Language of document : ECLI:EU:T:2023:344

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 juin 2023 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire représentant un creuset – Dessin ou modèle antérieur – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Absence d’impression globale différente – Divulgation du dessin ou modèle antérieur – Articles 6, 7 et article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 6/2002 – Preuves déposées dans une langue autre que la langue de procédure – Article 29, paragraphes 1 et 5, et article 81, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 2245/2002 – Faits invoqués ou preuves produites pour la première fois devant la chambre de recours – Article 63 du règlement n° 6/2002 »

Dans l’affaire T‑347/22,

Rauch Furnace Technology GmbH, établie à Gmunden (Autriche), représentée par Me M. Traxler, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme E. Nicolás Gómez et M. D. Hanf, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Musto et Bureau Srl, établie à Osteria Grande (Italie), représentée par Me F. De Sanzuane, avocat,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et W. Valasidis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3 du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Rauch Furnace Technology GmbH, demande l’annulation de la décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 mars 2022 (affaire R 1697/2021‑3) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 8 juin 2020, l’intervenante, Musto et Bureau Srl, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité du dessin ou modèle communautaire n° 7 737 143-0001 enregistré à la suite d’une demande déposée le 6 mars 2020, qui est représenté dans les vues suivantes :

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1.1


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1.2

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1.5

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3        Le produit auquel le dessin ou modèle, dont la nullité était demandée, était destiné à être appliqué relevait de la classe 15-99 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels, tel que modifié, et correspondait à la description suivante : « Creusets ».

4        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 25, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), lu conjointement avec les articles 4 à 8 dudit règlement.

5        La demande en nullité était notamment fondée sur l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire contesté ainsi que sur le fait que ses caractéristiques répondaient à des fonctions exclusivement techniques.

6        Le 2 août 2021, la division d’annulation a rejeté la demande de nullité.

7        Le 30 septembre 2021, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation, fondé sur les mêmes motifs que ceux présentés à l’appui de la demande en nullité.

8        Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours. Premièrement, elle a décidé que certains documents présentés par l’intervenante pour la première fois devant elle n’étaient pas tardifs et devaient être pris en considération. Deuxièmement, elle a considéré que, par ces documents, l’intervenante avait prouvé la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur. Troisièmement, elle a estimé que le dessin ou modèle communautaire contesté et le dessin ou modèle antérieur ne produiraient pas une impression globale différente sur l’utilisateur averti. Quatrièmement, elle a déduit de ces appréciations que le dessin ou modèle communautaire contesté était dépourvu de caractère individuel et que son enregistrement devait être annulé.

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, y compris l’annulation du dessin ou modèle communautaire contesté ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        si une audience est organisée, condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée et, partant, « constater l’invalidité et annulation » du dessin ou modèle communautaire contesté ;

–        condamner la requérante aux dépens relatifs à la présente instance et à ceux de la procédure de recours.

 En droit

 Sur la tenue d’une audience et la demande de mesure d’instruction présentée par l’intervenante

12      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 13 octobre 2022, soit avant l’expiration du délai prévu à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, l’intervenante a présenté une demande tendant à ce que le Tribunal entende ses administrateurs dans leurs observations relatives à sept éléments de preuve, dont les cinq premiers ont été annexés à son mémoire en réponse, le sixième a été annexé à la requête et le septième consiste en un dessin technique reproduit au point 58 de son mémoire en réponse.

13      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 8 novembre 2022, la requérante a indiqué que la lettre de l’intervenante du 13 octobre 2022 mentionnée au point 12 ci-dessus ne satisfaisait pas aux exigences prévues au point 142 des dispositions pratiques d’exécution du règlement de procédure du Tribunal et a demandé au Tribunal de ne pas faire droit à la demande d’audience présentée par l’intervenante.

14      Par lettre enregistrée au greffe du Tribunal le 30 novembre 2022, l’EUIPO a fait connaître son opposition à ce que la lettre de l’intervenante du 13 octobre 2022 mentionnée au point 12 ci-dessus soit considérée comme une demande d’audience au sens de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure. Selon l’EUIPO, cette lettre devrait plutôt être considérée comme une demande de mesure d’instruction. Or celle-ci porterait sur des éléments de preuve présentés pour la première fois devant le Tribunal et étendrait l’objet du litige au-delà de ce qui a été statué dans la décision attaquée. Cette demande de mesure d’instruction devrait, à ce titre, être rejetée comme irrecevable. Elle serait, par surcroît, insuffisamment motivée.

15      Par lettre déposée le 16 décembre 2022, l’intervenante a maintenu sa demande d’audience afin de permettre à ses administrateurs d’être entendus comme témoins dans leur langue maternelle, à savoir l’italien.

16      Force est de constater que la demande présentée par l’intervenante le 13 octobre 2022 (voir point 12 ci-dessus) consiste en un paragraphe et un tableau indiquant les éléments de preuve sur lesquels l’intervenante souhaite que ses administrateurs soient entendus comme témoins lors d’une audience. Ladite demande, en revanche, ne comporte aucune indication des éléments ou des arguments que l’intervenante souhaiterait, par l’intermédiaire de son représentant, développer ou réfuter lors d’une audience de plaidoirie. Elle ne saurait, dès lors, être considérée comme une demande d’audience motivée au sens de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

17      Néanmoins, dans la mesure où la lettre mentionnée au point 12 ci-dessus doit, ainsi que le fait valoir l’EUIPO, être regardée comme une demande de mesure d’instruction tendant à ce que le Tribunal entende des témoins dans leurs explications sur certains éléments de preuve, force est de constater, contrairement à ce que fait valoir l’EUIPO, que les éléments de preuve concernés n’ont pas été présentés pour la première fois devant le Tribunal. En effet, les cinq premiers et le septième sont décrits au point 13 de la décision attaquée. Quant au sixième, il est mentionné au point 4 de ladite décision. Pour autant, le Tribunal n’estime pas nécessaire de faire droit à la demande d’audition de témoins présentée par l’intervenante, dès lors que la portée et la valeur probante des éléments en cause peuvent être appréciées sans difficulté particulière à la lecture du dossier.

18      Il y a donc lieu de rejeter la demande de mesure d’instruction présentée par l’intervenante.

 Sur les conclusions de l’intervenante

19      En ce qui concerne les conclusions présentées par l’intervenante, il y a lieu de relever que celles-ci tendent, en substance, à ce que le Tribunal confirme la décision attaquée, d’une part, et l’annulation du dessin ou modèle communautaire contesté, d’autre part. À cet égard, il suffit de rappeler que, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, le Tribunal n’a pas compétence pour prononcer des arrêts confirmatifs ou déclaratoires [voir, en ce sens, ordonnance du 9 décembre 2003, Italie/Commission, C‑224/03, non publiée, EU:C:2003:658, points 20 et 21, et arrêts du 4 février 2009, Omya/Commission, T‑145/06, EU:T:2009:27, point 23 et du 2 mars 2022, Distintiva Solutions/EUIPO – Makeblock (Makeblock), T‑86/21, non publié, EU:T:2022:107, points 24 et 25].

20      Il convient néanmoins, au vu des arguments avancés dans le mémoire en réponse de l’intervenante, de requalifier ledit chef de conclusions comme tendant au rejet du recours.

 Sur l’étendue du litige

21      L’EUIPO fait valoir que, le présent litige ayant pour objet le contrôle de la légalité de la décision attaquée, les arguments qui sont avancés par la requérante et qui ne visent pas les motifs qui y ont été retenus par la chambre de recours sont dépourvus de toute incidence.

22      Il en irait ainsi de l’argument de la requérante selon lequel le dessin ou modèle communautaire contesté satisfait aux conditions prévues à l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 6/2002 ainsi que de ceux avancés à l’appui des deuxième et troisième branches du second moyen. Il en irait de même en ce qui concerne les arguments présentés dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen et de la première branche du second moyen, dans la mesure où ceux-ci visent à établir la nouveauté du dessin ou modèle communautaire contesté.

23      L’EUIPO fait valoir que l’ensemble de cette argumentation devrait être écartée comme irrecevable ou, à tout le moins, comme dépourvue de pertinence.

24      Il ressort de la jurisprudence que, eu égard aux termes de l’article 61 du règlement no 6/2002, le contrôle de légalité opéré par le Tribunal sur une décision de la chambre de recours doit se faire au regard des questions de droit qui ont été portées devant celle-ci. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas d’examiner de nouveaux moyens introduits devant lui ou de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’examen de ces nouveaux moyens et l’admission de ces preuves seraient contraires à l’article 188 du règlement de procédure selon lequel les mémoires déposés par les parties dans le cadre de la procédure devant le Tribunal ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Viejo Valle/OHMI – Établissements Coquet (Tasse et sous-tasse avec des stries et assiette creuse avec des stries), T‑566/11 et T‑567/11, EU:T:2013:549, point 63].

25      Dans la décision attaquée, la chambre de recours s’est fondée, pour accueillir le recours introduit par l’intervenante, sur le défaut de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire contesté au sens de l’article 6 du règlement n° 6/2002, en raison de la divulgation préalable du dessin ou modèle antérieur de l’intervenante au sens de l’article 7 dudit règlement.

26      Or, à l’appui de la deuxième branche du second moyen, la requérante soutient que la forme du dessin ou modèle communautaire contesté n’est pas exclusivement due à des considérations techniques, au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 6/2002. De plus, à l’appui de la troisième branche du même moyen, la requérante fait valoir que le dessin ou modèle communautaire contesté demeure visible à l’usage, si bien que le motif prévu à l’article 8, paragraphe 2, dudit règlement ne serait pas applicable.

27      À cet égard, il ressort de la lecture de la décision attaquée que la chambre de recours n’a pas considéré que les dispositions de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 6/2002 justifiaient l’annulation du dessin ou modèle communautaire contesté. La chambre de recours n’a pas non plus estimé que le dessin ou modèle communautaire contesté ne satisfaisait pas aux exigences prévues à l’article 3 dudit règlement ou que les dispositions de l’article 5 s’opposaient à son enregistrement.

28      Il s’ensuit, ainsi que le fait valoir l’EUIPO à juste titre, que, premièrement, les arguments tirés par la requérante, sans qu’ils soient rattachés à un moyen particulier, de ce que le dessin ou modèle communautaire contesté répondait à la définition prévue à l’article 3, sous a), du règlement n° 6/2002, deuxièmement, les arguments, avancés dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen ainsi que de la première branche du second moyen, selon lesquels le dessin ou modèle communautaire contesté présentait un caractère nouveau au sens de l’article 5 dudit règlement et, troisièmement, les deuxième et troisième branches du second moyen dans leur totalité, lesquelles sont exclusivement relatives à l’application de l’article 8, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, sont dépourvus de toute incidence sur la légalité de la décision attaquée et doivent, dès lors, être écartés comme inopérants.

29      Pour les mêmes raisons, les arguments par lesquels l’intervenante soutient que les dispositions de l’article 3, sous a), de l’article 5 et de l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 6/2002 s’opposent à l’enregistrement du dessin ou modèle communautaire contesté tendent à obtenir du Tribunal qu’il apprécie des questions de droit sur lesquelles la chambre de recours ne s’est pas prononcée et, dès lors, modifient le litige devant la chambre de recours au sens de l’article 188 du règlement de procédure. Il s’ensuit que ces arguments doivent être écartés d’emblée comme irrecevables.

 Sur le bien-fondé du surplus du recours

30      La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de règles procédurales et, le second, de ce que le dessin ou modèle communautaire contesté satisfait aux conditions de protection prévues aux articles 4 à 8 du règlement n° 6/2002.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de règles de procédure

–       Sur la première branche du premier moyen, prise de la violation de l’article 98, paragraphe 4, du règlement n° 6/2002

31      À l’appui de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, en application de l’article 98, paragraphe 4, du règlement n° 6/2002, la langue de la procédure était l’allemand. Or, dans la demande en nullité, l’intervenante aurait présenté un tableau rédigé en langue italienne « ou » anglaise. Ce seul motif aurait dû entraîner à lui seul le rejet de la demande en nullité dans son ensemble. En outre, l’intervenante aurait produit des éléments de preuves non rédigés dans la langue de procédure.

32      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

33      Aux termes de l’article 29, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2245/2002 de la Commission, du 21 octobre 2002, portant modalités d’application du règlement n° 6/2002 (JO 2002, L 341, p. 28), la demande en nullité est déposée dans la langue de procédure conformément à l’article 98, paragraphe 4, du règlement no 6/2002. Conformément à l’article 29, paragraphe 5, dudit règlement, lorsque les preuves fournies à l’appui de la demande ne sont pas rédigées dans la langue de la procédure en nullité, le demandeur doit en produire une traduction dans cette langue dans un délai de deux mois à compter du dépôt des preuves. Enfin, selon l’article 81, paragraphe 2, du règlement n° 2245/2002, sauf disposition contraire prévue dans ledit règlement, les documents qui doivent être utilisés dans les procédures devant l’EUIPO peuvent être produits dans une des langues officielles de l’Union et, lorsque ces documents sont rédigés dans une langue qui n’est pas celle de la procédure, l’EUIPO peut exiger qu’une traduction soit produite dans cette langue, dans le délai qu’il impartit.

34      En premier lieu, il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, en principe, les éléments de preuve présentés par les parties à une procédure de nullité devant l’EUIPO doivent être rédigés dans la langue de procédure. Si toutefois tel n’est pas le cas, l’EUIPO a la faculté d’exiger leur traduction. À cet égard, aux termes de l’article 81, paragraphe 2, du règlement n° 2245/2002, la chambre de recours dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne la nécessité d’exiger la traduction d’un élément de preuve dans la langue de procédure. Il s’ensuit que l’argument tiré par la requérante de ce que la présentation de certains éléments de preuve par l’intervenante dans une langue autre que celle de la procédure constituait un motif suffisant pour entraîner le rejet de la demande en nullité doit être écarté.

35      En deuxième lieu, la requérante conteste la prise en considération par la chambre de recours d’un catalogue rédigé en huit langues. À cet égard, il suffit d’observer que le catalogue en cause consiste en huit versions linguistiques différentes des mêmes images, dont une version rédigée dans la langue de procédure. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la chambre de recours ne pouvait prendre ledit catalogue en considération.

36      En troisième lieu, la requérante fait grief à la chambre de recours de ne pas avoir écarté comme irrecevable le tableau reproduit au point 16 de la demande en nullité, lequel consiste en une présentation de formes de creusets dont certaines descriptions sont rédigées dans des langues autres que celle de la procédure. Toutefois, la portée des images et des données, notamment les dates, figurant dans ce tableau est exposée, sans équivoque, dans la langue de procédure, aux points 16 et 17 de la demande en nullité. En outre, ainsi que le fait valoir l’EUIPO à juste titre, les appréciations de la chambre de recours relatives à la divulgation du dessin ou modèle antérieur ou à la comparaison entre l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur et celle produite par le dessin ou modèle communautaire contesté ne sont pas fondées sur ce tableau. Il s’ensuit que cet argument également doit être écarté.

37      En quatrième lieu, la requérante se plaint de ce que certains éléments de preuve n’aient pas été rédigés dans la langue de procédure. Elle reste toutefois en défaut d’identifier les éléments de preuve sur lesquels la chambre de recours se serait fondée et sur lesquels elle n’aurait pas été en mesure de présenter des observations.

38      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée de l’irrecevabilité d’éléments de preuve pris en considération par la chambre de recours

39      À l’appui de la deuxième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que, en application de l’article 63, paragraphe 2, du règlement n° 6/2002, la chambre de recours pouvait ne pas tenir compte des éléments de preuve que l’intervenante a présentés pour la première fois devant elle (ci-après les « preuves supplémentaires »). En énonçant les motifs pour lesquels elle a estimé pouvoir tenir compte des preuves supplémentaires, la chambre de recours aurait violé les conditions prévues à l’article 27, paragraphe 4, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil sur la marque de l’Union européenne, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1). En effet, selon la requérante, les preuves supplémentaires auraient pu être présentées en temps utile devant la division d’annulation et leur tardiveté ne serait pas justifiée par des raisons valables.

40      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

41      En vertu de l’article 63 du règlement n° 6/2002, dans les actions en nullité, l’examen est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties et l’EUIPO peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile. Ainsi, en règle générale et sauf disposition contraire, il n’est nullement interdit à l’EUIPO de tenir compte d’éléments de preuve présentés après l’expiration des délais prévus par le règlement n° 6/2002. En précisant que l’EUIPO « peut » décider de ne pas tenir compte de telles preuves, ladite disposition investit en effet celui-ci d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre celles-ci en compte [voir, par analogie, arrêts du 18 juillet 2013, New Yorker SHK Jeans/OHMI, C‑621/11 P, EU:C:2013:484, points 22 et 23, et du 12 décembre 2017, Hochmann Marketing/EUIPO – BitTorrent (bittorrent), T‑771/15, non publié, EU:T:2017:887, points 35 et 36 et jurisprudence citée].

42      Par ailleurs, aux termes de l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625, la chambre de recours peut accepter des faits invoqués ou des preuves produites pour la première fois devant elle uniquement si ces faits ou preuves semblent, à première vue, pertinents pour l’issue de l’affaire et n’ont pas été présentés en temps utile pour des raisons valables, en particulier lorsqu’ils viennent uniquement compléter des faits et preuves pertinents qui avaient déjà été soumis en temps utile, ou sont déposés pour contester les conclusions tirées par la première instance dans la décision objet du recours.

43      La requérante conteste que les conditions permettant à la chambre de recours de prendre en considération les preuves supplémentaires aient été réunies en l’espèce. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, ces éléments, à savoir des captures d’écran ainsi que des factures et des attestations établies par des clients de l’intervenante, n’étaient pas à première vue dépourvus de pertinence en ce qui concerne la question de savoir si le dessin ou modèle de l’intervenante avait fait l’objet d’une divulgation antérieure à la demande d’enregistrement du dessin ou modèle communautaire contesté. Par ailleurs, lesdites preuves complétaient d’autres preuves visant à établir une telle divulgation, que la division d’annulation n’avait pas toutefois pas considérées comme suffisantes. Enfin, les preuves supplémentaires ont été présentées dans le mémoire exposant les motifs du recours et la requérante a pu les contester durant la procédure de recours. La requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la présentation tardive des preuves supplémentaires a revêtu un caractère dilatoire.

44      Il s’ensuit que, en n’écartant pas les preuves supplémentaires comme irrecevables, la chambre de recours, exerçant son large pouvoir d’appréciation, a fait une correcte application des dispositions de l’article 27, paragraphe 4, du règlement 2018/625. Par suite, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, prise de ce que l’intervenante n’a pas produit de preuves appropriées

45      Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, la requérante est d’avis que, comme elle l’a soutenu à l’appui des deux premières branches, ni les preuves supplémentaires, ni les preuves non rédigées en allemand, ni les preuves sans date certaine ne pouvaient être prises en considération par la chambre de recours. Il conviendrait donc d’examiner si l’intervenante est parvenue à démontrer la divulgation antérieure d’un dessin ou modèle communautaire de nature à faire obstacle à l’enregistrement du dessin ou modèle communautaire contesté. Or, selon la requérante, aucun des éléments de preuve présentés par l’intervenante n’était de nature à établir une telle divulgation.

46      Premièrement, l’intervenante aurait joint à la demande en nullité un catalogue de produits non daté, rédigé dans huit langues, dans lequel serait représenté un « modèle n° 21 », dont ni la taille, ni la date, ni aucune autre description ne serait précisée. De plus, il s’agirait d’un document rédigé par l’intervenante elle-même, ne pouvant, dès lors, constituer une preuve de divulgation.

47      Deuxièmement, l’intervenante aurait joint à la demande en nullité quatre factures intitulées « Invoice N. 46 », « Invoice N. 52 », « Rechnung Nr. 88 » et « Rechnung Nr. 70 », datant toutes de 2010. Deux de ces factures attesteraient des ventes de creusets de magnésium d’un modèle dénommé MDO 250. Si la requérante concède que les deux autres factures sont datées, elles ne comporteraient pas, en revanche, de référence à un dessin ou modèle antérieur déterminé.

48      Troisièmement, l’intervenante aurait joint à la demande en nullité un tableau intitulé « Musto et Bureau contestazione design », dans lequel le dessin ou modèle communautaire contesté serait comparé à un dessin ou modèle communautaire antérieur portant la désignation « 250 Camera Fredda ». Or, ce tableau serait un élément de preuve purement interne et insuffisamment corroboré par d’autres éléments de preuve. Dès lors, les photographies de dessins ou modèles figurant dans ce tableau, les indications relatives à leur première commercialisation, les références faites à des factures, à des numéros de série, à des noms de modèles et à des catalogues ne permettraient pas d’établir une divulgation.

49      Quatrièmement, l’intervenante aurait présenté devant la division d’annulation des illustrations non datées du salon « Aluminium », qui s’est tenu du 9 au 11 octobre 2012 à Düsseldorf (Allemagne). Les seules illustrations datées l’auraient été par l’intervenante elle-même et leur origine ne serait pas mentionnée.

50      Cinquièmement, devant la division d’annulation, l’intervenante aurait présenté des illustrations non datées du congrès de l’International Magnesium Association, qui s’est tenu à Rome (Italie) du 15 au 17 mai 2016. Or, selon la requérante, la simple référence à des foires antérieures, en l’absence de preuve concrète de la divulgation d’un dessin ou modèle à l’occasion de ces événements, ne saurait suffire pour établir une divulgation. De même, la simple référence à une capture d’écran d’un site Internet ne saurait être prise en compte, en l’absence de la production de celle-ci.

51      Sixièmement, les deux liens vers le site Internet de l’intervenante figurant au point 21 de la demande en nullité ne comporteraient pas de date.

52      Selon la requérante, ainsi que la division d’annulation l’avait constaté à juste titre, les éléments de preuve décrits aux points 46 à 51 ci-dessus étaient insuffisants pour établir la divulgation d’un dessin ou modèle communautaire antérieur. Dans ces conditions, la requérante estime que la chambre de recours ne pouvait utilement lui faire grief de ne pas avoir démontré que les éléments de preuve en cause ne pouvaient être connus dans le cours normal des affaires par les professionnels du secteur pertinent. Au contraire, la chambre de recours aurait dû déduire de l’insuffisance des preuves présentées par l’intervenante que la division d’annulation avait été fondée à rejeter la demande en nullité.

53      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

54      L’article 7, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 prévoit notamment que, aux fins de l’application de l’article 6 dudit règlement, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s’il a été publié à la suite de son enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle dont le caractère individuel est contesté, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur industriel concerné, opérant dans l’Union. Toutefois, le dessin ou modèle n’est pas réputé avoir été divulgué au public s’il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.

55      Il existe une présomption de connaissance des milieux spécialisés du secteur concerné de la divulgation d’un dessin ou modèle antérieur lorsque la partie qui fait valoir ladite divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 26].

56      Pour réfuter la présomption selon laquelle un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué une fois que la partie qui fait valoir la divulgation a prouvé les faits constitutifs de cette divulgation, il incombe à la partie qui conteste la divulgation de démontrer à suffisance de droit que les circonstances de l’espèce pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires (arrêt du 21 mai 2015, Parapluies, T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 26).

57      Les preuves invoquées doivent être susceptibles d’établir à suffisance de droit que le dessin ou modèle antérieur a été effectivement divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle contesté [arrêt du 21 juin 2018, Haverkamp IP/EUIPO – Sissel (Motif de surface plage de galets), T‑228/16, non publié, EU:T:2018:369, point 27].

58      Ni le règlement no 6/2002 ni le règlement no 2245/2002 ne spécifient la forme obligatoire des éléments de preuve qui doivent être apportés par le demandeur en nullité pour justifier de la divulgation de son dessin ou modèle avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée [arrêt du 9 mars 2012, Coverpla/OHMI – Heinz-Glas (Flacon), T‑450/08, non publié, EU:T:2012:117, point 22].

59      Il s’ensuit, d’une part, que le demandeur en nullité est libre du choix de la preuve qu’il juge utile de présenter à l’EUIPO pour appuyer sa demande en nullité et, d’autre part, que l’EUIPO est tenu d’analyser tous les éléments présentés pour conclure s’ils sont effectivement une preuve de la divulgation du dessin ou modèle antérieur [voir arrêt du 27 février 2018, Gramberg/EUIPO – Mahdavi Sabet (Étui pour téléphone portable), T‑166/15, EU:T:2018:100, point 26 et jurisprudence citée].

60      En l’espèce, la chambre de recours, pour conclure à la divulgation du dessin ou modèle antérieur de l’intervenante, a considéré que celle-ci avait apporté des preuves suffisantes pour permettre de conclure que le dessin ou modèle présenté sous les références Mod 250 ou MDO 250 avait été porté à la connaissance du public avant le 6 mars 2020, date à laquelle la requérante a déposé la demande d’enregistrement du dessin ou modèle communautaire contesté.

61      À cet égard, la chambre de recours s’est référée à la capture d’écran d’une vidéo diffusée sur la plateforme YouTube, sur laquelle la date du 5 juillet 2019 apparaît clairement. Sur cette capture d’écran figure, en effet, l’image d’un creuset. La chambre de recours a estimé, à juste titre, que le modèle de ce creuset correspondait à d’autres documents produits par l’intervenante devant la division d’annulation ou à l’appui du recours, à savoir, notamment, le modèle n° 21 figurant dans le catalogue des produits de l’intervenante, des dessins techniques datés des 18 juin 1999 et 21 octobre 2009 et portant les références Mod 250 ou MDO 250, des photographies prises lors d’une exposition sur l’aluminium ayant eu lieu à Düsseldorf en 2012, sur lesquelles figure un creuset apparemment conforme aux dessins techniques précités, ainsi qu’une affiche représentant le même creuset, dont l’année, à savoir 2008, était attestée par une entreprise d’imprimerie indépendante de l’intervenante. Il ressort, de plus, du dossier que la chambre de recours a considéré à juste titre, au point 30 de la décision attaquée, que l’intervenante avait produit des factures établissant, avant la demande d’enregistrement du dessin ou modèle communautaire contesté, la vente de creusets correspondant à la référence MDO 250.

62      En déduisant de l’ensemble de ces éléments que l’intervenante avait prouvé que la divulgation du dessin ou modèle Mod 250 était antérieure à la demande d’enregistrement du dessin ou modèle communautaire contesté, la chambre de recours n’a commis aucune erreur d’appréciation. En effet, la mise en ligne sur Internet est, en principe, une circonstance de nature à constituer une divulgation au sens de l’article 7 du règlement n° 6/2002 [voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2021, JMS Sports/EUIPO – Inter-Vion (Élastique pour cheveux en spirale), T‑823/19, EU:T:2021:718, point 32]. De plus, s’il est vrai que la production d’un dessin technique ne démontre pas par elle-même, en général, que le dessin en cause a effectivement été porté à la connaissance du public, elle peut néanmoins être susceptible de corroborer d’autres éléments démontrant la commercialisation de produits correspondant aux spécifications dudit dessin et portant les mêmes références [voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2019, Atos Medical/EUIPO – Andreas Fahl Medizintechnik- Vertrieb (Patchs médicaux), T‑560/18, non publié, EU:T:2019:767, points 30, 31et 37].

63      Aucun des arguments présentés par la requérante n’est de nature à remettre en cause ces appréciations.

64      Premièrement, la chambre de recours n’a pas considéré que le catalogue des produits de l’intervenante suffisait par lui-même à établir la divulgation du dessin ou modèle antérieur, mais a estimé qu’il s’agissait d’un élément de nature à corroborer les autres preuves retenues aux points 29 et 30 de la décision attaquée. La circonstance alléguée par la requérante qu’il s’agit d’un document émanant de l’intervenante n’est pas susceptible de remettre en cause ce constat.

65      Deuxièmement, la requérante ne conteste pas que les quatre factures intitulées « Invoice N. 46 », « Invoice N. 52 », « Rechnung Nr. 88 » et « Rechnung Nr. 70 » datent toutes de 2010. La première et la quatrième mentionnent expressément la référence MDO 250. La requérante est, certes, fondée à soutenir que la deuxième et la troisième de ces factures ne comportent aucune référence au dessin ou modèle antérieur et ne sauraient, dès lors, prouver la divulgation du dessin ou modèle antérieur. Néanmoins, ainsi qu’il résulte des points 61 et 62 ci-dessus, la référence et la date figurant sur la première et la quatrième factures sont des éléments de nature à établir la commercialisation de creusets correspondant au dessin ou modèle antérieur.

66      Troisièmement, il ressort de la lecture des points 29 et 30 de la décision attaquée que la chambre de recours ne s’est fondée ni sur le tableau présenté dans la demande en nullité, ni sur les photographies représentant le stand de la requérante au congrès de l’International Magnesium Association qui s’est tenu à Rome du 15 au 17 mai 2016, ni les deux liens vers le site Internet de l’intervenante figurant au point 21 de la demande en nullité. Les arguments de la requérante tendant à contester la valeur probante de ces éléments doivent donc être écartés comme inopérants.

67      Quatrièmement, la requérante n’apporte aucun commencement de preuve de nature à remettre en cause les allégations de l’intervenante selon lesquelles les photographies reproduites au point 28 du mémoire exposant les motifs du recours présentent le stand de l’intervenante lors de l’exposition « Aluminium » qui s’est tenue du 9 au 11 octobre 2012 à Düsseldorf. Or, sur ces photographies figurent des représentations de creusets correspondant au dessin ou modèle antérieur. S’il est vrai que le contexte dans lequel ces photographies ont été prises n’est connu qu’à travers les déclarations de l’intervenante elle-même, la chambre de recours a cependant pu tenir compte de ces éléments en tant qu’ils corroborent un faisceau d’indices concordants de nature à établir la divulgation du dessin ou modèle antérieur.

68      Cinquièmement, la requérante se borne à soutenir à tort que le dessin ou modèle antérieur n’a pas été rendu public avant la demande d’enregistrement du dessin ou modèle communautaire. Elle ne présente en revanche aucun argument de nature à établir que les conditions de cette publicité, dans les circonstances de l’espèce, pouvaient raisonnablement faire obstacle à ce que ces faits soient connus des milieux spécialisés du secteur concerné dans la pratique normale des affaires, au sens de la jurisprudence rappelée au point 56 ci-dessus.

69      Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à l’absence d’identification du dessin ou modèle antérieur sur lequel la demande en nullité était fondée

70      À l’appui de la quatrième branche du premier moyen, la requérante soutient que la demande en nullité aurait dû être rejetée, au motif que l’intervenante n’a pas présenté une désignation ou une représentation complète et précise du dessin ou modèle antérieur sur lequel sa demande était fondée.

71      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

72      Contrairement à ce qu’allègue la requérante, il ressort clairement du dossier, notamment du point 20 de la demande en nullité, que l’intervenante a fourni une description complète du dessin ou modèle dont elle revendiquait l’antériorité de la divulgation. Il résulte de ce qui précède et des constations opérées au point 28 ci-dessus que la quatrième branche du premier moyen et, par suite, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés, en partie comme inopérant et en partie comme non fondé.

 Sur la première branche du second moyen, prise de ce que le dessin ou modèle communautaire contesté présente un caractère nouveau et individuel

73      À l’appui de la première branche du second moyen, la requérante soutient que le dessin ou modèle communautaire contesté diffère significativement du dessin ou modèle antérieur sur lequel la demande en nullité est fondée.

74      Premièrement, le dessin ou modèle communautaire contesté présenterait une forme en V et rétrécie. Au contraire, le dessin ou modèle antérieur, tel qu’il figure à la page 45 de l’annexe A 7 de la requête, serait de forme rectangulaire. Deuxièmement, le nombre de boulons figurant sur le dessin ou modèle antérieur serait inférieur à celui des boulons représentés dans le dessin ou modèle communautaire contesté. Troisièmement, les dimensions des dessins ou modèles en conflit seraient différentes. En particulier, le canal de sortie figurant sur le dessin ou modèle communautaire contesté serait beaucoup plus « délicat et esthétique » que celui représenté sur le dessin ou modèle antérieur. Quatrièmement, le dessin ou modèle communautaire contesté présenterait deux entretoises dans la largeur, s’attachant en particulier à l’arrière de la bordure supérieure. En revanche, le dessin ou modèle antérieur ne comporterait qu’une seule entretoise. Cinquièmement, les dimensions du dessin ou modèle communautaire contesté et celles du dessin ou modèle antérieur ne seraient pas identiques, car elles « s’écarteraient les unes des autres ». Ce serait également le cas de la largeur de la bordure. Sixièmement, le dessin ou modèle communautaire contesté serait plat à son extrémité inférieure verticale. En revanche, le dessin ou modèle antérieur ne le serait pas.

75      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

76      Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 6/2002, un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l’impression globale qu’il produit sur l’utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement lorsqu’aucune date de priorité n’est revendiquée.

77      Dans le cadre d’une demande en nullité fondée sur l’article 25 du règlement nº 6/2002, il ressort de l’article 52, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 53, paragraphes 1 et 2, de ce règlement que c’est au demandeur en nullité qui invoque le motif de nullité visé à l’article 25, paragraphe 1, sous b), dudit règlement qu’il incombe de fournir les éléments de nature à démontrer la réalité de ce motif (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 59 et jurisprudence citée).

78      Partant, lorsque le demandeur en nullité invoque le motif de nullité prévu à l’article 25, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 6/2002, il lui incombe de fournir les éléments de nature à démontrer que le dessin ou modèle contesté ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9 de ce règlement (arrêt du 21 septembre 2017, Easy Sanitary Solutions et EUIPO/Group Nivelles, C‑361/15 P et C‑405/15 P, EU:C:2017:720, point 60).

79      Enfin, il convient de rappeler que la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 30 et jurisprudence citée].

80      Il convient de constater d’emblée que la requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours relatives au degré de liberté du créateur et à la définition de l’utilisateur averti, telles qu’elles figurent aux points 32 à 35 de la décision attaquée. Il y a lieu d’observer également que la requérante ne remet en cause ni la description du dessin ou modèle communautaire contesté ni celle du dessin ou modèle antérieur telles qu’elles figurent aux points 37 à 39 de la décision attaquée. Il n’y a pas lieu pour le Tribunal de remettre en cause ces appréciations.

81      Force est, dès lors, de constater que la chambre de recours a pu estimer à bon droit, au point 40 de la décision attaquée, que les dessins ou modèles en conflit étaient très largement similaires en ce qui concerne, premièrement, leur forme, deuxièmement, la bordure dotée de boulons disposés à intervalles réguliers, troisièmement, la cloison de séparation comportant une ouverture, quatrièmement, l’existence d’une goulotte d’écoulement sur le petit côté le moins haut et, cinquièmement, les renflements de la zone intérieure. Au regard de ces ressemblances importantes, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant que les différences, tenant au nombre de boulons et de traverses, à la largeur de la bordure et aux dimensions de la goulotte, étaient trop minimes pour que l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit soit différente aux yeux de l’utilisateur averti.

82      Partant, la chambre de recours était fondée à déduire de ces constatations que l’intervenante avait apporté la preuve de l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle communautaire contesté. Il s’ensuit que la première branche du second moyen doit être écartée et, compte tenu des constations opérées au point 28 ci-dessus, que le second moyen doit être écarté dans son ensemble, en partie comme inopérant et en partie comme non fondé.

83      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

84      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

85      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. La requérante ayant déjà été condamnée à supporter les frais exposés par l’intervenante dans la procédure de recours, il n’y a pas lieu pour le Tribunal de prononcer de nouveau cette condamnation, dont la requérante a fait l’objet au point 3 du dispositif de la décision attaquée.

86      L’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’au cas où serait tenue une audience, il convient de décider qu’il supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rauch Furnace Technology GmbH est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Musto et Bureau Srl.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supporte ses propres dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 juin 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.