Language of document : ECLI:EU:T:2009:456

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

19 novembre 2009 (*)

« Pourvoi – Pourvoi incident – Fonction publique – Fonctionnaires – Notation – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2003 – Attribution d’une note de mérite en l’absence de tâches à effectuer – Préjudice moral – Obligation de motivation du Tribunal de la fonction publique »

Dans l’affaire T‑49/08 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 22 novembre 2007, Michail/Commission (F‑67/05, non encore publié au Recueil), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

Christos Michail, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par MC. Meïdanis, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall et Mme K. Herrmann, en qualité d’agents, assistés de ME. Bourtzalas, avocat,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme I. Pelikánová (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice, le requérant, M. Christos Michail, demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 22 novembre 2007, Michail/Commission (F‑67/05, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a partiellement rejeté son recours visant à l’annulation de son rapport d’évolution de carrière établi pour la période allant du 1er avril au 31 décembre 2003 (ci-après le « REC 2003 »), l’annulation de la décision du 15 avril 2005 portant rejet de sa réclamation dirigée contre le REC 2003, ainsi que la condamnation de la Commission des Communautés européennes à lui payer la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral qui lui aurait été causé par le REC 2003.

 Cadre juridique

2        L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à l’époque des faits litigieux (ci-après le « statut »), dispose :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution […] »

3        Le 3 mars 2004, la Commission a adopté une décision relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE »).

4        L’article 1er, paragraphe 1, des DGE énonce :

« Conformément à l’article 43 du statut […], un exercice d’évaluation est organisé au début de chaque année. La période de référence pour l’évaluation s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente.

À cette fin, un rapport annuel, appelé rapport d’évolution de carrière, est établi pour chaque fonctionnaire au sens de l’article 1er du statut […], qui a été dans une position d’activité […] pendant au moins un mois continu au cours de la période de référence. Les fonctionnaires […] concernés sont dénommés ci-après ‘titulaires de poste’. Le rapport couvre les périodes pendant lesquelles le titulaire de poste a été en activité […] »

5        Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, des DGE :

« L’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire de poste. Une note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets, comme indiqué dans le modèle de rapport joint en annexe II. »

6        Le modèle de rapport joint à l’annexe II des DGE prévoit trois échelles distinctes pour les trois rubriques d’évaluation, le nombre maximal de points étant de 10 pour le rendement, de 6 pour la compétence et de 4 pour la conduite dans le service.

7        Dans le cadre de la procédure d’évaluation, les articles 2 et 3 des DGE prévoient l’intervention, premièrement, de l’évaluateur, qui est, en règle générale, le chef d’unité, en tant que supérieur hiérarchique direct du fonctionnaire évalué, deuxièmement, du validateur, qui est, en règle générale, le directeur, en tant que supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur, et, troisièmement, de l’évaluateur d’appel, qui est, en règle générale, le directeur général, en tant que supérieur hiérarchique direct du validateur.

8        Quant au déroulement concret de la procédure d’évaluation, l’article 8, paragraphe 4, des DGE dispose que, dans les huit jours ouvrables suivant la demande de l’évaluateur, le titulaire de poste établit une autoévaluation qui est intégrée dans le rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC »). Dix jours ouvrables au plus tard après communication de l’autoévaluation par le titulaire du poste, l’évaluateur et le titulaire de poste tiennent un dialogue formel, qui, en application de l’article 8, paragraphe 5, quatrième alinéa, des DGE, porte sur trois éléments : l’évaluation des prestations du titulaire de poste pendant la période de référence, la fixation des objectifs pour l’année qui suit la période de référence et la définition d’une carte de formation. Conformément à l’article 8, paragraphe 6, des DGE, à la suite de l’entretien entre le fonctionnaire et l’évaluateur, ce dernier rédige un projet de REC, qui comporte notamment les appréciations relatives au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service et une proposition de note de mérite cohérente avec les indications données lors du dialogue formel. L’évaluateur et le validateur finalisent ensuite le REC et le communiquent au titulaire de poste. Le fonctionnaire évalué a alors le droit de demander un entretien avec le validateur, lequel a la faculté soit de modifier, soit de confirmer le REC. Ensuite, le fonctionnaire évalué peut demander au validateur de saisir le comité paritaire d’évaluation prévu à l’article 9 des DGE, dont le rôle consiste à vérifier si le REC a été établi équitablement, objectivement, c’est-à-dire dans la mesure du possible sur des éléments factuels, et conformément aux DGE et au guide pour l’évaluation. Le comité paritaire d’évaluation émet un avis motivé sur la base duquel l’évaluateur d’appel soit modifie, soit confirme le REC ; si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision.

 Faits à l’origine du litige

9        Les faits à l’origine du litige ont été exposés, aux points 9 à 18 de l’arrêt attaqué, de la manière suivante :

« 9      Le requérant était, entre le 1er avril et le 31 décembre 2003 (ci-après la ‘période de référence’), fonctionnaire de la Commission de grade A 4.

10      À la suite de la suppression, le 31 décembre 2002, de la direction générale (DG) ‘Contrôle financier’, où il exerçait les fonctions de contrôleur financier depuis 1987, le requérant a été affecté, par une décision du 11 juin 2003, prenant effet le 1er avril 2003, à la DG ‘Agriculture’.

11      Entre le 1er septembre et le 31 décembre 2003, l’unité d’affectation du requérant était, selon l’intéressé, l’unité J.1 ‘Coordination des questions horizontales relatives à l’apurement des comptes : audit financier’, selon la Commission, l’unité I.5 ‘Personnel et administration’ (ci-après l’‘unité I.5’) de la DG ‘Agriculture’.

12      Le 16 juin 2004, le chef de l’unité I.5 a établi, en qualité d’évaluateur, le projet de REC 2003 du requérant. Ce projet aboutissait à une note globale de 13/20, à savoir 6/10 au titre du rendement, 4/6 au titre de la compétence et 3/4 au titre de la conduite dans le service.

13      Suite à une demande de révision émanant du requérant, le directeur de la direction I ‘Gestion des ressources’ a, en qualité de validateur, confirmé le REC 2003 en date du 10 septembre 2004.

14      Le 20 septembre 2004, le requérant a refusé le REC 2003 et a sollicité la saisine du CPE.

15      Lors de sa réunion du 6 octobre 2004, le CPE a procédé à l’examen du REC 2003 du requérant et, dans son avis adopté à l’unanimité, a estimé que ‘les motifs du [requérant n’étaient] pas fondés’.

16      Le 13 octobre 2004, le directeur général adjoint de la DG ‘Agriculture’ a, en qualité d’évaluateur d’appel, confirmé le REC 2003, qui est ainsi devenu définitif.

17      Par une note du 18 novembre 2004, enregistrée le jour même auprès de la DG ‘Personnel et administration’, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, tendant à l’annulation de son REC 2003.

18      Par décision du 15 avril 2005, notifiée le 18 avril suivant, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’‘AIPN’) a rejeté cette réclamation. »

 Procédure en première instance et arrêt attaqué

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 juillet 2005, le requérant a demandé l’annulation du REC 2003, l’annulation de la décision du 15 avril 2005 portant rejet de sa réclamation dirigée contre le REC 2003, ainsi que la condamnation de la Commission à lui payer la somme de 90 000 euros en réparation du préjudice moral qui lui aurait été causé par le REC 2003.

11      Le recours a initialement été enregistré au greffe du Tribunal sous la référence T‑284/05.

12      Par ordonnance du 15 décembre 2005, le Tribunal, en application de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 2004/752/CE, Euratom du Conseil, du 2 novembre 2004, instituant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (JO L 333, p. 7), a renvoyé la présente affaire devant le Tribunal de la fonction publique. Le recours a été enregistré au greffe du Tribunal de la fonction publique sous la référence F‑67/05.

13      À l’appui de ses deux premiers chefs de conclusions, à savoir la demande d’annulation du REC 2003 et la demande d’annulation de la décision du 15 avril 2005 portant rejet de la réclamation introduite contre le REC 2003, le requérant a soulevé sept moyens, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 43 du statut et des DGE, deuxièmement, d’un défaut de motivation, troisièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation, quatrièmement, d’un harcèlement moral, cinquièmement, d’un détournement de pouvoir, sixièmement, d’une violation du « principe général du traitement juste et équitable du personnel de la Commission » et, septièmement, d’une violation du principe général de bonne administration.

14      Au point 23 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a estimé que les deux premiers chefs de conclusions du requérant avaient pour unique objet la demande d’annulation du REC 2003.

15      Au point 34 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a jugé qu’il convenait de faire droit à cette dernière demande et, partant, d’annuler le REC 2003 sur le fondement du premier moyen de la requête, tiré de la violation de l’article 43 du statut et des DGE.

16      Les motifs justifiant d’accueillir le premier moyen de la requête et, sur ce fondement, la demande d’annulation du REC 2003 ont été exposés aux points 28 à 33 de l’arrêt attaqué, de la manière suivante :

« 28      Il convient de rappeler que, selon l’article 43 du statut, ‘[l]a compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans […]’. Par ailleurs, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième alinéa, première phrase, des DGE, ‘[u]n rapport annuel, appelé [REC], est établi pour chaque fonctionnaire au sens de l’article [1er] du statut […], qui a été dans une position d’activité ou de détachement dans l’intérêt du service, pendant au moins un mois continu au cours de la période de référence’.

29      En l’espèce, il est constant que, au cours de la période de référence, le requérant était dans une position d’activité au sens de l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, première phrase, des DGE. La Commission était donc tenue d’établir son REC 2003.

30      Toutefois, il importe également de souligner que l’article 1er, paragraphe 2, des DGE dispose que ‘[l]’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire de poste’, et que cet article précise qu’une ‘note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets […]’. Il ressort de ces dispositions que si l’attribution d’une note visant à évaluer les réalisations et prestations individuelles en fonction des résultats à atteindre est une obligation dans le cas où le titulaire de poste se voit assigner des fonctions déterminées, une telle attribution ne saurait en revanche avoir lieu lorsque ledit titulaire de poste ne se voit confier aucune fonction susceptible de faire l’objet d’une évaluation.

31      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le requérant, quoique en position d’activité au sens de l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, première phrase, des DGE, ne s’est vu confier, lors de la période de référence, aucune fonction susceptible de faire l’objet d’une évaluation. À cet égard, il est constant qu’il n’a été fixé au requérant ni objectifs ni critères d’évaluation au sens de l’article 8, paragraphe 5, sous b), des DGE. Par ailleurs, l’intéressé n’a pu être en mesure de pallier cette absence d’objectifs, puisque, d’une part, il ne pouvait se référer à la description de son poste, dans la mesure où la rubrique 3 ‘Description du poste’ de son REC 2003 n’avait pas été remplie, et que, d’autre part, demeure incertaine la question de savoir à quelle unité particulière l’intéressé avait été affecté. Enfin, s’il est constant que certaines tâches ont été ponctuellement confiées au requérant et que celui-ci a participé pendant cinq jours à un séminaire organisé par l’École nationale d’administration, à Paris, ces tâches et cette formation ne pouvaient suffire de toute évidence à servir de base à une évaluation.

32      Dès lors, le requérant est fondé à soutenir que c’est à tort que la Commission lui a attribué une note de mérite.

33      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument de la Commission selon lequel elle aurait attribué une note de mérite au requérant afin de protéger les intérêts de celui-ci et de garantir son droit à l’évaluation, dès lors que, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, les dispositions précitées de l’article 43 du statut et de l’article 1er, paragraphe 2, des DGE doivent être interprétées comme faisant obstacle à ce que l’administration attribue une note de mérite à un fonctionnaire qui n’aurait été chargé d’aucune fonction. En revanche, l’annulation par le présent arrêt du REC 2003 implique que l’administration devra rechercher tout moyen adéquat de nature à pallier l’absence de note de mérite, en lui attribuant un nombre de points approprié. »

17      S’agissant du troisième chef de conclusions, à savoir la demande indemnitaire, le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 40 de l’arrêt attaqué, que celle-ci devait être rejetée.

18      Les motifs justifiant le rejet de la demande indemnitaire ont été exposés aux points 37 à 39 de l’arrêt attaqué, de la manière suivante :

« 37      Il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, c’est-à-dire en l’absence dans ledit acte de toute appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi en raison de l’acte annulé (arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62).

38      En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que le REC 2003 ne contient aucune appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser.

39      Il y a donc lieu de considérer que l’annulation du REC 2003 constitue, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral que le requérant peut avoir subi en raison de l’acte annulé. »

19      En conséquence, le Tribunal de la fonction publique a, par l’arrêt attaqué, annulé le REC 2003 et rejeté le recours pour le surplus.

 Sur le pourvoi

 Procédure

20      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 18 janvier 2008, le requérant a formé le présent pourvoi.

21      Le 3 juillet 2008, la Commission a déposé son mémoire en réponse, avec pourvoi incident.

22      Par lettre reçue au greffe du Tribunal le 17 juillet 2008, le requérant a formulé une demande, au titre de l’article 143, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, tendant à la présentation d’un mémoire en réplique. Par décision du 15 septembre 2008, le président de la chambre des pourvois a autorisé le requérant à déposer un bref mémoire en réplique limité aux questions de recevabilité.

23      Le 9 septembre 2008, le requérant a déposé, conformément à l’article 143, paragraphe 2, du règlement de procédure, un mémoire en réplique au pourvoi incident.

24      Le 6 octobre 2008, le requérant a déposé son mémoire en réplique.

25      Le 18 novembre 2008, la Commission a déposé son mémoire en duplique.

26      Le 19 novembre 2008, la procédure écrite a été clôturée.

27      Le 27 février 2009, le requérant a déposé au greffe du Tribunal une lettre du 18 novembre 2008, par laquelle l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) lui communiquait sa décision, prise en exécution de l’arrêt attaqué, de lui attribuer 14,5 points de mérite au titre de l’exercice de promotion 2004. Par décision prise le 19 mars 2009, conformément à l’article 7, paragraphe 2, des instructions au greffier du Tribunal, le président du Tribunal (chambre des pourvois) a décidé de verser cette lettre au dossier. Par acte enregistré au greffe du Tribunal le 3 avril 2009, la Commission a présenté ses observations au sujet de ladite lettre.

28      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et a décidé, en application de l’article 146 du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

29      Conformément à l’article 32 du règlement de procédure, un membre de la chambre étant empêché d’assister au délibéré et le juge rapporteur étant le moins ancien au sens de l’article 6 du règlement de procédure, le juge qui le précède immédiatement dans le rang s’est, en conséquence, abstenu de participer au délibéré et les délibérations du Tribunal ont été poursuivies par les trois juges dont le présent arrêt porte la signature.

 Conclusions des parties

30      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi incident ;

–        rejeter le mémoire en réponse ;

–        déclarer le pourvoi recevable ;

–        annuler l’arrêt attaqué, en ce qu’il rejette sa demande indemnitaire ;

–        statuer sur la réparation de son préjudice moral, qui s’élève à la somme de 90 000 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

31      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué, en ce qu’il annule le REC 2003 ;

–        rejeter le pourvoi ;

–        condamner le requérant aux dépens.

32      Il y a lieu d’examiner le pourvoi incident, qui se rapporte à l’annulation du REC 2003, avant le pourvoi principal, qui concerne le rejet de la demande en indemnisation du préjudice moral qui aurait été causé au requérant par le REC 2003.

 Sur le pourvoi incident

33      Par son pourvoi incident, la Commission fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé l’obligation lui incombant de motiver ses décisions, l’article 43 du statut, l’article 8, paragraphe 6, et l’article 1er, paragraphe 1, des DGE, ainsi que la jurisprudence relative à l’établissement des REC en annulant, pour les motifs contenus aux points 30 à 34 de l’arrêt attaqué, le REC 2003. Elle fait, par ailleurs, grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit, outrepassé les limites de sa compétence et fondé sa décision sur des motifs contradictoires en lui ordonnant, au point 33 de l’arrêt attaqué, d’attribuer au requérant un nombre de points approprié pour pallier l’absence de note de mérite.

34      Le requérant soutient, en substance, que le pourvoi incident doit être rejeté comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Sur la recevabilité du pourvoi incident

–       Arguments des parties

35      Le requérant soutient, en substance, que le pourvoi incident ne respecte pas l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure et l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour en ce que, d’une part, il tend à l’annulation partielle de l’arrêt attaqué alors que le mémoire en réponse, auquel il est joint, tend au rejet total du pourvoi principal et, d’autre part, il a été formé au-delà du délai de deux mois à compter de la notification de l’arrêt attaqué à la Commission.

–       Appréciation du Tribunal

36      L’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose :

« Les conclusions du mémoire en réponse tendent :

a)      au rejet, total ou partiel, du pourvoi ou à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal de la fonction publique ;

b)      à ce qu’il soit fait droit, en tout ou en partie, aux conclusions présentées en première instance à l’exclusion de toute conclusion nouvelle. »

37      Dans le cas d’espèce, les conclusions du mémoire en réponse tendent au rejet total du pourvoi principal, en ce qu’il fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir fait droit aux conclusions de la Commission en première instance visant au rejet de la demande indemnitaire du requérant, alors que les conclusions du pourvoi incident tendent à obtenir l’annulation partielle de l’arrêt attaqué, en ce qu’il ne fait pas droit aux conclusions de la Commission en première instance visant au rejet de la demande d’annulation du REC 2003. Les conclusions du pourvoi incident, qui complètent, sans les contredire, les conclusions du mémoire en réponse ne sont pas contraires à l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure, et ne sauraient, dès lors, être rejetées comme étant irrecevables au regard de ce dernier.

38      Il importe, en outre, de préciser que le seul délai auquel un pourvoi incident est soumis est celui prévu à l’article 141, paragraphe 1, du règlement de procédure pour le dépôt du mémoire en réponse, à savoir deux mois à compter de la signification du pourvoi (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 72).

39      Ce délai ayant été respecté, en l’espèce, le pourvoi incident ne saurait être rejeté comme étant irrecevable au motif qu’il serait tardif.

40      Il y a dès lors lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par le requérant à l’encontre du pourvoi incident.

 Sur le fond du pourvoi incident

–       Arguments des parties

41      La Commission fait, en premier lieu, grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé l’obligation lui incombant de motiver ses décisions, l’article 43 du statut, l’article 8, paragraphe 6, et l’article 1er, paragraphe 1, des DGE, ainsi que la jurisprudence relative à l’établissement des REC en annulant le REC 2003 pour les motifs contenus aux points 30 à 34 de l’arrêt attaqué.

42      La Commission fait, tout d’abord, grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir violé l’obligation, qui lui incombe, de motiver ses décisions en n’exposant pas, au point 31 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il considérait que les fonctions particulières exercées par le requérant ne pouvaient servir de base à son évaluation et à la note de mérite qui lui a été attribuée dans le REC 2003. Le Tribunal de la fonction publique aurait, en outre, violé l’article 43 du statut en ce qu’il se serait substitué aux évaluateurs en portant une telle appréciation sur la valeur professionnelle du requérant.

43      La Commission expose ensuite que le Tribunal de la fonction publique a violé l’article 8, paragraphe 6, et l’article 1er, paragraphe 1, des DGE en estimant, au point 33 de l’arrêt attaqué, que le REC 2003 n’aurait pas dû être rédigé et qu’une note de mérite n’aurait pas dû être attribuée au requérant au regard de l’article 43 du statut, ainsi que de l’article 1er, paragraphe 2, des DGE. En vertu de l’article 8, paragraphe 6, lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 1, des DGE, l’administration aurait été tenue, en l’espèce, d’établir le REC 2003 et d’attribuer, dans celui-ci, une note de mérite au requérant.

44      La Commission fait enfin valoir que le Tribunal de la fonction publique a méconnu, au point 33 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence dont il résulte que le REC doit être établi obligatoirement pour la bonne administration et la rationalisation des services de la Communauté européenne et pour la sauvegarde des intérêts des fonctionnaires et, en particulier, de la vocation de ces derniers à la carrière (arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Rounis/Commission, T‑274/04, RecFP p. I‑A‑407 et II‑1849). Même si la situation de l’espèce n’est pas réglementée en tant que telle par le statut, ce serait de manière conforme à cette jurisprudence que le REC 2003 aurait été rédigé et que la note de mérite, qui figure dans celui-ci, aurait été attribuée.

45      La Commission fait, en second lieu, grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir commis une erreur de droit, outrepassé les limites de sa compétence et fondé sa décision sur des motifs contradictoires en lui ordonnant, au point 33 de l’arrêt attaqué, d’attribuer au requérant un nombre de points approprié pour pallier l’absence de note de mérite.

46      La Commission soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une erreur de droit en ce que le Tribunal de la fonction publique a jugé, au point 33 de celui-ci, que les intérêts du requérant pourraient être sauvegardés, malgré l’annulation du REC 2003 et de la note de mérite attribuée dans celui-ci, dans la mesure où la Commission devrait, en conséquence de cette annulation, lui attribuer un nombre de points approprié aux fins de pallier l’absence d’une telle note de mérite. En vertu de l’arrêt attaqué, la Commission ne pourrait attribuer au requérant des points de mérite, ou même des points de priorité dans le cadre de la procédure de promotion en vertu de l’article 45 du statut, dans la mesure où celui-ci ne se serait pas vu confier de fonction utile au cours de l’exercice de référence. Le Tribunal de la fonction publique n’aurait, en outre, pas été compétent pour enjoindre à la Commission de pallier l’absence de note de mérite (arrêt du Tribunal du 2 mars 2004, Di Marzio/Commission, T‑14/03, RecFP p. I‑A‑43 et II‑167, point 63). Il se serait, de plus, contredit en annulant le REC 2003 en ce qu’il attribuait un nombre de points de mérite permettant de sauvegarder les intérêts du requérant, tout en ordonnant à la Commission, comme suite à l’annulation du REC 2003, d’attribuer un nombre de points approprié pour sauvegarder les intérêts de ce dernier.

47      Le requérant réfute l’ensemble des arguments de la Commission et conclut au rejet du pourvoi incident comme étant non fondé.

48      Le requérant conclut, tout d’abord, au rejet du moyen tiré d’une violation par le Tribunal de la fonction publique de l’obligation qui lui incombe de motiver ses décisions, en ce qu’il n’aurait pas exposé les raisons qui l’ont conduit, au point 31 de l’arrêt attaqué, à estimer que les fonctions particulières exercées par le requérant ne pouvaient servir de base à son évaluation au titre de la période couverte par le REC 2003. La Commission aurait omis de tenir compte de l’ensemble des considérations figurant dans ce point, qui permettaient de comprendre le raisonnement suivi à cet égard par le Tribunal de la fonction publique. En outre, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas violé l’article 43 du statut, en substituant sa propre appréciation à celle des évaluateurs, puisqu’il n’aurait pas évalué lui-même les prestations du requérant mais se serait borné à relever un détournement de pouvoir par lesdits évaluateurs (arrêt du Tribunal du 6 mars 2001, Campoli/Commission, T‑100/00, RecFP p. I‑A‑71 et II‑347).

49      Le requérant conclut, ensuite, au rejet du moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 6, et de l’article 1er, paragraphe 1, des DGE ainsi que de la jurisprudence relative à l’établissement des REC. En ce que, dans ce cadre, la Commission tenterait de revenir sur l’appréciation des faits par le Tribunal de la fonction publique, selon laquelle il ne se serait pas vu confier de fonctions susceptibles de faire l’objet d’une évaluation au cours de la période concernée, son moyen devrait être rejeté comme étant irrecevable. Par ailleurs, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas commis d’erreur de droit en interprétant l’article 43 du statut et l’article 1er, paragraphe 2, des DGE en ce sens qu’un fonctionnaire ne peut être évalué lorsqu’il ne s’est vu confier aucune tâche susceptible de faire l’objet d’une évaluation au cours de la période concernée. Toute autre interprétation conduirait à des détournements de pouvoir en permettant, comme en l’espèce, à l’administration de couvrir des fautes commises par ses services en procédant à des évaluations fictives. L’argument selon lequel de telles évaluations permettraient de sauvegarder les intérêts des fonctionnaires intéressés, le REC 2003 préservant en l’occurrence les intérêts du requérant, ne serait pas fondé dans la mesure où, d’une manière générale, tant le fonctionnaire intéressé que l’administration ont intérêt à ce que le REC reflète la réalité et, dans le cas d’espèce, le REC 2003, par son caractère fictif, aurait servi à dissimuler une situation d’exclusion professionnelle contraire tant à l’intérêt personnel du requérant qu’à l’intérêt général du service.

50      Le requérant conclut, enfin, au rejet, comme étant inopérants, des moyens de la Commission dirigés contre une prétendue injonction faite à l’administration, comme suite à l’annulation du REC 2003, de lui attribuer un nombre de points approprié aux fins de pallier l’absence de note de mérite. Lesdits moyens ne seraient pas dirigés contre le dispositif de l’arrêt attaqué, mais contre un obiter dictum qui ne pourrait, en tant que tel, faire l’objet d’un pourvoi (arrêt de la Cour du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125).

–       Appréciation du Tribunal

51      S’agissant, en premier lieu, des moyens dirigés contre les motifs qui, dans l’arrêt attaqué, justifient l’annulation du REC 2003 et, tout d’abord, de la violation alléguée de l’obligation de motivation, il importe de rappeler que, conformément à l’article 36 du statut de la Cour, qui lui est applicable en vertu de l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut, le Tribunal de la fonction publique est tenu de se prononcer sur les conclusions du recours et de motiver sa décision (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 10 décembre 1998, Schröder e.a./Commission, C‑221/97 P, Rec. p. I‑8255, point 24). Les arrêts du Tribunal de la fonction publique doivent être suffisamment motivés afin que le Tribunal soit en mesure d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 octobre 2007, Naipes Heraclio Fournier/OHMI, C‑311/05 P, non publié au Recueil, point 52, et la jurisprudence citée ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, Rec. p. I‑4429, point 60, et la jurisprudence citée).

52      En l’espèce, le Tribunal de la fonction publique a indiqué, au point 31 de l’arrêt attaqué, les raisons pour lesquelles il estimait que les tâches confiées au requérant, lors de la période de référence, ne pouvaient pas servir de base à son évaluation. Il a, en effet, relevé le caractère « ponctuel » desdites tâches et le fait qu’elles avaient été exécutées par le requérant sans que des objectifs et des critères d’évaluation, au sens de l’article 8, paragraphe 5, sous b), des DGE, lui aient été préalablement fixés, sans que son poste ait été précisé dans le REC 2003 et sans que son unité d’affectation ait été connue de manière certaine. Le raisonnement ainsi suivi par le Tribunal de la fonction publique est en soi clair et compréhensible. En outre, il est de nature à motiver la conclusion qu’il vise à étayer.

53      Il s’ensuit que le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme étant non fondé.

54      Pour autant que la Commission invoque, en outre, une violation de l’article 43 du statut, en ce que le Tribunal de la fonction publique aurait, au point 31 de l’arrêt, substitué sa propre appréciation à celle des évaluateurs, il convient de relever que le Tribunal de la fonction publique n’a porté aucune appréciation sur la valeur professionnelle du requérant. Sans constater l’existence d’un détournement de pouvoir, il s’est borné à relever que le requérant ne s’était vu confier, lors de la période de référence, aucune tâche susceptible de faire l’objet d’une évaluation, conformément à l’article 43 du statut et à l’article 1er, paragraphe 2, des DGE. Au demeurant, la Commission n’a pas établi ni même allégué que, dans le REC 2003, les évaluateurs auraient apprécié la valeur professionnelle du requérant au regard des tâches qui lui avaient été ponctuellement confiées.

55      Pour ces raisons, il ne saurait être considéré que, au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique s’est substitué aux évaluateurs pour apprécier la valeur professionnelle du requérant. Le moyen tiré d’une violation de l’article 43 du statut doit, dès lors, être rejeté comme étant non fondé.

56      Quant à la violation alléguée de l’article 8, paragraphe 6, et de l’article 1er, paragraphe 1, des DGE ainsi que de la jurisprudence relative à l’établissement des REC, qui prévoient qu’un REC soit établi pour chaque fonctionnaire qui a été en position d’activité pendant au moins un mois continu au cours de la période de référence et qu’une note de mérite soit attribuée dans ledit REC, il convient de préciser que la conclusion du Tribunal de la fonction publique, au point 33 de l’arrêt attaqué, selon laquelle une note de mérite n’aurait pas dû être attribuée au requérant, se fonde sur une interprétation de l’article 43 du statut et de l’article 1er, paragraphe 2, des DGE, qui prévoient que la note de mérite attribuée dans le REC l’est sur la base des appréciations relatives au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service du titulaire du poste.

57      À cet égard, il convient de rappeler que le REC est un document essentiel dans l’évaluation du personnel employé par les institutions, puisqu’il permet d’établir une évaluation de la compétence, du rendement et de la conduite d’un fonctionnaire, conformément à l’article 43 du statut. Une telle évaluation n’est pas purement descriptive des tâches effectuées pendant la période concernée, mais comporte aussi une appréciation des aptitudes et des qualités humaines et sociales que la personne notée a montrées dans l’exercice de son activité professionnelle. Le REC constitue ainsi un jugement de valeur porté par les supérieurs hiérarchiques du fonctionnaire évalué sur la manière dont ce dernier s’est acquitté des tâches qui lui ont été confiées et sur son comportement dans le service durant la période concernée.

58      Il résulte de ce qui précède que, dans le cadre de l’établissement d’un REC, l’attribution d’une note de mérite reposant sur une évaluation du rendement, des aptitudes et de la conduite dans le service du fonctionnaire intéressé, conformément aux dispositions précitées, présuppose que ce dernier se soit vu confier des tâches à effectuer au cours de la période de référence.

59      Dans une situation exceptionnelle où, comme en l’espèce, il a été constaté que le fonctionnaire intéressé, bien qu’en position d’activité au sens de l’article 1er, paragraphe 1, second alinéa, première phrase, des DGE, ne s’est vu confier, à la suite d’une réorganisation interne de l’administration, aucune fonction susceptible d’évaluation au cours de la période de référence, la question se pose de savoir si un REC doit néanmoins être établi et si des points peuvent être attribués au fonctionnaire intéressé aux fins de sauvegarder ses intérêts.

60      À cet égard, il importe de relever que, comme toutes les institutions communautaires, la Commission a une obligation particulière de transparence quant à la notation, à l’avancement et à la promotion de ses agents, dont le respect est assuré par la procédure formelle établie aux articles 43 et 46 du statut. Cette procédure prévoit que l’établissement du REC a lieu, à tout le moins, tous les deux ans dans les conditions fixées par chaque institution, conformément à l’article 110 du statut.

61      Selon une jurisprudence constante, cette obligation particulière de transparence impose que le REC soit établi, tant pour la bonne administration et la rationalisation des services de la Communauté que pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires (voir, s’agissant des rapports de notation, arrêts du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, points 44 et 73 ; du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 77, et Rounis/Commission, point 44 supra, point 42).

62      En tant que document interne, le REC a pour fonction première d’assurer à l’administration une information périodique aussi complète que possible sur les conditions d’accomplissement de leur service par ses fonctionnaires (voir, s’agissant des rapports de notation, arrêt de la Cour du 3 juillet 1980, Grassi/Conseil, 6/79 et 97/79, Rec. p. 2141, point 20, et arrêt Burban/Parlement, point 61 supra, point 73).

63      À l’égard du fonctionnaire en cause, le REC joue un rôle important dans le déroulement de sa carrière, essentiellement en matière de mutation et de promotion (voir, s’agissant des rapports de notation, arrêt Rounis/Commission, point 44 supra, point 24). En effet, il constitue un élément indispensable d’appréciation chaque fois que la carrière du fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique et son établissement périodique a pour objet de permettre une vue d’ensemble du développement de la carrière d’un fonctionnaire (arrêt Burban/Parlement, point 61 supra, point 73).

64      Lorsque survient la situation exceptionnelle mentionnée au point 59 ci-dessus, l’administration doit, conformément à l’obligation particulière de transparence rappelée au point 60 ci-dessus, qui se reflète dans les dispositions invoquées en l’espèce par la Commission, établir un REC qui fasse état de ladite situation, et ce afin que l’administration en soit informée et que le fonctionnaire intéressé dispose d’une preuve écrite et formelle de l’existence de ladite situation.

65      Si, dans une telle situation, exclusivement imputable à l’administration, les évaluateurs ne peuvent attribuer une note de mérite visant à évaluer les réalisations et prestations individuelles en fonction des résultats à atteindre (voir point 58 ci-dessus), ils doivent néanmoins prendre une décision qui, conformément au devoir de sollicitude incombant à l’administration, soit respectueuse des intérêts du fonctionnaire concerné et, en particulier, de la vocation de ce dernier à la carrière au sein des institutions communautaires.

66      La notion de devoir de sollicitude de l’administration, telle que développée par la jurisprudence de la Cour, reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir arrêt du Tribunal du 27 septembre 2006, Lantzoni/Cour de justice, T‑156/05, RecFP p. I‑A‑2‑189 et II‑A‑2‑969, point 88, et la jurisprudence citée).

67      En vertu du devoir de sollicitude, les évaluateurs peuvent ainsi estimer qu’il y a lieu d’attribuer au fonctionnaire intéressé un nombre de points de mérite approprié aux fins de sauvegarder ses intérêts et, en particulier, ses perspectives d’évolution de carrière au sein des institutions communautaires.

68      La nécessité de garantir l’obligation particulière de transparence, mentionnée au point 60 ci-dessus, impose toutefois que cette décision soit adoptée en suivant les règles de la procédure d’évaluation des fonctionnaires prévue à l’article 43 du statut et par les DGE, adoptées conformément à l’article 110 du statut. En effet, il ressort de manière générale de la jurisprudence que, dans les cas où, comme en l’espèce, l’auteur de la décision dispose d’un pouvoir d’appréciation, le respect des garanties procédurales conférées par l’ordre juridique communautaire revêt une importance d’autant plus fondamentale (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, Rec. p. I‑5469, point 14 ; arrêts du Tribunal du 9 novembre 1995, France-aviation/Commission, T‑346/94, Rec. p. II‑2841, points 32 à 34, et du 23 mars 2000, Gogos/Commission, T‑95/98, RecFP p. I‑A‑51 et II‑219, point 37).

69      À la lumière des considérations qui précèdent, il y a lieu de relever que le Tribunal de la fonction publique ne pouvait légalement conclure à l’illégalité de l’attribution d’une note de mérite au requérant et, partant, à l’annulation du REC 2003, au point 33 de l’arrêt attaqué, sans vérifier, en se référant, notamment, aux commentaires d’ordre général qui, conformément à l’obligation incombant à l’administration de motiver les REC, devaient justifier les appréciations analytiques dans le REC 2003 (voir, en ce sens, s’agissant des rapports de notation, arrêts du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41 ; du 13 décembre 2005, Cwik/Commission, T‑155/03, T‑157/03 et T‑331/03, RecFP p. I‑A‑411 et II‑1865, point 80, et du 25 octobre 2005, Micha/Commission, T‑50/04, RecFP p. I‑A‑339 et II‑1499, point 61), si l’octroi de ladite note de mérite n’avait pas pour seul but, conformément aux obligations qui découlent, pour l’administration, du devoir de sollicitude, de sauvegarder les intérêts du requérant et, en particulier, ses perspectives d’évolution de carrière au sein des institutions communautaires.

70      Il ressort des points 28 à 34 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a omis de procéder à un tel examen, comme il y était légalement tenu au regard des règles statutaires prévues à l’article 8, paragraphe 6, et à l’article 1er, paragraphe 1, des DGE, ainsi que de la jurisprudence, citée aux points 61 à 63, 66 et 68 ci-dessus, relative à l’établissement des REC et au devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses fonctionnaires. Un tel examen s’imposait d’autant plus, en l’espèce, que la Commission avait soutenu en première instance « qu’elle aurait attribué une note de mérite au requérant afin de protéger les intérêts de celui-ci et de garantir son droit à l’évaluation » (point 27 de l’arrêt attaqué).

71      En prononçant, dans l’arrêt attaqué, l’annulation du REC 2003 en ce qu’il attribuait une note de mérite au requérant, sans rechercher si l’attribution d’une telle note n’avait pas pour seul but de sauvegarder les intérêts de ce dernier et, en particulier, ses perspectives d’évolution de carrière au sein des institutions communautaires, le Tribunal de la fonction publique a commis une erreur de droit dans l’application des règles statutaires prévues à l’article 8, paragraphe 6, et à l’article 1er, paragraphe 1, des DGE, ainsi que de la jurisprudence, citée aux points 61 à 63, 66 et 68 ci-dessus, relative à l’établissement des REC et au devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses fonctionnaires, qui imposent à la Commission, tant pour des motifs de bonne administration et de rationalisation des services de la Communauté que pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires intéressés, de veiller à l’établissement périodique des REC et à l’attribution, dans ceux-ci, d’une note de mérite.

72      En conséquence, il convient d’annuler l’arrêt attaqué, en ce qu’il a prononcé l’annulation du REC 2003.

73      S’agissant, en second lieu, des moyens dirigés contre le point 33 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il ordonnerait à la Commission d’attribuer au requérant un nombre de points approprié pour pallier l’annulation du REC 2003 et, partant, de la note de mérite figurant dans celui-ci, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’incombe pas au Tribunal de la fonction publique, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, de faire des déclarations de principe ou d’adresser des injonctions aux institutions communautaires. En effet, en cas d’annulation d’un acte, l’institution concernée est tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt (voir, par analogie, arrêt Di Marzio/Commission, point 46 supra, point 63, et la jurisprudence citée). En l’espèce, l’injonction dénoncée par la Commission ne ressort pas du dispositif de l’arrêt attaqué et, pour autant qu’une telle injonction puisse découler, pour la Commission, du seul point 33 des motifs de l’arrêt attaqué, celle-ci se trouverait privée de tout fondement juridique en conséquence de l’annulation prononcée au point 72 ci-dessus. Dès lors, il n’y a pas lieu de statuer sur lesdits moyens.

 Sur le pourvoi principal

74      Par son pourvoi, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir rejeté le surplus de la requête, à savoir sa demande en indemnisation du préjudice moral qui lui aurait été causé par le REC 2003, lequel s’élèverait à la somme de 90 000 euros. À l’appui de sa demande d’annulation partielle de l’arrêt attaqué, il soulève, en substance, deux moyens, tirés d’erreurs de droit dont serait entachée l’appréciation du Tribunal de la fonction publique, au point 39 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’annulation du REC 2003 constituait, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral qu’il pouvait avoir subi en raison de l’acte annulé.

75      La Commission soutient que le pourvoi principal doit être rejeté, dans son intégralité, comme étant irrecevable et, en tout état de cause, non fondé.

 Sur la recevabilité du pourvoi principal

–       Arguments des parties

76      La Commission soutient que le pourvoi principal est irrecevable, au regard de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour, en ce qu’il n’est pas limité aux questions de droit, mais vise, en substance, à contester l’appréciation par le Tribunal de la fonction publique, au point 39 de l’arrêt attaqué, des faits et des éléments de preuve dont il résulte que l’annulation du REC 2003 constituait, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral que le requérant pouvait avoir subi en raison de l’acte annulé.

77      Le requérant fait valoir que le pourvoi principal est recevable dans la mesure où il ne tend pas à obtenir une nouvelle appréciation des faits et des preuves, mais à faire constater que le Tribunal de la fonction publique a conclu à tort, au point 39 de l’arrêt attaqué, que sa demande en indemnisation devait être rejetée. Il argue, en revanche, de l’irrecevabilité du mémoire en réponse de la Commission. Ce dernier ne respecterait pas l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure dans la mesure où il tend au rejet total du pourvoi, alors que le pourvoi incident, qui lui est joint, tend à l’annulation partielle de l’arrêt attaqué.

–       Appréciation du Tribunal

78      Les conclusions du mémoire en réponse, qui complètent, sans les contredire, les conclusions du pourvoi incident (voir point 37 ci-dessus), ne sont pas contraires à l’article 142, paragraphe 1, du règlement de procédure. Dès lors, elles ne sauraient être rejetées comme étant irrecevables au regard de cette disposition.

79      Il y a donc lieu de rejeter comme étant non fondée la fin de non-recevoir soulevée par le requérant à l’encontre du mémoire en réponse et d’examiner sur le fond la fin de non-recevoir soulevée, dans le mémoire en réponse, à l’encontre du pourvoi principal.

80      Comme constaté au point 86 ci-après, les deux moyens soulevés dans le cadre du pourvoi principal se recoupent largement en ce qu’ils font, en substance, grief au Tribunal de la fonction publique de ne pas avoir répondu à la demande indemnitaire, telle que formulée devant lui par le requérant, ni suffisamment motivé sa décision à cet égard et d’avoir interprété ou appliqué de manière erronée les règles qui régissent la responsabilité non contractuelle de la Communauté en estimant qu’une telle demande devait être rejetée à la suite de l’annulation du REC 2003. Le pourvoi principal se fonde ainsi sur des moyens tirés d’une violation par le Tribunal de la fonction publique de l’obligation lui incombant de se prononcer sur les conclusions du recours et de motiver sa décision, telle que mentionnée au point 51 ci-dessus, ainsi que d’une interprétation ou d’une application incorrecte par celui-ci des règles qui régissent la responsabilité non contractuelle de la Communauté. Or, de tels moyens, qui ne sauraient, de par leur nature, être invoqués en première instance, peuvent servir de fondement à un pourvoi, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, non publié au Recueil, point 84, et du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, Rec. p. I‑833, point 47).

81      La fin de non-recevoir soulevée par la Commission, en ce qu’elle est dirigée contre le pourvoi principal, pris dans son ensemble, et contre chacun des moyens soulevés dans le cadre de ce pourvoi, pris individuellement, ne saurait prospérer et doit, par conséquent, être intégralement rejetée comme étant non fondée.

 Sur le fond du pourvoi principal

–       Arguments des parties

82      Par son premier moyen, le requérant fait grief au Tribunal de la fonction publique d’avoir, à partir d’une appréciation incorrecte du préjudice moral qu’il avait invoqué, commis une erreur de droit en estimant, au point 39 de l’arrêt attaqué, que l’annulation du REC 2003 constituait, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral qu’il pouvait avoir subi en raison de l’acte annulé. Le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas tenu compte de ce que le préjudice moral qu’il invoquait correspondait à l’état d’incertitude et d’inquiétude prolongé quant à son avenir professionnel et au déroulement normal de sa carrière causé par la dissimulation dans le REC 2003 de la situation d’exclusion professionnelle dans laquelle il avait été illégalement placé au cours de la période de référence. Conformément à la jurisprudence (arrêts du Tribunal du 8 novembre 1990, Barbi/Commission, T‑73/89, Rec. p. II‑619, point 41, et du 10 juin 2004, François/Commission, T‑307/01, Rec. p. II‑1669, point 110), un tel préjudice moral, qui ne saurait être effacé rétroactivement et qui, par conséquent, ne saurait être adéquatement réparé par l’annulation du REC 2003, justifierait l’allocation d’une indemnité financière. En tout état de cause, le Tribunal de la fonction publique aurait fondé le rejet de sa demande d’indemnisation sur des motifs erronés, insuffisants ou contradictoires en estimant que le REC 2003 et la note de mérite allouée dans celui-ci devaient être annulés comme étant fictifs, tout en affirmant, au point 33 de l’arrêt attaqué, qu’une telle annulation ne lui serait pas préjudiciable puisque, en conséquence de celle-ci, l’administration devrait lui attribuer un nombre de points approprié.

83      Par son second moyen, le requérant fait valoir que le Tribunal de la fonction publique a, au point 39 de l’arrêt attaqué, commis une erreur de droit en estimant, sans même avoir évalué l’existence ou l’étendue du préjudice moral qu’il invoquait et, partant, sur la base d’une motivation insuffisante, que l’annulation du REC 2003 constituait, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral qu’il pouvait avoir subi en raison de l’acte annulé. Le Tribunal de la fonction publique se serait ainsi abstenu de vérifier si l’état d’incertitude et d’inquiétude prolongé quant à son avenir professionnel et au déroulement normal de sa carrière causé par la dissimulation dans le REC 2003 de la situation d’exclusion professionnelle dans laquelle il avait été illégalement placé au cours de la période de référence ne justifiait pas, en l’espèce, qu’une indemnité financière lui soit allouée.

84      La Commission fait valoir que le premier moyen est non fondé, dans la mesure où le préjudice moral allégué par le requérant trouverait sa source dans la situation d’exclusion professionnelle dans laquelle il aurait été placé au cours de la période de référence et non dans le contenu même du REC 2003, qui ne reflétait pas ladite situation d’exclusion.

85      Elle conclut, en outre, au rejet du second moyen comme étant non fondé, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique aurait vérifié, conformément à une jurisprudence constante, que, en l’absence d’appréciation explicitement négative contenue dans le REC 2003, le seul préjudice moral que le requérant pouvait avoir réellement subi en raison du REC 2003, qu’il estimait illégal, tenait à l’existence même de cet acte.

–       Appréciation du Tribunal

86      Dans la mesure où ceux-ci se recoupent largement, il y a lieu d’examiner ensemble les premier et second moyens, tirés, en substance, de ce que le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas répondu à la demande indemnitaire, telle qu’elle avait été présentée devant lui par le requérant, ni suffisamment motivé sa décision à cet égard et de ce qu’il aurait interprété ou appliqué de manière erronée les règles qui régissent la responsabilité non contractuelle de la Communauté en estimant qu’une telle demande devait être rejetée à la suite de l’annulation du REC 2003.

87      Il y a lieu de rappeler que, si l’obligation qui incombe au Tribunal de la fonction publique de motiver ses décisions (voir point 51 ci-dessus) n’implique pas que celui-ci réponde dans le détail à chaque argument invoqué par une partie, en particulier si ce dernier ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis et ne repose pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, Rec. p. I‑1611, point 121, et du 11 septembre 2003, Belgique/Commission, C‑197/99 P, Rec. p. I‑8461, point 81), elle lui impose, à tout le moins, de se prononcer sur les conclusions du recours (voir, par analogie, arrêts de la Cour Schröder e.a./Commission, point 51 supra, point 24, et du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission, C‑167/06 P, non publié au Recueil, point 22).

88      S’agissant, en l’occurrence, de la réponse à apporter par le Tribunal de la fonction publique à des conclusions en indemnisation, il importe, en outre, de rappeler que, si l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, tel ne saurait être le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, RecFP p. I‑A‑2‑129 et II‑A‑2‑609, point 131, et la jurisprudence citée).

89      En l’occurrence, il ressort notamment du point 39 de l’arrêt attaqué que la demande indemnitaire formulée devant le Tribunal de la fonction publique visait à la réparation du préjudice moral que le requérant prétendait avoir subi en raison du REC 2003. Ces conclusions doivent être lues en combinaison avec les conclusions tendant à l’annulation du REC 2003, qui étaient fondées, ainsi qu’il ressort du point 26 de l’arrêt attaqué ainsi que de la requête en première instance, sur le « caractère ‘fictif’ » du REC 2003 et, plus précisément, sur le fait que, dans ce dernier, « [l]es supérieurs hiérarchiques [du requérant] auraient procédé à son évaluation et, en particulier, lui auraient attribué une note de mérite, comme s’il s’était vu confier des tâches à accomplir lors de la période de référence », refusant ainsi de tirer les conséquences qui s’imposaient de la situation d’exclusion professionnelle dans laquelle le requérant aurait été placé au cours de ladite période de référence.

90      Il ressort, cependant, des points 37 à 40 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a considéré que, en l’absence d’appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, contenue dans le REC 2003, l’annulation du REC 2003 constituait, en elle-même, une réparation adéquate et suffisante de tout préjudice moral que le requérant pouvait avoir subi en raison de celui-ci. Dès lors, il a estimé que, du fait de l’annulation prononcée, la demande indemnitaire devait être rejetée.

91      Il ressort des points 37 à 40 de l’arrêt attaqué, lus en combinaison avec le point 26 de ce même arrêt et l’argumentation développée dans la requête en première instance, que le Tribunal de la fonction publique n’a pas, en l’espèce, tenu compte de la nature du préjudice moral qui était allégué devant lui et du fait que celui-ci correspondait à un état d’incertitude et d’inquiétude du requérant quant à son avenir professionnel et au déroulement normal de sa carrière résultant de ce que le REC 2003 n’aurait pas tiré les conséquences qui s’imposaient de la situation d’exclusion professionnelle dans laquelle il aurait été placé lors de la période de référence. Il s’ensuit que le Tribunal de la fonction publique n’a pas vérifié concrètement, comme il y était légalement tenu, si le préjudice moral allégué devant lui aurait été détachable de l’illégalité fondant l’annulation du REC 2003 et n’aurait pas été susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation.

92      En rejetant la demande indemnitaire formulée devant lui au motif que tout préjudice moral que le requérant pouvait avoir subi en raison du REC 2003 était réparé de manière adéquate et suffisante par l’annulation de cet acte, sans rechercher concrètement si le préjudice moral allégué devant lui aurait été détachable de l’illégalité fondant cette annulation et n’aurait pas été susceptible d’être intégralement réparé par celle-ci, le Tribunal de la fonction publique a non seulement violé l’obligation qui lui incombe de se prononcer sur les conclusions présentées devant lui et de motiver sa décision, mais a également procédé à une interprétation et une application incorrectes des règles qui régissent la responsabilité non contractuelle de la Communauté.

93      En tout état de cause, il ressort des points 71 et 72 ci-dessus que l’annulation du REC 2003 prononcée par le Tribunal de la fonction publique est entachée d’illégalité et que, partant, celui-ci n’a pu, à bon droit, rejeter la demande indemnitaire formulée devant lui au motif que le préjudice moral allégué dans celle-ci était réparé de manière adéquate et suffisante par ladite annulation.

94      Dès lors, il convient également d’annuler l’arrêt attaqué pour autant qu’il rejette la demande indemnitaire présentée devant lui par le requérant.

95      Par conséquent, l’arrêt attaqué doit être annulé dans son intégralité.

 Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique

96      Conformément à l’article 13, paragraphe 1, de l’annexe I du statut de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé, le Tribunal annule la décision du Tribunal de la fonction publique et statue lui-même sur le litige. Toutefois, il renvoie l’affaire devant le Tribunal de la fonction publique pour qu’il statue, lorsque le litige n’est pas en état d’être jugé.

97      Le Tribunal de la fonction publique n’a, dans l’arrêt attaqué, ni procédé à l’ensemble des vérifications qui lui auraient permis d’accueillir légalement le premier moyen d’annulation du REC 2003 et de rejeter la demande indemnitaire du requérant, ni statué sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième moyens d’annulation du REC 2003 soulevés devant lui, ainsi qu’il ressort du point 34 de l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec ses points 24 à 33. Dès lors, l’affaire n’est pas en état d’être jugée et il y a lieu de la renvoyer devant le Tribunal de la fonction publique, afin qu’il statue de nouveau sur celle-ci, et de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (deuxième chambre) du 22 novembre 2007, Michail/Commission (F‑67/05, non encore publié au Recueil), est annulé.

2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de la fonction publique.

3)      Les dépens sont réservés.

Jaeger

Azizi

Pelikánová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 novembre 2009.

Signatures


* Langue de procédure : le grec.