Language of document : ECLI:EU:C:2011:107

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme Juliane Kokott

présentées le 3 mars 2011 (1)

Affaire C‑506/08 P

Royaume de Suède

soutenu par

Royaume de Danemark,

Royaume des Pays-Bas et

République de Finlande

contre

Commission européenne

soutenue par

République fédérale d’Allemagne,

République française, ainsi que

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

«Pourvoi – Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Refus d’accès – Exception relative à la protection du processus décisionnel – Exception relative à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques – Intérêt public supérieur justifiant la divulgation – Documents relatifs aux décisions de la Commission en matière de concentration – Acquisition de First Choice plc par Airtours plc»





I –    Introduction

1.        Dans l’Union européenne, les décisions sont, conformément aux articles 1er, deuxième alinéa, TUE et 10, paragraphe 3, TUE, prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture. Pour cette raison, il est conféré au public un droit d’accès aux documents en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE (auparavant article 255 CE), de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux ainsi que du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (2).

2.        La Commission européenne est-elle cependant obligée de divulguer des discussions internes qui ont eu lieu en son sein au sujet des conséquences d’une défaite subie devant les juridictions de l’Union, de l’arrêt Airtours (3)? Ou une transparence aussi poussée porterait-elle atteinte au processus décisionnel de la Commission? Cette question se pose dans le cadre du présent pourvoi contre l’arrêt du Tribunal dans l’affaire MyTravel/Commission (4).

3.        La Commission, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord, se prévaut de la protection des consultations internes ainsi que de la protection des avis juridiques qui, selon elle, justifient la confidentialité de ces discussions. En revanche, le Royaume de Suède, tout comme le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande, ne veut admettre qu’il soit fait exception à la transparence que si une atteinte à ces biens protégés est concrètement démontrée.

II – Cadre juridique

4.        Le règlement n° 1049/2001 définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents des institutions européennes, prévu à l’article 255 CE.

5.        L’article 2, paragraphe 1, dudit règlement dispose:

«Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.»

6.        L’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 énonce:

«2.      Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection:

–        […]

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

3.      L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.»

7.        Il convient d’avoir égard, en outre, aux règles de procédure en matière de contrôle des concentrations. L’article 18, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil, du 20 janvier 2004, relatif au contrôle des concentrations entre entreprises (5), prévoit un droit d’accès aux documents:

«La Commission ne fonde ses décisions que sur les objections au sujet desquelles les intéressés ont pu faire valoir leurs observations. Les droits de la défense des intéressés sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. L’accès au dossier est ouvert au moins aux parties directement intéressées tout en respectant l’intérêt légitime des entreprises à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas divulgués.»

8.        L’article 17, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, du 7 avril 2004, concernant la mise en œuvre du règlement n° 139/2004 (6), exclut cependant les documents internes de la Commission de l’accès aux documents:

«Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles ni aux documents internes de la Commission ou des autorités compétentes des États membres. Il ne s’étend pas non plus à la correspondance entre la Commission et les autorités compétentes des États membres ou entre ces dernières.»

9.        La disposition précédemment applicable et notamment à l’affaire Airtours/First Choice, l’article 17, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 447/98 de la Commission, du 1er mars 1998, relatif aux notifications, aux délais et aux auditions prévus par le règlement n° 4064/89 (7), était rédigée en des termes similaires:

«Les informations recueillies, y compris les documents annexes, ne peuvent en aucun cas être communiquées ou rendues accessibles lorsqu’elles contiennent des secrets d’affaires d’une personne ou d’une entreprise, notamment des parties notifiantes, d’autres parties intéressées ou de tiers, ou d’autres informations confidentielles dont la divulgation n’est pas considérée par la Commission comme nécessaire pour les besoins de la procédure, ou lorsqu’il s’agit de documents internes de l’administration.»

III – Faits

10.      Les faits de la cause, tels qu’ils ressortent de l’arrêt du Tribunal, sont les suivants:

11.      Par l’arrêt Airtours (8), le Tribunal a annulé une décision adoptée par la Commission en qualité d’autorité de contrôle des concentrations, interdisant au voyagiste Airtours plc, devenu depuis MyTravel Group plc (ci-après «MyTravel»), d’acquérir l’entreprise concurrente First Choice.

12.      À la suite de l’arrêt Airtours, la Commission a mis en place un groupe de travail réunissant des fonctionnaires de la direction générale (DG) «Concurrence» et du service juridique afin d’examiner s’il était approprié d’introduire un pourvoi à l’encontre de cet arrêt et d’apprécier les répercussions de ce dernier sur les procédures applicables au contrôle des concentrations ou à d’autres domaines. Le rapport du groupe de travail a été présenté au membre de la Commission chargé des questions de concurrence le 25 juillet 2002, avant la fin du délai de pourvoi. La Commission n’a pas formé de pourvoi.

13.      Le 18 juin 2003, MyTravel a, au final sans succès (9), introduit un recours en responsabilité, en vue d’être indemnisée du préjudice qu’elle prétendait avoir subi du fait de la gestion et de l’appréciation de l’opération de concentration entre Airtours et First Choice par la Commission.

14.      Alors que ce recours était encore pendant devant le Tribunal, MyTravel a demandé à la Commission par lettre du 23 mai 2005, en application du règlement n° 1049/2001, à avoir accès à plusieurs documents. Les documents visés étaient le rapport du groupe de travail (ci-après le «rapport»), les documents relatifs à la préparation de ce rapport (ci-après les «documents de travail») ainsi que les documents figurant au dossier de l’affaire Airtours/First Choice sur lesquels le rapport est fondé ou qui y sont cités (ci-après les «autres documents internes»).

15.      La Commission s’est prononcée sur cette demande par courrier du 5 septembre 2005 [D(2005) 8461, ci-après la «première décision»] en ce qu’elle concernait le rapport et les documents de travail et par lettre du 12 octobre 2005 [D(2005) 9763, ci-après la «seconde décision»] dans la mesure où elle portait sur les autres documents internes.

16.      Dans la première décision, la Commission invoquait notamment l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001 pour justifier le refus de donner accès à l’intégralité du rapport et à certains documents de travail (points I.3, II et annexe intitulée «Inventaire des ‘documents de travail’»). Elle précisait que le rapport était un document interne, qui reflétait l’appréciation de ses services sur la possibilité d’introduire un pourvoi contre l’arrêt Airtours et de réexaminer les procédures d’enquête en matière de concentration. Selon la Commission, sa divulgation au public porterait gravement atteinte à son processus décisionnel, dans la mesure où la liberté d’opinion des auteurs de tels documents serait menacée si, en les rédigeant, ils devaient tenir compte de la possibilité de voir leurs appréciations divulguées au public, et ce même après qu’une décision avait été adoptée en considération de leurs appréciations.

17.      Dans la seconde décision, la Commission invoquait l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001 et l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, dudit règlement pour fonder le refus de donner accès aux documents suivants:

–        les projets relatifs à la décision au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 4064/89, à la communication des griefs et à la décision finale dans l’affaire Airtours/First Choice (ci-après les «projets de texte») (point II.6 et documents mentionnés à la rubrique 6 de la première annexe de la seconde décision), en ce qu’il s’agissait de documents internes préparatoires dont la divulgation au public porterait gravement atteinte au processus décisionnel en matière de contrôle des concentrations;

–        les notes adressées par le directeur général de la DG «Concurrence» au membre de la Commission chargé des questions de concurrence (ci-après les «notes au commissaire») (point II.1 et documents référencés 1.1 à 1.8 dans la première annexe de la seconde décision), en ce qu’elles contenaient des opinions à usage interne destinées à préparer la décision Airtours/First Choice et leur divulgation au public diminuerait la capacité de la DG «Concurrence» d’exprimer son point de vue ainsi que la capacité des membres de la Commission d’adopter une décision bien motivée. La Commission indiquait que cette analyse n’était pas remise en cause par le fait que la décision Airtours/First Choice avait déjà été adoptée, étant donné que la divulgation au public de ces documents pourrait encore affecter son processus décisionnel en ce qui concernait des affaires similaires (par exemple, le refus de communiquer la communication des griefs dans l’affaire EMI/Time Warner lui avait permis de ne pas être soumise à des pressions extérieures quand elle avait eu à connaître de l’affaire BMG/Sony, qui concernait le même secteur);

–        les notes adressées par la DG «Concurrence» à d’autres services de la Commission, y compris au service juridique, pour transmettre et demander l’avis des destinataires sur les projets de texte (ci-après les «notes aux autres services»). La Commission a distingué, à cet égard, les copies de ces notes qui avaient été adressées au service juridique (documents référencés 2.1 à 2.5) des copies qui avaient été adressées à d’autres de ses services (documents référencés 4.1 à 4.5). En ce qui concerne les copies adressées au service juridique, la Commission indiquait que ces documents étaient étroitement liés aux avis juridiques qui y faisaient suite et que leur divulgation aurait pour conséquence de dévoiler des parties essentielles de cet avis, ce qui porterait gravement atteinte à son processus décisionnel (point II.2 de la seconde décision). Pour ce qui est des copies adressées aux autres services de la Commission, cette dernière relevait que ces documents avaient été rédigés dans le cadre de consultations internes et qu’ils illustraient la nature collective du processus décisionnel. La Commission soulignait qu’il convenait donc de protéger ce processus décisionnel contre toute atteinte grave résultant de la divulgation au public de ces informations (point II.4 de la seconde décision);

–        les notes d’autres services de la Commission en réponse aux cinq notes précitées de la DG «Concurrence» afin d’exposer l’analyse de ces services concernés sur les projets de texte (ci-après les «notes en réponse des autres services que le service juridique») (documents référencés 5.1 à 5.10). La Commission indiquait que ces notes intervenaient dans le cadre de la consultation inter- et intraservices propre à son processus décisionnel. Elle soulignait que la capacité pour ces services d’exprimer leurs opinions était indispensable en matière de contrôle des concentrations et qu’une telle capacité serait réduite si, en rédigeant ce type de notes, les services concernés devaient tenir compte de la possibilité que leurs opinions pussent être divulguées au public, même après la clôture de l’affaire (point II.5 de la seconde décision).

18.      Dans la seconde décision, la Commission invoquait également l’application de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001 en ce qui concerne les cinq notes présentées par le service juridique en réponse aux cinq notes précitées de la DG «Concurrence» (ci-après les «notes en réponse du service juridique») (point II.3 et documents référencés 3.1 à 3.5). L’accès à ces documents a été refusé par la Commission, parce qu’ils exposaient l’analyse du service juridique sur les projets de texte. Or, indiquait la Commission, la divulgation de ces avis juridiques pouvait donner lieu à une insécurité en ce qui concerne la légalité des décisions en matière de contrôle des concentrations, ce qui aurait un effet négatif sur la stabilité de l’ordre juridique communautaire et le bon fonctionnement de ses services (10). Elle précisait que chaque note en réponse du service juridique avait fait l’objet d’un examen individuel et que le fait qu’aucun accès partiel ne pût être octroyé n’indiquait pas que la protection de l’avis juridique avait été utilisée en tant qu’exception globale.

19.      Par ailleurs, la Commission évoquait, dans la seconde décision, la situation particulière de certains documents internes pour lesquels un accès partiel ou total n’avait pas été accordé. Il s’agit notamment du rapport du conseiller-auditeur relatif à l’affaire Airtours/First Choice, de la note de la DG «Concurrence» adressée au comité consultatif et d’une note au dossier relative à une visite du site de First Choice.

20.      Enfin, la Commission relevait que les exceptions précitées s’appliquaient à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifiât la divulgation du document visé. Elle soulignait que, en l’espèce, MyTravel n’avait présenté aucun argument susceptible d’établir un intérêt public supérieur. Selon la Commission, l’intérêt prioritaire dans cette affaire consistait plutôt à protéger son processus décisionnel dans des affaires similaires ainsi que les avis juridiques.

21.      MyTravel a formé un recours contre ces décisions. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait droit audit recours en ce qui concerne un document (point 1 du dispositif), mais l’a rejeté pour le surplus (point 2 du dispositif). Il a estimé que la Commission pouvait se prévaloir de la protection des consultations internes et de la protection des avis juridiques.

22.      Le Royaume de Suède a formé le présent pourvoi contre l’arrêt du Tribunal. Cet État membre conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1)      annuler le point 2 du dispositif de l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire MyTravel/Commission;

2)      annuler la première décision de la Commission, conformément aux conclusions formulées par MyTravel devant le Tribunal, dans la mesure où elle refuse l’accès au rapport et aux autres documents de travail de la Commission;

3)      annuler la seconde décision de la Commission, conformément aux conclusions formulées par MyTravel devant le Tribunal, dans la mesure où elle refuse l’accès aux autres documents internes de la Commission, et

4)      condamner la Commission à supporter les dépens exposés par le Royaume de Suède à l’occasion de la procédure devant la Cour.

23.      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

1)      rejeter le pourvoi,

2)      condamner la partie requérante au pourvoi aux dépens.

24.      Par ordonnance du 2 juin 2009, le président de la Cour a autorisé le Royaume du Danemark, le Royaume des Pays-Bas et la République de Finlande à intervenir au soutien des conclusions du Royaume de Suède, ainsi que la République fédérale d’Allemagne, la République française et le Royaume-Uni à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

25.      Ces intervenants ont présenté des observations écrites et, à l’exception du Royaume des Pays-Bas, de la République fédérale d’Allemagne et du Royaume-Uni, les parties et les intervenants se sont également exprimés lors de l’audience du 7 octobre 2010.

IV – Appréciation

26.      Les lignes générales de la jurisprudence en matière d’accès aux documents des institutions peuvent se résumer comme suit.

27.      Conformément à son premier considérant, le règlement n° 1049/2001 repose sur l’article 1er, deuxième alinéa, UE, aux termes duquel ledit traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le deuxième considérant dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières. À cette fin, le règlement n° 1049/2001 vise, comme l’indiquent son quatrième considérant et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (11). Ce droit a désormais été consacré en tant que droit civique par l’article 42 de la charte des droits fondamentaux.

28.      Cependant, ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son onzième considérant, le règlement n° 1049/2001 prévoit, à son article 4, que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cet article. Ainsi, lorsqu’une institution décide de refuser l’accès à un document dont la divulgation lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant aux questions de savoir comment l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement n° 1049/2001 qu’elle invoque (12).

29.      Certes, dès lors qu’elles dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, lesdites exceptions doivent être interprétées et appliquées strictement. Toutefois, il est loisible à l’institution concernée de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (13).

30.      Le Tribunal a reconnu ces principes dans l’arrêt attaqué et ils ne sont pas remis en question dans la présente affaire.

31.      Les moyens invoqués par le Royaume de Suède à l’appui de son pourvoi sont, au contraire, les suivants: d’après lui, le Tribunal a fait une application juridiquement erronée de l’exception relative à la protection des consultations internes (ci-après, sous A), tout comme de l’exception relative à la protection des avis juridiques (ci-après, sous B). De même, soutient le Royaume de Suède, la vérification de l’éventuelle existence d’un intérêt supérieur à la divulgation du document est-elle entachée d’erreurs (ci-après, sous C). Le Royaume de Suède reproche enfin au Tribunal de ne pas avoir examiné à suffisance si la Commission avait accordé un accès adéquat à des parties des documents (ci-après, sous D). Il n’y a pas lieu, en revanche, de nous pencher sur la protection des activités d’enquête, sur laquelle la Commission avait également fondé ses décisions.

A –    Sur la protection des consultations internes

32.      Le premier moyen du pourvoi est relatif à la protection des consultations internes après la clôture de la procédure concernée.

33.      L’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 permet de refuser l’accès à des documents qui ont trait à une question sur laquelle l’institution n’a pas encore pris de décision. Le deuxième alinéa de ladite disposition précise que l’accès à des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé, même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

34.      Il est constant que les documents en cause en l’occurrence constituent des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de la Commission.

35.      Le Tribunal a en substance reconnu deux des risques invoqués par la Commission comme portant considérablement atteinte à des processus décisionnels: l’autocensure et la fuite vers des consultations informelles. Plus en détail:

36.      Dans la première décision, la Commission a exprimé l’avis que la divulgation du rapport au public porterait gravement atteinte à son processus décisionnel, dans la mesure où la «liberté d’opinion» des auteurs de tels documents serait menacée si, en les rédigeant, ils devaient tenir compte de la possibilité de voir leurs appréciations divulguées au public, et ce même après qu’une décision avait été adoptée en considération de leurs appréciations. Les autres documents objet de cette décision avaient servi à établir ce rapport et étaient donc a fortiori protégés.

37.      Dans la seconde décision, la Commission a exposé, entre autres, que la divulgation des documents diminuerait la capacité de la DG «Concurrence» d’exprimer son point de vue et menacerait la capacité des membres de la Commission d’adopter une décision bien motivée.

38.      Le Tribunal considère que cette position est justifiée. Au point 48 de l’arrêt attaqué, il déclare que le groupe de travail était chargé d’un travail d’analyse, de réflexion et de critique. Comme le Tribunal le souligne au point 49, ce travail s’insérait non pas dans un cadre législatif, mais dans le cadre de fonctions purement administratives. Une divulgation des documents permettrait de comparer les mesures prises par la Commission avec les recommandations du groupe de travail (point 51). Or, indique le Tribunal, la Commission doit être libre de s’écarter des recommandations de ses services (point 53). Si la divulgation de ce type de documents était possible, les agents n’exprimeraient, à l’avenir, plus d’opinions susceptibles de menacer la liberté de décision du destinataire de l’avis. La qualité des consultations serait dans cette hypothèse douteuse (point 52). Selon le Tribunal, il paraît logique et vraisemblable que le membre de la Commission chargé de la concurrence sera incité à ne plus solliciter l’opinion écrite, éventuellement critique, de ses collaborateurs. Or, estime-t-il, la seule tenue de discussions orales et informelles, qui ne nécessitent pas la réalisation d’un «document» au sens de l’article 3, sous a), du règlement n° 1049/2001, nuirait considérablement à l’efficacité du processus décisionnel interne de la Commission. Tel est, d’après le Tribunal, notamment le cas dans des matières dans lesquelles elle doit effectuer des appréciations juridiques, factuelles et économiques complexes et examiner des dossiers particulièrement volumineux (point 54).

39.      Le Tribunal décrit les conséquences éventuelles d’un accès aux documents en cause; le Royaume de Suède critique cependant à juste titre que ces considérations sont trop générales. Comme le Tribunal l’admet dans ses arrêts les plus récents (14), elles ne justifient donc pas, au final, l’arrêt attaqué et la décision attaquée de la Commission. C’est ce que révèle l’examen, à la lumière de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, de la question de ce qui est susceptible de constituer une atteinte grave à des processus décisionnels.

1.      Sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001

40.      Il découle déjà du libellé de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 qu’il convient de faire preuve d’une modération particulière dans l’application des deux exceptions qu’il énonce: il ne suffit pas qu’une divulgation des documents porterait atteinte au processus décisionnel de l’institution, c’est une atteinte grave qui est requise.

41.      Les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 se différencient ainsi de celles énoncées aux deux premiers paragraphes dudit article, aux fins desquelles n’importe quelle atteinte suffit, même si elle n’est pas «grave». Or, déjà ces exceptions-là sont d’interprétation stricte (15). Le principe d’une interprétation stricte revêt donc une importance plus grande encore aux fins de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

42.      L’histoire de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 confirme ce constat.

43.      La Commission avait proposé d’exclure du champ d’application du règlement n° 1049/2001 des textes à usage interne tels que les documents de réflexion ou de discussion et les avis des services, ainsi que des messages informels (16). Elle souhaitait ainsi offrir aux institutions l’espace nécessaire pour réfléchir («space to think») (17). Si cette proposition avait été adoptée, la Commission aurait été justifiée à refuser l’accès aux documents en cause.

44.      Comme, cependant, le législateur a refusé d’exclure ces documents du règlement n° 1049/2001, il convient de les divulguer en principe comme tout autre document (18). Plus encore: il convient même d’en octroyer l’accès de façon plus généreuse, étant donné que l’exception relative à la protection des consultations internes est formulée en des termes plus restrictifs que les autres exceptions. Le législateur entendait donc assurer à l’«espace pour réfléchir» une protection moindre qu’à d’autres intérêts.

45.      Par ailleurs, selon toute vraisemblance, la protection des processus décisionnels ne sera pas non plus renforcée à l’avenir. Dans le cadre de la procédure de révision du règlement n° 1049/2001 actuellement en cours, la Commission a uniquement proposé d’apporter des modifications rédactionnelles à l’article 4, paragraphe 3, de celui‑ci (19), tandis que le rapporteur du Parlement réclame une divulgation nettement plus généreuse des processus décisionnels (20).

2.      Sur l’atteinte grave à des processus décisionnels

46.      Que convient-il cependant, dans ces circonstances, de comprendre par atteinte grave à des processus décisionnels? Suffit-il que les auteurs s’expriment avec plus de réserve lors des consultations internes ou que, éventuellement, des procédures informelles soient préférées, qui laissent moins, voire pas, de traces écrites?

47.      Pour répondre à cette question, il convient de partir du deuxième considérant du règlement n° 1049/2001. Aux termes de ce dernier, la transparence permet de garantir notamment une plus grande légitimité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique.

48.      Le législateur veut donc que les citoyens de l’Union apprennent de quelle manière et pour quelles raisons l’administration prend ses décisions. Le règlement n° 1049/2001 a pour objectif de procurer aux citoyens des informations sur des positions que l’institution a examinées dans le cadre de discussions internes et ensuite écartées. Ils sont ainsi en mesure de se forger une opinion sur la qualité de l’action de l’administration, en particulier de ses processus décisionnels, de prendre part à la discussion publique sur l’action de l’administration et, le cas échéant, d’en tirer des éléments de décision pour leur vote lors d’élections démocratiques.

49.      Les craintes exprimées par la Commission et par le Tribunal sont relatives à des stratégies possibles pour contourner cette responsabilité. Au lieu de permettre aux citoyens d’accéder à des informations sur l’action de l’administration, celle-ci pourrait tenter d’empêcher que ces informations voient même le jour ou, à tout le moins, de ne pas les documenter.

50.      Il existe, sans doute aucun, un certain risque que les institutions ou des agents isolés recourent à ce type de stratégies. L’interprétation de dispositions du droit de l’Union ne saurait cependant s’appuyer sur la crainte qu’elles soient contournées par les institutions. Si ces craintes étaient fondées, il faudrait, au contraire, prendre des mesures pour couper court au contournement.

51.      Par ailleurs, outre les risques d’autocensure et de fuite vers des formes informelles de consultation, la transparence fait également naître des incitations à préparer des décisions de façon particulièrement soignée et complète afin d’éviter toute critique ultérieure.

52.      Il est certes concevable que l’avis fourni sera formulé avec plus de réserve, mais précisément la possibilité d’une divulgation ultérieure peut également conduire à des opinions particulièrement ouvertes ou critiques. Il est en effet nettement plus difficile pour les décideurs de passer, sans arguments convaincants, outre une opinion bien motivée de leurs collaborateurs ou d’autres services si cette opinion est rendue publique.

53.      L’attrait de la fuite vers des formes informelles de consultation n’est pas davantage sans limites. À cet égard, il convient de mentionner tout d’abord l’intérêt à la qualité de l’action de l’administration, qualité qui – comme le Tribunal le souligne à juste titre – risque de souffrir si des avis ne sont plus fixés par écrit. Or, tous les intervenants au sein de l’administration ont intérêt à prendre des décisions d’un haut niveau qualitatif, car, dans le cas contraire, ils s’exposent a fortiori à la critique.

54.      Toutefois, même indépendamment de la qualité de la décision elle-même, l’absence de documents à divulguer en cas de demande d’accès au dossier peut faire naître l’impression que l’on cherche à cacher quelque chose ou, à tout le moins, que la décision n’a pas été suffisamment préparée (21). De plus, s’il existe uniquement des documents dont il ne ressort pas que d’autres opinions ont été examinées, il se pose la question de la qualification des consultants. La transparence peut donc également contribuer à ce que des consultations soient formalisées, documentées et dès lors vérifiables, afin de prévenir des critiques et de justifier des décisions.

55.      En outre, déjà les intérêts contraires que nous venons de décrire montrent que les risques d’autocensure et de fuite vers des formes informelles de consultation ne sauraient constituer une atteinte grave, raisonnablement prévisible, aux processus décisionnels, mais qu’ils sont, dans un premier temps, uniquement de nature hypothétique. Or, des atteintes purement hypothétiques ne permettent pas d’invoquer une exception (22).

56.      Il faut donc toujours d’autres indices concrets, à l’aide desquels il sera établi, dans le cas d’espèce, que des risques particuliers, c’est-à-dire atypiques, s’attachent à la transparence. Des risques de ce type peuvent résulter, par exemple, de ce qu’une affaire soit particulièrement controversée et que les agents de l’institution concernée doivent de ce fait craindre des désavantages concrets si leurs avis étaient connus.

57.      Il convient par conséquent de vérifier si, dans le cas présent, la Commission a invoqué des circonstances de ce type. À cette fin, il faut distinguer entre, d’une part, les documents ou parties de documents qui concernent exclusivement l’affaire Airtours/First Choice (ci-après, sous 3) et, d’autre part, les avis sur les répercussions de l’arrêt Airtours sur les procédures applicables au contrôle des concentrations ou à d’autres domaines (ci-après, sous 4).

3.      Sur les documents relatifs à l’affaire Airtours/First Choice

58.      Les documents relatifs à l’affaire Airtours/First Choice consistent en des documents destinés à préparer la décision Airtours/First Choice, y compris le rapport du conseiller-auditeur (23), la note adressée au comité consultatif (24), ainsi que des documents qui ont été établis après l’arrêt Airtours en vue de décider de la suite à y donner. Les deux décisions de la Commission avaient pour objet le refus de divulguer ces documents.

59.      Pour retenir des atteintes graves au processus décisionnel, le Tribunal se base, d’une part, sur le fait qu’il s’agit d’activités administratives dans le domaine du contrôle des concentrations [ci-après, sous a)], et, d’autre part, sur les répercussions sur d’autres procédures de contrôle des concentrations [ci-après, sous b)].

a)      Sur la transparence des activités administratives, en particulier dans le domaine du contrôle des concentrations

60.      Au point 49 de l’arrêt attaqué, le Tribunal relève que les documents concernent l’activité administrative de la Commission. Ce point a également été souligné dans le cadre de la procédure de pourvoi par la Commission et par la République fédérale d’Allemagne.

61.      En effet, selon la jurisprudence la plus récente de la Cour, l’activité administrative n’exige pas la même étendue de l’accès aux documents que l’activité législative d’une institution communautaire (25). En raison de la portée générale des lois, l’intérêt du public aux consultations qui les précèdent est naturellement plus grand qu’à la préparation des décisions prises par l’administration au cas par cas. De plus, comme la marge de manœuvre de l’administration est définie et délimitée par la législation, la nécessité d’une participation du public et d’un contrôle par le public ne se fait pas ressentir pas dans une même mesure.

62.      C’est donc à juste titre que le Tribunal déclare que l’intérêt du public à obtenir communication d’un document n’a pas le même poids en ce qui concerne un document relevant d’une procédure administrative visant l’application des règles régissant le contrôle des concentrations ou le droit de la concurrence en général qu’en ce qui concerne un document relatif à une procédure dans le cadre de laquelle l’institution intervient en qualité de législateur.

63.      Cela ne signifie cependant pas pour autant que l’accès aux documents soit exclu dans le domaine de l’activité administrative. Si le règlement n° 1049/2001 vise à rendre le processus législatif plus transparent encore, il prévoit cependant, à son article 2, paragraphe 3, expressément l’accès aux documents dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne. Déjà le deuxième considérant du règlement n° 1049/2001 souligne que la transparence permet de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration – donc pas uniquement du seul législateur – à l’égard des citoyens dans un système démocratique. Désormais, même la Cour est, en vertu de l’article 15, paragraphe 3, TFUE, soumise aux obligations de transparence lorsqu’elle exerce des fonctions administratives (26).

64.      En ce qui concerne spécifiquement la protection des consultations internes, l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 ne distingue pas entre activité administrative et activité législative. On ne saurait donc, en ce qui concerne l’activité administrative, tirer des présomptions globales quant à des atteintes graves aux processus décisionnels.

65.      Force est néanmoins de reconnaître que des procédures administratives en cours méritent une protection renforcée. Tant que la décision n’a pas encore été prise, il existe un risque accru que l’accès à des documents internes s’insérant dans la procédure concernée aura des répercussions négatives. Ces informations peuvent être utilisées par des intéressés pour tenter de façon ciblée d’exercer une influence, ce qui peut affecter en particulier la qualité de la décision finale.

66.      En outre, les procédures administratives sont, tout spécialement en matière de contrôle des concentrations, encadrées par des délais stricts, dont le respect serait menacé si la Commission devait, au cours de la procédure, examiner et répondre à des réactions aux discussions qui ont lieu en son sein.

67.      Pour cette raison, il faudrait, à l’instar des procédures juridictionnelles, garantir également pour les procédures administratives qu’elles puissent «se déroule[r] en toute sérénité» (27). Il importe d’empêcher que des pressions extérieures ne soient – ne fût-ce que dans la perception du public – exercées sur l’activité administrative et qu’il ne soit porté préjudice à la sérénité des débats (28).

68.      Pour cette raison, en matière de contrôle des concentrations, l’accès au dossier ne s’étend pas non plus aux documents internes de la Commission, conformément à l’article 17, paragraphe 3, du règlement n° 802/2004 (29). Cela ressortait déjà indirectement de l’article 17, paragraphe 1, du règlement n° 447/98, applicable à l’affaire Airtours/First Choice, dans la mesure où il excluait du droit d’accès au dossier les documents internes de l’administration, c’est-à-dire également ceux de la Commission.

69.      Il y a lieu de tenir compte de cette circonstance aux fins de l’interprétation de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, du règlement nº 1049/2001. En effet, si les parties à la procédure étaient en mesure d’obtenir l’accès, sur le fondement du règlement nº 1049/2001, aux documents internes de la Commission, la restriction de l’accès au dossier dans le cadre de la procédure de contrôle des concentrations se trouverait sapée (30).

70.      Ces considérations tenant à l’activité administrative et, en particulier, aux règles régissant les procédures de contrôle des concentrations ne sauraient cependant continuer à prévaloir après que la procédure en cause a été définitivement clôturée, c’est-à-dire lorsque la décision y mettant fin ne peut plus être attaquée devant les tribunaux. Comme le montre déjà l’article 18, paragraphe 3, du règlement n° 139/2004, le droit d’accéder au dossier dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations est, en effet, un corollaire des droits de la défense (31). Lorsqu’une décision n’est plus susceptible de recours juridictionnels, les droits de la défense conférés en vue de cette décision n’ont plus vocation à jouer.

71.      Il ne saurait donc être déduit des règles en matière d’accès au dossier dans le cadre des procédures de contrôle des concentrations que, après la clôture définitive d’une telle procédure, un accès à des documents internes porterait gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission.

72.      Les considérations de principe quant à la protection d’un processus décisionnel en cours – la prise de décision en toute sérénité (32) – perdent de même toute pertinence après sa clôture. Il n’est justement plus possible d’influer sur ce processus décisionnel en utilisant des documents internes (33). Comme nous l’avons déjà exposé, les risques abstraits d’autocensure et de fuite vers des formes informelles de consultation ne sauraient, en l’absence de tout indice spécifique d’un risque accru dans le cas concret, justifier un refus de divulguer des documents internes après la clôture de la procédure (34).

73.      Dans le cas présent, la procédure concernant l’opération de concentration Airtours/First Choice s’est trouvée définitivement clôturée à la date d’expiration du délai dont disposait la Commission pour introduire un pourvoi contre l’arrêt Airtours, donc bien avant la demande d’accès au dossier. La présente procédure se distingue à cet égard des faits à l’origine de l’arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, où la clôture définitive de la procédure d’aide à laquelle les documents alors en cause étaient afférents n’est intervenue que bien après la décision de la Commission sur la demande d’accès au dossier (35).

74.      Le Tribunal énonce, certes, au point 45 de l’arrêt attaqué qu’il est possible de protéger des processus décisionnels encore après l’adoption de la décision en cause. Comme le souligne le Royaume de Suède, le processus décisionnel est cependant clairement moins digne de protection après l’adoption de la décision qu’avant.

75.      En effet, tandis que l’intérêt à la protection des processus décisionnels décroît après l’adoption de la décision, l’intérêt à la divulgation d’informations sur le processus décisionnel croît. S’il n’y a déjà pas de transparence durant le processus décisionnel, la responsabilité de l’administration à l’égard du citoyen peut uniquement être renforcée en créant à tout le moins une transparence a posteriori. Retarder cette transparence encore davantage ferait très largement obstacle à toute responsabilité de l’administration au titre du processus décisionnel. Une justification particulière y serait donc nécessaire.

76.      C’est au demeurant également ce qui ressort de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001. En effet, le premier alinéa de cette disposition, qui est applicable avant l’adoption de la décision, recouvre plus de documents que le deuxième alinéa, qui est d’application après que la décision est intervenue. Avant la décision, tous les documents établis par une institution pour son usage interne ou reçus par une institution bénéficient de l’exception, après, seulement les documents contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée.

77.      La circonstance que des avis internes formulés dans le cadre de procédures de contrôle des concentrations relèvent de l’activité administrative de la Commission n’en justifie donc plus le refus de divulgation après la clôture définitive de la procédure.

b)      Sur l’atteinte à d’autres procédures

78.      En faveur de la protection d’une procédure de contrôle des concentrations clôturée, la Commission avance cependant dans la seconde décision l’argument que les informations pourraient porter gravement atteinte au processus décisionnel dans des procédures de contrôle des concentrations comparables. Le Tribunal accepte cette motivation aux points 96 et 98 à 100 de l’arrêt attaqué.

79.      Au point 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal constate en particulier qu’il paraît vraisemblable de supposer que de tels documents puissent être utilisés – alors même qu’ils ne reprennent pas nécessairement la position définitive de la Commission – pour influencer la position de ses services, qui doit rester libre et indépendante de toutes pressions extérieures, lors de l’examen d’affaires similaires intéressant le même secteur d’activités ou les mêmes notions économiques.

80.      Nous ne voyons cependant pas comment ces documents pourraient être utilisés pour exercer des pressions illégitimes dans des affaires parallèles.

81.      Dans l’hypothèse où ces documents étayent la décision prise dans la première affaire, ils ne pourront être utilisés que pour réclamer une pratique décisionnelle cohérente. Ils ne posséderont cependant aucun poids supplémentaire en comparaison de la décision publiée.

82.      Si les arguments contenus dans les documents internes vont dans un sens différent de celui de la décision publiée, il devrait être aisé de les rejeter en renvoyant à cette décision et à ses motifs.

83.      Une pression ne peut naître de ce type de documents que s’ils contiennent des arguments que la décision publiée n’a pas réfutés de façon solidement motivée. Cela constituerait cependant un vice affectant la première décision, auquel on sera tout à fait fondé de confronter la Commission. Rien ne justifie qu’il lui soit permis de continuer à ignorer des arguments de poids dans les décisions qu’elle sera amenée à prendre par la suite dans des affaires similaires.

84.      Il n’est, certes, pas à exclure qu’il existe des cas très spécifiques où les affaires sont si étroitement liées que les documents internes de l’une pourraient porter gravement atteinte à la décision sur l’autre. En l’occurrence, la Commission ne fait cependant état d’aucun indice d’un lien aussi étroit et celui-ci est de plus invraisemblable du fait que plus de cinq années avaient passé depuis la décision initiale Airtours/First Choice lorsque la décision sur la demande d’accès au dossier a été prise.

c)      Conclusion intermédiaire

85.      Le Tribunal a ainsi commis une erreur de droit lorsqu’il a suivi la Commission et déclaré légal le refus d’accès aux documents de l’affaire Airtours/First Choice, fondé sur l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001.

4.      Sur les avis concernant les répercussions de l’arrêt Airtours sur le contrôle des concentrations

86.      La première décision de la Commission concernait également les parties du rapport qui formulaient des avis au sujet des répercussions de l’arrêt Airtours sur les procédures applicables au contrôle des concentrations ou à d’autres domaines, ainsi que les documents préparatoires y relatifs.

87.      Ces informations concernent certes, elles aussi, l’activité administrative de la Commission en matière de contrôle des concentrations, mais les considérations exposées ci-dessus peuvent encore moins justifier un refus d’accès à cet égard que s’agissant des documents relatifs à l’affaire Airtours/First Choice elle-même. Elles ne concernaient, en effet, pas une procédure administrative concrète, mais l’appréciation des répercussions de l’arrêt Airtours sur le contrôle des concentrations en général. Il ne s’agissait, par conséquent, pas d’une activité administrative typique, mais plutôt de définir des politiques ou des stratégies. Selon l’article 12, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, des documents de ce type doivent, à l’instar des documents législatifs, même être mis autant que possible à la disposition directe du public.

88.      Partant, l’arrêt attaqué est également entaché d’une erreur de droit en ce qui concerne ces documents et parties de documents.

B –    Sur la confidentialité de l’avis du service juridique

89.      Le Royaume de Suède critique par ailleurs l’application de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001. Aux termes de ce dernier, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

90.      La Commission a invoqué cette exception dans la seconde décision pour cinq notes présentées par le service juridique en réponse à cinq notes de la DG «Concurrence». Elle déclarait avoir refusé l’accès à ces documents parce qu’ils exposaient l’analyse du service juridique sur les projets de décision. Or, indiquait la Commission, la divulgation de ces avis juridiques pourrait donner lieu à une insécurité en ce qui concerne la légalité des décisions en matière de contrôle des concentrations, ce qui aurait un effet négatif sur la stabilité de l’ordre juridique communautaire et le bon fonctionnement de ses services.

91.      Dans l’arrêt Suède et Turco/Conseil, la Cour a déjà rejeté cette argumentation en ce qui concerne les avis juridiques dans le domaine législatif: c’est précisément la transparence qui, en permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, contribue à conférer aux institutions une plus grande légitimité aux yeux des citoyens européens et à augmenter la confiance de ceux-ci. De fait, c’est plutôt l’absence d’information et de débat qui est susceptible de faire naître des doutes dans l’esprit des citoyens, non seulement quant à la légalité d’un acte isolé, mais aussi quant à la légitimité du processus décisionnel dans son entièreté. Par ailleurs, le risque que des doutes naissent dans l’esprit des citoyens européens quant à la légalité d’un acte adopté par le législateur communautaire du fait que le service juridique du Conseil ait émis un avis défavorable quant à cet acte ne se réaliserait le plus souvent pas si la motivation dudit acte était renforcée de façon à mettre en évidence les raisons pour lesquelles cet avis défavorable n’a pas été suivi (36).

92.      Ces réflexions valent non seulement pour la législation, mais, par principe, également pour l’administration. Pour les raisons déjà exposées, il peut, certes, être effectivement nécessaire de protéger les procédures en cours relevant de l’activité administrative (37), mais même l’argument tiré de cet intérêt n’est plus opérant après la clôture définitive de la procédure respectivement concernée.

93.      Aux points 124 à 127 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’appuie toutefois sur des aspects supplémentaires pour déclarer la décision de la Commission valide. Déjà cette extension de la motivation de la Commission à laquelle le Tribunal procède ainsi est douteuse, mais n’a pas été critiquée dans le cadre du pourvoi et il n’y a donc pas lieu d’en approfondir l’examen.

94.      Au point 125 de l’arrêt attaqué, le Tribunal étend le risque d’une autocensure aux avis du service juridique. Nous avons déjà exposé, au sujet de la protection des processus décisionnels, que cette considération ne nous convainc pas (38). Elle est encore moins solide s’agissant des avis juridiques, le service juridique de la Commission étant indépendant de la DG «Concurrence». De ce fait, les membres dudit service n’ont aucun désavantage à craindre pour avoir exprimé des avis critiques, même dans l’hypothèse où le public en aurait connaissance. De plus, en renonçant à la critique, le service juridique viderait ses avis de tout objet. Ceux-ci visent précisément à relever les problèmes et faiblesses éventuels.

95.      Une fuite vers des formes informelles de consultation, laquelle se ferait, par exemple, uniquement par voie orale, serait plus concevable. Les considérations exposées ci-dessus au sujet de la protection des processus décisionnels gardent cependant toute leur pertinence à cet égard. Déjà la complexité des procédures en matière de concurrence interdira le plus souvent de se passer totalement d’avis écrits.

96.      Au point 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal fait état du risque d’une opposition entre l’avis exprimé par le service juridique en interne et la position que ses membres doivent éventuellement défendre devant les juridictions; or, à tout le moins après que les juridictions ont définitivement statué sur l’acte juridique concerné, ce risque n’existe plus. Le Tribunal est par conséquent dans l’erreur lorsqu’il déclare, au point 127 de l’arrêt attaqué, que l’arrêt Airtours est sans incidence aux fins de l’application de l’exception en faveur des avis juridiques.

97.      La procédure en indemnisation du préjudice subi du fait de la décision Airtours/First Choice, sur laquelle le Tribunal n’avait pas encore statué à cette époque, n’a pas, non plus, pour effet de modifier cette appréciation.

98.      Cette procédure soulevait en substance la question de savoir si la violation de ses obligations commise par la Commission en adoptant la décision, dont l’irrégularité avait déjà été constatée, était suffisamment caractérisée pour faire naître un droit à réparation (39). Les avis du service juridique sur une décision de ce type devraient, en règle générale, uniquement montrer la complexité des questions en cause et, dès lors, plaider contre la qualification de violation caractérisée. De tels avis ne pourraient fonder cette qualification que s’ils mettaient en évidence des vices graves entachant la procédure administrative. Dans cette hypothèse, la Commission n’aurait toutefois pas d’intérêt digne de protection à retenir ces documents. Il serait, au contraire, dans l’intérêt public que ce type de vices soit révélé afin d’éviter qu’ils ne se reproduisent.

99.      Ainsi, l’appréciation portée sur l’application de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001 repose, elle aussi, sur une erreur de droit du Tribunal.

C –    Sur l’examen de l’intérêt public supérieur justifiant la divulgation

100. Le Royaume de Suède critique, par ailleurs, la manière dont le Tribunal a examiné le point de savoir si c’était à juste titre que la Commission avait exclu l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents en cause.

101. Les paragraphes 2, deuxième tiret, et 3 de l’article 4 du règlement n° 1049/2001 prévoient tous deux que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte ou, respectivement, porterait gravement atteinte à un intérêt protégé, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

102. Le Tribunal se borne, aux points 60 et suivants, 118 et suivants ainsi que 129 de l’arrêt attaqué, à examiner l’argumentation de MyTravel et à la rejeter.

103. Le Royaume de Suède y objecte qu’il n’appartient pas au demandeur de démontrer l’existence d’un intérêt public.

104. Il convient de souscrire à cet argument du Royaume de Suède quant à son point de départ. La Cour a dit pour droit qu’il incombe à l’institution concernée de vérifier, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant néanmoins la divulgation du document concerné (40). À tout le moins les aspects qui s’imposent avec évidence dans le cas concret doivent donc être examinés d’office (41).

105. Dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, la question d’une violation de l’article 4, paragraphe 2 ou 3, du règlement n° 1049/2001 commise dans le cadre de la vérification de l’existence d’un intérêt public supérieur n’est cependant examinée que si elle a été soulevée par le requérant. Lorsque celui-ci ne critique pas l’absence totale de toute vérification, il lui appartient d’indiquer les aspects qui n’ont pas été appréciés de façon adéquate. Le Tribunal ne commet donc aucune erreur de droit en se concentrant sur son argumentation.

106. Il convient cependant d’approuver le Royaume de Suède lorsqu’il soutient que MyTravel a fait état d’aspects dont il pourrait résulter un intérêt public suffisant.

107. Il est vrai que la Cour a jugé que le droit du public d’être informé sur d’importantes questions de droit de l’Union, telles que celles en matière de concurrence, ainsi que sur des questions qui revêtent un intérêt politique certain, parce qu’elles font l’objet de recours en manquement, ne l’emporte pas par principe sur la protection des procédures juridictionnelles en cours (42).

108. Or, ce sont des procédures administratives clôturées qui sont en cause dans la présente affaire. Surtout, cependant, selon les indications du Tribunal au point 38 de l’arrêt attaqué, MyTravel avait fait valoir que la sévérité des critiques exposées par le Tribunal dans l’arrêt Airtours avait incité la Commission à réaliser une enquête interne afin de tirer les leçons de cet arrêt et de déterminer les changements à apporter à sa pratique décisionnelle. Dans ce contexte, il y avait un intérêt public supérieur à comprendre ce qui s’était passé, comment cela aurait pu être évité et ce qui avait été fait pour éviter que cela ne se reproduise de nouveau. La transparence permettait au public de vérifier que les mesures prises pour corriger une déficience de l’administration étaient adéquates et appropriées.

109. Cet intérêt accru du public à être informé des conséquences de l’arrêt Airtours va bien au-delà de l’intérêt général à des questions du droit de la concurrence ou à des recours en manquement. Il devait s’imposer de façon évidente lors de l’examen de la demande d’accès aux documents en cause. Néanmoins la Commission ne l’a-t-elle pas mentionné dans ses deux décisions sur la demande d’accès au dossier. Il ne saurait donc être présumé qu’elle l’a pris en considération lors de son appréciation.

110. On comprend d’autant moins pour quelles raisons le Tribunal déclare, au point 63 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’explique pas pourquoi il s’agit là, selon elle, d’un intérêt public supérieur et insiste, aux points 64 et suivants, uniquement sur les intérêts personnels de MyTravel. De telles explications et de tels éventuels intérêts personnels ne sauraient être déterminants lorsque la Commission s’abstient d’entreprendre ne serait-ce qu’un début d’examen d’un intérêt public extraordinaire manifeste.

111. Par conséquent, l’appréciation de l’existence d’un éventuel intérêt public supérieur est également entachée d’une erreur de droit.

D –    Sur l’accès partiel

112. Le Royaume de Suède critique enfin que la Commission n’a pas examiné suffisamment en détail la possibilité de divulguer partiellement les documents retenus. Cette argumentation concerne cependant une question qui n’était pas objet de la procédure devant le Tribunal. Comme, aux termes de l’article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal, ce moyen est irrecevable (43).

E –    Conclusion de l’examen du pourvoi

113. L’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit en ce qui concerne l’appréciation de l’application de l’article 4, paragraphes 2, deuxième tiret, et 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001. Il convient dès lors de l’annuler sur ce point.

F –    Sur le recours devant le Tribunal

114. Conformément à l’article 61, premier alinéa, seconde phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, cette dernière, en cas d’annulation de l’arrêt attaqué, peut statuer elle-même sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé. Tel est le cas en l’espèce.

115. MyTravel avait conclu à l’annulation des deux décisions de la Commission rejetant sa demande d’accès au dossier.

116. À l’issue de l’examen des deux premiers moyens invoqués à l’appui du pourvoi, il est certes établi que la Commission s’est à tort prévalue dans ces décisions des exceptions relatives à la protection du processus décisionnel et des avis juridiques (44). Elle a cependant fondé les décisions en outre sur la protection des procédures juridictionnelles (45), ainsi que sur la protection des activités d’enquête et d’audit (46).

117. Si le Tribunal a définitivement statué sur l’application de cette dernière exception, il ne l’a fait qu’à l’égard d’un seul document. La question de savoir si ces deux exceptions justifient de refuser l’accès aux autres documents n’a en revanche pas encore été examinée. Les deux exceptions auraient cependant toutes deux supposé que la Commission tienne compte de l’intérêt particulier du public à sa réaction à l’arrêt Airtours, ce qu’elle n’a pas fait (47). Partant, elles ne peuvent pas davantage justifier le refus d’accès.

118. En conséquence, il convient de prononcer l’annulation intégrale des deux décisions de la Commission.

V –    Sur les dépens

119. En vertu de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. L’article 69 du même règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 de celui-ci, dispose à son paragraphe 2 que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le paragraphe 4, premier alinéa, dudit article 69 prévoit que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

120. Le pourvoi du Royaume de Suède ayant abouti, il y a lieu de condamner la Commission à supporter les dépens exposés par le Royaume de Suède à l’occasion du présent pourvoi, conformément à ses conclusions.

121. Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Finlande et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent leurs propres dépens.

122. Le Royaume de Suède n’ayant pas conclu à l’annulation de la décision du Tribunal sur les dépens, il n’y a pas lieu de la modifier.

VI – Conclusion

123. Nous proposons, par conséquent, à la Cour de statuer comme suit:

«1)      Le point 2 du dispositif de l’arrêt du Tribunal du 9 septembre 2008, MyTravel/Commission (T‑403/05), est annulé.

2)      La décision de la Commission du 5 septembre 2005 [D(2005) 8461] est annulée.

3)      La décision de la Commission du 12 octobre 2005 [D(2005) 9763] est annulée.

4)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Royaume de Suède à l’occasion du présent pourvoi.

5)      Le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République française, le Royaume des Pays-Bas, la République de Finlande et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporteront leurs propres dépens.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – JO L 145, p. 43.


3 – Il s’agissait de la défaite «historique» subie par la Commission dans une affaire de contrôle des concentrations, voir arrêt du 6 juin 2002, Airtours/Commission (T‑342/99, Rec. p. II‑2585, ci‑après l’«arrêt Airtours»). D’autres défaites suivirent avec les arrêts du 22 octobre 2002, Schneider Electric/Commission (T‑310/01, Rec. p. II‑4071, et T‑77/02, Rec. p. II‑4201), et du 25 octobre 2002, Tetra Laval/Commission (T‑5/02, Rec. p. II‑4381, et T‑80/02, Rec. p. II‑4519). Ces deux derniers arrêts ont fait l’objet de pourvois, qui ont abouti aux arrêts du 15 février 2005, Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, Rec. p. I‑987, et C‑13/03 P, Rec. p. I‑1113).


4 – Arrêt du 9 septembre 2008 (T‑403/05, Rec. p. II‑2027).


5 – JO L 24, p. 1. L’article 18, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1), applicable à l’affaire Airtours/First Choice, était rédigé en des termes identiques.


6 – JO L 133, p. 1.


7 – JO L 61, p. 1.


8 – Précité à la note 3.


9 – Arrêt du 9 septembre 2008, MyTravel/Commission (T‑212/03, Rec. p. II‑1967).


10 – Arrêt du 23 novembre 2004, Turco/Conseil (T‑84/03, Rec. p. II‑4061, points 54 à 59).


11 – Arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission (C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, non encore publié au Recueil, points 68 et suiv., et jurisprudence citée).


12 – Voir arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, non encore publié au Recueil, point 53), et Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, points 70 et suiv.).


13 – Voir arrêt Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, points 73 et suiv., et jurisprudence citée).


14 – Arrêts du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission (T‑144/05, non publié au Recueil, point 75); du 11 mars 2009, Borax Europe/Commission (T‑121/05, non publié au Recueil, points 66 et suiv., et T‑166/05, non publié au Recueil, points 101 et suiv.); du 9 juin 2010, Éditions Jacob/Commission (T‑237/05, non encore publié au Recueil, point 141, attaqué par pourvoi, C‑404/10 P, communication au JO 2010, C 274, p. 19), et du 7 juillet 2010, Agrofert Holding/Commission (T‑111/07, non encore publié au Recueil, point 142, attaqué par pourvoi C‑477/10 P, communication au JO 2010, C 328, p. 22).


15 – Voir point 29 ci-dessus.


16 – Article 3, sous a), de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission [COM(2000) 30 final].


17 – Ibidem, p. 4.


18 – Voir les deux arrêts Borax Europe/Commission cités à la note 14 (T‑121/05, point 66, et T‑166/05, point 101).


19 – Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission [COM(2008) 229 final], p. 14 et suiv. (dix-septième considérant) et 19 et suiv. (article 4, paragraphes 3 et 4).


20 – Projet de rapport sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, du 12 mai 2010 (PE 439.989v01‑00), p. 14 (considérant 12bis), 18 et suiv. (dix-septième considérant) et 34 et suiv.


21 – Voir notre réflexion dans les conclusions présentées le 6 mai 2010 dans l’affaire Afton Chemical (arrêt du 8 juillet 2010, C‑343/09, non encore publié au Recueil, points 43 et suiv.). Dans son arrêt (points 38 et suiv.), la Cour n’a certes pas partagé nos doutes quant au caractère suffisamment approfondi de l’examen de la problématique, mais cela montre uniquement qu’ils n’étaient, dans ladite affaire, pas suffisants pour remettre en question la légalité de la décision.


22 – Arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil (C‑39/05 P et C‑52/05 P, Rec. p. I‑4723, point 43); voir également arrêts cités à la note 12.


23 – Voir points 102 et suiv. de l’arrêt attaqué.


24 – Voir points 108 et suiv. de l’arrêt attaqué.


25 – Arrêt Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, point 77); voir également, déjà, arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (précité à la note 12, point 60).


26 – Voir arrêt Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, point 81).


27 – Voir, au sujet de la protection de l’activité juridictionnelle, arrêt Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, point 92).


28 – Voir, au sujet de la protection de l’activité juridictionnelle, arrêt Suède/API et Commission (précité à la note 11, point 93).


29 – En ce sens, au sujet des documents internes dans le cadre des procédures d’entente, arrêt du 18 juin 2008, Hoechst/Commission (T‑410/03, Rec. p. II‑881, point 165), renvoyant à la jurisprudence du Tribunal et, indirectement, à l’ordonnance de la Cour du 18 juin 1986, BAT et Reynolds/Commission (142/84 et 156/84, Rec. p. 1899, point 11). Voir, également, arrêt du 6 avril 1995, BPB Industries et British Gypsum/Commission (C‑310/93 P, Rec. p. I‑865, point 22).


30 – Arrêts Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (précité à la note 12, point 58), au sujet de l’accès au dossier d’une procédure d’aide, et Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, point 100), à propos de l’accès aux écritures échangées dans le cadre de procédures juridictionnelles.


31 – Voir, en matière de droit des ententes, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, point 321); du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 68); du 1er juillet 2010, Knauf Gips/Commission (C‑407/08 P, non encore publié au Recueil, point 22), et, en matière de procédures disciplinaires, du 11 juillet 2006, Commission/Cresson (C‑432/04, Rec. p. I‑6387, point 110).


32 – Voir points 65 et suiv. ci-dessus.


33 – Voir, au sujet de la protection de l’activité juridictionnelle, arrêt Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, points 130 et suiv.).


34 – Voir points 46 et suiv. ci-dessus.


35 – Arrêt précité à la note 12, points 1 et 14 et suiv.


36 – Arrêt précité à la note 22, points 59 et suiv.


37 – Voir points 65 et suiv. ci-dessus.


38 – Voir points 46 et suiv. ci-dessus.


39 – Voir arrêt MyTravel/Commission (précité à la note 9, en particulier points 37 et suiv.).


40 – Arrêt Suède et Turco/Conseil (précité à la note 22, point 49).


41 – Voir arrêt Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, point 152) et, au sujet des avis juridiques dans le cadre de procédures législatives, arrêt Suède et Turco/Conseil (précité à la note 22, point 67). Susceptible d’induire en erreur à cet égard, arrêt Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (précité à la note 12, points 62 et 70).


42 – Voir arrêt Suède e.a./API et Commission (précité à la note 11, points 157 et suiv.).


43 – Voir arrêts du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C‑136/92 P, Rec. p. I‑1981, point 59); du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission (C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec. p. I‑7869, point 177), et du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission (C‑280/08 P, non encore publié au Recueil, point 34).


44 – Article 4, paragraphes 2, deuxième tiret, et 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001. À ce sujet, voir titres A et B, ci-dessus.


45 – Article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001.


46 – Article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001.


47 – À ce sujet, voir points 108 et suiv. ci-dessus.