause, est exposé aux considérants des actes attaqués. De même, il résulte desdits actes l’indication de la base juridique des mesures adoptées par le Conseil, respectivement l’article 29 TUE et l’article 215 TFUE.

38      En deuxième lieu, il convient de relever que le requérant ne conteste pas qu’il résulte clairement de la lecture de la motivation des actes attaqués que le Conseil a inscrit et maintenu son nom sur les listes en cause en se fondant sur le critère concernant les « femmes et hommes d’affaires influents […] ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine [et] les personnes physiques et morales […] qui leur sont associées » [critère prévu à l’article 2, paragraphe 1, sous g), de la décision 2014/145 modifiée, à l’article 3, paragraphe 1, sous g), du règlement no 269/2014 modifié ainsi que, en substance, à l’article 1er, paragraphe 1, sous e), de la décision 2014/145 modifiée, ci-après le « critère g) »].

39      En troisième lieu, contrairement à ce que fait valoir le requérant, il convient de constater que les raisons, spécifiques et concrètes, ayant conduit le Conseil à procéder à l’inscription et au maintien du nom du requérant sur les listes en cause, sont indiquées de manière suffisamment claire pour lui permettre de les comprendre. En effet, il est vrai que les motifs mentionnent notamment que MMK est l’un des plus grands contribuables de la Russie, que la charge fiscale pesant sur cette entreprise a récemment augmenté, ce qui a entraîné une augmentation considérable des recettes pour le budget de l’État russe. Toutefois, les motifs des actes attaqués indiquent également clairement que le requérant doit être considéré comme étant un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. Or, cette qualification d’homme d’affaires influent découle sans ambiguïté possible du fait qu’il est propriétaire et président du conseil d’administration de MMK, eu égard à l’importance que représente cette entreprise en Russie.

40      Partant, contrairement à ce que prétend le requérant, une lecture combinée des motifs figurant au point 14 ci-dessus, du libellé du critère g) ainsi que des éléments de preuve des deux dossiers WK qui lui ont été communiqués par le Conseil lui permettait aisément de comprendre ce qui lui était reproché et de se défendre. Cela est d’ailleurs pleinement confirmé par les moyens et les arguments soulevés par le requérant dans ses écritures dont il ressort, d’une part, qu’il a été mis en mesure de connaître les justifications des mesures prises à son égard afin de pouvoir les contester utilement devant le juge de l’Union européenne et, d’autre part, que le contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures était connu par lui.

41      En quatrième lieu, le fait que le Conseil n’ait pas donné de définition ou de précision de certaines notions utilisées ne saurait conduire à constater une violation de l’obligation de motivation qui lui incombe. En effet, conformément à la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents, en outre le requérant a été mis en mesure de comprendre la portée des mesures prises à son égard.

42      Enfin, en cinquième lieu, dès lors que les arguments du requérant, selon lesquels le Conseil s’est fondé exclusivement sur des éléments de preuve concernant MMK et non sur le secteur économique, et que certains éléments de preuve seraient non crédibles, ne tendent pas à remettre spécifiquement en cause le caractère suffisant de la motivation des actes de maintien, mais plutôt la légalité au fond de ces actes, ils doivent être examinés dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.

43      Il convient d’en conclure que la motivation des actes attaqués est compréhensible et suffisamment précise pour permettre au requérant de connaître les raisons ayant conduit le Conseil à considérer que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause étaient justifiés et d’en contester la légalité devant le juge de l’Union et pour permettre à ce dernier d’exercer son contrôle, conformément aux règles rappelées aux points 32 à 34 ci-dessus.

44      Il y a donc lieu de rejeter les arguments du requérant selon lesquels la motivation des actes attaqués serait soit quasi absente ou contradictoire, soit imprécise ou incomplète, violant ainsi son droit à une protection juridictionnelle effective et l’obligation de motivation.

45      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré dune erreur manifeste dappréciation et du non-respect de la charge de la preuve

46      Le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil n’apporte pas, conformément à la charge de la preuve qui lui incombe, d’éléments concrets, précis et concordants permettant de constituer une base factuelle suffisante afin d’étayer l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause en application du critère g).

47      Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

 Considérations liminaires

48      Il importe de relever que le deuxième moyen doit être considéré comme étant tiré d’une erreur d’appréciation, et non d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, s’il est certes vrai que le Conseil dispose d’un certain pouvoir d’appréciation pour déterminer, au cas par cas, si les critères juridiques sur lesquels se fondent les mesures restrictives en cause sont satisfaits, il n’en reste pas moins que les juridictions de l’Union doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, points 54 et 55, et du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 61 et jurisprudence citée).

49      Par ailleurs, il convient de souligner que, l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige, notamment, que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme étant suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119, et du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 128).

50      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre la personne sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 20 juillet 2017, Badica et Kardiam/Conseil, T‑619/15, EU:T:2017:532, point 99 et jurisprudence citée).

51      C’est à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne concernée, et non à cette dernière d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étayent les motifs retenus à l’encontre de la personne concernée (arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 121 et 122, et du 3 juillet 2014, National Iranian Tanker Company/Conseil, T‑565/12, EU:T:2014:608, point 57).

52      C’est à la lumière de ces règles jurisprudentielles qu’il convient d’examiner le bien-fondé des arguments du requérant.

 Sur les éléments de preuve produits par le Conseil aux fins de l’adoption des actes attaqués

53      En l’espèce, pour justifier l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les actes initiaux et dans les premiers actes de maintien, le Conseil s’est fondé sur le premier dossier WK comportant six éléments de preuve. Il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir :

–        deux pages extraites du site Internet officiel de MMK, consultées le 2 mars 2022, mentionnant les participations détenues par le requérant et ses fonctions au sein de cette entreprise (pièces n os 1 et 2) ;

–        des informations relatives au requérant figurant sur le site « forbes.com » du 2 mars 2022 (pièce no 3) ;

–        des articles de presse des sites Internet « verstov.info » du 21 janvier 2019 (pièce no 4) et « vedomosti.ru » du 9 décembre 2021 (pièce no 5) ;

–        une page extraite du site Internet officiel de MMK retranscrivant un entretien du PDG de MMK relatif à la compétitivité de l’entreprise dans un nouvel environnement fiscal (pièce no 6).

54      S’agissant des seconds actes de maintien, le Conseil a produit le second dossier WK comportant dix éléments de preuve. Il convient de relever qu’il s’agit d’éléments d’information publiquement accessibles, à savoir :

–        des articles de presse des sites Internet « 74.ru » du 3 mars 2022 (pièce no 1), « magmetall.ru » du 18 avril 2022 (pièce no 5), « interfax.ru » du 1er août 2022 (pièce no 6) et « tass.ru » du 16 novembre 2022 (pièce no 10) ;

–        cinq pages extraites du site Internet officiel de MMK, consultées les 11, 16 et 21 novembre 2022, mentionnant notamment les participations détenues par le requérant, ses fonctions au sein de cette entreprise et des indicateurs de production et de vente (pièces n os 2, 3, 7 à 9) ;

–        des informations relatives au requérant figurant sur le site « forbes.com » consultées le 16 novembre 2022 (pièce no 4).

 Sur la pertinence des éléments de preuve soumis par le Conseil aux fins de l’adoption des seconds actes de maintien

55      Dans le second mémoire en adaptation, le requérant soutient en substance, que le premier dossier WK aurait été remplacé par le second dossier WK. Or, il remet en cause la pertinence des éléments de preuve soumis par le Conseil dans le second dossier WK pour démontrer, en mars 2023, que le maintien de son nom sur les listes en cause était toujours fondé.

56      Cette argumentation ne saurait prospérer.

57      Premièrement, il y a lieu de relever que le Conseil ne conteste pas avoir transmis le second dossier WK contenant des éléments de preuve supplémentaires par rapport à ceux contenus dans le premier dossier WK pour étayer les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause dans les seconds actes de maintien. Toutefois, ainsi que l’a relevé le Conseil dans ses observations sur le second mémoire en adaptation et lors de l’audience, rien ne permet de considérer que le Conseil a substitué le second dossier WK au premier dossier WK transmis au requérant en tant que base factuelle de l’inscription initiale. Il y a donc lieu de considérer que le second dossier WK ne fait que compléter le premier.

58      Deuxièmement, et en tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, en matière de mesures restrictives, la question qui importe lors de l’examen du maintien du nom d’une personne sur les listes en cause est celle de savoir si, depuis l’inscription du nom de cette personne sur lesdites listes ou depuis le réexamen précédent, la situation factuelle a changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant l’implication de cette personne dans des activités ciblées par les mesures restrictives. De plus, il a été précisé, dans le cadre de mesures restrictives adoptées à l’encontre de l’Iran, que le Conseil n’était pas tenu d’invoquer de nouveaux faits pour autant que les faits motivant l’inscription initiale soient pertinents et suffisent à maintenir la partie concernée sur la liste (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 97 et jurisprudence citée).

59      Par ailleurs, il a été jugé que le Conseil était tenu de présenter de nouveaux éléments de preuve afin de démontrer le bien-fondé de l’inscription du nom d’une personne dès lors que le critère et les motifs de cette inscription avaient changé (voir arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 98 et jurisprudence citée).

60      Il en résulte que, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur la liste, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’ait pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. Ce contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée (voir arrêt du 26 octobre 2022, Ovsyannikov/Conseil, T‑714/20, non publié, EU:T:2022:674, point 78 et jurisprudence citée).

61      Ainsi, en l’espèce, dès lors que, ainsi qu’il a été mentionné au point 25 ci-dessus, les motifs d’inscription du nom du requérant dans les seconds actes de maintien n’ont pas été modifiés par rapport à ceux des actes initiaux et des premiers actes de maintien, il y a uniquement lieu de vérifier si, dans le dossier soumis au Tribunal, il existe des éléments pouvant laisser penser que la situation factuelle du requérant ou celle de l’Ukraine ont évolué d’une manière telle que les éléments de preuve soumis par le Conseil pour justifier le bien-fondé de l’inscription initiale et du premier maintien du nom du requérant sur les listes en cause en 2022 ne seraient plus pertinents pour justifier le maintien de son nom sur lesdites listes en mars 2023 (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 101).

62      Or, en l’espèce, force est de constater que le contexte général de la situation de l’Ukraine en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, à la suite de l’annexion illégale de la Crimée, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux et des premiers actes de maintien, tout comme la situation particulière du requérant.

63      Par conséquent, sans que soit préjugée, à ce stade du raisonnement du Tribunal, la question de savoir si les éléments de preuve produits par le Conseil permettent effectivement de démontrer le bien-fondé, en mars 2023, des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil n’était pas tenu d’apporter des éléments de preuve supplémentaires par rapport à ceux produits dans le premier dossier WK en 2022, en raison de changements dans la situation du requérant ou de celle de l’Ukraine, de nature à justifier que son nom soit retiré des listes en cause.

64      Au vu de ce qui précède, et compte tenu de l’absence de changement des motifs d’inscription et du contexte, le Conseil pouvait à bon droit s’appuyer sur les éléments de preuve contenus dans le premier dossier WK, afin d’adopter les actes de maintien. En outre, rien ne s’opposait à ce qu’il complète ces éléments par ceux produits dans le deuxième dossier WK. C’est donc à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve des deux dossiers WK qu’il y a lieu d’apprécier la légalité de ces actes.

 Sur l’application au requérant du critère g)

65      À titre liminaire, il y a lieu de relever que le requérant reconnaît, dans la requête, qu’il ressort des motifs contenus dans les actes attaqués que le critère de l’« homme d’affaires influent » lui a été appliqué.

66      S’agissant des difficultés d’interprétation liées à ce critère évoquées par le requérant, il convient de constater que ce critère implique la notion d’influence liée à avec l’exercice d’une « activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement russe », sans autre condition concernant un lien avec le régime. Le Conseil vise en effet, par ce critère, à exploiter l’influence que la catégorie de personnes visée est susceptible d’exercer sur le régime russe en l’espèce en les poussant à faire pression sur ce gouvernement pour qu’il modifie sa politique.

67      En l’espèce, la notion d’« hommes d’affaires influent », doit donc être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, selon le cas, de leurs statuts professionnels, de l’importance de leurs activités économiques, de l’ampleur de leurs possessions capitalistiques ou de leurs fonctions au sein d’une ou de plusieurs entreprises dans lesquelles ils exercent ces activités.

68      Une telle interprétation est corroborée par le fait que l’objectif des mesures restrictives est de faire pression sur le gouvernement de la Fédération de Russie et d’accroître le coût des actions de la Fédération de Russie visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157).

69      L’objectif mentionné au point 68 ci-dessus implique que, par l’expression « qui fournissent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie », ce sont les secteurs économiques et non les hommes d’affaires qui sont visés, ce qui correspond à l’un des objectifs visés par les mesures restrictives, à savoir affecter les secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour la Fédération de Russie.

70      De ce fait, il y a lieu d’interpréter le critère g) en ce sens qu’il a vocation à s’appliquer, d’une part, à des femmes et hommes d’affaires influents dans le sens décrit au point 67 ci-dessus et, d’autre part, que ce sont les secteurs économiques dans lesquels interviennent ces personnes qui doivent constituer une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

71      C’est donc à l’aune de cette interprétation du critère g) qu’il convient d’examiner le bien-fondé du motif d’inscription et de maintien retenu dans les actes attaqués.

72      Le motif retenu à l’égard du requérant qui se rattache au critère g) a trait au fait que, étant donné qu’il est propriétaire et président du conseil d’administration de MMK, qui serait l’un des plus grands contribuables de Russie, il est un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie (voir point 39 ci-dessus).

73      À cet égard, il convient de rejeter d’emblée l’argument invoqué par le requérant dans la réplique et dans le second mémoire en adaptation, selon lequel il s’avère qu’en réalité il a été désigné non en raison de sa prétendue participation à un secteur économique fournissant une source substantielle de revenus à la Fédération de Russie, mais parce que, de l’avis du Conseil, MKK fournirait directement de tels revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

74      En effet, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de cet argument soulevé pour la première fois au stade de la réplique, il suffit de constater qu’il procède d’une lecture erronée des motifs des actes attaqués. S’il est vrai que lesdits motifs mentionnent que MMK est l’un des plus grands contribuables de Russie, il n’en demeure pas moins qu’ils indiquent également clairement que le requérant doit être considéré comme étant un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, de par le fait qu’il est propriétaire et président du conseil d’administration de MMK. Par ailleurs, il y a lieu d’ajouter que, en tout état de cause, cet argument est en contradiction avec les arguments du requérant soulevés dans la requête qui tendent à démontrer, d’une part, que le Conseil n’a pas déterminé le secteur économique censé procurer des revenus substantiels et, d’autre part, que le secteur dans lequel MMK est active ne peut être considéré comme fournissant une source de revenus substantielle au sens du critère g).

75      Cela étant précisé, il convient donc de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil aux fins d’adopter les actes attaqués satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe et constitue un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer ce motif d’inscription.

76      S’agissant de la notion d’« hommes d’affaires influent », il y a lieu de rappeler qu’elle doit être comprise comme visant l’importance de ces derniers au regard, notamment, de leurs statuts professionnels et de leurs activités économiques (voir point 67 ci-dessus).

77      À cet égard, il est constant entre les parties que le requérant est propriétaire et président du conseil d’administration de MMK, qui est producteur majeur d’acier, à tout le moins, sur le marché russe. Ces éléments sont confirmés par la requête et la réplique, et se trouvent notamment dans les pièces nos 1 à 3 et 6 du premier dossier WK et dans les pièces nos 2 et 3 du second dossier WK.

78      C’est donc à bon droit que le Conseil a considéré que le requérant était un homme d’affaires influent, ce que celui-ci ne conteste d’ailleurs nullement dans ses écritures. Cette qualification d’homme d’affaires influent, peut d’ailleurs se déduire de l’importance économique de cette entreprise en Russie, tel que cela est souligné par le requérant lui-même notamment dans la requête.

79      Il convient donc d’examiner si le Conseil pouvait, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer dans les actes attaqués que le requérant était un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

80      Le requérant conteste exercer une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie et être un oligarque. Dans la requête, il soutient, en substance, que ni le secteur de la sidérurgie ni la propre contribution de MMK au budget de la Fédération de Russie, ne constituent une source de revenus substantielle au sens du critère g).

81      En premier lieu, il convient de souligner que, si la propre contribution de MMK au budget de la Fédération de Russie peut être utile pour déterminer l’importance économique de cette entreprise ou la qualité d’homme d’affaires influent du requérant, elle n’est pas déterminante aux fins de répondre à la question de savoir si le secteur dans lequel le requérant est actif constitue une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie. En effet, ainsi que le relève le requérant lui-même, à juste titre, dans la requête, et ainsi que cela ressort des points 66 à 70 ci-dessus, c’est le secteur économique, et non une entreprise en particulier, qui doit constituer une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

82      Dans ces conditions, doit être rejeté comme étant inopérant l’argument du requérant, soulevé dans son second mémoire en adaptation, selon lequel aucun élément de preuve du second dossier WK ne confirmerait que MMK est l’un des plus grands contribuables russes. Il en va de même de l’argument selon lequel l’élément de preuve no 5 du second dossier WK, relatif aux taxes payées par MMK, manquerait de crédibilité.

83      En deuxième lieu, s’agissant du secteur économique en cause en l’espèce, il convient de tenir compte du secteur de la métallurgie et non uniquement du secteur de la sidérurgie. En effet, ainsi que le relève à juste titre le Conseil, compte tenu de la similitude des activités concernées, les entreprises telles que MMK relèvent du secteur de la métallurgie.

84      Cela est d’ailleurs pleinement corroboré par les pièces n os 5 et 6 du premier dossier WK qui retranscrivent un entretien qui a eu lieu avec le PDG de MMK au sujet de la compétitivité de l’entreprise dans un nouvel environnement fiscal et dont il ressort, sans ambiguïté, que ledit PDG fait référence à MMK en tant qu’entreprise active dans le secteur de la métallurgie. En effet, la pièce n o 5 mentionne que ce PDG estime « la baisse des revenus de [MMK] en 2022, en raison de la croissance de la charge fiscale des entreprises métallurgiques, à 200-250 millions de dollars ». Quant à la pièce n o 6, il en ressort que ce même PDG a indiqué, à propos d’un texte de loi relatif à l’augmentation de taxes, qu’il « affectera le travail des métallurgistes à long terme », « imposera une charge supplémentaire à nous, métallurgistes » et « aura une incidence sur notre compétitivité dans le marché mondial ».

85      En troisième lieu, en ce qui concerne la question de savoir si le secteur économique dans lequel le requérant exerce son activité fournit une source de revenus substantielle au gouvernement de la Fédération de Russie, il ne saurait valablement être soutenu que tel n’est pas le cas du secteur de la métallurgie.

86      En effet, une telle source de revenus substantielle se déduit aisément notamment des pièces n os 5 et 6 du premier dossier WK qui mentionnent, à titre d’exemple, les droits à l’exportation temporaires sur les métaux qui ont été introduits par le gouvernement de la Fédération de Russie au cours de l’été 2021. En effet, le PDG de MMK a estimé que l’instauration de ces droits allait entraîner une perte de revenus pour MMK en 2022 et donc des recettes fiscales pour l’État russe, de l’ordre de 200 à 250 millions de dollars des États-Unis (USD). Dans la pièce n o 5, il est en outre mentionné que l’État russe s’attendait à percevoir 163 à 164 milliards de roubles russes (RUB) supplémentaires, au titre desdits droits et que, pour la période comprise entre 2022 et 2024, le gouvernement de la Fédération de Russie prévoyait de percevoir plus de 500 milliards de RUB pour le budget, eu égard à l’augmentation de la charge fiscale des métallurgistes.

87      Certes, ainsi que le soutient à juste titre le requérant, il est vrai que, ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié, ne définit cette notion de « source substantielle de revenus ». Il convient cependant de relever que l’emploi de l’adjectif qualificatif « substantielle », qui se rapporte au groupe nominal « source de revenus », implique que cette source de revenus doit être significative et donc non négligeable. De même, le Conseil n’a pas fourni de données chiffrées des revenus procurés à ce gouvernement. Toutefois, il ne fait aucun doute que le secteur d’activités dans lequel cette entreprise est impliquée fournit, directement, ou à tout le moins, indirectement, une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

88      Cette conclusion est au demeurant corroborée par la place et l’importance de MMK dans le secteur en cause. En effet, il importe de souligner que, eu égard notamment aux différentes données contenues dans la pièce n o 6 du premier dossier WK, MMK est un producteur majeur d’acier sur le marché russe et mondial. Cette pièce mentionne pour l’année 2021, une capitalisation de 9,3 milliards d’USD, des recettes de 8,5 milliards d’USD, un bénéfice net de 2,3 milliards d’USD, une production de 10,1 millions de tonnes d’acier au cours de neuf mois de l’année 2021. Il est également indiqué que MMK a une filiale en Turquie, dont le PDG met en avant l’augmentation constante de la capacité de production, ainsi que son attractivité.

89      Il y a lieu d’ajouter que, de l’aveu même du requérant, la société MMK contribue grandement à l’économie de la région de Tcheliabinsk, elle emploie plus de 56 000 salariés et exerce des activités dans des domaines autres que celui de la sidérurgie. Il ressort en outre de l’annexe A 12 à la requête que, à tout le moins la filiale turque de MMK dessert des industries aussi variées que la construction, la fabrication de machines, l’automobile ou encore la fabrication d’appareils ménagers.

90      Il y a donc lieu de conclure que, dans les actes attaqués, le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles de mettre en évidence que le requérant, de par le fait qu’il est propriétaire et président du conseil d’administration de MMK, est un homme d’affaires influent ayant une activité dans des secteurs économiques qui constituent une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

91      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments avancés par le requérant.

92      En premier lieu, le requérant allègue que le secteur de la métallurgie dans son ensemble et, a fortiori, celui de la sidérurgie, ne représenterait qu’une contribution fiscale insignifiante par rapport aux recettes fiscales totales du budget de l’État russe. Toutefois, à supposer cette allégation établie, il n’en demeure pas moins que, bien que moins importantes, d’autres recettes fiscales telles que celles tirées du secteur de l’énergie, peuvent s’avérer substantielles. D’ailleurs, force est de constater que l’application du critère g) n’implique pas nécessairement que le Conseil prenne en compte la totalité des recettes fiscales du budget de l’État russe, mais qu’il vérifie si le secteur économique dans lequel le requérant a ses activités constitue une source de revenus substantielle pour le gouvernement de la Fédération de Russie.

93      En deuxième lieu, le requérant fait valoir que les chiffres mentionnés dans les pièces n os 5 et 6 du premier dossier WK seraient dépourvus de pertinence en ce qu’ils portaient sur des droits provisoires en vigueur uniquement entre le 1er août et le 31 décembre 2021 et seraient, par conséquent, des recettes perçues par le passé dont il ne pourrait donc être tenu compte aux fins de justifier l’inscription de son nom et son maintien sur les listes en cause. En outre, les chiffres mentionnés ne seraient que des prévisions, dont il n’est pas certains qu’elles se réalisent, puisqu’elles ont été établies avant le lancement de l’opération militaire russe. Un tel argument ne saurait prospérer. En effet, il suffit de relever que, indépendamment de leur caractère provisoire ou hypothétique, il n’en demeure pas moins que le montant de la perte de revenus estimé par le PDG de MMK ainsi que le montant des recettes fiscales espéré par le gouvernement de la Fédération de Russie à la suite de l’introduction des droits à l’exportation sont révélateurs de l’importance des revenus que peut générer ce secteur pour le budget de l’État russe.

94      En troisième lieu, le requérant soutient que ces deux secteurs ne sauraient être considérés comme fournissant une source de revenus substantielle au motif, en substance, que seuls les impôts directs pourraient constituer des revenus au sens du critère g).

95      À cet égard, il importe de relever que, quand bien même ces impôts seraient payés uniquement par les consommateurs comme le souligne le requérant, il n’en demeure pas moins qu’ils peuvent être une source de revenus substantielle et que rien dans le libellé du critère g) ne permet d’exclure la prise en compte de tels impôts. Ainsi que le souligne à juste titre le Conseil, rien ne semble s’opposer à ce qu’il soit tenu compte de toute source de revenus que le gouvernement de la Fédération de Russie tire des activités du secteur concerné, y compris la TVA, les droits à l’exportation et à l’importation, prélevés sur les produits commercialisés dans ce secteur, ainsi que tout autre revenu directement ou indirectement versé au budget de l’État russe.

96      Ce constat ne saurait au demeurant être remis en cause par l’argument du requérant soulevé dans la réplique et dans le second mémoire en adaptation selon lequel, en substance, le fait de payer des impôts obligatoires n’équivaut pas à un soutien au régime.

97      Certes, dans les arrêts du 9 décembre 2014, Peftiev/Conseil (T‑441/11, non publié, EU:T:2014:1041, point 188), et du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil (T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748, point 169), le Tribunal a jugé, en substance, que le Conseil ne saurait inférer du paiement des impôts par une personne son soutien financier au régime, dans la mesure où un tel paiement constitue une obligation légale.

98      Toutefois, dans les arrêts du 9 décembre 2014, Peftiev/Conseil (T‑441/11, non publié, EU:T:2014:1041), et du 6 octobre 2015, Chyzh e.a./Conseil (T‑276/12, non publié, EU:T:2015:748), était en cause un critère différent de celui appliqué dans la présente affaire. Dans le cadre du critère g) en cause en l’espèce, il y a lieu de rappeler que c’est le secteur économique, et non l’homme d’affaires en tant que tel, qui est identifié comme étant la source substantielle de revenus pour la Fédération de Russie (voir point 81 ci-dessus). Ainsi, le paiement des impôts par le requérant ou par son entreprise n’est pas visé en soi. Il y a lieu d’ajouter que, à supposer que le critère g) puisse être considéré comme renvoyant en partie à l’impôt payé au titre de l’activité de l’homme d’affaires, il se réfère avant tout à l’ensemble des revenus générés par le secteur d’activités dans lequel cet homme d’affaires intervient, et inclut donc, notamment, les impôts générés par le secteur en cause, non nécessairement versés par cet homme d’affaires.

99      En quatrième lieu, dans la réplique et dans le second mémoire en adaptation, le requérant fait valoir, en substance, que, si l’interprétation du critère g) faite par le Conseil était correcte, et qu’il suffirait donc qu’une personne opère dans un secteur économique déterminé pour que soit rempli le critère g) quel que soit son comportement ou celui de MMK, son rôle et sa conduite à l’égard de la politique russe en Ukraine, il soulève un moyen tiré de l’illégalité de ce critère au titre de l’article 277 TFUE.

100    À cet égard, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la recevabilité de cet argument, soulevé pour la première fois au stade de la réplique, il ne peut être accueilli.

101    En effet, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 277 TFUE, toute partie peut, à l’occasion d’un litige mettant en cause un acte de portée générale adopté par une institution, un organe ou un organisme de l’Union, se prévaloir des moyens prévus à l’article 263 TFUE, deuxième alinéa, pour invoquer devant la Cour de justice de l’Union européenne l’inapplicabilité de cet acte.

102    Le Conseil dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la définition générale et abstraite des critères juridiques et des modalités d’adoption des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 41 et jurisprudence citée). Par conséquent, les règles de portée générale définissant ces critères et ces modalités, telles que les dispositions des actes attaqués prévoyant les critères litigieux visés par le présent moyen, font l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint se limitant à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur de droit ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 9 juillet 2009, Melli Bank/Conseil, T‑246/08 et T‑332/08, EU:T:2009:266, points 44 et 45 et du 15 septembre 2021, Boshab/Conseil, T‑107/20, non publié, EU:T:2021:583, point 201).

103     Il y a lieu d’ajouter que la légalité des mesures restrictives n’est pas subordonnée à la constatation des effets immédiats de celles-ci, mais requiert uniquement qu’elles ne soient pas manifestement inappropriées au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre (arrêt du 17 septembre 2020, Rosneft e.a./Conseil, C‑732/18 P, non publié, EU:C:2020:727, point 97).

104    À cet égard, premièrement, il y a lieu de relever que ni la décision 2014/145 modifiée ni le règlement no 269/2014 modifié n’a institué de présomption de lien entre la qualité d’homme d’affaires influent et le gouvernement de la Fédération de Russie.

105    De ce fait, l’application de ce critère à une personne déterminée suppose que, au préalable, le Conseil rapporte la preuve, notamment par la conjonction d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, d’une part, que la personne faisant l’objet d’une mesure restrictive est un homme d’affaires influent et, d’autre part, que ce dernier intervient dans un secteur qui fournit une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie.

106    Deuxièmement, il importe de souligner que l’objectif déclaré des actes attaqués, et donc de l’adoption du critère g), est que l’Union continue d’apporter « un soutien sans réserve à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine » (deuxième considérant des actes attaqués) et d’adopter des nouvelles mesures restrictives « qui auront des conséquences lourdes et massives pour la Russie consécutivement à ses actions » (quatrième considérant). L’objectif est donc d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2020, Rosneft e.a./Conseil, C‑732/18 P, non publié, EU:C:2020:727, points 85, 97 et 98). Un tel objectif cadre avec celui consistant à préserver la paix et la sécurité internationales, conformément aux objectifs de l’action extérieure de l’Union énoncés à l’article 21 TUE (arrêt du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 115).

107    Or, le critère g) vise des « femmes et hommes d’affaires influents ayant une activité dans des secteurs économiques qui fournissent une source substantielle de revenus au gouvernement de la Fédération de Russie, qui est responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine », autrement dit les personnes à l’égard desquelles l’adoption des mesures restrictives en cause est de nature à accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière en Ukraine. Ledit critère répond ainsi à la volonté du Conseil d’exercer une pression sur les autorités russes afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine.

108    Il existe donc un lien logique entre le fait de cibler les femmes et les hommes d’affaires influents exerçant leurs activités dans des secteurs économiques fournissant des revenus substantiels au gouvernement, au vu de leur importance et de celle que revêtent ces secteurs pour l’économie russe, et l’objectif des mesures restrictives en l’espèce, qui est d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2018, Rosneft e.a./Conseil, T‑715/14, non publié, EU:T:2018:544, point 157).

109    Partant, force est de considérer que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, le critère g) contient des conditions relatives au comportement personnel des personnes visées, à savoir leur influence, due à leurs activités économiques dans certains secteurs, ce qui permet d’établir un lien suffisant et subjectif entre ces personnes et le pays tiers visé, en l’occurrence la Fédération de Russie.

110    Enfin, en cinquième lieu, le requérant fait valoir, dans les deux mémoires en adaptation, que le Conseil aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en maintenant son nom sur les listes en cause, étant donné que, à la date des actes de maintien, il était évident que les restrictions le visant n’avaient aucun impact sur l’objectif qu’elles prétendaient poursuivre. Il reproche en particulier au Conseil de n’avoir produit aucun élément de preuve pour démontrer que, à l’issue des différentes périodes de réexamen, et plusieurs mois après que son nom avait été inscrit sur les listes en cause, il existait un lien suffisant entre lui et le régime russe, sur le plan des actions ou des politiques menaçant l’intégrité territoriale de l’Ukraine.

111    Un tel argument ne saurait prospérer. En effet, ainsi que cela a été rappelé au point 60 ci-dessus, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur les listes en cause, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la personne concernée sur la liste, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription demeurent inchangés et, d’autre part, le contexte n’a pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes. Ce contexte inclut non seulement la situation du pays à l’égard duquel le système de mesures restrictives a été établi, mais également la situation particulière de la personne concernée.

112    Or, en l’espèce, il suffit de constater, d’une part, qu’il ressort des développements ci-dessus que le requérant n’est pas parvenu à démontrer que le Conseil avait commis une erreur d’appréciation s’agissant des actes initiaux et, d’autre part, que le contexte général de la situation de l’Ukraine en ce qui concerne les menaces à son intégrité territoriale, à sa souveraineté et à son indépendance, à la suite de l’annexion illégale de la Crimée, est resté inchangé depuis l’adoption des actes initiaux tout comme la situation particulière du requérant.

113    Au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription et de maintien du nom du requérant sur les listes en cause dans les actes attaqués, en raison de sa qualité d’homme d’affaires influent au sens du critère g), est suffisamment étayé.

114    Partant, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur la question de savoir si le requérant peut être qualifié d’oligarque, ni sur celle relative au manque de crédibilité de certains éléments de preuve du second dossier WK, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré dune violation du principe de proportionnalité et des droits fondamentaux

115    Le requérant fait valoir, en substance, que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause constitue une limitation injustifiée et disproportionnée de ses droits fondamentaux, au rang desquels figurent, notamment, le droit à la liberté d’entreprise et celui de la propriété. En substance, premièrement, il observe que l’interprétation du critère g) par le Conseil serait disproportionnée, en ce qu’elle reviendrait à considérer que toutes les personnes qui exercent une activité économique importante en Russie et qui s’acquittent de leurs obligations fiscales devraient, de ce seul fait, être sanctionnées. Deuxièmement, il soutient que les restrictions le visant sont abusives, puisque le même objectif consistant à nuire au secteur sidérurgique a d’ores et déjà été atteint par l’imposition de sanctions sectorielles. Troisièmement, il met en avant les conséquences négatives des actes attaqués sur les efforts déployés par MMK pour protéger l’environnement, ainsi que sur les activités d’une société turque du groupe MMK qui seraient fondamentales aux fins de remédier aux conséquences du séisme ayant eu lieu en Turquie au début de l’année 2023. Quatrièmement, il prétend que les conditions prévues à l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, pour que ses droits fondamentaux puissent être limités ses droits fondamentaux, ne sont pas réunies.

116    Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

117    Il convient de rappeler que le droit à la liberté d’entreprise fait partie des principes généraux du droit de l’Union et est consacré par l’article 16 de la Charte. Le droit à la propriété est quant à lui consacré à l’article 17 de la Charte.

118    En l’espèce, les mesures restrictives en cause constituent des mesures conservatoires, qui ne sont pas censées priver les personnes concernées de leur propriété ou de leur liberté d’entreprise. Toutefois, elles affectent incontestablement une restriction de l’usage du droit de propriété et de la liberté d’entreprise du requérant (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 115 et jurisprudence citée).

119    Cependant, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, dans le droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société (voir arrêt du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 113 et jurisprudence citée).

120    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, d’une part, « [t]oute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par la [C]harte doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés » et, d’autre part, « [d]ans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui ».

121    Ainsi, pour être conforme au droit de l’Union, une limitation de l’exercice des droits fondamentaux en cause doit répondre à quatre conditions. Premièrement, elle doit être « prévue par la loi », en ce sens que l’institution de l’Union adoptant des mesures susceptibles de restreindre les droits fondamentaux d’une personne, physique ou morale, doit disposer d’une base légale à cette fin. Deuxièmement, la limitation en cause doit respecter le contenu essentiel de ces droits. Troisièmement, ladite limitation doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Quatrièmement, la limitation en cause doit être proportionnée (voir, en ce sens, arrêts du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, points 69 et 84 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2018, VTB Bank/Conseil, T‑734/14, non publié, EU:T:2018:542, point 140 et jurisprudence citée).

122    En l’espèce, contrairement à ce que prétend le requérant, ces quatre conditions sont remplies s’agissant des actes attaqués.

123    En effet, en premier lieu, les mesures restrictives en cause sont « prévues par la loi », puisqu’elles sont énoncées dans des actes ayant notamment une portée générale et disposant d’une base juridique claire en droit de l’Union, ainsi que d’une motivation suffisante en ce qui concerne tant leur portée que les raisons justifiant leur application au requérant (voir points 37 à 45 ci-dessus) (voir, par analogie, arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 176 et jurisprudence citée). De plus, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, il a été établi que la motivation des actes initiaux permettait de conclure que le Conseil pouvait légitimement inscrire et maintenir le nom du requérant sur les listes en cause (voir point 113 ci-dessus).

124    En deuxième lieu, en ce qui concerne la question de savoir si la limitation en cause respecte le « contenu essentiel » desdits droits fondamentaux, il y a lieu de constater que les mesures restrictives imposées sont limitées dans le temps et sont réversibles (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2021, Oblitas Ruzza/Conseil, T‑551/18, non publié, EU:T:2021:453, point 96 et jurisprudence citée).

125    Tout d’abord, en vertu de l’article 6 de la décision 2014/145 modifiée, les listes en cause font l’objet d’un réexamen périodique afin que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour y figurer soient radiées.

126    Ensuite, il doit être rappelé que l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 modifiée, ainsi que l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 modifié prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques. En outre, dans la mesure où les actes attaqués n’ont pas pour effet de confisquer les biens du requérant, il y a lieu de considérer que de telles mesures ne revêtent aucun caractère pénal.

127    Enfin, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la décision 2014/145 modifiée, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée des personnes visées sur son territoire, notamment pour des raisons urgentes d’ordre humanitaire.

128    En troisième lieu, les mesures restrictives en cause visent à exercer une pression sur les autorités russes, afin que celles-ci mettent fin à leurs actions et à leurs politiques déstabilisant l’Ukraine. Or, il s’agit là d’un objectif qui relève de ceux poursuivis dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et visés à l’article 21, paragraphe 2, sous b) et c), TUE, tels que la consolidation et le soutien de la démocratie, de l’État de droit, des droits de l’homme et des principes de droit international, ainsi que la préservation de la paix, la prévention des conflits et le renforcement de la sécurité internationale et de la protection des populations civiles.

129    En quatrième lieu, s’agissant du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que ce dernier, en tant que principe général du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs poursuivis par la réglementation en cause. Ainsi, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 178 et jurisprudence citée).

130    La jurisprudence précise à cet égard que, s’agissant du contrôle juridictionnel du respect du principe de proportionnalité, il convient de reconnaître un large pouvoir d’appréciation au législateur de l’Union dans des domaines qui impliquent de la part de ce dernier des choix de nature politique, économique et sociale, et dans lesquels celui-ci est appelé à effectuer des appréciations complexes. Dès lors, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure adoptée dans ces domaines, au regard de l’objectif que l’institution compétente entend poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 179 et jurisprudence citée).

131    En l’espèce, en ce qui concerne le caractère apte à réaliser les objectifs poursuivis des mesures en cause, il y a lieu de relever, d’une part, que, au regard de l’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause, les conséquences négatives telles que décrites par le requérant et résultant de leur application, ces dernières ne sont pas manifestement démesurées (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 71, et du 12 mars 2014, Al Assad/Conseil, T‑202/12, EU:T:2014:113, point 116).

132    Il en est ainsi d’autant plus que, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, il a été établi que les mesures restrictives adoptées dans le cadre des actes attaqués à l’égard du requérant étaient justifiées, au motif que sa situation permettait de considérer qu’il remplissait les conditions pour l’application du critère g).

133    D’autre part, le fait que le requérant n’ait pas eu un rôle direct dans des actions menées à l’encontre de l’Ukraine est sans pertinence, puisqu’il ne s’est pas vu imposer des mesures restrictives pour cette raison, mais en raison du fait qu’il était un homme d’affaires influent intervenant dans des secteurs économiques qui constituent une source substantielle de revenus pour le gouvernement de la Fédération de Russie, responsable de l’annexion de la Crimée et de la déstabilisation de l’Ukraine.

134    En ce qui concerne le caractère nécessaire des mesures restrictives en cause, il convient de constater que des mesures alternatives et moins contraignantes, telles qu’un système d’autorisation préalable ou une obligation de justification a posteriori de l’usage des fonds versés, ne permettent pas d’atteindre aussi efficacement les objectifs poursuivis, à savoir l’exercice d’une pression sur les décideurs russes responsables de la situation en Ukraine, notamment eu égard à la possibilité de contourner les restrictions imposées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 182 et jurisprudence citée). Par ailleurs, force est de constater que le requérant est resté en défaut d’indiquer quelles mesures moins contraignantes le Conseil aurait pu adopter.

135    De plus, il doit être rappelé que l’article 2, paragraphes 3 et 4, de la décision 2014/145 modifiée, et l’article 4, paragraphe 1, l’article 5, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 269/2014 modifié prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques.

136    De même, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la décision 2014/145 modifiée, l’autorité compétente d’un État membre peut autoriser l’entrée des personnes visées sur son territoire, notamment pour des raisons urgentes d’ordre humanitaire.

137    Enfin, la présence du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait être qualifiée de disproportionnée en raison d’un prétendu caractère potentiellement illimité. En effet, ces listes font l’objet d’un réexamen périodique afin que les personnes et entités ne répondant plus aux critères pour y figurer soient radiées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 185 et jurisprudence citée).

138    Il s’ensuit que, à supposer établies les conséquences négatives mises en avant par le requérant et mentionnées au point 115 ci-dessus, les restrictions de ses droits fondamentaux qui découlent des mesures restrictives en cause, adoptées dans le cadre des actes attaqués, ne sont pas disproportionnées et ne peuvent pas entraîner leur annulation.

139    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument du requérant selon lequel l’interprétation du Conseil du critère g) permettrait d’inscrire sur les listes en cause le nom de tous les hommes d’affaires qui exercent avec succès une activité économique en Russie, ou par l’argument selon lequel l’objectif de nuire au secteur sidérurgique a d’ores et déjà été atteint par l’imposition de sanctions sectorielles. En effet, outre leur caractère non étayé, il suffit de constater que le requérant a fait l’objet de mesures restrictives à la suite d’une évaluation individuelle fondée sur des éléments de preuve concrets et que leur objectif n’est pas de nuire au secteur sidérurgique russe, mais d’accroître la pression sur la Fédération de Russie ainsi que le coût des actions de cette dernière visant à compromettre l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine et de promouvoir un règlement pacifique de la crise. Or, contrairement à ce qu’allègue de façon laconique le requérant dans la réplique, aucun élément du dossier ne tend à venir au soutien d’une telle allégation.

140    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré en substance, dune violation du principe dégalité de traitement

141    Le requérant souligne que l’application du critère g) par le Conseil est discriminatoire en ce qu’elle lui permet de cibler les hommes d’affaires et les entreprises de nationalité russe en ignorant les entreprises étrangères, alors que ces dernières opèrent également sur le territoire russe et qu’elles contribuent pour des montants beaucoup plus importants au financement du budget de la Fédération de Russie. Il relève, en particulier, que d’autres propriétaires et présidents de conseil d’administration de groupes étrangers ayant des activités importantes en Russie et qui versent des montants d’impôts similaires ou beaucoup plus importants au budget de ladite Fédération que lui n’ont pas fait l’objet de mesures restrictives.

142    Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

143    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le principe d’égalité de traitement, qui constitue un principe fondamental de droit, interdit que des situations comparables soient traitées de manière différente ou que des situations différentes soient traitées de manière égale, à moins que de tels traitements ne soient objectivement justifiés (voir arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 152 et jurisprudence citée).

144    En l’espèce, s’agissant de l’argument du requérant concernant le fait que le critère g) serait discriminatoire en ce qu’il viserait les hommes d’affaires et les entreprises de nationalité russe en ignorant les hommes d’affaires et les entreprises étrangères, il suffit de constater que ce critère ne vise pas la nationalité des personnes désignées, mais toutes les personnes physiques influentes au sens du critère g). Ainsi, les personnes faisant l’objet de mesures restrictives peuvent être de toute nationalité, si elles remplissent ledit critère.

145    Dans ces circonstances, même à supposer que le Conseil n’ait pas adopté des mesures de gel des fonds à l’égard de certaines personnes répondant au critère litigieux et examiné, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents relatifs à ces personnes, cette circonstance ne pourrait être valablement invoquée par le requérant, dès lors que les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination doivent se concilier avec le principe de légalité (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2016, Post Bank Iran/Conseil, T‑68/14, non publié, EU:T:2016:263, point 135 et jurisprudence citée). En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il ressort de l’examen du deuxième moyen que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a inscrit le nom du requérant sur les listes en cause.

146    Il convient donc de rejeter le quatrième moyen.

 Sur le cinquième moyen, soulevé dans les deux mémoires en adaptation, tiré de la violation du droit dêtre entendu et de lobligation du Conseil de revoir sa décision

147    Le requérant  soutient, en substance, que les actes de maintien violent ses droits de la défense et son droit d’être entendu, dans la mesure où le Conseil ne l’a pas entendu avant l’adoption desdits actes. Par ailleurs, il fait grief au Conseil d’avoir violé l’obligation de réexamen périodique qui lui incombait. Selon lui, le Conseil n’aurait pas examiné avec soin et impartialité le bien-fondé des motifs allégués à son égard, à la lumière des observations formulées par lui dans la demande de réexamen des 31 mai et 31 octobre 2022, dans la requête, dans la réplique ainsi que dans ses observations du 20 janvier 2023. Il reproche également au Conseil d’avoir renvoyé à ses écritures en défense devant le Tribunal. Enfin, s’agissant des seconds actes de maintien, le requérant fait grief au Conseil d’avoir initialement accordé un délai extrêmement court pour présenter des observations sur la lettre du 22 décembre 2022 et d’avoir prolongé ce délai tardivement.

148    Le Conseil conteste le bien-fondé de ce moyen.

149    En premier lieu, s’agissant de la prétendue violation de son droit d’être entendu, il convient de rappeler que, lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer à nouveau les éléments retenus à charge. La communication des éléments à charge s’impose, en revanche, lorsqu’il existe des éléments nouveaux par lesquels le Conseil réactualise les informations concernant la situation personnelle de la personne ou de l’entité concernée ou la situation politique et sécuritaire du pays à l’encontre duquel le régime de mesures restrictives a été adopté (voir arrêt du 22 juin 2022, Haswani/Conseil, T‑479/21, non publié, EU:T:2022:383 point 85 et jurisprudence citée).

150    Or, force est de constater que tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que, de l’aveu du requérant, les motifs des premiers et des seconds actes de maintien sont les mêmes que ceux déjà invoqués à l’occasion de l’inscription initiale. En effet, les modifications des listes en cause ne concernent pas le requérant, dont les réinscriptions restent identiques à l’inscription initiale (voir points 19 et 25 ci-dessus).

151    D’ailleurs cela est corroboré par le fait que, dans ses mémoires en adaptation, le requérant se réfère aux moyens soulevés à l’encontre de l’inscription initiale sans soulever d’élément nouveau particulier.

152    Le requérant ne saurait donc valablement soutenir que le Conseil a violé, dans les premiers et dans les seconds actes de maintien, ses droits de la défense et son droit d’être entendu.

153    En deuxième lieu, s’agissant de la prétendue violation de l’obligation de réexamen périodique, il y a lieu de constater que le Conseil, après réception de la demande de réexamen du requérant du 31 mai 2022, lui a adressé une lettre le 15 septembre 2022, dans laquelle il a indiqué avoir examiné ses observations et a conclu, en substance, qu’elles ne remettaient pas en cause l’appréciation qu’il avait faite selon laquelle il existait des motifs suffisants pour maintenir son nom sur les listes en cause.

154    Après avoir notamment rappelé les critères applicables, le Conseil a, premièrement, répondu aux arguments du requérant tirés d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation. Il a expliqué qu’il n’avait constaté aucune erreur d’appréciation dans l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause. Cette appréciation reposait sur le fait que, selon lui, le requérant était, et demeurait, actionnaire majoritaire avec 79,76 % des parts, président du conseil d’administration de MMK. Il a rappelé que MMK était une société russe de premier plan du secteur métallurgique, lequel, selon le service fédéral des impôts de la Fédération de Russie, était responsable de 2,36 % du budget total du pays, si l’on ne prenait en considération que les impôts directs. Le Conseil a précisé qu’il considérait les recettes générées par le secteur métallurgique comme étant substantielles. Il a souligné à nouveau que MMK était une société de premier plan dans ce secteur et l’un des plus importants contribuables de la Fédération de Russie. En outre, le Conseil a expliqué, en réponse à l’argument avancé par le requérant dans sa demande de réexamen, que la charge fiscale exacte de MMK, bien que caractéristique des contributions de l’ensemble du secteur et, à ce titre, figurant dans les éléments de preuve, ne constituait pas le fondement de la désignation. Le Conseil a, par ailleurs, fourni des explications supplémentaires sur les raisons pour lesquelles les arguments relatifs à une prétendue violation du principe de proportionnalité ou à une prétendue discrimination étaient hors de propos et n’avaient donc pas été pris en compte. Deuxièmement, le Conseil a renvoyé à son mémoire en défense compte tenu de la similarité des arguments présentés dans la demande de réexamen et dans la requête de cette affaire.

155    De même, après réception de la demande de réexamen du 31 octobre 2022 et des observations du 20 janvier 2023, le Conseil lui a adressé une lettre le 14 mars 2023 dans laquelle il a indiqué avoir examiné ses observations et a conclu, en substance, qu’elles ne remettaient pas en cause l’appréciation qu’il avait faite selon laquelle il existait des motifs suffisants pour maintenir son nom sur les listes en cause.

156    Or, il ressort de cette lettre que le Conseil a de nouveau brièvement répondu aux arguments du requérant tirés d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation du principe de proportionnalité et d’une violation des droits fondamentaux, soulevés tant dans la demande de réexamen du 31 octobre 2022 que dans les observations du 20 janvier 2023. Eu égard à la similitude des arguments avancés par le requérant dans la seconde demande de réexamen par rapport à la première demande, le Conseil l’a renvoyé à ses explications fournies dans sa lettre du 15 septembre 2022 et aux arguments présentés dans le cadre de la présente procédure à l’encontre des actes initiaux et des premiers actes de maintien. Il a, notamment, souligné qu’aucune erreur d’appréciation n’avait eu lieu au moment du renouvellement des mesures restrictives prises à l’encontre du requérant, étant donné qu’il restait actif au sein de la société MMK. En outre, il a indiqué que, lors de l’analyse de la demande de réexamen du 31 octobre 2022, il était clair pour le Conseil que la situation du requérant n’avait pas changé depuis son inscription initiale et que, par conséquent, les mêmes arguments pouvaient s’appliquer mutatis mutandis. Il a donc estimé qu’il ne faisait aucun doute que le Conseil avait motivé à la fois la prorogation des mesures restrictives en question pour une nouvelle période de six mois et le rejet de la seconde demande de réexamen.

157    Il découle donc clairement des explications du Conseil, reprises aux points 154 et 156 ci-dessus, que celui-ci a non seulement analysé les deux demandes de réexamen, mais qu’il a également exposé les raisons pour lesquelles il considérait que la situation du requérant n’avait pas changé depuis l’adoption des actes initiaux. S’agissant du renvoi à son mémoire en défense, il ressort des lettres des 15 septembre 2022 et 14 mars 2023 que, en raison de la similitude des arguments avancés par le requérant dans ses demandes de réexamen, le Conseil a estimé que ses précédentes observations dans le cadre de la présente affaire étaient applicables. Or, contrairement à ce que le requérant soutient, cela ne signifie pas qu’il n’a pas effectué une appréciation actualisée. Il en résulte au contraire que le Conseil a considéré que les motifs du maintien du nom du requérant sur les listes en cause étaient les mêmes que ceux qui avaient justifié son inscription initiale.

158    Enfin, doit également être rejeté l’argument selon lequel le requérant n’aurait pas disposé d’un délai raisonnable pour présenter ses observations avant le maintien de son nom sur les listes en cause en mars 2023.

159    À cet égard, il y a lieu de souligner que, il a déjà été jugé qu’un délai de douze jours pour présenter des observations dans le cadre d’un renouvellement de mesures restrictives était suffisant (voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2020, Ocean Capital Administration e.a./Conseil, T‑332/15, non publié, EU:T:2020:308, point 191, et du 27 avril 2022, Amisi Kumba/Conseil, T‑107/21, non publié, EU:T:2022:252, point 68).

160    Or, en l’espèce, le requérant a bénéficié au total de plus de quatre semaines pour présenter ses observations sur la lettre du Conseil du 22 décembre 2023, soit près de deux mois avant l’adoption des seconds actes de maintien. Quand bien même il y aurait lieu de considérer que le délai initial de trois semaines a été prorogé tardivement comme le soutient le requérant, il n’en demeure pas moins qu’un tel délai pour présenter ses observations ne saurait être considéré comme étant déraisonnable. Cela est d’autant plus vrai compte tenu du fait que, ni la situation de l’Ukraine ni celle du requérant n’avait changé depuis l’adoption des actes initiaux et que la lettre du 22 décembre 2022 et le second dossier WK pouvaient laisser présager que les motifs d’inscription dans les actes de maintien à adopter seraient similaires ou identiques à ceux des actes précédemment adoptés.

161    Il y a donc lieu d’écarter l’argument du requérant selon lequel le Conseil aurait violé son obligation de réexamen périodique et, par conséquent, de rejeter le cinquième moyen.

162    À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le cinquième moyen et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur la demande dadoption dune mesure dorganisation de la procédure

163    Le requérant demande au Tribunal d’ordonner au Conseil, par voie de mesure d’organisation de la procédure, de produire le dossier administratif confidentiel l’ayant conduit à inscrire son nom sur les listes en cause.

164    Le Conseil fait valoir qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande au motif que tous les éléments concernant l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont ceux transmis au requérant et figurent dans le dossier WK.

165    À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (arrêts du 10 juillet 2001, Ismeri Europa/Cour des comptes, C‑315/99 P, EU:C:2001:391, point 19, et du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 67).

166    En l’espèce, compte tenu du fait que le Conseil affirme ne pas disposer d’autres éléments que ceux figurant dans le dossier WK transmis au requérant, il n’est pas nécessaire de faire droit à cette demande.

 Sur les dépens

167    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Viktor Filippovich Rashnikov est condamné aux dépens.

Spielmann

Gâlea

Tóth

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.