Language of document : ECLI:EU:T:2013:675

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 décembre 2013(*)

« Union douanière – Importation de produits textiles déclarés comme originaires de la Jamaïque – Recouvrement ‘a posteriori’ de droits à l’importation – Demande de remise des droits – Article 220, paragraphe 2, sous b), et article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 – Décision de rejet de la Commission – Annulation par le juge national de la décision des autorités nationales de prise en compte a posteriori des droits – Non-lieu à statuer »

Dans l’affaire T‑38/09,

El Corte Inglés, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes M. Baz et P. Muñiz, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Axstores AB, anciennement Åhléns AB, établie à Stockholm (Suède), représentée initialement par Mes  P. Fohlin et U. Käll, puis par Mes Käll et T. Wetterlundh, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Valero Jordana et Mme L. Keppenne, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C(2008) 6317 final de la Commission, du 3 novembre 2008, constatant, d’une part, qu’il y a lieu de procéder au recouvrement a posteriori  des droits à l’importation non exigés de la requérante et, d’autre part, que la remise de ces droits n’est pas justifiée par une situation particulière, concernant l’importation de produits textiles déclarés comme originaires de la Jamaïque (Affaire REM 03/07),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, El Corte Inglés SA, importait en Espagne, depuis 2001, des produits textiles originaires de la Jamaïque, notamment en provenance de l’entreprise Gloucester Industrial Ltd.

2        Ces importations de produits textiles en provenance de la Jamaïque bénéficiaient d’un régime tarifaire préférentiel prévu par l’accord de partenariat entre les membres du groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, signé à Cotonou le 23 juin 2000 (JO L 317, p. 3), et approuvé au nom de la Communauté par la décision 2003/159/CE du Conseil, du 19 décembre 2002 (JO 2003, L 65, p. 27, ci-après l’« accord de Cotonou »).

3        Ainsi, conformément au protocole I de l’annexe V de cet accord, les produits textiles en question étaient admis à l’importation dans la Communauté en exemption de droits à l’importation, sur présentation d’un certificat d’origine des marchandises EUR.1, délivré par les autorités jamaïcaines compétentes (ci-après le « certificat EUR.1 »).

4        Des représentants de la Commission et de certains États membres ont réalisé, du 7 au 24 mars 2005, une mission de vérification au cours de laquelle il a été constaté que les certificats EUR.1 ne remplissaient pas les conditions établies par l’accord de Cotonou et que les produits textiles en question ne pouvaient donc pas bénéficier du traitement préférentiel de l’exemption de droits à l’importation. Les certificats EUR.1 relatifs aux produits textiles concernés par l’enquête et délivrés entre le 1er janvier 2002 et le 30 décembre 2004 ont été, par conséquent, invalidés par les autorités jamaïcaines.

5        Au vu du résultat de cette enquête, les autorités espagnoles ont donc engagé une action tendant au recouvrement a posteriori du montant des droits à l’importation à l’encontre de la requérante. Ainsi, le 25 novembre 2005, l’administration fiscale espagnole a notifié à celle‑ci l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation daté du 21 novembre 2005 (ci-après l’« avis de mise en recouvrement des droits à l’importation »), constatant l’existence d’une dette douanière à sa charge (ci-après la « dette douanière »).

6        Le 24 mai 2006, la requérante a présenté à l’administration fiscale espagnole une demande de remise des droits à l’importation (ci-après la « demande de la requérante »), invoquant l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci‑après le « code des douanes »).

7        Conformément à l’article 905, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du code des douanes (JO L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »), le Royaume d’Espagne a, par lettre du 25 janvier 2007, transmis le cas à la Commission des Communautés européennes.

8        Parallèlement à ladite demande, la requérante a contesté la validité de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation devant les autorités judiciaires espagnoles en demandant l’annulation de cet avis.

9        Par arrêt du 20 octobre 2008, l’Audiencia Nacional (Audience nationale) a annulé l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation. Un pourvoi en cassation contre cet arrêt a été introduit par l’abogado del Estado devant le Tribunal Supremo (Cour suprême espagnole).

10      Par décision C(2008) 6317 final, du 3 novembre 2008, constatant qu’il était justifié de procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation, les autorités douanières n’ayant pas commis d’erreur au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, et qu’il n’était pas justifié de procéder à la remise de ces droits dans un cas particulier, au sens de l’article 239 dudit code (Affaire REM 03/07) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a rejeté la demande de la requérante présentée par le Royaume d’Espagne.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 janvier 2009, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé, enregistré au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a présenté une demande de mesures d’organisation de la procédure tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission de produire une copie de certains documents. Dans les observations qu’elle a présentées à ce sujet dans les délais qui lui avaient été impartis, la Commission n’a émis aucune objection à cette demande à condition qu’elle puisse supprimer les parties des documents contenant des données à caractère personnel non nécessaires aux fins de la résolution du présent litige ainsi que des renseignements confidentiels ou non liés à la présente affaire.

13      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2009, Afasia Knitting Factory (HK) Ltd a présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 14 janvier 2010, le président de la cinquième chambre du Tribunal a rejeté cette intervention.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 mai 2009, Axstores AB a présenté une demande d’intervention au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 8 juillet 2009, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis cette intervention.

15      La requérante, soutenue par Axstores AB, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      Par courrier enregistré au greffe du Tribunal le 22 juillet 2010 (ci-après le « courrier du 22 juillet 2010 »), la requérante a transmis au Tribunal une copie de l’arrêt rendu le 20 octobre 2008 par l’Audiencia Nacional (ci-après l’« arrêt de l’Audiencia Nacional ») ainsi qu’une copie de l’ordonnance rendue le 4 février 2010 par le Tribunal Supremo (ci-après l’« ordonnance du Tribunal Supremo ») rejetant comme irrecevable le recours en cassation formé contre ce dernier arrêt.

18      Dans le courrier du 22 juillet 2010, la requérante fait valoir que l’arrêt de l’Audiencia Nacional, lequel n’est plus susceptible de recours, a eu pour conséquence la nullité de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation et, partant, de l’imposition visée dans la décision attaquée. Elle conclut néanmoins à ce que le Tribunal statue sur le recours ou, à titre subsidiaire, au cas où il déciderait qu’il n’y a plus lieu de statuer, à ce que chaque partie soit condamnée à supporter ses propres dépens.

19      En raison du renouvellement partiel du Tribunal, le 30 novembre 2010, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la deuxième chambre.

20      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 de son règlement de procédure, le Tribunal (deuxième chambre) a, le 4 octobre 2011, posé des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti. La requérante a notamment été invitée à préciser son intérêt à agir en l’espèce par rapport à la situation intervenue à la suite de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation par les juridictions espagnoles. La Commission, quant à elle, a notamment été invitée à se prononcer sur la situation en cause à la suite de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation ainsi que sur le bien-fondé de l’intérêt exprimé par la requérante, dans le courrier du 22 juillet 2010, de poursuivre la présente procédure.

21      Par lettre du 13 mars 2012, les parties ont été, en outre, invitées à se prononcer sur les conséquences à tirer, pour la présente procédure, de l’adoption de l’ordonnance du Tribunal du 28 février 2012, Schneider España de Informática/Commission (T‑153/10, non encore publiée au Recueil).

22      Dans leurs réponses, la requérante ainsi que la Commission ont, en substance, estimé que, bien que le Tribunal ait prononcé un non-lieu à statuer dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, il convenait de poursuivre la présente instance afin de rendre un arrêt sur le fond.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

 En droit

24      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure, le Tribunal peut à tout moment, d’office, les parties entendues, constater que le recours est devenu sans objet et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Il résulte de l’article 114, paragraphe 3, du même règlement que, sauf décision contraire du Tribunal, la suite de la procédure est orale.

25      En l’espèce, les parties ayant été entendues (voir points 17 à 22 ci-dessus), le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier pour statuer sans poursuivre la procédure.

26      Ainsi qu’il ressort des points 20 et 21 ci-dessus, le Tribunal a invité les parties à se prononcer sur les conséquences à tirer, d’une part, de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation et, d’autre part, de l’ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra.

27      Dans leurs réponses, les parties ont notamment estimé que, en dépit de de cette annulation et de ladite ordonnance, il y avait encore lieu de statuer sur le présent recours.

28      Il convient de relever que, par son recours, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée, par laquelle la Commission a rejeté sa demande tenant à la remise de sa dette douanière. Il y a donc lieu de déterminer si, à la suite de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation constatant l’existence d’une dette douanière à la charge de la requérante par une décision juridictionnelle nationale devenue définitive, l’annulation de la décision attaquée est encore susceptible de procurer un bénéfice à la requérante. À défaut du maintien d’un tel intérêt en cours d’instance, il conviendrait de considérer que le présent recours est devenu sans objet et que, par suite, il n’y a plus lieu d’y statuer.

29      L’exigence selon laquelle le recours doit conserver son objet est, en effet, une condition nécessaire pour que le juge puisse exercer son office, tenant à l’existence d’un bénéfice concret que la partie requérante est susceptible de retirer de la décision juridictionnelle mettant fin à l’instance (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 11 octobre 2007, Wilfer/OHMI, C‑301/05 P, non publiée au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée).

30      Cet intérêt de la partie requérante à obtenir une décision juridictionnelle s’apprécie eu égard à l’étendue des pouvoirs du juge, compte tenu de la voie de recours dans le cadre de laquelle celui-ci est saisi (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 novembre 2005, Italie/Commission, C‑138/03, C‑324/03 et C‑431/03, Rec. p. I‑10043, point 25).

31      Ainsi, la question de savoir si un recours conserve son objet doit être rapprochée de celle de l’existence de l’intérêt à agir de l’auteur du recours. Cependant, alors que l’absence d’un tel intérêt entraîne le rejet du recours comme irrecevable et s’apprécie à la date de l’introduction de celui-ci (arrêt de la Cour du 18 avril 2002, Espagne/Conseil, C‑61/96, C‑132/97, C‑45/98, C‑27/99, C‑81/00 et C‑22/01, Rec. p. I‑3439, point 23), la disparition de l’objet du recours en cours d’instance, laquelle résulte de ce que la décision juridictionnelle à intervenir n’est plus susceptible de procurer un bénéfice à la partie requérante, entraîne qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours (voir arrêts de la Cour du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑13/03 P, Rec. p. I‑1113, point 23, et du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, Rec. p. I‑4333, point 42 ; ordonnance du Tribunal du 26 juin 2008, Gibtelecom/Commission, T‑433/03, T‑434/03, T‑367/04 et T‑244/05, non publiée au Recueil, point 48, et la jurisprudence citée). Or, si l’intérêt à agir du requérant disparaît au cours de la procédure, une décision du Tribunal sur le fond ne saurait procurer aucun bénéfice à celui-ci (arrêt Wunenburger/Commission, précité, point 43).

32      Enfin, le constat de la disparition de l’objet du recours se soulève d’office, le cas échéant (voir arrêt de la Cour du 3 décembre 2009, Hassan et Ayadi/Conseil et Commission, C‑399/06 P et C‑403/06 P, Rec. p. I‑11393, point 58, et la jurisprudence citée). Dans un tel cas, la juridiction saisie est tenue de s’abstenir de statuer sur le recours, sans qu’elle dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne les conséquences susceptibles de découler d’un tel constat (voir, en ce sens, arrêt Wunenburger/Commission, point 31 supra, point 39).

33      Pour apprécier la question de savoir si le présent recours conserve un objet, il convient donc d’examiner le rapport qui existe, d’une part, entre les décisions des autorités douanières nationales constatant l’existence d’une dette douanière à la charge d’un importateur ‒ l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation en l’occurrence ‒ et, d’autre part, les décisions par lesquelles la Commission se prononce sur l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et/ou de l’article 239 du code des douanes à la situation de cet importateur, la décision attaquée en l’occurrence (voir, en ce sens, ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 24).

34      À cet égard, il convient de rappeler que, dans les hypothèses prévues à l’article 220, paragraphe 2, sous b), et à l’article 239 du code des douanes, alors même que l’existence de la dette douanière a été légalement établie et que le montant des droits exigibles en conséquence de cette dette a été exactement calculé, l’importateur peut se trouver, sur sa demande, dispensé du paiement de ces droits.

35      Il en est ainsi, premièrement, lorsque le montant des droits légalement dus n’avait pas été pris en compte par suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane. De telles circonstances justifient l’absence de prise en compte a posteriori des droits éludés [article 220, paragraphe 2, sous b), premier alinéa, du code des douanes].

36      Il en va de même, deuxièmement, lorsque le redevable démontre l’existence d’une situation particulière et l’absence de négligence manifeste et de manœuvre de sa part, justifiant la remise ou, le cas échéant, le remboursement de sa dette douanière (article 239 du code des douanes). L’article 239 du code des douanes constitue de la sorte une clause générale d’équité. Pour en bénéficier, le redevable doit démontrer qu’il se trouve dans une situation exceptionnelle par rapport aux autres opérateurs exerçant une même activité et qu’il ne peut raisonnablement déceler les erreurs commises dans l’application de la réglementation douanière (ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 29).

37      Il s’ensuit que les éléments pris en considération dans le cadre de l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes sont étrangers à la question de savoir si l’existence d’une dette douanière a été légalement constatée et si les droits mis à la charge de l’importateur ont été exactement calculés et que les décisions prises en application de ces articles n’ont en principe ni pour objet ni pour effet de statuer sur ce point (voir ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 30, et la jurisprudence citée).

38      En l’espèce, la requérante a présenté aux autorités douanières espagnoles une demande tendant à ce qu’il lui soit fait application de l’article 239 du code des douanes et à ce que, en conséquence, elle soit dispensée de l’obligation de payer les droits en cause. Cette demande a été transmise par les autorités espagnoles à la Commission, laquelle a adopté la décision attaquée (voir points 6 et 10 ci-dessus).

39      Néanmoins, les décisions prises en application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes, telles que la décision attaquée, dans la mesure où elles présupposent l’existence d’une dette douanière et se prononcent sur la question de savoir si, en dépit de celle-ci, le paiement des droits éludés peut ne pas être mis à la charge de l’importateur, ne produisent d’effet sur la situation juridique de l’importateur en cause que pour autant que les droits qui lui sont réclamés ont été légalement mis à sa charge. En effet, il découle de l’article 871, paragraphe 6, quatrième tiret, et de l’article 905, paragraphe 6, quatrième tiret, du  règlement d’exécution, que, lorsque l’existence de la dette douanière n’est pas établie, la Commission est tenue de renvoyer le dossier à l’autorité douanière et, par conséquent, de s’abstenir de statuer. De plus, la procédure administrative conduite par la Commission est considérée comme n’ayant jamais débuté (voir, en ce sens, ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 32).

40      Or, les décisions relatives à la constatation de dettes douanières et au calcul des droits de douane exigibles peuvent faire l’objet, devant les autorités administratives et judiciaires nationales, des recours prévus à l’article 243 du code des douanes. En l’espèce, la requérante a fait usage de ces voies de recours en contestant la validité de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation devant les juridictions espagnoles et obtenu l’annulation dudit avis par l’arrêt de l’Audiencia Nacional. Quant au Tribunal Supremo, il a rejeté le recours en cassation introduit contre l’arrêt de l’Audiencia Nacional comme étant irrecevable (voir points 17 et 18 ci-dessus).

41      Dès lors, l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation a pour conséquence que le paiement des droits en cause ne peut plus être réclamé à la requérante. En conséquence, la décision attaquée se trouve privée d’objet et n’est pas susceptible d’entraîner des effets sur la situation juridique de la requérante. Ainsi, celle-ci ne pourrait retirer aucun bénéfice de l’annulation de cette décision (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 34).

42      En dépit de la constatation qui vient d’être faite au point 41 ci-dessus, il convient cependant d’examiner les allégations des parties selon lesquelles le présent recours conserve un objet justifiant que le Tribunal statue.

43      En premier lieu, la requérante et la Commission soutiennent en substance que, si l’annulation de la décision attaquée n’est pas susceptible d’entraîner des effets sur la situation juridique de la requérante en ce qui concerne le paiement de la dette douanière qui avait été mise à sa charge par l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation et qui a été annulée par l’arrêt de l’Audiencia Nacional, un arrêt du Tribunal statuant sur la légalité de la décision attaquée serait néanmoins susceptible de produire des effets à l’égard d’autres importateurs sur la situation desquels, en application de l’article 905, paragraphe 2, du règlement d’exécution, la Commission n’a pas statué, renvoyant les autorités douanières nationales à la décision attaquée pour ces autres cas qu’elle a estimés comparables.

44      À cet égard, il convient d’observer que, en vertu des articles 874, 875 et 908 du règlement d’exécution, les décisions de la Commission relatives à l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes, telles que la décision attaquée, sont notifiées à l’État membre concerné et portées à la connaissance des autres États membres. Ceux‑ci sont tenus de statuer sur les demandes présentées par les opérateurs conformément aux décisions adoptées par la Commission, que celle-ci se soit prononcée sur la situation particulière de l’auteur de la demande de non-prise en compte a posteriori ou de remise des droits dont les autorités nationales sont saisies ou sur d’autres cas présentant des éléments de fait et de droit comparables.

45      Les parties sont donc fondées à soutenir que la décision attaquée est susceptible de produire des effets à l’égard d’autres importateurs. Cette circonstance, cependant, ne suffit pas nécessairement pour établir que le présent recours conserve un objet.

46      D’une part, en vertu d’une jurisprudence constante (voir points 29 à 31 ci-dessus), la question de savoir si le recours conserve un objet s’apprécie par rapport à l’intérêt de la partie requérante à obtenir une décision juridictionnelle, compte tenu de la voie de recours exercée. L’intérêt en cause est, en principe, le même que celui dont la partie requérante doit démontrer l’existence pour assurer la recevabilité de son recours. Or, il est de jurisprudence également constante que l’intérêt à agir doit être personnel et qu’une partie requérante ne peut pas introduire un recours en annulation dans l’intérêt général des tiers ou de la légalité. Cet intérêt propre, en outre, doit être suffisamment direct. Le seul fait que persiste l’intérêt de tiers par rapport à la requérante à obtenir l’annulation de la décision attaquée ne saurait suffire, dans ces conditions, pour conclure que le présent recours n’a pas perdu son objet (ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, points 39 et 40).

47      D’autre part, il y a lieu de rappeler que, s’il est vrai que la requérante peut également conserver un intérêt à demander l’annulation d’un acte d’une institution ou d’un organe de l’Union européenne pour permettre d’éviter que l’illégalité dont celui-ci est prétendument entaché ne se reproduise à l’avenir, cet intérêt ne saurait exister que si l’illégalité alléguée est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au recours formé par cette requérante (voir, en ce sens, arrêt Wunenburger/Commission, point 31 supra, points 50 et 52).

48      Il convient donc de vérifier si, en l’espèce, l’illégalité alléguée par la requérante est susceptible de se reproduire à l’avenir indépendamment des circonstances de l’affaire ayant donné lieu au présent recours.

49      Tout d’abord, s’agissant de la décision attaquée, force est de constater qu’elle statue sur l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes à la situation particulière de la requérante dans des circonstances de fait déterminées.

50      Ensuite, s’agissant des moyens invoqués par la requérante à l’appui de son recours, il y a lieu de relever que le premier moyen est relatif à des griefs procéduraux qui la concernent personnellement et que les deuxième à quatrième moyens sont relatifs à des erreurs que les autorités jamaïcaines et la Commission auraient commises en appliquant respectivement l’accord de Cotonou ainsi que l’article 220, paragraphe 2, sous b), et l’article 239 du code des douanes aux faits de l’espèce.

51      Partant, les illégalités alléguées par la requérante, telles que mentionnées aux points 49 et 50 ci-dessus, ne sont pas de celles qui sont susceptibles de se reproduire indépendamment des circonstances de la présente affaire. Elles n’établissent donc pas l’existence d’un intérêt à agir de la requérante (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 42).

52      Le premier argument de la requérante doit donc être écarté.

53      En deuxième lieu, la requérante soutient en substance que, pour des raisons d’économie procédurale, il serait préférable de statuer sur le fond du présent litige eu égard à l’état d’avancement du présent recours par rapport à d’autres procédures en cours présentant des éléments de fait et de droit comparables et dans lesquelles la légalité de la décision attaquée est susceptible d’être mise en cause par d’autres importateurs sur la situation desquels, en application de l’article 905, paragraphe 2, du règlement d’exécution, la Commission n’a pas statué.

54      À cet égard, il convient de relever que de telles considérations, relatives à l’économie de procédure, supposeraient qu’une appréciation en opportunité puisse être effectuée en l’espèce. Or, en vertu d’une jurisprudence constante (voir point 32 ci-dessus), en cas de disparition de l’objet du recours, la juridiction saisie est tenue de s’abstenir de statuer sur celui-ci, sans qu’elle dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne les conséquences susceptibles de découler d’un tel constat (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 47).

55      Le deuxième argument de la requérante doit donc être écarté.

56      En troisième lieu, la requérante fait valoir que, à la suite des modifications des dispositions du code des douanes, la Commission est pratiquement dispensée à présent, pour des raisons d’économie procédurale, de traiter individuellement les demandes de remise des droits présentées par d’autres opérateurs lorsqu’elles portent sur des éléments de fait et de droit comparables à ceux d’une demande en cours d’examen. Cela lui permettrait d’adopter une seule décision, laquelle sera appliquée par les autorités nationales aux demandes similaires de remise de droits en cours, si bien que les opérateurs concernés se verraient privés d’une voie de recours direct devant le Tribunal. Elle ajoute que, dans l’hypothèse où l’opérateur, dont la demande de remise des droits a fait l’objet de la décision de la Commission, décide de ne pas introduire un recours en annulation ou, au cas où, comme en l’espèce, l’imposition concernée par une telle décision est annulée par la juridiction nationale, la voie de recours direct ne serait pas non plus disponible pour les autres opérateurs se retrouvant dans une situation de fait et de droit comparable.

57      Il convient de relever que cet argument relève d’une application des conditions de recevabilité prévues à l’article 263 TFUE dont le Tribunal n’est pas saisi dans le cadre du présent litige. En tout état de cause, à supposer même que ces autres opérateurs ne puissent être considérés comme directement et individuellement concernés par la décision attaquée, une telle circonstance serait sans incidence sur la question de savoir si la requérante conserve un intérêt personnel à l’annulation de celle-ci. Par ailleurs, force est de constater que ces opérateurs ne peuvent se voir opposer ce que la Commission a décidé dans la décision attaquée que dans le cadre d’une décision nationale prise en application des articles 874, 875 et 908 du règlement d’exécution et tenant compte de leur situation particulière. Or, à l’appui des recours que ces autres importateurs peuvent former devant les juridictions nationales contre les décisions qui les concernent, ils peuvent, le cas échéant, contester la légalité de la décision attaquée en sollicitant que la Cour rende une décision préjudicielle en appréciation de validité (voir ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, point 43, et la jurisprudence citée).

58      Le troisième argument de la requérante doit donc être écarté.

59      En quatrième lieu, la requérante considère que l’annulation de l’imposition visée dans la décision attaquée n’a aucune incidence sur la partie de son recours par laquelle elle fait grief aux autorités jamaïcaines et à la Commission d’avoir gravement manqué à leurs obligations découlant de l’accord de Cotonou. Ainsi, il serait dans son intérêt que le Tribunal se prononce sur ces aspects pour lui éviter qu’une situation similaire ne puisse se reproduire.

60      Force est de constater que cet argument n’est nullement étayé. En effet, la requérante n’apporte aucune précision ou preuve à l’appui de son affirmation, selon laquelle une situation similaire découlant d’un manquement grave desdites autorités ou de la Commission pourra se reproduire à l’avenir à son égard. Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il appartient au requérant d’apporter la preuve de son intérêt à agir, qui constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance du Tribunal du 30 avril 2003, Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑167/01, Rec. p. II‑1873, point 58, et arrêt du Tribunal du 14 avril 2005, Sniace/Commission, T‑141/03, Rec. p. II‑1197, point 31), et qui doit perdurer jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non‑lieu à statuer (arrêt Wunenburger/Commission, point 31 supra, point 42).

61      De surcroît, il est de jurisprudence constante que si l’intérêt dont se prévaut un requérant concerne une situation juridique future, celui-ci doit établir que l’atteinte à cette situation se révèle, d’ores et déjà, certaine. Dès lors, un requérant ne saurait invoquer des situations futures et incertaines pour justifier son intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué (arrêts du Tribunal du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission, T‑138/89, Rec. p. II-2181, point 33, et Sniace/Commission, point 60 supra, point 26).

62      En tout état de cause, il importe de souligner que les prétendues illégalités qu’auraient commises les autorités jamaïcaines et la Commission sont liées aux faits de l’espèce et à la situation particulière de la requérante. Dès lors, elles ne sont pas de celles qui sont susceptibles de se reproduire indépendamment des circonstances de la présente affaire. Elles n’établissent donc pas l’existence d’un intérêt à agir de la requérante (voir points 50 et 51 ci-dessus).

63      Dans ce contexte, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré à suffisance de droit qu’une situation similaire découlant des prétendus manquements des autorités jamaïcaines et de la Commission pourra se reproduire à l’avenir à son égard et, de ce fait, qu’elle a un intérêt né et actuel de demander au Tribunal de poursuivre l’instance dans la présente procédure.

64      Il s’ensuit que le quatrième argument doit être rejeté.

65      En cinquième lieu, la requérante fait valoir que la décision attaquée constitue une atteinte à son image.

66      À cet égard, indépendamment de la circonstance selon laquelle la requérante n’apporte pas de précisions au soutien de cet argument, il y a lieu de constater que la décision attaquée ne contient nullement des appréciations sur son comportement qui pourraient nuire à son image. En effet, la Commission a examiné si, eu égard aux conditions requises par les dispositions de l’article 220, paragraphe 2, sous b), et de l’article 239 du code des douanes, la demande de remise de droits à l’importation introduite par les autorités espagnoles était justifiée ou non dans une situation particulière. Ainsi que cela ressort clairement des considérants 64 et 71 de la décision attaquée, la Commission ne s’est pas prononcée sur les conditions relatives à la bonne foi et au respect des dispositions en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane, ou à l’absence de manœuvre ou de négligence manifeste de la part de la requérante, ce qui aurait pu éventuellement porter atteinte à son image.

67      Le cinquième argument de la requérante doit donc être écarté.

68      En sixième lieu, la requérante et la Commission font valoir en substance que, contrairement à l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, il est nécessaire de poursuivre la présente procédure dès lors que l’application uniforme du droit douanier de l’Union est affectée dans une situation comme en l’espèce, où une procédure juridictionnelle devant un juge national, saisi d’une demande d’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation, et une procédure administrative devant la Commission, saisie d’une demande de remise des droits d’importations au sens de l’article 239 du code des douanes, ont abouti à des décisions divergentes concernant l’application aux mêmes faits d’une disposition particulière du code des douanes.

69      La requérante souligne que, dans ladite ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, le motif retenu par la juridiction espagnole pour annuler la dette douanière était fondé sur l’application de l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes, sur lequel la Commission ne s’était pas prononcée dans sa décision, alors que, dans la présente affaire, l’Audiencia Nacional a fondé l’annulation de la dette douanière sur l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), dudit code, dont l’interprétation a fait, notamment, l’objet de la décision attaquée. Selon elle, le conflit d’interprétation d’une même disposition du droit de l’Union, en l’espèce l’article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes, donne lieu, en soi, à un défaut de sécurité juridique découlant de l’existence, dans l’ordre juridique, de deux décisions contradictoires. Elle ajoute que le présent recours constitue le seul instrument dont elle dispose pour s’opposer à la décision attaquée dont le contenu est diamétralement opposé à celui de l’arrêt de l’Audiencia Nacional.

70      La Commission, quant à elle, en se fondant sur l’arrêt de la Cour du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading (C‑375/07, Rec. p. I‑8691), fait notamment valoir que, dans une situation telle que celle en cause en l’espèce, la décision attaquée s’impose à tous les organes de l’État membre destinataire, y compris à ses organes juridictionnels.

71      À cet égard, d’une part, il convient de rappeler qu’il ressort dudit arrêt qu’une juridiction nationale qui est saisie d’un recours contre l’avis de mise en recouvrement de droits à l’importation et qui a connaissance de la saisine de la Commission au titre des articles 220 ou 239 du code des douanes doit éviter de prendre des décisions qui vont à l’encontre d’une décision envisagée par la Commission en application desdits articles. Cela implique qu’une telle juridiction, qui ne peut substituer son appréciation à celle de la Commission, puisse surseoir à statuer dans l’attente de la décision de cette dernière (arrêt Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading, point 70 supra, point 66). D’autre part, il en ressort que, lorsque la Commission s’est prononcée sur la demande de remise de droits et qu’un recours en annulation contre sa décision a déjà été introduit, il appartient à la juridiction nationale d’apprécier s’il y a lieu soit de surseoir à statuer jusqu’à ce que la décision définitive soit rendue sur ce recours en annulation, soit de saisir elle-même la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle en appréciation de validité (arrêt Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading, point 70 supra, point 68).

72      En l’espèce, l’Audiencia Nacional a rendu son arrêt avant que la Commission n’ait adopté la décision attaquée et le Tribunal Supremo, qui a statué après l’adoption de celle-ci, était tenu de déclarer irrecevable le pourvoi formé devant lui, conformément aux dispositions procédurales nationales, de sorte que l’arrêt de l’Audiencia Nacional a acquis l’autorité de la chose jugée.

73      Or, eu égard à cette circonstance, ni les obligations susmentionnées des juridictions nationales, ni l’objectif d’une application uniforme du droit de l’Union ne sauraient utilement être invoqués à l’appui du maintien d’un intérêt à agir de la requérante. En effet, dans des circonstances telles que celles en cause en l’espèce, le droit de l’Union n’impose pas aux États membres d’écarter les règles de procédure internes, selon lesquelles des décisions juridictionnelles qui ne sont plus susceptibles de recours acquièrent l’autorité de la chose jugée, même si cela a pour conséquence qu’un arrêt qui est en contradiction avec une décision ultérieure de la Commission est maintenu (voir, en ce sens, et par analogie, arrêt de la Cour du 22 décembre 2010, Commission/Slovaquie, C‑507/08, Rec. p. I‑13489, point 60).

74      En tout état de cause, contrairement à ce que prétendent la requérante et la Commission, un conflit d’interprétation d’une disposition du droit de l’Union n’implique pas pour autant, dans les circonstances de l’espèce, que le Tribunal soit contraint de poursuivre l’instance.

75      En effet, premièrement, un tel conflit d’interprétation ne saurait remettre en cause le constat effectué au point 41 ci-dessus, selon lequel, en raison de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation, le paiement de ces droits ne peut plus être réclamé à la requérante si bien que la décision attaquée se trouve privée d’objet. Le fait que la disposition du droit de l’Union sur laquelle s’est fondée la juridiction nationale espagnole pour déclarer l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation soit, dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance Schneider España de Informática/Commission, point 21 supra, l’article 221, paragraphe 3, du code des douanes et, dans la présente affaire, l’article 220, paragraphe 2, sous b), du même code, n’a aucune incidence dans la mesure où, dans un cas comme dans l’autre, la dette douanière qui était à la base de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation annulé a cessé d’exister privant ainsi d’objet la décision attaquée.

76      Il importe de souligner, en outre, que, en vertu d’une jurisprudence constante (voir point 32 ci-dessus), en cas de disparition de l’objet du recours, la juridiction saisie est tenue de s’abstenir de statuer sur celui-ci, sans qu’elle dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne les conséquences susceptibles de découler d’un tel constat.

77      Deuxièmement, une interprétation de l’arrêt Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading, point 70 supra, en ce sens qu’il y a lieu de statuer sur un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, dans l’intérêt d’une application uniforme du droit douanier de l’Union, alors même que la partie requérante ne peut plus retirer de bénéfice d’un éventuel arrêt d’annulation, serait contraire non seulement au principe selon lequel une partie requérante ne peut pas introduire un recours en annulation dans l’intérêt général des tiers ou de la légalité (voir point 46 ci-dessus), mais également à la jurisprudence constante exigeant, pour que le recours conserve son objet, que la partie requérante puisse retirer un bénéfice actuel d’un arrêt dans l’éventualité où il serait fait droit à ses conclusions (voir points 29 à 31 ci‑dessus).

78      Troisièmement, force est de constater que la requérante et la Commission sont restées en défaut de démontrer que le conflit d’interprétation en cause en l’espèce pourrait conduire de façon certaine à remettre en cause la position juridique de la requérante résultant de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation. La requérante reconnaît au contraire que, d’une part, une fois l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation annulé, il n’est plus possible de lui appliquer la décision attaquée et que, d’autre part, l’arrêt de l’Audiencia Nacional étant devenu définitif, aucun recours ultérieur n’est envisageable.

79      Dès lors, eu égard au caractère définitif de cet arrêt, il y a lieu de considérer que le défaut de sécurité juridique invoqué par la requérante (voir point 69 ci-dessus) est d’ordre purement théorique, sans conséquence pratique sur sa situation juridique découlant de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation.

80      Quant à l’argument de la requérante selon lequel il serait dans l’intérêt de sa sécurité juridique que le Tribunal se prononce sur le comportement inapproprié des autorités jamaïcaines et de la Commission, pour éviter qu’une situation similaire ne puisse se reproduire à l’avenir à son égard, il suffit de relever que cet argument a d’ores et déjà été examiné et rejeté aux points 59 à 63 ci-dessus.

81      Eu égard aux considérations qui précèdent, le sixième argument doit donc être écarté.

82      En septième lieu, la Commission observe en substance que, si le Tribunal statuait et rejetait le présent recours, la validité de la décision attaquée serait confirmée. Dans une telle hypothèse, elle mentionne qu’elle pourrait demander à l’administration espagnole de prendre les dispositions nécessaires pour percevoir les droits à l’importation dus par la requérante, en lui demandant d’adopter de nouveau l’acte annulé, à savoir l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation. Elle prétend en outre qu’elle pourrait, dans l’hypothèse où l’administration espagnole ne satisferait pas à cette demande, engager une procédure d’infraction contre le Royaume d’Espagne sur la base de l’article 258 TFUE.

83      À cet égard, il convient de rappeler que la question de savoir si le recours conserve un objet doit s’apprécier par rapport à l’intérêt actuel de la partie requérante à obtenir une décision juridictionnelle, compte tenu de la voie de recours exercée. Or, en l’espèce, ainsi que cela ressort du point 41 ci-dessus, il découle de l’annulation de l’avis de mise en recouvrement des droits à l’importation que le paiement desdits droits ne peut plus être réclamé à la requérante. En ce qu’elle viserait en dernier ressort à obtenir le paiement des droits dus par la requérante, l’hypothèse évoquée par la Commission semble donc aller à l’encontre de l’intérêt actuel et personnel de celle‑ci.

84      Il s’ensuit que ce septième argument doit être écarté.

85      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’annulation de la décision attaquée ne saurait procurer aucun bénéfice à la requérante et que, en conséquence, le présent recours est devenu dépourvu d’objet. Par suite, il n’y a plus lieu d’y statuer, ni de se prononcer sur la demande de mesures d’organisation de la procédure présentée par la requérante, laquelle se trouve également privée d’objet.

 Sur les dépens

86      Aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

87      Le Tribunal estime justifié, dans les circonstances de l’espèce, que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

ordonne :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 9 décembre 2013.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       G. Berardis


* Langue de procédure : l’espagnol.