Language of document : ECLI:EU:T:2002:284

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 novembre 2002 (1)

«Fonctionnaires - Réorganisation des structures administratives de la Commission - Réaffectation - Motivation - Intérêt du service - Détournement de pouvoir - Devoir de sollicitude»

Dans l'affaire T-103/01,

Michael Cwik, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Tervuren (Belgique), représenté par Me N. Lhoëst, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, assisté de Mes D. Waelbroek et J. Waldron, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision de la Commission portant transfert du requérant de l'unité «Information, publications et documentation économique», devenue, dans un premier temps, l'unité «Information: EURO, UEM» et, postérieurement, l'unité 4 «Politique de communication sur l'union monétaire», vers l'unité «Coordination générale, ressources humaines et administration», devenue l'unité 1 «Coordination; ressources humaines; information et administration», au sein de la direction générale «Affaires économiques et financières» et, d'autre part, une demande de dommages-intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 26 juin 2002,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Le requérant, économiste de formation, a été titularisé comme fonctionnaire de la Commission le 19 septembre 1970. Il travaille actuellement à la direction générale (DG) «Affaires économiques et financières».

2.
    À partir de 1989, le requérant a exercé ses fonctions dans le domaine des relations extérieures et de l'information de la DG ECFIN, au sein de l'unité «Information, publications et documentation économique», devenue, dans un premier temps, l'unité «Information: EURO, UEM» et, postérieurement, l'unité 4 «Politique de communication sur l'union monétaire» (ci-après l'«unité 4»). Plus particulièrement, depuis le traité de Maastricht, le requérant a travaillé dans le domaine de l'information et de la communication relatives à l'Union économique et monétaire (UEM) et à l'introduction de l'euro.

3.
    Le 28 mars 2000, M. Verhaeven, assistant de M. Ravasio, directeur général de la DG Affaires économiques et financières, a signalé au requérant que M. Ravasio souhaitait procéder à une restructuration de l'unité 4.

4.
    Le 26 juin 2000, le requérant a reçu une lettre de M. Ravasio, datée du 13 juin 2000 (ci-après la «décision attaquée»), lui notifiant son changement d'affectation avec emploi à l'intérieur d'une DG, de l'unité 4 vers l'unité «Coordination générale, ressources humaines et administration», devenue, depuis mars 2001, l'unité 1 «Coordination; ressources humaines; information et administration» (ci-après l'«unité 1»).

5.
    Le 12 septembre 2000, le requérant a introduit une réclamation à l'encontre de la décision attaquée, qui a été enregistrée le 26 septembre 2000. L'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l'«AIPN») n'a pas répondu à cette réclamation.

Procédure et conclusions des parties

6.
    Le requérant a introduit le présent recours par télécopie envoyée au greffe du Tribunal le 5 mai 2001, dont l'original a été reçu le 10 du même mois.

7.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale.

8.
    Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, les parties ont été invitées à répondre par écrit à certaines questions.

9.
    Les parties ont été entendues dans leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 26 juin 2002.

10.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision de la Commission du 13 juin 2000 de le transférer de l'unité 4 vers l'unité 1;

-    pour autant que de besoin, annuler la décision de la Commission, portant rejet implicite de sa réclamation du 26 septembre 2000;

-    condamner la Commission au paiement d'une somme de 25 000 euros à titre de préjudice moral;

-    condamner la Commission aux dépens.

11.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la demande en annulation

12.
    Bien que les conclusions du requérant visent également à l'annulation de la décision de la Commission portant rejet implicite de sa réclamation du 26 septembre 2000, introduite au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le «statut»), contre la décision attaquée, le présent recours a pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l'acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir arrêt du Tribunal du 14 juillet 2000, Cwik/Commission, T-82/99, RecFP p. I-A-155 et II-713, point 23). Il en résulte que le présent recours tend uniquement à l'annulation de la décision de la Commission du 13 juin 2000 de transférer le requérant de l'unité 4 vers l'unité 1.

        

13.
    Le requérant invoque quatre moyens à l'appui de ses conclusions en annulation, tirés respectivement de l'existence d'un détournement de pouvoir, de l'absence de correspondance entre la fonction et l'emploi, du non-respect du devoir de sollicitude et d'une violation de l'obligation de motivation.

Sur le moyen tiré d'un détournement de pouvoir

Arguments des parties

14.
    Le requérant fait valoir que la décision attaquée et la décision de séparer dans deux unités différentes la conception de l'information et sa diffusion n'ont pas été prises dans l'intérêt du service. Il soutient en particulier que, contrairement à ce qui était prévu dans la décision attaquée, il n'exerce pas au sein de l'unité 1 les fonctions qu'il exerçait au sein de l'unité 4.

15.
    À cet égard, il fait notamment observer qu'il n'est plus chargé des tâches liées à la conception de l'information sur l'euro et l'UEM, qu'il n'a plus participé à une seule réunion de coordination depuis son transfert (au sein de son unité ou avec d'autres services spécialisés de la DG) et qu'il est privé de l'information interne journalière sur l'UEM et l'euro, de sorte qu'il ne peut assurer pleinement sa diffusion comme il le faisait avant son transfert, tant à destination du public spécialisé que du public non spécialisé.

16.
    En outre, le requérant avance qu'il a été réaffecté dans une unité dont la dénomination, au moment de son transfert, n'avait rien à voir avec l'information sur l'UEM et l'euro, et que son nom ne figure pas dans l'Euro Communication Team, l'équipe des fonctionnaires chargés de la communication sur l'euro.

17.
    Le requérant soutient que ces faits participent d'une politique d'isolement et de harcèlement moral de la part de la Commission, dont il fait l'objet depuis des années.

18.
    À ce propos, le requérant indique que M. Verhaeven, son chef d'unité, d'une part, l'a critiqué pour avoir répondu à une demande faite par le cabinet de Mme Schreyer, membre de la Commission, et qui avait été transmise à l'Euro Communication Team et, d'autre part, lui a interdit de faire une brève intervention sur l'euro dans le cadre d'une conférence.

19.
    Il allègue encore qu'il lui a été interdit de publier le résumé d'une conférence qu'il avait donnée, décision qui a été annulée par l'arrêt Cwik/Commission, précité. De plus, au cours de l'année 1998, M. Schutz, en tant que supérieur hiérarchique du requérant, aurait intercepté plusieurs télécopies adressées à ce dernier et dans lesquelles celui-ci était invité à donner des conférences, et y aurait répondu à la place du requérant en envoyant d'autres conférenciers.

    

20.
    Le requérant ajoute enfin que, malgré les rapports de notation et les propositions de M. Adami, son ancien chef d'unité, M. Ravasio, a refusé de le promouvoir. Il n'aurait donc pas été promu depuis 1982. Depuis l'exercice de promotion 1993/1995, M. Ravasio aurait tenté de rabaisser systématiquement les notations du requérant proposées par son chef d'unité. De plus, ce dernier aurait refusé de lui communiquer les observations que la DG Affaires économiques et financières a transmises au comité de promotion pour s'opposer à sa promotion.

21.
    D'après le requérant, tous les faits mentionnés ci-dessus constituent des indices objectifs, pertinents et concordants selon lesquels la Commission n'a pas agi dans l'intérêt du service, mais a commis un détournement de pouvoir en adoptant la décision attaquée.

22.
    La Commission conteste le bien-fondé du présent moyen en affirmant que la décision de réaffectation du requérant fait partie des mesures prises dans le cadre d'une réorganisation des services, tendant à rassembler dans l'unité 1 toutes les questions relatives à la diffusion de l'information sur l'euro et l'UEM et dans l'unité 4 celles relatives à la conception de la politique de communication ou au développement du contenu proprement dit de ladite information. Elle indique que, dans la même logique, les sections «Publications» et «Documentation économique», qui faisaient partie de l'unité 4, ont aussi été transférées vers l'unité 1.

    

23.
    En ce qui concerne l'argument du requérant selon lequel il serait dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions liées à la diffusion de l'information, en raison du fait qu'il serait coupé de toute source d'information par ses supérieurs hiérarchiques, la Commission soutient que c'est au requérant qu'il appartient de s'informer. Elle souligne que la majorité des informations en cause est disponible dans des publications et sur les sites Internet et Intranet de la DG Affaires économiques et financières. En outre, le requérant ne pourrait prétendre que, pour pouvoir exercer ses fonctions, il devait participer à chacune des réunions organisées au sein de l'unité.

24.
    En ce qui concerne la réalité de la réorganisation des services, la Commission indique que le fait que certaines personnes travaillant dans l'unité 4 aient occasionnellement fait des exposés ou participé à des conférences ne modifie en rien la répartition de compétences entre cette unité, chargée de la politique de communication, et l'unité 1, chargée de sa diffusion. En outre, la Commission fait remarquer que le requérant n'a pas été le seul à être visé par cette mesure de réorganisation, d'autres de ses collègues ayant aussi été réaffectés à l'unité 1.

25.
    En ce qui concerne l'activité antérieure du requérant, la Commission fait valoir que, conformément à la lettre qu'il a adressée à M. Ravasio le 25 août 2000, cette activité consistait à effectuer principalement des exposés sur l'euro et sur les questions économiques en général destinées à un public ciblé (étudiants, visiteurs et autres). Elle entrerait donc dans le cadre des tâches qui auraient été transférées de l'unité 4 vers l'unité 1.

26.
    La Commission soutient que, hormis cette activité, le requérant n'a jamais été associé à la politique de communication relative à l'euro, n'ayant jamais contribué à l'élaboration des différentes communications adoptées par la Commission à ce sujet. En outre, il n'aurait jamais été associé aux préparatifs de l'euro et n'aurait participé à l'élaboration d'aucun document pertinent en la matière, tel que, par exemple, les 40 «Euro papers» qui ont été publiés.

27.
    Pour ce qui est de la prétendue tentative d'isolement du requérant, la Commission considère, à titre principal, que cet argument résulte d'une interprétation personnelle du requérant de ce que devraient être ses tâches et les moyens pour les exécuter, alors que ces choix relèvent du seul pouvoir d'appréciation de ses supérieurs hiérarchiques. En outre, dans la mesure où les fonctions attribuées à l'intéressé correspondent à son grade, il ne pourrait pas être question de l'existence d'une mesure d'isolement prise à son encontre.

Appréciation du Tribunal

28.
    D'après une jurisprudence constante, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt du Tribunal du 5 juillet 2000, Samper/Parlement, T-111/99, RecFP p. I-A-135 et II-611, point 64, et du 19 septembre 2001, E/Commission, T-152/00, RecFP p. I-A-179 et II-813, point 68).

29.
    À cet égard, il ne suffit pas d'invoquer certains faits à l'appui de ses prétentions; il faut encore fournir des indices suffisamment précis, objectifs et concordants de nature à soutenir leur véracité ou, à tout le moins, leur vraisemblance (arrêt de la Cour du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611, point 113).

30.
    En outre, il convient de rappeler qu'il résulte également de la jurisprudence que les institutions disposent d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre del'organisation de leurs services en fonction des missions qui leurs sont confiées et quant à l'affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, que cette affectation se fasse dans l'intérêt du service et dans le respect de l'équivalence des emplois (arrêt de la Cour du 23 mars 1988, Hecq/Commission, 19/87, Rec. p. 1681, point 6).

31.
    En l'espèce, les faits présentés par le requérant comme de supposés indices de l'existence d'un détournement de pouvoir ont trait, d'une part, à son exclusion des tâches de conception de la politique d'information et, d'autre part, aux conditions d'exercice des fonctions de diffusion de l'information qui lui ont été confiées dans sa nouvelle unité.

32.
    Or, en premier lieu, il convient de constater que l'exclusion du requérant des tâches de conception de la politique d'information découle directement de l'objectif de la restructuration des services, dans laquelle s'inscrit la décision litigieuse, consistant à séparer les tâches de conception de cette politique de celles relatives à la diffusion de l'information. Dans cette mesure, il ne peut pas être considéré que les faits en question constituent des indices de nature à établir que la décision litigieuse a été adoptée pour atteindre des fins autres que celles excipées.

33.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne les faits relatifs aux conditions d'exercice des fonctions de diffusion de l'information qui ont été confiées au requérant dans sa nouvelle unité, il y a lieu de considérer que ces faits, pris séparément ou dans leur ensemble, ne constituent pas non plus des indices établissant que la décision litigieuse a été adoptée pour atteindre des fins autres que celles excipées.

34.
    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l'ensemble de faits allégués par le requérant ne constituent pas des indices objectifs, pertinents et concordants qui permettraient d'établir l'existence d'un détournement de pouvoir.

35.
    Par conséquent, le moyen tiré du fait que la décision litigieuse serait entachée d'un détournement de pouvoir ne peut pas être accueilli.

Sur le moyen tiré d'une absence de correspondance entre la fonction et l'emploi

Arguments des parties

36.
    Le requérant fait valoir que, contrairement à ce qui se passait dans son ancienne unité, son nouvel emploi ne lui permet pas d'exercer ses fonctions de communication et d'information concernant l'UEM et l'euro.

37.
    Il affirme que le fait que le vocable «Information» a été ajouté en mars 2001 à la dénomination de l'unité 1 n'a pas modifié le caractère administratif des tâches confiées à cette unité. Cette dernière ne serait pas conçue pour collecter des informations sur les questions économiques et monétaires débattues au sein de la DG Affaires économiques et financières et le requérant se trouverait, parconséquent, dans l'impossibilité de préparer des conférences et de répondre aux courriers portant sur ces questions.

38.
    Enfin, le requérant indique qu'il est, dans le cadre de sa nouvelle unité, chargé de tâches, comme la gestion de la boîte à messages de l'unité 1, qui ne correspondent pas à celles d'un fonctionnaire de grade A 5, mais plutôt à celles d'un fonctionnaire de grade B, comme c'était le cas avant que cette tâche ne lui soit assignée.

39.
    La Commission estime qu'il y a une parfaite correspondance entre la fonction et l'emploi du requérant. Elle fait valoir que, comme ses tâches n'ont pas été modifiées, il était logique de le transférer vers l'unité 1, qui était devenue responsable de la diffusion de l'information.

40.
    La Commission conteste par ailleurs l'argument du requérant selon lequel l'unité 1 n'a pas de compétence en matière d'information. Elle fait observer que la réorganisation de la DG Affaires économiques et financières avait précisément pour objectif de rassembler dans cette unité toutes les questions relatives à la diffusion de l'information à la fois vers l'extérieur et vers l'intérieur de l'institution.

Appréciation du Tribunal

41.
    À titre préliminaire, il y a lieu de souligner que l'adéquation entre la fonction et l'emploi est prise en compte au paragraphe 1 de l'article 7 du statut. Ce dernier dispose que l'AIPN doit affecter chaque fonctionnaire à un emploi de sa catégorie ou de son cadre correspondant à son grade.

42.
    Or, il y a lieu de rappeler que, en cas de modification des fonctions attribuées à un fonctionnaire, la règle de la correspondance entre le grade et l'emploi implique non une comparaison entre les fonctions actuelles et antérieures de l'intéressé, mais entre ses fonctions actuelles et son grade dans la hiérarchie. Ainsi, l'article 7, paragraphe 1, du statut ne s'oppose pas à une décision de transfert d'un fonctionnaire entraînant l'attribution de nouvelles fonctions qui, si elles diffèrent de celles précédemment exercées, sont néanmoins conformes à l'emploi correspondant à son grade (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 juillet 1992, Eppe/Commission, T-59/91 et T-79/91, Rec. p. II-2061, points 49 et 51).

43.
    En l'espèce, il y a lieu de constater que la décision litigieuse a attribué au requérant un emploi qui correspond effectivement à sa catégorie et à son grade et que ses droits statutaires n'ont pas été modifiés. À cet égard, il y a lieu de considérer, en particulier, que le simple fait que le requérant ait été chargé d'une tâche qui auparavant avait été exercée par un fonctionnaire de la catégorie B n'est pas suffisant pour conclure que l'ensemble de son nouvel emploi ne correspond pas à la catégorie ou au grade du requérant.

44.
    Par conséquent, le présent moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré du non-respect du devoir de sollicitude

Arguments des parties

45.
    Le requérant rappelle que, selon une jurisprudence constante, lorsque l'AIPN statue à propos de la situation d'un fonctionnaire, il résulte du devoir de sollicitude qu'elle est tenue de prendre en considération non seulement l'intérêt du service, mais également l'intérêt du fonctionnaire concerné (arrêts de la Cour du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C-298/93 P, Rec. p. I-3009, point 38, et du Tribunal du 18 avril 1996, Kyrpitsis/CES, T-13/95, RecFP p. I-A-167 et II-503, point 52).

46.
    Or, dans le cadre de ses agissements et notamment de l'adoption de la décision attaquée, la Commission n'aurait pas tenu compte de l'intérêt du requérant.

47.
    À cet égard, il fait, notamment valoir que, en le transférant à l'unité 1, la Commission lui a retiré une grande partie des fonctions qu'il exerçait à l'unité 4, telles que les analyses, les réflexions ou la rédaction de notes en matière économique et financière. En outre, en ne communiquant pas au requérant toutes les informations sur cette matière, la Commission l'empêcherait d'assurer convenablement certaines tâches d'information et de communication.

48.
    Par ailleurs, n'étant pas mentionné sur la liste des personnes faisant partie de l'Euro Communication Team et étant transféré dans une unité administrative telle que l'unité 1, il aurait perdu, vis-à-vis de l'extérieur, toute «visibilité». Le requérant, qui disposerait d'une expérience importante en matière économique et monétaire, ne serait donc plus perçu comme étant un économiste de la DG Affaires économiques et financières par les organisateurs de conférences.

49.
    La Commission conteste qu'elle ait violé son devoir de sollicitude à l'égard du requérant. Elle soutient que, au regard du large pouvoir d'appréciation dont disposent les institutions dans l'organisation de leurs services et, parallèlement, dans l'affectation de leur personnel, une décision de réaffectation, même si elle cause des inconvénients aux fonctionnaires intéressés, ne constitue pas un événement anormal et imprévisible dans leur carrière (arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Presle/Cedefop, T-93/96, RecFP p. I-A-387 et II-1111, point 60).

50.
    En outre, elle soutient que, pour qu'une mesure de réorganisation des services porte atteinte aux droits statutaires d'un fonctionnaire et puisse, de ce fait, faire l'objet d'un recours, il ne suffit pas qu'elle entraîne un changement et même une diminution quelconque des attributions du fonctionnaire, mais il faut que, dans leur ensemble, ses attributions restent nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur (arrêt Hecq/Commission, précité, point 7; arrêt du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T-78/96 et T-170/96, RecFP p. I-A-239 et II-745, point 104).La Commission conclut que, comme une telle démonstration fait défaut, le moyen devrait être rejeté.

Appréciation du Tribunal

51.
    À titre préliminaire, il y a lieu de remarquer que le présent moyen n'est recevable qu'en ce qu'il vise à l'annulation de la décision attaquée, étant donné qu'elle constitue le seul acte de la Commission à l'égard duquel l'AIPN a été préalablement saisie d'une réclamation, au sens de l'article 90, paragraphe 2, du statut, tel que prévu à l'article 92, paragraphe 1, de ce dernier.

52.
    En outre, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, si le devoir de sollicitude de l'administration à l'égard de ses agents reflète l'équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l'autorité publique et les agents du service public, les exigences de ce devoir ne sauraient empêcher l'AIPN d'adopter les mesures qu'elle estime nécessaires dans l'intérêt du service, puisque le pourvoi de chaque emploi doit se fonder en premier lieu sur l'intérêt du service (arrêt W/Commission, précité, point 116).

53.
    Dans ces circonstances, dans la mesure où, tel que cela a été constaté ci-dessus au point 34, le requérant n'a pas apporté des indices suffisants pour établir que la décision attaquée a été prise pour atteindre des fins différentes de l'intérêt du service, il y a lieu de considérer que la Commission n'a pas violé son devoir de sollicitude à son égard.

54.
    Dès lors, le présent moyen ne peut pas être accueilli.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation

Arguments des parties

55.
    Le requérant affirme que la Commission n'a pas respecté l'article 25, paragraphe 2, du statut, dans la mesure où elle n'a pas motivé la décision attaquée et où elle n'a pas donné de réponse explicite à sa réclamation.

56.
    En premier lieu, le requérant fait valoir que son transfert de l'unité 4 vers l'unité 1 n'a pas été décidé dans le cadre d'une réorganisation des services visant à séparer les tâches liées à la conception de l'information de celles liées à la diffusion de cette information.

57.
    En second lieu, le requérant conteste avoir été informé, au cours de trois réunions précédant son acte de transfert ou de la réunion interservices, qu'il serait affecté à l'unité 1 en raison du souhait de transférer toutes les activités liées à la diffusion de l'information vers cette unité.

58.
    Il affirme que, lors de la première réunion en mars 2000 avec M. Verhaeven, il a été informé du souhait du directeur général de la DG Affaires économiques et financières de supprimer l'unité 4 et de transférer la majorité de ses activités à l'unité 1 et celles restantes, en particulier, les campagnes sur l'UEM et l'euro, à la direction C «Économie de la zone euro et de l'Union». Toutefois, la raison invoquée aurait été l'état de santé de M. Blackie, chef de l'unité 4 et son incapacité à diriger une équipe de douze personnes. Lors de la deuxième entrevue, en juin 2000, avec M. Verhaeven, le requérant aurait simplement été informé de son transfert vers l'unité 1. Enfin, lors du troisième entretien, en juillet 2000, dans le bureau de M. Blackie et en présence de M. Verhaeven, le requérant aurait reçu comme seule explication de son transfert le fait que M. Blackie ne souhaitait pas avoir plus de deux collaborateurs pour des raisons de santé.

59.
    Lors de la réunion interservices qui a eu lieu dans le cadre de l'instruction de sa réclamation, le requérant aurait reçu comme explication que l'administration avait décidé de transférer les activités liées à la diffusion comme les «Publications» et la «Bibliothèque» à l'unité 1, mais que ces activités ne concerneraient pas les domaines d'intervention du requérant.

60.
    La Commission fait valoir, ainsi que cela a été exposé ci-dessus au point 22, que la réaffectation du requérant est une mesure prise dans l'intérêt du service, dans le cadre d'une réorganisation générale des services de la DG Affaires économiques et financières, qui ne porte pas atteinte à ses droits statutaires.

61.
    À titre subsidiaire, la Commission allègue que le requérant a reçu, au cours des trois réunions précédant son acte de transfert, ainsi qu'au cours de la réunion interservices, toutes les informations relatives aux raisons de sa réaffectation, à savoir le transfert de toutes les activités liées à la diffusion de l'information vers l'unité 1.

Appréciation du Tribunal

62.
    À titre préliminaire, il y a lieu de rappeler que, si une simple mesure d'organisation interne, prise dans l'intérêt du service, ne porte pas atteinte à la position statutaire du fonctionnaire ou au respect du principe de correspondance entre le grade et l'emploi, l'administration n'est pas tenue de la motiver ni d'entendre préalablement l'intéressé à ce sujet (arrêt de la Cour du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C-116/88 et C-149/88, Rec. p. I-599, point 14).

63.
    En outre, il y a lieu de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante, une décision est suffisamment motivée dès lors qu'elle est intervenue dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (arrêt W/Commission, précité, point 141).

64.
    En l'espèce, il ressort du dossier et, notamment, de la lettre du requérant du 30 mars 2000 adressée à M. Ravasio, de la lettre du requérant du 12 septembre 2000adressée à M. O'Sullivan, secrétaire général de la Commission, et des documents présentés par le requérant à l'appui de sa réclamation du 12 septembre 2000, que ce dernier avait connaissance du contexte dans lequel a été adoptée la décision attaquée et, en particulier, du fait que cette dernière a été prise dans le cadre de la restructuration de l'unité 4.

65.
    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la décision attaquée a été suffisamment motivée, le requérant ayant été mis en mesure d'apprécier la légalité de cette décision ainsi que l'opportunité de la soumettre à un contrôle juridictionnel.

66.
    Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.

67.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté pour ce qui est de la demande en annulation.

Sur la demande en indemnité

Arguments des parties

68.
    Le requérant répète que la décision attaquée est illégale et fait valoir qu'elle a causé un dommage à sa réputation professionnelle, tant au sein qu'à l'extérieur de la Commission, dans la mesure où il n'est plus reconnu comme étant un économiste spécialisé dans les domaines de l'union monétaire et de l'introduction de l'euro, matières dans lesquelles il aurait développé des compétences durant 30 ans. Il soutient qu'un tel «sapement» de ses compétences a entraîné chez lui un sentiment d'humiliation, une démotivation dans son travail et une profonde déception par rapport aux institutions européennes.

69.
    En outre, le requérant risquerait de voir son image atteinte à l'extérieur de la Commission, dès lors que son nom n'apparaît plus parmi les personnes spécialisées dans l'information et la communication sur l'UEM et l'euro, ce qui pourrait être perçu comme un désaveu par la Commission de ses compétences, provoquant ainsi une atteinte à sa réputation professionnelle.

70.
    Pour l'ensemble du dommage qu'il aurait subi, le requérant demande une indemnisation qu'il a évaluée ex aequo et bono à 25 000 euros.

71.
    La Commission soutient qu'en l'espèce, en l'absence d'une quelconque faute ou d'un quelconque comportement illégal de la part de l'institution, les conditions exigées par la jurisprudence ne seraient pas remplies, de sorte que la demande de réparation devrait être rejetée.

Appréciation du Tribunal

72.
    La responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d'un ensemble de conditions tenant à l'illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage et à l'existence d'un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ainsi, doit être rejetée la demande introduite par un fonctionnaire visant à obtenir réparation du préjudice moral qui lui aurait été causé par l'illégalité du comportement de l'organe communautaire, dès lors que cette illégalité n'est pas établie (arrêt du Tribunal du 15 février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT, T-589/93, RecFP p. I-A-27 et II-77, points 141 et 142).

73.
    Or, ainsi qu'il résulte de l'examen des moyens d'annulation, l'illégalité du comportement reproché à la Commission n'est pas établie et la demande en réparation du préjudice prétendument subi par le requérant en raison de la décision attaquée doit, donc, être rejetée.

74.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

75.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Moura Ramos
Pirrung
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 novembre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: le français.