Language of document : ECLI:EU:T:2022:511

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Régime disciplinaire – Révocation – Ouverture d’une enquête administrative – Ouverture d’une procédure disciplinaire – Exigence d’impartialité – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Articles 11, 12 et 21 du statut – Devoir de loyauté – Sécurité juridique – Liberté d’expression – Article 11 de la charte des droits fondamentaux – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Présomption d’innocence – Droit d’être entendu – Délai raisonnable – Proportionnalité de la sanction »

Dans l’affaire T‑470/20,

DD, représenté par Me L. Levi, avocate,

partie requérante,

contre

Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), représentée par M. M. O’Flaherty, en qualité d’agent, assisté de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. L. Madise, faisant fonction de président, P. Nihoul et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 27 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, DD, demande, d’une part, l’annulation de la décision de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) du 12 novembre 2019 par laquelle celle-ci lui a infligé la sanction disciplinaire de révocation (ci-après la « décision de révocation ») et de la décision du 15 avril 2020 portant rejet de la réclamation contre la décision de révocation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation ») et, d’autre part, la réparation du préjudice matériel et moral qu’il aurait subi.

I.      Antécédents du litige

2        Le requérant a été recruté le 1er août 2000 par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») d’un organisme de l’Union européenne, l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), devenu la FRA, en qualité d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »). Engagé initialement sous contrat à durée déterminée, il a bénéficié d’un contrat à durée indéterminée à partir du 16 décembre 2006.

3        Par lettre du 13 juin 2013, le directeur de la FRA alors en fonction a informé le requérant de sa décision de résilier son contrat.

4        Par l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), le Tribunal de la fonction publique a annulé la décision de résiliation au motif que, préalablement à l’adoption de celle-ci, le directeur de la FRA n’avait pas expressément informé le requérant que, sur la base de divers incidents, il envisageait de résilier son contrat et ne l’avait pas invité à formuler toute observation à ce sujet.

5        Le 29 février 2016, la FRA, dirigée par un nouveau directeur, a réintégré le requérant dans ses fonctions, dans le cadre de l’exécution de l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118).

6        Par courriel du même jour, le requérant s’est vu demander par son chef de département de préparer un exposé interne de 15 à 20 pages, au plus tard pour le 18 mars 2016, sur les normes relatives aux droits de l’homme et la jurisprudence liée à la liberté de pensée, de conscience et de religion, au niveau international et au niveau de l’Union.

7        Par courriel du 18 mars 2016, le requérant a envoyé à son chef de département un document de 31 pages qualifié de « toute première ébauche de l’exposé sur la liberté de religion », intitulé « Note d’informations interne sur d’éventuels projets pertinents de la FRA concernant la liberté de pensée » (ci-après l’« exposé litigieux »).

8        Au début du mois d’avril 2016, l’exposé litigieux a été enregistré dans le système de gestion de documents (ci-après le « SGD ») de la FRA, auquel tous les collègues du requérant avaient accès.

9        Le 7 avril 2016, le chef de département du requérant a informé ce dernier qu’il avait communiqué l’exposé litigieux au directeur de la FRA et l’a invité à envoyer à l’un de ses collègues le lien vers ce document enregistré dans le SGD, pour qu’il puisse prendre connaissance dudit document et de l’analyse qu’il comportait.

10      Par courriel du 16 octobre 2017, le chef de département du requérant lui a demandé de revoir l’exposé litigieux et d’approfondir l’analyse consacrée à la liberté de religion du point de vue de l’Union, compte tenu d’une éventuelle publication.

11      Par ailleurs, le 7 novembre 2017, le requérant a introduit un recours interne contre son rapport d’évaluation pour l’année 2016 (ci-après le « rapport d’évaluation 2016 »), en faisant valoir que l’appréciation de son efficacité, de sa capacité et de sa conduite aurait dû être « très bonne », au lieu de « satisfaisante ». Dans ce cadre, en ce qui concerne l’exposé litigieux, d’une part, le requérant a fait valoir qu’il était regrettable que, alors que, au cours du dialogue d’évaluation, son chef de département, en sa qualité d’évaluateur, avait confirmé que cet exposé était très utile et atteignait son objectif, il ait critiqué celui-ci dans ses observations ultérieures. D’autre part, le requérant a avancé que les commentaires de l’évaluateur sur le fait que l’exposé litigieux était majoritairement composé de références jurisprudentielles étaient imprécis, étant donné que l’exposé contenait également une analyse légale, conceptuelle et politique.

12      Le 1er décembre 2017, le requérant a transmis une version révisée de l’exposé litigieux.

13      Le 5 décembre 2017, le directeur de la FRA a rejeté le recours interne introduit contre le rapport d’évaluation 2016. À cette occasion, le directeur de la FRA a indiqué qu’il avait appris que l’exposé litigieux était, pour une très large part, une copie directe de plusieurs sources, notamment de documents du Conseil de l’Europe, lesquelles n’étaient pas référencées dans ledit exposé, et que le requérant n’avait pas informé son chef de département de cet état de fait, lui faisant croire que cet exposé était le résultat de son propre travail.

14      Le 9 février 2018, le directeur de la FRA a consulté l’Office européen de lutte antifraude (ci-après l’« OLAF ») quant à la possible ouverture d’une enquête administrative au sujet du comportement du requérant.

15      Le 20 mars 2018, l’OLAF a décidé de ne pas ouvrir une enquête, en l’absence « d’éléments suffisants indiquant l’existence d’une fraude, d’une corruption ou d’autres activités illégales ».

16      Le 23 mars 2018, le directeur de la FRA a ouvert une enquête administrative concernant le comportement du requérant relatif à l’exposé litigieux (ci-après la « décision d’ouverture de l’enquête »). L’enquêteur désigné a déclaré une absence de conflit d’intérêts. L’objectif de ladite enquête était de déterminer, premièrement, dans quelle mesure précise l’exposé litigieux avait été présenté par le requérant comme étant le résultat de son propre travail et reprenait des extraits de documents externes à la FRA qui n’étaient ni cités ni référencés, deuxièmement, quels étaient, parmi ces documents, ceux qui étaient éventuellement couverts par des droits d’auteur, troisièmement, s’il existait d’autres documents rédigés par le requérant dans le cadre de son travail au sein de la FRA, dans le domaine de la liberté de pensée, de conscience et de religion, qui remplissaient les deux conditions précitées et, quatrièmement, le cas échéant, si le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ou le droit de la propriété intellectuelle avaient été violés.

17      Les 23 et 24 avril 2018, l’enquêteur a interrogé sept témoins et le requérant, qui a remis à l’enquêteur des observations écrites.

18      Le 17 juin 2018, l’enquêteur a transmis au requérant ses conclusions préliminaires.

19      Le 2 juillet 2018, le requérant a formulé des observations sur les conclusions préliminaires de l’enquêteur.

20      Le 23 juillet 2018, l’enquêteur a remis son rapport définitif (ci-après le « rapport d’enquête »), qui concluait à un manquement du requérant aux articles 11, 12 et 21 du statut ainsi qu’à ses devoirs de loyauté et de coopération. L’enquêteur a relevé, en substance, premièrement, que le copiage et l’usage du travail d’autrui sans le référencer et en le faisant passer pour sien constituait une forme de tromperie, de malhonnêteté et d’appropriation frauduleuse contraire non seulement à l’article 12 du statut, mais aussi à presque toute norme morale, deuxièmement, que le requérant avait délibérément trompé les membres de son département et avait caché une information importante, ce qui violait les articles 11 et 12 du statut, troisièmement, que le fait que le requérant avait pris trois semaines pour rédiger l’exposé litigieux, qui constitue majoritairement une copie, constituait une autre infraction, relativement mineure, à l’article 12 du statut, quatrièmement, que la mention de l’exposé litigieux comme constituant un accomplissement, dans le cadre de son évaluation pour l’année 2016, était trompeuse et constituait également une violation de l’article 12 du statut, cinquièmement, que l’usage de matériel protégé par des droits d’auteur sans en informer l’auteur, à savoir le Conseil de l’Europe, violait encore l’article 12 du statut, sixièmement, que le requérant avait agi de façon trompeuse et/ou malhonnête et, en conséquence, ne s’était pas comporté en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union, en violation de l’article 11 du statut et du devoir de loyauté, et, septièmement, que l’usage du travail d’autrui sans le référencer et sans en informer ses supérieurs violait l’article 21 du statut et le devoir de coopération du requérant.

21      Le 15 octobre 2018, le requérant a été entendu par le directeur de la FRA au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut (ci-après l’« audition du 15 octobre 2018 ») et a transmis ultérieurement une déclaration écrite, datée du même jour.

22      Par une décision du 23 octobre 2018, le directeur de la FRA a ouvert une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline contre le requérant (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure disciplinaire »). Cette décision a été notifiée au requérant le 7 novembre 2018.

23      Le 26 février 2019, le conseil de discipline a été constitué par décision du directeur de la FRA.

24      Le 27 février 2019, le directeur de la FRA a établi le rapport destiné au conseil de discipline, en application de l’article 12 de l’annexe IX du statut (ci-après le « rapport du directeur de la FRA »).

25      Le 21 mars 2019, le requérant a soumis son mémoire en défense au président du conseil de discipline.

26      Le 22 mars 2019, l’audition du requérant devant le conseil de discipline a eu lieu.

27      Le 7 mai 2019, le conseil de discipline a émis un avis motivé (ci-après l’« avis du conseil de discipline »), conformément à l’article 18 de l’annexe IX du statut, estimant fondées les accusations de comportement contraire aux obligations du requérant au titre des articles 11, 12 et 21 du statut, à savoir la présentation d’écrits d’autrui comme son propre travail, sans en mentionner les sources. Le conseil de discipline a recommandé une rétrogradation du requérant de deux grades, soit au grade AD 7. Le conseil de discipline n’a pas fait état de circonstances atténuantes.

28      Le conseil de discipline a relevé, en substance, premièrement, que le requérant avait agi en ayant en vue non pas uniquement les intérêts de l’Union, mais ses propres intérêts en demandant crédit pour un texte dont il n’était pas l’auteur, deuxièmement, qu’il n’avait pas adopté le comportement responsable attendu de la part d’un agent de la FRA, troisièmement, que ses actions auraient pu causer un dommage à la réputation de la FRA et, quatrièmement, qu’il n’avait pas assisté ses supérieurs, voire avait agi à l’encontre de ceux-ci, en présentant le travail d’autrui comme étant le sien.

29      Ainsi, le conseil de discipline a constaté que le requérant avait violé, premièrement, l’article 11 du statut, en présentant délibérément un travail copié comme son propre travail, deuxièmement, l’article 12 du statut, pour autant que présenter le travail d’autrui comme son propre travail aurait eu une influence fâcheuse sur la réputation du requérant, et, troisièmement, l’article 21 du statut, dans la mesure où le requérant n’avait pas exécuté les tâches qui lui avaient été confiées, mais avait présenté le travail d’autrui comme étant le sien et où il existait un risque que l’exposé litigieux, ou des passages de celui-ci, fussent intégrés dans un ou plusieurs documents publiés par la FRA, ce qui aurait pu nuire à la réputation de celle-ci.

30      Le 11 juillet 2019, le requérant a été entendu par le directeur de la FRA, conformément à l’article 22 de l’annexe IX du statut (ci-après l’« audition du 11 juillet 2019 »), et a présenté sa déclaration écrite.

31      Le 11 octobre 2019, le requérant a reçu une note du directeur, datée du 10 octobre 2019, exprimant son intention de lui infliger la sanction de révocation et l’invitant à communiquer ses observations à ce sujet par écrit sous dix jours ouvrés.

32      Le 24 octobre 2019, le requérant a transmis ses observations au directeur de la FRA.

33      Le 12 novembre 2019, le directeur de la FRA, en tant qu’AHCC, a adopté la décision de révocation, prenant effet le 15 novembre 2019. Par cette décision, le directeur de la FRA a entériné les conclusions du conseil de discipline, sauf en ce qui concernait la sanction proposée, ayant estimé que la rétrogradation ne reflétait pas suffisamment la gravité des violations des obligations professionnelles prévues aux articles 11, 12 et 21 du statut. Le directeur de la FRA a relevé, en particulier, d’une part, que le conseil de discipline n’avait pas fait état de circonstances atténuantes, mais avait mentionné des circonstances aggravantes, à savoir le fait que la conduite du requérant était délibérée, qu’il avait essayé d’obtenir personnellement crédit pour un travail constituant un plagiat, qu’il n’avait pas reconnu la gravité de sa conduite et qu’il y avait eu un risque réel d’atteinte à la réputation de la FRA et, d’autre part, que le lien de confiance avait été gravement remis en question.

34      En outre, le directeur de la FRA a considéré que le conseil de discipline n’avait pas suffisamment tenu compte de la gravité des violations du statut en ce qui concernait, d’une part, le comportement du requérant, que le directeur de la FRA a qualifié de « violation de la plus haute gravité » et, d’autre part, les effets d’un tel comportement sur la réputation de la FRA, puisque, selon lui, le requérant, agissant seul, avait délibérément créé un risque grave d’atteinte à cette réputation pendant un laps de temps considérable. Le directeur de la FRA a approuvé la constatation du conseil de discipline selon laquelle le lien de confiance avait été gravement remis en question, tout en considérant que ledit lien avait été irrévocablement rompu et, en conséquence, que la rétrogradation n’était pas une sanction adéquate.

35      Le 16 décembre 2019, le requérant a introduit une réclamation contre la décision de révocation.

36      Le 15 avril 2020, le directeur de la FRA a rendu la décision de rejet de la réclamation.

II.    Conclusions des parties

37      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de révocation ;

–        le cas échéant, annuler la décision de rejet de la réclamation ;

–        réparer les préjudices matériel et moral qu’il a subis ;

–        condamner la FRA aux dépens.

38      La FRA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la demande d’omission de données envers le public

39      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er février 2021, le requérant a demandé, sur le fondement de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, l’omission de certaines données envers le public, à savoir toutes les informations sur toutes les accusations portées contre lui – plagiat, car ces accusations seraient très dommageables pour ses perspectives professionnelles.

40      À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 66 du règlement de procédure, la demande d’omission de certaines données envers le public doit être motivée par la partie qui la présente.

41      En l’espèce, d’une part, le requérant se borne à soutenir, de manière générale, que, malgré l’anonymisation de son nom accordée par le Tribunal, la mention des accusations portées contre lui dans la version publique de l’arrêt serait susceptible d’avoir des effets pernicieux sur ses perspectives de carrière. D’autre part, le requérant n’identifie pas les éléments qui, dans les mémoires et leurs annexes, devraient, selon lui, faire l’objet d’un traitement confidentiel.

42      Par conséquent, la motivation n’est pas de nature à étayer la demande d’omission de données envers le public.

43      En tout état de cause, le Tribunal estime que, afin d’assurer l’intelligibilité du présent arrêt, il est nécessaire de mentionner la nature des accusations.

44      Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande formulée par le requérant en ce qui concerne l’omission de données envers le public.

B.      Sur les premier et deuxième chefs de conclusions, tendant à l’annulation de la décision de révocation et de la décision de rejet de la réclamation

1.      Sur l’objet des conclusions en annulation

45      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 63 et jurisprudence citée).

46      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome dès lors qu’elle n’a pas une portée différente de celle de la décision de révocation. En effet, le rejet de la réclamation confirme la décision de révocation et précise la motivation de celle-ci en répondant aux critiques formulées par le requérant à son égard, la motivation de ladite décision de rejet coïncidant, en substance, avec celle de la décision de révocation.

47      Les conclusions en annulation doivent donc être regardées comme étant dirigées contre la seule décision de révocation, dont la légalité doit toutefois être examinée en prenant en considération la motivation figurant dans la décision de rejet, qui est censée coïncider avec celle de la décision de révocation (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 ; du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 22, et du 14 juillet 2021, KO/Commission, T‑389/20, non publié, EU:T:2021:436, point 15).

48      Par conséquent, il n’y a pas lieu de statuer de manière autonome sur le deuxième chef de conclusions, tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation.

2.      Sur le fond

49      Au soutien des conclusions en annulation, le requérant présente huit moyens à titre principal et un moyen à titre subsidiaire :

–        le premier moyen est tiré d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation du principe de sécurité juridique, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, du Bundesgesetz über das Urheberrecht an Werken der Literatur und der Kunst und über verwandte Schutzrechte (Urheberrechtsgesetz) (loi sur le droit d’auteur sur les œuvres littéraires et artistiques et sur les droits voisins), du 9 avril 1936 (BGBl. 1936, 111/1936, ci-après la « loi autrichienne relative au droit d’auteur »), et de la violation de l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ;

–        le deuxième moyen est tiré de la violation du principe de bonne administration ainsi que des devoirs de diligence et de sollicitude, de la violation du principe de la présomption d’innocence, de la violation des règles relatives à la charge de la preuve, de l’absence d’établissement de la réalité des faits, de l’inexactitude des faits invoqués et de la violation du devoir de rester mesuré dans les propos ;

–        le troisième moyen est tiré de l’absence de neutralité, d’impartialité et d’objectivité du directeur de la FRA en tant qu’AHCC, de la violation de la présomption d’innocence et d’un abus de pouvoir ;

–        le quatrième moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la violation par le requérant des articles 11, 12 et 21 du statut ;

–        le cinquième moyen est tiré de ce que la procédure administrative a été engagée en l’absence de tout commencement de preuve et de ce que la procédure disciplinaire a été ouverte irrégulièrement ;

–        le sixième moyen est tiré du non-respect du cadre de l’enquête par l’enquêteur et de la violation de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision 2013/01 du conseil d’administration de la FRA, du 22 mai 2013, sur la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, de l’article 4, paragraphe 1, sous a) à d), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p. 39), et, antérieurement à l’applicabilité du règlement 2018/1725, de l’article 4, paragraphe 1, sous a) à d), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1), et de la violation des effets d’un arrêt d’annulation ;

–        le septième moyen est tiré du défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’enquêteur ;

–        le huitième moyen est tiré de la violation des droits de la défense, notamment du droit d’être entendu, de la violation des articles 1er et 2 ainsi que de l’article 12 de l’annexe IX du statut ;

–        le neuvième moyen, présenté à titre subsidiaire, est tiré de la violation du principe de proportionnalité.

50      Il y a lieu d’examiner lesdits moyens selon l’ordre suivant : premièrement, le premier moyen ; deuxièmement, le cinquième moyen ; troisièmement, le sixième moyen ; quatrièmement, le huitième moyen ; cinquièmement, le deuxième moyen, en tant qu’il vise une violation du principe de bonne administration ainsi que du devoir de diligence, du devoir de sollicitude et du devoir de rester mesuré dans les propos ; sixièmement, ensemble, le septième et le troisième moyens, ce dernier en tant qu’il vise un abus de pouvoir et une absence de neutralité, d’impartialité et d’objectivité de l’AHCC ; septièmement, ensemble, les deuxième et troisième moyens, en tant qu’ils visent une violation de la présomption d’innocence ; huitièmement, ensemble, les quatrième et deuxième moyens, ce dernier en tant qu’il vise une violation de l’exigence du niveau de preuve élevé dans les enquêtes administratives et dans les procédures disciplinaires, et, neuvièmement, le neuvième moyen.

51      À titre liminaire, il convient de relever que l’article 49, paragraphe 1, premier alinéa, l’article 50, paragraphe 2, premier alinéa, et l’article 50 bis du RAA disposent que la procédure disciplinaire prévue à l’annexe IX du statut est applicable par analogie aux agents temporaires. À cet égard, le directeur de la FRA exerce les pouvoirs confiés par le RAA à l’AHCC et par le statut à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »).

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, de la loi autrichienne relative au droit d’auteur et de la violation de l’article 11 de la Charte

52      Le premier moyen comporte, en substance, trois branches. Par la première branche, le requérant soutient que le statut ne contient aucune disposition érigeant en infraction le plagiat, par la deuxième branche, le requérant fait valoir que la législation autrichienne ne contient aucune interdiction du plagiat et, par la troisième branche, le requérant soutient que la décision de révocation a porté atteinte à sa liberté d’expression dans la mesure où l’interprétation que fait la FRA des articles 11, 12 et 21 du statut contredit le principe de sécurité juridique.

1)      Sur la première branche du premier moyen

53      Le requérant fait valoir, en substance, que la décision d’ouverture de l’enquête, la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire, la décision de révocation et la décision de rejet de la réclamation sont entachées de la même erreur de droit, consistant à considérer que le plagiat constitue une infraction au statut.

54      La FRA soutient que la première branche du premier moyen est manifestement dénuée de fondement et conteste les arguments du requérant.

55      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige, notamment, que les règles de droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, en particulier lorsqu’elles peuvent avoir sur les individus et les entreprises des conséquences défavorables (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2020, Aquino e.a./Parlement, T‑402/18, EU:T:2020:13, point 67 et jurisprudence citée).

56      Afin de pouvoir déterminer si le comportement reproché au requérant pouvait être sanctionné en tant que violation des articles 11, 12 et 21 du statut, applicables aux agents temporaires en vertu de l’article 11, premier alinéa, du RAA, et si le requérant était en mesure de connaître avec exactitude l’étendue des obligations que le statut lui imposait au regard de la conduite reprochée, il est nécessaire de définir la nature de cette conduite.

57      À cet égard, il convient de relever que, si, dans la décision de révocation, le directeur de la FRA a constaté qu’il n’était pas contesté que le requérant avait commis un plagiat dans l’exercice de ses fonctions, le conseil de discipline n’a pas utilisé le mot « plagiat » dans son avis. Le comportement reproché au requérant, que le conseil de discipline a considéré comme étant incompatible avec les articles 11, 12 et 21 du statut, est, en substance, défini dans cet avis comme la présentation délibérée d’un document résultant d’un copiage comme étant le résultat de son propre travail.

58      Il convient également de relever que, selon la jurisprudence, la détermination de la signification et de la portée des termes pour lesquels le droit de l’Union ne fournit aucune définition doit être établie conformément au sens habituel en langage courant de ceux-ci, tout en tenant compte du contexte dans lequel ils sont utilisés et des objectifs poursuivis par la réglementation dont ils font partie (voir  arrêt du 10 mars 2005, EasyCar, C‑336/03, EU:C:2005:150, point 21 et jurisprudence citée). Á cet égard, il convient de relever que le terme « plagiat » ne fait pas l’objet d’une définition en droit de l’Union.

59      En revanche, dans le langage courant, le plagiat désigne l’acte de quelqu’un qui, dans le domaine artistique ou littéraire, donne pour sien ce qu’il a pris à l’œuvre d’un autre.

60      Il peut également être relevé que, aux points 63 à 66 de ses conclusions dans l’affaire Pelham e.a. (C‑476/17, EU:C:2018:1002), s’agissant de l’interprétation de l’article 2, sous c), et de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (JO 2001, L 167, p. 10), ainsi que de l’article 9, paragraphe 1, sous b), et de l’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, de la directive 2006/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative au droit de location et de prêt et à certains droits voisins du droit d’auteur dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 2006, L 376, p. 28), M. l’avocat général Szpunar a abordé la notion de « plagiat » en définissant une série de conditions permettant de considérer une citation comme étant licite en application de la directive 2001/29. Ainsi, selon M. l’avocat général Szpunar, deux de ces conditions permettent de distinguer une citation d’un plagiat, à savoir, d’une part, la nécessité d’une interaction entre l’œuvre citante et l’œuvre citée et, d’autre part, l’incorporation de l’extrait cité dans l’œuvre citante tel quel, ou en tout état de cause sans dénaturation, et de manière à ce qu’il soit aisément possible de distinguer la citation comme un élément étranger.

61      Sur la base de ces considérations, le plagiat peut être défini comme l’acte par lequel une personne s’arroge la propriété d’une œuvre artistique ou littéraire d’un tiers en la copiant.

62      En l’espèce, la description de la conduite reprochée au requérant faite par la FRA, à savoir la présentation délibérée d’un document résultant en grande partie d’un copiage comme le fruit de son propre travail, implique, d’une part, qu’il n’y a eu aucune interaction entre l’exposé litigieux et les documents copiés et, d’autre part, qu’il n’était pas aisé de distinguer les passages copiés comme un élément étranger à l’exposé litigieux.

63      Par conséquent, la description de la conduite reprochée au requérant faite par la FRA correspond à la définition du plagiat telle qu’indiquée au point 61 ci-dessus.

64      Dès lors, il y a lieu de vérifier si le plagiat est susceptible de constituer une violation des obligations découlant des articles 11, 12 et 21 du statut.

65      À cet égard, il convient tout d’abord de relever que le plagiat n’est pas cité, en tant que comportement illicite, dans les articles 11, 12 ou 21 du statut.

66      Cependant, force est de relever que l’article 12 du statut vise tout acte ou comportement du fonctionnaire ou de l’agent temporaire qui pourrait porter atteinte à la dignité de sa fonction, sans dresser la liste de tels actes ou comportements ni fournir d’exemple.

67      De plus, la jurisprudence a précisé qu’une violation des articles 11 et 12 du statut suppose un comportement dont le fonctionnaire ou l’agent temporaire doit raisonnablement comprendre le caractère inapproprié, au vu de son grade et des fonctions qu’il exerce (voir arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 149 et jurisprudence citée). Cette jurisprudence doit s’appliquer, par analogie, au devoir de loyauté et de coopération prescrit à l’article 21 du statut, dans la mesure où ce dernier article régit les obligations statutaires du fonctionnaire ou de l’agent temporaire dans ses relations avec ses supérieurs et dans la réalisation des tâches qui lui sont confiées. En effet, l’article 11, premier alinéa, l’article 12 et l’article 21, premier alinéa, du statut sont des expressions spécifiques de l’obligation de loyauté qui s’impose à tout fonctionnaire ou agent (voir, en ce sens, arrêts du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, EU:T:1997:71, point 129, et du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, EU:T:1999:102, point 127).

68      Or, dès lors que le plagiat consiste à s’arroger la propriété d’une œuvre artistique ou littéraire d’un tiers en la copiant, il est susceptible de porter atteinte au respect dû au travail accompli par autrui, mais également à l’exigence de réaliser avec professionnalisme et loyauté les tâches confiées. Ainsi, un tel comportement est susceptible d’être considéré comme contraire aux obligations découlant des articles 11, 12 et 21 du statut.

69      Partant, il y a lieu de vérifier si, compte tenu de la définition de l’acte de plagiat figurant au point 61 ci-dessus et des obligations incombant au requérant en vertu des articles 11, 12 et 21 du statut, à savoir adopter un comportement approprié dans l’exercice de ses fonctions, le requérant pouvait raisonnablement comprendre que le comportement de plagiat dont il est accusé était susceptible d’être incompatible avec lesdites obligations, pour les raisons exposées au point 68 ci-dessus.

70      En l’espèce, il convient de relever que le requérant est juriste de formation, porte le titre de docteur en droit et a travaillé pour l’EUMC, puis pour la FRA, pendant presque vingt ans. Or, compte tenu de son grade, AD 9, du fait qu’il occupait un poste à responsabilités et du fait que la FRA lui avait confié la tâche de mener des recherches et des analyses juridiques ainsi que de fournir des conseils en matière d’élaboration des politiques, le requérant était en position de savoir que le plagiat était une action répréhensible.

71      À cet égard, d’ailleurs, le fait que le requérant prétend que les textes copiés n’étaient pas couverts par le droit d’auteur montre qu’il a conscience de ce que l’usage des œuvres d’autrui peut être soumis à certaines règles.

72      En outre, il résulte des missions de la FRA qu’elle est amenée à collecter et à analyser des informations et des données, de sorte qu’elle à affaire aux conditions relatives à l’usage licite des écrits d’autrui, comme en témoignent d’ailleurs ses règles internes en matière d’édition et de production des résultats de recherche. La connaissance, par le requérant, de ces règles, desquelles découle clairement l’importance de référencer les sources, démontre ainsi également que le requérant ne pouvait ignorer que le plagiat est une action condamnable de manière générale, mais également, en particulier, aux yeux de l’agence qui l’employait.

73      Par conséquent, le requérant devait raisonnablement comprendre le caractère inapproprié du comportement reproché, à savoir le plagiat.

74      Dans la mesure où la jurisprudence a établi que tout comportement dont le fonctionnaire doit raisonnablement comprendre le caractère inapproprié, au vu de son grade et des fonctions qu’il exerce, est susceptible d’enfreindre les articles 11, 12 et 21 du statut, le requérant ne saurait valablement soutenir que la portée de ces articles en ce qui concerne le plagiat ne présente pas le degré de prévisibilité requis par le droit de l’Union et enfreint de ce fait le principe de sécurité juridique.

75      Enfin, il résulte d’une jurisprudence constante que les fonctionnaires et les autres agents sont censés connaître le statut et les règles internes applicables au personnel de leur institution, organisme ou organe de l’Union, de sorte que leur prétendue ignorance des obligations leur incombant à ce titre ne saurait être constitutive de bonne foi (voir arrêt du 14 février 2019, L/Parlement, T‑91/17, non publié, EU:T:2019:93, point 56 et jurisprudence citée).

76      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être rejetée comme étant  non fondée.

2)      Sur la deuxième branche du premier moyen

77      Le requérant estime que les textes copiés ne sont pas protégés par la loi autrichienne relative au droit d’auteur, qui est la loi territorialement applicable en l’espèce, la FRA ayant son siège en Autriche, et la loi matériellement applicable, les textes copiés étant des ouvrages publics. En conséquence, aucune disposition en matière de droits d’auteur n’aurait été violée.

78      La FRA soutient que la deuxième branche du premier moyen est manifestement dénuée de fondement et conteste les arguments du requérant.

79      Il convient de rappeler que la relation de travail entre un fonctionnaire ou un agent et son institution, organe ou organisme de l’Union est exclusivement régie par le statut et le RAA, tels qu’ils résultent de l’article 270 TFUE et sont interprétés par la jurisprudence. Par ailleurs, en vertu de l’article 270 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et les conditions déterminées par le statut et le RAA. Ainsi, pour statuer sur les litiges en matière de fonction publique de l’Union, les références faites à un quelconque droit national ainsi qu’à son application sont dépourvues de toute pertinence (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2021, LP/Parlement, T‑519/20, non publié, EU:T:2021:642, point 46 et jurisprudence citée).

80      Par ailleurs, lorsqu’un fonctionnaire ne se conforme pas aux obligations découlant du statut, l’article 86 dudit statut dispose qu’il s’expose à une sanction disciplinaire. Or, le fait d’agir en conformité avec la loi nationale ne confère pas à l’intéressé une immunité à l’égard de l’application des dispositions du statut. En ce sens, il importe de relever que le requérant n’identifie aucune base juridique qui permettrait de considérer que, lorsqu’un fonctionnaire agit en conformité avec la loi nationale, il serait contraire aux normes applicables de constater que celui-ci aurait manqué à ses obligations.

81      En conséquence, il suffit de constater que les références faites par le requérant au droit autrichien sont dépourvues de toute pertinence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la loi autrichienne relative au droit d’auteur.

82      Partant, il convient de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

3)      Sur la troisième branche du premier moyen

83      Le requérant allègue, en substance, que la décision de révocation a porté atteinte à sa liberté d’expression dans la mesure où les agents de l’Union ne peuvent voir leur liberté d’expression limitée que si les restrictions sont suffisamment précises et claires et respectent les critères du principe de sécurité juridique.

84      La FRA soutient que la troisième branche du premier moyen est manifestement dénuée de fondement et conteste les arguments du requérant.

85      Il importe de relever que les institutions, les organes et les organismes de l’Union sont tenus de respecter les droits fondamentaux garantis par le droit de l’Union (arrêt du 3 décembre 2019, Pethke/EUIPO, T‑808/17, EU:T:2019:832, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154).

86      L’article 11, premier alinéa, de la Charte, intitulé « Liberté d’expression et d’information », dispose que « [t]oute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontières ».

87      En outre, l’article 52, paragraphe 1, de la Charte prévoit que toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par cette dernière doit être prévue par la loi et respecter le contenu essentiel desdits droits et libertés. Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ne peuvent être apportées que si elles sont nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui.

88      Il résulte de cet article que, pour être tenue pour conforme au droit de l’Union, une limitation à un droit protégé par la Charte doit, en tout état de cause, répondre à trois conditions. Premièrement, la limitation doit être « prévue par la loi ». En d’autres termes, la mesure dont il s’agit doit avoir une base légale. Deuxièmement, la limitation doit viser un objectif d’intérêt général, reconnu comme tel par l’Union. Troisièmement, la limitation ne doit pas être excessive. D’une part, elle doit être nécessaire et proportionnelle au but recherché. D’autre part, le « contenu essentiel », c’est-à-dire la substance, du droit ou de la liberté en cause ne doit pas être atteint (voir arrêts du 28 mai 2013, Trabelsi e.a./Conseil, T‑187/11, EU:T:2013:273, points 78 à 81, et du 29 janvier 2020, Aquino e.a./Parlement, T‑402/18, EU:T:2020:13, points 59 à 62).

89      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les fonctionnaires et agents de l’Union jouissent du droit à la liberté d’expression, y compris dans les domaines couverts par l’activité des institutions de l’Union (voir arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 43, et du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T‑585/16, EU:T:2017:613, point 77 ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1989, Oyowe et Traore/Commission, C‑100/88, EU:C:1989:638, point 16).

90      En l’espèce, il importe tout d’abord de souligner que la FRA n’a pas reproché au requérant le fait d’avoir copié le travail d’autres auteurs en soi, mais le fait d’avoir repris le travail d’autrui sans mentionner ses sources, ni les référencer, et sans en informer ses supérieurs. Ce n’est donc pas le contenu de l’exposé litigieux en tant que tel que la FRA reproche au requérant, mais bien l’appropriation illicite de l’œuvre d’autrui. Dès lors que, ce faisant, la FRA n’a pas cherché à limiter l’usage licite que le requérant entendait faire de sources extérieures, il ne saurait lui être valablement reproché d’avoir voulu empêcher, de manière absolue, le requérant d’exercer son droit à la liberté d’expression.

91      En revanche, pour les raisons énoncées au point 68 ci-dessus, les actions imputées au requérant, en particulier le fait de copier le travail d’autrui et de le faire passer comme étant le fruit de son propre travail, ne sauraient être considérés comme étant une expression légale du droit à la liberté d’expression au sens de l’article 11, premier alinéa, de la Charte.

92      À cet égard, même si l’on devait admettre que la conduite du requérant était couverte par le droit à la liberté d’expression, les obligations des articles 11, 12 et 21 du statut constituent, en tout état de cause, des restrictions légitimes à l’exercice dudit droit.

93      En effet, selon une jurisprudence constante, la liberté d’expression est susceptible de faire l’objet des limitations énoncées à l’article 10, paragraphe 2, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), aux termes duquel l’exercice de cette liberté, comportant des devoirs et des responsabilités, peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions, prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique (arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 40 ; du 13 décembre 2012, Strack/Commission, T‑199/11 P, EU:T:2012:691, point 137, et du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T‑585/16, EU:T:2017:613, point 78).

94      Il y a lieu de relever que l’article 17 bis, paragraphe 1, du statut reconnaît que le fonctionnaire a droit à la liberté d’expression, dans le strict respect des principes de loyauté et d’impartialité. La jurisprudence a établi qu’il est légitime de soumettre les fonctionnaires, en raison de leur statut, à des obligations telles que celles figurant aux articles 11, 12 et 21 du statut, qui sont ainsi « prévues par une loi », conformément à l’article 10, paragraphe 2, de la CEDH, et poursuivent le but légitime de protéger les intérêts de l’Union. Ces obligations constituent certes des restrictions à l’exercice de la liberté d’expression et sont destinées à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l’institution et ses fonctionnaires et peuvent trouver leur justification dans le but légitime de protéger les droits d’autrui au sens de l’article 10, paragraphe 2, de la CEDH (voir, en ce sens, arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 44 ; du 13 décembre 2012, Strack/Commission, T‑199/11 P, EU:T:2012:691, point 138, et du 15 septembre 2017, Skareby/SEAE, T‑585/16, EU:T:2017:613, point 79). En revanche, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qu’une norme ne peut valablement imposer des restrictions à la liberté d’expression si elle n’est pas énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite, ce que commande au demeurant aussi le principe de sécurité juridique (voir arrêt du 20 janvier 2011, Strack/Commission, F‑132/07, EU:F:2011:4, point 59 et jurisprudence citée).

95      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il découle des points 53 à 76 ci-dessus, les actions reprochées au requérant sont susceptibles d’être en contradiction avec le devoir de loyauté, dont la base légale est constituée par les articles 11, 12 et 21 du statut.

96      Telle qu’exprimée par la jurisprudence, la restriction imposée à la liberté d’expression par des obligations telles que celles dont la base légale est constituée par les articles 11, 12 et 21 du statut poursuit le but légitime de protéger les intérêts de l’Union, et en particulier de préserver la relation de confiance qui doit exister entre une institution et ses fonctionnaires.

97      Cette limitation ne saurait être considérée comme excessive. Au contraire, en l’espèce, le contenu essentiel de la liberté d’expression a été respecté dans la mesure où le requérant demeurait en mesure d’exprimer librement ses opinions dans l’exposé litigieux, sans pour autant avoir le droit de présenter le travail d’autrui comme étant le résultat de son propre travail en ne mentionnant pas ses sources.

98      Par conséquent, en considérant que le plagiat pouvait constituer une violation des obligations découlant des articles 11, 12 et 21 du statut, la FRA n’a pas porté illégitimement atteinte à la liberté d’expression du requérant et l’exigence de légalité stricte, prévue à l’article 52 de la Charte, a été respectée.

99      Partant, la troisième branche du premier moyen doit être également rejetée comme étant non fondée.

100    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble comme étant non fondé.

b)      Sur le cinquième moyen, tiré de l’ouverture irrégulière de l’enquête administrative en l’absence d’un commencement de preuve et de l’ouverture irrégulière de la procédure disciplinaire

101    Le requérant soutient, en substance, que l’enquête administrative a été ouverte arbitrairement, puisqu’il n’y aurait eu aucun motif raisonnable de soupçonner une infraction disciplinaire à son égard.

102    La FRA soutient que le cinquième moyen est dénué de fondement.

103    Il convient de relever que, en vertu de l’article 2 de l’annexe IX du statut, lequel renvoie à l’article 1er de cette dernière, l’AIPN ou l’AHCC disposent d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider si, au vu des éléments en leur possession, il convient d’ouvrir une enquête administrative, puis, le cas échéant, l’une des procédures disciplinaires prévues aux sections 4 et 5 de la même annexe (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 184).

104    Cependant, ce large pouvoir d’appréciation ne saurait justifier que l’AIPN ou l’AHCC diligente une procédure sans même disposer d’un commencement de preuve à l’égard des personnes concernées. Par conséquent, afin de protéger les droits d’une personne concernée, l’AIPN ou l’AHCC doit s’assurer qu’elle dispose, avant d’ouvrir une enquête, d’indices laissant présumer en ce qui concerne cette personne un manquement à ses obligations statutaires et, avant d’ouvrir une procédure disciplinaire, d’éléments suffisamment précis et pertinents pour étayer ses suspicions (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, point 185).

105    En l’espèce, en premier lieu, s’agissant de l’enquête administrative, il convient tout d’abord de relever que celle-ci a été ouverte sur la base d’un élément laissant raisonnablement soupçonner que le requérant avait manqué à ses obligations statutaires. En effet, dans le cadre de la procédure d’évaluation pour l’année 2016, le chef de département du requérant avait découvert, en octobre 2017, ainsi qu’il découle du rapport du directeur de la FRA, qu’une grande partie de l’exposé litigieux incluait des passages copiés d’autres sources sans être référencés.

106    Ensuite, en ce qui concerne l’allégation du requérant selon laquelle la décision d’ouverture de l’enquête ne ferait pas mention de l’article 21 du statut et l’AHCC n’aurait pas su exactement, au moment de cette ouverture, quelles dispositions du statut le requérant pouvait avoir violées, il convient de relever que, s’agissant des décisions d’ouverture d’une enquête, l’article 1er de l’annexe IX du statut, auquel renvoie son article 2 s’agissant des enquêtes administratives effectuées par l’AIPN, n’exige pas que cette autorité, ou le cas échéant l’AHCC, précise les dispositions spécifiques du statut qui auraient été enfreintes. De plus, la jurisprudence établit que le défaut de mention explicite, lors de l’ouverture de la procédure disciplinaire, des dispositions du statut dont la violation est finalement retenue ne porte pas atteinte aux droits de la défense du fonctionnaire ou de l’agent concerné si les griefs formulés lors de cette ouverture lui ont permis de connaître précisément les dispositions auxquelles il lui était reproché d’avoir manqué (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2005, Rasmussen/Commission, T‑203/03, EU:T:2005:346, point 42 et jurisprudence citée). Une telle solution vaut, a fortiori, pour les décisions d’ouverture d’une enquête.

107    En l’espèce, dans la décision d’ouverture de l’enquête, l’AHCC renvoie à sa consultation préalable de l’OLAF, lors de laquelle le directeur de la FRA a reproché au requérant d’avoir copié des parties de l’exposé litigieux sans inclure de références, ni mentionner ses sources, ni informer son chef de département de cet état de fait, de façon que le requérant lui a fait croire que le document était le résultat de son propre travail. Ce faisant, le requérant n’aurait pas tenu compte du fait que, en raison de l’importance de son sujet, ledit document aurait pu être publié ou utilisé à l’égard de tiers, exposant la FRA à un risque considérable d’atteinte à sa réputation. Or, de tels griefs permettaient au requérant de comprendre suffisamment clairement qu’il lui était reproché d’avoir violé les dispositions du statut exigeant des fonctionnaires un comportement loyal. Dès lors, il y a lieu de considérer que le requérant a été mis en mesure, par l’AIPN, de connaître les dispositions auxquelles il lui était reproché d’avoir manqué (voir, par analogie, arrêt du 5 octobre 2005, Rasmussen/Commission, T‑203/03, EU:T:2005:346, points 46 à 48).

108    Par ailleurs, quant à l’allégation du requérant relative à l’absence de commencement de preuve, fondée sur le fait que l’OLAF avait refusé d’ouvrir une enquête, il suffit de relever que l’AIPN peut ouvrir une enquête en l’absence ou même en sus d’une enquête effectuée par l’OLAF (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2013, Goetz/Comité des régions, F‑89/11, EU:F:2013:83, points 135 et 136). La décision 2013/01 du conseil d’administration de la FRA sur la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, applicable en l’espèce, ne contient pas, elle non plus, de restriction à cet égard.

109    Enfin, les allégations du requérant selon lesquelles, d’une part, son chef de département savait que l’exposé litigieux contenait des citations et n’était donc pas le fruit de son propre travail et, d’autre part, la décision d’ouverture de l’enquête contiendrait des déclarations factuelles qui ne reposaient sur aucun commencement de preuve, à savoir le risque que l’exposé litigieux ait pu être publié ou utilisé à l’égard de tiers, ne sont pas fondées.

110    En effet, d’une part, le fait que le chef de département du requérant avait pu constater que l’exposé litigieux contenait des citations lui permettait précisément de penser que le travail était référencé. Par conséquent, la découverte d’extraits constitués d’emprunts sans référence à leurs sources suffisait pour engendrer un soupçon raisonnable quant au fait que le requérant avait manqué à ses obligations statutaires. D’autre part, en ce qui concerne la publication ou l’utilisation de l’exposé litigieux à l’égard de tiers, il convient de rappeler que le requérant avait déjà reconnu, dans son recours interne du 7 novembre 2017 contre le rapport d’évaluation 2016, que l’exposé litigieux avait été utilisé pour le développement d’un atelier sur la religion dans le cadre du Forum des droits fondamentaux de la FRA de 2016 et comme document de référence lors du démarrage du projet relatif à la collaboration avec des organisations religieuses par le département de la promotion des droits fondamentaux de la FRA. En outre, selon le témoignage du chef de département du requérant auprès de l’enquêteur, un rapport important de la FRA fondé sur l’enquête EU-MIDIS II sur les musulmans, publié dans le courant du mois de septembre 2017, aurait pu utiliser des parties de ce document, bien qu’il fût décidé de limiter la longueur dudit rapport au maximum et de s’en tenir à une élaboration statistique des résultats.

111    En second lieu, il convient de rejeter l’allégation du requérant selon laquelle l’AHCC a ouvert une procédure disciplinaire en l’absence d’éléments suffisamment précis et pertinents indiquant qu’il avait commis une infraction disciplinaire. Le requérant cite l’arrêt du 8 juillet 2008, Franchet et Byk/Commission (T‑48/05, EU:T:2008:257, points 351 et 352), dans lequel le Tribunal a jugé que l’objectif poursuivi par les règles régissant la procédure disciplinaire et interdisant d’ouvrir celle-ci avant que les enquêtes de l’OLAF ne soient clôturées est, notamment, de protéger le fonctionnaire concerné en garantissant que l’AIPN ou l’AHCC dispose, avant d’ouvrir ladite procédure, des éléments précis et pertinents, notamment à sa décharge, établis à l’occasion de l’enquête menée par l’OLAF, lequel dispose de moyens d’investigation étendus. Toutefois, la situation est différente en l’espèce, puisque aucune enquête n’a été ouverte par l’OLAF. Par conséquent, cette jurisprudence n’est pas transposable au cas d’espèce. En tout état de cause, l’AHCC a ouvert une procédure disciplinaire devant le conseil de discipline sur la base du rapport d’enquête après avoir communiqué au requérant toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, dans le respect de l’article 3 de l’annexe IX du statut. En ce sens, le rapport d’enquête fournissait des éléments suffisamment précis et pertinents indiquant que le requérant avait violé ses obligations statutaires, dès lors qu’il avait confirmé les soupçons ayant justifié l’ouverture de l’enquête.

112    Par conséquent, le requérant ne saurait légitimement prétendre qu’un soupçon raisonnable concernant l’existence d’une infraction disciplinaire n’existait pas et que l’AHCC a commis une erreur de droit à cet égard.

113    En considération de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

c)      Sur le sixième moyen, tiré du non-respect du cadre de l’enquête par l’enquêteur, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision 2013/01 du conseil d’administration de la FRA, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a) à d), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement 2018/1725 ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, sous a) à d), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001, et du non-respect des effets d’un arrêt d’annulation

114    Le requérant soutient qu’il y a lieu d’annuler la décision de révocation, puisqu’il ne saurait être exclu que la procédure aurait eu une issue différente si la décision 2013/01 du conseil d’administration de la FRA, le règlement 2018/1725, le règlement no 45/2001 et les effets de l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), avaient été strictement respectés.

115    En premier lieu, le requérant soutient que l’enquêteur a outrepassé les limites de l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2013/01, dans la mesure où le cadre de l’enquête a été élargi. La collecte de certaines données serait illégale, car l’enquêteur aurait dépassé l’objet de l’enquête. Ces données auraient également été traitées par le conseil de discipline et par l’AHCC ensuite.

116    En second lieu, le contenu de la décision de résiliation du 13 juin 2013, annulée par l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), ne pourrait constituer des données nécessaires, proportionnées et exactes au regard des finalités de l’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la décision 2013/01.

117    La FRA conteste les arguments du requérant comme étant en partie irrecevables et en partie non fondés.

118    Il convient de relever que le droit à la protection des données à caractère personnel n’est pas un droit absolu [voir arrêt du 24 septembre 2019, Google (Portée territoriale du déréférencement), C‑507/17, EU:C:2019:772, point 60 et jurisprudence citée].

119    En l’espèce, les investigations de l’enquêteur trouvaient leur fondement dans le pouvoir disciplinaire que la FRA détient sur ses agents et dans les compétences que l’AHCC lui avait précisément attribuées. Elles relevaient de l’exercice légitime de l’autorité publique. En outre, l’enquêteur a utilisé les informations obtenues uniquement dans la perspective de l’identification d’une infraction disciplinaire potentiellement commise par le requérant lors de la préparation de l’exposé litigieux et dans la perspective d’éventuelles poursuites disciplinaires. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que les données recueillies par l’enquêteur et par le conseil de discipline n’ont pas été limitées à ce qui était nécessaire pour la vérification de la réalité des faits reprochés.

120    Le traitement de données à caractère personnel est couvert par la justification visée à l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement 2018/1725 [auquel correspondait auparavant l’article 5, sous a), du règlement no 45/2001], qui concerne le cas où ce traitement est nécessaire à l’exécution d’une mission relevant de l’exercice légitime de l’autorité publique dont est investi l’institution ou l’organe de l’Union auquel les données sont communiquées. En effet, étant effectué dans le cadre général d’une procédure disciplinaire, le traitement en cause relève nécessairement de l’exercice légitime de la mission d’AIPN ou d’AHCC (voir, par analogie, arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 79).

121    En outre, les allégations du requérant selon lesquelles, d’une part, l’enquêteur aurait dépassé les limites du mandat qui lui avait été confié et, d’autre part, la collecte de données serait illégale, car l’enquêteur aurait dépassé l’objet de l’enquête ne sont pas fondées.

122    En effet, premièrement, l’enquête administrative n’a pas dépassé le cadre fixé par la FRA en tant qu’elle a envisagé une violation du statut qui ne se limitait pas à une violation de droits d’auteur, dès lors que la finalité de l’enquête, telle qu’elle résulte de la décision d’ouverture de l’enquête, était, pour l’essentiel, de vérifier dans quelle mesure précise l’exposé litigieux ou d’autres documents rédigés par le requérant comportaient des extraits de documents externes à la FRA non cités ni référencés, si ces documents étaient couverts par des droits d’auteur et, le cas échéant, si le statut ou les lois en matière de propriété intellectuelle avaient été violés.

123    Deuxièmement, s’agissant des arguments du requérant relatifs à l’élargissement illégal de l’enquête à certaines observations qu’il avait faites lors de son évaluation pour l’année 2016, il convient de relever que ces observations donnaient des indications sur le fait que le requérant avait demandé crédit pour un texte dont il n’était pas l’auteur, en s’attribuant la paternité d’un document dont le contenu avait été fortement emprunté à d’autres documents. Ainsi, ces observations étaient pertinentes pour vérifier l’existence d’une violation du statut, une des finalités explicitées dans la décision d’ouverture de l’enquête.

124    Troisièmement, en ce qui concerne les arguments du requérant relatifs à l’élargissement illégal de l’enquête au-delà du domaine de la liberté de pensée, de conscience et de religion, il découle du libellé de la décision d’ouverture de l’enquête que celle-ci visait également à vérifier si d’autres documents rédigés par le requérant reprenaient des extraits de documents externes à la FRA non cités ni référencés.

125    Quatrièmement, s’agissant des arguments du requérant relatifs à l’élargissement illégal de l’enquête à ses relations de travail avec ses collègues, ayant conduit au recueil de témoignages portant sur des questions sortant du cadre de l’enquête, il convient de relever que l’administration dispose, de manière générale, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite des enquêtes administratives, notamment pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par des témoins (voir, en ce sens, arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 78 et jurisprudence citée). Il s’ensuit que, dans l’exercice de leurs devoirs d’enquête administrative, l’enquêteur et le responsable de l’enquête disposent d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’utilité de procéder à l’audition d’un témoin, mais que ce pouvoir d’appréciation n’est pas discrétionnaire, dans la mesure où il doit être exercé en tenant compte de ce qui est nécessaire pour établir dans un délai raisonnable tous les éléments de fait et de droit pertinents, à charge comme à décharge, conformément au principe de bonne administration et, plus spécifiquement, à celui d’impartialité (arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 81). Même si les témoignages recueillis dans le cadre d’une enquête administrative constituent, de manière générale, un apport précieux pour compléter le dossier, ceux-ci sont également susceptibles de contenir des éléments à caractère très subjectif, voire de simples hypothèses formulées par les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête. À cet égard, le contenu desdits témoignages ne saurait être sanctionné, sauf s’il présente un caractère injurieux ou pénalement répréhensible, tel étant le cas, notamment, des faux témoignages.

126    En l’espèce, le requérant se borne à affirmer que les témoins critiquent principalement son comportement, mais n’indique pas quels passages des témoignages seraient de nature à étayer ses affirmations. La lecture des témoignages fournis permet de remarquer que les témoins soulèvent parfois des questions quant à l’attitude du requérant, ce qui, a priori, aurait pu illustrer la nature délibérée de la conduite reprochée. À titre d’exemple, le témoin A a affirmé, quant à la version mise à jour de l’exposé litigieux, qu’il avait l’impression que le requérant avait fait un effort minimal et n’avait pas montré de progrès. Dès lors, les appréciations subjectives des témoins ne sont pas de nature à conduire à un élargissement de l’objet de l’enquête.

127    Enfin, cinquièmement, en ce qui concerne l’argument du requérant tiré de ce que le directeur de la FRA aurait inséré à tort, dans son rapport au conseil de discipline, des informations sur les motifs de la décision de résiliation annulée par l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), la FRA conteste la recevabilité de cet argument, car il n’aurait pas été soulevé dans la réclamation introduite contre la décision de révocation. À la réponse du requérant, qui rappelle qu’il avait soulevé ledit argument aux pages 17 et 18 de cette réclamation, la FRA objecte que cet argument y avait été présenté dans le cadre d’un moyen de droit différent.

128    Selon la jurisprudence, la règle de concordance entre la réclamation précontentieuse et la requête contentieuse subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen ou qu’un grief soulevé devant le juge de l’Union l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ou l’AHCC ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formulait à l’encontre de la décision contestée. Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires ou les agents et l’administration. Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires ou d’agents, les conclusions présentées devant le juge de l’Union ne peuvent contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge de l’Union, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement [voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 90 (non publié) et jurisprudence citée].

129    Or, il convient de relever que le requérant a avancé un argument similaire au cours de la procédure précontentieuse. À cet égard, la circonstance selon laquelle l’argument a été présenté dans un moyen différent est indifférente. Par conséquent, il convient de considérer ledit argument comme étant recevable.

130    Cela étant, le fait que la décision de résiliation du 13 juin 2013 a été annulée par l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), au motif que, préalablement à l’adoption de cette décision, le requérant n’avait pas été expressément informé de la résiliation envisagée de son contrat et invité à formuler des observations à ce sujet, n’implique pas que toute donnée factuelle figurant dans cette décision doive être considérée comme matériellement inexacte ou dépourvue de pertinence aux fins de la procédure disciplinaire en cause dans la présente affaire. En outre, le requérant n’indique pas quelles données sont, selon lui, matériellement inexactes ou dépourvues de pertinence aux fins de ladite procédure disciplinaire.

131    Par conséquent, il ne saurait y avoir eu une violation des données à caractère personnel du requérant en raison de la référence faite à la décision de résiliation annulée par l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118).

132    Au vu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que les données recueillies ont été limitées à ce qui était nécessaire pour la vérification de la réalité des faits reprochés au requérant.

133    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle une irrégularité procédurale ne saurait être sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée que s’il est établi que cette irrégularité procédurale a pu influer sur le contenu de la décision (voir arrêt du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 128 et jurisprudence citée).

134    En outre, selon la jurisprudence, il ne résulte d’aucune disposition du règlement no 45/2001 que la violation des droits qu’il garantit ait, de plein droit, une incidence sur la légalité des actes adoptés par les institutions et les organes de l’Union (voir arrêt du 7 mai 2019, WP/EUIPO, T‑407/18, non publié, EU:T:2019:290, point 129 et jurisprudence citée). Un constat identique s’impose concernant le règlement 2018/1725. En outre, les mêmes considérations valent pour la décision 2013/01.

135    Ainsi, à supposer même que l’inclusion dans le rapport du directeur de la FRA de certaines données recueillies dans le cadre de l’enquête ait constitué une illégalité, celle-ci ne pourrait être sanctionnée par l’annulation de la décision attaquée que s’il était établi qu’elle avait pu influer sur le contenu de cette décision, ce qui n’est pas le cas. En effet, ainsi que le directeur de la FRA l’a mentionné au point 114 de la décision de rejet de la réclamation, le conseil de discipline a indiqué, au point 34 de son avis, qu’il ne s’était pas fondé sur la décision de résiliation annulée par l’arrêt du 8 octobre 2015, DD/FRA (F‑106/13 et F‑25/14, EU:F:2015:118), pour prendre sa décision. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de révocation ait été fondée sur les données identifiées par le requérant.

136    Il s’ensuit que le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

d)      Sur le huitième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, de la violation des articles 1er  et 2 ainsi que de l’article 12 de l’annexe IX du statut

137    Le requérant soutient, en substance, qu’il existe plusieurs reproches sur lesquels il n’aurait pas été en mesure de formuler des observations. Dès lors, il y aurait lieu d’annuler la décision de révocation, car il ne pourrait être exclu qu’elle aurait eu un contenu différent si ses droits de la défense, et en particulier son droit d’être entendu, avaient été strictement respectés.

138    La FRA conteste les arguments du requérant. Quant à l’affirmation relative à certains aspects additionnels que le conseil de discipline aurait supposément identifiés au point 39 de son avis, le requérant n’indiquerait pas quels sont ces aspects additionnels. En conséquence, cette affirmation serait irrecevable et, en outre, dépourvue de pertinence.

139    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte dispose que le droit à une bonne administration comporte, notamment, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. Selon la jurisprudence, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 34 et jurisprudence citée). Il en va en particulier ainsi lorsque la procédure peut aboutir à une sanction (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Akzo Nobel Chemicals et Akcros Chemicals/Commission e.a., C‑550/07 P, EU:C:2010:512, point 92 et jurisprudence citée). Ce principe fondamental du droit de l’Union doit être assuré même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêts du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, EU:C:1986:302, point 27 ; du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, point 37, et du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 72).

140    Ce principe exige que la personne concernée soit mise en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pourraient être retenus à sa charge dans l’acte à intervenir (voir arrêt du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, point 38 et jurisprudence citée).

141    Par ailleurs, il incombe au juge de l’Union de vérifier, lorsqu’il est en présence d’une irrégularité affectant les droits de la défense, si, en fonction des circonstances de fait et de droit spécifiques de l’espèce, la procédure en cause aurait pu aboutir à un résultat différent dans la mesure où le requérant aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité (voir arrêt du 12 février 2020, Amisi Kumba/Conseil, T‑163/18, EU:T:2020:57, point 69 et jurisprudence citée). Toutefois, il y a seulement lieu d’annuler une décision litigieuse pour méconnaissance des droits de la défense quand la partie requérante démontre suffisamment que, à défaut de cette irrégularité procédurale, elle aurait pu avoir une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense (voir arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 100 et jurisprudence citée).

142    En l’espèce, le requérant n’apporte pas cette démonstration. En effet, il se limite à affirmer qu’il n’a pas été entendu sur certains aspects sur lesquels la décision de révocation se fonde, selon lui, sans pour autant exposer quels arguments il aurait pu faire valoir quant à ces aspects et leur impact éventuel sur le contenu de ladite décision. Or, il ne saurait être retenu que, si le requérant avait été entendu sur ces aspects, il aurait pu avoir une chance, même réduite, de mieux assurer sa défense.

143    En effet, s’agissant des accusations concernant des emprunts non référencés extraits du site Internet Wikipédia et une insubordination, qui n’auraient été proférées qu’une fois le rapport d’enquête terminé, le conseil de discipline a reconnu que le requérant n’avait pas été entendu à leur égard. Toutefois, il ressort des points 29 et 31 de l’avis du conseil de discipline, de la page 2 de la décision de révocation et du point 162 de la décision de rejet de la réclamation que le conseil de discipline et l’AHCC ont, en conséquence, décidé de ne pas retenir lesdites accusations ni de baser leur avis et leurs décisions sur celles-ci.

144    En ce qui concerne le document préparatoire pour le « groupe de travail 28 », mentionné dans le rapport du directeur de la FRA, mais non dans le rapport d’enquête, il ressort du point 44 de l’avis du conseil de discipline que ce dernier n’a pas retenu le document dans l’élaboration de son avis. L’AHCC n’a pas non plus retenu ce document, comme le confirme le fait qu’aucune mention de celui-ci n’est faite dans les décisions de révocation et de rejet de la réclamation.

145    En ce qui concerne l’argument du requérant selon lequel il n’aurait pas été entendu sur certaines conclusions de l’avis du conseil de discipline, la FRA soutient que cet argument est irrecevable dès lors que le requérant n’identifie pas ces conclusions. Cependant, il est clair que les conclusions visées sont celles figurant au point 39 de l’avis du conseil de discipline et que celles-ci sont mentionnées de façon précise au point 119 de la requête. L’argument du requérant est, dès lors, recevable. À cet égard, il suffit toutefois de relever que le conseil de discipline a uniquement détaillé, de manière plus précise, les passages constitués d’emprunts non référencés de l’exposé litigieux qui étaient clairement identifiables à la lumière de l’annexe 5 du rapport du directeur de la FRA. Par conséquent, le requérant, qui avait la possibilité de s’exprimer sur ladite annexe 5, ne saurait valablement prétendre que le conseil de discipline a émis un avis sur des points à propos desquels il n’a pu être entendu.

146    Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

e)      Sur le deuxième moyen en ce qu’il vise une violation du principe de bonne administration ainsi que du devoir de diligence, du devoir de sollicitude et du devoir de rester mesuré dans les propos

147    Le requérant fait valoir, en substance, que le devoir de diligence ou le devoir de sollicitude ont été violés par l’enquêteur et par le directeur de la FRA à l’ouverture de la procédure disciplinaire, par la décision de révocation et par le conseil de discipline.

148    Avant d’examiner le bien-fondé du présent moyen, il convient d’examiner la fin de non-recevoir soulevée par la FRA en ce qui concerne la violation alléguée du devoir de diligence par le directeur de la FRA à l’ouverture de la procédure disciplinaire, fondée sur le fait qu’une décision d’ouvrir une procédure disciplinaire consiste uniquement en un acte préparatoire et ne peut être contestée en soi. Le requérant estime qu’une telle décision peut être attaquée de manière incidente.

149    À cet égard, selon la jurisprudence, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le requérant peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés. Si certaines mesures purement préparatoires sont susceptibles de faire grief au fonctionnaire dans la mesure où elles peuvent influencer le contenu d’un acte attaquable ultérieur, ces mesures ne peuvent faire l’objet d’un recours indépendant et doivent être contestées à l’occasion d’un recours dirigé contre cet acte (voir arrêt du 9 mars 2005, L/Commission, T‑254/02, EU:T:2005:88, point 122 et jurisprudence citée). Or, dès lors que les conclusions en annulation ont pour objet la décision de révocation et que la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire est un acte préparatoire intervenu dans la procédure ayant mené à l’adoption de la décision de révocation, le requérant est recevable, dans le cadre du présent recours, à remettre en cause la régularité de la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire. Il convient donc de rejeter la fin de non-recevoir de la FRA.

150    Par suite, il convient d’examiner le bien-fondé du présent moyen.

151    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que les conditions d’emploi et les règles applicables au personnel ont créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, ce qui implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné. Cette dernière obligation est imposée à l’administration par le principe de bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte [arrêts du 5 décembre 2006, Angelidis/Parlement, T‑416/03, EU:T:2006:375, point 117 ; du 13 décembre 2017, Arango Jaramillo e.a./BEI, T‑482/16 RENV, EU:T:2017:901, point 131 (non publié), et du 16 juin 2021, Lucaccioni/Commission, T‑316/19, EU:T:2021:367, point 124].

152    Par ailleurs, le principe de bonne administration comporte notamment l’obligation pour l’administration d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir arrêt du 5 juin 2019, Bernaldo de Quirós/Commission, T‑273/18, non publié, EU:T:2019:371, point 58 et jurisprudence citée).

153    En l’espèce, il convient de constater que la FRA n’a pas méconnu son obligation d’examiner avec soin et impartialité les éléments pertinents de la situation en cause.

154    En effet, en premier lieu, il ressort du rapport d’enquête que, durant l’enquête administrative, a été respectée l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents relatifs aux affirmations concernant la disponibilité de l’exposé litigieux sur le SGD pour des usages externes, au fait que le requérant n’avait pas averti ses collègues de ce que ledit exposé contenait des emprunts non référencés et au fait que le requérant avait transmis une version révisée de l’exposé litigieux citant l’ensemble des sources seulement après la découverte des contenus non référencés. Ainsi qu’il ressort des pages 11 à 15 du rapport d’enquête, l’enquêteur a examiné les observations du requérant sur les conclusions préliminaires de l’enquête et a analysé les correspondances entre le requérant et ses collègues ainsi que les témoignages que le requérant a utilisés pour étayer ses allégations, à charge et à décharge, comme en témoigne la prise en compte par l’enquêteur de certains points soulevés par le requérant. À titre d’exemple, à la page 13 du rapport d’enquête, l’enquêteur a exposé que, selon le requérant, son chef de département savait que l’exposé litigieux était un projet. Toutefois, l’enquêteur a relevé, à la page 8 de ce rapport, que, au moment de présenter l’exposé litigieux, le requérant n’avait pas mentionné qu’il s’agissait d’un document inachevé avec des emprunts non référencés. Le fait que le chef de département du requérant et quelques collègues savaient que l’exposé litigieux était un projet ou le fait que le requérant n’ait pas connu l’usage que ses collègues prévoyaient d’en faire étaient sans incidence, selon l’enquêteur, sur le fait que l’exposé litigieux contenait des emprunts non référencés. S’agissant de la disponibilité de l’exposé litigieux sur le SGD, le requérant n’a pas contesté que ses collègues avaient accès audit exposé. À cet égard, l’enquêteur s’est borné à indiquer que les collègues du requérant n’avaient pas conscience du fait que le document contenait des emprunts sans aucune référence à leurs sources. Au vu de ce qui précède, l’enquêteur a tenu compte, soigneusement, à charge et à décharge, de tous les éléments qui font partie du dossier.

155    En deuxième lieu, la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire fait état de ce que le directeur de la FRA a examiné les observations faites par le requérant lors de l’audition du 15 octobre 2018, qui n’ont cependant pas modifié les faits tels que constatés par l’enquêteur. En effet, il ressort du rapport du directeur de la FRA que ce dernier était bien conscient de tous les arguments du requérant, comme l’indique le fait qu’il a ajouté en annexe le procès-verbal de l’audition du 15 octobre 2018 ainsi que la déclaration écrite du requérant datée du même jour. L’indication du directeur de la FRA selon laquelle, lors de cette audition, le requérant n’avait pas été en mesure de démentir les conclusions de l’enquêteur n’est pas susceptible de remettre en question, à elle seule, le fait que le directeur de la FRA a examiné avec soin et impartialité les observations du requérant.

156    En troisième lieu, il ressort du rapport du directeur de la FRA que ce dernier a examiné avec soin et impartialité tous les éléments pertinents relatifs à la circonstance selon laquelle le requérant n’avait pas averti ses collègues du fait que l’exposé litigieux contenait des emprunts non référencés. En particulier, à cet égard, la mention, à la page 6 dudit rapport, de ce que, en réponse à la demande de B de lui envoyer l’exposé litigieux pour répondre à une demande de renseignements média, le requérant a adressé le document en indiquant qu’il s’agissait de sa première ébauche peut être relevée.

157    En quatrième lieu, l’avis du conseil de discipline fait apparaître que les arguments du requérant ont été examinés avec soin et impartialité et que le conseil de discipline a estimé, à la lumière des éléments du dossier, qu’il était prouvé que le requérant s’était opposé à ses supérieurs, qu’il avait présenté l’exposé litigieux comme résultant de son propre travail, qu’il existait un risque que ledit exposé ou des passages de celui-ci eussent été intégrés dans un ou plusieurs documents publiés par la FRA et que les emprunts figurant dans cet exposé auraient dû être référencés. À cet égard, c’est à tort que le requérant fait valoir que le conseil de discipline n’a pas étayé l’affirmation selon laquelle il se serait opposé à ses supérieurs. En effet, ledit conseil a expliqué, au point 48 de son avis, que cette constatation découlait du fait que le requérant avait présenté les écrits d’autrui comme étant issus de son propre travail. En ce qui concerne le risque d’intégration des emprunts non référencés dans un ou plusieurs documents publiés par la FRA, le conseil de discipline a indiqué, au point 45 de son avis, que le chef de département du requérant avait confirmé que l’exposé litigieux pouvait avoir été utilisé comme une source pour l’élaboration d’un rapport. En ce qui concerne l’affirmation, figurant au point 39 de l’avis du conseil de discipline, selon laquelle il pouvait être attendu que l’auteur indique les références dans un projet, le requérant a fait valoir que les règles internes relatives à la citation des sources prévoyaient que l’insertion de références avait lieu à un autre stade. Or, aux points 38 à 42 de son avis, le conseil de discipline a examiné les raisons avancées par le requérant pour expliquer qu’il avait omis de mentionner les références des emprunts figurant dans l’exposé litigieux. Il a conclu que les explications du requérant étaient peu convaincantes et incohérentes, dès lors que, premièrement, il pouvait être attendu d’un auteur qu’il inclue d’emblée certaines références pour insérer ultérieurement des notes en bas de page, deuxièmement, il n’y avait pas d’indications, telles que l’usage de guillemets ou la mention de sources, que le matériel était copié et, troisièmement, certaines parties de l’analyse avaient été non pas simplement copiées, mais légèrement modifiées.

158    En cinquième lieu, il ressort de la décision de révocation que l’AHCC a indiqué les raisons pour lesquelles le directeur de la FRA avait entériné les constatations de fait du conseil de discipline. À la lumière des explications figurant aux pages 3 à 6 de la décision de révocation, il apparaît que ce directeur a retracé les faits qu’il a retenus à charge du requérant et il ressort du point 74 de la décision de rejet de la réclamation qu’il s’est référé aux constatations de fait du conseil de discipline et a expliqué en détail les raisons pour lesquelles il se distanciait de l’avis de ce conseil en ce qui concernait la sanction proposée.

159    En sixième lieu, la FRA n’a pas porté atteinte au droit à la protection des données à caractère personnel du requérant, ainsi qu’il a été établi au point 132 ci-dessus.

160    En septième et dernier lieu, il ressort de la décision de révocation et de la décision de rejet de la réclamation que le directeur de la FRA a tenu pleinement compte des observations du requérant présentées à l’occasion de l’audition du 11 juillet 2019. Comme exposé au point 193 de la décision de rejet de la réclamation, le directeur de la FRA a rejeté, dans la décision de révocation, tous les points soulevés lors de ladite audition dès lors que le requérant n’avait pas ajouté d’autre observation pertinente concernant l’aggravation de la sanction. En outre, le directeur de la FRA a répondu de manière circonstanciée, aux points 27 à 67 de la décision de rejet de la réclamation, aux observations soulevées par le requérant à l’occasion de l’audition du 11 juillet 2019 en ce qui concernait la violation du principe de sécurité juridique et de sa liberté d’expression, aux points 68 à 81 de ladite décision, à celles relatives à la violation du principe de bonne administration, des devoirs de diligence et de sollicitude et du principe de la présomption d’innocence, aux points 82 à 92 de la même décision, aux observations concernant l’ouverture irrégulière de l’enquête et de la procédure disciplinaire, aux points 93 à 120 de ladite décision, aux arguments visant le non-respect du cadre de l’enquête et du droit à la protection des données à caractère personnel, aux points 121 à 155, à ceux relatifs à l’absence d’impartialité de l’enquêteur et du directeur de la FRA, aux points 156 à 159 de cette décision, aux allégations sur le manque en fait de la violation des articles 11, 12 et 21 du statut, aux points 160 à 188 de la décision de rejet de la réclamation, aux observations relatives à la violation des droits de la défense, notamment du droit d’être entendu, aux points 189 à 200 de ladite décision, aux arguments concernant la violation du délai raisonnable et, enfin, aux points 201 à 216 de cette décision, à ceux relatifs à la violation du principe de proportionnalité.

161    En outre, le directeur de la FRA a mentionné précisément les raisons retenues pour infliger la sanction la plus grave. En particulier, il a exposé que la rétrogradation ne reflétait pas suffisamment la gravité des manquements, il a souligné les circonstances aggravantes identifiées par le conseil de discipline et il a indiqué les raisons pour lesquelles ce conseil n’avait pas tenu compte de la gravité des manquements, considérant que le lien de confiance avait été irrévocablement rompu et, en conséquence, que la rétrogradation n’était pas une sanction adéquate.

162    En tout état de cause, la plupart des allégations du requérant visent, en réalité, à remettre en cause les conclusions auxquelles est parvenue la FRA, et non le fait qu’elle a examiné tous les éléments à sa disposition avec soin et impartialité et, par conséquent, de façon modérée dans la conduite.

163    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la FRA a bien pris en compte les différentes allégations formulées par le requérant et a répondu de manière circonstanciée et soigneuse aux observations qu’il a présentées tout au long de la procédure. Le requérant n’est donc pas fondé à soutenir que l’enquêteur, le directeur de la FRA ou le conseil de discipline ont méconnu le devoir de sollicitude, le devoir de diligence et le principe de bonne administration. Partant, il convient de rejeter le deuxième moyen en ce qu’il vise une violation du principe de bonne administration, des devoirs de diligence et de sollicitude ainsi que du devoir de rester mesuré dans les propos.

f)      Sur le septième moyen, tiré d’un défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’enquêteur, et sur le troisième moyen en ce qu’il vise un abus de pouvoir et un défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’AHCC 

164    Par son troisième moyen, le requérant invoque un abus de pouvoir et un défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’AHCC. Il soutient, en substance, que le véritable objectif de la procédure administrative était de « se débarrasser de lui » par tous les moyens et que le directeur de la FRA a tout fait pour qu’aucun élément à décharge ne soit pris en considération, outrepassant ainsi ses pouvoirs.

165    Par son septième moyen, le requérant soutient que le manque d’impartialité, de neutralité ou d’objectivité, tant subjective qu’objective, de l’enquêteur justifie l’annulation de la décision de révocation.

166    La FRA conteste les arguments du requérant.

167    Premièrement, il convient de rappeler, en ce qui concerne l’exigence d’impartialité, qu’il incombe à l’administration de se conformer à cette exigence dans ses deux composantes que sont, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé (voir, en ce sens, arrêts du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 91 et jurisprudence citée, et du 16 juin 2021, KT/BEI, T‑415/20, non publié, EU:T:2021:368, point 78). Il ressort également de la jurisprudence que l’impartialité subjective est présumée jusqu’à preuve du contraire (voir arrêt du 8 février 2018, Institute for Direct Democracy in Europe/Parlement, T‑118/17, non publié, EU:T:2018:76, point 27 et jurisprudence citée).

168    Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que la notion de détournement de pouvoir, que vise, en substance, le grief avancé à cet égard par le requérant, a une portée bien précise qui se réfère à l’usage par une autorité administrative de ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées. À cet égard, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de ses prétentions, il convient encore de fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance, à défaut de quoi l’exactitude matérielle des affirmations de l’institution en cause ne saurait être remise en cause. Ainsi, l’appréciation globale des indices de détournement de pouvoir ne saurait reposer sur de simples allégations, des indices insuffisamment précis ou qui ne sont ni objectifs ni pertinents (voir arrêt du 7 juin 2018, OW/AESA, T‑597/16, non publié, EU:T:2018:338, point 98 et jurisprudence citée).

169    Troisièmement, s’agissant du troisième moyen en ce qu’il vise un abus de pouvoir et une absence d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’AHCC, il y a lieu de relever que les actes des institutions de l’Union bénéficient d’une présomption de légalité en l’absence de tout indice de nature à mettre en cause cette légalité (voir arrêt du 13 juillet 2000, Griesel/Conseil, T‑157/99, EU:T:2000:192, point 25 et jurisprudence citée).

170    En outre, il convient de relever, en ce qui concerne les règles en matière de charge et d’administration de la preuve, que, de façon générale, pour emporter la conviction du juge en ce qui concerne une allégation d’une partie ou, à tout le moins, son intervention directe dans la recherche des éléments de preuve, il ne suffit pas d’invoquer certains faits à l’appui de sa prétention, il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou leur vraisemblance (arrêt du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C‑274/99 P, EU:C:2001:127, point 113).

171    Enfin, selon la jurisprudence, c’est au requérant qu’il incombe d’administrer la preuve de ses allégations, à moins qu’il ne ressorte de l’examen des moyens d’annulation un faisceau d’indices suffisamment précis, pertinents et concordants de nature à étayer les griefs soulevés et à entraîner un renversement de la présomption de validité s’attachant aux décisions attaquées (voir arrêt du 19 septembre 2001, E/Commission, T‑152/00, EU:T:2001:232, point 26 et jurisprudence citée).

172    Or, en l’espèce, le requérant n’a pas explicité en quoi les indices qu’il présente démontreraient une absence d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’AHCC ainsi qu’un abus de pouvoir.

173    À cet égard, en ce qui concerne l’indice consistant en un renvoi aux affaires connexes, à savoir les affaires T‑632/19 et T‑703/19, il convient de constater, à l’instar de la FRA, que celles-ci ne présentent pas de connexité étroite avec la présente affaire. En effet, l’objet de ces autres affaires est tout à fait différent. Ainsi, le fait que le requérant ait engagé d’autres actions, sur la base d’autres faits, à l’encontre de la FRA ne saurait exercer d’influence sur la circonstance selon laquelle les actions commises en l’espèce sont susceptibles d’entraîner une sanction disciplinaire. En tout état de cause, le recours dans l’affaire T‑632/19 a été rejeté par l’arrêt du 14 juillet 2021, DD/FRA (T‑632/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:434), et celui dans l’affaire T‑703/19 l’a été également par l’arrêt du 21 décembre 2021, DD/FRA (T‑703/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2021:923).

174    S’agissant des autres indices présentés par le requérant, une grande partie de ceux-ci correspondent à des arguments qui ont déjà été avancés dans le cadre du deuxième moyen, en ce qu’il vise une violation du principe de bonne administration, des devoirs de diligence et de sollicitude ainsi que du devoir de rester mesuré dans les propos, dont l’examen a amené le Tribunal à conclure que l’administration n’avait pas méconnu son obligation d’examiner avec soin et impartialité les éléments pertinents du cas d’espèce (voir point 163 ci-dessus). Les considérations relatives auxdits indices ayant conduit à cette conclusion permettent également d’écarter le grief relatif au défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’AHCC.

175    S’agissant du reste des indices présentés par le requérant, ils ne sont pas de nature à prouver un abus de pouvoir ou à mettre en doute le respect de l’exigence d’impartialité. En effet, premièrement, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du cinquième moyen, l’AHCC n’a pas ouvert l’enquête administrative et la procédure disciplinaire de façon irrégulière (voir point 112 ci-dessus). Deuxièmement, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du sixième moyen, le directeur de la FRA a respecté le droit à la protection des données à caractère personnel du requérant (voir point 132 ci-dessus). Troisièmement, s’agissant des éléments de preuve concernant les prestations satisfaisantes du requérant, l’AHCC a exposé dans la décision de révocation que ceux-ci n’avaient aucune conséquence sur la réalité ni sur la gravité des violations de ses obligations professionnelles. Enfin, quatrièmement, l’AHCC a dûment motivé l’existence de circonstances aggravantes.

176    En outre, il résulte de la jurisprudence que, même si l’on ne peut exclure que des divergences entre un fonctionnaire et son supérieur hiérarchique puissent créer une certaine irritation chez le supérieur hiérarchique, cette éventualité n’implique pas, en tant que telle, que ce dernier ne soit plus en mesure d’apprécier objectivement les mérites de l’intéressé (arrêts du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, EU:T:2007:261, point 71, et du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 45).

177    Or, hormis l’existence de certaines frictions entre le requérant et le directeur de la FRA, mises en évidence dans la décision de rejet du recours interne contre le rapport d’évaluation 2016, dans laquelle le directeur de la FRA a parfois adopté un ton dur, force est de constater que le requérant n’a pas prouvé, sur la base d’indices suffisamment objectifs, pertinents et concordants, que l’AHCC avait utilisé ses pouvoirs dans un but autre que celui dans lequel ils lui ont été conférés, qu’elle avait manifesté un parti pris ou un préjugé personnel, ou qu’il n’existait pas de garantie suffisante pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé.

178    Ainsi, le requérant ne produit aucun commencement de preuve à l’appui de ses allégations permettant de penser que le véritable objectif de la procédure aurait été de « se débarrasser de lui » par tous les moyens et que le directeur de la FRA, outrepassant ses pouvoirs, aurait tout fait pour qu’aucun élément à décharge ne soit pris en considération.

179    Par le septième moyen, le requérant soutient que le manque d’impartialité, de neutralité ou d’objectivité, tant subjective qu’objective, de l’enquêteur justifie l’annulation de la décision de révocation.

180    En premier lieu, s’agissant de l’impartialité subjective de l’enquêteur, il y a lieu de constater que les indices avancés par le requérant ne constituent pas des indices suffisamment précis, objectifs et concordants, au sens de la jurisprudence rappelée au point 170 ci-dessus, de nature à démontrer le manque d’impartialité subjective de l’enquêteur.

181    À cet égard, premièrement, le requérant n’indique pas en quoi l’inclusion dans le rapport d’enquête de conclusions sans que la possibilité de formuler des observations lui ait été donnée au préalable constitue une manifestation de parti pris ou de préjugé personnel. En ce sens, s’agissant des accusations relatives à des emprunts non référencés extraits du site Internet Wikipédia et de l’accusation d’insubordination, qui n’auraient été proférées qu’une fois le rapport d’enquête terminé, il est certes vrai que, ainsi qu’il a été relevé dans le cadre de l’examen du huitième moyen, le conseil de discipline a reconnu que le requérant n’avait pas été entendu à leur sujet (voir point 143 ci-dessus). Néanmoins, ce seul fait ne constituerait un indice de la partialité subjective de l’enquêteur que si les conclusions de celui-ci se fondaient tout particulièrement sur ces éléments, ce que le requérant n’a pas allégué et ce qui ne ressort pas du rapport d’enquête.

182    Deuxièmement, ainsi qu’il a été constaté dans le cadre de l’examen du sixième moyen, l’enquêteur a respecté le cadre de l’enquête et le droit à la protection des données à caractère personnel du requérant (voir points 119 à 136 ci-dessus).

183    Troisièmement, ainsi qu’il est relevé ci-après dans le cadre de l’examen des deuxième et troisième moyens en ce qu’ils visent une violation de la présomption d’innocence, l’enquête a été menée avec la diligence requise et en respectant la présomption d’innocence du requérant (voir point 206 ci-après).

184    Enfin, quatrièmement, les termes utilisés par l’enquêteur dans le rapport d’enquête ne montrent pas qu’il a été offusqué par l’argumentation du requérant. Certes, il est exact que l’enquêteur a dénoncé le « manque de respect » du requérant et a ajouté qu’« [i]l [était] difficile d’imaginer que [le requérant] puisse accuser à la légère un juge dont les conclusions ne [lui] plais[ai]ent pas d’un manque d’impartialité, de neutralité et d’indépendance sans aucune preuve externe à l’enquête » (voir page 16 du rapport d’enquête). Cependant, d’une part, le requérant n’indique pas en quoi les expressions identifiées reflètent une manifestation de parti pris ou de préjugé personnel de la part de l’enquêteur. D’autre part, si ce dernier estimait qu’il y avait eu un manque de respect découlant d’accusations qu’il considérait comme non étayées, il avait le droit de mentionner ce point de vue dans le rapport d’enquête. Par ailleurs, les propos de l’enquêteur ne sont pas de nature à démontrer qu’il avait été offusqué, dès lors que le ton qu’il a employé restait correct et que son expression de surprise ne dépassait pas ce qui peut être attendu de la part d’un enquêteur impartial.

185    Dès lors, le requérant demeure en défaut d’apporter un faisceau d’indices pertinents et suffisamment concordants de nature à démontrer l’absence d’impartialité subjective de l’enquêteur.

186    En second lieu, en ce qui concerne l’impartialité objective de l’enquêteur, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que, pour se conformer à l’exigence d’impartialité objective, une institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé. Par conséquent, pour que l’organisation de la procédure administrative n’offre pas de garanties suffisantes à cet égard, il suffit qu’un doute légitime existe et qu’il ne puisse pas être dissipé (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, points 27 et 37).

187    En l’espèce, le requérant n’a pas établi que la relation existant entre la FRA et l’enquêteur était susceptible de créer un doute quant à l’impartialité objective de l’enquêteur.

188    En effet, premièrement, il ressort des éléments de preuve fournis par le requérant que l’enquêteur a eu un lien de carrière avec la Commission européenne, et non avec la FRA.

189    Deuxièmement, les éléments de preuve apportés par le requérant pour appuyer son argument selon lequel l’enquêteur aurait agi en qualité de conseiller juridique de la FRA ne sont pas suffisants pour étayer un doute légitime quant à l’existence d’un éventuel préjugé. S’il est vrai que, dans son courriel du 12 octobre 2012 adressé à la FRA, l’enquêteur a conseillé celle-ci sur l’opportunité de former un pourvoi contre l’arrêt du 18 septembre 2012, Allgeier/FRA (F‑58/10, EU:F:2012:130), il n’en demeure pas moins que l’intervention de l’enquêteur s’est limitée à l’envoi d’un courriel de moins de deux pages, pour lequel il n’a pas été rémunéré, dès lors qu’il n’avait conclu aucun contrat avec la FRA à cet égard. Il s’agit par ailleurs de la seule occasion où l’enquêteur a donné un conseil juridique à la FRA. Cet indice n’est donc pas suffisant pour étayer l’affirmation d’un manque d’impartialité objective de l’enquêteur, dès lors que, si, comme le soutient le requérant, l’enquêteur a donné un conseil juridique à la FRA dans son courriel du 12 octobre 2012 et a offert ses services en tant qu’expert juridique, il n’a jamais été engagé ou payé par la FRA en tant que conseiller juridique de celle-ci. Il s’agit donc d’un événement isolé et sans pertinence.

190    Qui plus est, le requérant a produit plusieurs éléments de preuve qui confirment que le rôle de l’enquêteur a été limité à celui d’un consultant externe. Ainsi, c’est à ce titre qu’il a exercé ses fonctions dans le cadre d’un audit externe en 2013, d’une enquête administrative dans le courant du mois de mars 2018 et d’une évaluation de deux rapports rédigés à la suite de deux enquêtes administratives dans le courant du mois d’avril 2018.

191    Troisièmement, s’agissant des intérêts financiers existant entre l’enquêteur et la FRA, il convient de relever que le montant des contrats conclus entre eux s’élevait, respectivement, à 10 000 euros, à 10 000 euros et à 2 500 euros. Or, ces montants sont raisonnables, dès lors que les tâches, incluaient, s’agissant par exemple de l’audit externe de 2013, la réalisation d’une enquête, la préparation de rapports et l’audition de témoins. Ainsi, la quantité de travail requise pour la réalisation de ces tâches justifiait les montants des contrats.

192    Par ailleurs, les faits de la présente affaire ne sont pas analogues à ceux ayant donné lieu à l’arrêt du 18 septembre 2012, Allgeier/FRA (F‑58/10, EU:F:2012:130). Dans cette affaire, l’enquêteur était un ancien collègue du directeur de la FRA à cette époque et présidait le bureau de l’Institut danois pour les droits de l’homme, qui avait conclu avec la FRA un contrat d’un montant de près de 500 000 euros afin de fournir à celle-ci des informations relatives à la discrimination en raison de l’orientation sexuelle (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2012, Allgeier/FRA, F‑58/10, EU:F:2012:130, points 60 et 61). Au point 62 de cet arrêt, le Tribunal a jugé que l’existence et l’importance de la relation d’affaires existant entre la FRA et l’Institut danois pour les droits de l’homme étaient de nature à faire naître chez le requérant des appréhensions justifiées concernant l’impartialité objective de l’enquêteur. Or, une situation dans laquelle l’enquêteur a agi une seule fois en tant que conseiller juridique, à titre gratuit, et a reçu pour ses travaux en tant que consultant externe un montant de 22 500 euros n’est pas comparable aux faits de l’affaire susmentionnée et n’est pas de nature à démontrer l’existence d’une relation d’affaires existant entre la FRA et l’enquêteur dont l’importance serait telle qu’il existerait un doute légitime quant à l’impartialité objective de ce dernier.

193    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de rejeter comme étant non fondés le septième moyen, et le troisième moyen en ce qu’il vise un abus de pouvoir et un défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’AHCC.

g)      Sur les deuxième et troisième moyens en ce qu’ils visent une violation de la présomption d’innocence

194    Le requérant fait valoir que la présomption d’innocence associée à l’exigence d’un niveau de preuve élevé a été violée, car l’interprétation de son comportement et de ses propos retenue par l’enquêteur, le conseil de discipline et le directeur de la FRA, qui les a conduits à considérer les faits litigieux comme établis, n’était pas la seule possible. En outre, selon le requérant, le directeur de la FRA avait déjà décidé le 5 décembre 2017, soit avant l’ouverture de l’enquête administrative, que le requérant avait commis un plagiat.

195    La FRA conteste les arguments du requérant sur le fond.

196    Par ailleurs, la FRA estime que certains des arguments figurant au point 58 de la requête sont irrecevables dans la mesure où le requérant renverrait aux annexes de la requête.

197    À cet égard, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige, les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens et les conclusions de la partie requérante. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations. Ainsi, afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un moyen ou un grief soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un requérant se fonde ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même, pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations (voir arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 65 et jurisprudence citée).

198    Or, les explications que le requérant a fournies dans le cadre de la requête sur les griefs relatifs à la violation de la présomption d’innocence étaient suffisamment cohérentes et compréhensibles pour permettre à la FRA de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur ces griefs.

199    Il convient, dès lors, de considérer que les arguments figurant au point 58 de la requête sont recevables et d’en examiner le bien-fondé.

200    À cet égard, il convient de rappeler que le principe de la présomption d’innocence, qui constitue un droit fondamental, énoncé à l’article 6, paragraphe 2, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte confère aux particuliers des droits dont le juge de l’Union garantit le respect. Ce principe est applicable aux procédures administratives eu égard à la nature des manquements en cause ainsi qu’à la nature et au degré de sévérité des mesures qui s’y rattachent (voir arrêt du 4 avril 2019, Rodriguez Prieto/Commission, T‑61/18, EU:T:2019:217, points 91 et 92 et jurisprudence citée).

201    Par ailleurs, une violation de la présomption d’innocence ne peut être constatée qu’en présence d’éléments de nature à démontrer que l’administration avait décidé, dès le début d’une procédure disciplinaire, d’infliger, en tout état de cause, une sanction à la personne concernée, indépendamment des explications fournies par cette personne (voir arrêt du 13 mars 2003, Pessoa e Costa/Commission, T‑166/02, EU:T:2003:73, point 56 et jurisprudence citée).

202    En l’espèce, le requérant soutient, en substance, que la présomption d’innocence a été violée par l’avis du conseil de discipline, par la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire, par la décision de révocation et par la décision de rejet de la réclamation, dès lors que, d’une part, les faits qui lui étaient reprochés n’auraient pas été établis conformément au niveau de preuve requis et, d’autre part, l’administration aurait décidé de lui infliger une sanction indépendamment de ses explications.

203    Pour autant que le requérant fait valoir que les faits qui lui étaient reprochés n’ont pas été établis conformément au niveau de preuve requis, ce qui aurait conduit à une violation de la présomption d’innocence, il y a lieu de relever que cet argument ne se rattache pas à la violation de la présomption d’innocence stricto sensu, puisque, conformément à la jurisprudence rappelée au point 201 ci-dessus, la question soulevée par les présents griefs est de savoir si la FRA avait décidé, dès le début de la procédure disciplinaire, d’infliger une sanction au requérant. En tout état de cause, en ce qui concerne cet argument, il peut être renvoyé aux constatations faites dans le cadre de l’examen du quatrième moyen, et du deuxième moyen en ce qu’il vise une violation de l’exigence d’un niveau de preuve élevé dans les enquêtes administratives et dans les procédures disciplinaires.

204    Quant à l’argument selon lequel l’AHCC avait déjà décidé le 5 décembre 2017, avant l’ouverture de l’enquête administrative, que le requérant avait commis un plagiat, certes, le directeur de la FRA a rejeté le recours interne contre le rapport d’évaluation 2016 en indiquant, en ce qui concerne l’exposé litigieux, qu’il avait appris que la majeure partie de celui-ci était une copie directe de plusieurs sources, y compris de documents du Conseil de l’Europe, lesquels n’étaient pas référencés dans ledit exposé. Toutefois, il n’en demeure pas moins que l’enquêteur et le conseil de discipline ont ultérieurement constaté, en substance, la véracité des faits établissant les actes finalement reprochés au requérant dans la décision de révocation. Qui plus est, le requérant n’a pas contesté l’existence des passages résultant d’emprunts non référencés. Enfin, il ne ressort pas de la décision de rejet du recours interne du requérant contre le rapport d’évaluation 2016 que le directeur de la FRA envisageait, dès ce stade, la révocation du requérant. Ainsi, le Tribunal estime que les affirmations du directeur de la FRA sur lesdits passages ne sont pas susceptibles d’établir qu’il avait décidé dès le début de la procédure disciplinaire d’infliger, en tout état de cause, une sanction au requérant.

205    Force est ainsi de constater que le requérant n’a pas prouvé que l’AHCC avait décidé, dès le début de la procédure disciplinaire, de lui infliger, en tout état de cause, une sanction, indépendamment de ses explications.

206    Il y a dès lors lieu de rejeter comme étant non fondés les deuxième et troisième moyens en ce qu’ils visent une violation de la présomption d’innocence.

h)      Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la violation par le requérant des articles 11, 12 et 21 du statut, et sur le deuxième moyen en ce qu’il vise une violation de l’exigence dun niveau de preuve élevé dans les enquêtes administratives et dans les procédures disciplinaires

207    Dans le cadre du deuxième moyen, le requérant conteste la matérialité des faits retenus par l’administration et fait valoir que l’exigence d’un niveau de preuve élevé dans les enquêtes administratives et dans les procédures disciplinaires n’a pas été respectée. Par le quatrième moyen, le requérant fait valoir que le constat de violation des articles 11, 12 et 21 retenu à sa charge procède d’erreurs manifestes d’appréciation.

208    La FRA conteste les arguments du requérant.

209    Il convient de rappeler que l’administration dispose, de manière générale, d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite des enquêtes administratives. En effet, compte tenu de ses ressources, il lui incombe d’instruire les dossiers de façon proportionnée, à savoir, notamment, d’une manière qui lui permette d’allouer à chaque affaire sa juste part du temps dont elle dispose (voir arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 78 et jurisprudence citée).

210    Toutefois, l’administration est également tenue, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 79 et jurisprudence citée).

211    Il y a lieu de rappeler également que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que le juge de l’Union exerce un contrôle entier sur la matérialité des faits (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 70, et du 10 janvier 2019, RY/Commission, T‑160/17, EU:T:2019:1, point 38). À cet égard, il doit vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2018, McCoy/Comité des régions, T‑567/16, EU:T:2018:708, point 98 ; voir également, par analogie, arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39, et du 7 avril 2016, ArcelorMittal Tubular Products Ostrava e.a./Hubei Xinyegang Steel, C‑186/14 P et C‑193/14 P, EU:C:2016:209, point 36). Dans cette perspective, l’appréciation de la valeur probante d’un document est également l’objet d’un contrôle entier (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2004, Valmont/Commission, T‑274/01, EU:T:2004:266, point 43). Ainsi, même les appréciations complexes ou délicates auxquelles l’administration procède doivent être étayées par des preuves solides (voir, en ce sens, arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval, C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 41, et du 7 avril 2016, Akhras/Conseil, C‑193/15 P, EU:C:2016:219, point 56). Il incombe, dès lors, au juge de procéder, même dans ce contexte, à un examen approfondi des éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 146).

212    Par ailleurs, dans le cadre de son contrôle de légalité, le juge exerce également un contrôle complet quant à la bonne application des règles de droit pertinentes (arrêt du 7 novembre 2007, Allemagne/Commission, T‑374/04, EU:T:2007:332, point 81).

213    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si le niveau de preuve requis a été atteint, si la matérialité des faits a été bien établie et si l’AHCC est restée dans les limites de son pouvoir d’appréciation.

214    Il convient donc d’examiner, en premier lieu, si la matérialité des faits qui sont reprochés au requérant a été établie dans le respect du niveau de preuve requis et, en second lieu, si les faits établis sont constitutifs d’une violation des articles 11, 12 et 21 du statut.

215    À la lecture des éléments du dossier, il convient de constater que l’AHCC a correctement établi la matérialité des faits qui sont reprochés au requérant, en entérinant les constatations du conseil de discipline et en considérant que le requérant avait présenté délibérément les écrits d’autrui comme étant issus de son propre travail, sans en mentionner les sources, qu’il avait demandé crédit pour un texte dont il n’était pas l’auteur et que ses actions auraient pu causer un dommage à la réputation de la FRA, en particulier si l’exposé litigieux ou des passages de celui-ci avaient été intégrés dans un ou plusieurs documents publiés par la FRA.

216    En ce qui concerne le plagiat, la FRA a produit l’exposé litigieux et a marqué toutes les parties qui correspondent à des documents non référencés rédigés par d’autres personnes. Il en résulte que 26 des 32 pages de cet exposé incluent des passages copiés et que la majeure partie du contenu de 19 pages est constituée d’emprunts. Ainsi, il apparaît de façon évidente que le requérant a tiré la majeure partie du contenu de l’exposé litigieux d’autres sources sans les référencer. En outre, une grande partie des passages que la FRA n’a pas identifiés comme étant des emprunts non référencés sont des reprises du libellé de dispositions juridiques, ce qui implique un effort intellectuel minimal.

217    À cet égard, en ce qui concerne, tout d’abord, les faits relatifs à la présentation du travail d’autrui comme étant son propre travail, le requérant fait valoir que l’exposé litigieux était un document interne non terminé, que, dans le courriel d’accompagnement adressé à son chef de département, le requérant avait précisé qu’il s’agissait d’une « première ébauche », que B, A, et son chef de département savaient qu’il s’agissait d’une ébauche et que le requérant avait pour habitude d’ajouter les références à la fin de ses travaux.

218    Cependant, ces arguments ne sauraient prospérer pour les raisons suivantes. Ainsi que le soutient la FRA, d’une part, le fait que le chef de département du requérant et quelques collègues savaient que l’exposé litigieux était un projet ne change pas le fait que l’exposé litigieux contenait des emprunts non référencés, ce qui n’a d’ailleurs pas été contesté par le requérant. D’autre part, certaines sources étaient déjà mentionnées dans l’exposé litigieux, lequel contenait un certain nombre de références aux pages 2 à 5, 17, 19 à 20, 22 à 24 et 30 à 32. Par conséquent, eu égard à l’apparence de ce document, il pouvait être présumé qu’il contenait l’ensemble des références requises. En outre, les règles internes de la FRA en matière d’édition et de production des résultats de recherche mettent en avant l’importance de référencer les sources tout au long de la procédure d’édition. En particulier, la liste de contrôle pour l’édition scientifique requiert une référence complète en cas de citation directe dans un texte, de dispositions juridiques et de références à des travaux antérieurs pertinents, une vérification des références des sources des tableaux ainsi qu’un respect du guide de style et une cohérence en ce qui concerne les références.

219    Ainsi, en incluant des références dans un texte résultant en grande partie de copiages sans mentionner toutes les sources utilisées, le requérant a présenté le travail d’autrui comme étant le fruit de son propre travail. Par conséquent, le conseil de discipline et l’AHCC ont correctement établi la matérialité des faits qui sont reprochés au requérant en concluant que ce dernier avait cherché à faire passer le travail d’autrui pour le résultat de ses propres recherches.

220    Cette constatation est renforcée par le fait que le requérant a demandé crédit pour un texte dont il n’était pas l’auteur dans le cadre de son évaluation pour l’année 2016, en s’attribuant la paternité d’un document résultant en grande partie de copiages. En effet, dans son recours interne du 7 novembre 2017 contre le rapport d’évaluation 2016, le requérant a mis en valeur l’exposé litigieux et a affirmé que, « [c]omme toute personne lisant le document peut facilement le vérifier, [la déclaration du chef de département voulant que l’exposé litigieux consiste principalement en des citations de jurisprudence] est incorrecte, puisque le document contient également une analyse juridique, conceptuelle et politique » et qu’il avait « démontré [s]es connaissances professionnelles/connaissances spécifiques en matière de liberté de religion [lorsqu’il avait] rédigé le document d’information sur la liberté de religion ». Or, seules les sections 4 et 5 de l’exposé litigieux, figurant aux pages 29 à 32, contiennent une analyse et des suggestions qui peuvent être considérées comme le travail du requérant.

221    Par ailleurs, le requérant conteste la nature délibérée de ses actions. Néanmoins, la présence dans l’exposé litigieux de certaines références prouve qu’il a délibérément choisi d’en mentionner certaines et pas d’autres. De plus, les affirmations du requérant relatives à l’exposé litigieux et sa tentative d’obtenir crédit pour ce texte dans le cadre de son évaluation pour l’année 2016 confirment qu’il a délibérément cherché à faire passer cet exposé comme le résultat de son propre travail.

222    En outre, d’autres éléments du dossier démontrent que le requérant a présenté le travail d’autrui comme étant le fruit de son propre travail. Ainsi, dans son courriel du 18 mars 2016, il a envoyé à son chef de département l’exposé litigieux en affirmant qu’il avait fait une introduction sur la liberté de pensée, de conscience et de religion, une présentation des affaires clés de la Cour européenne des droits de l’homme et du Comité des droits de l’homme ainsi qu’une analyse des compétences de l’Union dans ce domaine. Or l’introduction mentionnée par le requérant se trouve aux pages 5 à 9 de l’exposé litigieux et presque la totalité de cette section, à l’exclusion de deux paragraphes et d’un tableau à la page 5, sont des emprunts non référencés. Ainsi qu’il a été mentionné au point 11 ci-dessus, le requérant a fait valoir dans le recours interne contre le rapport d’évaluation 2016 que ledit exposé contenait également une analyse légale, conceptuelle et politique.

223    De même, la section dédiée aux affaires clés de la Cour européenne des droits de l’homme, qui se trouve aux pages 9 à 16 de l’exposé litigieux, a été complètement copiée. Enfin, dans son courriel du 8 avril 2016 envoyé à B, avec A en copie, le requérant a décrit l’exposé litigieux comme le « document que j’ai ébauché », formulation qui laissait entendre qu’il s’agissait essentiellement d’un travail personnel.

224    En conséquence, le fait que le requérant a délibérément présenté les écrits d’autrui comme étant son propre travail, sans en mentionner les sources, a été correctement établi.

225    Ensuite, s’agissant de l’existence d’un risque que l’exposé litigieux ou que des passages de celui-ci aient été intégrés dans un ou plusieurs documents publiés par la FRA et que son contenu ait pu être partagé avec le monde extérieur, ce risque n’était pas purement hypothétique, dans la mesure où il ressort de la page 5 du rapport d’enquête, du point 3 de l’avis du conseil de discipline et du témoignage devant l’enquêteur du chef de département du requérant que cet exposé pouvait avoir été utilisé comme une source pour l’élaboration d’un rapport sur l’enquête EU-MIDIS II, une tâche liée à un projet proposé par la FRA concernant la religion et les droits fondamentaux.

226    En outre, dans son recours interne du 7 novembre 2017 contre le rapport d’évaluation 2016, le requérant a affirmé que l’exposé litigieux avait été utilisé pour le développement de l’atelier sur la religion dans le cadre du Forum des droits fondamentaux de la FRA de 2016 et par le département de la promotion des droits fondamentaux de la FRA comme document de référence lors du démarrage du projet relatif à la collaboration avec des organisations religieuses.

227    En ce qui concerne le niveau de preuve requis, en l’espèce, le requérant allègue, en substance, que l’enquêteur, le conseil de discipline et le directeur de la FRA ont interprété son comportement et ses propos et ont ainsi établi les faits litigieux, alors que leur interprétation de ces éléments n’était pas la seule possible. Le requérant soutient qu’il y a ainsi une déconnexion entre la base factuelle, les éléments de preuve et la décision de révocation.

228    Toutefois, les éléments de preuve apportés par le requérant ne sont pas suffisants pour contester la matérialité des faits retenus par l’administration.

229    En effet, à l’appui de ses affirmations selon lesquelles, dans l’avis du conseil de discipline, dans la décision de révocation et dans la décision de rejet de la réclamation, il n’est pas établi conformément au niveau de preuve élevé requis qu’il a agi de façon intentionnelle et délibérée, qu’il a présenté l’exposé litigieux comme son propre travail et qu’il a essayé de tromper sa hiérarchie, le requérant soutient qu’il a contesté tous ces faits lors de l’audition du 11 juillet 2019. Néanmoins, au cours de cette audition, le requérant a uniquement reconnu que la première ébauche de l’exposé litigieux contenait des emprunts, mais a déclaré que ce qu’il avait fait n’était pas interdit et que, en tout état de cause, il avait ajouté plus tard les références. Ce faisant, le requérant a proposé une interprétation alternative des faits, sans pour autant remettre en cause la matérialité des faits sur lesquels s’est fondée la FRA pour adopter la décision de révocation.

230    Ainsi, les faits retenus par l’enquêteur, par le conseil de discipline et par le directeur de la FRA peuvent être admis comme étant prouvés et cohérents, dès lors que le requérant se limite à alléguer une déconnexion entre les faits établis par l’administration et les éléments de preuve, sans étayer ses affirmations par des preuves de nature à mettre en doute la matérialité des faits retenus par l’administration.

231    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la matérialité des faits reprochés au requérant a été prouvée à suffisance de droit par l’AHCC.

232    En second lieu, il convient de déterminer si ces faits étaient de nature à fonder valablement le constat, effectué par l’AHCC, d’une méconnaissance par le requérant de ses obligations au titre des articles 11, 12 et 21 du statut.

233    Selon l’article 11, premier alinéa, du statut, le fonctionnaire doit s’acquitter de ses fonctions et régler sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union. La même disposition oblige le fonctionnaire à remplir les fonctions qui lui sont confiées de manière objective et impartiale et dans le respect de son devoir de loyauté envers l’Union.

234    L’article 12 du statut dispose que le fonctionnaire s’abstient de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction.

235    Quant à l’article 21, premier alinéa, du statut, il prévoit que, quel que soit son rang dans la hiérarchie, le fonctionnaire est tenu d’assister et de conseiller ses supérieurs et est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées.

236    L’article 11, premier alinéa, l’article 12 et l’article 21, premier alinéa, du statut, qui constituent le fondement juridique de la décision de révocation, sont des expressions spécifiques de l’obligation de loyauté qui s’impose à tout fonctionnaire ou agent, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 67 ci-dessus.

237    L’obligation de loyauté du fonctionnaire à l’égard de son institution doit le conduire, d’autant plus s’il a un grade élevé, à faire preuve d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre cette institution et lui-même soient toujours préservés (arrêt du 15 mai 1997, N/Commission, T‑273/94, EU:T:1997:71, point 129 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 mai 1999, Connolly/Commission, T‑34/96 et T‑163/96, EU:T:1999:102, point 128).

238    Selon la jurisprudence, une violation des articles 11, 12 et 21 du statut suppose un comportement dont le fonctionnaire doit raisonnablement comprendre, au vu de son grade et des fonctions qu’il exerce ainsi que des circonstances propres de l’affaire, qu’il est de nature à apparaître, aux yeux de tiers, comme étant susceptible de provoquer une confusion quant aux intérêts poursuivis par l’Union qu’il est censé servir (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2020, Broughton/Eurojust, T‑87/19, non publié, EU:T:2020:464, point 149 ; du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC, F‑80/11, EU:F:2013:159, point 63, et du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 189).

239    En l’espèce, l’AHCC n’a pas commis d’erreur d’appréciation en constatant la violation des articles 11, 12 et 21 du statut. En effet, le requérant, en présentant délibérément les écrits d’autrui comme résultant de son propre travail, sans mentionner les sources des emprunts que contenait l’exposé litigieux, en demandant crédit pour un texte dont il n’était en grande partie pas l’auteur et en créant un risque d’atteinte à la réputation de la FRA, n’a pas fait preuve d’un comportement au-dessus de tout soupçon, afin que les liens de confiance existant entre la FRA et lui-même soient toujours préservés, comme l’exige l’obligation de loyauté.

240    Tout d’abord, le requérant n’a pas réglé sa conduite en ayant uniquement en vue les intérêts de l’Union, au sens de l’article 11 du statut, mais a exclusivement poursuivi son propre intérêt en présentant délibérément le travail d’autrui comme étant son propre travail, afin d’en obtenir crédit.

241    Ensuite, le fait, pour un agent de la FRA, de faire passer le travail d’autrui pour le sien est de nature à porter atteinte à la dignité de sa fonction, au sens de l’article 12 du statut, ainsi qu’à porter atteinte à la réputation de la FRA. Un agent de la FRA, voire un fonctionnaire ou un agent de toute institution, de tout organe ou de tout organisme de l’Union, se doit non seulement de respecter le travail des autres, mais également de fournir un travail de qualité, qui résulte d’une réflexion, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que la majeure partie de l’exposé litigieux résulte de copiages et que l’analyse du requérant se limite aux sections 4 et 5 de cet exposé, qui correspondent à quatre pages.

242    Enfin, le requérant n’a pas réellement exécuté la tâche qui lui avait été confiée, au sens de l’article 21 du statut, car, au-delà d’avoir présenté le travail d’autrui comme le sien, il n’a pas procédé à une véritable analyse personnelle de la question qu’il devait traiter. En outre, le requérant n’a pas correctement assisté ses supérieurs, également au sens de l’article 21 du statut, puisque, en leur présentant l’exposé litigieux comme un document répondant aux exigences professionnelles s’imposant à lui, sur lequel ils pouvaient, le cas échéant, s’appuyer pour une diffusion vers l’extérieur, il les exposait au risque d’être placés dans une situation délicate et embarrassante.

243    Ainsi, les conclusions de l’avis du conseil de discipline relatives à la violation des articles 11, 12 et 21 du statut, entérinées par le directeur de la FRA, sont raisonnables et fondées en droit, dès lors que, au travers de ses agissements, le requérant a eu en vue non pas uniquement les intérêts de l’Union, mais ses propres intérêts, a porté atteinte à la dignité de sa fonction, n’a pas assisté ni conseillé ses supérieurs et n’a pas correctement exécuté les tâches qui lui étaient confiées.

244    Dès lors, la FRA a régulièrement établi que les actions du requérant constituaient une violation des articles 11, 12 et 21 du statut. Le quatrième moyen, et le deuxième moyen en ce qu’il vise une violation de l’exigence d’un niveau de preuve élevé dans les enquêtes administratives et dans les procédures disciplinaires doivent donc être rejetés comme étant non fondés.

i)      Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité 

245    Le requérant soutient à titre subsidiaire que, en infligeant la sanction de révocation, qui est la sanction la plus grave dans l’éventail des sanctions possibles, la FRA a agi de façon disproportionnée au regard des faits reprochés. Or, la FRA n’indiquerait pas les raisons pour lesquelles elle n’a pas suivi l’avis du conseil de discipline à cet égard.

246    La FRA conteste les arguments du requérant.

247    À cet égard, il convient de rappeler que les termes de l’article 86, paragraphe 1, du statut posent comme principe que tout manquement d’un fonctionnaire à ses obligations statutaires est susceptible d’entraîner l’application d’une sanction disciplinaire à l’intéressé. Selon l’article 10 de l’annexe IX du statut, « [l]a sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise ». Sont énumérés de manière non exhaustive audit article, sous a) à i), les critères dont l’AIPN doit tenir compte pour déterminer la gravité de la faute et pour décider de la sanction à infliger.

248    Selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à une appréciation de la responsabilité du fonctionnaire différente de celle portée par le conseil de discipline ainsi que de choisir, par la suite, la sanction disciplinaire qu’elle estime adéquate pour sanctionner les fautes disciplinaires retenues (voir arrêt du 17 mai 2000, Tzikis/Commission, T‑203/98, EU:T:2000:130, point 48 et jurisprudence citée).

249    Il y a lieu de rappeler également que le Tribunal exerce un contrôle entier sur la matérialité des faits et sur la bonne application des règles de droit pertinentes, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 211 et 212 ci-dessus.

250    De même, le juge de l’Union exerce un contrôle complet sur la qualification des faits (voir, en ce sens, arrêts du 21 juin 2012, BNP Paribas et BNL/Commission, C‑452/10 P, EU:C:2012:366, point 102, et du 7 novembre 2013, Cortivo/Parlement, F‑52/12, EU:F:2013:173, point 41) au regard de notions juridiques objectives. Il exerce, en particulier, un tel contrôle sur la question de savoir si un fait relève ou non des notions légales de circonstances aggravantes ou atténuantes.

251    Enfin, bien que le statut ne prévoie pas de rapport fixe entre les sanctions disciplinaires qu’il indique et les différentes sortes de manquements pouvant être commis par les fonctionnaires et qu’il ne précise pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction, le respect de l’article 47 de la Charte suppose qu’une « peine » imposée par une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions prévues à cet article, comme c’est le cas, en l’espèce, de l’AHCC, subisse le contrôle ultérieur d’un organe juridictionnel ayant le pouvoir d’apprécier pleinement la proportionnalité entre la faute et la sanction (voir arrêt du 15 mai 2012, Nijs/Cour des comptes, T‑184/11 P, EU:T:2012:236, point 85 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2010, Andreasen/Commission, T‑17/08 P, EU:T:2010:374, points 146 et 147 ; Cour EDH, 31 mars 2015, Andreasen c. Royaume-Uni et 26 autres États membres de l’Union européenne, CE:ECHR:2015:0331DEC002882711, point 73). À ce titre, le juge de l’Union vérifie notamment si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’autorité disciplinaire a été effectuée de façon proportionnée (arrêt du 16 mars 2004, Afari/BCE, T‑11/03, EU:T:2004:77, point 203).

252    Il convient donc d’apprécier les arguments avancés par le requérant concernant une prétendue violation du principe de proportionnalité.

253    Il y a lieu de relever que le directeur de la FRA a noté dans la décision de révocation, à juste titre, que le conseil de discipline n’avait pas fait état de circonstances atténuantes, mais seulement de circonstances aggravantes.

254    Il s’ensuit qu’il convient d’examiner la matérialité des faits avancés par le requérant pour démontrer l’existence de circonstances atténuantes.

255    Premièrement, s’agissant de l’absence d’une quelconque intention délictuelle de la part du requérant, dont ce dernier se prévaut en tant que circonstance atténuante, il y a lieu de relever que, comme l’AHCC l’a exposé dans la décision de révocation, le conseil de discipline a établi que le requérant avait agi délibérément et était le seul responsable de ses actions et que, comme elle l’a indiqué dans la décision de rejet de la réclamation, le requérant avait délibérément présenté l’exposé litigieux comme étant le fruit de son propre travail, n’avait pas informé ses supérieurs du manque de références et avait essayé d’obtenir crédit pour l’exposé litigieux lors de son évaluation pour l’année 2016. Or, ces faits ont été établis à suffisance de droit par l’administration (voir points 215 à 224 ci-dessus), de sorte que le requérant ne saurait utilement se prévaloir d’une circonstance atténuante à cet égard.

256    Deuxièmement, en ce qui concerne la circonstance atténuante liée à l’absence de conséquence pour la FRA du comportement du requérant dans la mesure où l’exposé litigieux n’a jamais été rendu public et n’a pas porté atteinte à la réputation de la FRA, l’AHCC a exposé dans la décision de révocation qu’il n’y avait pas eu d’effet sur la réputation de la FRA, mais que le requérant avait, seul et délibérément, exposé témérairement la FRA à un risque sérieux d’atteinte à sa réputation, ce qui constituerait un manquement sérieux au devoir de loyauté du requérant. Dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a ajouté, à cet égard, qu’elle avait identifié des indices tangibles permettant de penser qu’il existait un risque que de telles violations du statut se reproduisent dans le futur et que le partage de l’exposé litigieux par le biais du SGD avait présenté un risque que ce document fût utilisé pour la préparation d’autres documents. À cet égard, il résulte des points 225 et 226 ci-dessus que le risque d’atteinte à la réputation de la FRA était réel. Par conséquent, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne saurait être considéré que l’absence d’atteinte concrète à la réputation de la FRA constitue une circonstance atténuante.

257    Troisièmement, en ce qui concerne la présentation par le requérant d’excuses sincères et l’assurance que le comportement reproché ne se reproduirait plus, l’AHCC a exposé dans la décision de révocation que l’exclusion d’un risque de récidive n’était pas crédible dans la mesure où un juriste tel que le requérant, avec son expérience professionnelle, n’aurait jamais dû agir de cette façon et où le requérant ne semblait pas comprendre la gravité de sa conduite. Il y a lieu de souligner, à cet égard, que le requérant n’a présenté ses excuses que le 24 octobre 2019, soit après que le directeur de la FRA l’avait informé de son intention de lui infliger la sanction de révocation. Ces excuses ayant été présentées tardivement, elles ne sauraient être retenues comme circonstance atténuante.

258    Enfin, quatrièmement, s’agissant des éléments de preuve relatifs aux prestations satisfaisantes du requérant, il y a lieu de rappeler que l’article 10 de l’annexe IX du statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions prévues par cette annexe et des catégories de manquements, mais énonce de façon non exhaustive des critères dont l’AIPN doit tenir compte dans le choix de la sanction pour se conformer à l’exigence de proportionnalité. Parmi ces critères, figure « la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière ». À cet égard, l’AHCC a exposé dans la décision de révocation que, au vu de l’attitude du requérant au cours de la procédure et du manque de conscience de sa part de la gravité des violations de ses obligations professionnelles, ses prestations satisfaisantes n’avaient aucune conséquence sur la réalité ni sur la gravité desdites violations. Ainsi, bien que les prestations passées puissent constituer une circonstance susceptible d’atténuer la gravité d’un manquement, et donc la sanction encourue, il y a lieu de relever que, en l’espèce, les prestations passées du requérant n’étaient pas de nature à remettre en cause la conclusion selon laquelle le lien de confiance entre la FRA et le requérant était absolument et irrémédiablement rompu, notamment à cause de la nature délibérée des actions du requérant.

259    Au regard de ces considérations et de la gravité des comportements reprochés, il convient de considérer que l’AHCC n’a pas commis d’erreur d’appréciation dans la prise en considération et dans la pondération des circonstances atténuantes et aggravantes du cas d’espèce.

260    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, la FRA a bien indiqué les raisons pour lesquelles les violations commises par le requérant étaient de nature à justifier la révocation de ce dernier. En outre, eu égard à l’ensemble de ce qui précède, il convient de considérer que c’est sans commettre d’erreur que la FRA a pu considérer que les violations commises par le requérant étaient de nature à entraîner la révocation de celui-ci.

261    Ainsi, c’est à juste titre que le directeur de la FRA a retenu que la sanction de rétrogradation, proposée par le conseil de discipline, ne reflétait pas suffisamment la gravité des violations commises par le requérant.

262    À la lumière des considérations qui précèdent, il convient de constater, d’une part, que le requérant n’a avancé aucun élément permettant de considérer que l’AHCC avait commis une erreur d’appréciation et, d’autre part, que la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes a été effectuée par l’AHCC de façon proportionnée, de sorte qu’aucun élément ne permet de considérer que la sanction infligée est disproportionnée au regard des comportements reprochés.

263    Il s’ensuit que le neuvième moyen doit être rejeté comme étant non fondé, de même, partant, que les conclusions en annulation dans leur intégralité.

C.      Sur le troisième chef de conclusions, tendant à réparer les préjudices que le requérant aurait subis

264    S’agissant des conclusions indemnitaires, le requérant entend se prévaloir, d’une part, de l’illégalité de la décision de révocation et, d’autre part, du non-respect du délai raisonnable, dans le cadre duquel il inclut la violation du principe de bonne administration, du devoir de sollicitude et de l’article 22 de l’annexe IX du statut.

1.      Sur les conclusions indemnitaires présentées conjointement aux conclusions en annulation

265    Le requérant sollicite du Tribunal qu’il condamne la FRA à réparer le préjudice matériel qu’il aurait subi en raison de la perte de revenus au regard de son salaire net plein, comprenant toutes les allocations, jusqu’à la date de sa réintégration complète au sein de la FRA, avec majoration pour intérêts de retard. En outre, il demande réparation du préjudice moral qu’il aurait subi et qu’il évalue ex æquo et bono à 50 000 euros. Le préjudice moral consisterait dans les incidences sur sa réputation, sur sa dignité, sur son droit à la vie privée et à la protection de ses données à caractère personnel et sur son droit à une vie familiale ainsi que dans l’humiliation, l’anxiété, le stress, le sentiment d’injustice et la réduction de ses chances de trouver un autre emploi.

266    Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, des conclusions indemnitaires, présentées conjointement à des conclusions en annulation dépourvues de tout fondement en droit, sont elles-mêmes dépourvues d’un tel fondement si elles sont étroitement liées à ces dernières (arrêts du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, EU:T:2003:254, point 43, et du 28 février 2018, Paulini/BCE, T‑764/16, non publié, EU:T:2018:101, point 86).

267    Partant, dès lors que les préjudices allégués trouveraient leur origine dans la décision de révocation et que les conclusions en annulation de cette dernière ont été rejetées comme étant dépourvues de tout fondement en droit ainsi qu’il ressort du point 263 ci-dessus, il y a lieu de rejeter également les conclusions indemnitaires présentées conjointement aux conclusions en annulation.

2.      Sur le chef d’illégalité, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, d’une violation du délai raisonnable et d’une violation de l’article 22 de l’annexe IX du statut

268    Le requérant soutient que l’enquête administrative et la procédure disciplinaire n’ont pas été menées dans un délai raisonnable. En conséquence, il y aurait lieu de lui accorder réparation pour le préjudice causé.

269    La FRA conteste les arguments du requérant.

270    À titre liminaire, il convient de relever que la FRA soutient que le requérant ne développe que le grief relatif au non-respect du délai raisonnable et que, par conséquent, les griefs relatifs à la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude sont irrecevables en raison de leur manque de clarté et de structure. À cet égard, il convient de constater que l’obligation de mener la procédure disciplinaire dans un délai raisonnable découle du principe de bonne administration (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2000, Teixeira Neves/Cour de justice, T‑259/97, EU:T:2000:208, point 123, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F‑73/13, EU:F:2015:9, point 174) et du devoir de sollicitude (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, points 104 et 105).

271    Il convient, dès lors, de conclure que le chef d’illégalité est recevable dans son ensemble et d’en examiner le bien-fondé.

272    Il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence constante, dans le contentieux de la fonction publique, l’engagement de la responsabilité d’une institution, d’un organe ou d’un organisme de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement qui lui est reproché, la réalité du préjudice allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice allégué, ces trois conditions étant cumulatives (voir arrêt du 3 octobre 2019, DQ e.a./Parlement, T‑730/18, EU:T:2019:725, point 47 et jurisprudence citée).

273    Il importe de rappeler que le statut fixe à la section 5 de son annexe IX des délais pour le déroulement de la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline. Ainsi, l’article 18 de cette annexe dispose que le conseil de discipline transmet un avis motivé à l’AIPN et au fonctionnaire concerné dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du rapport de l’AIPN, pour autant que ce délai soit adapté à la complexité du dossier. L’article 22, paragraphe 1, de la même annexe prévoit que, après avoir entendu le fonctionnaire concerné, l’AIPN prend sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline. Or, le statut ne fixe pas, à la section 1 de son annexe IX, des délais pour le déroulement de l’enquête.

274    Il est de jurisprudence constante que, hormis les délais de prescription, les délais prévus pour encadrer, d’un point de vue temporel, le déroulement d’une procédure disciplinaire ne sont, en principe, pas péremptoires. En l’absence d’une volonté clairement exprimée dans les textes applicables de limiter, par souci de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, le temps pendant lequel l’administration peut agir, ces délais constituent avant tout une règle de bonne administration qui impose à l’institution de mener avec diligence la procédure disciplinaire et d’agir de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l’acte précédent (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, DI/BCE, T‑514/19, sous pourvoi, EU:T:2021:332, point 177 et jurisprudence citée). Quant au devoir de sollicitude, il a également été jugé que sa violation au titre d’une absence de célérité pouvait engager la responsabilité de l’institution concernée pour le préjudice éventuellement causé, mais qu’elle ne saurait affecter, par elle-même, la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, points 104 et 105).

275    Le caractère raisonnable de la durée de la procédure disciplinaire doit être apprécié en fonction des circonstances propres de chaque affaire et, notamment, de l’enjeu du litige pour l’intéressé, de la complexité de l’affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes. Aucun facteur particulier n’est déterminant. Il convient d’examiner chacun d’eux de manière séparée, puis d’évaluer leur effet cumulé. Certains exemples de retard imputables à l’AIPN peuvent ne pas paraître déraisonnables s’ils sont considérés isolément, mais être déraisonnables s’ils sont pris ensemble. Les exigences en matière de diligence procédurale ne vont cependant pas au-delà de celles qui sont compatibles avec le principe de bonne administration. Lorsque, en raison de décisions prises par l’AIPN, une procédure a dépassé ce que l’on considérerait normalement comme une durée raisonnable, c’est à cette autorité qu’il incombe d’établir l’existence de circonstances particulières de nature à justifier ce dépassement (voir, en ce sens, arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, points 137 à 139 et jurisprudence citée).

276    Afin de vérifier, à la lumière de ces principes, si, d’une part, la phase antérieure à la procédure disciplinaire et, d’autre part, la procédure disciplinaire proprement dite se sont déroulées dans un délai raisonnable, il convient, d’abord, de rappeler les principales étapes de la procédure administrative, avant d’examiner si la durée objectivement constatée doit être considérée comme raisonnable ou non.

277    En l’espèce, l’enquête administrative a été ouverte le 23 mars 2018 et le rapport d’enquête a été remis le 23 juillet 2018, soit à l’issue d’une période totale de quatre mois. Au cours de ces quatre mois, l’enquêteur a organisé l’audition de sept témoins et du requérant, qui s’est déroulée un mois après l’ouverture de l’enquête, à savoir les 23 et 24 avril 2018. Le 17 juin 2018, soit moins de deux mois plus tard, l’enquêteur a transmis au requérant ses conclusions préliminaires. Le requérant a formulé des observations sur lesdites conclusions dans un délai de moins d’un mois, puisqu’il les a transmises le 2 juillet 2018. L’enquêteur a donc remis son rapport d’enquête un peu plus de 20 jours après la réception desdites observations du requérant. Il ressort de ce qui précède que les délais écoulés entre chaque étape ont été raisonnables. En particulier, le fait que l’enquêteur a rendu ses conclusions préliminaires moins de deux mois après l’audition témoigne d’une célérité adéquate puisqu’il lui fallait analyser à la fois le dossier de preuves et les témoignages recueillis auprès de huit personnes.

278    Le requérant a disposé d’un peu moins de trois mois pour la préparation de son audition du 15 octobre 2018 et de sa déclaration écrite, après quoi la procédure disciplinaire a été ouverte le 23 octobre 2018, trois mois exactement après la remise du rapport d’enquête. Il est vrai que le directeur de la FRA n’a produit le rapport prévu à l’article 12 de l’annexe IX du statut que le 27 février 2019, soit un peu plus de quatre mois après la décision d’ouverture de la procédure disciplinaire. De plus, l’avis du conseil de discipline a été rendu le 7 mai 2019, soit un peu plus de deux mois après la réception du rapport du directeur de la FRA. Durant la période de ces deux mois, le conseil de discipline a reçu le mémoire en défense du requérant, le 21 mars 2019, et a organisé une audition de celui-ci, qui a eu lieu le 22 mars 2019. Ainsi, s’il est vrai que le conseil de discipline n’a pas émis son avis dans les deux mois, jour pour jour, suivant la réception du rapport du directeur de la FRA, il n’en demeure pas moins que cet avis a été rendu dans un délai raisonnable et que l’audition du requérant a été réalisée moins d’un mois après la réception dudit rapport, ce qui démontre la diligence du conseil de discipline dans la conduite de la procédure.

279    Il convient de relever que le délai de deux mois prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut pour l’adoption de la décision de l’AIPN, ou de l’AHCC, n’a pas été respecté en l’espèce. En effet, la décision de révocation a été adoptée par l’AHCC le 12 novembre 2019, soit plus de six mois après que celle-ci avait reçu l’avis du conseil de discipline.

280    Cela étant, il est également de jurisprudence constante que le délai prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut n’est pas un délai péremptoire. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que cette disposition énonce une règle de bonne administration dont le but est d’éviter, dans l’intérêt tant de l’administration que des fonctionnaires, un retard injustifié dans l’adoption de la décision qui met fin à la procédure disciplinaire (arrêts du 18 juin 2015, CX/Commission, F‑27/13, EU:F:2015:60, point 38, et du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 121). En l’espèce, le temps écoulé entre la réception par l’AHCC de l’avis du conseil de discipline, à supposer que cette réception ait été immédiate après que cet avis a été rendu, et l’adoption de la décision de révocation n’a pas dépassé les limites du raisonnable. Il convient de relever que, le 11 juillet 2019, le requérant a été entendu par le directeur de la FRA au titre de l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut. Ainsi, le requérant a disposé d’un peu plus de deux mois pour prendre connaissance de l’avis du conseil de discipline et pour préparer cette audition ainsi que ses observations écrites, comportant quatorze pages et sept annexes, y compris un document daté du 4 juillet 2019 que le requérant n’aurait pas été en mesure de soumettre si son audition avait eu lieu plus tôt. Enfin, le directeur de la FRA a transmis au requérant le 11 octobre 2019, soit trois mois plus tard, sa note par laquelle il l’informait de son intention de lui infliger une sanction de révocation. Le 24 octobre 2019, le requérant a transmis ses observations. Dès lors, s’il est vrai que l’AHCC n’a pas pris sa décision dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil de discipline, la complexité du dossier, attestée par le caractère volumineux du dossier administratif, la nature détaillée des arguments du requérant et, surtout, le souci d’entendre le requérant à plusieurs reprises justifient les délais écoulés.

281    Reste à examiner si l’ensemble de ces étapes et, dès lors, la durée totale de la procédure disciplinaire, a été maintenu dans des limites raisonnables. Or, même s’il est vrai que la phase précédant la procédure disciplinaire et cette procédure disciplinaire ont globalement duré environ un an et huit mois, au vu des conclusions précédentes, le requérant ne saurait valablement soutenir que celles-ci se sont déroulées dans des délais déraisonnables dans leur ensemble. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et, en particulier, du fait que le requérant a fait usage de l’opportunité de présenter ses observations de façon détaillée à chaque étape de la procédure, la durée de celle-ci s’explique par la complexité évidente de l’affaire, comme il ressort clairement du volume du dossier administratif, et par l’intensité du débat contradictoire. Ainsi, prise dans son ensemble, la procédure a eu une durée raisonnable.

282    Dans la mesure où, outre l’établissement d’une illégalité commise par l’administration, il faut que la réalité du préjudice allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement reproché et le préjudice allégué soient prouvées à suffisance de droit pour engager la responsabilité de l’administration (voir point 272 ci-dessus), le non-respect du délai prévu par l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut ne suffit pas pour accueillir la conclusion en indemnités du requérant.

283    Il est certes admis dans la jurisprudence qu’une procédure disciplinaire place tout fonctionnaire dans une situation d’incertitude quant à son avenir professionnel, lui causant nécessairement un certain stress et une certaine anxiété. Lorsque cette incertitude perdure pendant une durée excessive, l’intensité du stress et de l’anxiété causés au fonctionnaire augmente au-delà de ce qui est justifiable. Ainsi, la durée excessive d’une procédure disciplinaire doit être considérée comme faisant présumer l’existence d’un préjudice moral chez l’intéressé (arrêt du 13 janvier 2010, A et G/Commission, F‑124/05 et F‑96/06, EU:F:2010:2, point 147).

284    Toutefois, comme jugé au point 281 ci-dessus, la durée de la procédure prise dans son ensemble n’a pas été excessive, de sorte que l’existence d’un préjudice moral résultant du non-respect du délai prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut ne saurait être présumée en l’espèce.

285    Si le requérant soutient, au point 141 de la requête, que son préjudice moral est également dû « à la durée excessive de la procédure tout entière, qui n’[aurait eu] aucune raison d’être ouverte en premier lieu et qui a aggravé davantage son préjudice psychologique », il ressort de la lecture des points 138 à 143 de la requête que le stress et l’anxiété que le requérant aurait subis en l’espèce étaient liés à l’ouverture de la procédure et au contenu des accusations portées contre lui, de nature à entacher, selon lui, sa réputation, sa dignité, son droit à la vie privée et familiale ainsi qu’à la protection de ses données à caractère personnel. Le requérant soutient aussi que l’absence d’examen correct par la FRA des nombreuses objections qu’il a soulevées tout au long de la procédure lui a également causé du stress et de l’anxiété accompagnés d’un profond sentiment d’injustice.

286    Il en ressort que le préjudice moral que le requérant aurait subi pendant la période comprise entre l’émission de l’avis du conseil de discipline et l’adoption de la décision de révocation ne saurait être imputé à la durée de cette période, pendant laquelle il avait encore la possibilité de se défendre devant l’AHCC, mais au fait que ses objections n’ont pas été accueillies par l’AHCC. Les arguments du requérant relatifs à l’illégalité de l’ouverture de la procédure, à la violation de ses droits de la défense, à l’absence de neutralité et d’objectivité de l’enquêteur et de l’AHCC, au non-respect de son droit à la protection de ses données à caractère personnel et au caractère non fondé des accusations retenues à son égard ont été rejetés dans le cadre de l’examen de ses conclusions en annulation, de sorte que le préjudice moral qui serait lié aux comportements dénoncés dans ces différents arguments ne saurait être indemnisé. Par conséquent, il n’est pas établi, en ce qui concerne le requérant, de préjudice moral ayant un lien de causalité avec le dépassement du délai prévu à l’article 22, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut.

287    Il ressort de ce qui précède que les conclusions en indemnité en ce qu’elles se basent sur la violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, du délai raisonnable et de l’article 22 de l’annexe IX du statut doivent également être rejetées, de même, partant, que le recours dans son ensemble.

D.      Sur les demandes de mesure d’organisation de la procédure

288    Le requérant sollicite du Tribunal qu’il ordonne à la FRA de produire les documents suivants, à titre de mesures d’organisation de la procédure.

289    Premièrement, le requérant sollicite la production de tous les ordres de paiement, de toutes les décisions d’attribution, y compris les justificatifs et les notes au dossier, de tous les bons de commandes et de tous les contrats liant la FRA ou l’EUMC à l’enquêteur (ci-après la « première demande de mesure d’organisation de la procédure »).

290    Deuxièmement, le requérant sollicite la production de l’audit juridique externe relatif au signalement des actes répréhensibles par des membres du personnel et d’anciens membres du personnel qu’il avait été demandé à l’enquêteur de réaliser et pour lequel celui-ci avait été rémunéré en 2013 (ci-après la « deuxième demande de mesure d’organisation de la procédure »).

291    Troisièmement, le requérant sollicite la production de la correspondance et de l’avis, du conseil ou de la consultation juridique rédigé par un cabinet d’avocats autrichien en matière de droits de propriété intellectuelle en 2018 ou en 2019 (ci-après la « troisième demande de mesure d’organisation de la procédure »).

1.      Sur les première et deuxième demandes de mesure d’organisation de la procédure

292    La finalité des première et deuxième demandes de mesure d’organisation de la procédure serait d’éclairer le Tribunal quant à l’existence d’une possible absence d’impartialité de l’enquêteur, alléguée dans le cadre du septième moyen.

293    Selon la jurisprudence, pour permettre au Tribunal de déterminer s’il est utile au bon déroulement de la procédure d’ordonner la production de certains documents, la partie qui en fait la demande doit non seulement identifier les documents sollicités, mais aussi fournir un minimum d’éléments accréditant l’utilité de ces documents pour les besoins de l’instance (voir arrêt du 13 décembre 2018, Pipiliagkas/Commission, T‑689/16, non publié, EU:T:2018:925, point 83 et jurisprudence citée).

294    Or, il convient de relever que la FRA a détaillé les éléments essentiels des documents dont le requérant demande la production. Ces informations, non contestées par le requérant, sont suffisantes pour apprécier la nature de la relation entre la FRA et l’enquêteur. Ainsi le requérant reste en défaut d’accréditer l’utilité de ces documents.

295    En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi (voir arrêt du 13 décembre 2018, Pipiliagkas/Commission, T‑689/16, non publié, EU:T:2018:925, point 87 et jurisprudence citée). Or, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier.

296    Ainsi, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de donner suite auxdites demandes du requérant.

2.      Sur la troisième demande de mesure d’organisation de la procédure

297    Le requérant sollicite la production de la correspondance et de l’avis, du conseil ou de la consultation juridique rédigé par un cabinet d’avocats autrichien en matière de droits de propriété intellectuelle en 2018 ou en 2019.

298    La finalité de cette troisième demande de mesure d’organisation de la procédure serait d’éclairer le Tribunal quant à la question de savoir si la conduite du requérant a violé la loi autrichienne relative au droit d’auteur, selon l’argumentation développée dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen. À cet égard, le requérant soutient que le principe de sécurité juridique a été violé dans la mesure où la loi autrichienne relative au droit d’auteur ne contient aucune interdiction de plagiat.

299    Cette demande est dépourvue de toute pertinence. En effet, ainsi qu’il a été établi au point 79 ci-dessus dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du premier moyen, la relation de travail entre un fonctionnaire et son institution est exclusivement régie par le statut et le Tribunal applique uniquement le droit de la fonction publique de l’Union, et non un quelconque droit national.

300    Dès lors, il n’y a pas lieu de donner suite à ladite demande du requérant.

IV.    Sur les dépens

301    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

302    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la FRA, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      DD est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA).

Madise

Nihoul

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la demande d’omission de données envers le public

B. Sur les premier et deuxième chefs de conclusions, tendant à l’annulation de la décision de révocation et de la décision de rejet de la réclamation

1. Sur l’objet des conclusions en annulation

2. Sur le fond

a) Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique, d’erreurs de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, de la loi autrichienne relative au droit d’auteur et de la violation de l’article 11 de la Charte

1) Sur la première branche du premier moyen

2) Sur la deuxième branche du premier moyen

3) Sur la troisième branche du premier moyen

b) Sur le cinquième moyen, tiré de l’ouverture irrégulière de l’enquête administrative en l’absence d’un commencement de preuve et de l’ouverture irrégulière de la procédure disciplinaire

c) Sur le sixième moyen, tiré du non-respect du cadre de l’enquête par l’enquêteur, de la violation de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision 2013/01 du conseil d’administration de la FRA, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a) à d), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement 2018/1725 ainsi que de l’article 4, paragraphe 1, sous a) à d), et de l’article 5, paragraphe 1, sous a), du règlement no 45/2001, et du non-respect des effets d’un arrêt d’annulation

d) Sur le huitième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, en particulier du droit d’être entendu, de la violation des articles 1er et 2 ainsi que de l’article 12 de l’annexe IX du statut

e) Sur le deuxième moyen en ce qu’il vise une violation du principe de bonne administration ainsi que du devoir de diligence, du devoir de sollicitude et du devoir de rester mesuré dans les propos

f) Sur le septième moyen, tiré d’un défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’enquêteur, et sur le troisième moyen en ce qu’il vise un abus de pouvoir et un défaut d’impartialité, de neutralité et d’objectivité de l’AHCC

g) Sur les deuxième et troisième moyens en ce qu’ils visent une violation de la présomption d’innocence

h) Sur le quatrième moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la violation par le requérant des articles 11, 12 et 21 du statut, et sur le deuxième moyen en ce qu’il vise une violation de l’exigence d’un niveau de preuve élevé dans les enquêtes administratives et dans les procédures disciplinaires

i) Sur le neuvième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

C. Sur le troisième chef de conclusions, tendant à réparer les préjudices que le requérant aurait subis

1. Sur les conclusions indemnitaires présentées conjointement aux conclusions en annulation

2. Sur le chef d’illégalité, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, d’une violation du délai raisonnable et d’une violation de l’article 22 de l’annexe IX du statut

D. Sur les demandes de mesure d’organisation de la procédure

1. Sur les première et deuxième demandes de mesure d’organisation de la procédure

2. Sur la troisième demande de mesure d’organisation de la procédure

IV. Sur les dépens

Table des matières


*      Langue de procédure : l’anglais.