Language of document : ECLI:EU:T:2019:434

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

19 juin 2019 (*)

« Aides d’État – Aides individuelles en faveur du complexe du Nürburgring pour la construction d’un parc de loisirs, d’hôtels et de restaurants ainsi que pour l’organisation de courses automobiles – Décision déclarant les aides incompatibles avec le marché intérieur – Décision déclarant que le remboursement des aides déclarées incompatibles ne concerne pas le nouveau propriétaire du complexe du Nürburgring – Recours en annulation – Défaut d’affectation substantielle de la position concurrentielle – Irrecevabilité – Décision constatant l’absence d’aide d’État au terme de la phase d’examen préliminaire – Recours en annulation – Partie intéressée – Intérêt à agir – Recevabilité – Violation des droits procéduraux – Absence de difficultés exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen – Plainte – Vente des actifs des bénéficiaires des aides d’État déclarées incompatibles – Procédure d’appel d’offres ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle – Examen diligent et impartial – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑353/15,

NeXovation, Inc., établie à Hendersonville (États-Unis), représentée initialement par Mes A. von Bergwelt, F. Henkel et M. Nordmann, puis par Mes von Bergwelt et Nordmann, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, T. Maxian Rusche et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2016/151 de la Commission, du 1er octobre 2014, relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring (JO 2016, L 34, p. 1),

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius, P. Nihoul, J. Svenningsen et U. Öberg (rapporteur), juges,

greffier : Mme N. Schall, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 30 janvier 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le complexe du Nürburgring (ci-après le « Nürburgring »), situé dans le Land allemand de Rhénanie-Palatinat, comprend un circuit de courses automobiles, un parc de loisirs, des hôtels et des restaurants.

2        Entre 2002 et 2012, les propriétaires du Nürburgring (ci-après les « vendeurs »), à savoir les entreprises publiques Nürburgring GmbH, Motorsport Resort Nürburgring GmbH et Congress- und Motorsport Hotel Nürburgring GmbH, ont bénéficié, principalement de la part du Land de Rhénanie-Palatinat, de mesures de soutien à la construction d’un parc de loisirs, d’hôtels et de restaurants et à l’organisation de courses de Formule 1.

A.      Procédure administrative et vente des actifs du Nürburgring

3        Par lettre du 21 mars 2012, la Commission européenne a notifié à la République fédérale d’Allemagne sa décision d’ouvrir une procédure formelle d’examen, au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, concernant les différentes mesures de soutien mises en œuvre entre 2002 et 2012 en faveur du Nürburgring. Par cette décision, dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2012, C 216, p. 14), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures concernées.

4        En raison de l’octroi de mesures de soutien supplémentaires notifiées par la République fédérale d’Allemagne à la Commission, cette dernière a décidé d’étendre la procédure formelle d’examen à ces nouvelles mesures. La décision a été notifiée à la République fédérale d’Allemagne par lettre du 7 août 2012. Par cette décision, dont un résumé a été publié au Journal officiel (JO 2012, C 333, p. 1), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur les mesures supplémentaires.

5        Le 24 juillet 2012, l’Amtsgericht Bad Neuenahr-Ahrweiler (tribunal de district de Bad Neuenahr-Ahrweiler, Allemagne) a conclu à l’insolvabilité des vendeurs. Il a ouvert une procédure d’insolvabilité sans dessaisissement le 1er novembre 2012. Il a été décidé de procéder à la vente des actifs des vendeurs (ci-après la « vente des actifs du Nürburgring »). Les vendeurs ont désigné l’auditeur KPMG AG en tant que conseiller juridique et financier.

6        Le 1er novembre 2012, la gestion du Nürburgring a été confiée à Nürburgring Betriebsgesellschaft mbH, une filiale à 100 % de l’un des vendeurs, Nürburgring, constituée par les administrateurs désignés par l’Amtsgericht Bad Neuenahr-Ahrweiler (tribunal de district de Bad Neuenahr-Ahrweiler).

7        Le 15 mai 2013, une procédure d’appel d’offres a été lancée afin de procéder à la vente des actifs du Nürburgring (ci-après la « procédure d’appel d’offres »).

8        Le 23 mai 2013, la Commission a communiqué à la République fédérale d’Allemagne et aux administrateurs les critères auxquels la procédure d’appel d’offres devait satisfaire afin d’exclure des éléments d’aides d’État et les a informés de l’obligation pour l’acquéreur qui serait retenu de rembourser les avantages qui lui seraient, le cas échéant, conférés. Des discussions entre la Commission, la République fédérale d’Allemagne et les administrateurs avaient eu lieu, à cet égard, depuis le mois d’octobre 2012.

9        La procédure d’appel d’offres s’est déroulée comme suit :

–        le 14 mai 2013, le lancement de la procédure d’appel d’offres a été annoncé par un communiqué de presse de l’un des administrateurs ;

–        le 15 mai 2013, KPMG a publié un appel à manifestation d’intérêt dans le Financial Times, dans le Handelsblatt et sur le site Internet du Nürburgring ;

–        70 entreprises ont manifesté leur intérêt ;

–        par lettre du 19 juillet 2013, les investisseurs intéressés ont reçu des documents relatifs au Nürburgring et ont été invités à présenter une offre indicative, et ce pour la totalité des actifs, pour des groupes d’actifs déterminés ou pour des actifs individuels ;

–        le délai pour la soumission d’une offre indicative a été successivement fixé au 12 septembre 2013, par lettre du 19 juillet 2013, puis au 26 septembre 2013, par lettre du 12 septembre 2013 ; chacune de ces lettres précisait que les offres soumises après l’expiration du délai seraient également prises en compte ;

–        au début du mois de février 2014, 24 acquéreurs potentiels avaient fait parvenir une offre indicative, parmi lesquels la requérante, NeXovation, Inc., une entreprise privée américaine active dans les domaines des technologies de l’information, des produits de grande consommation, de l’énergie et de l’automobile ;

–        pour les acquéreurs potentiels invités à la phase suivante de la procédure d’appel d’offres, parmi lesquels la requérante, le délai pour la soumission d’offres de confirmation, qui devaient être intégralement financées et comprendre un accord prénégocié pour le rachat des actifs, a été successivement fixé au 11 décembre 2013, par lettre du 17 octobre 2013, puis au 17 février 2014, par lettre du 17 décembre 2013 ; cette dernière lettre indiquait que les offres soumises après l’expiration du délai seraient également prises en compte, mais précisait cependant que les vendeurs pourraient décider peu de temps après le délai de remise des offres de l’identité de l’acquéreur retenu ;

–         treize acquéreurs potentiels ont présenté une offre de confirmation, dont quatre ont présenté une offre portant sur tous les actifs, à savoir Capricorn Nürburgring Besitzgesellschaft GmbH (ci-après « Capricorn » ou l’« acquéreur »), un deuxième offrant (ci-après l’« offrant 2 »), la requérante et un quatrième acquéreur potentiel ;

–        aux termes des lettres adressées aux investisseurs intéressés les 19 juillet et 17 octobre 2013, les investisseurs devaient être sélectionnés en tenant compte d’impératifs de maximisation de la valeur de tous les actifs, d’une part, et de sécurisation de la transaction, d’autre part ; en application de ces critères, ont été prises en considération, dans la dernière phase de la procédure d’appel d’offres, les offres de l’offrant 2 et de Capricorn, qui, d’une part, proposaient la reprise de tous les actifs du Nürburgring et, d’autre part, avaient fourni une preuve de la solidité financière de leurs offres respectives les 7 et 11 mars 2014. Des projets de contrat de cession ont été négociés en parallèle avec ces deux soumissionnaires ;

–        le 11 mars 2014, le comité des créanciers des vendeurs, dans le cadre de la procédure d’insolvabilité des vendeurs, a approuvé la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn, dont l’offre s’élevait à 77 millions d’euros, tandis que l’offre de l’offrant 2 se situait entre 47 et 52 millions d’euros.

10      Le 10 avril 2014, la requérante a déposé une plainte auprès de la Commission, au motif que la procédure d’appel d’offres n’avait pas été ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle et n’avait pas abouti à la vente des actifs du Nürburgring à un prix de marché, dans la mesure où ces actifs avaient été cédés à un soumissionnaire local dont l’offre était inférieure à la sienne et qui avait été favorisé dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. Selon la requérante, Capricorn avait ainsi reçu une aide, correspondant à la différence entre le prix qu’elle devait payer pour acquérir les actifs du Nürburgring et le prix de marché de ces mêmes actifs, et assuré la continuité des activités économiques des vendeurs, de sorte que l’ordre de récupération des aides perçues par les vendeurs devait s’étendre à Capricorn.

B.      Décisions attaquées

11      La Commission a adopté, le 1er octobre 2014, la décision (UE) 2016/151 relative à l’aide d’État SA.31550 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring (JO 2016, L 34, p. 1), et, le 13 avril 2015, un rectificatif à ladite décision, publié sur son site Internet (ci-après, pris ensemble, la « décision finale »).

12      À l’article 2 de la décision finale, la Commission a constaté l’illégalité et l’incompatibilité avec le marché intérieur de certaines des mesures de soutien en faveur des vendeurs (ci-après les « aides aux vendeurs »).

13      La Commission a décidé, à l’article 3, paragraphe 2, de la décision finale, que Capricorn et ses filiales n’étaient pas concernées par une éventuelle récupération des aides aux vendeurs (ci-après la « première décision attaquée »).

14      À l’article 1er, dernier tiret, de la décision finale, la Commission a établi que la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn ne constituait pas une aide d’État (ci-après la « seconde décision attaquée »).

15      En effet, la Commission a considéré que la procédure d’appel d’offres avait été menée de manière ouverte, transparente et non discriminatoire, que cette procédure avait abouti à un prix de vente conforme au marché et qu’il n’y avait pas de continuité économique entre les vendeurs et l’acquéreur.

II.    Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juin 2015, la requérante a introduit le présent recours.

17      Par lettre du 15 octobre 2015, la Commission a présenté une demande de traduction en langue de procédure de certaines annexes de la requête.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 novembre 2015, les vendeurs ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 18 avril 2016, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

19      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2016, les vendeurs ont informé le Tribunal qu’ils retiraient leur intervention.

20      Par ordonnance du 6 juillet 2016 du président de la huitième chambre du Tribunal, les vendeurs ont été radiés du registre du Tribunal en tant que parties intervenantes et condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux des autres parties en ce qui concernait leur intervention.

21      Par décision du président du Tribunal du 3 octobre 2016, un nouveau juge rapporteur a été désigné et l’affaire a été attribuée à la première chambre du Tribunal.

22      Le 31 juillet 2017, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a posé une question écrite à la Commission, en l’invitant à y répondre par écrit. La Commission a déposé ses observations en réponse le 6 septembre 2017.

23      Sur proposition de la première chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

24      Le 29 novembre 2017, le Tribunal (première chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit. Les parties ont déposé leurs observations en réponse les 14 décembre 2017 et 8 janvier 2018, s’agissant de la requérante, et les 13 et 21 décembre 2017, s’agissant de la Commission.

25      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 24 janvier 2018, la Commission a demandé au Tribunal, au titre de l’article 130, paragraphe 2, du règlement de procédure, de constater que le présent recours n’avait plus d’objet et qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur celui-ci.

26      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 30 janvier 2018. Le même jour, la Commission a déposé des observations sur le rapport d’audience.

27      Le 6 mars 2018, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit. Au titre de l’article 24 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le Tribunal a également invité la République fédérale d’Allemagne à déposer certains documents et lui a posé des questions écrites, en l’invitant à y répondre par écrit. Les parties et la République fédérale d’Allemagne ont déposé leurs observations en réponse le 27 mars 2018 et les 4 et 9 avril 2018.

28      Le 18 mai 2018, la requérante a déposé ses observations sur la demande de non-lieu à statuer de la Commission.

29      Le 12 juin 2018, la phase orale de la procédure a été clôturée.

30      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2018, la Commission a présenté, au titre de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure, une demande de réouverture de la phase orale de la procédure. Par décision du président de la première chambre élargie du Tribunal du 16 août 2018, cette demande a été rejetée.

31      Dans le cadre de la procédure principale, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les première et seconde décisions attaquées ;

–        condamner la Commission aux dépens.

32      Dans le cadre de cette même procédure, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé, et, à titre subsidiaire, comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

33      Dans le cadre de la procédure incidente, la Commission demande à ce qu’il plaise au Tribunal de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours, sans conclure expressément sur les dépens.

34      Dans le cadre de cette même procédure, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter la demande de non-lieu à statuer de la Commission, sans conclure expressément sur les dépens.

III. En droit

35      Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de joindre au fond la demande de non-lieu à statuer de la Commission et d’examiner celle-ci conjointement avec les demandes d’annulation des première et seconde décisions attaquées formulées par la requérante dans la procédure principale.

A.      Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la première décision attaquée

36      La requérante vise d’abord à obtenir l’annulation de la première décision attaquée, par laquelle la Commission, ayant déterminé qu’il n’y avait pas de continuité économique entre les vendeurs et l’acquéreur, a décidé que ce dernier n’était pas concerné par une éventuelle récupération des aides aux vendeurs.

37      En effet, par son deuxième moyen, tiré d’une interprétation erronée du principe de continuité économique, la requérante fait notamment valoir que, étant donné que la vente des actifs du Nürburgring n’a pas été réalisée au prix du marché, en raison de l’absence de procédure d’appel d’offres ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle et de l’absence de cession des actifs du Nürburgring au meilleur offrant, il existe entre les vendeurs et l’acquéreur une continuité économique nécessitant une extension de la décision de récupération des aides aux vendeurs à Capricorn.

38      La requérante fait valoir que la première décision attaquée a été adoptée à l’issue d’une procédure d’examen préliminaire, et non d’une procédure formelle d’examen, étant donné que les décisions d’ouverture de la procédure formelle des 21 mars et 7 août 2012 ne portaient pas sur la question de savoir si une aide avait été transférée à Capricorn.

39      Dans le mémoire en défense, la Commission a fait valoir que le recours était irrecevable, dans la mesure où il visait à contester la première décision attaquée. Elle a notamment soutenu que, s’agissant d’une décision connexe et complémentaire à une décision adoptée à l’issue d’une procédure formelle d’examen établissant l’existence d’aides incompatibles qui doivent être récupérées, la requérante ne pouvait pas être considérée comme étant individuellement concernée simplement en démontrant qu’elle était une partie intéressée, mais devait démontrer que sa position sur le marché avait été substantiellement affectée par les aides aux vendeurs, de sorte qu’elle se trouvait dans une situation de fait l’individualisant d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision l’aurait été. Or, la position de la requérante sur le marché n’aurait pas été affectée d’une manière différente de celle d’un autre soumissionnaire.

40      Ultérieurement, la Commission a toutefois conclu qu’il n’y avait plus lieu, pour le Tribunal, de statuer sur le recours, y compris sur la demande d’annulation de la première décision attaquée, au motif que la requérante aurait perdu tout intérêt à agir.

41      En l’espèce, il y a lieu de commencer par l’examen de la fin de non-recevoir spécifiquement soulevée par la Commission dans le mémoire en défense à l’égard de la demande d’annulation de la première décision attaquée.

42      En réponse à cette fin de non-recevoir, la requérante fait principalement valoir que sa position sur le marché a été substantiellement affectée par l’octroi de l’aide liée à la cession des actifs du Nürburgring à Capricorn, étant donné qu’elle a été éliminée, par le biais de l’attribution de ces actifs, à la fois du marché de l’acquisition du Nürburgring et du marché de l’exploitation de celui-ci.

43      En premier lieu, il convient de rappeler que, dans l’arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission (C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 104), la Cour a jugé qu’une décision portant sur la continuité économique doit être considérée comme une décision « connexe et complémentaire » à la décision finale relative aux aides concernées qui la précède, dans la mesure où elle en précise la portée quant à la qualité de bénéficiaire de ces aides et, partant, quant à celle de débiteur de l’obligation de restitution de celles-ci, à la suite de la survenance d’un événement postérieur à l’adoption de cette décision, tel que l’acquisition par un tiers des actifs du bénéficiaire initial desdites aides.

44      En l’espèce, par la première décision attaquée, la Commission, ayant déterminé qu’il n’y avait pas de continuité économique entre les vendeurs et l’acquéreur, a décidé que ce dernier n’était pas concerné par une éventuelle récupération des aides aux vendeurs.

45      Il convient donc de conclure que la première décision attaquée est une décision « connexe et complémentaire » à la décision prise à l’issue de la procédure formelle d’examen relative aux aides aux vendeurs.

46      En second lieu, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

47      Dans la mesure où la première décision attaquée porte sur les aides aux vendeurs, lesquelles ont été octroyées sous la forme d’aides individuelles et non en application d’un régime d’aides, celle-ci ne peut être assimilée à un acte réglementaire, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

48      Or, selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre être individuellement concernés par cette décision que si celle-ci les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 20).

49      En matière d’aides d’État, ont notamment été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission clôturant la procédure formelle d’examen, outre l’entreprise bénéficiaire, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché soit substantiellement affectée par la mesure d’aide concernée (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 98 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2014, Vtesse Networks/Commission, T‑362/10, EU:T:2014:928, point 53 et jurisprudence citée).

50      Le critère de l’affectation substantielle permet d’identifier les concurrents qu’une aide individualise de telle sorte qu’ils remplissent les conditions de recevabilité telles qu’elles ont été énoncées dans l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17). L’aide caractérise donc les concurrents ayant qualité pour agir par rapport à toute autre personne et les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire de la décision attaquée. Ainsi, l’existence d’une affectation substantielle de la position d’une partie requérante sur le marché ne dépend pas directement du montant de l’aide en cause, mais de l’importance de l’atteinte que cette aide peut porter à ladite position. Une telle atteinte peut varier pour des aides d’un montant similaire en fonction de critères tels que la taille du marché concerné, la nature spécifique de l’aide, la longueur de la période pour laquelle elle a été accordée, le caractère principal ou secondaire de l’activité affectée pour la partie requérante et les possibilités de celle-ci de contourner les effets négatifs de l’aide (voir arrêt du 5 novembre 2014, Vtesse Networks/Commission, T‑362/10, EU:T:2014:928, point 41 et jurisprudence citée).

51      La simple qualité de concurrent potentiel ne suffit donc pas à conférer à un justiciable un droit de recours devant le juge de l’Union européenne pour contester une décision adoptée par la Commission à l’issue d’une procédure formelle d’examen.

52      En l’espèce, il convient de constater que la requérante a joué un rôle actif dans la procédure ayant précédé l’adoption de la première décision attaquée, en ce qu’elle a déposé une plainte le 10 avril 2014, au motif que la procédure d’appel d’offres était illégale et que la décision de récupération des aides aux vendeurs devait s’étendre à l’acquéreur.

53      Il ressort cependant de la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus qu’il ne saurait être inféré de la seule participation de la requérante à la procédure administrative qu’elle a qualité pour agir. La requérante doit, en tout état de cause, démontrer que les aides aux vendeurs étaient susceptibles d’affecter substantiellement sa position sur le marché.

54      Au considérant 20 de la décision finale, la Commission a indiqué que les mesures de soutien en faveur des vendeurs portaient sur le financement de la construction et de l’exploitation des installations du Nürburgring. En outre, aux considérants 173 à 176 et 178 de cette même décision, elle a observé que les marchés sur lesquels la concurrence était susceptible d’être faussée par ces mesures étaient ceux de l’exploitation de circuits automobiles, de parcs tout-terrain, de parcs de loisirs, d’entreprises d’hôtellerie et de restauration, de centres de sécurité routière, d’écoles de conduite, de salles polyvalentes et de systèmes de paiement sans espèces ainsi que ceux de la promotion du tourisme, du développement de projets, de la construction de biens immobiliers, de la direction d’entreprises et du commerce de voitures ou de motos (ci-après les « marchés pertinents »). Enfin, au considérant 180 de ladite décision, la Commission a précisé que les marchés pertinents pouvaient être considérés comme étant de dimension européenne.

55      En réponse à l’une des questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure adoptées le 29 novembre 2017 (voir point 24 ci-dessus), la requérante a admis que, au moment de l’introduction de la requête et avant cette date, elle n’était pas présente sur les marchés pertinents. Partant, elle ne disposait d’aucune position sur les marchés pertinents susceptible d’être affectée, a fortiori substantiellement, par les aides aux vendeurs.

56      Pour autant que la requérante soutient, en substance, qu’elle aurait été en mesure d’acquérir les actifs du Nürburgring et, partant, d’entrer sur les marchés pertinents si elle n’avait pas été discriminée dans le cadre de la procédure d’appel d’offres (voir point 10 ci-dessus) et qu’il lui était difficile d’acquérir ou d’exploiter d’autres circuits de course, eu égard à la perte de réputation et à la publicité négative résultant du revers essuyé dans la procédure d’appel d’offres, il y a lieu de relever que ses arguments ne peuvent suffire, devant le juge de l’Union et au regard de la jurisprudence citée aux points 49 à 51 ci-dessus, pour l’individualiser par rapport aux aides aux vendeurs et à la première décision attaquée, de telle sorte qu’elle remplirait les conditions de recevabilité telles qu’elles ont été énoncées dans l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).

57      Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré être individuellement concernée par la première décision attaquée.

58      Or, il convient de rappeler que les conditions de recevabilité d’un recours sont cumulatives (arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 199). Ainsi, sans devoir examiner l’intérêt de la requérante à agir en annulation de la première décision attaquée ni, a fortiori, la demande de non-lieu à statuer de la Commission fondée sur la perte, par la requérante, de son intérêt à agir en annulation de cette même décision, il convient de déclarer le recours irrecevable, en ce qu’il vise l’annulation de ladite décision, pour défaut d’affectation individuelle.

B.      Sur la demande d’annulation de la seconde décision attaquée

59      La requérante vise également à obtenir l’annulation de la seconde décision attaquée, par laquelle la Commission a établi que la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn ne constituait pas une aide d’État.

1.      Sur la recevabilité et sur la demande de non-lieu à statuer

60      Dans le mémoire en défense, la Commission n’a pas mis en doute la recevabilité du recours, en ce qu’il concerne la seconde décision attaquée. Ultérieurement, elle a toutefois conclu qu’il n’y avait plus lieu, pour le Tribunal, de statuer sur le recours, y compris sur la demande d’annulation de la seconde décision attaquée, au motif que la requérante aurait perdu tout intérêt à agir. Dans ce contexte, elle a également contesté la qualité pour agir de la requérante à l’égard de la seconde décision attaquée.

61      En l’espèce, il y a lieu de commencer par examiner si la requérante a qualité pour agir en annulation de la seconde décision attaquée, avant de rechercher dans quelle mesure elle a et conserve un intérêt à obtenir une telle annulation.

62      Pour ce qui est de sa qualité pour agir, la requérante soutient être directement et individuellement concernée par la seconde décision attaquée. À cet égard et conformément à la jurisprudence, sa qualité particulière de « partie intéressée », au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), liée à l’objet spécifique du recours, suffirait pour l’individualiser, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Enfin, sa position sur le marché aurait été substantiellement affectée par l’aide qui aurait été octroyée à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.

63      Dans sa demande de non-lieu à statuer, la Commission fait valoir que la requérante ne peut pas fonder sa qualité de partie intéressée sur sa qualité d’acquéreur potentiel des actifs du Nürburgring puisque, dans une lettre du 26 avril 2016 adressée à la Commission, la République fédérale d’Allemagne a indiqué que Capricorn avait payé l’intégralité du prix d’achat de ces actifs et renoncé à son droit de résilier le contrat de vente au cas où la Commission prendrait une décision de récupérer les aides aux vendeurs auprès d’elle. La Commission fait également valoir que la requérante ne peut pas non plus fonder sa qualité de partie intéressée sur sa qualité de concurrente de Capricorn, ses réponses aux questions posées par le Tribunal dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure adoptées le 29 novembre 2017 (voir point 24 ci-dessus) permettant de constater que la requérante n’était pas active sur les marchés pertinents.

64      Dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, doivent être distinguées, d’une part, la phase d’examen préliminaire des aides, instituée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause et, d’autre part, la phase d’examen, visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire. Ce n’est que dans le cadre de la procédure prévue par cette dernière disposition que le traité FUE prévoit la garantie procédurale consistant dans l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 22 ; du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 16, et du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 35).

65      Lorsque, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission constate, par une décision prise sur le fondement du paragraphe 3 du même article, qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché intérieur, les bénéficiaires de cette garantie procédurale ne peuvent en obtenir le respect que s’ils ont la possibilité de contester devant le juge de l’Union cette décision. Pour ces motifs, le juge de l’Union déclare recevable un recours visant à l’annulation d’une telle décision, introduit par un intéressé au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 36).

66      Ainsi, il y a lieu de considérer que toute partie intéressée doit être considérée comme étant directement et individuellement concernée par une décision constatant l’absence d’aide au terme de la phase d’examen préliminaire (arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 68), étant rappelé que, lorsqu’une telle partie a introduit une plainte, le refus de la Commission de faire droit à cette plainte doit en tout état de cause s’analyser comme un refus d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, points 51 à 54).

67      En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que la seconde décision attaquée est une décision adoptée à l’issue de la phase d’examen préliminaire des aides, instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, et non d’une procédure formelle d’examen. La requérante ne pouvant, pour les raisons déjà indiquées aux points 55 à 57 ci-dessus, être considérée comme remplissant les conditions de recevabilité telles qu’elles ont été énoncées dans l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), il y a lieu, afin de déterminer si elle dispose de la qualité pour agir en annulation contre la seconde décision attaquée, de vérifier si elle a établi à suffisance de droit être une partie intéressée.

68      Aux termes de l’article 1er, sous h), du règlement no 659/1999, sont considérés comme étant des « parties intéressées » tout État membre et toute personne, entreprise ou association d’entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l’octroi d’une aide. Il s’agit, en d’autres termes, d’un ensemble indéterminé de destinataires. Cette disposition n’exclut pas qu’une entreprise qui n’est pas une concurrente directe du bénéficiaire de l’aide soit qualifiée de « partie intéressée », pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de cette aide. Il suffit que cette entreprise démontre, à suffisance de droit, que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation (voir arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 63 à 65 et jurisprudence citée).

69      Il s’ensuit que, en principe, toute entreprise se prévalant d’un rapport de concurrence, actuel ou potentiel, peut se voir reconnaître la qualité de « partie intéressée », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

70      En l’espèce, il y a lieu de considérer que la requérante a établi, par sa participation active, jusqu’au stade final, à la procédure d’appel d’offres et par la plainte qu’elle a déposée dans ce contexte auprès de la Commission, sa volonté sérieuse d’entrer sur les marchés pertinents et, partant, sa qualité de concurrent potentiel de Capricorn, qui avait prétendument bénéficié, selon ladite plainte et eu égard aux circonstances concrètes de la vente des actifs du Nürburgring, d’une aide d’État dont la Commission a rejeté l’existence dans la seconde décision attaquée.

71      Dès lors, au vu des considérations exposées aux points 68 et 69 ci-dessus et des appréciations qui précèdent, la requérante doit se voir reconnaître la qualité de partie intéressée s’agissant de la seconde décision attaquée.

72      Pour ce qui concerne l’intérêt à agir de la requérante, la Commission fait valoir, dans sa demande de non-lieu à statuer, que cette dernière l’aurait perdu en raison, notamment, du fait que Capricorn aurait payé l’intégralité du prix d’achat des actifs du Nürburgring et renoncé à son droit de résilier le contrat de vente au cas où la Commission prendrait une décision de récupérer les aides aux vendeurs auprès d’elle (voir point 63 ci-dessus).

73      Il importe cependant de rappeler que les « intéressés », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ont intérêt à obtenir l’annulation d’une décision prise au terme de la phase d’examen préliminaire, dès lors que, en application des dispositions de l’article 108 TFUE, une telle annulation imposerait à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen et leur permettrait de présenter leurs observations et d’exercer ainsi une influence sur la nouvelle décision de la Commission (arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, points 62 et 64). En l’espèce, la requérante a un intérêt à voir annuler la seconde décision attaquée dans la mesure où, par la première branche de son quatrième moyen, elle met en cause le fait que cette décision, constatant l’absence d’aide octroyée à Capricorn dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, a été adoptée sans que la Commission n’ouvre la procédure formelle d’examen, en violation de ses droits procéduraux en tant que partie intéressée.

74      Si le Tribunal annulait la seconde décision attaquée pour violation des droits procéduraux de la requérante, la Commission devrait en principe ouvrir la procédure formelle d’examen concernant la vente des actifs du Nürburgring et demanderait à la requérante, en tant que partie intéressée, de présenter ses observations. Par conséquent, l’annulation de la seconde décision attaquée est susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques pour la requérante, en tant que partie intéressée.

75      Il y a donc lieu de conclure que, en ce qui concerne la seconde décision attaquée, la requérante a qualité pour agir, en tant que partie intéressée, et a et conserve un intérêt à agir, tenant à la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire, en cette même qualité, de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

76      Il s’ensuit que la demande de non-lieu à statuer présentée par la Commission doit être rejetée et que le présent recours est recevable, en ce qu’il concerne la seconde décision attaquée et tend à la sauvegarde des droits procéduraux que la requérante tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

2.      Sur le fond

a)      Considérations liminaires sur l’étendue du contrôle juridictionnel concernant une décision d’absence d’aide prise à l’issue de la phase d’examen préliminaire

77      Il doit d’emblée être rappelé que l’article 108, paragraphe 3, TFUE et l’article 4 du règlement no 659/1999 instaurent une phase d’examen préliminaire des mesures d’aide notifiées qui a pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité avec le marché intérieur de la mesure en cause. À l’issue de cette phase, la Commission constate que cette mesure soit ne constitue pas une aide, soit entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans cette dernière hypothèse, ladite mesure peut ne pas susciter de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur ou, au contraire, en susciter (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 43).

78      Lorsque, à l’issue de la phase d’examen préliminaire, la Commission adopte une décision par laquelle elle constate qu’une mesure étatique ne constitue pas une aide incompatible avec le marché intérieur, elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen. Ce principe s’applique aussi bien dans le cas où la décision est prise au motif que la Commission estime que l’aide est compatible avec le marché intérieur, au titre de l’article 4, paragraphe 3, du règlement no 659/1999, dite « décision de ne pas soulever d’objections », que lorsqu’elle est d’avis que la mesure n’entre pas dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et ne constitue donc pas une aide, au titre de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 659/1999 (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 52, et du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 68).

79      Selon la jurisprudence, lorsqu’une partie requérante demande l’annulation d’une décision déclarant que la mesure en cause n’est pas une aide d’État ou d’une décision de ne pas soulever d’objections, elle met en cause essentiellement le fait que la décision prise par la Commission à l’égard de l’aide en cause a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, la partie requérante peut invoquer, aux fins de la préservation des droits procéduraux dont elle bénéficie dans le cadre de la procédure formelle d’examen, tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase d’examen préliminaire de la mesure en cause, aurait dû susciter des doutes quant à sa qualification d’aide d’État ou à sa compatibilité avec le marché intérieur (arrêts du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, point 60, et du 25 novembre 2014, Ryanair/Commission, T‑512/11, non publié, EU:T:2014:989, point 31).

80      Une telle preuve de l’existence de doutes peut notamment être rapportée à partir d’un faisceau d’indices concordants, l’existence d’un doute devant être recherchée, s’agissant d’une décision constatant que la mesure en cause ne constitue pas une aide d’État, tant dans les circonstances de l’adoption de ladite décision, notamment la durée de l’examen préliminaire, que dans son contenu, en mettant en rapport les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission dans ladite décision avec les éléments dont elle disposait ou pouvait disposer lorsqu’elle s’est prononcée sur la qualification d’aide d’État de la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 24 janvier 2013, 3F/Commission, C‑646/11 P, non publié, EU:C:2013:36, point 31).

81      Ainsi, la Commission est obligée d’ouvrir la procédure formelle d’examen si, à la lumière des renseignements obtenus ou dont elle pouvait disposer au cours de la phase d’examen préliminaire, elle reste en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure considérée. Cette obligation résulte directement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, tel qu’il a été interprété par la jurisprudence, et est confirmée par l’article 4 du règlement no 659/1999, lorsque la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure en cause suscite des doutes quant à sa qualification d’aide ou à sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, C‑131/15 P, EU:C:2016:989, points 30 à 33, et du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 328). Dans un tel cas, la Commission ne saurait refuser d’ouvrir la procédure formelle d’examen en se prévalant d’autres circonstances, telles que l’intérêt de tiers, des considérations d’économie de procédure ou tout autre motif de convenance administrative ou politique (arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 90).

82      Au stade contentieux, le contrôle du juge de l’Union doit se concentrer sur la question de savoir si, au regard des arguments avancés et des éléments de preuve produits par la requérante dans le cas d’espèce, les appréciations sur lesquelles s’est fondée la Commission dans la décision d’absence d’aide présentaient des difficultés qui étaient de nature à susciter des doutes et, partant, à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêts du 19 mai 1993, Cook/Commission, C‑198/91, EU:C:1993:197, point 31, et du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 34).

b)      Considérations liminaires sur l’objet du recours

83      La première branche du quatrième moyen est tirée de la violation des droits procéduraux de la requérante, en ce que la Commission s’est abstenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en dépit de l’existence de difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure en cause.

84      Dans le cadre de cette branche, pour démontrer l’existence de telles difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure concernée, la requérante fait notamment valoir des erreurs de droit, des erreurs d’appréciation et un vice de motivation qui entacheraient la seconde décision attaquée. Ces erreurs et ce vice sont invoqués, par ailleurs, dans ses premier, troisième et cinquième moyens, relatifs, respectivement, à l’interprétation erronée de la notion d’aide d’État, à l’absence de prise en compte de la poursuite du processus de vente par la cession à un sous-acquéreur de la participation détenue par Capricorn dans le véhicule d’acquisition des actifs du Nürburgring et à un défaut de motivation.

85      Partant, il y a lieu d’examiner, dans un premier temps, la première branche du quatrième moyen, puis, à la lumière de cette branche, tirée de la violation des droits procéduraux de la requérante, les premier, troisième et cinquième moyens, afin d’apprécier si les arguments invoqués à leur appui permettent d’identifier des difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure concernée en présence desquelles la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ainsi que la jurisprudence autorise le Tribunal à le faire (voir, en ce sens, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, points 56 et 58).

86      Il conviendra d’examiner, dans un second temps, les deuxième, troisième et quatrième branches du quatrième moyen, tirées d’autres violations des droits procéduraux de la requérante, qui peuvent également avoir eu une incidence sur le constat par la Commission, dans la seconde décision attaquée, de l’absence de difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure concernée justifiant d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. La deuxième branche du quatrième moyen est tirée de la violation de l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 659/1999 et les troisième et quatrième branches du quatrième moyen sont tirées d’un défaut d’examen diligent et impartial, par la Commission, de la procédure d’appel d’offres. Il est rappelé que le deuxième moyen de la requête, tiré de l’existence d’une continuité économique, n’était dirigé que contre la première décision attaquée, à l’égard de laquelle la requérante n’a pas été considérée comme ayant qualité pour agir.

c)      Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de l’existence de difficultés sérieuses d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring

87      La requérante invoque, en premier lieu, la durée de la phase d’examen préliminaire et, en second lieu, le contenu de la seconde décision attaquée.

1)      Sur la durée de la phase d’examen préliminaire

88      La requérante fait valoir que la Commission a reporté sa décision à plusieurs reprises, notamment entre le 23 juin et le 1er octobre 2014, date à laquelle la décision finale a finalement été adoptée. De plus, le rectificatif à la décision finale a été adopté le 13 avril 2015, soit plus d’un an après le dépôt de sa plainte auprès de la Commission.

89      La Commission soutient qu’elle n’a pas rencontré de difficultés sérieuses au cours de l’examen préliminaire.

90      Il convient de rappeler que, dans le cas où les mesures étatiques litigieuses n’ont pas été notifiées par l’État membre concerné, la Commission n’est pas tenue de procéder à un examen préliminaire de ces mesures dans un délai déterminé. Toutefois, la Commission est tenue de procéder à un examen diligent d’une plainte dénonçant l’existence d’une aide incompatible avec le marché intérieur, le caractère raisonnable de la durée d’une phase d’examen préliminaire devant s’apprécier en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, du contexte de celle-ci, des différentes étapes procédurales que la Commission doit suivre et de la complexité de l’affaire (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2011, 3F/Commission, T‑30/03 RENV, EU:T:2011:534, points 57 et 58 et jurisprudence citée).

91      En l’espèce, la Commission a été saisie de la plainte de la requérante le 10 avril 2014. Cette plainte visait la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn à un prix inférieur à leur prix de marché et l’existence d’une continuité économique entre les vendeurs et Capricorn qui aurait justifié que la décision de récupération des aides aux vendeurs soit étendue à cette dernière. Par ailleurs, trois autres plaintes ont été déposées relativement à la vente des actifs du Nürburgring. La décision finale est intervenue le 1er octobre 2014, soit moins de six mois après la réception de la plainte de la requérante. Un tel délai n’excède pas ce qu’impliquait un premier examen des questions liées à la vente des actifs du Nürburgring à un prix inférieur à leur prix de marché et n’atteste donc pas l’existence de difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure concernée de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

92      Il s’ensuit que ce grief doit être rejeté.

2)      Sur le contenu de la seconde décision attaquée

93      La requérante soutient, en substance, que la seconde décision attaquée démontrerait en elle-même l’existence de difficultés sérieuses, invoquant à ce sujet le caractère lacunaire de l’examen auquel la Commission a procédé. Les lacunes concerneraient, en particulier, l’examen du caractère ouvert, transparent, non discriminatoire et inconditionnel de la procédure d’appel d’offres, celui de certains faits qui seraient pertinents à cet égard, tels que le transfert des actifs du Nürburgring à un sous-acquéreur, celui de la question de savoir si cette procédure avait débouché sur la vente desdits actifs au soumissionnaire le plus offrant ainsi que l’examen de la circonstance que Capricorn n’aurait pas été en mesure de satisfaire à l’impératif de sécurisation du paiement du prix de vente.

94      En outre, les erreurs de droit commises par la Commission, liées à l’application erronée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 14 du règlement no 659/1999 ainsi qu’au défaut de motivation, confirmeraient l’existence de difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure concernée justifiant l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

95      La Commission conteste cette argumentation.

96      Il convient, d’abord, de relever que la Commission a constaté au considérant 285 de la décision finale, au terme d’un examen des circonstances de l’espèce, que « la vente des actifs [du Nürburgring] ne constitu[ait] pas une aide d’État ».

97      Au considérant 281 de la décision finale, la Commission a indiqué ne détenir « aucune preuve qu’un manquement au principe d’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle a[vait] été commis dans le cadre de la vente des actifs [du Nürburgring] ou qu’il existait une offre dépassant l’offre de prix de Capricorn et comprenant un financement garanti ».

98      Aux considérants 240, 261, 266, 271, 276 et 280 de la décision finale, la Commission a notamment considéré que Capricorn était le soumissionnaire qui avait présenté la meilleure offre assortie d’une garantie de financement. Quant à cette garantie, la Commission a établi qu’elle avait disposé, dès le mois d’avril 2014, de la lettre de Deutsche Bank AG du 10 mars 2014, qui venait au soutien de l’offre de Capricorn (ci-après la « lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 »). Il n’y a donc pas de raison de mettre en doute l’affirmation de la Commission selon laquelle elle a procédé à sa propre analyse de ladite lettre et considéré que celle-ci constituait une garantie de financement, dont la nature contraignante avait été confirmée par les autorités allemandes.

99      L’argument relatif à la garantie de financement de l’offre présentée par Capricorn et à la question de savoir si la procédure d’appel d’offres avait débouché sur la vente desdits actifs au soumissionnaire le plus offrant n’est donc pas fondé.

100    La requérante fait également valoir que la Commission n’a pas procédé à un examen exhaustif concernant la procédure d’appel d’offres. En particulier, la décision finale ne mentionnerait pas la poursuite du processus de vente.

101    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la phase d’examen préliminaire constitue un indice de l’existence de difficultés de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 11 octobre 2016, Søndagsavisen/Commission, T‑167/14, non publié, EU:T:2016:603, point 24 et jurisprudence citée).

102    La jurisprudence a également retenu que, d’une manière générale, la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont la Commission disposait ou pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81), étant rappelé que les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » sont ceux qui apparaissaient pertinents pour l’appréciation à effectuer et dont elle aurait pu, sur sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71).

103    Le fait que la Commission, de l’avis de la requérante, n’ait pas répondu à certains des griefs que celle-ci avait soulevés n’implique pas qu’elle ne pouvait pas se prononcer sur la mesure en cause sur la base des informations dont elle disposait et qu’elle devait, dès lors, ouvrir la procédure formelle d’examen pour compléter son enquête (arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 130).

104    En l’espèce, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas s’être prononcée, dans la décision finale, sur la poursuite du processus de vente par la cession à un sous-acquéreur de la participation détenue par Capricorn dans le véhicule d’acquisition des actifs du Nürburgring, laquelle, selon la requérante, a eu lieu le 28 octobre 2014 sur la base d’un contrat fiduciaire du 5 octobre 2014, et donc après l’adoption de ladite décision.

105    Enfin, la requérante affirme que les erreurs de droit commises par la Commission, liées à l’application erronée de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’article 14 du règlement no 659/1999 ainsi qu’au défaut de motivation, confirmeraient l’existence de difficultés sérieuses. L’examen de cet argument se confond avec l’examen des premier et cinquième moyens relatifs auxdites erreurs de droit et audit défaut de motivation, auquel il va être procédé ci-après.

106     Ainsi, sous réserve des griefs qui seront examinés dans le cadre des premier et cinquième moyens, les arguments invoqués au soutien de la première branche du quatrième moyen ne permettent donc pas d’établir que, au terme de la phase d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen. La première branche du quatrième moyen doit donc être rejetée.

d)      Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée de la notion d’aide d’État, en ce qui concerne l’octroi d’une aide d’État à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres

107    Par son premier moyen, qui comprend trois branches, la requérante fait valoir que la Commission a interprété de manière erronée la notion d’aide d’État, au sens de l’article 107 TFUE, en concluant qu’aucune aide d’État n’avait été octroyée à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.

1)      Sur la première branche du premier moyen, relative à l’avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres

108    Par la première branche du premier moyen, la requérante soutient que l’acquéreur s’est vu conférer un avantage dans le cadre de la procédure d’appel d’offres. Ladite procédure n’aurait pas été transparente. En particulier, les vendeurs et KPMG n’auraient pas informé clairement les soumissionnaires des délais applicables, de sorte qu’elle aurait été induite en erreur sur la date limite pour la soumission de l’offre finale. L’acquéreur n’aurait présenté son offre finale que le 10 mars 2014, la veille de sa désignation en tant qu’adjudicataire des actifs du Nürburgring, de sorte que le délai aurait été prorogé de facto jusqu’à cette date.

109    En outre, la requérante soutient que la procédure d’appel d’offres a été discriminatoire. En particulier, des négociations auraient eu lieu entre des représentants des vendeurs et de l’acquéreur, mais pas avec ses propres représentants, au cours de l’automne 2013, en dépit de l’absence de financement garanti par l’acquéreur. Ce dernier aurait notamment été autorisé à participer aux réunions de gestion des vendeurs. De surcroît, l’argument de la Commission tiré du fait qu’aucun des soumissionnaires n’aurait fourni de garantie de financement pour la totalité du prix d’acquisition et que, par conséquent, les vendeurs n’auraient pas violé le principe d’égalité de traitement en assouplissant l’impératif d’un financement garanti au cours de la procédure d’appel d’offres serait erroné, dans la mesure où cette modification des modalités d’adjudication n’aurait pas été communiquée à l’ensemble des soumissionnaires.

110    De plus, la requérante fait valoir que l’acquéreur n’a pas justifié d’un financement garanti, dans la mesure où, notamment, il avait uniquement présenté un engagement sous la forme de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, à savoir une lettre d’intention sans force obligatoire, et où cette lettre ne constituait qu’un projet préliminaire, dont l’effet contraignant avait été subordonné au respect de conditions supplémentaires et à une décision finale de Deutsche Bank.

111    Enfin, la requérante fait valoir qu’elle proposait le prix d’acquisition le plus élevé ainsi qu’un financement garanti.

112    La Commission conteste cette argumentation.

113    Il y a lieu de déterminer, au regard des griefs formulés dans la première branche du premier moyen, si l’examen effectué par la Commission en ce qui concerne la régularité de la procédure d’appel d’offres était de nature à écarter la présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring de nature à justifier l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

114    Selon une jurisprudence constante, lorsqu’une entreprise ayant bénéficié d’une aide incompatible avec le marché intérieur est rachetée au prix du marché, à savoir au prix le plus élevé qu’un investisseur privé agissant dans des conditions normales de concurrence était prêt à payer pour cette société dans la situation où elle se trouvait, notamment après avoir bénéficié d’aides d’État, l’élément d’aide est évalué au prix du marché et inclus dans le prix d’achat. Dans de telles conditions, l’acheteur ne saurait être considéré comme ayant bénéficié d’un avantage par rapport aux autres opérateurs sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 80 et jurisprudence citée).

115    Si, au contraire, la vente des actifs de bénéficiaires d’aides d’État est réalisée à un prix inférieur au prix du marché, un avantage indu peut être transféré à l’acquéreur (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 161).

116    Aux fins de la vérification du prix du marché, peut être prise en compte, notamment, la forme utilisée pour la cession d’une société, par exemple celle de l’adjudication publique, censée garantir une vente aux conditions du marché. Il s’ensuit que, lorsqu’il est procédé à la vente d’une entreprise par la voie d’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente et inconditionnelle, il peut être présumé que le prix du marché correspond à l’offre la plus élevée, étant entendu qu’il doit être établi, premièrement, que cette offre a valeur d’engagement et qu’elle est crédible et, deuxièmement, que la prise en compte de facteurs économiques autres que le prix n’est pas justifiée (voir, en ce sens, arrêts du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 93 et 94, et du 16 juillet 2015, BVVG, C‑39/14, EU:C:2015:470, point 32).

117    Selon la jurisprudence, le caractère ouvert et transparent d’une procédure d’appel d’offres s’apprécie en fonction d’un faisceau d’indices propres aux circonstances de chaque affaire (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 95).

118    C’est à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 114 à 117 ci-dessus qu’il convient d’examiner, en l’espèce, le bien-fondé des différents griefs soulevés dans le cadre de la première branche du premier moyen, tout en tenant compte du fait que, dans ce cadre, le Tribunal ne saurait statuer directement sur la légalité même de la procédure d’appel d’offres.

i)      Sur le grief tiré du caractère non transparent de la procédure d’appel d’offres

119    Pour autant que la requérante dénonce le caractère non transparent de la procédure d’appel d’offres, il convient de rappeler (voir point 9, septième tiret, ci-dessus) que le délai pour la soumission d’offres de confirmation a été successivement fixé au 11 décembre 2013, comme cela ressort de la lettre de KPMG du 17 octobre 2013, puis au 17 février 2014, comme cela ressort de la lettre de KPMG du 17 décembre 2013. Cette dernière lettre précisait que les offres soumises après l’expiration du délai seraient également prises en compte. Cependant, elle précisait que les vendeurs pourraient prendre la décision de sélection rapidement après le délai de remise des offres.

120    Ainsi que la Commission l’affirme à juste titre, la possibilité de déposer une offre après le 17 février 2014 était donc connue de tous les soumissionnaires. De même, le fait que l’acquéreur ait pu présenter son offre finale le 10 mars 2014, après l’expiration du délai, et être désigné comme adjudicataire dès le 11 mars 2014 est parfaitement conforme aux stipulations de la lettre de KPMG du 17 décembre 2013.

121    Il s’ensuit que ce grief ne permet pas d’établir que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à l’existence d’un avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en raison du caractère non transparent de celle-ci au regard du délai fixé pour le dépôt d’une offre de confirmation.

ii)    Sur le grief tiré du caractère discriminatoire de la procédure d’appel d’offres

122    Dans le cadre du présent grief, la requérante fait valoir que la procédure d’appel d’offres a été discriminatoire. En particulier, l’acquéreur n’aurait pas justifié d’un financement garanti, dans la mesure où la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, qui venait au soutien de son offre approuvée le 11 mars 2014, aurait été dépourvue d’effet contraignant.

123    La lettre de KPMG aux investisseurs intéressés du 17 octobre 2013 précisait que tout financement provenant d’un tiers devait reposer sur un engagement de financement contraignant (voir point 9, neuvième tiret, ci-dessus). Il y a donc lieu de vérifier si l’examen effectué par la Commission, rejoignant l’analyse des autorités allemandes, était de nature à écarter la présence de doutes quant au caractère contraignant de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014.

124    D’abord, la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 indique que cette dernière est disposée à consentir à l’acquéreur un prêt de 45 millions d’euros. Les conditions de ce financement sont décrites de façon détaillée, ce qui, comme le fait valoir à juste titre la Commission, semble indiquer un examen approfondi de la part de Deutsche Bank et un échange d’informations entre cette dernière et l’acquéreur.

125    Ensuite, la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 fait référence, à plusieurs reprises, à l’engagement pris par Deutsche Bank à l’égard de Capricorn en vertu de ladite lettre. Deutsche Bank estimait donc être liée par ladite lettre.

126    À cet égard, comme le fait valoir à juste titre la Commission, la comparaison de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 avec deux lettres préparatoires et non contraignantes de Deutsche Bank des 17 et 25 février 2014 confirme le caractère contraignant de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014. Ainsi, il est indiqué dans la lettre du 17 février 2014 qu’elle ne constitue pas un engagement de la part de Deutsche Bank, à l’inverse de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, laquelle fait référence à l’engagement pris par Deutsche Bank à l’égard de Capricorn en vertu de cette même lettre.

127    Enfin, la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014 précise que l’engagement pris par cette dernière est soumis à trois conditions. Or, ces conditions (exécution de la transaction, absence de changement significatif en ce qui concernait les actifs acquis, absence d’illégalité) ne permettaient à Deutsche Bank de se soustraire à son engagement que si l’acquisition ne se déroulait pas dans les conditions prévues.

128    Eu égard aux considérations qui précèdent, il n’apparaît pas que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère contraignant de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014.

129    À l’inverse et ainsi que la Commission l’a constaté à juste titre au considérant 272 de la décision finale, la requérante n’a jamais présenté de preuve de financement de son offre.

130    Le 30 septembre 2013, la requérante a présenté une offre indicative portant sur l’ensemble des actifs du Nürburgring, pour un montant de 150 millions d’euros. Cette offre ne comprenait pas de preuve de sa capacité de financement, ce que KPMG lui a fait remarquer dans les lettres des 11 et 17 décembre 2013 ainsi que dans une lettre du 18 décembre suivant. La requérante a également reçu la lettre de KPMG du 17 octobre 2013, qui précisait que tout financement provenant d’un tiers devait reposer sur un engagement de financement contraignant.

131    Le 17 février 2014, la requérante a soumis une offre finale d’un montant de 110 millions d’euros pour l’ensemble des actifs. Elle affirmait alors avoir obtenu un engagement de financement contraignant de 30 millions d’euros de DRC Capital LLP. Cependant, aucun document de DRC Capital n’était fourni avec l’offre, ce que KPMG a fait remarquer à la requérante dans un message électronique du 18 février 2014.

132    Le 21 février 2014, la requérante a indiqué qu’un délai de deux à cinq semaines devrait lui permettre d’obtenir tous les engagements de financement contraignants. Le 11 mars 2014, elle aurait fourni une version actualisée de l’offre finale, pour un montant total de 150 millions d’euros, et confirmé qu’elle présenterait tous les engagements de financement contraignants au plus tard le 31 mars 2014. Enfin, elle affirme avoir reçu un engagement de financement de Jupiter Financial le 26 mars 2014, mais reconnaît ne jamais l’avoir remis à KPMG. Dans un message électronique du 9 avril 2014, KPMG a indiqué à la requérante n’avoir toujours pas reçu de confirmation écrite de la part de tiers qui financeraient son offre.

133    Il ressort de ce qui précède que l’acquéreur, dont l’offre a été retenue, disposait d’abord de deux lettres préparatoires de Deutsche Bank des 17 et 25 février 2014, puis de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, sur le caractère contraignant de laquelle il n’apparaît pas que la Commission aurait dû avoir des doutes, tandis que la requérante, dont l’offre n’a pas été retenue, n’avait à aucun moment fourni une quelconque preuve de financement. De surcroît, l’impératif d’un engagement de financement contraignant a été rappelé à la requérante à maintes reprises.

134    Au vu des considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu de considérer que la Commission, au regard des éléments de fait et de droit invoqués par la requérante, aurait dû avoir des doutes quant à l’existence d’un avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, en raison du caractère discriminatoire de celle-ci au regard de l’impératif d’un engagement de financement contraignant.

iii) Sur le grief relatif au montant et au financement des offres de Capricorn et de la requérante

135    Dans le cadre du présent grief, la requérante fait valoir qu’elle proposait le prix d’acquisition le plus élevé ainsi qu’un financement garanti, tandis que l’offre de Capricorn, finalement retenue, était inférieure à la sienne et ne disposait pas d’un financement garanti.

136    Le montant de l’offre finale d’achat présentée par la requérante étant de 110 millions d’euros, tandis que celle de Capricorn était de 77 millions d’euros, c’est à juste titre que la requérante affirme qu’elle proposait un prix d’acquisition plus élevé que Capricorn.

137    Cependant, conformément à la jurisprudence rappelée au point 116 ci-dessus, il ne peut être présumé que le prix du marché correspond à l’offre la plus élevée présentée dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres ouverte, transparente et inconditionnelle que s’il est établi que cette offre a valeur d’engagement et qu’elle est crédible.

138    En l’espèce, aux termes des lettres qui leur ont été adressées les 19 juillet et 17 octobre 2013 par KPMG, les investisseurs intéressés devaient notamment être sélectionnés compte tenu de l’impératif de sécurisation de la transaction (voir point 9, neuvième tiret, ci-dessus).

139    Or, c’est à tort que la requérante affirme qu’elle proposait un financement garanti, puisqu’elle n’avait à aucun moment fourni une quelconque preuve de financement. Il ressort du considérant 272 de la décision finale que les autorités allemandes pouvaient, en l’absence de preuves de sa capacité et de sa solvabilité financières, mettre en doute sa capacité à réunir les fonds nécessaires pour honorer le prix d’achat qu’elle offrait et, partant, la crédibilité de son offre et la conformité de celle-ci avec l’impératif de sécurisation du paiement du prix de vente.

140    À l’inverse, Capricorn disposait d’abord des deux lettres préparatoires de Deutsche Bank des 17 et 25 février 2014, puis de la lettre de Deutsche Bank du 10 mars 2014, dont il a déjà été observé que le caractère contraignant ne devait pas susciter de doutes pour la Commission (voir points 128 et 133 ci-dessus).

141    De surcroît, ainsi que cela est mentionné au considérant 273 de la décision finale, n’ont participé au stade final des négociations menées dans le cadre de la procédure d’appel d’offres que l’offrant 2 et Capricorn, dont les offres étaient toutes deux inférieures à celle de la requérante mais comportaient des promesses de financement. C’est donc à l’offre de l’offrant 2 que les vendeurs ont comparé celle de Capricorn. Cela est confirmé par le fait que, selon les avocats des vendeurs, en date du 26 février 2014, l’offre de confirmation de l’offrant 2 était la meilleure offre, quoique d’un montant moins élevé que celle de Capricorn, et que c’est précisément au vu du montant plus élevé de l’offre de cette dernière que les vendeurs ont également essayé de finaliser la vente des actifs du Nürburgring avec Capricorn. Or, il ressort du considérant 273 de la décision finale que tant l’offre que la promesse de financement présentées in fine par Capricorn étaient plus élevées que l’offre et la promesse de financement présentées par l’offrant 2.

142    Il n’est donc pas établi que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant au fait que Capricorn était le soumissionnaire qui avait présenté la meilleure offre contraignante et crédible, compte tenu non seulement du prix qui était proposé, mais également des garanties de sécurisation de la transaction qui étaient offertes. En d’autres termes, il n’est pas établi qu’elle aurait dû douter de ce que « les actifs en cause [avaie]nt été vendus au soumissionnaire qui a[vait] présenté la meilleure offre assortie d’une preuve de financement », comme cela est relevé au considérant 276 de la décision finale, et de ce qu’il n’existait pas « une offre dépassant l’offre de prix de Capricorn et comprenant un financement garanti », comme cela est relevé au considérant 281 de cette même décision.

143    Il s’ensuit que ce grief doit également être rejeté.

144    En application de la jurisprudence citée aux points 114 à 117 ci-dessus, l’examen effectué par la Commission était donc de nature à écarter tout doute quant à l’existence d’un avantage indu en faveur de l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres et, par conséquent, à l’octroi d’une aide d’État à ce dernier. Dès lors, il n’y a pas lieu de considérer que la première branche du premier moyen est révélatrice de difficultés sérieuses d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring qui auraient imposé à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

145    Par conséquent, il convient de rejeter la première branche du premier moyen.

2)      Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre du contrat de bail portant sur les actifs du Nürburgring

146    Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient qu’un avantage a également été conféré à l’acquéreur dans le cadre du contrat de bail portant sur les actifs du Nürburgring. Il résulte du considérant 56 de la décision finale que ce bail a été conclu entre une société indépendante des vendeurs, œuvrant concrètement en qualité de dépositaire desdits actifs, et une société d’exploitation créée par Capricorn, pour une période courant à partir du 1er janvier 2015, en vue d’aménager une situation transitoire correspondant à la réalisation éventuelle de la condition dont la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn était assortie, à savoir l’adoption par la Commission d’une décision écartant tout risque que l’acquéreur desdits actifs puisse être tenu de rembourser les aides aux vendeurs. Le montant du loyer annuel ne dépassait pas 5 millions d’euros, alors que, selon la requérante, il aurait dû s’élever au minimum à 7,7 millions d’euros.

147    La Commission conteste cette argumentation et fait notamment valoir que le loyer représentait uniquement le paiement anticipé de fractions du prix de vente des actifs du Nürburgring, lequel était lui-même conforme aux conditions du marché.

148    Pour les raisons exposées aux points 119 à 133 ci-dessus, il n’y a pas lieu de considérer que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère transparent et non discriminatoire de la procédure d’appel d’offres.

149    Pour ces mêmes raisons, la Commission était fondée à ne pas avoir de doutes quant à l’existence d’un avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres, y compris concernant le contrat de bail portant sur les actifs du Nürburgring qui avait été négocié pour le cas où les conditions posées pour que la vente devienne parfaite ne se réaliseraient pas.

150    Il convient donc de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

3)      Sur la troisième branche du premier moyen, relative à l’intervention de ressources publiques dans le cadre de la vente des actifs du Nürburgring à l’acquéreur

151    Par la troisième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas examiné la question de savoir si des ressources publiques avaient été impliquées dans le cadre de la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn. Or, elle aurait dû constater que tel était le cas.

152    La Commission conteste cette argumentation.

153    Il convient de rappeler que la Commission peut classer une plainte lorsqu’elle est en mesure d’exclure d’emblée la qualification d’aide d’État des mesures en cause après avoir constaté que l’une des conditions essentielles à l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’est pas remplie (voir, en ce sens, arrêt du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 104).

154    En l’espèce, en examinant, aux considérants 266 à 281 de la décision finale, si la procédure d’appel d’offres avait été ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle et si Capricorn était le soumissionnaire qui avait présenté la meilleure offre assortie d’une garantie de financement, la Commission avait, en substance, pour but de contrôler que les actifs du Nürburgring avaient été vendus à leur prix de marché, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 116 ci-dessus.

155    Si la vente des actifs du Nürburgring avait été réalisée à un prix inférieur au prix du marché, ainsi que cela a été rappelé au point 115 ci-dessus, un avantage indu aurait pu être octroyé à l’acquéreur (arrêt du 28 mars 2012, Ryanair/Commission, T‑123/09, EU:T:2012:164, point 161). L’examen de la Commission portait donc sur la question de savoir si un tel avantage avait été octroyé, en l’espèce, à Capricorn dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.

156    La Commission a conclu que, en l’absence d’un tel avantage, aucune aide d’État n’avait été octroyée à Capricorn dans le cadre de la vente des actifs du Nürburgring. En d’autres termes, la Commission a constaté que l’une des conditions essentielles à l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, relative à l’existence d’un avantage, n’était pas remplie.

157    Dès lors, il ne saurait être valablement reproché à la Commission de ne pas avoir également examiné si la condition relative à une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État était remplie.

158    Par conséquent, il convient de constater que l’examen de la troisième branche du premier moyen et, partant, du premier moyen dans son ensemble n’a pas révélé d’indice de l’existence de doutes quant à la qualification d’aide d’État de la vente des actifs du Nürburgring qui auraient requis l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

159    Le premier moyen, lu à la lumière de la première branche du quatrième moyen, doit donc être rejeté.

e)      Sur le troisième moyen, relatif à l’absence de prise en compte de la poursuite du processus de vente résultant de la cession à un sous-acquéreur de la participation détenue par Capricorn dans le véhicule d’acquisition des actifs du Nürburgring

160    Par son troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a indiqué à tort, dans la décision finale, que le processus de vente des actifs du Nürburgring avait pris fin le 11 mars 2014, avec leur attribution à Capricorn.

161    En effet, les vendeurs auraient poursuivi le processus de vente à partir du mois de juillet 2014, après que Capricorn a démontré son incapacité à effectuer le deuxième versement partiel du prix d’achat. Des négociations informelles auraient eu lieu à partir du mois de septembre 2014, au cours desquelles les vendeurs eux-mêmes auraient proposé le transfert des actifs du Nürburgring, aboutissant, le 28 octobre 2014, à la cession à un sous-acquéreur de la participation détenue par Capricorn dans le véhicule d’acquisition de ces actifs. La poursuite du processus de vente n’aurait pas non plus été conforme aux exigences d’ouverture, de transparence, de non-discrimination et d’inconditionnalité.

162    Selon la requérante, la cession à un sous-acquéreur de la participation détenue par Capricorn dans le véhicule d’acquisition des actifs du Nürburgring constitue l’aboutissement du processus de vente desdits actifs et a été conclue dans l’intérêt des vendeurs et non de Capricorn. En effet, cette dernière n’a tiré aucun avantage de cette cession, hormis celui lié à l’extinction de ses obligations contractuelles. Le fait que le prix de cession de cette participation ait été identique à celui de la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn n’aurait pas justifié l’absence d’engagement, en l’espèce, d’une nouvelle procédure d’appel d’offres.

163    La Commission conteste cette argumentation.

164    Pour les raisons qui ont déjà été exposées aux points 103 et 104 ci-dessus, il ne peut être reproché à la Commission de ne pas s’être prononcée, dans la décision finale, sur la poursuite du processus de vente par la cession à un sous-acquéreur de la participation détenue par Capricorn dans le véhicule d’acquisition des actifs du Nürburgring, dans la mesure où cette cession a eu lieu, comme le reconnaît elle-même la requérante, après l’adoption de ladite décision.

165    De surcroît, s’il ressort d’un article de presse du 30 septembre 2014 que Deutsche Bank aurait retiré son financement à Capricorn et que les administrateurs auraient cherché de nouveaux repreneurs pour les actifs du Nürburgring, la requérante n’a pas établi que la Commission disposait ou pouvait disposer de ces éléments d’information au moment où elle a arrêté la décision finale.

166    En tout état de cause, en application de la jurisprudence citée aux points 114 à 117 ci-dessus et comme l’a fait valoir la Commission dans ses observations du 13 décembre 2017 en réponse aux questions écrites du Tribunal, son examen avait pour but de rechercher, aux fins de vérifier si les actifs du Nürburgring avait été cédés à leur prix de marché, si la procédure d’appel d’offres avait été ouverte, transparente, non discriminatoire et inconditionnelle. Dans le cas contraire, ladite vente aurait pu être réalisée à un prix inférieur au prix du marché, et un avantage indu être transféré à l’acquéreur.

167    Par conséquent, il convient de considérer que l’aide, qui, selon la requérante (voir point 10 ci-dessus), aurait dû être constatée par la Commission dans la seconde décision attaquée et devait correspondre à la différence entre le prix payé par Capricorn pour acquérir les actifs du Nürburgring et le prix de marché de ces mêmes actifs, aurait été accordée à Capricorn le 11 mars 2014, date de l’attribution des actifs du Nürburgring à cette dernière et de la signature du contrat de vente fixant le prix d’acquisition des actifs du Nürburgring dû par Capricorn. Il s’ensuit que les faits postérieurs à cette date, tels que les difficultés rencontrées par Capricorn au stade de l’exécution du contrat de vente et la cession par celle-ci à un sous-acquéreur de la participation qu’elle détenait dans le véhicule d’acquisition des actifs du Nürburgring, n’étaient pas pertinents pour l’examen de la question de savoir si une aide avait éventuellement été octroyée à Capricorn dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.

168    Enfin, comme l’a fait valoir à juste titre la Commission dans ses observations du 13 décembre 2017 en réponse aux questions écrites du Tribunal, si la requérante souhaitait qu’elle examinât également l’existence d’une aide nouvelle résultant de la poursuite alléguée du processus de vente, postérieurement à l’adoption de la seconde décision attaquée, elle aurait dû déposer une nouvelle plainte à ce sujet.

169    Il s’ensuit que les arguments présentés au soutien du troisième moyen, tiré de l’absence de prise en compte de la poursuite du processus de vente après l’adoption de la seconde décision attaquée, ne permettent pas d’établir que, au terme de la phase d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

170    Le troisième moyen, lu à la lumière de la première branche du quatrième moyen, doit donc être rejeté.

f)      Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation

171    Par son cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a omis de répondre à ses griefs concernant, premièrement, l’examen de l’impératif de sécurisation de la transaction, deuxièmement, la poursuite du processus de vente et la cession des actifs du Nürburgring à un sous-acquéreur, troisièmement, l’utilisation de ressources publiques et l’implication de l’État dans la conclusion de la vente et du bail portant sur les actifs du Nürburgring, quatrièmement, l’octroi supplémentaire d’une aide d’État de six millions d’euros en faveur de l’acquéreur, correspondant au versement partiel du prix d’acquisition prélevé sur le bénéfice de l’exercice 2014 du gestionnaire du Nürburgring (voir point 6 ci-dessus), cinquièmement, le rôle du cabinet d’avocats représentant l’acquéreur et les vendeurs, sixièmement, le caractère discriminatoire de la procédure d’appel d’offres en ce qui concerne les accords liés à l’exploitation du Nürburgring, septièmement, le contrat de bail conclu entre l’acquéreur et les vendeurs et la question de savoir s’il équivalait à une aide d’État et, huitièmement, la vérification du prix d’acquisition des actifs du Nürburgring sur la base d’opinions d’experts.

172    La requérante fait également valoir que la Commission n’a pas fourni de motivation claire et non équivoque en ce qui concerne, d’une part, l’organisation, évoquée au considérant 56 de la décision finale, mise en place postérieurement à la clôture de la vente des actifs du Nürburgring aux fins d’assurer l’exploitation provisoire de ceux-ci dans l’attente d’une décision exécutoire de la Commission clarifiant la situation juridique de Capricorn à l’égard des aides aux vendeurs et, d’autre part, l’impératif de sécurisation de cette transaction.

173    Enfin, la requérante fait valoir que la Commission a omis de présenter une motivation plus détaillée, en ce qui concernait les modifications qu’elle aurait apportées à sa pratique décisionnelle, dans le cadre de l’examen de l’impératif de sécurisation de la transaction et des liens existant entre les administrateurs et l’État.

174    La Commission conteste cette argumentation.

175    La motivation exigée à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle (voir, s’agissant d’aides d’État, arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, points 88 et 89, du 22 avril 2008, Commission/Salzgitter, C‑408/04 P, EU:C:2008:236, point 56, et du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, points 48 et 49). La Commission est tenue d’exposer de manière suffisante au plaignant les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués dans la plainte n’ont pas suffi à démontrer l’existence d’une aide d’État (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 64, et du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 89).

176    En l’espèce, les considérants 266 à 281 de la décision finale, sous le titre « Plaintes relatives à la vente des actifs [du Nürburgring] », contiennent un exposé détaillé des raisons qui ont amené la Commission à décider que la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn ne constituait pas une aide d’État. Cet exposé est suffisant pour permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle et pour que la requérante puisse comprendre les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués dans sa plainte n’ont pas suffi à démontrer l’existence d’une aide d’État.

177    En particulier et contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas omis de répondre à ses griefs concernant l’impératif de sécurisation de la transaction, lesquels sont examinés aux considérants 272 et 273 de la décision finale portant sur la preuve du financement des offres de la requérante et de Capricorn, la négociation d’accords liés à l’exploitation du Nürburgring par Capricorn, qui est évoquée au considérant 275, sous e), de cette même décision, ou le rôle du cabinet d’avocats représentant l’acquéreur et les vendeurs, qui est évoqué au considérant 275, sous j), de ladite décision.

178    Dès lors, quand bien même la Commission aurait omis de répondre à d’autres griefs soulevés par la requérante dans sa plainte, cette omission ne saurait constituer une violation de l’obligation de motivation, cette dernière ne lui imposant pas d’exposer d’autres éléments que les faits et les considérations juridiques qu’elle considère d’une importance essentielle dans l’économie de la décision. En effet, la corrélation nécessaire entre les motifs invoqués par le plaignant et la motivation de la décision de la Commission ne saurait exiger que celle-ci soit tenue d’écarter chacun des arguments invoqués à l’appui de ces motifs (voir arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 96 et jurisprudence citée, et du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen/Commission, T‑102/07 et T‑120/07, EU:T:2010:62, point 180 et jurisprudence citée).

179    C’est à plus forte raison le cas s’agissant d’une décision adoptée au terme de la phase d’examen préliminaire des aides qui, étant prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la mesure concernée de nature à justifier l’ouverture de la phase formelle d’examen (arrêts du 15 juin 1993, Matra/Commission, C‑225/91, EU:C:1993:239, point 48, et du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 65).

180    Il s’ensuit que le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation, ne permet pas d’établir que, au terme de la phase d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

181    Compte tenu des considérations qui précèdent, le cinquième moyen doit être rejeté.

182    Il s’ensuit que ni la première branche du quatrième moyen, ni les premier, troisième et cinquième moyens ne permettent d’établir que, au terme de la phase d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

g)      Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 659/1999

183    Par la deuxième branche du quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a commis une violation de l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 659/1999 dans la mesure où elle ne l’a pas informée de son intention de rejeter sa plainte et ne l’a pas non plus invitée à présenter de nouvelles observations.

184    La Commission conteste cette argumentation.

185    Tel que modifié par le règlement (UE) no 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013, modifiant le règlement no 659/1999 (JO 2013, L 204, p. 15), l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 659/1999 dispose que « [l]orsque la Commission estime que la partie intéressée ne respecte pas l’obligation de recourir au formulaire de plainte ou que les éléments de fait et de droit invoqués par la partie intéressée ne suffisent pas à démontrer, sur la base d’un examen à première vue, l’existence d’une aide d’État illégale ou l’application abusive d’une aide, elle en informe la partie intéressée et l’invite à présenter ses observations dans un délai déterminé qui ne dépasse normalement pas un mois ». En outre, « [s]i la partie intéressée ne fait pas connaître son point de vue dans le délai fixé, la plainte est réputée avoir été retirée ».

186    Tel que modifié par le règlement no 734/2013, l’article 20, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement no 659/1999 dispose que « [l]a Commission envoie au plaignant une copie de toute décision adoptée dans une affaire concernant le sujet de sa plainte ».

187    L’article 20, paragraphe 2, du règlement no 659/1999 doit être lu à la lumière de la règle figurant au point 48 du code de bonnes pratiques pour la conduite des procédures de contrôle des aides d’État (JO 2009, C 136, p. 13), qui prévoit que, en principe, dans un délai de douze mois, la Commission s’efforce d’adopter une décision pour les cas prioritaires, conformément à l’article 4 du règlement no 659/1999, et d’en adresser une copie au plaignant, ou d’adresser une première lettre administrative au plaignant pour lui exposer ses conclusions préliminaires dans les cas non prioritaires.

188    Selon les deuxième et troisième alinéas du paragraphe 2 de l’article 20 du règlement no 659/1999, qui régit les droits de la partie intéressée, la Commission, après avoir obtenu de celle-ci des informations concernant de prétendues aides illégales, soit estime qu’il n’y a pas de motifs suffisants pour se prononcer sur le cas et en informe ladite partie intéressée, soit prend une décision sur le cas concernant la teneur des informations fournies (arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 55).

189    Or, en l’espèce, la Commission a pris une décision en examinant les informations fournies par la requérante et en prenant position sur celles-ci.

190    Il convient donc de conclure que la Commission n’a pas violé l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 659/1999.

191    Partant, la deuxième branche du quatrième moyen doit être rejetée.

192    Il convient d’examiner à présent la quatrième branche du quatrième moyen, puis la troisième branche du quatrième moyen.

h)      Sur la quatrième branche du quatrième moyen, tirée de l’absence d’examen diligent de la plainte de la requérante

193    Par la quatrième branche du quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission n’a pas effectué un examen diligent de la procédure d’appel d’offres. En particulier, elle n’aurait pas demandé d’informations supplémentaires aux vendeurs et aux autorités allemandes et se serait appuyée uniquement sur celles fournies par les administrateurs aux autorités allemandes, dont elle aurait dû vérifier la fiabilité. De plus, la Commission n’aurait pas accueilli la demande de la requérante du 6 juillet 2014 l’invitant à adresser des questions supplémentaires à la République fédérale d’Allemagne et aux tiers concernés.

194    La Commission conteste cette argumentation.

195    Selon la jurisprudence de la Cour, la Commission est tenue d’examiner de manière diligente et impartiale les plaintes qu’elle reçoit en matière d’aides d’État, ce qui peut l’obliger à instruire une plainte en allant au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance par le plaignant et à procéder à l’examen des éléments qui n’ont pas été expressément évoqués par le plaignant (arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 62, et du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 90).

196    Dans le cadre du contrôle des aides d’État, si l’État membre doit, en vertu du devoir de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE, coopérer avec la Commission en lui fournissant les éléments lui permettant de se prononcer sur la nature d’aide d’État de la mesure en cause, il n’en demeure pas moins que la Commission est quant à elle soumise, dans l’intérêt d’une bonne administration des règles fondamentales du traité relatives aux aides d’État, à une obligation d’examen diligent et impartial et que cette obligation lui impose, notamment, d’examiner avec soin les éléments qui lui sont fournis par l’État membre (voir arrêt du 22 octobre 2008, TV2/Danmark e.a./Commission, T‑309/04, T‑317/04, T‑329/04 et T‑336/04, EU:T:2008:457, point 183 et jurisprudence citée).

197    Ainsi, la Commission, si elle jouit d’une marge d’appréciation, ne saurait cependant, compte tenu de son obligation d’examen diligent et impartial, omettre de demander la communication d’éléments d’information dont il apparaît qu’ils sont de nature à confirmer ou à infirmer d’autres éléments d’information pertinents pour l’examen de la mesure en cause, mais dont la fiabilité ne peut être considérée comme suffisamment établie (arrêt du 26 juin 2008, SIC/Commission, T‑442/03, EU:T:2008:228, point 225).

198    Enfin, c’est à la lumière tant des informations notifiées par l’État concerné que de celles fournies par les éventuels plaignants que la Commission doit former son appréciation dans le cadre de l’examen préliminaire institué par l’article 108, paragraphe 3, TFUE (arrêt du 3 mai 2001, Portugal/Commission, C‑204/97, EU:C:2001:233, point 35).

199    La requérante vise, par un premier grief, un défaut d’examen diligent de sa plainte résultant de ce que la Commission n’a pas accueilli sa demande du 6 juillet 2014 l’invitant à adresser des questions supplémentaires à la République fédérale d’Allemagne et aux tiers concernés.

200    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme cela a été exposé au point 178 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 96 et jurisprudence citée, et du 3 mars 2010, Freistaat Sachsen/Commission, T‑102/07 et T‑120/07, EU:T:2010:62, point 180 et jurisprudence citée).

201    Partant, faute pour la requérante d’avoir établi que la Commission aurait omis de rechercher ou de vérifier des éléments d’information nécessaires à l’adoption de la seconde décision attaquée, ce grief doit être rejeté.

202    Par un second grief, la requérante vise le défaut d’examen diligent de sa plainte résultant de ce que la Commission n’a pas demandé d’informations supplémentaires aux vendeurs et aux autorités allemandes et s’est appuyée uniquement sur les informations fournies par les administrateurs aux autorités allemandes.

203    À cet égard, il ressort des pièces du dossier que, à la suite du dépôt de la plainte de la requérante, la Commission a demandé aux autorités allemandes des renseignements le 23 mai et les 4 et 7 juillet 2014, lesquels ont été fournis les 23 avril, 26 mai et 10 juillet 2014. Les services de la Commission ont rencontré des représentants des autorités allemandes, les administrateurs et KPMG les 22 juillet et 5 septembre 2014.

204    Aux considérants 272 à 276 de la décision finale, la Commission a examiné et confronté aux observations de la requérante, rapportées aux considérants 115 à 120 de ladite décision, celles des administrateurs communiquées par les autorités allemandes, rapportées aux considérants 121 à 135 de cette même décision. La Commission y fait part de ses propres constatations et observations en ce qui concerne les éléments pertinents, en particulier la preuve de la capacité de financement pour l’acquisition des actifs du Nürburgring de la requérante, d’une part, et de Capricorn, d’autre part.

205    La Commission a donc bien opéré, en l’espèce, un examen et une appréciation des informations communiquées tant par la requérante que par les autorités allemandes. Dans ce contexte, rien ne permet de conclure à une insuffisance de l’instruction menée par la Commission ou à un manquement de cette dernière à son obligation d’examen diligent de la plainte.

206    Il convient donc de rejeter ce second grief et, dès lors, la quatrième branche du quatrième moyen comme non fondés.

i)      Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée de l’absence d’examen impartial de la plainte de la requérante

207    Par la troisième branche du quatrième moyen, la requérante soutient que la conduite d’un examen impartial de sa plainte par la Commission a été rendue impossible par une déclaration du porte-parole du membre de la Commission chargé de la concurrence, rapportée dans la presse le 15 mai 2014 (ci-après la « déclaration litigieuse »). Il ressort de cette déclaration, telle que relatée dans l’article de presse produit par la requérante, que, selon les informations dont la Commission aurait disposé, les autorités allemandes auraient suivi les orientations données par le membre de la Commission chargé de la concurrence dans une lettre au début de la procédure de vente des actifs du Nürburgring et que ceux-ci auraient été vendus au soumissionnaire le plus offrant à l’issue d’un processus de sélection ouvert, transparent et non discriminatoire, à savoir après une procédure d’appel d’offres légale et au prix du marché.

208    La Commission conteste cette argumentation.

209    Selon une jurisprudence constante en matière d’ententes ou d’abus de position dominante, une irrégularité, telle que des divulgations à la presse ne se limitant pas à exprimer le point de vue personnel du membre de la Commission chargé de la concurrence sur la compatibilité des mesures examinées avec le droit de l’Union, peut entraîner l’annulation de la décision portant sur ces mesures s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, ladite décision aurait eu un contenu différent (arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a./Commission, 40/73 à 48/73, 50/73, 54/73 à 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, EU:C:1975:174, point 91, et du 6 juillet 2000, Volkswagen/Commission, T‑62/98, EU:T:2000:180, point 283).

210    Conformément à cette même jurisprudence, il incombe à la requérante d’apporter au moins des indices venant soutenir une telle conclusion (arrêt du 15 mars 2006, BASF/Commission, T‑15/02, EU:T:2006:74, point 606).

211    Cette jurisprudence, qui concerne l’application des articles 101 et 102 TFUE, peut être appliquée, par analogie, à des procédures en matière d’aides d’État, relatives à l’application des articles 107 et 108 TFUE, et notamment au cas d’espèce.

212    Or, en application de cette jurisprudence, il convient de relever que la requérante n’a apporté aucune preuve ou aucun indice de ce que, si la déclaration litigieuse n’avait pas été faite, la décision finale aurait pu avoir un contenu différent. En effet, le Tribunal a constaté que l’examen des premier, troisième et cinquième moyens et de la première branche du quatrième moyen ne permettait pas d’établir que, au terme de la phase d’examen préliminaire, la Commission se heurtait à des difficultés d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring exigeant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen. Le Tribunal a également constaté que la quatrième branche du quatrième moyen ne permettait pas de conclure à une insuffisance de l’instruction menée par la Commission ou à un manquement de cette dernière à son obligation d’examen diligent de la plainte.

213    Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la nature ou sur la portée de la déclaration litigieuse, il convient donc de rejeter la troisième branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble.

214    Les moyens visant à l’annulation de la seconde décision attaquée pour violation des droits procéduraux que la requérante tirait de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ayant été rejetés, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de ladite décision.

215    La requérante a présenté plusieurs offres de preuve par témoins. Ces dernières n’apparaissant pas indispensables pour la solution du litige et, notamment, pour vérifier que les faits ou indices mis en avant par la requérante auraient dû amener la Commission à avoir des doutes, elles doivent être rejetées.

216    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le recours doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour le reste, non fondé.

IV.    Sur les dépens

217    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La demande de non-lieu à statuer sur le recours est jointe au fond.

2)      La demande de non-lieu à statuer sur le recours est rejetée.

3)      Le recours est rejeté.

4)      NeXovation, Inc. supporte ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Pelikánová

Valančius

Nihoul

Svenningsen

 

      Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2019.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Procédure administrative et vente des actifs du Nürburgring

B. Décisions attaquées

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité de la demande d’annulation de la première décision attaquée

B. Sur la demande d’annulation de la seconde décision attaquée

1. Sur la recevabilité et sur la demande de non-lieu à statuer

2. Sur le fond

a) Considérations liminaires sur l’étendue du contrôle juridictionnel concernant une décision d’absence d’aide prise à l’issue de la phase d’examen préliminaire

b) Considérations liminaires sur l’objet du recours

c) Sur la première branche du quatrième moyen, tirée de l’existence de difficultés sérieuses d’appréciation de la vente des actifs du Nürburgring

1) Sur la durée de la phase d’examen préliminaire

2) Sur le contenu de la seconde décision attaquée

d) Sur le premier moyen, tiré d’une interprétation erronée de la notion d’aide d’État, en ce qui concerne l’octroi d’une aide d’État à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres

1) Sur la première branche du premier moyen, relative à l’avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre de la procédure d’appel d’offres

i) Sur le grief tiré du caractère non transparent de la procédure d’appel d’offres

ii) Sur le grief tiré du caractère discriminatoire de la procédure d’appel d’offres

iii) Sur le grief relatif au montant et au financement des offres de Capricorn et de la requérante

2) Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre du contrat de bail portant sur les actifs du Nürburgring

3) Sur la troisième branche du premier moyen, relative à l’intervention de ressources publiques dans le cadre de la vente des actifs du Nürburgring à l’acquéreur

e) Sur le troisième moyen, relatif à l’absence de prise en compte de la poursuite du processus de vente résultant de la cession à un sous-acquéreur de la participation détenue par Capricorn dans le véhicule d’acquisition des actifs du Nürburgring

f) Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation

g) Sur la deuxième branche du quatrième moyen, tirée de la violation de l’article 20, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 659/1999

h) Sur la quatrième branche du quatrième moyen, tirée de l’absence d’examen diligent de la plainte de la requérante

i) Sur la troisième branche du quatrième moyen, tirée de l’absence d’examen impartial de la plainte de la requérante

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.