Language of document : ECLI:EU:T:2012:152

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (troisième chambre)

26 mars 2012 (*)

« Concurrence – Règles antidopage – Décision de rejet d’une plainte – Cessation d’activité professionnelle – Disparition de l’intérêt à agir – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑508/09,

Guillermo Cañas, demeurant à Buenos Aires (Argentine), représenté initialement par Mes F. Laboulfie et C. Aguet, puis par MY. Bonnard, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P. Van Nuffel et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de Me J. Derenne, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Agence mondiale antidopage, établie à Lausanne (Suisse), représentée par Me G. Berrisch, avocat, M. D. Cooper, solicitor, et Mme N. Chesaites, barrister,

et par

ATP Tour, Inc., établie à Wilmington, Delaware (États-Unis), représentée par Mes B. van de Walle de Ghelcke et J. Marchandise, avocats,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2009) 7809 de la Commission, du 12 octobre 2009, dans l’affaire COMP/39471, portant rejet pour défaut d’intérêt communautaire d’une plainte concernant une infraction aux articles 81 CE et 82 CE prétendument commise par l’Agence mondiale antidopage, par l’ATP Tour, Inc. et par la Fondation Conseil international de l’arbitrage en matière de sport (CIAS),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits et antécédents du litige

1        Le requérant, M. Cañas, est un joueur de tennis de nationalité argentine actif sur le circuit professionnel de tennis à l’époque des faits.

2        Le Conseil international de l’arbitrage en matière de sport (CIAS) est une fondation d’utilité publique de droit suisse dont le rôle consiste en la supervision de l’administration et du financement du Tribunal arbitral du sport (TAS). Le TAS est une institution indépendante mettant au service du sport international une organisation apte à trancher tous les litiges juridiques ayant un lien avec le sport.

3        ATP Tour, Inc. (ci-après l’« ATP ») est une association américaine qui a pour membres des joueurs de tennis professionnels masculins et des tournois de tennis. L’ATP dirige et organise un championnat, l’ATP Tour, qui constitue un circuit officiel international de tournois de tennis pour les joueurs masculins.

4        L’Agence mondiale antidopage (AMA) est une fondation de droit privé suisse créée en 1999 pour promouvoir, coordonner et superviser sur le plan international la lutte contre le dopage dans le domaine du sport.

5        Dans le 2005 ATP Official Rule Book (règlement officiel ATP 2005) est inclus un règlement antidopage (ci-après les « règles antidopage de l’ATP ») qui est basé sur le code mondial antidopage, promulgué en 2003 (ci-après le « code »). L’AMA édicte le code et supervise, entre autres, l’application de ces règles par les organismes sportifs et les laboratoires d’analyses antidopage.

6        Le 21 février 2005, le requérant a été contrôlé positif à un contrôle antidopage à l’occasion d’un tournoi de tennis à Acapulco, au Mexique. Le contrôle positif a révélé la présence d’hydrochlorothiazide (HTC), un diurétique figurant à cette époque sur la liste des substances interdites par les règles antidopage de l’ATP. Le 7 août 2005, l’ATP l’a suspendu pour une durée de 24 mois et lui a demandé de restituer l’intégralité des gains perçus depuis le tournoi en question.

7        Le requérant a saisi le TAS d’un recours contre la décision de suspension. Le TAS, en concluant que le requérant n’avait pas commis de faute ni de négligence significative, a réduit la durée de suspension à 15 mois, a diminué le montant des gains à restituer à l’ATP et a décidé que, pour des raisons d’équité, les résultats obtenus par le requérant ne seraient pas annulés, à l’exception de celui du tournoi d’Acapulco. Sur recours du requérant devant le Tribunal fédéral de Lausanne (Suisse), ledit tribunal a annulé la sentence du TAS au motif que le droit du requérant à être entendu avait été méconnu par le TAS. Toutefois, le 23 mai 2007, le TAS a réaffirmé sa position dans une sentence révisée à l’encontre de laquelle le requérant n’a pas introduit de recours.

8        Le 18 juin 2007, le requérant a saisi la Commission des Communautés européennes d’une plainte dans laquelle il a considéré que l’AMA, l’ATP et le CIAS, à la fois indépendamment les uns des autres et collectivement, avaient violé les articles 81 CE et 82 CE. Il ressort de la plainte que, selon le requérant, les règles antidopage de l’ATP et du code sont excessives, car le régime de sanctions qu’elles envisagent ne permet pas de prendre en compte l’effet, en l’occurrence néfaste, d’une substance absorbée accidentellement. Il en ressort également qu’il considère que les règles antidopage ainsi que leur application en l’espèce étaient disproportionnées par rapport à la gravité relative de la faute reprochée. Le requérant indique également dans la plainte que l’AMA, l’ATP et le CIAS ont conclu des accords ou adopté des pratiques concertées restreignant de manière illicite la concurrence entre les joueurs de tennis professionnels. De plus, ces instances auraient, indépendamment les unes des autres et collectivement, abusé de leur position dominante.

9        Par lettre du 16 juillet 2008, la Commission a informé le requérant que, conformément à l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 773/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, relatif aux procédures mises en œuvre par la Commission en application des articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO L 123, p. 18), après un examen des éléments de fait et de droit en sa possession, notamment ceux exposés dans la plainte, elle avait considéré que cette plainte ne présentait pas un degré d’intérêt communautaire suffisant pour justifier la poursuite de l’enquête sur l’infraction alléguée. Par lettre du 25 août 2008, le requérant a répondu à cette lettre en soutenant, notamment, qu’il y avait un véritable intérêt communautaire.

10      Par décision C (2009) 7809, du 12 octobre 2009 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la plainte au motif que les faits mis en avant n’étaient pas d’un intérêt communautaire suffisant pour justifier la poursuite d’investigations plus approfondies, car cela entraînerait un investissement disproportionné par rapport à l’intérêt limité de l’affaire et à la faible probabilité de pouvoir établir, au terme de l’enquête, une quelconque infraction aux règles de concurrence.

11      Le requérant a quitté le circuit professionnel de tennis au premier trimestre 2010.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 décembre 2009, le requérant a introduit le présent recours.

13      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 6 mai 2010, l’AMA et l’ATP ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnances du 25 octobre 2010, le président de la troisième chambre du Tribunal a admis ces interventions.

14      Le 26 octobre 2010, une question écrite a été posée au requérant, en tant que mesure d’organisation de la procédure, au titre de l’article 64 du règlement de procédure, à laquelle il a déféré dans le délai imparti.

15      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 28 septembre 2011, European Elite Athletes Association a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du requérant.

16      Dans le cadre d’une nouvelle mesure d’organisation de la procédure, au titre de l’article 64 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties, le 26 octobre 2011, à présenter leurs observations sur l’éventualité qu’il décide qu’il n’y ait plus lieu à statuer sur la demande du requérant. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti. Après ce délai, l’ATP a soumis un complément à sa réponse, document qui a été versé au dossier. Le 12 décembre 2011, le requérant a, sur demande du Tribunal, soumis ses observations sur les réponses des autres parties à la question écrite du 26 octobre 2011.

17      Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

18      La Commission, soutenue par l’AMA et l’ATP, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

19      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, ce dernier peut à tout moment, d’office, les parties entendues, statuer sur les fins de non-recevoir d’ordre public ou constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer.

20      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide de statuer sans poursuivre la procédure.

 Sur la représentation du requérant

21      Selon l’article 19, troisième et quatrième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, les autres parties doivent être représentées par un avocat et une personne ne peut valablement représenter lesdites parties devant le Tribunal que si elle remplit deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, qu’elle ait la qualité d’avocat et, d’autre part, qu’elle soit habilitée à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après l’« accord EEE ») (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia - Generalidad Valenciana/Commission, C‑363/06 P, non publiée au Recueil, point 21). L’article 44, paragraphe 3, du règlement de procédure prévoit que l’avocat assistant ou représentant une partie est tenu de déposer au greffe un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE.

22      En l’espèce, la requête a été signée conjointement par Mes Laboulfie et Aguet dont il n’est pas contesté qu’ils sont tous les deux des avocats inscrits à au moins un barreau, le premier, aux barreaux de Paris (France) et de Lausanne, et le deuxième, au barreau de Lausanne. Par lettre du 31 mai 2010, la partie requérante a communiqué au greffe que Me Laboulfie était remplacé par Me Bonnard, « également habilité à agir sur le territoire de [l’Union européenne], en l’occurrence à Paris ». Même s’il n’était pas contesté que Me Bonnard fût avocat, la Commission a fait valoir que ce dernier était inscrit au barreau de Paris sur la liste des avocats étrangers admis à y exercer sous leur titre professionnel d’origine et a invité le Tribunal à confirmer qu’un avocat suisse inscrit sous son titre professionnel d’origine au barreau de Paris était bien admis à représenter le requérant devant le Tribunal étant donné le risque potentiel d’un contournement des règles relatives à l’habilitation des avocats devant les juridictions européennes, notamment sur le fondement d’accords bilatéraux entre un État membre et un pays tiers.

23      En premier lieu, la question soulevée par la Commission ne concerne pas la recevabilité de la requête, qui ne saurait être contestée. Celle-ci ayant été signée conjointement par Mes Laboulfie et Aguet et le premier étant admis de plein droit aussi bien au barreau de Lausanne qu’à celui de Paris, tel que cela a été confirmé notamment par les documents transmis en réponse à une question écrite du Tribunal, elle a été introduite par un avocat habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre au sens de l’article 19 du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 3, du règlement de procédure. Le statut de Me Aguet n’est pas déterminant à cet égard.

24      En deuxième lieu, quant à la situation de Me Bonnard, qui a remplacé Me Laboulfie en cours d’instance, il ressort des documents soumis par le requérant en réponse à une question écrite du Tribunal que Me Bonnard est inscrit, outre au barreau de Lausanne, au barreau de Paris sous son titre d’origine sur la liste tenue en application de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO L 77, p. 36).

25      À cet égard, il doit être rappelé que la Communauté et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, ont signé le 21 juin 1999 sept accords, dont celui sur la libre circulation des personnes (ci-après l’« accord »). Par décision 2002/309/CE, Euratom du Conseil et de la Commission concernant l’accord de coopération scientifique et technologique, du 4 avril 2002, relative à la conclusion de sept accords avec la Confédération suisse (JO L 114, p. 1), ces sept accords ont été approuvés au nom de la Communauté et sont entrés en vigueur le 1er juin 2002. L’accord vise, entre autres, conformément à son article 1er, sous a) et b), à octroyer, en faveur des ressortissants des États membres de l’Union et de la Confédération suisse, un droit d’entrée, de séjour, d’accès à une activité économique salariée, d’établissement en tant qu’indépendant et le droit de demeurer sur le territoire des parties contractantes ainsi qu’à faciliter la prestation de services sur le territoire des parties contractantes, en particulier celle de courte durée.

26      Il ressort de l’annexe III de l’accord, relative à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, qui en fait partie intégrante, que les avocats suisses peuvent se prévaloir de la directive 98/5.

27      Il convient aussi de relever que l’article 2, paragraphe 1, de la directive 98/5 indique que tout avocat a le droit d’exercer à titre permanent, dans tout autre État membre, sous son titre professionnel d’origine, les activités d’avocat telles que précisées à son article 5. Ledit article 5 prévoit dans son paragraphe 3 que, pour l’exercice des activités relatives à la représentation et à la défense d’un client en justice et dans la mesure où le droit de l’État membre d’accueil réserve ces activités aux avocats exerçant sous le titre professionnel de cet État, ce dernier peut imposer aux avocats exerçant sous leur titre professionnel d’origine d’agir de concert soit avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie et qui serait responsable, s’il y a lieu, à l’égard de cette juridiction, soit avec un « avoué » exerçant auprès d’elle.

28      C’est dans ce contexte que le décret français n° 91‑1197, du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat, tel que modifié (JORF du 28 novembre 1991, p. 15502), régit l’exercice permanent par un avocat suisse de son activité professionnelle en France sous son titre d’origine en assimilant ce dernier à un avocat local, sous réserve de son article 203‑1, qui décrit une procédure spécifique en cas de manquement aux règles professionnelles. Il ressort dudit décret que, même si la directive 98/5, lue ensemble avec l’annexe III de l’accord, offrait la possibilité aux États membres d’imposer aux avocats suisses qui s’établissent de manière permanente sur le territoire desdits États membres pour y pratiquer sous leur titre d’origine, l’obligation d’agir de concert avec un avocat local, le droit français n’impose pas une telle obligation.

29      Ceci est confirmé, en l’espèce, par la lettre du 4 novembre 2010 de l’ordre des avocats du barreau de Paris, soumis par le requérant en réponse à une question écrite du Tribunal, selon laquelle Me Bonnard peut « exercer la profession d’avocat avec toutes ses prérogatives et qu’en conséquence [il] peut agir seul devant les [t]ribunaux [f]rançais ».

30      Dans ces circonstances, il doit être considéré que MBonnard a fourni un document de légitimation certifiant qu’il est habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE et que, notamment, il est lié par les règles juridiques et déontologiques auxquelles est soumis l’exercice de la profession d’avocat dans ces États, condition formulée dans l’ordonnance du Tribunal du 24 février 2000, FTA e.a./Conseil (T‑37/98, Rec. p. II‑373, point 25).

31      Quant aux arguments de la Commission selon lesquels, d’une part, la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats (JO L 78, p. 17) et la directive 98/5 ne sauraient avoir pour effet de modifier le règlement de procédure, leurs dispositions concernant la représentation devant les tribunaux des États membres et les limites de celle-ci et selon lesquels, d’autre part, il existe un risque potentiel de contournement des règles relatives à l’habilitation des avocats devant les juridictions européennes, notamment sur le fondement d’accords bilatéraux entre un État membre et un pays tiers, ils ne sauraient remettre en cause cette appréciation.

32      Il est vrai que la Confédération suisse n’a pas adhéré au marché intérieur de la Communauté qui vise à lever tous les obstacles pour créer un espace de liberté de circulation totale analogue à celui offert par un marché national, qui comprend, en outre, la libre prestation de services et la liberté d’établissement (voir arrêt de la Cour du 15 juillet 2010, Hengartner et Gasser, C‑70/09, non encore publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée). Dans ces conditions, l’interprétation donnée aux dispositions du droit de l’Union concernant ce marché intérieur ne peut pas être automatiquement transposée à l’interprétation de l’accord, sauf dispositions expresses à cet effet prévues par l’accord lui-même (voir arrêt Hengartner et Gasser, précité, point 42, et la jurisprudence citée).

33      Par ailleurs, la directive 98/5, et par son biais le droit de libre circulation accordé aux avocats de la Confédération suisse, concerne effectivement l’exercice de la profession d’avocat dans les États membres.

34      Cependant, la condition suivant laquelle l’avocat doit être habilité à exercer devant une juridiction d’un État membre ou d’un autre État partie à l’accord EEE, énoncée à l’article 19 du statut de la Cour et à l’article 44, paragraphe 3, du règlement de procédure, renvoie à la situation dans les États membres, dont le droit intègre les dispositions de la directive 98/5.

35      Le droit français assimilant l’avocat suisse établi à titre permanent, mais pratiquant sous son titre d’origine, à l’avocat français pour ce qui concerne son droit de représenter des clients devant les tribunaux français, Me Bonnard remplit les conditions de ces dispositions. Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, le texte du règlement de procédure est pleinement respecté si Me Bonnard est admis à représenter des parties devant le Tribunal.

36      Par ailleurs, l’origine du droit de Me Bonnard n’est pas une convention bilatérale entre la République française et un État tiers, mais l’accord conclu en 1999 entre la Communauté et ses États membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part. Le risque de contournement du règlement de procédure par le biais de conventions bilatérales entre des États membres et des États tiers auquel la Commission fait allusion est donc sans pertinence en l’espèce, chaque cas devant être examiné de manière individuelle.

37      Dès lors, il ressort notamment de l’examen du droit français ci-dessus que Me Bonnard doit être considéré comme étant habilité à représenter le requérant devant le Tribunal en remplacement de Me Laboulfie et que, par ailleurs, la réplique, cosignée par Me Bonnard et Me Aguet, a été valablement soumise.

38      En troisième lieu, en ce qui concerne la situation de Me Aguet, dans la lettre du 31 mai 2010, celui-ci réclame le droit de représenter le requérant devant le Tribunal. À cet égard, d’une part, il s’interroge sur la raison pour laquelle les significations effectuées par le Tribunal ne lui sont pas également adressées et, d’autre part, il demande que le Tribunal prenne formellement position sur la question de savoir si le règlement de procédure est compatible avec l’accord. La Commission soutient que Me Aguet ne peut valablement agir devant le Tribunal en tant qu’avocat inscrit au seul barreau de Lausanne.

39      Il doit être précisé que MAguet, qui, contrairement à Me Bonnard, n’est pas établi dans un État membre de l’Union pour y exercer la profession d’avocat à titre permanent, mais est uniquement inscrit à un barreau suisse, invoque son droit à la libre prestation de services pour représenter des parties devant le Tribunal.

40      À cet égard, l’article 5 de l’accord précise en son paragraphe 1 que, sans préjudice d’autres accords spécifiques relatifs à la prestation de services entre les parties contractantes, un prestataire de services bénéficie du droit de fournir un service pour une prestation sur le territoire de l’autre partie contractante qui ne dépasse pas 90 jours de travail effectif par année civile et que l’article 17 de l’annexe I dudit accord, relatif à la libre circulation des personnes, prévoit qu’est interdite dans le cadre de la prestation de services, toute restriction à une prestation de services transfrontalière dans le territoire d’une partie contractante ne dépassant pas 90 jours de travail effectif par année civile. Par ailleurs, il ressort de l’annexe III de l’accord, relatif à la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles, que les avocats suisses peuvent se prévaloir de la directive 77/249.

41      Il y a également lieu de rappeler que l’article 5 de la directive 77/249 indique que pour l’exercice des activités relatives à la représentation et à la défense d’un client en justice, chaque État membre peut imposer aux avocats prestataires de services d’agir de concert soit avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie et qui serait responsable, s’il y a lieu, à l’égard de cette juridiction, soit avec un « avoué » ou « procuratore » exerçant auprès d’elle.

42      En l’espèce, il doit être constaté que, au moment de l’introduction de la requête, Me Aguet agissait de concert avec Me Laboulfie, admis de plein droit au barreau de Paris. Il peut dès lors être considéré que cette obligation était, en tout état de cause, remplie en l’espèce aussi longtemps que Me Laboulfie représentait le requérant. Par ailleurs, cette conclusion est valable indépendamment de la question de savoir dans quelle mesure les États membres et les autres États parties à l’accord EEE prévoient pour les avocats qui veulent fournir des prestations de services de représentation devant les tribunaux sur leur territoire dans le cadre de la directive 77/249, et notamment pour les avocats suisses, une obligation d’agir de concert avec un avocat exerçant auprès de la juridiction saisie, et dans quelles conditions une telle obligation devrait alors aussi s’appliquer à l’exercice de telles prestations devant le Tribunal.

43      Enfin, s’agissant de la possibilité pour Me Aguet, en tant qu’avocat admis uniquement à un barreau suisse, de représenter des parties devant le Tribunal agissant de concert avec Me Bonnard, avocat suisse établi dans un État membre pour y fournir des prestations de services sous son titre d’origine, le Tribunal considère que, au vu de l’issue de l’affaire telle qu’elle résulte des points 44 et suivants ci-dessous, il n’est pas nécessaire de se prononcer sur cette question, le requérant étant, en tout état de cause, valablement représenté par Me Bonnard, ainsi que cela résulte des points 24 à 37 ci-dessus.

 Sur la perte de l’intérêt à agir

44      L’intérêt à agir d’une partie requérante au vu de l’objet du recours est, lors de l’introduction de ce dernier, une condition de la recevabilité de celui-ci. Cet intérêt à agir doit cependant perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42, et la jurisprudence citée).

45      Il y a donc lieu d’examiner l’argument de la Commission, soutenue par l’AMA et l’ATP, selon lequel le requérant a perdu son intérêt à obtenir l’annulation de la décision attaquée en cours d’instance, notamment au moment où il a arrêté sa carrière de joueur de tennis professionnel, tel que cela ressort d’un communiqué de presse en date du 26 mars 2010, publié sur le site Internet de l’ATP et que la Commission a versé au dossier. Le requérant ne conteste pas avoir quitté le circuit professionnel de tennis à cette époque, et ce, selon lui, pour cause de blessures répétées.

46      L’intérêt à agir d’une partie requérante suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte (voir arrêt du Tribunal du 19 juin 2009, Socratec/Commission, T‑269/03, non publié au Recueil, point 36, et la jurisprudence citée).

47      En droit de la concurrence, l’intérêt à agir de parties requérantes qui sont destinataires d’une décision rejetant leur plainte ne peut être nié que dans des circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Ufex e.a./Commission, T‑60/05, Rec. p. II‑3397, point 54).

48      Toutefois, il ressort de la jurisprudence que c’est au requérant qu’il appartient d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (ordonnance du président de la deuxième chambre de la Cour du 31 juillet 1989, S./Commission, 206/89 R, Rec. p. 2841, point 8 ; arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, Rec. p. II‑1197, point 31). Il ne saurait en être autrement dans le cas où la partie défenderesse soulèverait un argument tiré de la perte de l’intérêt à agir en cours d’instance.

49      En outre, il a été jugé que, si l’intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, celui-ci doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine. Dès lors, un requérant ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué (arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec. p. II‑2181, point 33 ; Sniace/Commission, point 48 supra, point 26, et Socratec/Commission, point 46 supra, point 39).

50      En l’espèce, il y a donc lieu d’examiner si l’intérêt à agir dont le requérant se prévaut, et dont il n’est pas contesté qu’il existait au moment de l’introduction du recours, a perduré après la fin de sa carrière sportive professionnelle, intervenue au premier trimestre 2010.

51      Le requérant justifie le maintien de son intérêt à agir après sa sortie du circuit professionnel de tennis, en substance, premièrement, par le fait que la Commission est « la mieux placée au monde » pour sanctionner les atteintes au droit de la concurrence en ce qui concerne les tournois de tennis de professionnels organisés à travers l’Union. Il soutient également que les entraves qu’il dénonce sont susceptibles de se reproduire un nombre incalculable de fois étant donnée la portée universelle du code. Il fait valoir, deuxièmement, qu’il est toujours considéré comme un « tricheur » et que le constat effectué par la Commission d’une violation du droit de la concurrence par les entités en cause lui permettrait de leur réclamer des dommages et intérêts. Selon lui, le constat tiré de ce que les règles qu’on lui a opposées sont illicites est une condition sine qua non pour que son honneur soit lavé. Son préjudice serait d’ailleurs actuel et certain. Troisièmement, il soutient que la fin de sa carrière professionnelle ne saurait être utilisée comme un argument à son encontre étant donné la durée nécessairement limitée d’une carrière de sportif de haut niveau et la lenteur de la procédure devant la Commission.

52      Quant à la première des trois raisons apportées par le requérant pour justifier le maintien de son intérêt à agir relative, notamment, à la place centrale qu’occupe la Commission dans la poursuite des entraves au droit de la concurrence à travers l’Union, il y a lieu de rappeler que le présent recours a pour objet l’annulation de la décision qui a rejeté pour défaut d’intérêt communautaire la plainte du requérant visant à faire constater de prétendues violations de l’article 81 CE et 82 CE de la part de l’AMA, l’ATP et le CIAS en raison, notamment, de la conclusion d’accords ou de l’adoption de pratiques concertées restreignant illicitement la concurrence entre les joueurs de tennis professionnels et de l’abus par les entités en cause, indépendamment et collectivement, d’une position dominante. Force est de constater que, comme la Commission l’allègue et contrairement à ce que fait valoir le requérant, les griefs exprimés dans la plainte et les moyens invoqués dans le cadre du présent recours ont clairement été formulés du fait de la qualité spécifique de joueur de tennis professionnel du requérant. Dès lors, étant donné sa sortie du circuit professionnel du tennis, un éventuel réexamen de sa plainte après annulation ne lui procurerait plus de bénéfice direct (voir, par analogie, arrêt Socratec/Commission, point 46 supra, point 41, et la jurisprudence citée).

53      S’agissant de l’argument du requérant, soulevé dans ses observations du 12 décembre 2011, selon lequel, une fois guéri, il entendrait reprendre la compétition comme tant de sportifs avant lui, il invoque ainsi une situation future et incertaine. Pour soutenir son argument, il fait notamment référence au fait que le retour à la compétition après une retraite est monnaie courante et évoque, à cet égard, l’exemple d’un joueur de tennis ayant pris part à la compétition ATP Champions Tour dans laquelle jouent d’anciens champions de tennis. Force est toutefois de constater, d’une part, que la référence à la situation d’un autre ancien joueur de tennis ne rend pas un retour du requérant sur le circuit moins hypothétique et, d’autre part, que le requérant n’établit en aucun cas qu’il remplit les conditions d’admission à cette compétition ni d’ailleurs si les joueurs de celle-ci sont soumis aux règles d’antidopage spécifiques en vertu desquelles il a été sanctionné dans le passé et qu’il a remises en cause dans la plainte.

54      De même, l’argument du requérant, également soulevé dans ses observations du 12 décembre 2011, visant à établir qu’il continue à être soumis aux règles antidopage qu’il a dénoncées dans la plainte dans la mesure où le règlement antidopage de la fédération internationale du tennis, incorporant prétendument les règles de l’AMA, prévoit que ladite fédération continue à être compétente pour poursuivre un joueur de tennis après sa retraite pour des infractions à son programme antidopage ayant eu lieu pendant la carrière de ce joueur, et ce jusqu’à huit ans après sa fin, ne remet pas non plus en cause la conclusion énoncée à la fin du point 52 ci-dessus. En effet, ni la fédération internationale de tennis ni son code antidopage n’ont été évoqués dans la plainte et ceux-ci ne sont donc pas visés par la décision attaquée. L’argument tiré de la pratique de cette fédération et des règles qu’elle applique, sans que d’ailleurs ne soit expliqué comment ladite fédération et son code antidopage sont liés aux organismes et règles mis en cause dans la plainte, reste sans pertinence pour établir le maintien d’un intérêt du requérant à agir en annulation contre la décision attaquée.

55      L’intérêt à agir formulé par rapport au rôle de la Commission et la possibilité qu’elle mène des investigations, après un éventuel arrêt d’annulation de la décision attaquée, à l’égard du circuit professionnel de tennis et des autorités régulatrices qui l’entourent ne relève donc que d’un intérêt général. Or, pour qu’un requérant puisse poursuivre un recours tendant à l’annulation d’une décision, il faut qu’il conserve un intérêt personnel à l’annulation de la décision attaquée (voir arrêt du Tribunal du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, RecFP p. I‑A‑83 et II‑395, point 30, et la jurisprudence citée).

56      Le rôle central de la Commission dans la poursuite d’atteintes au droit de la concurrence au sein de l’Union ne constitue donc pas une justification permettant d’établir un intérêt né et actuel à la poursuite de la présente procédure, l’exigence d’un tel intérêt garantissant en effet, au niveau procédural, que les tribunaux ne soient pas saisis de demandes d’avis ou de questions purement théoriques (arrêt Socratec/Commission, point 46 supra, point 38).

57      Quant à la deuxième justification avancée par le requérant selon laquelle une éventuelle annulation de la décision attaquée lui permettrait de réclamer des dommages et intérêts, il y a lieu de rappeler que, en principe, une partie conserve son intérêt à poursuivre un recours en annulation dès lors qu’il peut constituer la base d’un recours éventuel en responsabilité (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 5 mars 1980, Könecke Fleischwarenfabrik/Commission, 76/79, Rec. p. 665, point 9, et du 31 mars 1998, France e.a./Commission, C‑68/94 et C‑30/95, Rec. p. I‑1375, point 74).

58      Force est toutefois de constater, d’une part, que le requérant ne soutient pas vouloir réclamer des dommages et intérêts à la Commission. D’ailleurs, les dommages dont le requérant fait état dans la requête, à savoir la perte de revenus découlant de l’interdiction d’accéder aux marchés des joueurs de tennis offrant leurs services aux organisateurs de tournoi qui lui avait été imposée pendant la période de sa suspension et les effets personnels et patrimoniaux de sa suspension qui persistent après que celle-ci a été purgée dont, notamment, le fait qu’il soit toujours considéré comme un « tricheur », ne présentent pas de lien avec la décision attaquée qui se limite à rejeter la plainte du requérant relative à des prétendues infractions au droit de la concurrence pour défaut d’intérêt communautaire. La circonstance que, tel qu’il l’allègue notamment dans ses observations du 12 décembre 2011, sa qualité de victime et son préjudice sont actuels et certains et n’ont pas disparus par l’interruption de sa carrière sportive ne lui procure donc pas un intérêt né et actuel à agir en annulation contre la décision attaquée.

59      D’autre part, quant à l’intention du requérant d’obtenir une réparation des entités dont il a dénoncé le comportement dans sa plainte, il y a lieu de relever que, outre le fait qu’il n’a pas introduit de recours devant les tribunaux suisses à l’encontre de la dernière prise de position du TAS du 23 mai 2007, le requérant n’a pas non plus intenté de recours en indemnité à l’encontre des entités en cause à la fin de la procédure écrite.

60      Quant à la possibilité d’un futur recours en indemnité à l’encontre desdites entités, le requérant relève que le constat qu’elles ont violé le droit de la concurrence aurait pour résultat que la suspension infligée serait déclarée illicite en tout ou partie, ce qui lui permettrait de leur réclamer des dommages et intérêts. Or, le recours en annulation est exclusivement dirigé contre la décision attaquée, qui ne peut être imputée qu’à la Commission et, par conséquent, une annulation de cette décision ne peut pas être à l’origine d’un recours en indemnité à l’encontre des entités dont le requérant dénonce le comportement (voir, en ce sens, arrêt Socratec/Commission, point 46 supra, point 43). En effet, le droit de réclamer des dommages et intérêts en réparation de préjudices causés par des pratiques anticoncurrentielles adoptées en violation des articles 81 CE et 82 CE peut être exercé indépendamment de toute décision préalable de la Commission.

61      À cet égard, il a déjà été rappelé au point 58 ci-dessus que ladite décision ne comporte pas d’appréciation définitive quant à l’existence d’infractions au droit de la concurrence, car la Commission ne s’y est prononcée que sur l’absence d’intérêt communautaire pouvant justifier la poursuite d’investigations plus approfondies de sa part. Elle ne concerne pas non plus une prise de position qui aurait relevé de la compétence exclusive de la Commission au vu de l’applicabilité directe des articles 81 CE et 82 CE (voir, par analogie, ordonnance du Tribunal du 17 octobre 2005, First Data e.a./Commission, T‑28/02, Rec. p. II‑4119, point 50).

62      Quant à la circonstance qu’aucune des entités dont il a dénoncé le comportement à la Commission n’est établie à l’intérieur de l’Union, elle ne lui confère pas non plus un intérêt plus qu’hypothétique à agir en annulation à l’encontre de la décision attaquée. Quant à l’introduction d’une éventuelle action en réparation aux États-Unis où l’ATP est établie, le requérant n’avance aucun argument permettant de comprendre en quoi l’annulation de la décision attaquée permettrait de faciliter une telle démarche.

63      S’agissant d’une éventuelle action en réparation devant un juge suisse, où notamment l’AMA et le CIAS ont leur siège, le requérant rappelle que, dans sa sentence du 23 mai 2007, le TAS a estimé que les règles antidopage de l’ATP ne violaient pas le droit communautaire. Selon le requérant, il est donc nécessaire que la Commission constate le caractère illégal desdites règles et des comportements qu’il a dénoncés avant qu’un juge suisse puisse ne pas tenir compte de cette conclusion du TAS. À cet égard, il fait valoir également que l’article 15 de la loi fédérale suisse sur les cartels et autres restrictions de concurrence prévoit que, lorsque la légalité d’une restriction de concurrence est mise en cause au cours d’une procédure civile, l’affaire est soumise à la commission suisse de la concurrence pour avis. Or, cette dernière n’est compétente que pour des affaires ayant des effets sur le territoire suisse.

64      Force est de constater qu’il découle de la disposition mentionnée par le requérant que, dans une procédure en dommages et intérêts devant le juge civil suisse, un avis sera demandé à la commission suisse de la concurrence sur l’existence d’un comportement restreignant la concurrence en Suisse. Or, même si un avis de celle-ci était une base nécessaire et suffisante pour procéder à l’octroi de dommages et intérêts à une personne s’estimant lésée par un tel comportement, la disposition en cause ne permet pas de déduire qu’un juge suisse est en droit d’accorder des dommages et intérêts sur la base d’une hypothétique décision de la Commission relative à des infractions aux articles 81 CE et/ou 82 CE.

65      Enfin, ainsi qu’il a déjà été rappelé, la circonstance que le requérant puisse être considéré comme un « tricheur » ne découle pas de la décision attaquée ni des comportements que la Commission était appelée à examiner, mais est liée à la décision de suspension prononcée par l’ATP et revue par le TAS. Or, la procédure engagée par le requérant devant la Commission ne pouvait pas mener à une annulation de cette décision en tant que telle.

66      Il résulte de ce qui précède qu’il est, tout au plus, hypothétique qu’une nouvelle décision à la suite d’un éventuel arrêt d’annulation puisse servir comme base d’un recours en indemnité à l’encontre des entités en cause. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 49 ci-dessus, une partie requérante ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué. La deuxième justification invoquée par le requérant ne permet donc pas davantage d’établir un intérêt né et actuel à la poursuite de la présente procédure.

67      Enfin, quant à la troisième justification apportée par le requérant selon laquelle c’est la lenteur de la procédure devant la Commission qui fait que le présent recours n’a pas pu aboutir avant la fin de sa carrière professionnelle nécessairement courte de sportif de haut niveau, elle ne saurait suffire à écarter la circonstance factuelle certaine qu’il est sorti du circuit professionnel du tennis.

68      En effet, d’une part, il semble douteux que la lenteur d’une procédure administrative puisse justifier le maintien de l’intérêt à agir en annulation d’un requérant qui a cessé son activité professionnelle un marché pour des raisons qui lui sont propres. D’autre part, en tout état de cause, un délai de 30 mois depuis le dépôt de la plainte, d’ailleurs à un moment où la suspension du requérant avait déjà été purgée, jusqu’à la décision finale ne doit pas être regardé comme ayant un caractère excessif, au vu des démarches à respecter relevées par la Commission, telles que, le recueil des observations des parties intéressées, le droit du plaignant à être entendu, les consultations interservices, l’accès au dossier et le traitement de questions de confidentialité. Le requérant ne remet d’ailleurs pas en cause la durée de la procédure administrative dans le cadre des moyens avancés dans la requête.

69      Dans la mesure où l’argumentation du requérant selon laquelle la brièveté des carrières sportives de haut niveau implique qu’aucun sportif professionnel ne peut jamais saisir le Tribunal et encore moins la Cour doit être interprétée comme soulevant une atteinte à son droit d’accès au juge, il doit être rappelé que, si l’exigence d’un intérêt à agir peut apparaître comme une limitation au droit à un tribunal, cette condition ne constitue manifestement pas une atteinte à la substance même de ce droit. En effet, l’exigence que le requérant ait, au moment de l’introduction du recours et jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, un intérêt à agir contre un acte lui faisant prétendument grief tend à un but légitime qui est finalement celui d’éviter, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, que le juge de l’Union soit saisi de questions purement théoriques, dont la solution n’est pas susceptible d’entraîner des conséquences juridiques ou, comme dans le cas d’espèce, de procurer un bénéfice au requérant.

70      Il résulte de ce qui précède que le retrait du requérant du circuit professionnel du tennis et les autres circonstances exceptionnelles de l’espèce examinées ci-dessus font qu’il a perdu son intérêt né et actuel à la poursuite de la présente procédure. Dès lors, il n’y a plus lieu de statuer sur la présente affaire ni, par conséquent, sur la demande en intervention d’European Elite Athletes Association.

 Sur les dépens

71      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

72      En l’espèce, étant donné que la cause du non-lieu à statuer se trouve dans la situation du requérant et que celui-ci a omis d’informer le Tribunal de l’arrêt de son activité de joueur professionnel de tennis à la suite de l’introduction de la requête, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

73      Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supporte ses propres dépens. En l’espèce, les parties intervenues au soutien de la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le présent recours.

2)      Guillermo Cañas supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      L’Agence mondiale antidopage et ATP Tour, Inc. supporteront leurs propres dépens.

4)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la demande en intervention d’European Elite Athletes Association.

Fait à Luxembourg, le 26 mars 2012.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      O. Czúcz


* Langue de procédure : le français.