Language of document : ECLI:EU:T:2004:48

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)
19 février 2004 (1)

Aides d'État – Télévisions publiques – Plainte – Recours en carence – Prise de position de la Commission – Caractère d'aide nouvelle ou d'aide existante – Demande de non-lieu à statuer – Contestation – Exécution d'un arrêt d'annulation – Obligation d'instruction de la Commission – Délai raisonnable

Dans les affaires jointes T-297/01 et T-298/01,

SIC – Sociedade Independente de Comunicação, SA, établie à Carnaxide (Portugal), représentée par Mes C. Botelho Moniz et E. Maia Cadete, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. de Sousa Fialho Lopes et J. Buendía Sierra, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet des recours en carence fondés sur l'article 232 CE et visant à faire constater que la Commission a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE en s'abstenant d'arrêter une décision sur les plaintes déposées par la requérante, les 30 juillet 1993, 22 octobre 1996 et 20 juin 1997 contre la République portugaise, pour violation de l'article 87 CE, et en omettant, en violation de l'article 233 CE et du principe de bonne administration, de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du Tribunal du 10 mai 2000, SIC/Commission (T-46/97, Rec. p. II-2125), et d'ouvrir la procédure formelle d'examen prévue à l'article 88, paragraphe 2, CE,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre élargie)



composé de Mme V. Tiili, président, MM. J. Pirrung, P. Mengozzi, A. W. H. Meij et M. Vilaras, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 13 février 2003,

rend le présent



Arrêt




Faits à l’origine du litige

1
RTP − Radiotelevisão Portuguesa, SA (ci-après «RTP»), est une société anonyme à capitaux publics, concessionnaire du service public de la télévision portugaise.

2
La requérante, SIC − Sociedade Independente de Comunicação, SA, est une société commerciale qui exploite l’une des principales chaînes privées de télévision portugaises.

3
Le 30 juillet 1993, la requérante a saisi la Commission d’une plainte (ci-après la «première plainte») concernant des aides qui auraient été accordées par la République portugaise à RTP. Dans cette plainte, la requérante mettait en cause des dotations financières versées par la République portugaise à RTP, en 1992 et en 1993, à titre d’indemnités compensatoires des obligations de service public pesant sur cette dernière et de montants estimés à, respectivement, 6 200 et 7 100 millions d’escudos portugais (PTE). Outre ces dotations financières, la requérante dénonçait des exonérations fiscales accordées à RTP sous la forme d’exemptions de droits d’enregistrement ainsi qu’un système d’aides à l’investissement. En conséquence, la requérante demandait à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen de l’article [88], paragraphe 2, CE (ci-après la «procédure formelle d’examen») et d’enjoindre à la République portugaise de suspendre le versement de ces aides non notifiées, jusqu’à l’adoption d’une décision finale.

4
Par lettre du 12 février 1994, la requérante a complété la première plainte en dénonçant à la Commission, d’une part, l’autorisation par le gouvernement portugais de l’échelonnement d’une dette de RTP envers la Segurança social (Sécurité sociale) évaluée à 2 milliards de PTE, assorti du non-recouvrement des intérêts de retard, et, d’autre part, le rachat par la République portugaise à RTP, à un prix excessif, du réseau de télédiffusion Teledifusora de Portugal (ci-après le «réseau de télédiffusion TDP») ainsi que l’octroi à RTP, par l’entreprise publique chargée de la gestion dudit réseau, de facilités de paiement des redevances d’utilisation de ce réseau. Estimant que ces mesures constituaient des aides d’État incompatibles avec le marché commun, la requérante sollicitait également, à leur égard, l’ouverture de la procédure formelle d’examen.

5
Le 14 avril 1994, la requérante a informé la Commission du versement par le gouvernement portugais à RTP, pour l’année 1994, d’une dotation financière à titre d’indemnité compensatoire des obligations de service public, d’un montant de 7 145 millions de PTE.

6
Par lettre datée du 16 octobre 1996, parvenue à la Commission le 22 octobre suivant, la requérante a déposé une deuxième plainte (ci-après la «deuxième plainte»), visant à faire constater que les dotations financières versées par la République portugaise à RTP, pour les années 1994 à 1996, à titre d’indemnités compensatoires des obligations de service public, étaient, pour les mêmes motifs que ceux exposés dans la première plainte, incompatibles avec le marché commun. La requérante y dénonçait aussi l’octroi à RTP, en 1994, d’aides nouvelles non notifiées, résultant d’une augmentation du capital de RTP souscrite par la République portugaise et de la garantie donnée par cette dernière dans le cadre de l’émission par RTP d’un emprunt obligataire. La requérante dénonçait, en outre, la conclusion, entre le ministère de la Culture portugais et RTP, en septembre 1996, d’un protocole sur le financement de l’activité de RTP de promotion du cinéma et évoquait l’approbation, par le gouvernement portugais, d’un plan de restructuration de RTP susceptible d’impliquer l’octroi d’aides de montants élevés. En conséquence, la requérante demandait à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen et d’enjoindre à la République portugaise de cesser d’octroyer ces aides jusqu’à l’adoption d’une décision finale.

7
Par lettre du 7 novembre 1996 adressée à la République portugaise et dont la requérante a reçu copie le 6 janvier 1997, la Commission a adopté une décision relative au financement des chaînes publiques de télévision (ci-après la «décision du 7 novembre 1996»). Cette décision portait sur les mesures dénoncées dans la première plainte, ainsi que, en ce qui concerne les dotations financières dénoncées dans la deuxième plainte, sur les dotations versées à RTP au titre des années 1994 et 1995. Dans cette décision, la Commission constatait qu’aucune de ces mesures et dotations financières ne constituait ou n’avait donné lieu au versement d’une aide d’État.

8
Par lettre du 20 décembre 1996, la Commission a informé la requérante que, à la suite de la deuxième plainte, elle avait demandé aux autorités portugaises des informations concernant certains faits dénoncés dans cette plainte. Cette demande d’informations portait sur l’augmentation de capital et l’emprunt obligataire effectués par RTP en 1994 ainsi que sur l’élaboration d’un plan de restructuration pour la période 1996-2000 et sur la conclusion d’un protocole sur le financement de l’activité de RTP de promotion du cinéma. La Commission a cependant ajouté que, s’agissant des dotations financières versées à RTP pour les années 1994 à 1996, elle considérait qu’elles ne constituaient pas des aides d’État relevant de l’article [87], paragraphe 1, CE, pour les raisons exposées dans la décision du 7 novembre 1996.

9
Le 3 mars 1997, la requérante a introduit devant le Tribunal un recours, enregistré sous le numéro T‑46/97, en annulation de la décision du 7 novembre 1996 et de la décision de la Commission contenue dans la lettre du 20 décembre 1996. En réponse à une question du Tribunal, la requérante a précisé que ce recours ne visait pas l’annulation de la partie de la décision du 7 novembre 1996 relative à l’achat par la République portugaise à RTP du réseau de télédiffusion TDP à un prix prétendument excessif et au système d’aides à l’investissement.

10
Par lettre du 18 juin 1997, parvenue à la Commission le 20 juin suivant, la requérante a déposé une troisième plainte (ci-après la «troisième plainte»), dénonçant, comme incompatibles avec l’article [87] CE, le contrat de concession conclu entre RTP et la République portugaise le 31 décembre 1996 et la décision, prise en exécution de ce contrat, de verser à RTP, pour 1997, une dotation financière de 10 350 millions de PTE à titre d’indemnité compensatoire des obligations de service public. Par cette lettre, la requérante demandait à la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen et de prendre des mesures provisoires.

11
Entre juillet 1997 et janvier 2001, plusieurs courriers ont été échangés entre la requérante et la Commission, concernant l’état de l’examen des deuxième et troisième plaintes par la Commission.

12
Dans son arrêt du 10 mai 2000, SIC/Commission (T‑46/97, Rec. p. II‑2125, ci-après l’«arrêt SIC»), le Tribunal a annulé la décision du 7 novembre 1996 en ce qu’elle portait sur les mesures prises par la République portugaise en faveur de RTP consistant en des dotations financières versées de 1992 à 1995 à titre d’indemnités compensatoires des obligations de service public, en des exonérations fiscales, en des facilités de paiement pour l’utilisation du réseau de télédiffusion TDP et en un échelonnement d’une dette envers la Segurança social, assorti du non-recouvrement des intérêts de retard. Le Tribunal a, en revanche, rejeté le recours comme irrecevable pour autant qu’il était dirigé contre la lettre du 20 décembre 1996, au motif que cette lettre était purement informative et ne constituait donc pas un acte attaquable.

13
Par lettre du 3 janvier 2001, la requérante a demandé à la Commission de lui communiquer les mesures qu’elle se proposait d’adopter pour donner pleine exécution à l’arrêt SIC.

14
Par trois lettres du 26 juillet 2001, la requérante a, en vertu de l’article 232, deuxième alinéa, CE, adressé à la Commission trois invitations à agir concernant, respectivement, la première, la deuxième et la troisième plainte. La requérante a, dans son invitation à agir concernant la première plainte, demandé à la Commission de prendre, en application de l’article 233 CE, les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt SIC et d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard des dotations financières versées de 1992 à 1995 par la République portugaise à RTP et à l’égard des mesures prises en faveur de RTP consistant en des exonérations fiscales, en des facilités de paiement pour l’utilisation du réseau de télédiffusion TDP et en un échelonnement d’une dette envers la Segurança social, assorti du non-recouvrement des intérêts de retard. Dans ses invitations à agir concernant les deuxième et troisième plaintes, la requérante a demandé à la Commission de prendre position sur ces plaintes en confirmant leur bien-fondé et d’ouvrir, par conséquent, la procédure formelle d’examen à l’égard de la dotation financière versée par la République portugaise à RTP en 1996 (deuxième plainte) et à l’égard du contrat de concession conclu le 31 décembre 1996 entre la République portugaise et RTP et des aides accordées à RTP en vertu dudit contrat (troisième plainte).

15
Par lettre du 24 octobre 2001, la Commission a informé la requérante que les actes internes visant à exécuter l’arrêt SIC, ainsi que les préparatifs pour décider de la suite à donner à la deuxième et à la troisième plainte, étaient en train d’être finalisés.

16
Par une demande du 7 novembre 2001, notifiée le 9 novembre 2001 à la représentation permanente du Portugal auprès de l’Union européenne (ci-après la «demande du 7 novembre 2001»), la Commission a sollicité du gouvernement portugais, sous le visa de l’article 10, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] du traité CE (JO L 83, p. 1), la fourniture d’informations pour déterminer le caractère d’aides existantes ou d’aides nouvelles des dotations financières versées par la République portugaise à RTP, pour les années 1992 à 1998, ainsi que, en substance, du système de financement de RTP établi dans le contrat de concession du 31 décembre 1996. Ces dotations financières, hormis celle versée en 1998, qui n’est pas visée dans les plaintes de la requérante, et ce système de financement sont, pris ensemble, dénommés ci-après les «Dotations Financières».

17
Le 13 novembre 2001, la Commission a, par ailleurs, adopté une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen à l’égard d’autres mesures que celles mentionnées au point précédent (ci-après la «décision du 13 novembre 2001»). Cette décision a fait l’objet d’un communiqué de presse le jour de son adoption et a été notifiée à la représentation permanente du Portugal le 15 novembre 2001.

18
Parmi les mesures visées par la décision du 13 novembre 2001 figuraient, d’une part, trois mesures dénoncées par la requérante dans la première plainte ayant fait l’objet de la décision du 7 novembre 1996 ultérieurement annulée par l’arrêt SIC, à savoir les exonérations fiscales, les facilités de paiement des redevances d’utilisation du réseau de télédiffusion TDP et l’échelonnement d’une dette envers la Segurança social, assorti du non-recouvrement des intérêts de retard, et, d’autre part, quatre mesures dénoncées par la requérante dans la deuxième plainte, à savoir l’augmentation du capital de RTP effectuée en 1994, la garantie étatique donnée dans le cadre de l’émission la même année d’un emprunt obligataire par RTP, la conclusion entre le ministère de la Culture portugais et RTP, en septembre 1996, d’un protocole sur le financement de l’activité de RTP de promotion du cinéma et, enfin, l’approbation par le gouvernement portugais d’un plan de restructuration de RTP pour la période 1996-2000. Ces mesures, prises ensemble, sont dénommées ci-après les «mesures ad hoc».

19
La demande du 7 novembre 2001 et la décision du 13 novembre 2001 ont fait l’objet de publications au Journal officiel des Communautés européennes, respectivement les 23 avril 2002 (JO C 98, p. 2) et 9 avril 2002 (JO C 85, p. 9).


Procédure et conclusions des parties

20
Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 6 décembre 2001, la requérante a introduit les présents recours, qui ont été enregistrés, respectivement, sous les numéros T‑297/01 et T‑298/01.

21
Par courrier du 8 janvier 2002, la Commission a transmis à la requérante copies de la demande du 7 novembre 2001 et de la décision du 13 novembre 2001.

22
Par ordonnance du président de la quatrième chambre élargie du Tribunal du 15 janvier 2003, les affaires T‑297/01 et T‑298/01 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, conformément à l’article 50 du règlement de procédure du Tribunal.

23
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a posé par écrit une question à la Commission. La Commission a répondu à cette question dans le délai imparti, par lettre du 17 janvier 2003.

24
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal à l’audience du 13 février 2003.

25
Dans l’affaire T‑297/01, la requérante a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal:

constater et déclarer que la Commission n’a pas pris position, dans le délai de deux mois fixé à l’article 232 CE, sur les invitations à agir que la requérante lui a adressées;

constater et déclarer que les mesures qui ont été communiquées à la requérante après l’introduction du présent recours n’assurent pas l’exécution intégrale de l’arrêt SIC et le respect de l’obligation de se prononcer sur les aides d’État dénoncées dans les première et deuxième plaintes pour ce qui se rapporte à l’obligation d’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard des dotations financières versées par la République portugaise à RTP de 1992 à 1995;

en conséquence, constater et déclarer qu’il subsiste une omission illégale, imputable à la Commission, en ce qui concerne l’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures susvisées;

condamner la Commission aux dépens.

26
Dans l’affaire T‑298/01, la requérante a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal:

constater et déclarer que la Commission n’a pas pris position, dans le délai de deux mois fixé à l’article 232 CE, sur les invitations à agir que la requérante lui a adressées;

constater et déclarer que les mesures qui ont été communiquées à la requérante après l’introduction du présent recours n’assurent pas le respect de l’obligation de se prononcer sur les aides d’État dénoncées dans les deuxième et troisième plaintes pour ce qui se rapporte à l’obligation d’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard du système de financement de RTP établi dans le contrat de concession du 31 décembre 1996 et des dotations financières versées par la République portugaise à RTP en 1996 et en 1997;

en conséquence, constater et déclarer qu’il subsiste une omission illégale, imputable à la Commission, en ce qui concerne l’ouverture de la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures susvisées;

condamner la Commission aux dépens.

27
Dans les affaires T‑297/01 et T‑298/01, la Commission a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal:

rejeter les recours comme dépourvus d’objet et donc comme non fondés;

condamner la requérante aux dépens.

28
Par lettre du 30 septembre 2003 (ci-après la «lettre du 30 septembre 2003»), la Commission a notifié à la représentation permanente du Portugal auprès de l’Union européenne une demande d’observations, en application de l’article 17, paragraphe 2, du règlement n° 659/1999, concernant un système de compensation financière annuelle, manifesté notamment par les Dotations Financières.

29
Par lettre du 3 octobre 2003, la Commission a transmis au Tribunal copie de la lettre du 30 septembre 2003 et lui a demandé, en vertu de l’article 113 du règlement de procédure, de prononcer un non-lieu à statuer à l’égard des recours T‑297/01 et T‑298/01 en ce qu’ils visent les Dotations Financières.

30
Dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, déposées au greffe du Tribunal le 24 octobre 2003, la requérante a demandé au Tribunal de:

rejeter la demande de non-lieu à statuer;

constater et déclarer que, en n’adoptant pas en temps utile les mesures nécessaires à une prompte et complète exécution de l’arrêt SIC, en n’ouvrant pas dans un délai raisonnable la procédure formelle d’examen vis-à-vis des deuxième et troisième plaintes, la Commission s’est rendue coupable d’une carence illicite, résultant de la violation, respectivement, des obligations imposées par l’article 233 CE et par les articles 87 CE et 88 CE;

en toute hypothèse, condamner la Commission aux dépens, même si la demande de non-lieu à statuer était accueillie.


En droit

Observations liminaires

31
Il est de jurisprudence constante que la voie de recours prévue à l’article 232 CE, qui poursuit des objectifs distincts de la voie de recours prévue à l’article 226 CE (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 25 avril 2002, Commission/Grèce, C‑154/00, Rec. p. I‑3879, point 28), est fondée sur l’idée que l’inaction illégale de l’institution mise en cause permet de saisir la Cour afin que celle-ci déclare que l’abstention d’agir est contraire au traité, lorsque l’institution concernée n’a pas remédié à cette abstention. Cette déclaration a pour effet, aux termes de l’article 233 CE, que l’institution défenderesse est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, sans préjudice des actions en responsabilité non contractuelle pouvant découler de la même déclaration. Dans le cas où l’acte dont l’omission fait l’objet du litige a été adopté après l’introduction du recours, mais avant le prononcé de l’arrêt, une déclaration de la Cour constatant l’illégalité de l’abstention initiale ne peut plus conduire aux conséquences prévues par l’article 233 CE. Il en résulte que, dans un tel cas, tout comme dans celui où l’institution défenderesse a réagi à l’invitation à agir dans le délai de deux mois, l’objet du recours a disparu, en sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer (voir ordonnance de la Cour du 13 décembre 2000, Sodima/Commission, C‑44/00 P, Rec. p. I‑11231, point 83, et la jurisprudence citée; arrêt du Tribunal du 17 février 1998, Pharos/Commission, T‑105/96, Rec. p. II‑285, points 41 et 42). La circonstance que cette prise de position de l’institution ne donne pas satisfaction à la partie requérante est à cet égard indifférente, car l’article 232 CE vise la carence par abstention de statuer ou de prendre position et non l’adoption d’un acte autre que celui que cette partie aurait souhaité ou estimé nécessaire (voir ordonnance Sodima/Commission, précitée, point 83, et la jurisprudence citée).

32
Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que le recours en carence constitue la voie appropriée pour mettre en cause une contestation relative à la question de savoir si, en dehors du remplacement de l’acte annulé, l’institution était également tenue, en vertu de l’article 233 CE, de prendre d’autres mesures relatives à d’autres actes qui n’avaient pas été contestés dans le cadre du recours en annulation initial (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, Rec. p. 2181, points 22 à 24 et 32; arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T‑387/94, Rec. p. II‑961, point 40). Il en résulte que le recours en carence constitue également la voie de recours appropriée pour faire constater l’abstention illégale d’une institution de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt, en l’espèce les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt SIC.

33
C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de se prononcer sur la question de savoir si, s’agissant des mesures ad hoc et des Dotations Financières, il y a lieu de statuer.

Sur les mesures ad hoc

34
Il est constant que, par la décision du 13 novembre 2001, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen à l’égard des mesures ad hoc, visées au point 18 ci-dessus. Cette décision a fait l’objet d’un communiqué de presse le même jour. Cependant, la Commission n’a notifié la décision du 13 novembre 2001 à la requérante que par courrier du 8 janvier 2002. Il s’ensuit que la Commission n’a valablement pris position, au sens de l’article 232, deuxième alinéa, CE, sur les invitations à agir de la requérante en ce qu’elles concernent les mesures ad hoc que postérieurement à l’introduction des présents recours (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 janvier 2000, Branco/Commission, T‑194/97 et T‑83/98, Rec. p. II‑69, point 55).

35
Par conséquent, si la requérante avait un intérêt légitime à les former, les présents recours, ainsi que les parties en conviennent, n’ont plus d’objet en ce qu’ils visent la constatation de l’abstention illégale de la Commission de prendre une décision sur les plaintes de la requérante en ce qu’elles concernent les mesures ad hoc.

36
Il n’y a donc plus lieu de statuer sur les présents recours en ce qu’ils concernent les mesures ad hoc.

Sur les Dotations Financières

Arguments des parties

37
La requérante fait valoir que, nonobstant la lettre du 30 septembre 2003, la situation de carence demeure.

38
La requérante fait, tout d’abord, valoir que la carence persiste, faute pour la Commission d’avoir ouvert, en exécution de l’arrêt SIC, la procédure formelle d’examen à l’égard des Dotations Financières.

39
La requérante conteste, ensuite, que la lettre du 30 septembre 2003 constitue une prise de position au sens de l’article 232 CE, dès lors que cette lettre n’est pas un acte final susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, mais seulement un acte préparatoire.

40
Enfin, la violation par la Commission des délais raisonnables dans l’examen des plaintes de la requérante rendrait cette institution coupable d’une carence que le Tribunal ne saurait manquer de constater, sauf à priver la requérante d’une protection juridictionnelle effective et à octroyer à la Commission une totale impunité pour le traitement dilatoire qu’elle aurait réservé depuis maintenant plus de dix ans auxdites plaintes. Le régime du recours en carence devrait donc suivre celui du recours en manquement, dans le cadre duquel l’objet du recours demeure alors même que le manquement a cessé.

41
La Commission, quant à elle, soutient que la carence a pris fin avec la lettre du 30 septembre 2003.

Appréciation du Tribunal

42
Par la lettre du 30 septembre 2003, la Commission a engagé, à l’égard des Dotations Financières, la première étape de l’examen de ces mesures en tant qu’aides existantes. Ce faisant, la Commission a pris position sur la nature d’aides nouvelles ou existantes des Dotations Financières, en faveur de la qualification d’aides existantes.

43
La question qui se pose est donc de savoir si, par cette lettre, la Commission a pris position, au sens de l’article 232, deuxième alinéa, CE, sur les invitations à agir de la requérante en ce qu’elles visent les Dotations Financières et si, partant, il n’y a plus lieu de statuer, ou bien si, comme le prétend la requérante, la carence demeure et doit donc être constatée par le Tribunal.

44
Il convient, tout d’abord, d’examiner la prétention de la requérante selon laquelle la Commission demeure en carence faute d’avoir ouvert la procédure formelle d’examen à l’égard des Dotations Financières.

45
À cet égard, dans la mesure où le recours en carence dans l’affaire T‑297/01 vise, en particulier, à faire constater que les mesures qui ont été communiquées à la requérante n’assurent pas l’exécution intégrale de l’arrêt SIC, il est nécessaire, aux fins de pouvoir se prononcer sur la demande de non-lieu à statuer et sur la prétention contraire de la requérante, de rechercher si l’arrêt SIC comportait, au nombre de ses mesures d’exécution, comme le soutient la requérante, l’obligation d’ouvrir sans délai la procédure formelle d’examen à l’égard des dotations financières versées de 1992 à 1995. En d’autres termes, il convient de rechercher si l’arrêt SIC a tranché, en faveur de la nouveauté, la question du caractère nouveau ou existant de ces dotations financières. En effet, dans l’affirmative, la Commission n’était plus fondée à s’interroger sur le caractère nouveau de ces dotations financières, comme elle l’a fait par sa lettre du 7 novembre 2001, ni, a fortiori, à engager, par la lettre du 30 septembre 2003, la procédure d’examen desdites dotations financières en tant qu’aides existantes. Elle devait, au contraire, engager sans délai, après l’arrêt SIC, la procédure formelle d’examen. Faute de l’avoir fait, elle demeurerait, aujourd’hui encore, comme le fait valoir la requérante dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, en carence quant à son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt SIC.

46
Force est cependant de constater que l’arrêt SIC ne comportait pas, au nombre de ses mesures d’exécution, l’obligation d’ouvrir sans délai la procédure formelle d’examen à l’égard des dotations financières versées de 1992 à 1995.

47
En effet, il ressort de l’arrêt SIC que le Tribunal n’a ni tranché ni même évoqué, que ce soit dans les motifs ou le dispositif de cet arrêt, la question de la nature d’aides nouvelles ou d’aides existantes des dotations financières versées de 1992 à 1995. La question dont le Tribunal était saisi, et qui seule faisait l’objet du litige, était de savoir si l’appréciation de la Commission, selon laquelle ces dotations financières ne constituaient pas des aides, appréciation sur laquelle était fondée la décision attaquée dans cette affaire, ne soulevait pas de difficultés sérieuses.

48
Cette lecture de l’arrêt SIC n’est pas remise en cause par le point 85 de cet arrêt, invoqué par la requérante, selon lequel «l’appréciation sur laquelle la Commission s’est fondée pour considérer que les dotations financières versées à RTP à titre d’indemnités compensatoires ne constituent pas des aides présentait des difficultés sérieuses qui, dans la mesure où la compatibilité de ces dotations avec le marché commun n’était pas établie, exigeaient que soit ouverte la procédure [formelle d’examen]». Ce point, s’il exprime la nécessité d’ouvrir la procédure formelle d’examen en présence de difficultés sérieuses sur la nature d’aide des dotations financières, n’a ni pour fonction ni pour objet de trancher la question de savoir si ces dotations financières devaient être considérées comme des aides nouvelles ou comme des aides existantes.

49
Il résulte de ce qui précède que l’arrêt SIC n’interdisait pas à la Commission de se poser ultérieurement ladite question. Par conséquent, et dès lors que la résolution, fût-ce à titre provisoire, de cette question est un préalable à l’ouverture de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 juin 1992, Espagne/Commission, C‑312/90, Rec. p. I‑4117, point 20, et Italie/Commission, C‑47/91, Rec. p. I‑4145, point 26; arrêt du Tribunal du 30 avril 2002, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, Rec. p. II‑2309, point 82), l’arrêt SIC ne pouvait comporter, au nombre de ses mesures d’exécution, l’ouverture immédiate de la procédure formelle d’examen à l’égard des dotations financières versées de 1992 à 1995, visées dans le recours T‑297/01. De plus, cet arrêt, dès lors qu’il ne qualifiait pas d’aides nouvelles lesdites dotations financières, n’entraînait nullement indirectement une telle qualification à l’égard des dotations financières versées ultérieurement, en 1996 et en 1997. Ainsi, cet arrêt ne peut non plus être invoqué par la requérante en faveur de l’ouverture sans délai de la procédure formelle d’examen à l’égard des dotations financières versées en 1996 et en 1997, visées dans le recours T‑298/01.

50
Quant aux arguments de la requérante, avancés dans sa réplique et dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, tirés du caractère prétendument spécieux des doutes de la Commission sur la nature d’aides nouvelles ou d’aides existantes des Dotations Financières et du caractère dilatoire de la demande du 7 novembre 2001 et de la lettre du 30 septembre 2003, ils doivent être écartés. En effet, la Commission n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant, dans le souci d’assurer le plein respect des règles de procédure et, donc, la solidité de la future décision finale, que certains aspects pouvaient et devaient encore être clarifiés, ce qui a motivé la demande du 7 novembre 2001, avant qu’elle ne se prononce sur cette question, en l’occurrence par la lettre du 30 septembre 2003. Notamment, il ressort de la demande du 7 novembre 2001 que la Commission n’avait pas encore pleinement apprécié si et dans quelle mesure le système d’octroi des dotations financières à RTP avait été affecté par les modifications constitutionnelles et législatives intervenues au Portugal entre 1989 et 1992. La Commission évoque par ailleurs la nécessité de déterminer les dates exactes à retenir pour la libéralisation du secteur de la télévision au Portugal et pour la mise en place du système de dotations financières en faveur de RTP, dates qui, effectivement, ne ressortent pas clairement du dossier et des arguments de la requérante.

51
Il convient donc de conclure que, dès lors que la Commission n’avait pas l’obligation, en exécution de l’arrêt SIC, d’ouvrir sans délai la procédure formelle d’examen à l’égard des Dotations Financières, et dès lors que les doutes de cette institution quant à la qualification d’aides nouvelles ou existantes desdites dotations n’étaient pas manifestement injustifiés, c’est à tort que, dans ses mémoires puis dans ses observations sur la demande de non-lieu à statuer, la requérante persiste à soutenir que, faute d’avoir ouvert la procédure formelle d’examen, la Commission demeure en carence quant à son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt SIC.

52
Il convient ensuite de se prononcer sur la deuxième prétention de la requérante, selon laquelle la lettre du 30 septembre 2003, en tant qu’acte préparatoire non susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, ne saurait constituer une prise de position au sens de l’article 232 CE.

53
À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, même un acte qui n’est pas susceptible de recours en annulation peut constituer une prise de position mettant fin à la carence, s’il s’inscrit dans une procédure devant, en principe, déboucher sur un acte juridique lui-même susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation (voir arrêts Pharos/Commission, précité, point 43, et la jurisprudence citée, et Branco/Commission, précité, point 54). Dès lors, la lettre du 30 septembre 2003 constitue, en tout état de cause, une prise de position, au sens de l’article 232 CE.

54
Il s’ensuit que la deuxième prétention de la requérante soulevée à l’encontre de la demande de non-lieu à statuer doit être rejetée.

55
Il convient, enfin, d’examiner la troisième prétention de la requérante, selon laquelle la violation par la Commission des délais raisonnables dans l’examen des plaintes de la requérante rend cette institution coupable d’une carence que le Tribunal devrait constater.

56
Il est constant que la Commission est soumise à une obligation d’examen diligent et impartial des plaintes en matière de concurrence, et notamment dans le cadre de l’article 88 CE (voir arrêt SIC, points 105 à 107, et la jurisprudence citée; arrêts du Tribunal du 30 janvier 2002, max.mobil/Commission, T‑54/99, Rec. p. II‑313, points 48 et 49, et la jurisprudence citée, et du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, non encore publié au Recueil, point 167, et la jurisprudence citée).

57
Pour autant, et quelque regrettable que puisse paraître le comportement de la Commission dans le traitement des plaintes de la requérante, le Tribunal ne saurait, sans excéder le cadre des présents recours en carence, porter d’appréciation sur la violation, alléguée par la requérante, des délais raisonnables par la Commission.

58
En effet, il résulte de la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus que, dans le cas où l’acte dont l’omission est critiquée a été adopté après l’introduction du recours en carence, mais avant le prononcé de l’arrêt, il n’y a plus lieu de statuer. Il appartiendra à la requérante, si elle estime avoir subi un préjudice du fait d’une violation par la Commission des délais raisonnables, d’introduire un recours en indemnité.

59
Il résulte des considérations qui précèdent que, par la lettre du 30 septembre 2003, la Commission a pris position sur les invitations à agir de la requérante en ce qu’elles concernent les Dotations Financières, et qu’il n’y a donc plus lieu de statuer sur les recours T‑297/01 et T‑298/01 en ce qu’ils visent également ces mesures.

60
Partant, il n’y a plus lieu de statuer sur les recours T‑297/01 et T‑298/01.


Sur les dépens

61
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes de l’article 87, paragraphe 6, du même règlement, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

62
En l’espèce, s’agissant, d’une part, de la partie des recours T‑297/01 et T‑298/01 relative aux mesures ad hoc, sur laquelle, à la suite de la notification à la requérante de la décision du 13 novembre 2001, il n’y a plus lieu de statuer, il ne saurait, contrairement à ce que suggère la Commission, être reproché à la requérante d’avoir, pour préserver ses droits, introduit lesdits recours sans attendre la notification par la Commission de cette décision, notification qui est intervenue après l’expiration du délai pour agir en carence. S’agissant, d’autre part, de la partie des recours T‑297/01 et T‑298/01 relative aux Dotations Financières, ce n’est que depuis la lettre du 30 septembre 2003 que la carence a pris fin et qu’il n’y a plus lieu de statuer. Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il incombe à la Commission de supporter les dépens de la requérante.

63
Compte tenu de ce qui précède, il convient donc, conformément aux conclusions de la requérante, de condamner la Commission aux dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête:

1) Il n’y a plus lieu de statuer sur les recours T‑297/01 et T‑298/01.

2) La Commission est condamnée aux dépens.

Tiili

Pirrung

Mengozzi

Meij

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 février 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

V. Tiili


1
Langue de procédure: le portugais.