Language of document : ECLI:EU:T:2005:412

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

23 novembre 2005 (*)

« Environnement – Directive 2003/87/CE – Système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre – Proposition de modification du plan national d’allocation de quotas – Refus de la Commission – Recours en annulation »

Dans l’affaire T-178/05,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté initialement par Mme C. Jackson, en qualité d’agent, et M. M. Hoskins, barrister, puis par Mme R. Caudwell, en qualité d’agent, et M. Hoskins,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. U. Wölker et X. Lewis, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission C (2005) 1081 final, du 12 avril 2005, concernant la proposition de modification du plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, notifiée par le Royaume-Uni conformément à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 18 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 1er de la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil (JO L 275, p. 32) :

« La présente directive établit un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté […] afin de favoriser la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans des conditions économiquement efficaces et performantes. »

2        L’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87 prévoit que chaque État membre élabore, pour chaque période visée à l’article 11 de la même directive, un plan national précisant la quantité totale de quotas qu’il a l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propose de les attribuer. En ce qui concerne la période de trois ans débutant le 1er janvier 2005, le plan national devait être publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au plus tard le 31 mars 2004.

3        L’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 se lit comme suit :

« Dans les trois mois qui suivent la notification d’un plan national d’allocation de quotas par un État membre conformément au paragraphe 1, la Commission peut rejeter ce plan ou tout aspect de celui-ci en cas d’incompatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10. L’État membre ne prend une décision au titre de l’article 11, paragraphes 1 ou 2, que si les modifications proposées ont été acceptées par la Commission. Toute décision de rejet adoptée par la Commission est motivée. »

4        Selon l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 :

« Pour la période de trois ans qui débute le 1er janvier 2005, chaque État membre décide de la quantité totale de quotas qu’il allouera pour cette période et de l’attribution de ces quotas à l’exploitant de chaque installation. Il prend cette décision au moins trois mois avant le début de la période, sur la base de son plan national d’allocation de quotas élaboré en application de l’article 9, et conformément à l’article 10, en tenant dûment compte des observations formulées par le public. »

5        Les critères décrits à l’annexe III, paragraphes 9 et 10, de la directive 2003/87 se lisent comme suit :

« 9. Le plan comprend des dispositions permettant au public de formuler des observations et contient des informations sur les modalités en vertu desquelles ces observations seront dûment prises en considération avant toute prise de décision sur l’allocation de quotas.

10. Le plan contient la liste des installations couvertes par la présente directive avec pour chacune d’elles les quotas que l’on souhaite lui allouer. »

 Faits à l’origine du litige

6        À la suite d’une consultation publique et de la publication d’un projet de plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre (ci-après le « PNA »), le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après le « Royaume-Uni ») a, le 30 avril 2004, notifié à la Commission un PNA, en indiquant expressément que celui-ci était provisoire. Selon le point 1.13 de ce plan :

« [L]a quantité totale de quotas à allouer aux installations relevant du système communautaire pour la période de 2005 à 2007 sera de 736 [millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2)]. Ce chiffre est susceptible d’être révisé à la lumière du travail en cours. »

7        Le 9 juin 2004, la Commission a envoyé une lettre au Royaume-Uni rédigée comme suit :

« […]

Après un premier examen, la Commission a constaté que la notification était incomplète, car les informations détaillées en annexe [à la lettre] font défaut.

Ces informations doivent être fournies pour permettre à la Commission de se prononcer plus aisément sur le plan proposé. La Commission se réserve le droit de ne définir sa position que lorsqu’elle aura reçu ces informations supplémentaires et, en tout état de cause, dans un délai maximal de trois mois à compter de la réception de ces informations.

Ces informations devraient être en possession de la Commission dans un délai de dix jours après la date de la présente. »

8        L’annexe I de la lettre du 9 juin 2004 précise les informations manquantes. Le paragraphe 1 de cette annexe se lit comme suit :

« La Commission prend note du fait que le travail portant sur les prévisions en matière d’énergie et d'émissions se poursuit et pourrait aboutir à une nouvelle révision des prévisions relatives aux émissions dans leur ensemble ainsi que de la contribution des secteurs et installations couverts par le système communautaire d’échange de quotas d’émission (point 1.9 du plan). Les autorités du Royaume-Uni sont invitées à notifier à la Commission les prévisions révisées ainsi que toute modification en résultant apportée au plan, y compris en ce qui concerne les problèmes énumérés au point 1.9, sous a) à f), au point 1.10 (prévisions d’émissions de gaz non CO2) et au point 1.13 (quantité totale des quotas que le Royaume-Uni a l’intention d’allouer) du plan. »

9        Par lettre du 14 juin 2004, le Royaume-Uni a répondu à la lettre du 9 juin 2004 de la Commission. Le Royaume-Uni a indiqué, au paragraphe 1 de sa réponse :

« En ce qui concerne les prévisions relatives aux émissions de CO2, le Royaume-Uni a publié un document de travail à la fin du mois de mai, dans lequel il exposait les hypothèses de base ainsi que les dernières prévisions en matière d’énergie et d’émissions (nous joignons une copie de ce document). Les personnes intéressées auront la possibilité de présenter des observations sur le document de travail jusqu’au 17 juin 2004. Nous finaliserons les prévisions après avoir pris en considération toutes les observations pertinentes et après avoir résolu les questions en suspens mentionnées au point 1.9, sous a) à f), du plan. Nous notifierons à la Commission dès que possible les prévisions finalisées ainsi que toute modification en résultant apportée au plan. »

10      Le 7 juillet 2004, la Commission a adopté la décision C (2004) 2515/4 final concernant le plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre, notifié par le Royaume-Uni conformément à la directive 2003/87 (ci-après « la décision du 7 juillet 2004 »). Le dispositif de cette décision, adoptée sur le fondement de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, se lit comme suit :

« Article premier

Les éléments suivants du [PNA] du Royaume-Uni sont incompatibles avec les critères [décrits aux paragraphes] 6 et 10 de l’annexe III de la directive 2003/87, à savoir :

a)      les informations sur les moyens qui permettront aux nouveaux entrants de commencer à participer au système communautaire ;

b)      la liste des installations n’indique pas les installations situées à Gibraltar ni le volume de quotas que l’on souhaite leur allouer.


Article 2

Aucune objection ne sera soulevée à l’encontre du [PNA] pour autant que sont notifiées à la Commission au plus tard le 30 septembre les modifications suivantes :

a)      la mention des informations sur les moyens qui permettront aux nouveaux entrants de commencer à participer au système communautaire d’une manière qui soit compatible avec les critères fixés à l’annexe III de la directive 2003/87 et avec l’article 10 de ladite directive ;

b)      la liste des installations est modifiée afin d’y inclure les installations situées à Gibraltar et afin d’y indiquer les quotas que l’on souhaite leur allouer ; ces quotas sont déterminés conformément à la méthode définie dans le [PNA].

Article 3

1. La quantité totale des quotas à allouer par le Royaume-Uni selon son [PNA] aux installations reprises dans ce plan et aux nouveaux entrants, compte tenu des modifications mentionnées à l’article 2, ne doit pas être dépassée.

2. Le [PNA] peut être modifié sans acceptation préalable de la Commission si la modification consiste en des changements apportés à l’allocation de quotas aux installations individuelles dans le cadre de la quantité totale, résultant des améliorations apportées à la qualité des données.

3. Toute modification apportée au [PNA] autre que celles mentionnées au paragraphe 2 du présent article ou à l’article 2 doit être notifiée à la Commission et acceptée conformément à l’article 9, paragraphe 3, de [la directive 2003/87].

[…] »

11      Le 30 septembre 2004, le Royaume-Uni a informé la Commission des raisons pour lesquelles il n’était pas en mesure de respecter le délai fixé à l’article 2 de la décision du 7 juillet 2004.

12      Le 10 novembre 2004, le Royaume-Uni a fait savoir à la Commission qu’il souhaitait modifier son PNA pour tenir compte des résultats des travaux mentionnés dans celui-ci. Le Royaume-Uni a proposé, notamment, d’augmenter la quantité totale de quotas à 756,1 millions de tonnes de dioxyde de carbone (ci-après « Mt CO2 »).

13      Lors d’une réunion tenue le 2 décembre 2004, la Commission a indiqué qu’elle considérait les modifications proposées comme irrecevables.

14      Le 23 décembre 2004, le Royaume-Uni a envoyé à la Commission les informations visées à l’article 2 de la décision du 7 juillet 2004 ainsi que des informations supplémentaires concernant les modifications du PNA proposées.

15      Par lettre du même jour, les autorités du Royaume-Uni ont invité la Commission à examiner le PNA tel que modifié.

16      Par lettre du 1er février 2005, la Commission a indiqué qu’elle était d’avis que la demande du Royaume-Uni de modifier son PNA était irrecevable.

17      Le 12 avril 2005, la Commission a adopté la décision C (2005) 1081 final concernant la proposition de modification du PNA, notifiée par le Royaume-Uni conformément à la directive 2003/87 (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission a notamment considéré que le Royaume-Uni ne pouvait soumettre un plan provisoire en application de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87 (considérant 3). Elle a en outre affirmé que, en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, le Royaume-Uni était seulement en droit de modifier son PNA pour répondre aux incompatibilités relevées dans la décision du 7 juillet 2004 et que l’article 3, paragraphe 1, de cette dernière décision interdisait toute augmentation de la quantité totale de quotas à allouer (considérants 4 à 9). Ainsi, selon l’article 1er de la décision attaquée :

« La modification proposée du [PNA], notifiée par le Royaume-Uni à la Commission le 10 novembre 2004 et mise à jour en dernier lieu le 18 février 2005, qui implique une augmentation des allocations de quotas d’émission de 19,8 [millions de tonnes d’équivalent dioxyde de carbone], est irrecevable. »

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 mai 2005, le Royaume-Uni a introduit le présent recours. Par acte séparé déposé le même jour, le Royaume-Uni a demandé qu’il soit statué sur ce recours selon une procédure accélérée, conformément à l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal. Le 27 mai 2005, la Commission a déposé ses observations sur cette demande.

19      Par décision du 14 juin 2005, le Tribunal (première chambre) a accueilli la demande de procédure accélérée.

20      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 18 octobre 2005.

22      Le Royaume-Uni conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

24      Le Royaume-Uni invoque un moyen unique, tiré de la violation de la directive 2003/87 et de la décision du 7 juillet 2004.

 Arguments des parties

25      En premier lieu, le Royaume-Uni fait valoir que la position adoptée par la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle le PNA qu’il a soumis le 30 avril 2004 doit être considéré comme définitif dès lors qu’il n’est pas permis de soumettre un PNA provisoire, est juridiquement erronée.

26      Il soutient que ledit PNA avait expressément été présenté comme étant provisoire et que cela a été reconnu par la Commission dans sa lettre du 9 juin 2004, dans laquelle elle évoquait la possibilité d’apporter des modifications à la quantité totale de quotas que le Royaume-Uni avait l’intention d’allouer. La Commission ayant ainsi accepté la présentation par le Royaume-Uni d’un plan provisoire, il ne lui aurait pas été permis, dans la décision attaquée, d’adopter une position différente.

27      Le Royaume-Uni souligne que, en vertu de l’article 9 de la directive 2003/87, la Commission ne dispose pas d’un pouvoir propre pour déterminer la quantité totale de quotas qu’un État membre peut allouer et qu’elle ne peut pas soutenir que la quantité totale de quotas est déterminée à partir du montant provisoire proposé par le Royaume-Uni.

28      De plus, selon le Royaume-Uni, la décision de la Commission de traiter le PNA provisoire comme un plan définitif aboutit, en l’espèce, à une incohérence entre la quantité totale de quotas et la méthode d’allocation de ces quotas décrite dans le plan provisoire, qui sont deux éléments essentiels d’un PNA (voir article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87). Le PNA provisoire ne serait pas censé être définitif et ne saurait être traité comme tel.

29      En deuxième lieu, la décision attaquée serait juridiquement inexacte en ce qu’elle laisse entendre qu’un État membre ne peut procéder à une modification qui ne serait pas autorisée par une décision de la Commission adoptée en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 (voir considérant 8 de la décision attaquée).

30      En vertu de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87, le plan initial soumis par un État membre à la Commission devrait uniquement indiquer la quantité totale de quotas qu’il « a l’intention » d’allouer. Ce serait cette « intention » que la Commission examine en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. Cependant, ce ne serait qu’après la décision de la Commission et la consultation publique (voir annexe III, paragraphe 9, de la directive 2003/87) que l’État membre doit décider de la quantité totale de quotas qu’il « allouera ». Ainsi, il ressortirait de la directive 2003/87 qu’un PNA, en ce compris la quantité totale de quotas à allouer qu’il prévoit, peut être modifié après l’adoption d’une décision par la Commission sur le fondement de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87.

31      Le Royaume-Uni ajoute, d’une part, que le public doit être consulté sur le PNA soumis à la Commission en application de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87 et, d’autre part, qu’il doit être tenu compte des observations du public avant d’adopter une décision relative à l’allocation des quotas en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 (voir annexe III, paragraphe 9, de la même directive). La portée et l’importance de la consultation publique seraient confirmées par la section 2.1.9 (points 93 à 96) de la communication de la Commission du 7 janvier 2004 sur les orientations visant à aider les États membres à mettre en oeuvre les critères qui figurent à l’annexe III de la directive 2003/87 et les conditions dans lesquelles il y a force majeure [COM (2003) 830 final, ci-après la « communication du 7 janvier 2004 »].

32      Selon le Royaume-Uni, il résulte de ce qui précède qu’une décision adoptée par la Commission en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ne saurait empêcher ou restreindre la prise en considération des commentaires du public exigée par l’article 11, paragraphe 1, et l’annexe III, paragraphe 9, de la directive 2003/87.

33      Par ailleurs, l’affirmation contenue dans la décision attaquée, selon laquelle, lorsqu’il y a eu une décision en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, les États membres concernés ne peuvent que corriger les insuffisances de leurs PNA, serait incompatible avec l’approche adoptée par la Commission dans d’autres cas (voir les décisions du 7 juillet 2004 concernant le Royaume de Danemark, l’Irlande, le Royaume des Pays-Bas, la République de Slovénie et le Royaume de Suède). Bien que la Commission n’ait relevé aucune insuffisance dans les PNA soumis par ces États membres, les décisions relatives à chacun d’eux les autoriseraient expressément à lui notifier des modifications ultérieures. Or, les modifications envisagées ne pourraient concerner uniquement les insuffisances relevées par la Commission, puisque de telles insuffisances n’existaient pas.

34      En troisième lieu, le Royaume-Uni prétend que, contrairement à ce que laisse entendre la décision attaquée (considérant 9), l’article 3, paragraphe 3, de la décision du 7 juillet 2004 l’autoriserait à notifier toute modification à la Commission, y compris celles qui entraîneraient une augmentation de la quantité totale de quotas alloués. Le Royaume-Uni précise que le libellé de l’article 3 de la décision du 7 juillet 2004 est conforme à son interprétation. En effet, l’article 3, paragraphe 1, de ladite décision n’interdirait pas de notifier une modification qui pourrait augmenter la quantité totale de quotas. Il indiquerait seulement que, en l’absence d’une telle modification, le Royaume-Uni ne peut pas dépasser la quantité totale de quotas figurant dans son PNA. L’article 3, paragraphe 2, de la décision du 7 juillet 2004 indiquerait, quant à lui, que certaines modifications apportées au PNA, qui n’augmentent pas la quantité totale de quotas, peuvent être apportées à ce plan sans nécessiter d’autorisation de la Commission. Enfin, l’article 3, paragraphe 3, de ladite décision, rédigé en termes généraux, disposerait que toute modification autre que celles mentionnées à l’article 2 et à l’article 3, paragraphe 2, de la même décision doit être notifiée à la Commission et acceptée conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. Ce libellé serait suffisamment large pour inclure des modifications qui pourraient conduire à une augmentation de la quantité totale de quotas à allouer.

35      En premier lieu, la Commission admet que le Royaume-Uni avait indiqué que le PNA qu’il avait présenté initialement était provisoire. Elle prétend que, à la suite de sa demande du 9 juin 2004, le Royaume-Uni a fourni, dans une lettre datée du 14 juin 2004, les informations supplémentaires demandées. Elle en aurait dès lors conclu que le PNA, y compris les chiffres relatifs à la quantité totale de quotas, était complet (voir considérant 1 de la décision du 7 juillet 2004).

36      La Commission soutient que, contrairement à ce que prétend le Royaume-Uni (voir point 25 ci-dessus), lorsqu’un État membre présente un PNA pour lequel elle demande des informations supplémentaires, ce plan est considéré comme incomplet tant que ces informations n’ont pas été reçues. Ce ne serait que lorsque l’État membre a fourni toutes les informations que la Commission juge nécessaires pour pouvoir considérer le plan comme complet que le délai de trois mois commence à courir.

37      Selon la Commission, le Royaume-Uni savait que, à la suite de sa lettre du 14 juin 2004, elle considérerait son PNA comme complet et prendrait une décision définitive le 7 juillet 2004. En effet, le Royaume-Uni aurait exprimé le souhait de faire partie de la première vague de décisions relatives aux PNA afin de marquer son engagement en faveur des échanges de quotas d’émission de gaz à effet de serre ainsi que de la lutte contre le changement climatique en général et afin de donner l’exemple aux autres États membres (voir la lettre du 14 juin 2004 et certains extraits tirés du site Internet du « Department for Environment, Food and Rural Affairs », ci-après le « DEFRA »). Compte tenu de ce souhait, le Royaume-Uni ne pouvait légitimement s’attendre à ce que la Commission prenne une autre décision, finale cette fois, sur son plan pour tenir compte d’éventuelles informations nouvelles fournies ultérieurement.

38      La Commission ajoute que les seules modifications acceptables, après l’adoption de la décision du 7 juillet 2004, étaient celles définies à l’article 3 de cette décision. Toute modification entraînant le dépassement de la quantité totale de quotas serait expressément exclue en ce que les décisions de la Commission relatives aux PNA doivent assurer une certaine sécurité, tant pour la cohérence du système d’échange de quotas d’émission en général que pour le bon fonctionnement du marché des quotas, dans la mesure où la formation des prix sur ce marché dépend fortement de la stabilité de la quantité totale de quotas. La Commission fait observer que l’importance de la stabilité de la quantité totale de quotas obtenue par le Royaume-Uni pour le bon fonctionnement de l’ensemble du système peut être déduite de l’importance de la quantité attribuée au Royaume-Uni par rapport à celle d’autres États membres.

39      En deuxième lieu, la Commission souligne que l’objet de la directive 2003/87 est d’établir un système d’échange de quotas d’émission pouvant être appliqué à compter du 1er janvier 2005 (voir article 4, article 9, paragraphe 1, et article 11, paragraphe 1, de la directive). Elle estime que c’est à la lumière de cet objectif qu’il convient d’interpréter le terme « modifications » figurant à l’article 9, paragraphe 3, de ladite directive ainsi qu’à l’article 2 et à l’article 3, paragraphe 3, de la décision du 7 juillet 2004. À l’approche de l’échéance du 1er janvier 2005, les États membres ne peuvent pas, selon la Commission, présenter de « modifications » qui se situent hors du champ d’application de la décision dont ils sont les destinataires, conformément à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. Les « modifications » visées par cette disposition se limiteraient à celles destinées à corriger les incompatibilités mises en évidence par la Commission dans sa décision prise au titre de la même disposition, à savoir, en l’espèce, la décision du 7 juillet 2004.

40      Ensuite, la Commission relève que les informations obtenues lors de la consultation publique avant la présentation du PNA sont capitales pour déterminer la quantité totale de quotas ainsi que les autres éléments du plan à lui soumettre. En revanche, une fois la décision prise par la Commission, la seconde consultation du public ne pourrait servir qu’à modifier des données et, éventuellement, à réallouer les quotas dans les limites de la quantité totale, et non à accroître le montant total (voir annexe III, paragraphe 9, de la directive 2003/87 et communication du 7 janvier 2004, points 94 à 96). En effet, cette seconde consultation porterait uniquement sur la manière dont la décision de la Commission relative au PNA devrait être mise en œuvre dans le cadre de son champ d’application ainsi que sur les aspects sur lesquels l’État membre peut exercer son pouvoir d’appréciation.

41      S’il en allait autrement, une série de consultations et de nouvelles décisions de la Commission risquerait de survenir. Le marché des quotas, nécessitant une stabilité de la quantité totale de quotas, serait fragilisé et incapable de fonctionner correctement avec un tel degré d’incertitude.

42      La Commission fait observer que le Royaume-Uni est le seul État membre à avoir demandé une augmentation de la quantité totale de quotas à l’issue de la seconde consultation. De plus, l’argumentation avancée par le Royaume-Uni en l’espèce ne serait pas cohérente avec l’affirmation figurant sur le site Internet du DEFRA à propos de la présentation de la liste des installations à la Commission le 14 juin 2004, selon laquelle les chiffres en cause pouvaient faire l’objet d’une révision technique, c’est-à-dire d’une nature très limitée, à l’issue des consultations finales.

43      Par ailleurs, la Commission soutient que l’État membre ne peut s’écarter de son intention déclarée, même après qu’elle a pris sa décision, au seul motif qu’il ne s’agissait que d’une « intention ». Selon la Commission, la directive 2003/87 utilise l’expression « a l’intention d’allouer », car ce n’est que lorsqu’elle a pris sa décision que l’État membre est en mesure de traduire son intention dans une décision finale.

44      En troisième lieu, la Commission relève qu’une interprétation stricte de l’article 3 de la décision du 7 juillet 2004 est nécessaire pour permettre au système communautaire d’échange de quotas d’émission de contribuer à la lutte contre le changement climatique.

45      L’article 3, paragraphe 1, de la décision du 7 juillet 2004 indiquerait clairement que la quantité totale allouée ne peut être dépassée, et son article 3, paragraphe 3, ne saurait servir de fondement pour modifier cette quantité totale. Sur le plan économique, cela se justifierait par le fait que la stabilité de la quantité totale de quotas revêt une importance capitale pour le bon fonctionnement du système d’échange de quotas d’émission. En effet, l’article 3, paragraphe 3, conférerait au Royaume-Uni un certain pouvoir d’appréciation pour remédier aux incompatibilités constatées, par des moyens autres que ceux déjà approuvés sous condition par la Commission au titre de l’article 2, mais uniquement en procédant aux réallocations de quotas éventuellement nécessaires.

46      La Commission précise que l’article 3, paragraphe 3, de la décision du 7 juillet 2004 doit être lu dans le contexte des chiffres globaux fixés au titre de l’article 3, paragraphe 1, de la même décision. Il ressortirait de l’article 3 de cette décision que le Royaume-Uni disposait d’une marge de manœuvre clairement définie pour réallouer ses quotas à des installations énumérées dans le PNA et à de nouveaux entrants. Dès lors, selon la Commission, le Royaume-Uni n’était pas obligé de demander une augmentation de la quantité totale de quotas. Parmi les États membres destinataires d’une décision comportant le même article 3, paragraphe 3, le Royaume-Uni aurait été le seul à conclure que cette disposition pouvait servir à accroître la quantité totale de quotas.

47      La Commission ajoute que, dans le cas des PNA pour lesquels elle n’a constaté aucune incompatibilité dans sa décision finale, l’article 3, paragraphe 3 (ou son équivalent) doit effectivement être considéré comme redondant. Elle fait valoir que si cette disposition n’a pas été supprimée du texte, c’est parce qu’une solution pour supprimer toutes les incompatibilités n’avait été trouvée qu’à un stade très tardif de la procédure décisionnelle. Elle ajoute que, dès que ce caractère redondant a été reconnu, la disposition a été systématiquement supprimée des décisions adoptées à partir du mois de décembre 2004.

48      Par ailleurs, la Commission prétend qu’elle n’a pas soulevé d’objections à l’encontre de la constitution, dans le PNA soumis par le Royaume-Uni, d’une réserve pour nouveaux entrants nettement plus importante que dans le cas d’autres États membres. La quantité totale de quotas approuvée, qui comprenait les allocations destinées à la fois aux installations existantes et aux nouveaux entrants, conférerait au Royaume-Uni une souplesse considérable pour allouer des quotas aux installations existantes en puisant dans la réserve destinée aux nouveaux entrants, si cela s’était avéré nécessaire du fait des améliorations de la qualité des données dans le cadre de l’article 3, paragraphe 2, de la décision du 7 juillet 2004.

49      Enfin, la Commission insiste sur le fait que la lettre du 9 juin 2004 ne peut servir de justification pour accroître la quantité totale de quotas. Cette lettre serait antérieure à la décision du 7 juillet 2004 et, dès lors, ne saurait être invoquée en tant que justification des modifications intervenues postérieurement à cette dernière décision. Le Royaume-Uni ne pourrait donc faire valoir une quelconque confiance légitime quant à une interprétation différente de la décision du 7 juillet 2004.

 Appréciation du Tribunal

50      Il ressort de la décision attaquée que la Commission a rejeté comme irrecevables les modifications du PNA proposées par le Royaume-Uni le 10 novembre 2004 au motif qu’elles conduisaient à un dépassement de la quantité totale de quotas autorisée par la Commission dans sa décision du 7 juillet 2004. Dès lors, et ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, la Commission considérait qu’elle n’était pas tenue d’examiner le bien-fondé des modifications proposées par le Royaume-Uni et, en particulier, leur compatibilité avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10 de la directive 2003/87.

51      Afin de vérifier si la Commission était en droit de rejeter les modifications comme irrecevables, il convient d’examiner, tout d’abord, les rôles et les pouvoirs respectifs de la Commission et des États membres dans le cadre du régime établi par la directive 2003/87 et, en particulier, par ses articles 9 à 11.

52      La directive 2003/87 a pour objet essentiel d’établir, à partir du 1er janvier 2005, un système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre. Ce système est fondé sur des PNA élaborés par les États membres en application de critères prévus par ladite directive. Ainsi, chaque État membre était appelé à élaborer un premier PNA pour la période de trois ans débutant le 1er janvier 2005. Ce PNA devait être publié et notifié à la Commission et aux autres États membres au plus tard le 31 mars 2004 en application de l’article 9, paragraphe 1, de la directive 2003/87. Le PNA devait indiquer la quantité totale de quotas que l’État membre avait « l’intention d’allouer pour la période considérée et la manière dont il se propos[ait] de les attribuer » (voir point 2 ci-dessus).

53      La décision définitive concernant la quantité totale de quotas à allouer et l’allocation de ces quotas aux installations en cause devait être prise par chaque État membre en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 trois mois avant le début de la période, à savoir avant le 1er octobre 2004. Selon cette même disposition, les États membres devaient prendre leurs décisions définitives à cet égard sur la base des PNA établis en application de l’article 9 de la directive 2003/87 (voir point 4 ci-dessus).

54      Il ressort de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 que la Commission est habilitée, dans les trois mois qui suivent la notification d’un PNA, à rejeter ce PNA ou tout aspect de celui-ci (voir point 3 ci-dessus). Cette disposition précise que tout rejet doit être fondé sur l’incompatibilité du PNA avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec l’article 10 de la directive 2003/87. Il convient de relever que ladite directive ne prévoit pas d’autres motifs pour rejeter un PNA.

55      De plus, ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 n’oblige pas expressément la Commission à prendre une décision positive d’approbation du PNA au cas où elle n’aurait pas de motif pour rejeter le PNA ou tout aspect de celui-ci. Si la Commission ne réagit pas au PNA dans le délai de trois mois suivant la notification de celui-ci, il doit être considéré comme ayant été approuvé par la Commission et ne peut être modifié sans son approbation préalable en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87.

56      De même, l’adoption par l’État membre de sa décision définitive concernant la quantité totale de quotas à allouer et l’allocation de ces quotas aux installations en cause, en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 est assujettie à la condition, prévue à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, que toute modification du PNA proposée a été acceptée par la Commission. Or, il convient de souligner que l’article 9, paragraphe 3, deuxième phrase, de la directive 2003/87 n’impose aucune limite quant aux modifications possibles (voir point 3 ci-dessus). Dès lors, contrairement à ce que soutient la Commission, toute modification, qu’elle soit proposée par l’État membre de sa propre initiative ou qu’elle soit rendue nécessaire pour corriger les incompatibilités du PNA mises en évidence par la Commission, doit être notifiée à la Commission et approuvée par celle-ci avant que le PNA tel que modifié puisse servir de fondement à une décision prise par l’État membre en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87.

57      Le fait que les modifications du PNA ne sont pas limitées à celles qui sont destinées à corriger les incompatibilités mises en évidence par la Commission est corroboré par le fait que l’État membre est obligé, selon les termes de l’article 11, paragraphe 1, et de l’annexe III, paragraphe 9, de la directive 2003/87, de prendre en considération les observations du public à la suite de la notification initiale du PNA et avant l’adoption de la décision définitive en application de l’article 11, paragraphe 1, de la même directive. Cette consultation publique serait rendue sans objet, et les observations du public seraient purement théoriques, si les modifications du PNA pouvant être proposées après l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ou après une décision de la Commission prise en application de cette même disposition étaient limitées à celles envisagées par la Commission.

58      La Commission insiste sur le fait que de telles observations du public, ayant été rendues à l’issue d’une seconde consultation, ne devraient servir qu’à modifier les données et éventuellement à réallouer les quotas dans les limites de la quantité totale et non à accroître le montant total (voir point 40 ci-dessus). Cet argument n’est étayé ni par les termes de l’article 11, paragraphe 1, ni par l’annexe III, paragraphe 9, de la directive 2003/87. De plus, dans sa communication du 7 janvier 2004, la Commission ne prévoit aucune limitation quant à l’objet de la seconde consultation publique. En effet, il ressort du point 95, de même que du point 96, de ladite communication qu’« [un] État membre devrait informer la Commission de toute modification qu’il est prévu d’introduire après la participation du public qui a suivi la publication et la notification du [PNA] et avant l’adoption de sa décision finale en application de l’article 11 ». Il est ainsi possible que la consultation du public fasse apparaître l’existence d’erreurs de calcul ou permette d’obtenir des informations nouvelles et que, de ce fait, la quantité totale à allouer doive être augmentée. Rien dans les termes de la directive 2003/87 ou dans la nature ou les objectifs du régime qu’elle établit n’exclut la possibilité d’une telle augmentation.

59      Même s’il fallait considérer que la seconde consultation publique ne pouvait porter que sur la question des allocations individuelles, ainsi que la Commission l’a fait valoir, cette dernière n’établirait pas pourquoi les modifications apportées aux allocations individuelles qui pourraient faire suite à cette consultation ne pourraient pas elles-mêmes entraîner des modifications de la quantité totale d’allocations à attribuer. Si, par exemple, il y a eu une sous-estimation des quotas alloués à une installation individuelle, tandis qu’une installation équivalente et concurrente a reçu la quantité correcte de quotas, il ne saurait être exclu que les quotas alloués à la première installation, et par voie de conséquence, la quantité totale de quotas alloués, doivent être modifiés.

60      Il y a lieu d’ajouter que la directive 2003/87 vise à établir un marché européen performant de quotas d’émission de gaz à effet de serre, en nuisant le moins possible au développement économique et à l’emploi (article 1er et considérant 5 de la directive 2003/87). Ainsi, bien que la directive 2003/87 ait pour objectif de réduire les gaz à effet de serre conformément aux engagements de la Communauté et des États membres dans le cadre du protocole de Kyoto, cet objectif doit être réalisé, dans la mesure du possible, en respectant les besoins de l’économie européenne. Il s’ensuit que les PNA élaborés dans le cadre de la directive 2003/87 doivent prendre en compte les données et les informations exactes relatives aux émissions prévues pour les installations et les secteurs concernés par la directive 2003/87. Si un PNA se fonde en partie sur des informations ou des appréciations erronées concernant le niveau des émissions de certains secteurs ou de certaines installations, il doit être possible, pour l’État membre en cause, de proposer des modifications du PNA, y compris des augmentations des quantités totales de quotas à allouer, pour résoudre ces problèmes avant que ceux-ci ne produisent des répercussions sur le marché. Il n’en demeure pas moins que, pour assurer le respect des objectifs environnementaux de la directive 2003/87, la Commission doit établir si les modifications proposées par l’État membre sont compatibles avec les critères énoncés à l’annexe III ou avec les dispositions de l’article 10 de la même directive.

61      Il y a donc lieu de considérer qu’il résulte du libellé de la directive 2003/87, ainsi que de l’économie générale et des objectifs du système qu’elle établit, que la Commission ne pouvait limiter le droit d’un État membre à proposer des modifications, ou même certaines catégories de modifications. Cette question est différente de celle de savoir si les modifications en cause étaient compatibles avec les critères prévus par l’annexe III et l’article 10 de la directive 2003/87.

62      La Commission invoque sa décision du 7 juillet 2004 pour affirmer que l’étendue des modifications admissibles était limitée et, en particulier, pour fonder l’interdiction de la modification de la quantité totale de quotas que l’État membre décidera d’allouer. Elle précise que l’article 3, paragraphe 1, de la décision du 7 juillet 2004 indique clairement que la quantité totale allouée ne peut être dépassée.

63      Cet argument ne saurait être retenu. Il résulte des termes exprès de la directive 2003/87, ainsi que de l’économie générale et des objectifs du système qu’elle établit, que le Royaume-Uni était en droit de proposer des modifications de son PNA après la notification de celui-ci à la Commission, et ce jusqu’à l’adoption de sa décision en application de l’article 11, paragraphe 1, et que la Commission ne pouvait pas, lors de l’adoption d’une décision de rejet sur le fondement de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, empêcher l’État membre d’exercer ce droit (voir points 54 à 61 ci-dessus).

64      De plus, cet argument de la Commission est incompatible avec le libellé de sa décision du 7 juillet 2004. Premièrement, ainsi que la Commission l’a admis lors de l’audience, il ressort de l’article 2, sous b), de cette décision que les modifications du PNA, rendues nécessaires pour couvrir la situation des installations situées à Gibraltar, pourraient conduire à une augmentation de la quantité totale des quotas alloués. En effet, l’article 3, paragraphe 1, de cette décision a expressément envisagé la possibilité que ladite quantité totale soit augmentée à la suite des modifications mentionnées à l’article 2, sans autorisation préalable de la Commission (voir point 10 ci-dessus). Cette dernière a ainsi reconnu, au moins implicitement, qu’une telle modification était possible sans violer les critères établis par l’annexe III de la directive 2003/87. Il en résulte qu’il y a une incohérence dans la position de la Commission en ce que, d’une part, elle permet des augmentations de la quantité totale des quotas à allouer pour combler des lacunes qu’elle a relevées dans le PNA alors que, d’autre part, elle refuse de prendre en considération de telles modifications lorsque celles-ci sont proposées par l’État membre en cause.

65      Deuxièmement, l’article 3, paragraphe 3, de la décision du 7 juillet 2004, qui constitue une application directe de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, ne limite pas l’étendue des modifications admissibles avant l’adoption d’une décision définitive en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87. En effet, les modifications admissibles sans approbation préalable de la Commission étant prévues par l’article 2 et l’article 3, paragraphe 2, de la décision du 7 juillet 2004, l’article 3, paragraphe 3, de ladite décision vise « toute » autre modification, y compris potentiellement les modifications de la quantité totale des quotas à allouer. En outre, contrairement à ce que soutient la Commission, l’article 3, paragraphe 1, de la décision du 7 juillet 2004 indique seulement que, en l’absence d’une telle modification, le Royaume-Uni ne peut pas dépasser la quantité totale de quotas figurant dans son PNA.

66      Selon la Commission, l’article 3, paragraphe 3, de la décision du 7 juillet 2004 confère au Royaume-Uni la possibilité d’éliminer les incompatibilités contenues dans son PNA par des moyens autres que ceux visés à l’article 2. Toutefois, comme le relève le Royaume-Uni, la Commission a approuvé des PNA soumis par d’autres États membres, sans avoir mis en évidence des insuffisances, dans des décisions qui incluent une disposition analogue à celle de l’article 3, paragraphe 3. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la Commission, il était possible, en application de cette disposition, de proposer des modifications autres que celles concernant des insuffisances relevées par la Commission.

67      Par ailleurs, la Commission fait valoir que toute modification entraînant un dépassement de la quantité totale de quotas doit être exclue en ce qu’elle pourrait avoir un effet défavorable sur la stabilité du marché (voir points 38 et 45 ci-dessus). Il y a lieu de considérer que le bien-fondé de cet argument n’a pas été établi à suffisance de droit par la Commission.

68      En effet, l’affirmation de la Commission selon laquelle les modifications proposées auraient de sérieuses conséquences sur la pénurie de quotas et un impact significatif sur le prix du marché est à tout le moins excessive. Il est constant que le Royaume-Uni a notifié son PNA le 30 avril 2004 en indiquant expressément qu’il avait provisoirement l’intention d’allouer une quantité totale de quotas de 736 Mt CO2 pour la période allant de 2005 à 2007 (voir point 6 ci-dessus). Ensuite, le 10 novembre 2004, le Royaume-Uni a notifié à la Commission sa proposition d’augmenter la quantité totale de quotas de 736 à 756,1 Mt CO2 (voir point 12 ci-dessus), à savoir une augmentation de 2,7 %. Cette modification ayant été simultanément publiée par le Royaume-Uni en vue de recueillir les observations du public, il y a lieu de conclure que les opérateurs intéressés étaient informés de cette augmentation sept semaines avant l’ouverture du marché.

69      De plus, dans sa décision du 7 juillet 2004, la Commission a reconnu que des modifications aux quantités totales de quotas à allouer pourraient s’avérer nécessaires même après l’ouverture du marché, indépendamment de la possibilité prévue à l’article 29 de la directive 2003/87 de modifier le PNA en cas de force majeure. En particulier, la Commission a envisagé, au considérant 8 de ladite décision, la possibilité de modifier la quantité totale de quotas alloués en ce qui concerne les installations exclues du système communautaire jusqu’au 31 décembre 2006 en application de l’article 27 de la directive 2003/87. Dès lors, l’argument de la Commission, qui se fonde sur l’idée selon laquelle la stabilité du marché constitue une règle impérative, est excessif, surtout en ce qui concerne des modifications proposées avant l’ouverture du marché, et ne saurait donc être retenu.

70      En tout état de cause, dans le contexte d’un marché où les États membres avaient, selon un communiqué de presse de la Commission du 20 juin 2005, alloué une quantité totale de quotas de 6 572 Mt CO2, la Commission n’a pas expliqué comment une augmentation de 20,1 Mt CO2, annoncée sept semaines avant l’ouverture du marché, aurait pu déstabiliser celui-ci. Par ailleurs, il convient de relever que le 10 novembre 2004, date à laquelle le Royaume-Uni a proposé les modifications en cause, la Commission n’avait toujours pas pris de décision en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 en ce qui concerne les PNA de neuf États membres.

71      La Commission a implicitement invoqué le fait que le Royaume-Uni aurait dû prendre sa décision en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87 avant le 30 septembre 2004 et qu’il n’était plus en droit de proposer des modifications au PNA après cette date. Il convient de constater, à cet égard, que, bien que cette considération soit mentionnée au considérant 6 de la décision attaquée, elle ne constitue pas le motif du rejet. Les modifications ont été rejetées comme irrecevables au motif qu’elles dépassaient les quantités totales fixées par la décision du 7 juillet 2004.

72      De plus, il n’est pas contesté que le Royaume-Uni a agi de bonne foi en continuant à travailler sur son PNA après avoir notifié celui-ci et en effectuant des démarches pour obtenir des informations plus précises sur les prévisions d’émissions par les secteurs concernés par la directive 2003/87. Dans la lettre qu’elle a adressée au représentant permanent du Royaume-Uni le 11 octobre 2004, la Commission, après avoir relevé que le Royaume-Uni n’avait pas respecté le délai du 30 septembre 2004, a pris acte des « progrès que [ses] autorités étaient en train de réaliser pour répondre aux exigences de la décision » et l’a invité à lui notifier aussi rapidement que possible les informations nécessaires. Au vu de l’attitude ainsi adoptée par la Commission, cette dernière ne saurait affirmer que la date du 30 septembre 2004 était péremptoire en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de proposer des modifications aux PNA en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87.

73      Quant à l’argument du Royaume-Uni selon lequel le PNA tel qu’initialement notifié à la Commission était provisoire, il suffit de constater que, dès lors qu’il est établi que l’État membre en cause était en droit de proposer des modifications à la Commission après l’expiration du délai de trois mois prévu à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87 ou après une décision prise en application de cet article, il est sans pertinence que le PNA a été désigné comme « provisoire » lors de sa notification initiale. Comme la Commission l’a relevé, un État membre ne peut pas, en notifiant un PNA incomplet, reporter indéfiniment une prise de décision de la Commission en application de l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87. Toutefois, si le PNA est incomplet ou « provisoire », la Commission est en droit de le rejeter soit en ce qu’il n’est pas conforme aux critères établis par la directive 2003/87, soit en ce qu’il l’empêche d’apprécier sa conformité avec lesdits critères. Dans ces hypothèses, la Commission est en droit, en rejetant le PNA, d’obliger l’État membre à notifier un nouveau PNA complet, avant qu’il puisse prendre sa décision en application de l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2003/87. Contrairement à ce que soutient la Commission, il n’y a aucune raison de supposer que, lorsqu’un PNA incomplet a été notifié, le délai de trois mois visé à l’article 9, paragraphe 3, de la directive 2003/87, dont elle dispose pour rejeter le plan, ne peut pas commencer à courir.

74      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a commis une erreur de droit en rejetant les modifications proposées par le Royaume-Uni comme irrecevables. Partant, il convient d’accueillir le moyen unique soulevé par le Royaume-Uni et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de décider qu’elle supportera, outre ses propres dépens, ceux du Royaume-Uni, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission C (2005) 1081 final, du 12 avril 2005, concernant la proposition de modification du plan national d’allocation de quotas d’émission de gaz à effet de serre notifiée par le Royaume-Uni est annulée.

2)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Royaume-Uni.


Cooke

García-Valdecasas

Labucka


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 23 novembre 2005.

Le greffier

 

      Le président



E. Coulon

 

      R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’anglais.