Language of document : ECLI:EU:C:2022:576

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 14 juillet 2022 (1)

Affaire C176/19 P

Commission européenne

contre

Servier SAS,

Servier Laboratories Ltd,

Les Laboratoires Servier SAS

« Pourvoi – Concurrence – Ententes – Abus de position dominante – Marché du périndopril, médicament pour le traitement des maladies cardiovasculaires – Accords de règlement amiable de litiges en matière de brevets conclus entre un laboratoire de princeps titulaire de brevets et des sociétés de génériques – Accord de règlement amiable associé à un accord de licence – Restriction de la concurrence par objet – Restriction de la concurrence par effet – Définition du marché pertinent »






Table des matières


I. Introduction

II. Les antécédents du litige

A. Les faits

1. Opérateurs concernés par la présente affaire

2. Produit et brevets en cause

a) Périndopril de Servier

b) Périndopril de Krka

3. Litiges relatifs au périndopril et lancement de versions génériques

a) Litiges devant l’OEB

b) Litiges devant les juridictions nationales

4. Litiges et accords entre Servier et Krka

B. La décision litigieuse

C. L’arrêt attaqué

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

IV. Appréciation

A. Sur le pourvoi

1. Sur l’article 101 TFUE

a) Sur la restriction de la concurrence par objet (premier à sixième moyens de pourvoi)

1) L’analyse de l’objet des accords Krka dans la décision litigieuse et l’arrêt attaqué

i) Décision litigieuse

ii) Arrêt attaqué

2) Les moyens de pourvoi relatifs à l’objet des accords Krka

i) Sur la pression concurrentielle exercée par Krka sur Servier (premier moyen de pourvoi)

– Sur la recevabilité et le caractère opérant du moyen

– Sur le fond

– Conclusion intermédiaire

ii) Sur la licence comme incitation pour Krka à accepter les restrictions du règlement amiable (deuxième moyen de pourvoi)

– Sur la licence comme contrepartie de l’engagement de non-concurrence

– Sur le caractère incitatif de la licence

– Sur le chiffrage de la valeur transférée à Krka au moyen de la licence

– Conclusion intermédiaire

iii) Sur l’application du concept de restriction de la concurrence par objet (troisième moyen de pourvoi)

– Sur l’absence de répartition « étanche » des marchés

– Sur les intentions des parties et leurs convictions quant à la validité du brevet 947

– Sur le duopole de fait instauré par la licence

– Sur une déclaration de la part de Lupin

– Sur les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie et le règlement n° 772/2004 concernant l’application de l’article [101, paragraphe 3, TFUE] à des catégories d’accords de transfert de technologie

– Conclusion intermédiaire

iv) Sur l’intention des parties (quatrième moyen de pourvoi)

– Sur la prise en compte de l’intention des parties

– Sur l’application des principes relatifs à l’administration des preuves

– Sur la crédibilité des preuves en fonction de leur date d’élaboration

– Sur la valeur probatoire de déclarations ultérieures

– Conclusion intermédiaire

v) Sur la prise en compte des effets pro-concurrentiels de la licence (cinquième moyen de pourvoi)

vi) Sur l’accord de cession et de licence Krka (sixième moyen de pourvoi)

3) Conclusion sur l’objet des accords Krka

b) Sur la restriction de la concurrence par effet (septième moyen de pourvoi)

1) L’analyse des effets des accords Krka dans la décision litigieuse et l’arrêt attaqué

i) Décision litigieuse

ii) Arrêt attaqué

2) Le moyen de pourvoi relatif aux effets des accords Krka

i) Sur l’analyse contrefactuelle

ii) Sur le moment auquel il faut se placer pour l’analyse contrefactuelle

iii) Sur l’absence de pertinence de la distinction entre accords mis en œuvre et accords non mis en œuvre

3) Conclusion sur les effets des accords Krka

c) Conclusion sur l’existence d’une infraction au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’agissant des accords Krka

2. Sur l’article 102 TFUE

a) Les constatations relatives à l’article 102 TFUE dans la décision litigieuse et l’arrêt attaqué

1) Décision litigieuse

2) Arrêt attaqué

b) Les moyens de pourvoi relatifs à l’article 102 TFUE

1) Sur la place du prix lors de la détermination du marché pertinent des produits finis (huitième moyen de pourvoi)

i) Sur les facteurs liés aux prix dans la détermination du marché pertinent (première et deuxième branches du huitième moyen de pourvoi)

ii) Sur l’insensibilité aux prix des médecins prescripteurs (troisième et quatrième branches du huitième moyen de pourvoi)

iii) Sur la concurrence exercée par les génériques du périndopril (cinquième et sixième branches du huitième moyen de pourvoi)

iv) Conclusion intermédiaire

2) Sur la prise en compte de la substituabilité thérapeutique dans la détermination du marché pertinent des produits finis (neuvième moyen de pourvoi)

i) Sur le rôle de la substituabilité thérapeutique dans la détermination du marché pertinent des produits finis (première branche du neuvième moyen de pourvoi)

ii) Sur la prise en compte ou l’analyse d’un certain nombre d’éléments de preuve (deuxième à sixième branches du neuvième moyen de pourvoi)

iii) Conclusion intermédiaire

3) Sur l’irrecevabilité de certaines annexes présentées en première instance (dixième moyen de pourvoi)

4) Sur le marché pertinent de la technologie (onzième moyen de pourvoi)

c) Conclusion sur les moyens de pourvoi relatifs à l’article 102 TFUE

B. Sur le recours devant le Tribunal

V. Les dépens

VI. Conclusion


I.      Introduction

1.        Tout comme l’affaire parallèle Servier/Commission (C‑201/19 P), dans laquelle nous présentons également nos conclusions aujourd’hui, la présente affaire s’inscrit dans le sillon des affaires Generics (UK) e.a. (2) et Lundbeck/Commission (3), dans lesquelles la Cour a dégagé les critères pour qu’un accord de règlement amiable d’un litige opposant le titulaire d’un brevet pharmaceutique à un fabricant de médicaments génériques soit contraire au droit de la concurrence de l’Union.

2.        L’arrière-plan de la présente affaire, de l’affaire Servier/Commission ainsi que des sept autres pourvois composant ce groupe de neufs pourvois introduits contre huit arrêts du Tribunal (4), est constitué par plusieurs accords de règlement amiable de litiges de brevets conclus par le fabricant de médicaments princeps Servier avec des sociétés de génériques.

3.        Comme dans les affaires Generics (UK) e.a. et Lundbeck/Commission, ces accords sont intervenus dans une situation dans laquelle le brevet sur la substance active du médicament en cause, en l’occurrence le périndopril, était déjà tombé dans le domaine public, alors que Servier détenait encore des brevets dits « secondaires » sur certains procédés de fabrication de ce médicament.

4.        Les accords litigieux ont, en substance, fait en sorte que les sociétés de génériques, qui souhaitaient entrer sur le marché avec des versions génériques dudit médicament, s’engageaient à reporter leur entrée contre des transferts de valeur de la part de Servier.

5.        Dans la décision litigieuse (5), la Commission a considéré, d’une part, que les accords en cause, conclus par Servier avec Niche/Unichem, Matrix, Teva, Krka et Lupin, constituaient des restrictions de la concurrence par objet et par effet et par conséquent des infractions à l’article 101 TFUE.

6.        D’autre part, elle a considéré que leur conclusion, ensemble avec d’autres agissements comme l’acquisition de technologies pour la fabrication de l’ingrédient pharmaceutique actif (IPA) du périndopril, constituait, de la part de Servier, une stratégie visant à retarder l’entrée des sociétés de génériques du périndopril sur le marché de ce médicament, sur lequel Servier détenait une position dominante. Partant, la Commission a sanctionné ce comportement en tant qu’abus de position dominante au titre de l’article 102 TFUE.

7.        Dans l’arrêt attaqué ainsi que dans ses autres arrêts dans le groupe d’affaires concerné, le Tribunal a confirmé l’analyse de la Commission en ce qui concerne le caractère de restrictions de la concurrence par objet des quatre accords conclus par Servier avec Niche/Unichem, Matrix, Teva et Lupin. Ces constatations du Tribunal sont attaquées par Servier dans l’affaire Servier/Commission ainsi que par ces sociétés de génériques dans leurs pourvois respectifs introduits contre les arrêts du Tribunal les concernant.

8.        En revanche, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en ce qui concerne la qualification de restriction de la concurrence par objet et par effet des accords conclus par Servier avec Krka, ainsi qu’en ce qui concerne le constat d’abus de position dominante de la part de Servier, puisque la Commission aurait commis des erreurs lors de la définition du marché pertinent.

9.        Ces annulations sont mises en cause par la Commission dans la présente affaire ainsi que dans l’affaire Commission/Krka (C‑151/19 P). Ces affaires posent des questions inédites concernant la qualification de restriction de la concurrence par objet d’un accord de licence conclu concomitamment avec un accord de règlement amiable d’un litige de brevet, la qualification d’un tel ensemble d’accords de restriction de la concurrence par effet ainsi que la définition du marché pertinent dans le domaine pharmaceutique.

II.    Les antécédents du litige

A.      Les faits

10.      Le Tribunal a fait état des antécédents du litige aux points 1 à 73 de l’arrêt attaqué qui peuvent, pour les besoins de la présente procédure de pourvoi, être résumés de la manière suivante.

1.      Opérateurs concernés par la présente affaire

11.      Le groupe Servier, formé notamment de Servier SAS, sa société mère établie en France, des Laboratoires Servier SAS et de Servier Laboratories Ltd (ci-après, prises ensemble, « Servier »), rassemble des sociétés pharmaceutiques au niveau mondial. Les Laboratoires Servier est une société pharmaceutique française spécialisée dans le développement de médicaments princeps, notamment pour le traitement des maladies cardiovasculaires (6). Biogaran est une filiale à 100 % des Laboratoires Servier en charge des génériques (7).

12.      Le groupe pharmaceutique Krka, enregistré en Slovénie et spécialisé dans le développement, la production et la commercialisation de médicaments génériques, comprend la société mère, Krka Tovarna Zdravil d.d., et plusieurs filiales en Slovénie et dans d’autres pays (ci-après « Krka ») (8).

2.      Produit et brevets en cause

a)      Périndopril de Servier

13.      Servier a mis au point le périndopril, médicament indiqué en médecine cardiovasculaire, principalement destiné à lutter contre l’hypertension et l’insuffisance cardiaque. L’IPA du périndopril se présente sous la forme d’un sel. Le sel utilisé initialement était l’erbumine (ou tert-butylamine), qui présente une forme cristalline en raison du procédé employé par Servier pour sa synthèse (9).

14.      Le brevet EP0049658 relatif à la molécule du périndopril a été déposé devant l’Office européen des brevets (OEB) le 29 septembre 1981. Ce brevet devait arriver à expiration le 29 septembre 2001, mais sa protection a été étendue dans plusieurs États membres de l’Union européenne, dont le Royaume-Uni, jusqu’au 22 juin 2003 (10). En France, la protection dudit brevet a été étendue jusqu’au 22 mars 2005 et, en Italie, jusqu’au 13 février 2009 (11). L’octroi d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour des comprimés de périndopril erbumine (2 et 4 mg) pour le traitement de l’hypertension artérielle est intervenu entre 1988 et 1989 en Europe (12).

15.      Après le dépôt du brevet de molécule, Servier a déposé plusieurs brevets de procédé relatifs à la fabrication du périndopril devant l’OEB. Les brevets concernés par la présente procédure sont, notamment, les brevets EP0308339, EP0308340 et EP0308341 (ci-après, respectivement, le « brevet 339 », le « brevet 340 » et le « brevet 341 »), déposés en 1988 et devant expirer en 2008, ainsi que, et surtout, le brevet EP1296947 (dit « brevet alpha », ci-après le « brevet 947 »), déposé en 2001. Le brevet 947 couvrait la forme cristalline alpha du périndopril erbumine et les méthodes pour le fabriquer et a été accordé le 4 février 2004 (13).

16.      Servier a également déposé des demandes de brevets nationaux dans plusieurs États membres de l’Union, par exemple en Bulgarie, en République tchèque, en Estonie, en Hongrie, en Pologne et en Slovaquie. C’est ainsi que des brevets ont été délivrés le 16 mai 2006 en Bulgarie, le 17 août 2006 en Hongrie, le 23 janvier 2007 en République tchèque, le 23 avril 2007 en Slovaquie et le 24 mars 2010 en Pologne. Ces brevets correspondaient, en substance, aux brevets déposés devant l’OEB (14).

17.      À partir de 2002, Servier a mis au point un périndopril de deuxième génération, fabriqué à partir d’un nouveau sel, l’arginine, pour lequel elle a introduit une demande de brevet (EP1354873B) le 17 février 2003. Ce brevet a été délivré le 17 juillet 2004, avec une date d’expiration fixée au 17 février 2023. L’introduction du périndopril arginine sur les marchés de l’Union a débuté en 2006. Ce produit est une version générique bioéquivalente du produit de première génération, mais se vend sous des dosages différents en raison du poids moléculaire différent du nouveau sel (15). Le périndopril arginine a reçu une AMM en France en 2004 et a ensuite été autorisé par la procédure de reconnaissance mutuelle dans d’autres États membres (16).

b)      Périndopril de Krka

18.      Krka a commencé son propre développement du périndopril à partir de 2003. Au cours de la période 2005-2006, elle a reçu des AMM pour plusieurs marchés de l’Union et a lancé le périndopril sur le marché dans plusieurs États membres d’Europe centrale et orientale, dont la Pologne et la Hongrie. Au cours de cette période, elle préparait également sa mise sur le marché dans d’autres États membres, dont la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, soit seule soit en coopération avec d’autres sociétés (17).

3.      Litiges relatifs au périndopril et lancement de versions génériques

19.      Entre 2003 et 2009, Servier a été partie à un ensemble de litiges concernant le périndopril, tant devant l’OEB que devant des juridictions nationales. Il s’agissait essentiellement de demandes d’injonctions et de procédures relatives au brevet 947, engagées dans différents États membres et opposant Servier à une série de sociétés de génériques préparant le lancement d’une version générique du périndopril (18).

a)      Litiges devant l’OEB

20.      D’abord, dix sociétés de génériques, dont Krka, ont formé opposition contre le brevet 947 devant l’OEB en 2004, en vue d’obtenir sa révocation dans sa totalité, en invoquant des motifs tirés du manque de nouveauté et d’activité inventive et du caractère insuffisant de l’exposé de l’invention (19).

21.      Le 27 juillet 2006, la division d’opposition de l’OEB a confirmé la validité du brevet 947, à la suite de légères modifications des revendications initiales de Servier (ci-après la « décision de l’OEB du 27 juillet 2006 »). Neuf sociétés ont formé un recours contre cette décision, mais Krka et Lupin ont notifié le retrait de leurs recours les 11 janvier et 5 février 2007, respectivement, à la suite de leurs accords avec Servier. Par décision du 6 mai 2009, la chambre de recours technique de l’OEB a annulé la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et révoqué le brevet 947 (ci-après la « décision de l’OEB du 6 mai 2009 »). La requête en révision déposée par Servier à l’encontre de cette décision a été rejetée le 19 mars 2010 (20).

b)      Litiges devant les juridictions nationales

22.      La validité du brevet 947 a également été contestée par des sociétés de génériques devant les juridictions de certains États membres, et Servier a introduit des demandes d’injonctions provisoires, qui ont parfois été couronnées de succès (21). Toutefois, la plupart de ces litiges ont pris fin avant l’intervention d’une décision définitive sur la validité du brevet 947 en raison des accords de règlement amiable conclus entre Servier et des sociétés de génériques.

23.      Cependant, deux litiges entre Servier et Apotex, la seule société de génériques partie à un litige avec Servier au Royaume-Uni avec laquelle Servier n’a pas conclu d’accord de règlement amiable, n’ont pas été interrompues et ont par la suite mené à l’invalidation du brevet 947.

24.      Ainsi, d’une part, le 1er août 2006, Servier a introduit une action en contrefaçon du brevet 947 contre Apotex, qui avait lancé une version générique du périndopril « à risque » sur le marché du Royaume-Uni, devant la justice au Royaume-Uni et a obtenu le prononcé d’une injonction provisoire le 8 août 2006. Toutefois, à la suite d’une demande reconventionnelle en annulation dudit brevet introduite par Apotex, le brevet 947 a été invalidé le 6 juillet 2007, l’injonction a été levée et Apotex est entrée sur le marché avec du périndopril générique, ce qui a ouvert le marché aux génériques au Royaume-Uni. Le 9 mai 2008, la décision d’invalidation du brevet 947 a été confirmée en appel (22).

25.      D’autre part, le 13 novembre 2007, Katwijk Farma, une filiale d’Apotex, a saisi la justice néerlandaise d’une demande d’annulation du volet néerlandais du brevet 947 et a lancé, le 13 décembre 2007, son périndopril générique, alors qu’une demande d’injonction provisoire de la part de Servier a été rejetée. Le 11 juin 2008, la justice néerlandaise a annulé le brevet 947 pour les Pays-Bas au terme d’une action en justice concomitante engagée par Pharmachemie, une filiale de Teva (23).

26.      À partir de mai 2008, Sandoz, une autre société de génériques, a lancé son périndopril générique dans plusieurs États membres (24).

4.      Litiges et accords entre Servier et Krka

27.      Entre 2005 et 2007, Servier a conclu des accords de règlement amiable avec les sociétés de génériques Niche/Unichem, Matrix, Teva, Krka et Lupin. Les accords concernés par le présent pourvoi sont ceux conclus par Servier avec Krka.

28.      Servier a introduit, le 30 mai 2006, une demande d’injonction provisoire en Hongrie tendant à interdire la commercialisation d’une version générique du périndopril mise sur le marché par Krka, en raison de la violation du brevet 947. Cette demande a été rejetée le 13 octobre 2006 (25).

29.      Au Royaume-Uni, Servier a introduit, le 28 juillet 2006, une action en contrefaçon du brevet 340 à l’encontre de Krka. Le 2 août 2006, Servier a également introduit une action en contrefaçon du brevet 947 contre Krka ainsi qu’une demande d’injonction provisoire. Le 1er septembre 2006, Krka a introduit une demande reconventionnelle en annulation du brevet 947 et une demande de procédure sommaire (application for summary judgment). Le 8 septembre 2006, Krka a introduit une autre demande reconventionnelle en annulation du brevet 340.

30.      Le 3 octobre 2006, la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)], a fait droit à la demande d’injonction provisoire de Servier et a rejeté la demande de procédure sommaire (application for summary judgment) introduite par Krka le 1er septembre 2006, tendant à l’invalidation du brevet 947, en ordonnant la tenue d’un procès au fond. Le 1er décembre 2006, l’instance en cours s’est éteinte à la suite du règlement amiable intervenu entre les parties et l’injonction provisoire a été levée (26).

31.      Servier et Krka ont signé un accord de règlement amiable (ci-après l’« accord de règlement amiable Krka ») et un accord de licence (ci-après l’« accord de licence Krka »), le 27 octobre 2006, complété par un avenant conclu le 2 novembre 2006. De plus, ces parties ont conclu un accord de cession et de licence (ci-après l’« accord de cession et de licence Krka ») le 5 janvier 2007 (ci-après, pris ensemble, « les accords Krka »).

32.      Dans l’accord de règlement amiable Krka, il était prévu que le brevet 947 recouvrait également les brevets nationaux équivalents. En vertu de cet accord de règlement amiable, en vigueur jusqu’à l’expiration ou la révocation des brevets 947 ou 340, Krka s’est engagée à renoncer à toute prétention existant à l’encontre du brevet 947 dans le monde entier et du brevet 340 au Royaume-Uni et à ne contester aucun de ces deux brevets à l’avenir dans le monde entier. De plus, Krka et ses filiales n’étaient pas autorisées à lancer ou à commercialiser une version générique du périndopril qui violerait le brevet 947 pendant la durée de validité de ce dernier et dans le pays où il était encore valable, sauf autorisation expresse de Servier. De même, Krka ne pouvait fournir à aucun tiers une version générique du périndopril violant le brevet 947, sans l’autorisation expresse de Servier. En contrepartie, Servier était tenu de se désister des instances en cours dans le monde entier contre Krka fondées sur la contrefaçon des brevets 947 et 340, y compris ses demandes d’injonctions provisoires (27).

33.      En vertu de l’accord de licence Krka, conclu pour une durée correspondant à la validité du brevet 947, Servier a concédé à Krka une licence « exclusive » et irrévocable sur le brevet 947, en vue d’utiliser, de fabriquer, de vendre, de proposer à la vente, de promouvoir et d’importer ses propres produits contenant la forme cristalline alpha de l’erbumine en République tchèque, en Lettonie, en Lituanie, en Hongrie, en Pologne, en Slovénie et en Slovaquie.

34.      En contrepartie de la licence, Krka était tenue de verser à Servier une redevance de 3 % du montant net de ses ventes sur l’ensemble de ces territoires. Servier était autorisé, dans ces mêmes États, à utiliser directement ou indirectement (c’est-à-dire pour une de ses filiales ou pour un seul tiers par pays) le brevet 947 (28).

35.      Au moment de la conclusion des accords, les équivalents nationaux du brevet 947 n’avaient pas encore été accordés à Servier dans certains de ces sept marchés alors que Krka y commercialisait déjà son produit (29).

36.      En vertu de l’accord de cession et de licence Krka, Krka a transféré deux demandes de brevets à Servier, l’une concernant un procédé de synthèse du périndopril (WO 2005 113500) et l’autre concernant la préparation de formulations de périndopril (WO 2005 094793). La technologie protégée par ces demandes de brevets était utilisée pour la production du périndopril de Krka. Krka s’est engagée à ne pas contester la validité des brevets qui seraient délivrés sur la base des demandes en cause. En contrepartie de cette cession, Servier a versé à Krka un montant de 15 millions d’euros pour chacune des demandes en cause. Servier a concédé également à Krka une licence non exclusive, irrévocable, non cessible et exempte de redevances, sans droit de concéder des sous-licences (sinon à ses filiales), sur les demandes ou les brevets qui en résultaient, cette licence n’étant pas limitée dans le temps, dans l’espace ou dans les usages pouvant en être faits (30).

B.      La décision litigieuse

37.      Dans la décision litigieuse, adoptée le 9 juillet 2014 (31), la Commission a considéré que Servier avait enfreint, d’une part, l’article 101 TFUE, en participant à quatre accords de règlement amiable en matière de brevets contre paiement inversé avec Niche/Unichem, Matrix, Teva et Lupin, et à trois accords, constituant une infraction unique et continue, avec Krka.

38.      D’autre part, la Commission a considéré que Servier avait enfreint l’article 102 TFUE en élaborant et en mettant en œuvre, au moyen, notamment, de l’acquisition de technologie et de ces accords de règlement amiable, une stratégie d’exclusion couvrant le marché des formulations du périndopril en France, aux Pays-Bas, en Pologne et au Royaume-Uni et le marché de la technologie de l’IPA du périndopril (32).

39.      La Commission a considéré que Servier et Krka avaient enfreint l’article 101 TFUE dans les 18/20 États membres (33) où Krka s’est engagée, au moyen de l’accord de règlement amiable Krka, à ne plus faire concurrence à Servier avec ses produits existants en échange d’une licence dans les sept autres États membres. Ces accords auraient ainsi eu pour objet de diviser et d’allouer les marchés de l’Union entre ces deux opérateurs. La Commission a également constaté que les accords Krka avaient constitué une restriction de la concurrence par effet et a examiné à cet égard les effets desdits accords sur les marchés de la France, des Pays-Bas et du Royaume-Uni (34). La Commission n’a pas constaté d’infraction dans les sept États membres pour lesquels la licence avait été accordée (35).

40.      De plus, la Commission a considéré que Servier et Krka avaient enfreint l’article 101 TFUE dans la mesure où Krka avait arrêté de faire concurrence en tant que source existante de technologie de périndopril en transférant sa technologie à Servier contre le paiement d’un montant total de 30 millions d’euros (36).

41.      La Commission a infligé à Servier des amendes pour ces infractions aux articles 101 et 102 TFUE (37).

C.      L’arrêt attaqué

42.      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 septembre 2014, Servier a introduit un recours contre la décision litigieuse. Devant le Tribunal, Servier a été soutenue en ses conclusions par la European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations (EFPIA).

43.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal, statuant en chambre élargie, a, premièrement, annulé 1) l’article 4 de la décision litigieuse (qui constatait une infraction de Servier à l’article 101 TFUE au titre des accords avec Krka) ; 2) l’article 6 de la décision litigieuse (qui constatait l’infraction de Servier à l’article 102 TFUE), et 3) l’article 7, paragraphe 4, sous b), et paragraphe 6, de la décision litigieuse (qui infligeait les amendes à Servier pour ces deux infractions).

44.      Deuxièmement, le Tribunal a 4) réduit le montant de l’amende infligée à Servier au titre de l’accord avec Matrix, visé à l’article 2 de la décision litigieuse, par l’article 7, paragraphe 2, sous b), de ladite décision. Troisièmement, il a 5) rejeté le recours pour le surplus, et, quatrièmement, 6) et 7) condamné Servier, la Commission et l’EFPIA à supporter chacun leurs propres dépens.

III. La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

45.      Par acte du 22 février 2019, la Commission a formé un pourvoi contre l’arrêt attaqué.

46.      Parallèlement, la Commission a également formé un pourvoi contre l’arrêt du Tribunal dans l’affaire Krka/Commission, alors que Servier et les autres destinataires de la décision litigieuse ayant succombé devant le Tribunal ont formé des pourvois contre le rejet de leurs recours contre ladite décision (38).

47.      Par acte du 22 mai 2019, le Royaume-Uni a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. L’intervention a été admise par décision du président de la Cour du 16 juin 2019.

48.      La Commission demande à la Cour

–        d’annuler les points 1), 2) et 3) de l’arrêt attaqué qui annulent i) l’article 4 de la décision litigieuse en tant qu’il constate la participation de Servier aux accords passés par Servier avec la société Krka, ii) l’article 7, paragraphe 4, sous b), de la décision litigieuse qui fixe l’amende prononcée contre Servier pour avoir passé ces accords, iii) l’article 6 de la décision litigieuse qui constate une infraction par Servier à l’article 102 TFUE et iv) l’article 7, paragraphe 6, de la décision litigieuse qui fixe le montant de l’amende infligée à Servier relativement à cette infraction ;

–        d’annuler l’arrêt attaqué en ce qu’il déclare les annexes A 286 et A 287 à la requête et l’annexe C 29 à la réplique recevables (points 1461, 1462 et 1463 de cet arrêt) ;

–        de statuer définitivement sur la requête en annulation de la décision litigieuse présentée par Servier et de rejeter la demande de Servier en annulation de l’article 4, de l’article 7, paragraphe 4, sous b), de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision litigieuse et de faire droit à la demande de la Commission de déclarer irrecevables les annexes A 286 et A 287 à la requête devant le Tribunal et l’annexe C 29 à la réplique devant le Tribunal (points 1461 à 1463 de l’arrêt attaqué) ;

–        de condamner Servier à supporter la totalité de dépens du pourvoi.

49.      Le Royaume-Uni demande à la Cour

–        de faire droit aux conclusions de la Commission.

50.      Servier demande à la Cour

–        de rejeter le pourvoi dans sa totalité et

–        de condamner la Commission aux dépens.

51.      L’EFPIA demande à la Cour

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la Commission aux dépens de la procédure de pourvoi et de la première instance.

52.      Le 13 septembre 2021, la Cour a invité les parties à présenter leurs observations sur l’arrêt Generics (UK) e.a.ainsi que sur les arrêts du groupe Lundbeck/Commission (39).

53.      Les 20 et 21 octobre 2021, les parties des neufs pourvois introduits contre les huit arrêts du Tribunal concernant la décision litigieuse ont été entendues en leurs observations et en leurs réponses aux questions de la Cour lors d’une audience commune.

IV.    Appréciation

A.      Sur le pourvoi

54.      Au soutien de son pourvoi, la Commission avance onze moyens, dont les sept premiers concernent les considérations du Tribunal relatives à l’appréciation des accords Krka sous l’angle de l’article 101 TFUE (1), alors que les quatre derniers concernent les considérations du Tribunal relatives à la définition du marché pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE (2) (40).

1.      Sur l’article 101 TFUE

55.      Par ses premiers à sixième moyens de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a considéré que les accords Krka ne constituaient pas une restriction de la concurrence par objet (a). Par son septième moyen de pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal a également commis une erreur de droit lorsqu’il a considéré que la Commission n’avait pas non plus établi que ces accords constituaient une restriction de la concurrence par effet (b).

a)      Sur la restriction de la concurrence par objet (premier à sixième moyens de pourvoi)

56.      Avant d’examiner les moyens de pourvoi de la Commission concernant l’analyse de l’objet anticoncurrentiel des accords Krka par le Tribunal (2), il est utile de résumer comment cet objet a été analysé par la Commission dans la décision litigieuse et par le Tribunal dans l’arrêt attaqué (1).

1)      L’analyse de l’objet des accords Krka dans la décision litigieuse et l’arrêt attaqué

i)      Décision litigieuse

57.      Dans la section 5.5 (considérants 1670 à 1812 de la décision litigieuse), la Commission a examiné les trois accords conclus entre Servier et Krka et a considéré qu’ils constituaient une activité unique et continue qui avait pour objet de restreindre la concurrence en partageant les marchés du périndopril dans l’Union entre ces deux opérateurs (41).

58.      Selon la Commission, d’une part, l’accord de règlement amiable Krka et l’accord de licence Krka avaient pour objet le partage et l’allocation des marchés de l’Union entre Servier et Krka de la façon suivante : L’accord de licence Krka autorisait Krka à continuer à commercialiser ou à lancer du périndopril générique dans le cadre d’un duopole de fait avec Servier dans sept États membres qui représentaient les marchés principaux de Krka. Cette autorisation constituait la récompense pour l’engagement de Krka, au titre de l’accord de règlement amiable Krka, de s’abstenir de faire concurrence à Servier dans les 18/20 marchés restants de l’Union (42). La Commission a donc considéré que l’accord de licence constituait l’incitation offerte par Servier à Krka pour que cette dernière accepte les restrictions convenues dans l’accord de règlement amiable (43).

59.      D’autre part, la Commission a constaté que l’accord de cession et de licence Krka, conclu deux mois après les accords de règlement amiable et de licence Krka, avait permis de renforcer la position concurrentielle de Servier et de Krka qui résultait du partage de marchés instauré par l’ensemble de ces accords, en empêchant Krka de céder sa technologie concurrente pour la production de périndopril à d’autres sociétés de génériques. Dans la mesure où le versement de la somme de 30 millions d’euros dans le cadre de cet accord était sans lien avec les revenus attendus ou réalisés par Servier par l’exploitation commerciale de la technologie cédée par Krka, ce paiement a été analysé par la Commission comme un partage de la rente générée par le partage des marchés entre Servier et Krka (44).

ii)    Arrêt attaqué

60.      Le Tribunal a indiqué, en premier lieu, aux points 255 à 274 de l’arrêt attaqué, les conditions dans lesquelles il considérait que l’insertion de clauses de non-contestation de brevets et de non-commercialisation de produits génériques dans des accords de règlement amiable de litiges de brevets est anticoncurrentielle. Selon le Tribunal, cela est le cas si l’insertion de telles clauses dans un tel accord est fondée non pas sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet et du caractère contrefaisant des produits génériques concernés, mais sur un paiement inversé significatif et non justifié de la part du titulaire du brevet en faveur de la société de génériques, qui incite celle-ci à se soumettre auxdites clauses. Le Tribunal a constaté (point 271 de l’arrêt attaqué) que, en présence d’une telle incitation, les accords en cause doivent être regardés comme des accords d’exclusion du marché dans lesquels les restants indemnisent les sortants.

61.      En deuxième lieu, le Tribunal a expliqué, aux points 797 à 810 de l’arrêt attaqué, que, lorsqu’un accord commercial usuel est associé à un accord de règlement amiable d’un litige de brevet comportant des clauses de non-contestation et de non-commercialisation, un tel montage contractuel doit être qualifié d’anticoncurrentiel si la valeur transférée par le titulaire du brevet à la société de génériques au titre de l’accord commercial excède la valeur du bien cédé par celle-ci dans le cadre de cet accord. En d’autres termes, un tel montage contractuel doit être qualifié d’anticoncurrentiel si l’accord commercial usuel associé à l’accord de règlement amiable sert en réalité à masquer un transfert de valeur du titulaire du brevet vers la société de génériques, qui n’a d’autre contrepartie que l’engagement de celle-ci à ne pas livrer concurrence.

62.      En troisième lieu, le Tribunal a apprécié, aux points 943 à 1032 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de son examen du neuvième moyen présenté par Servier en première instance, tiré de l’absence de restriction de la concurrence par objet en ce qui concerne les accords Krka, le cas de figure de l’association d’un accord de règlement amiable et d’un accord de licence, présent en l’espèce avec l’association des accords de règlement amiable et de licence Krka.

63.      Selon le Tribunal, dans un tel cas de figure, les considérations résumées au point 61 ci-dessus, concernant l’association d’un accord de règlement amiable et d’un accord commercial usuel, ne sont pas valables. La raison en serait que l’association d’un accord de règlement amiable à un accord de licence constituerait un moyen approprié de mettre fin au litige en permettant l’entrée de la société de génériques sur le marché et en faisant droit aux prétentions des deux parties. De plus, la présence, dans un accord de règlement amiable, de clauses de non-commercialisation et de non-contestation serait légitime lorsque cet accord se fonde sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet. Or, un accord de licence, qui n’aurait de sens que lorsque la licence serait effectivement exploitée, se fonderait précisément sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet (points 943 à 947 de l’arrêt attaqué).

64.      Pour établir qu’un accord de licence associé à un accord de règlement amiable masque en réalité un paiement inversé du titulaire du brevet en faveur de la société de génériques, la Commission devrait donc démontrer que la redevance versée par ladite société audit titulaire dans le cadre de cet accord de licence est anormalement basse (points 948 et 952 de l’arrêt attaqué).

65.      De plus, l’objet anticoncurrentiel des clauses de non-commercialisation et de non-contestation de l’accord de règlement amiable serait atténué par l’effet proconcurrentiel de l’accord de licence, qui favoriserait l’entrée de la société de génériques sur le marché (points 953 à 956 de l’arrêt attaqué).

66.      Partant, en présence d’un véritable litige opposant les parties concernées en justice et d’un accord de licence qui apparaît en lien direct avec le règlement amiable de ce litige, l’association de cet accord à l’accord de règlement amiable ne constituerait pas un indice sérieux de l’existence d’un paiement inversé. Dans une telle hypothèse, la Commission devrait démontrer sur la base d’autres indices que l’accord de licence ne constitue pas une transaction conclue aux conditions normales de marché et masque ainsi un paiement inversé, en sorte que l’ensemble contractuel devrait être qualifié de restriction de la concurrence par objet (point 963 de l’arrêt attaqué).

67.      C’est à l’aune de ces critères que le Tribunal a examiné, aux points 964 à 1032 de l’arrêt attaqué, les accords de règlement amiable et de licence Krka, en arrivant finalement à la conclusion que la Commission n’avait pas démontré que ces accords avaient un objet anticoncurrentiel. Le Tribunal a fondé ce constat, pour l’essentiel, sur les considérations suivantes :

–        Les litiges de brevets en cours auraient été véritables et non fictifs et tant l’accord de règlement amiable Krka que l’accord de licence Krka auraient été en lien avec ces litiges (points 965 à 969 de l’arrêt attaqué).

–        Au moment de la conclusion desdits accords, les parties auraient été convaincues de la validité du brevet 947, notamment en raison de la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 (45). Le fait que Krka aurait continué à contester ce brevet en justice et à commercialiser son produit après ladite décision n’indiquerait pas le contraire. Ce faisant, Krka, tout en étant persuadée que le brevet était valide, aurait seulement voulu renforcer sa position dans les négociations avec Servier en vue de la conclusion de l’accord de règlement amiable. Une réponse ultérieure de Krka à une demande de renseignements de la Commission conforterait cette lecture (points 970, 971, 999, 1000, 1010, 1011 et 1026 à 1028 de l’arrêt attaqué).

–        Le montant de la redevance due par Krka à Servier dans le cadre de l’accord de licence Krka n’aurait pas été anormalement bas et la Commission n’aurait pas démontré que cet accord ne constituait pas une transaction conclue aux conditions normales de marché. La Commission n’aurait donc pas établi l’existence d’un paiement inversé constitutif d’une incitation (points 975 à 984 de l’arrêt attaqué).

–        L’instauration d’un duopole entre Servier et Krka dans les sept marchés couverts par l’accord de licence Krka n’aurait pas été le résultat de cet accord, mais le résultat de choix ultérieurs de Servier et Krka, imprévisibles au moment de la conclusion dudit accord (points 987 à 991 de l’arrêt attaqué).

–        Il n’y aurait pas eu de partage des marchés étanche entre Servier et Krka, car Servier aurait été autorisée à rester active sur les sept marchés couverts par la licence (points 1003 à 1006 de l’arrêt attaqué).

–        L’accord de licence Krka aurait eu un effet favorable sur la concurrence dans ces sept marchés, même si les équivalents nationaux du brevet 947 n’avaient pas encore été accordés sur certains desdits marchés, de sorte que Krka n’avait pas besoin de licence pour y entrer ou y rester. Néanmoins, la licence aurait eu l’effet bénéfique d’éviter à Krka un risque contentieux ultérieur, dans l’hypothèse où des brevets seraient accordés à Servier sur ces marchés dans le futur (points 1007 à 1009 et 1027 de l’arrêt attaqué).

–        Les éléments de preuve documentaires contemporains avancés par la Commission pour établir que Krka ne croyait pas en la validité du brevet 947 et que Servier poursuivait une stratégie d’exclusion des génériques, seraient fragmentaires, ambiguës, non convaincants ou contredits par une réponse ultérieure de Krka à une demande de renseignements de la Commission (points 1010 à 1025 de l’arrêt attaqué).

68.      Enfin, en quatrième lieu, le Tribunal a considéré, aux points 1041 à 1060 de l’arrêt attaqué, que la qualification de l’accord de cession et de licence Krka de restriction de la concurrence par objet était également erronée, parce qu’elle avait été fondée sur l’hypothèse préalable erronée d’un partage des marchés instauré par les accords de règlement amiable et de licence Krka.

2)      Les moyens de pourvoi relatifs à l’objet des accords Krka

69.      Selon la Commission, les considérations du Tribunal résumées aux points 62 à 68 ci-dessus sont entachées de plusieurs erreurs de droit.

70.      Par son premier moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il s’est fondé sur la prétendue reconnaissance de la validité du brevet 947 par Krka dans le cadre de son analyse de l’objet des accords Krka, tout en omettant d’examiner le moyen de première instance relatif à la concurrence potentielle entre Krka et Servier (i).

71.      Par son deuxième moyen de pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal a entaché son analyse d’erreurs lorsqu’il a considéré que la licence ne constituait pas une incitation pour que Krka accepte les restrictions de l’accord de règlement amiable Krka (ii).

72.      Par son troisième moyen de pourvoi, la Commission avance que le Tribunal a appliqué de manière erronée le concept de restriction de la concurrence par objet, notamment, en concluant qu’il n’y avait pas de partage des marchés entre Servier et Krka au motif que cette répartition n’était pas « étanche », en dénaturant les preuves quant aux convictions des parties ou encore en considérant que le duopole instauré résultait de choix ultérieurs de ces parties et non des accords (iii).

73.      Par son quatrième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lors de son analyse des preuves documentaires relatives à l’intention des parties (iv).

74.      Par son cinquième moyen de pourvoi, la Commission considère que le Tribunal a commis des erreurs de droit en prenant en compte les effets proconcurrentiels de la licence (v).

75.      Par son sixième moyen de pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal a entaché l’arrêt attaqué d’une erreur de droit en refusant de reconnaître un caractère anticoncurrentiel à l’accord de cession et de licence Krka (vi).

i)      Sur la pression concurrentielle exercée par Krka sur Servier (premier moyen de pourvoi)

76.      Avec son premier moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit et a dénaturé des preuves en concluant, au terme d’une motivation insuffisante, que Krka ne représentait plus, de fait, une source de pression concurrentielle sur Servier au moment de la conclusion des accords Krka.

–       Sur la recevabilité et le caractère opérant du moyen

77.      À titre liminaire, il convient de rejeter les objections de Servier selon lesquelles ce moyen de pourvoi serait à la fois irrecevable et inopérant.

78.      En premier lieu, contrairement à ce que prétend Servier, la Commission indique précisément les points de l’arrêt attaqué visés par ses critiques.

79.      En deuxième lieu, la Commission ne cherche pas non plus, comme le soutient Servier, à amener la Cour à procéder à une nouvelle appréciation des faits. La Commission fait valoir que le Tribunal n’a pas respecté les règles qui régissent la charge et l’administration des preuves en droit de l’Union, et qu’il a dénaturé des éléments de preuve et entaché ses explications à cet égard de défauts de motivation. Or, de telles erreurs peuvent être invoquées devant la Cour dans le cadre du pourvoi. De plus, les critiques de la Commission concernent la qualification juridique des faits examinés par le Tribunal et les conséquences de droit que celui-ci en a tiré, ce qui relève également du contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi (46).

80.      En troisième lieu, l’argumentation de Servier selon laquelle ce moyen de pourvoi serait inopérant ne saurait pas non plus être retenue.

81.      Selon Servier, le fait que le Tribunal n’a pas examiné l’existence d’une concurrence potentielle entre Servier et Krka ne saurait remettre en cause les conclusions de l’arrêt attaqué relatives à l’absence d’une restriction de la concurrence par objet, qui seraient fondées sur des motifs autres que la qualification de Krka de concurrent potentiel de Servier.

82.      Cette objection de Servier fait écho à la considération du Tribunal, exposée au point 1234 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le fait d’avoir constaté que les accords Krka ne constituaient, d’après l’analyse du Tribunal, ni une restriction de la concurrence par objet ni une restriction de la concurrence par effet, rendait superflue l’examen du moyen relatif à la concurrence potentielle entre Servier et Krka par le Tribunal.

83.      Or, contrairement à ce que semble suggérer ledit point et contrairement à ce que soutient Servier, le Tribunal n’a pas rejeté la qualification des accords Krka de restriction de la concurrence par objet (ni la qualification desdits accords de restriction de la concurrence par effet (47)) pour des motifs étrangers à la qualification de Krka de concurrent potentiel de Servier.

84.      Comme il ressort du résumé du raisonnement du Tribunal figurant aux points 60, 63 et 67 ci-dessus, le Tribunal s’est fondé sur la prétendue reconnaissance par Krka de la validité du brevet 947 pour rejeter la qualification des accords Krka de restriction de la concurrence par objet. Le Tribunal a considéré, en substance, que, contrairement à ce qu’avait constaté la Commission (point 58 ci-dessus), Krka avait accepté de ne pas faire concurrence à Servier sur les 18/20 marchés de l’Union couverts par le règlement amiable non pas parce que Servier lui a proposé la licence sur les sept autres marchés, mais parce qu’elle croyait en la validité du brevet 947.

85.      Selon le Tribunal, un accord de règlement amiable d’un litige de brevet comportant des clauses de non-contestation et de non-commercialisation ne doit être qualifié de restriction de la concurrence par objet que s’il est fondé non pas sur la reconnaissance de la validité du brevet par les parties, mais sur une incitation versée par le titulaire du brevet à la société de génériques (points 262 à 265 de l’arrêt attaqué).

86.      Partant, la prétendue reconnaissance de la validité du brevet 947 par Krka a constitué – ensemble avec le prétendu caractère non-incitatif du transfert de valeur en faveur de Krka représenté par l’accord de licence Krka (48) – le leitmotiv du raisonnement du Tribunal lors de son analyse de l’objet anticoncurrentiel des accords Krka (points 970, 971, 999, 1000, 1010 à 1012 et 1026 à 1028 de l’arrêt attaqué).

87.      Or, dans le cadre de son premier moyen de pourvoi, la Commission soutient précisément que le Tribunal ne pouvait se prononcer sur la reconnaissance par Krka de la validité du brevet 947 sans examiner la question préalable de l’existence d’une concurrence potentielle entre Krka et Servier. En effet, au soutien de la thèse selon laquelle Krka était un concurrent potentiel de Servier, la Commission aurait avancé des preuves, ignorées par le Tribunal, démontrant que Krka n’était justement pas convaincue de la validité de ce brevet. De plus, le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve avancés par la Commission, choisis par lui de manière sélective, sur lesquels il a fondé sa conviction quant à la prétendue reconnaissance de la validité dudit brevet par Krka, et avancé des explications alternatives manifestement erronées lors de l’interprétation desdits éléments.

88.      Il résulte de cette argumentation que la Commission ne fait pas seulement valoir que le Tribunal aurait dû examiner si Servier et Krka étaient des concurrents potentiels au moment de la conclusion des accords Krka, mais également, et surtout, que le Tribunal a fondé son analyse quant à l’objet anticoncurrentiel de ces accords sur une appréciation partielle, voire sélective, et une dénaturation des éléments du dossier.

89.      Il ne fait aucun doute qu’une telle critique est pertinente pour l’examen du bien-fondé du constat de l’absence de caractère anticoncurrentiel des accords Krka par le Tribunal, puisqu’elle pourrait, si elle s’avérait fondée, révéler le caractère erroné de ce constat et entraîner l’annulation de l’arrêt attaqué (49).

90.      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir tirée du prétendu caractère inopérant du premier moyen de pourvoi doit être rejetée.

–       Sur le fond

91.      Selon la Commission, le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a considéré, notamment aux points 970, 1026, 1028, 1154 et 1162 de l’arrêt attaqué, que Krka reconnaissait la validité du brevet 947 et que ses démarches à la suite de la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 (50) ne démontraient pas qu’elle était déterminée à poursuivre ses efforts pour entrer sur le marché malgré cette décision.

92.      À titre liminaire, il est utile de rappeler que la question de l’existence d’une infraction aux règles de concurrence ne peut être appréciée correctement que si les indices invoqués par la décision litigieuse sont considérés non pas isolément, mais dans leur ensemble, compte tenu des caractéristiques du marché des produits en cause (51). La portée du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE s’étend à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE dont le Tribunal assure un contrôle approfondi, en droit comme en fait, à la lumière des moyens soulevés par les parties (52).

93.      Ensuite, il importe de rappeler que, en droit de l’Union, le principe qui prévaut est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité (53). Pour satisfaire à la charge de la preuve qui lui incombe, la Commission doit réunir des éléments de preuve suffisamment précis et concordants pour fonder la ferme conviction que l’infraction alléguée a eu lieu (54).

94.      Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence (55). Les éléments de preuve dont dispose la Commission doivent pouvoir être complétés par des déductions et l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (56).

95.      Si la Commission se fonde sur la supposition que les faits établis ne peuvent être expliqués autrement que par un comportement anticoncurrentiel, le constat d’infraction ne saurait être retenu lorsque les entreprises concernées avancent une argumentation qui donne un éclairage différent aux faits établis par la Commission et qui permet ainsi de substituer une autre explication plausible des faits à celle retenue par la Commission (57).

96.      Enfin, une dénaturation des preuves existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (58), puisque le Tribunal a manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable desdits éléments de preuve (59).

97.      Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal au point 1016 de l’arrêt attaqué, l’ensemble de ces principes, et particulièrement ceux résumés au point 94 ci-dessus, ne s’appliquent pas seulement lorsque la Commission doit déduire l’existence même d’une entente ou de contacts anticoncurrentiels d’éléments de preuve fragmentaires et éparses. Ces principes sont également pertinents dans une situation comme celle de l’espèce, où la Commission a pu disposer du contenu des accords en cause (60).

98.      Dans une telle situation, ce n’est certes pas le contenu même de ces accords qui doit être reconstruit au moyen de déductions. Toutefois, la réponse à la question de savoir si ce contenu avait pour objet un partage illégitime du marché doit être déduite non seulement dudit contenu, mais également du contexte des accords et, le cas échéant, de l’intention des parties (61). Or, pour l’interprétation de ces éléments de contexte, les principes précités conservent toute leur pertinence.

99.      En l’espèce, la Commission a examiné de tels éléments de contexte pour déterminer si Krka était un concurrent potentiel de Servier avant la conclusion des accords Krka. À cet égard, la Commission a exposé, aux considérants 1680 à 1700 de la décision litigieuse, que Krka était de loin le premier concurrent générique à défier la position concurrentielle de Servier pour la fourniture de périndopril, que Servier et Krka étaient déjà des concurrents actuels pour la fourniture de périndopril en République tchèque, en Hongrie, en Lituanie, en Pologne et en Slovénie, et que Krka était un concurrent potentiel sur les autres marchés de l’Union parce que, premièrement, son produit était prêt à y être lancé, deuxièmement, les barrières en matière de brevet n’étaient pas insurmontables, troisièmement, elle avait un certain nombre de partenaires de coopération pour plusieurs marchés et, quatrièmement, elle s’efforçait d’entrer sur ces marchés.

100. Concernant, plus particulièrement, l’appréciation par Krka de la validité des brevets de Servier, la Commission a constaté, d’une part, qu’une multitude de preuves documentaires antérieures à la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 attestaient du fait que Krka était convaincue de gagner son action en nullité (considérant 1685 de la décision litigieuse).

101. D’autre part, la Commission a considéré que l’allégation de Krka selon laquelle la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 l’aurait amenée à cesser ses efforts pour la commercialisation du périndopril erbumine de forme alpha ne saurait être retenue et que les éléments avancés par Krka à cet égard n’étaient pas convaincants au vu d’un certain nombre d’éléments de preuve qui montraient que Krka n’acceptait pas ladite décision et restait déterminée à entrer sur le marché avec son produit (considérants 1686 à 1691 de la décision litigieuse).

102. La Commission fait valoir que, si le Tribunal avait pris en compte les preuves et le raisonnement figurant dans les considérants de la décision litigieuse résumés aux points 99 à 101 ci-dessus, il n’aurait pas pu conclure, aux points 971, 1010, 1011 et 1017 de l’arrêt attaqué, que Krka reconnaissait la validité du brevet 947 et était découragée de poursuivre ses efforts pour rentrer sur le marché à la suite de la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et l’injonction provisoire du 3 octobre 2006 prononcée au Royaume-Uni à l’encontre de Krka (62).

103. Le Tribunal s’est contenté d’indiquer, aux points 970 et 1154 de l’arrêt attaqué, qu’« il existait, au moment de la conclusion des accords de règlement amiable et de licence, des indices concordants pouvant laisser penser aux parties que le brevet 947 était valide », et de renvoyer à cet égard aux points 967 et 968 dudit arrêt. Dans ces points, il a résumé certains faits relatifs à la procédure d’opposition au brevet 947 devant l’OEB et au contentieux entre Krka et Servier devant les juridictions anglaises (63).

104. Toutefois, parmi ces faits, le Tribunal n’a tenu compte que de la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et de l’injonction provisoire prononcée à l’encontre de Krka par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] le 3 octobre 2006. Ce faisant, le Tribunal a omis de prendre en compte les éléments suivants, mis en avant par la Commission dans le cadre du présent pourvoi, qui sont pertinents pour l’appréciation par Krka de la validité du brevet 947 à la veille de la signature des accords de règlement amiable et de licence Krka le 27 octobre 2006 :

–        Des preuves documentaires de l’appréciation portée par Krka sur la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 montrent que Krka considérait cette décision comme « choquante », « épouvantable » et biaisée, qu’elle n’acceptait pas son raisonnement et qu’elle était déterminée à ne pas s’y résigner (considérant 1688 de la décision litigieuse).

–        Krka n’a pas seulement continué à contester la validité du brevet 947 devant l’OEB après la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 (64), mais elle a introduit, en septembre 2006, des demandes reconventionnelles en nullité des brevets 947 et 340 et une demande de procédure sommaire (application for summary judgment) devant la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (patents court) [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery (chambre des brevets)] (65) (considérants 1687 et 1688 de la décision litigieuse).

–        L’ordonnance de cette Haute Cour de justice rendue le 3 octobre 2006 dans ce contentieux, accordant à Servier une injonction provisoire contre Krka et ordonnant la tenue d’un procès au fond (66), a indiqué que Krka disposait d’une base solide pour attaquer la validité du brevet 947 (considérants 904 et 1689 de la décision litigieuse).

–        En Hongrie, Krka a obtenu le 13 octobre 2006 gain de cause en justice contre une demande d’injonction provisoire introduite par Servier, qui a été rejetée (67) (considérant 1687 de la décision litigieuse).

–        Un ensemble d’éléments de preuve montrent que la possible invalidation du brevet 947 était perçue par Servier non pas comme un risque marginal, mais comme une possibilité réelle et concrète (considérant 1691 de la décision litigieuse).

–        Krka a indiqué à la Commission que Servier estimait qu’elle détenait l’une des preuves les meilleures et les plus exhaustives dans le cadre de l’opposition devant l’OEB et de la révocation au Royaume-Uni (considérants 912, 1688 et 1690 de la décision litigieuse).

105. Le Tribunal n’a ni expliqué les raisons pour lesquelles il n’a pas pris en compte ces éléments, ni a fortiori comment, selon lui, lesdits éléments seraient compatibles avec le constat de la prétendue reconnaissance par Krka de la validité du brevet à la suite de la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et l’injonction provisoire prononcée par le juge britannique le 3 octobre 2006.

106. Premièrement, le Tribunal n’a avancé aucun élément qui infirmerait l’affirmation de la Commission selon laquelle il n’existait aucun document contemporain des accords indiquant que lesdites décision et injonction provisoire auraient changé la perception du brevet 947 par Krka.

107. La Commission a admis, aux considérants 1688 et 1690 de la décision litigieuse, que Krka n’était certes plus complètement convaincue par sa position contentieuse à la suite de la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et que cette décision et les injonctions accordées au Royaume-Uni contre Krka et Apotex (68) avaient certainement influé sur l’évaluation de la situation brevetaire par Krka. Néanmoins, selon l’analyse de la Commission, Krka était loin de renoncer à insister sur l’invalidité du brevet 947, avec le bénéfice du soutien de ses partenaires. Rien ne faisait obstacle à une possibilité réelle et concrète pour Krka d’invalider le brevet 947 dans un procès au fond.

108. Comme l’affirme la Commission, les éléments cités au point 104 ci-dessus confirment cette analyse, alors que la position contraire du Tribunal ne trouve pas appui dans les éléments du dossier.

109. Deuxièmement, aux points 1010 et 1011 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est fondé sur une réponse de Krka à une demande de renseignements de la Commission, figurant au considérant 913 de la décision litigieuse, dans laquelle Krka avait affirmé, notamment, que « l’obtention d’une licence et le retrait des oppositions étaient considérés comme la meilleure option pour Krka à ce moment-là », et que, « selon tous les autres scénarios, un lancement ne pouvait avoir lieu avant au moins deux années à compter de juillet 2006, et même après une telle période, un lancement n’était pas garanti (risque que le brevet 947 soit maintenu, risques de développement de la forme non-alpha) ». Le Tribunal a constaté que cet extrait « confort[ait] la constatation selon laquelle Krka considérait tout maintien ou toute entrée immédiate dans les sept États membres couverts par l’accord de licence comme étant, en l’absence de cet accord, impossible à cause du brevet 947 ».

110. Or, en attribuant ainsi à une déclaration faite par Krka au cours de la procédure devant la Commission plus de poids qu’à des éléments de preuve attestant des convictions de Krka avant la conclusion des accords Krka, le Tribunal a méconnu les principes qui régissent l’administration des preuves devant le juge de l’Union. Selon ces principes, des déclarations ultérieures effectuées aux fins de la procédure devant la Commission ont une valeur probatoire moins élevée que des éléments de preuve et des documents contemporains du comportement anticoncurrentiel en cause, qui ont été établis in tempore non suspecto et en lien direct avec les faits en cause (69).

111. Troisièmement, dans le même ordre d’idées, est-il difficile de comprendre comment l’affirmation de Krka, fournie pendant l’enquête de la Commission et citée au considérant 1738 de la décision litigieuse, selon laquelle « le coût d’opportunité de ne pas conclure l’accord de règlement amiable Krka aurait été équivalent à “*en 3 ans bien plus de €10 millions” de profits perdus » pouvait constituer, ainsi que l’a indiqué le Tribunal au point 1000 de l’arrêt attaqué, « un indice supplémentaire du fait qu’elle considérait que le brevet 947 était valide ». Ces profits correspondaient à ceux envisagés pour une entrée ou un maintien sur les sept marchés couverts par l’accord de licence Krka, et donc à une estimation de la valeur commerciale de la licence.

112. Cependant, c’est à bon droit que la Commission fait valoir qu’il n’est pas possible de déduire, à l’instar du Tribunal, du fait que Krka a estimé ainsi la valeur de la licence au cours de la procédure devant la Commission qu’elle considérait, au moment de la conclusion des accords Krka, que le brevet 947 était valide. Le Tribunal semble inférer cette interprétation de l’idée que cette déclaration de Krka signifiait qu’elle était convaincue, au moment de la conclusion des accords, qu’elle allait perdre ce montant si elle n’obtenait pas de licence de la part de Servier parce qu’elle ne pourrait entrer ou se maintenir sur lesdits marchés sans une telle licence.

113. Or, comme l’indique la Commission, il n’y a aucun indice qui conforterait une telle interprétation et il existe au contraire des indices sérieux qui montrent que Krka serait restée sur les marchés couverts par la licence en l’absence d’accords avec Servier, notamment le fait que Krka a continué à vendre son produit en Hongrie après la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et qu’elle s’est défendue avec succès contre la demande d’injonction provisoire de Servier en Hongrie (considérant 1675 de la décision litigieuse).

114. Quatrièmement, il n’est pas non plus compréhensible pour quelle raison le Tribunal a accordé une importance primordiale à l’injonction obtenue par Servier contre Krka devant le juge britannique le 3 octobre 2006, mais n’a même pas mentionné, dans la partie concernée de l’arrêt attaqué, consacrée à l’objet des accords Krka, qu’une demande similaire d’injonction par Servier contre Krka a été rejetée en Hongrie le 13 octobre 2006 (70).

115. Au point 1155 de l’arrêt attaqué, dans la partie consacrée aux effets des accords Krka, le Tribunal a écarté cet élément au motif qu’il s’agissait d’une procédure qui ne concernait pas l’un des pays dans lesquels la Commission avait constaté une restriction de la concurrence par effet [la France, les Pays-Bas et le Royaume-Uni (voir point 39 ci-dessus)]. Or, cet argument n’est pas pertinent pour expliquer la raison pour laquelle un tel succès contentieux de Krka n’aurait pas influé sur sa perception de la validité du brevet 947 et de sa position contentieuse relative à ce brevet, alors que, selon le Tribunal, l’injonction obtenue par Servier au Royaume-Uni aurait eu un effet si déterminant sur la perception de Krka. Ainsi que la Commission l’a expliqué, à l’aide d’exemples, aux considérants 1690 et 1697 de la décision litigieuse, une contestation réussie dans un ressort pouvait entraîner une série de contestations dans d’autres ressorts. Ceci est confirmé par les procédures menées par Apotex et par sa filiale néerlandaise, décrites aux points 23 à 25 ci-dessus.

116. Par ailleurs, l’indication du Tribunal, figurant au point 968 de l’arrêt attaqué dans sa version en langue française faisant foi, selon laquelle, avec l’ordonnance du 3 octobre 2006, le juge britannique a « fait droit à la demande d’injonction provisoire de Servier et a rejeté la demande introduite par Krka le 1er septembre 2006 », est trompeuse. Dans ce point, le Tribunal ne mentionne que le fait que Krka a introduit, le 1er septembre 2006, une demande reconventionnelle en annulation du brevet 947, ce qui suggère que ce serait cette demande qui aurait été rejetée le 3 octobre 2006. Cela ne correspond cependant pas à la réalité. Le Tribunal omet de préciser audit point que Krka a également introduit, le 1er septembre 2006, une demande de procédure sommaire. Or, c’est uniquement cette demande de procédure sommaire qui a été rejetée par le juge britannique dans son ordonnance du 3 octobre 2006, car il estimait que l’examen du brevet nécessitait un procès au fond. En revanche, le juge n’a aucunement rejeté, à ce stade, la demande reconventionnelle en annulation du brevet 947 introduite par Krka, qui est restée pendante jusqu’à ce que l’instance s’éteigne à la suite de l’accord de règlement amiable Krka (point 23 de l’arrêt attaqué et considérants 904 et 1689 de la décision litigieuse). Ainsi que la Commission l’a indiqué dans ses écritures et à l’audience dans la présente procédure de pourvoi, le juge avait recommandé que l’examen du brevet au fond ait lieu rapidement et a ordonné la tenue d’une procédure accélérée, et le procès devait commencer le 21 février 2007.

117. Cinquièmement, ainsi que le précise la Commission, l’interprétation avancée par le Tribunal selon laquelle la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 et l’injonction provisoire accordée à Servier contre Krka par le juge britannique le 3 octobre 2006 auraient été des éléments déterminants convaincant Krka de la validité du brevet 947 et de l’abandon de ses efforts pour entrer sur le marché de manière indépendante est en contradiction avec d’autres affirmations du Tribunal.

118. Ainsi, aux points 366 à 370 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué que de telles injonctions, du fait de leur caractère provisoire, n’empêchaient pas une concurrence potentielle de se déployer, que même des jugements au fond présentaient un caractère provisoire tant que les voies de recours n’étaient pas épuisées, et qu’une décision confirmant la validité d’un brevet, telle que la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 (outre le fait qu’elle était également encore susceptible de recours et a d’ailleurs ultérieurement été annulée (71)), ne préjugeait en rien du caractère contrefaisant ou non des produits génériques dont le titulaire alléguait qu’ils violaient ledit brevet.

119. Sixièmement, les explications alternatives avancées par le Tribunal pour justifier que les éléments qu’il a pris en compte lors de son analyse n’infirmeraient pas le constat de la prétendue reconnaissance de la validité du brevet 947 par Krka n’emportent pas la conviction.

120. Le Tribunal a considéré, aux points 1026 et 1162 de l’arrêt attaqué, que « la circonstance que Krka a continué à contester les brevets de Servier et à commercialiser son produit alors même que la validité du brevet 947 avait été confirmée par la division d’opposition de l’OEB ne constitu[ait] pas un élément déterminant aux fins de conclure à l’existence d’une restriction de concurrence par objet, un tel maintien par Krka de la pression concurrentielle exercée sur Servier pouvant s’expliquer par le désir de Krka, malgré les risques contentieux qu’elle anticipait, de renforcer sa position dans les négociations qu’elle était susceptible d’engager avec Servier en vue de parvenir à un accord de règlement amiable ».

121. Or, c’est à bon droit que la Commission fait valoir que, en concluant de la sorte, le Tribunal a procédé à une appréciation manifestement erronée de l’élément factuel consistant en la poursuite de la contestation du brevet 947 par Krka après la décision de l’OEB du 27 juillet 2006, sans tenir compte de l’ensemble du faisceau d’indices précité rassemblé par la Commission et sans y confronter la plausibilité de son explication alternative.

122. Cependant, au vu des éléments de preuve réunis par la Commission, résumés au point 104 ci-dessus, rien ne permet de fonder la conviction du Tribunal selon laquelle Krka aurait été convaincue de la validité du brevet 947 et n’aurait continué sa contestation judiciaire de la validité de ce brevet que pour améliorer sa position de négociation avec Servier, et le Tribunal n’avance aucun indice duquel il aurait pu inférer cette interprétation.

123. En outre, ainsi que la Commission le relève à juste titre, le Tribunal s’est contredit lui-même lorsqu’il a expliqué, d’une part, aux points 963 et 965 à 968 de l’arrêt attaqué, que les litiges entre Servier et Krka étaient véritables, tout en considérant, d’autre part, au point 1026 de l’arrêt attaqué, que la poursuite de ces litiges par Krka était seulement une posture stratégique pour améliorer sa position dans ses négociations avec Servier en vue de l’accord de règlement amiable.

124. Septièmement, c’est aussi au terme d’une explication non convaincante que le Tribunal a écarté l’objection de la Commission, figurant aux considérants 1747 à 1756 de la décision litigieuse et rappelée par la Commission dans le cadre du présent pourvoi, que les contenus des accords de règlement amiable et de licence Krka ne reflétaient pas les positions et risques brevetaires dans les pays couverts par ces accords. L’équivalent national du brevet 947 n’avait pas été accordé en Pologne, en République tchèque et en Slovaquie (72), mais Servier a tenu à consentir une licence pour ces pays. Selon la Commission, cela montre que l’objectif de ces accords n’était pas d’atteindre un compromis basé sur les mérites de ce brevet, mais de diviser et de se répartir les marchés dans le seul intérêt économique des parties. Les accords n’auraient ainsi pas été basés « sur des différences de risque brevetaire pour Krka, mais sur des zones d’intérêt économique, la Lettonie et la Slovaquie faisant partie des marchés clés de Krka ».

125. Le Tribunal n’a pas tenu compte de cette objection et s’est limité à aborder cette thématique aux points 1007 à 1009 et 1027 de l’arrêt attaqué, où il a considéré que l’accord de licence Krka aurait eu un effet favorable sur la concurrence dans ces sept marchés, même si les équivalents nationaux du brevet 947 n’avaient pas encore été accordés sur certains desdits marchés, de sorte que Krka n’avait pas besoin de licence pour y entrer. Selon le Tribunal, la licence aurait néanmoins eu l’effet bénéfique d’éviter à Krka un risque contentieux ultérieur, dans l’hypothèse où des brevets seraient accordés à Servier sur ces marchés dans le futur. Or, cette argumentation est insuffisante non seulement pour établir de prétendus effets proconcurrentiels de la licence (73), mais également pour infirmer l’interprétation de la Commission selon laquelle les accords Krka n’étaient pas basés sur la perception des risques brevetaires par les parties dans les différents marchés concernés.

126. Enfin, huitièmement, la considération du Tribunal, figurant, en substance, aux points 943 à 947, 963, 965 à 972, 1030 et 1157 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la conclusion même de l’accord de licence Krka confirmait que Krka reconnaissait la validité du brevet 947, ne saurait être retenue.

127. Le Tribunal a motivé cette conclusion, aux points 947, 1030 et 1157 de l’arrêt attaqué, en indiquant que la passation d’un accord de licence, laquelle n’a de raison d’être pour tout preneur qu’à la condition que la licence soit effectivement exploitée, se fonde sur la reconnaissance par les parties de la validité du brevet. Or, déduire du fait qu’un accord de licence se fonde, en principe ou en règle générale, sur la reconnaissance du brevet sous-jacent, que, dans un cas concret, les parties à un tel accord reconnaissent forcément la validité du brevet en cause, s’apparente à un raisonnement circulaire. De plus, la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union serait gravement compromise si les parties à des accords anticoncurrentiels pouvaient se soustraire à l’application de l’article 101 TFUE simplement en faisant prendre une certaine forme à ces accords (74).

128. La forme que prend un accord ne pouvant être décisive, il appartient donc, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée aux points 92 à 96 ci-dessus, en vertu des règles pertinentes relatives à l’administration des preuves, à la Commission et au juge de l’Union de se fonder sur un faisceau de preuves pertinentes, convergentes et convaincantes pour démontrer que, dans le cas concret, l’accord en cause doit être qualifié de restriction de la concurrence par objet.

129. Or, en l’espèce, contrairement à ce qu’a indiqué le Tribunal aux points 1018, 1019 et 1025 de l’arrêt attaqué, il résulte de l’examen qui précède que la Commission avait effectivement rassemblé un tel faisceau d’indices pour démontrer que, à la date de la conclusion des accords de règlement amiable et de licence Krka, Krka n’était pas convaincue de la validité du brevet 947 et était au contraire déterminée à en poursuivre la contestation et à tenter d’entrer ou de se maintenir sur le marché malgré ce brevet. C’est de manière erronée que le Tribunal a soutenu, auxdits points, que les preuves rassemblées par la Commission seraient fragmentaires et ambigües, sans avoir examiné l’ensemble desdites preuves et en procédant à une appréciation manifestement erronée des preuves examinées par lui, choisies de manière sélective.

–       Conclusion intermédiaire

130. Dans ces conditions, la Commission est fondée à soutenir que le Tribunal a méconnu les principes qui régissent l’administration des preuves et son contrôle par le juge en droit de l’Union. Ainsi qu’il a été rappelé, selon ces principes, l’appréciation des preuves doit être globale et cohérente et leur contrôle doit s’étendre à l’ensemble des éléments des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application des articles 101 et 102 TFUE (75).

131. En l’espèce, le Tribunal a procédé à une appréciation manifestement sélective des éléments du dossier, en omettant de tenir compte d’un grand nombre de preuves pertinentes et en proposant des interprétations non ancrées dans le dossier et non convaincantes des preuves prises en considération par lui. L’éclairage différent que le Tribunal a cherché à donner aux faits établis par la Commission ne permet donc pas de substituer une autre explication plausible de ces faits à celle retenue par la Commission.

132. Il résulte des considérations qui précèdent que le premier moyen de pourvoi doit être accueilli.

133. Au vu de l’importance accordée par le Tribunal au constat – qui s’est révélé infondé – de la prétendue reconnaissance de la validité du brevet 947 par Krka lors de l’analyse de l’objet anticoncurrentiel des accords Krka, le bien-fondé du premier moyen de pourvoi emporte à lui seul l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qu’il a constaté que le caractère de restriction de la concurrence par objet desdits accords n’était pas établi.

134. Toutefois, il est utile d’examiner également les autres moyens de pourvoi avancés par la Commission relatifs à l’analyse de l’objet anticoncurrentiel des accords Krka par le Tribunal, notamment en vue de l’évocation de l’affaire par la Cour après l’annulation de l’arrêt attaqué.

ii)    Sur la licence comme incitation pour Krka à accepter les restrictions du règlement amiable (deuxième moyen de pourvoi)

135. Dans le cadre de son deuxième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit, dénaturations de preuves, insuffisances de motivation et contradictions de motifs lorsqu’il a entrepris d’analyser le contenu et les objectifs de l’accord de licence Krka comme incitation faite à Krka à accepter les restrictions contenues dans l’accord de règlement amiable Krka.

136. Aux considérants 1738 et suivants de la décision litigieuse, la Commission a considéré que la licence accordée à Krka par Servier sur les sept marchés d’Europe centrale et orientale avait constitué une incitation significative pour que Krka accepte, au moyen de l’accord de règlement amiable, de ne pas faire concurrence à Servier sur les 18/20 marchés restants de l’Union.

137. Selon la Commission, la licence constituait une incitation significative pour que Krka accepte ces restrictions parce que, premièrement, elle concernait les marchés historiques de Krka dans l’Union, où elle réalisait ses plus fortes marges, deuxièmement, lui offrait l’assurance que Servier ne la menacerait plus avec la mise en œuvre du brevet 947, et, troisièmement, il s’agissait d’une licence unique établissant un duopole de fait entre Servier et Krka sur les sept marchés concernés. Krka aurait ainsi obtenu la certitude d’assurer ses ventes grâce à la licence et de générer des profits élevés grâce à la pression concurrentielle limitée sur lesdits marchés. Krka aurait estimé que la valeur en termes monétaires des avantages concédés excédait 10 millions d’euros (considérants 1738 à 1742 de la décision litigieuse).

138. Pour sa part, le Tribunal a considéré, aux points 948 à 952 de l’arrêt attaqué, que, comme il serait justifié, en principe, d’associer un accord de licence, qui se fonde sur la reconnaissance de la validité du brevet, à un accord de règlement amiable comportant des clauses de non-commercialisation et de non-contestation, une telle association ne constituerait pas un « indice sérieux » d’un paiement inversé. Il appartiendrait donc à la Commission, pour montrer qu’un accord de licence associé à un accord de règlement amiable masque en réalité un paiement inversé du titulaire du brevet en faveur de la société de génériques, de démontrer que la redevance versée par ladite société audit titulaire dans le cadre de cet accord de licence est anormalement basse et que cet accord n’est donc pas conclu aux conditions normales du marché.

139. Aux points 975 à 984 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, en l’espèce, le montant de la redevance due par Krka à Servier dans le cadre de l’accord de licence Krka n’était pas anormalement bas et que la Commission n’avait pas démontré que cet accord ne constituait pas une transaction conclue aux conditions normales de marché. Selon le Tribunal, la Commission n’a donc pas établi l’existence d’un paiement inversé constitutif d’une incitation dans le cadre des accords de règlement amiable et de licence Krka.

140. À titre liminaire, il importe de préciser que, contrairement à ce qu’insinue Servier, la question de savoir si le Tribunal a conclu à bon droit que l’ensemble contractuel constitué par les accords de règlement amiable et de licence Krka ne renfermait pas un transfert de valeur de la part de Servier au profit de Krka, dont la seule contrepartie de la part de cette dernière était son engagement de non-concurrence, ne concerne pas des appréciations factuelles qui relèvent, sauf en cas de dénaturation, de la seule compétence du Tribunal. Cette question concerne au contraire la qualification juridique par le Tribunal des faits pertinents et les conséquences de droit que celui-ci en a tiré, ce qui relève du contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi (76).

141. Ainsi que la Cour l’a constaté (77), des accords de règlement amiable tels que celui concerné en l’espèce constituent des restrictions de la concurrence par objet s’il ressort de l’ensemble des éléments disponibles que le solde positif des transferts de valeurs, monétaires ou non, du fabricant de médicaments princeps au profit de la société de génériques s’explique uniquement par l’intérêt commercial de ces parties à ne pas se livrer une concurrence par les mérites. Pour examiner si tel est le cas, il convient d’apprécier si le solde positif des transferts de valeurs du fabricant de médicaments princeps au profit de la société de génériques peut se justifier par l’existence d’éventuelles contreparties autres que l’abstention de livrer concurrence. Dans la négative, il convient de déterminer si ce solde positif est suffisamment important pour inciter effectivement la société de génériques concernée à renoncer à entrer ou à tenter d’entrer sur le marché concerné.

142. Or, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal dans l’arrêt attaqué, la Commission a démontré dans la décision litigieuse que tel était bel et bien le cas de l’ensemble contractuel constitué par les accords de règlement amiable et de licence Krka.

143. Ainsi que le relève, en substance, la Commission, le Tribunal a entaché son analyse à cet égard de trois erreurs. Tout d’abord, le Tribunal n’a pas tiré la conclusion qui s’imposait au vu du fait que la licence offerte par Servier à Krka sur les sept marchés d’Europe centrale et orientale constituait la contrepartie de l’engagement par Krka de ne pas concurrencer Servier sur les 18/20 marchés restants de l’Union. Ensuite, le Tribunal s’est focalisé sur le taux de redevance de la licence et le fait qu’elle aurait été conclue aux conditions normales de marché, sans prendre en compte le montage contractuel constitué par les accords de règlement amiable et de licence Krka dans sa globalité, ses objectifs et son contexte. Enfin, ce faisant, le Tribunal n’a pas reconnu que la licence impliquait un transfert de valeur significatif de la part de Servier au profit de Krka.

144. Comme l’indique la Commission, ces erreurs proviennent notamment du fait que l’analyse du Tribunal repose sur la fiction d’un règlement amiable fondé sur les mérites du brevet sous-jacent et d’une licence séparée conclue à conditions de marché. Or, en se basant, implicitement, sur une telle fiction, le Tribunal a méconnu les principes, pourtant affirmés dans l’arrêt attaqué, selon lesquels, pour déterminer si un accord a un objet anticoncurrentiel, il convient de s’attacher à la teneur de ses dispositions, aux objectifs qu’il vise à atteindre ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel il s’insère (78).

–       Sur la licence comme contrepartie de l’engagement de non-concurrence

145. En premier lieu, l’analyse du Tribunal renferme une contradiction au point 1029 de l’arrêt attaqué. Le Tribunal y a considéré que le fait incontesté que la licence constituait une condition pour que Krka accepte les clauses de non-commercialisation et de non-contestation de l’accord de règlement amiable [Krka ayant indiqué qu’elle avait « sacrifié » les marchés d’Europe occidentale en faveur des marchés d’Europe centrale et orientale (considérant 1748 de la décision litigieuse)], « ne permett[ait] pas d’établir que l’accord de licence ne constituerait pas une transaction conclue aux conditions normales de marché ».

146. Or, un accord aux termes duquel le titulaire d’un brevet concède à une société de génériques une licence sur certains marchés, mais dont la contrepartie n’est pas (ou pas seulement) la redevance payée par cette société de génériques pour cette concession, mais l’engagement de cette société à ne pas concurrencer le titulaire du brevet sur d’autres marchés, ne peut pas être qualifié de transaction conclue aux conditions normales de marché. Il ne correspond pas aux conditions normales de marché que la contrepartie d’une licence sur certains marchés soit constituée par un engagement de non-concurrence sur d’autres marchés, surtout si un tel arrangement n’est pas justifié par des différences au regard de la situation brevetaire sous-jacente.

147. Un tel arrangement contractuel, qui comporte un transfert de valeur de la part du titulaire du brevet en faveur de la société de génériques, constitué par la concession de la licence sur certains marchés, d’une part, et un engagement de la part de ladite société à ne pas livrer concurrence audit titulaire sur d’autres marchés, d’autre part, doit être analysé à travers la grille d’analyse établie par la Cour, indiquée au point 141 ci-dessus, pour déterminer si le transfert de valeur de la part du titulaire du brevet en faveur de la société de génériques a une autre contrepartie de la part de celle-ci que son engagement de non-concurrence.

148. Ainsi que le soutient à juste titre la Commission, contrairement à ce que suggèrent, notamment, les points 943, 956, 963 et 974 de l’arrêt attaqué, il n’y a aucune raison de s’écarter de cette grille d’analyse en l’espèce au motif que l’accord conclu a pris la forme d’une licence et le transfert de valeur une forme non monétaire, à savoir la cession par Servier à Krka d’une partie de ses parts de marché sur les marchés couverts par la licence. Comme il a déjà été indiqué aux points 127 et 128 ci-dessus, la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union serait gravement compromise si les parties à des accords anticoncurrentiels pouvaient se soustraire à l’application de l’article 101 TFUE simplement en faisant prendre une certaine forme à ces accords. Ce qui est décisif n’est pas la forme que prend un accord, mais la question de savoir si le contenu, les objectifs et le contexte d’un accord révèlent qu’il a pour objet de restreindre la concurrence.

149. Partant, les circonstances, évoquées aux points 943 à 948, 953 et 963 à 969 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait de véritables litiges brevetaires en cours entre Servier et Krka et que la licence avait un lien avec ces litiges, n’empêchaient pas un tel accord de revêtir un caractère anticoncurrentiel, comme la Commission l’a expliqué à juste titre au considérant 1709 de la décision litigieuse. Cela est d’autant plus vrai dans la mesure où il a déjà été montré, aux points 124 et 125 ci‑dessus, que les contenus des accords de règlement amiable et de licence Krka ne reflétaient pas les positions et risques brevetaires dans les pays couverts par ces accords. Il n’apparaît donc pas que ces accords de règlement amiable et de licence auraient reflété un compromis relatif à la situation brevetaire sous-jacente (79).

–       Sur le caractère incitatif de la licence

150. En deuxième lieu, en confrontant l’analyse qu’a faite le Tribunal des accords de règlement amiable et de licence Krka à la grille d’analyse et aux principes indiqués aux points 141 et 144 ci-dessus, il apparaît que la Commission est fondée à soutenir que, aux points 963, 973 à 984 et 1029 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a attribué trop de poids à la question de savoir si la licence elle-même, vue indépendamment de l’accord de règlement amiable, correspondait aux conditions normales de marché et si le taux de redevance était anormalement bas.

151. Comme le fait valoir à juste titre la Commission, il n’est pas pertinent d’analyser cette question de manière isolée. La raison en est que, en procédant à une analyse globale des accords de règlement amiable et de licence, il apparaît que la concession de la licence elle-même (indépendamment du taux de redevance et de la question de savoir si elle correspondait aux conditions normales de marché) a constitué la contrepartie offerte par Servier à Krka pour l’engagement de cette dernière à ne pas livrer concurrence sur les 18/20 marchés de l’Europe occidentale couverts par le règlement amiable. L’accord de règlement amiable Krka ne mentionne pas d’autres coûts ou prestations de la part de Krka au bénéfice de Servier qui pourraient expliquer la raison pour laquelle Servier a accordé à Krka une licence (considérants 1706 et 1735 et note en bas de page 2354 de la décision litigieuse).

152. Le contexte des accords de règlement amiable et de licence Krka, qui étaient intrinsèquement liés (considérants 1701 à 1704, 1710, 1745 et 1746 de la décision litigieuse), les objectifs de ces accords et les intentions des parties, mis en évidence par la Commission aux considérants 1670 à 1763 de la décision litigieuse, révèlent les véritables raisons et le fonctionnement du partage des marchés de l’Union effectué par Servier et Krka et du duopole instauré entre ces deux opérateurs dans les sept marchés couverts par la licence. Ces éléments, insuffisamment pris en compte par le Tribunal, montrent que la licence accordée à Krka était la contrepartie de l’engagement de non-concurrence contenue dans le règlement amiable.

153. Krka était le concurrent potentiel le plus avancé de Servier pour la fourniture de périndopril dans l’Union, notamment sur les plus gros marchés de Servier au niveau mondial, tels que la France et le Royaume-Uni. De plus, Krka était déjà un concurrent actuel sur certains des sept marchés couverts par la licence qui représentaient ses marchés historiques et où elle bénéficiait d’une présence commerciale importante (considérants 1673, 1674, 1676, 1681, 1716, 1721, 1738 et 1740 de la décision litigieuse). Il n’apparaît donc pas plausible que Krka aurait renoncé à sa présence sur ces marchés ainsi qu’à sa détermination de tenter de rentrer sur les autres marchés de l’Union contre un paiement monétaire, comme les autres sociétés de génériques avec lesquelles Servier a conclu des accords de règlement amiables.

154. Ainsi que nous avons déjà eu l’occasion de le montrer, un transfert de valeur prenant la forme d’une présence autorisée sur un marché par le titulaire du brevet apporte une plus-value à une société de génériques par rapport à un simple transfert monétaire. Cette plus-value consiste en la possibilité de distribuer son propre produit et de se forger ou de conserver sa clientèle, ses réseaux de distribution et son image de marque (80). Cela est d’autant plus important sur un marché de « génériques de marques », où les prescriptions des médecins ne se réfèrent pas à la dénomination commune internationale d’un médicament, c’est-à-dire à sa molécule ou son principe actif, mais à la marque des médicaments, de sorte que les sociétés de génériques ont besoin de promouvoir leurs propres marques. Or, c’était le cas sur les marchés concernés par l’accord de licence Krka (considérant 1726 de la décision litigieuse).

155. À défaut de pouvoir éliminer totalement Krka du marché, comme les autres sociétés de génériques avec lesquelles elle a conclu des accords, Servier lui a donc proposé une partie de la rente de monopole générée précisément par l’élimination des autres concurrents génériques potentiels et du risque d’une ouverture du marché aux génériques, qui aurait eu pour conséquence une importante chute des prix. Grâce à l’élimination de ce risque et à l’entrée contrôlée de Krka sur une partie seulement du marché, Servier et Krka ont pu conserver des prix plus élevés et des marges beaucoup plus importantes qu’en cas d’ouverture du marché aux génériques (considérants 1721, 1724, 1728 à 1730 et 1819 de la décision litigieuse). Comme le soutient la Commission, sans la contrepartie de l’engagement de non-concurrence sur les marchés non couverts par la licence, Servier n’avait pas de raison d’accorder une licence à Krka qu’elle avait refusée par le passé.

156. Pour Krka, une entrée sur une partie seulement du marché, concertée avec Servier, couplée à la certitude que Krka et Servier resteraient les seuls opérateurs sur le marché et qu’il n’y aurait pas d’autres entrants génériques (81), était finalement préférable à la poursuite de la contestation de la position de Servier dans toute l’Union. La raison en était, notamment, qu’une victoire au contentieux brevetaire et une entrée indépendante sur le marché auraient ouvert le marché à toutes les sociétés de génériques, ce qui aurait mené à une chute drastique des prix et une concurrence entre ces différentes sociétés. C’est pour cela que, dans des échanges internes de Krka datant d’août/septembre 2005 et d’avril 2006, auxquels se réfère la Commission dans la présente procédure de pourvoi et qui n’ont pas été pris en compte par le Tribunal, il a été indiqué qu’une annulation du brevet 947 « [ouvrirait] malheureusement le marché à tout le monde », et qu’« une opposition fructueuse ouvre en effet le marché à tout le monde » (considérants 844, 874, 914, 1759 et 1763 de la décision litigieuse).

157. Finalement, l’option offerte par Servier d’être la première et la seule société de génériques à rester ou à entrer sur une partie du marché était donc préférable pour Krka, d’autant plus que, grâce aux accords avec Servier, cette entrée était certaine, alors qu’une poursuite du contentieux et du projet d’une entrée indépendante sur les marchés sur lesquels elle n’était pas encore présente comportait des risques et nécessitait des investissements et des ressources (82). Le fait que les bénéfices que Krka pouvait tirer de la licence correspondaient aux bénéfices qu’elle aurait pu espérer dans les trois plus grands marchés d’Europe occidentale, auxquels elle a renoncé, confirme cette lecture (considérants 1733, 1739 à 1744, 1748, 1753 à 1756 et 1760 ainsi que notes en bas de page 2348 et 2368 de la décision litigieuse).

158. Une analyse globale des accords de règlement amiable et de licence Krka ainsi que de leur contexte, constitué notamment par les accords conclus par Servier avec les autres sociétés de génériques et la stratégie globale anti-génériques de Servier (voir notamment considérants 4 à 9, 1819, 2774, 2919, 2929 et 2932 de la décision litigieuse), confirme donc que les accords Krka constituaient une « activité conjointe [de la part de Servier et Krka] en vue de contrôler le marché », aux termes d’un courrier électronique de Krka daté du 29 septembre 2005. Krka a d’ailleurs envisagé la conclusion d’un accord avec Servier, portant sur le brevet 947, dans des échanges internes datant d’avril 2006, auxquels se réfère la Commission dans la présente procédure de pourvoi (considérants 849, 853, 873, 874, 1759, 1760 et 1763 de la décision litigieuse). Ces éléments n’ont pas non plus été pris en compte par le Tribunal.

159. Il s’ensuit que la Commission a pu conclure à bon droit, au considérant 1745 de la décision litigieuse, que, si une licence pouvait être un moyen légitime pour le détenteur d’un brevet d’accorder aux autres agents sur le marché le droit d’exploiter le savoir-faire protégé par le brevet, l’accord de licence Krka avait été problématique parce qu’il avait servi d’incitation pour obtenir des restrictions de concurrence dans les 18/20 marchés non couverts par la licence en tant que partie de l’arrangement de partage de marché. L’examen des éléments avancés par la Commission, effectué aux points 145 à 158 ci-dessus, a montré que la Commission a constaté qu’il y avait eu un transfert de valeur de Servier à Krka dans le cadre de l’accord de licence Krka, constitué par les parts de marché cédées par Servier à Krka, et que ce transfert de valeur avait pour contrepartie l’engagement de Krka de ne pas concurrencer Servier sur les marchés restants de l’Union, non couverts par cet accord de licence.

–       Sur le chiffrage de la valeur transférée à Krka au moyen de la licence

160. À cet égard, en troisième lieu, la Commission est également fondée à soutenir que le Tribunal, en se focalisant, aux points 963, 973 à 984 et 1029 de l’arrêt attaqué, sur le caractère anormalement bas ou non de la redevance due dans le cadre de l’accord de licence Krka, a omis d’analyser si le solde net du transfert de valeur effectué par Servier au profit de Krka dans le cadre dudit accord était suffisamment important pour avoir incité effectivement Krka à renoncer à entrer ou à tenter d’entrer sur les marchés non couverts par la licence.

161. Il convient de rappeler que Krka a estimé la valeur commerciale de la licence, c’est-à-dire la valeur de sa présence sur les marchés duopolistiques couverts par la licence, à plus de 10 millions d’euros en trois ans (considérants 1738 et 3162 et note en bas de page 4112 de la décision litigieuse). La Commission a estimé que la marge opérationnelle que Servier a sacrifiée au profit de Krka dans le cadre de la licence était encore bien plus élevée (considérant 1739 de la décision litigieuse).

162. Le montant de la redevance due par Krka à Servier pour l’exploitation de la licence était fixé à 3 % du montant net des ventes de Krka sur les marchés couverts par la licence (considérant 910 de la décision litigieuse). Les redevances se sont élevées à environ 1,1 millions d’euros sur une période de quatre ans pour un chiffre d’affaires d’environ 30 millions d’euros (considérant 1739 et note en bas de page 2350 de la décision litigieuse).

163. Il résulte de ces chiffres que le solde net de la valeur transférée par Servier à Krka dans le cadre de l’accord de licence Krka s’élevait approximativement à au minimum presque neuf millions d’euros en termes de valeur de la licence pour Krka, si l’on présume que les 10 millions d’euros de profit estimés par Krka ne tenaient pas encore compte du coût des redevances. En termes de marge sacrifiée par Servier, plus élevée que les profits de Krka en raison des prix plus élevés de Servier (considérant 1739 de la décision litigieuse), le montant du solde net de la valeur transférée par Servier à Krka dans le cadre de la licence serait encore plus élevé.

164. Aux points 977 à 981 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré qu’il n’est pas nécessairement anormal que le taux d’un excédent d’exploitation dépasse largement le taux de redevance d’une licence, que la redevance ne représente qu’une faible part des marges du preneur de licence et que ce taux soit calculé sur la base du prix de vente du produit de ce preneur. De plus, la licence n’aurait pas été exclusive, ce qui aurait limité son caractère avantageux pour Krka.

165. Or, ces considérations générales ne permettent pas d’écarter le constat que, concrètement, en l’espèce, les près de neuf millions d’euros [en termes de valeur de la licence pour Krka (voir point 163 ci-dessus)] transférés par Servier à Krka ne s’expliquent par aucune autre contrepartie de la part de Krka que son engagement à ne pas livrer concurrence à Servier sur les 18/20 marchés de l’Union non couverts par l’accord de licence Krka. Le Tribunal, tout en mentionnant, à différents endroits de l’arrêt attaqué, le taux de redevance de 3 % (points 975, 977, 983 et 1029 de l’arrêt attaqué), d’une part, et l’estimation par Krka des profits au titre de la licence à 10 millions d’euros (point 1000 de l’arrêt attaqué), d’autre part, n’a manifestement pas mis ces chiffres en rapport pour déterminer le solde net de la valeur transférée par Servier à Krka et pour analyser si ce solde pouvait s’expliquer autrement que par l’engagement de non-concurrence de Krka dans le cadre de l’accord de règlement amiable Krka.

166. Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal au point 983 de l’arrêt attaqué, le constat que le transfert de valeur opéré par Servier au profit de Krka aux termes de l’accord de licence ne pouvait s’expliquer par des considérations limitées à la valeur économique du brevet objet de la licence, n’a donc pas été remis en cause. Le Tribunal n’a pas invalidé le constat de la Commission au considérant 1739 de la décision litigieuse, selon lequel, si l’accord de licence Krka avait été négocié sans des considérations additionnelles liées aux marchés non couverts par la licence, un octroi rationnel de licence par un titulaire de brevet établi sur le marché aurait au moins été assorti d’une redevance proche des marges de profit perdues sur les ventes captées par le bénéficiaire de la licence.

167. Comme le relève à juste titre la Commission, les considérations du Tribunal ne prennent pas en compte que la perte de marge subie par Servier constituait un transfert de valeur net de Servier vers Krka, que le fait que la redevance représentait une faible proportion des profits de Krka dans les pays couverts par la licence montre que la licence avait une valeur suffisamment importante pour convaincre Krka d’abandonner les 18/20 autres marchés de l’Union, et que le fait que la licence n’était juridiquement pas exclusive n’a pas empêché qu’elle a offert à Krka un duopole de fait avec Servier, garantissant un avantage concurrentiel significatif et un partage des profits (83) (considérants 913 et 1738 à 1742 de la décision litigieuse).

168. En ne prenant pas dûment en compte les objectifs des accords de règlement amiable et de licence Krka dans leur globalité, révélés par le contexte de ces accords, exposé aux points 145 à 158 ci-dessus, le Tribunal n’a pas seulement refusé de reconnaître que la valeur transférée par Servier à Krka au titre de la licence était constituée par les marges sacrifiées par Servier au profit de Krka sur les marchés couverts par celle-ci. De surcroît, le Tribunal a refusé de reconnaître que cette valeur dérivait aussi du fait que Servier a garanti à Krka que cette dernière a pu maintenir des prix élevés grâce au duopole instauré entre ces deux opérateurs et à la fermeture du marché aux autres concurrents génériques. La valeur transférée par Servier à Krka consistait donc également en la préservation de cette situation. Aux termes de l’arrangement contractuel entre Servier et Krka, Krka a permis à Servier de garder son monopole sur les marchés non couverts par la licence et en échange, Servier a partagé sa rente de monopole avec Krka sur les marchés couverts par cette licence.

169. Il s’ensuit que les griefs que la Commission fait valoir à l’encontre des considérations du Tribunal, exposées points 992 à 997 de l’arrêt attaqué, doivent également être accueillis.

170. Auxdits points, le Tribunal a expliqué que l’analyse de la Commission selon laquelle la licence accordée à Krka sur les sept marchés d’Europe centrale et orientale aurait constitué une incitation pour son engagement à ne pas concurrencer Servier sur les 18/20 marchés restants de l’Union ne saurait être retenue. Selon le Tribunal, adhérer à cette thèse signifierait que plus l’accord de licence aurait un champ d’application large, plus l’incitation serait importante et plus il serait donc aisé de constater une restriction de la concurrence par objet. Or, cela serait en contradiction avec le fait qu’une licence serait par nature proconcurrentielle. De plus, adhérer à l’analyse de la Commission signifierait que, lors de l’association d’un accord de règlement amiable à un accord de licence, le titulaire d’un brevet aurait l’obligation d’accorder une licence sur tout le territoire couvert par l’accord de règlement amiable. Or, cela ne serait pas respectueux de ses droits de brevet.

171. Ces considérations générales ne sont pas de nature à révéler une erreur commise par la Commission lors de l’analyse des accords Krka. Cette analyse se concentre sur les objectifs et les conditions spécifiques et concrets desdits accords, qui révèlent que, dans les circonstances de l’espèce, l’accord de licence Krka a constitué la contrepartie de l’engagement de non-concurrence au titre de l’accord de règlement amiable Krka. La seule implication de cette constatation pour des accords futurs est que ceux-ci seront anticoncurrentiels si leur analyse révèle qu’il existe un transfert de valeur significatif de la part du titulaire d’un brevet au profit d’un concurrent potentiel générique, qui ne s’explique pas autrement que par l’engagement du second à ne pas faire concurrence au premier.

172. Pour finir, à cet égard, le dernier grief de la Commission au titre du présent moyen de pourvoi, formulé à l’encontre des constatations du Tribunal figurant au point 998 de l’arrêt attaqué, doit également être accueilli. Dans ce point, le Tribunal a considéré qu’un accord de licence « asymétrique » tel que celui en présence, qui ne couvrait pas tout le territoire couvert par l’accord de règlement amiable, ne constituait pas une incitation suffisante pour que la société de génériques se soumette aux restrictions de cet accord de règlement amiable. Selon le Tribunal, pour qu’un tel accord puisse être considéré comme incitatif, « il devrait offrir à cette société une compensation de la perte certaine des profits escomptés, résultant de l’acceptation d’un règlement amiable comportant des clauses qui lui interdisent l’entrée sur certaines parties géographiques du marché ».

173. En faisant cette affirmation, le Tribunal a non seulement commis la même erreur que celle visée au point 168 ci-dessus, mais il a également méconnu le contexte brevetaire des accords concernés en l’espèce, dans lequel la situation de concurrence potentielle entre le titulaire du brevet présent sur le marché et ses concurrents génériques potentiels s’apprêtant à y entrer, se caractérise précisément par une incertitude quant à la validité du brevet et au caractère contrefaisant des médicaments génériques (84).

174. Dans un tel contexte, il n’est pas requis que l’autorité de concurrence démontre que, en l’absence des accords, les concurrents potentiels génériques seraient certainement entrés sur le marché et que, en concluant les accords, ils ont renoncé à des profits certains. Il suffit qu’elle démontre que, en l’absence des accords, ces concurrents disposaient de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché et d’y réaliser des profits (85). Or, pour que de telles possibilités réelles et concrètes se réalisent, il faut des investissements, des efforts et une prise de risques de la part des sociétés génériques. Il peut donc se révéler commercialement plus avantageux pour celles-ci d’abandonner leurs efforts à cet égard contre la concession d’une part de la rente de monopole par le titulaire du brevet (86).

175. Partant, la Cour a reconnu que, pour caractériser un transfert de valeur suffisamment incitatif effectué en échange d’un engagement de non-concurrence dans un cas comme celui de l’espèce, il n’est nullement requis que les transferts de valeurs soient nécessairement supérieurs aux bénéfices que la société de génériques aurait réalisés si elle avait obtenu gain de cause dans la procédure en matière de brevet. Seul importe le fait que ces transferts de valeurs soient suffisamment avantageux pour inciter cette société à renoncer à entrer sur le marché concerné et à ne pas concurrencer par ses mérites le fabricant de médicaments princeps concerné (87). Or, il résulte de l’examen du présent moyen de pourvoi que la Commission a précisément démontré que tel avait été le cas en l’espèce.

–       Conclusion intermédiaire

176. Il découle des considérations qui précèdent que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a refusé de reconnaître que l’accord de licence Krka a renfermé un transfert de valeur de la part de Servier en faveur de Krka, qui a constitué la contrepartie de l’engagement de celle-ci de ne pas concurrencer Servier sur les marchés concernés par l’accord de règlement amiable Krka.

177. Le deuxième moyen de pourvoi doit donc également être accueilli.

178. À l’instar de ce qui a été constaté, aux points 133 et 134 ci-dessus, au regard du premier moyen de pourvoi, il doit également être précisé au sujet du deuxième moyen de pourvoi que, si le bien-fondé de celui-ci justifie à lui seul l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qui concerne la qualification des accords Krka de restriction de la concurrence par objet, il est utile d’examiner les autres moyens de pourvoi de la Commission à cet égard, notamment en vue de l’évocation ultérieure de l’affaire par la Cour.

iii) Sur l’application du concept de restriction de la concurrence par objet (troisième moyen de pourvoi)

179. Le troisième moyen de pourvoi de la Commission est tiré de plusieurs erreurs de droit commises par le Tribunal lors de l’application du concept de restriction de la concurrence par objet.

180. Comme pour les deux premiers moyens de pourvoi, il convient, ici aussi, de préciser à titre liminaire que, contrairement à ce que soutient Servier, les griefs avancés par la Commission dans le cadre du présent moyen de pourvoi ne concernent pas l’appréciation des faits par le Tribunal, mais leur qualification juridique et l’application des règles relatives à l’administration des preuves. Or, le contrôle du bien-fondé de cette qualification juridique et du respect de ces règles relève de la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi (88).

–       Sur l’absence de répartition « étanche » des marchés

181. En premier lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en concluant, aux points 1003 à 1006 de l’arrêt attaqué, que les accords Krka ne pouvaient être qualifiés d’accords de partage de marché parce qu’ils n’avaient pas instauré une répartition « étanche » des marchés entre Servier et Krka. Le Tribunal a conclu ainsi au motif que Servier n’était pas exclue des sept marchés couverts par l’accord de licence Krka, où elle et Krka se faisaient concurrence.

182. Or, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, cette circonstance ne fait nullement obstacle à la qualification des accords Krka d’accords de répartition du marché. Ainsi qu’il a été analysé aux points 141 à 176 ci-dessus, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen de pourvoi, la Commission a démontré que les accords de règlement amiable et de licence Krka avaient pour objet d’inciter Krka, au moyen d’un transfert de valeur significatif constitué par l’accord de licence Krka, qui lui permettait une présence sans risque et un partage de la rente de monopole avec Servier dans sept marchés de l’Union, de s’abstenir de faire concurrence à Servier sur les 18/20 marchés restants de l’Union.

183. Un tel arrangement doit être qualifié d’accord de répartition de marché, quand-bien même Servier n’était pas exclu des sept marchés attribués par l’accord de licence à Krka, sur lesquels les accords Krka avaient instauré un duopole de fait entre ces deux opérateurs. Cela est d’autant plus vrai dans la mesure où l’analyse a montré que la répartition des marchés de l’Union entre Servier et Krka n’était pas alignée sur des différences au regard de la situation brevetaire, mais correspondait à un partage de différentes zones d’intérêt économique (89).

184. La jurisprudence relative aux accords de partage de marché n’exige pas une répartition « étanche » des marchés pour pouvoir qualifier un accord comme tel. La présente affaire illustre précisément que les accords de partage de marché peuvent prendre de multiples formes. Partant, comme le relève à juste titre la Commission, si l’interprétation du Tribunal aux points 1003 à 1006 de l’arrêt attaqué devait être retenue, des accords de partage de marché comme ceux concernés en l’espèce échapperaient à la qualification de restriction de la concurrence par objet, ce qui réduirait indûment la portée de l’article 101 TFUE et porterait gravement atteinte à la mise en œuvre du droit de la concurrence de l’Union (90).

–       Sur les intentions des parties et leurs convictions quant à la validité du brevet 947

185. En deuxième lieu, la Commission remet en cause le point 1012 de l’arrêt attaqué, pour avoir considéré qu’« [u]n tel ensemble contractuel, fondé sur la reconnaissance de la validité du brevet, ne peut […] être qualifié d’accord d’exclusion du marché ». La Commission fait valoir que le Tribunal a dénaturé le sens des preuves relatives aux convictions des parties quant à la validité du brevet. Cette argumentation a déjà été examinée et reconnue comme étant fondée, en ce qui concerne Krka, aux points 100 à 130 ci-dessus, dans le cadre de l’examen du premier moyen du pourvoi.

186. En ce qui concerne Servier, la Commission ne cite pas de preuves qui auraient été dénaturées par le Tribunal, de sorte qu’il n’appartient pas à la Cour de rechercher de telles dénaturations d’office (91). En tout état de cause, la Commission relève à juste titre que, même si les accords Krka avaient été basés sur la reconnaissance par les parties du brevet 947, de tels accords ne seraient pas pour autant exclus du champ d’application de l’article 101 TFUE s’ils ont pour objet de diviser le marché. Cela est d’autant plus vrai que le Tribunal a fondé ses constatations exposées au point 1012 de l’arrêt attaqué sur l’absence de démonstration d’une incitation. Or, il a été mis en lumière, aux points 141 à 176 ci-dessus, dans le cadre de l’examen du deuxième moyen de pourvoi, que c’est à tort que le Tribunal a conclu à l’absence d’incitation offerte par Servier à Krka en échange de l’engagement de non-concurrence de celle-ci.

187. Au demeurant, il peut être relevé, à toutes fins utiles, que, aux points 1020 à 1022 et 1024 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une dénaturation de deux éléments de preuve concernant les intentions de Servier, qui apparaît à la seule lecture de ces points, même sans que la Commission relève spécifiquement de dénaturation à cet égard. Ainsi qu’il a été indiqué au point 96 ci-dessus, une dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments de preuve, l’appréciation des éléments de preuve existants apparaît manifestement erronée (92), puisque le Tribunal a manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable desdits éléments de preuve (93).

188. D’une part, aux points 1020 à 1022 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a apprécié la mention « quatre ans gagnés = grand succès », qui figurait dans un compte rendu d’une réunion du haut management de Servier, faisant référence au jugement britannique du 6 juillet 2007, invalidant le brevet 947 (94). Selon le Tribunal, à supposer même qu’il puisse être déduit de ce document, mentionné aux considérants 4, 112, 184, 244, 804, 1762 et 2984 de la décision litigieuse, que la direction de Servier avait estimé, à la suite de ce jugement, que le brevet 947 avait eu pour intérêt de lui permettre de gagner quatre années supplémentaires de protection, cela ne permettrait pas de conclure que, le 27 octobre 2006, au moment de la signature des accords de règlement amiable et de licence Krka, Servier avait l’intention d’aboutir à des accords de partage ou d’exclusion du marché.

189. Ce faisant, le Tribunal a omis de prendre en considération les autres éléments mentionnés par la Commission aux considérants 4, 112, 184, 244, 804, 1762 et 2984 de la décision litigieuse, selon lesquels, en 2007, le brevet 947 (déposé en 2001 (95)) aurait pu fournir à Servier jusqu’à 14 années supplémentaires de protection brevetaire (jusqu’en 2021). On aurait donc pu s’attendre à une déception de la part de Servier lors du jugement d’invalidité de ce brevet au Royaume-Uni en 2007. Selon la Commission, le fait que Servier se soit, au contraire, félicité des « quatre ans gagnés » depuis l’expiration du certificat complémentaire de protection relatif au brevet sur la molécule du périndopril au Royaume-Uni en 2003 (96), indique que Servier s’est en effet félicité du succès de sa stratégie consistant à retarder l’arrivée des génériques à la suite de l’expiration de la protection offerte par le brevet de molécule, stratégie comprenant notamment le dépôt du brevet de procédé 947 et la conclusion d’accords avec ses concurrents génériques, dont Krka.

190. Au vu de l’ensemble des éléments du dossier, notamment ceux déjà mentionnés au point 158 ci-dessus, qui confirment cette lecture, il apparaît donc que le Tribunal a dénaturé la mention « quatre ans gagnés = grand succès » de la part de Servier, lorsqu’il a considéré que cet élément ne pouvait confirmer la volonté de Servier de retarder l’arrivée des génériques du périndopril sur le marché moyennant, notamment, la conclusion des accords avec Krka.

191. D’autre part, le Tribunal a dénaturé, au point 1024 de l’arrêt attaqué, un document de Servier, intitulé « Coversyl : défense contre les génériques », datant du 19 juin 2006, mentionné aux considérants 7, 111, 141, 605, 803, 886, 1007, 1183, 1250, 1368, 1474, 1621, 1761, 1991, 2768, 2779, 2962 et 2981, ainsi qu’aux notes en bas de page 2386 et 2430 de la décision litigieuse. Selon le Tribunal, le fait que ce document est antérieur à la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 limite considérablement sa pertinence, puisque cette décision aurait substantiellement modifié le contexte, notamment en ce qui concerne la perception que Krka et Servier avaient de la validité du brevet 947 (point 1017 de l’arrêt attaqué).

192. Cependant, il a déjà été analysé aux points 102 à 130 ci-dessus, dans le cadre de l’examen du premier moyen de pourvoi, que le constat du Tribunal selon lequel ladite décision aurait substantiellement modifié la perception, par Krka, de la validité du brevet 947, n’était pas fondé. Le Tribunal n’a pas non plus expliqué les raisons pour lesquelles, d’une part, la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 aurait substantiellement modifié la perception, par Servier, de cette validité et, d’autre part, la conclusion des accords Krka après cette décision, le 27 octobre 2006, ne serait pas un élément de mise en œuvre de la stratégie anti-génériques de Servier envisagée juste avant.

193. De plus, il n’apparaît pas non plus la raison pour laquelle les accords Krka ne feraient pas partie de ladite stratégie globale au motif que le document visé au point 191 ci-dessus ne mentionne pas explicitement de stratégie concernant Krka, ainsi que l’a suggéré le Tribunal au point 1024 de l’arrêt attaqué. Il est manifeste que les accords Krka faisaient partie, comme les accords conclus avec les autres sociétés de génériques, dont le caractère anticoncurrentiel a été reconnu par le Tribunal (97), de la stratégie anti-génériques de Servier. Le Tribunal a d’ailleurs omis d’indiquer que le document en cause portait aussi la mention « Cela a-t-il fonctionné ? », et indiquait tous les accords conclus jusqu’à la date de son élaboration, alors qu’il mentionnait Krka parmi les sources de concurrence générique qui subsistaient encore à ce stade.

194. Partant, il apparaît de manière manifeste que le Tribunal a également dénaturé ce document en considérant qu’il ne confirmait pas l’intention de Servier de conclure des accords anticoncurrentiels avec Krka.

–       Sur le duopole de fait instauré par la licence

195. En troisième et en quatrième lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 987 à 991 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a considéré que le duopole de fait entre Servier et Krka, instauré sur les sept marchés couverts par l’accord de licence Krka, pouvait tout au plus être considéré comme résultant de choix ultérieurs de Servier et Krka, imprévisibles au moment de la conclusion dudit accord. Selon le Tribunal, la prise en compte de tels choix ultérieurs s’apparenterait à la prise en compte des effets de l’accord, non requise pour l’analyse de l’objet de ce dernier. De plus, le prétendu effet potentiel de l’accord de licence Krka d’avoir mené à un duopole entre Servier et Krka sur les marchés concernés aurait été fondé sur des circonstances hypothétiques et non objectivement prévisibles au moment de la conclusion de l’accord.

196. Cette conclusion du Tribunal est manifestement erronée. Il apparaît de manière indubitable de l’analyse des termes des accords Krka, ainsi que du contexte de leur conclusion, effectuée aux points 145 à 147, 150 à 159 et 168 ci‑dessus, qu’il était évident pour Servier et Krka que ces accords étaient destinés à organiser la structure des marchés de l’Union de manière à réserver les 18/20 marchés non couverts par l’accord de licence Krka à Servier et les sept marchés couverts par la licence à Servier et Krka. Les éléments de preuve pertinents dans leur globalité permettent clairement d’arriver à cette déduction, alors que l’explication alternative du Tribunal, selon laquelle l’instauration du duopole aurait résulté de choix ultérieurs, non prévisibles au moment de la conclusion des accords, manque de plausibilité et de crédibilité.

197. Il est certes vrai que, aux termes de l’accord de licence Krka, Servier était théoriquement autorisée à concéder une autre licence à un tiers par pays (point 46 de l’arrêt attaqué et considérants 910 et 1744 de la décision litigieuse). Cependant, la Commission a étayé de manière convaincante, au vu de l’ensemble du faisceau d’éléments de contexte avancés, que, en pratique, il était évident pour Krka que Servier ne fera pas usage de cette faculté, de sorte que les marchés couverts par la licence resteront réservés à Servier et Krka.

198. Ainsi, d’une part, il n’y avait, au moment de la conclusion des accords Krka, pas d’autre opérateur générique en vue pour entrer sur ces marchés (considérants 1739, 1742 et 1744 de la décision litigieuse). D’autre part, comme il a été analysé aux points 155 à 158 et 168 ci‑dessus, l’arrangement contractuel entre Servier et Krka était justement avantageux pour ces deux opérateurs parce qu’il leur permettait de maintenir les prix élevés en évitant la chute des prix occasionnée par l’ouverture du marché aux génériques, et de tirer profit de ces prix ainsi que de parts de marché élevées (considérants 1744 et 1755 de la décision litigieuse). Cet arrangement ne pouvait donc fonctionner qu’en l’absence d’entrée d’autres opérateurs génériques sur le marché.

199. Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, l’instauration d’un duopole de fait entre Servier et Krka sur les marchés couverts par la licence n’était donc pas un effet potentiel hypothétique des accords Krka, imprévisible au moment de la conclusion de ces accords, mais bien le scénario prévisible et mis en place par ces accords mêmes. La prise en compte de l’instauration de ce duopole aux fins de l’analyse de l’objet desdits accords ne requerrait donc nullement une analyse de leurs effets.

200. Au demeurant, il n’est pas interdit à la Commission de se prévaloir de circonstances factuelles postérieures à un comportement anticoncurrentiel dans la mesure où celles-ci sont destinées à confirmer le contenu d’un élément objectif de preuve (98). Le fait que la Commission, aux fins de corroborer le constat que l’accord de licence Krka avait eu pour objet l’instauration d’un duopole entre Servier et Krka sur les marchés couverts par la licence, a pris en compte la circonstance que Servier n’a vraiment pas accordé de licence à un tiers après la conclusion des accords Krka, ne signifie donc pas que la Commission a procédé, sur ce point, à une analyse des effets de ces accords.

201. L’attitude hostile et l’absence de coopération entre Servier et Krka sur les marchés couverts par la licence, relevés par la Commission au considérant 1725 de la décision litigieuse, n’amènent pas, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal au point 991 de l’arrêt attaqué, à conclure à l’absence de duopole entre Servier et Krka instauré sur ces marchés. La Commission a démontré, aux considérants 1728 et 1744 de la décision litigieuse, que, nonobstant le fait que la situation mise en place par la licence n’excluait pas un certain degré de concurrence entre Servier et Krka, l’octroi de cette licence par Servier à Krka n’a pas mené à une situation dans laquelle les revenus de Servier et de Krka seraient significativement affectés par une concurrence effective, mais à un duopole de fait avec Krka que Servier elle-même a tenté de maintenir afin de préserver ses sources de revenus.

202. Or, cela correspond aux constatations effectuées au point 155 ci-dessus, selon lesquelles la licence était le prix à payer par Servier pour que Krka accepte de ne pas lui faire concurrence sur les 18/20 marchés non couverts par la licence et cesse de la menacer avec un contentieux pouvant potentiellement mener à l’ouverture complète du marché aux génériques.

203. Cette constatation est également cohérente avec les explications de la Commission, figurant au considérant 1725 de la décision litigieuse, selon lesquelles l’accord de licence Krka ne prévoyait pas de partenariat commercial entre Servier et Krka au-delà du paiement des redevances. Servier a au contraire élaboré et mis en place des actions afin d’affronter la pénétration des marchés par les génériques de Krka, par exemple en Pologne, afin d’accompagner le basculement de Servier vers le périndopril arginine, non substituable avec le périndopril erbumine de Krka. Or, ce basculement a fait partie de la stratégie anti-génériques de Servier, consistant à obtenir un « evergreening » du périndopril (considérant 239 de la décision litigieuse) (99).

204. Il résulte de l’ensemble des considérations figurant aux points 195 à 203 ci‑dessus que les constatations du Tribunal, exposées aux points 987 à 991 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles l’objet des accords Krka n’aurait pas été l’instauration d’un duopole de fait entre Servier et Krka sur les marchés couverts par la licence, sont entachées d’erreur et ne sauraient être retenues.

–       Sur une déclaration de la part de Lupin

205. En cinquième lieu, la Commission reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en refusant de reconnaître, au point 1023 de l’arrêt attaqué, qu’une déclaration faite par Lupin au moment des accords Krka, citée au considérant 1730 de la décision litigieuse, était de nature à corroborer la déclaration de Krka selon laquelle elle avait « sacrifiée » les marchés d’Europe occidentale, pour lesquels elle s’est engagée à ne pas concurrencer Servier, au profit des sept marchés d’Europe centrale et orientale, pour lesquels Servier lui a accordé la licence.

206. Selon la déclaration de Lupin en question, « [i]l semblerait que, du point de vue de Servier, la justification de ce règlement amiable soit la protection des marchés principaux dans lesquels on constate la prédominance d’un niveau élevé de substitution et/ou d’une prescription de [dénomination commune internationale] (RU/France) … En permettant à Krka d’entrer sur les marchés génériques de marque d’Europe centrale et orientale, Servier génère une concurrence de “marque” et une érosion plus contrôlée, mais ne mène pas à un basculement radical vers les médicaments génériques ».

207. Le Tribunal, qui n’a cité, au point 1023 de l’arrêt attaqué, que la première partie de cette déclaration, a considéré que celle-ci ne permettait pas de conclure à l’existence d’une intention de Servier d’adopter avec Krka des accords de partage ou d’exclusion de marché. Cependant, la Commission n’a pas eu recours à la déclaration de Lupin pour démontrer une intention de Servier, mais pour affirmer que la perception de cet observateur extérieur corroborait le constat selon lequel les accords Krka avaient pour objet de mettre en place un partage de marché entre ces deux opérateurs. Or, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, cette conclusion s’impose avec évidence, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 1755 et à la note en bas de page 2379 de la décision litigieuse, où elle a noté que « l’objet de la transaction était tellement évident qu’il a pu être observé par un concurrent sans connaissance des détails de l’accord ».

208. Partant, l’appréciation par le Tribunal de la déclaration de Lupin en question apparaît également entachée de dénaturation puisque le Tribunal a manifestement outrepassé les limites d’une appréciation raisonnable dudit élément de preuve (100).

–       Sur les lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie et le règlement n° 772/2004 concernant l’application de l’article [101, paragraphe 3, TFUE] à des catégories d’accords de transfert de technologie

209. En sixième lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 248 et 958 de l’arrêt attaqué, en faisant une interprétation erronée des lignes directrices de 2004 sur les accords de transfert de technologie (101) et du règlement (CE) no 772/2004, du 27 avril 2004, concernant l’application de l’article [101, paragraphe 3, TFUE] à des catégories d’accords de transfert de technologie (102), comme justifiant l’association entre les accords de règlement amiable et de licence Krka. Auxdits points de l’arrêt attaqué, le Tribunal a expliqué, en substance, qu’il ressortait de ces dispositions que les accords de règlement amiable et de licence peuvent, en principe, être légitimes et ne constituent pas nécessairement des infractions à l’article 101 TFUE. Or, si cela n’est pas contesté, il est vrai que, ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 126 à 128, 148 et 149 ci-dessus, des considérations générales sur la forme qu’ont pris les accords en cause en l’espèce ne sont pas pertinentes pour déterminer si ces accords ont constitué, concrètement et dans les circonstances en présence, une restriction de la concurrence par objet.

–       Conclusion intermédiaire

210. Il découle des considérations qui précèdent que, à l’instar des premier et deuxième moyens de pourvoi, le troisième moyen de pourvoi est également fondé. Les erreurs de droit commises par le Tribunal, constatées dans le cadre de l’examen de ce moyen de pourvoi, conjuguées aux erreurs constatées lors de l’examen des premiers et deuxième moyens de pourvoi, suffiraient pour justifier l’annulation de la partie de l’arrêt attaqué consacrée à l’objet des accords Krka. Néanmoins, à l’instar de ce qui a été noté après l’examen des premier et deuxième moyens de pourvoi aux points 133, 134 et 178 ci-dessus, il convient, par souci de complétude et dans l’optique de l’évocation de l’affaire par la Cour, d’examiner encore les autres moyens de pourvoi avancés par la Commission à l’encontre de ladite partie de l’arrêt attaqué, concernant la qualification des accords Krka de restriction de la concurrence par objet.

iv)    Sur l’intention des parties (quatrième moyen de pourvoi)

211. Dans le cadre de son quatrième moyen de pourvoi, la Commission reproche au Tribunal des erreurs de droit, des omissions et des dénaturations, commises lors de l’application des principes relatifs à l’administration des preuves et de l’appréciation des preuves rassemblées par la Commission relatives aux intentions des parties. Les griefs avancés par la Commission dans le cadre du présent moyen de pourvoi se recoupent largement avec des critiques qui ont déjà été examinées et reconnues fondées lors de l’examen des premier à troisième moyens de pourvoi.

212. À titre liminaire, il est utile de noter qu’il est certes vrai que, comme le Tribunal l’a rappelé au point 222 de l’arrêt attaqué, l’intention des parties n’est qu’un élément subsidiaire à prendre en considération lors de la détermination du caractère restrictif de la concurrence d’un type de coordination entre entreprises (103). Toutefois, contrairement à ce que considère Servier, cela ne saurait mener à la qualification du présent moyen de pourvoi d’inopérant. Ainsi qu’il a déjà été expliqué lors de l’examen du caractère opérant du premier moyen de pourvoi, aux points 80 à 90 ci-dessus, en l’espèce, des éléments relatifs aux intentions et perceptions des parties – notamment concernant la prétendue reconnaissance par Krka de la validité du brevet 947 – ont constitué l’une des bases de l’analyse, par le Tribunal, du caractère restrictif de la concurrence des accords Krka.

–       Sur la prise en compte de l’intention des parties

213. Dans le cadre du présent moyen de pourvoi, la Commission critique le Tribunal, en premier lieu, pour lui avoir reproché, au point 1015 de l’arrêt attaqué, de ne pas avoir analysé l’intention des parties alors que, s’agissant d’une restriction de la concurrence par objet, cela n’aurait pas été requis.

214. À y regarder de plus près, il apparaît pourtant que, plutôt que d’avoir reproché à la Commission de ne pas avoir analysé l’intention des parties, le Tribunal a considéré, aux points 1015 à 1026 de l’arrêt attaqué, que les preuves avancées par la Commission ne permettaient pas de conclure que la Commission avait démontré l’intention de Servier et de Krka de conclure un accord de partage ou d’exclusion du marché.

215. Or, l’analyse du présent moyen de pourvoi, effectuée dans les points qui suivent, montrera que cette considération repose sur une analyse incomplète des preuves et une méconnaissance des principes relatifs à l’administration et l’appréciation des preuves en droit de la concurrence de l’Union.

–       Sur l’application des principes relatifs à l’administration des preuves

216. À cet égard, la Commission critique, en deuxième lieu, le Tribunal pour avoir mal interprété les principes de droit qui auraient dû guider son analyse des preuves, et selon lesquels une telle analyse doit être globale. Ces principes ont été rappelés aux points 92 à 96 ci-dessus.

217. D’une part, la Commission reproche au Tribunal d’avoir omis d’examiner l’ensemble des preuves factuelles sur lesquelles repose la décision litigieuse et de n’avoir fait, aux points 1017 à 1024 de l’arrêt attaqué, qu’une référence sommaire à certaines pièces citées par la partie de ladite décision concernant l’intention des parties. Le Tribunal n’aurait notamment pas cité ou considéré les éléments de preuve présentés aux considérants 873, 847, 1687 à 1690 et 1758 à 1760 de la décision litigieuse, ni la stratégie anti-génériques de Servier. De même, le Tribunal n’aurait pas pris en compte le courriel de Krka du 29 septembre 2005, cité aux considérants 849 à 854 et 1760 de la décision litigieuse, ainsi que la déclaration de Lupin, citée aux considérants 1730 et 1748 de celle-ci, qui se corroboreraient et se renforceraient mutuellement.

218. Ces griefs et ces éléments de preuve ont déjà été examinés et les critiques à cet égard reconnues comme étant fondées aux points 102 à 130, 156, 158, 187 à 194 et 205 à 207 ci‑dessus, dans le cadre de l’examen des premier à troisième moyens de pourvoi. Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 129 ci-dessus, le Tribunal a soutenu, aux points 1018, 1019 et 1025 de l’arrêt attaqué, que les preuves rassemblées par la Commission seraient fragmentaires et ambigües, sans avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve pertinents et en procédant à une appréciation manifestement erronée des preuves examinées par lui, choisies de manière sélective.

219. D’autre part, la Commission fait valoir que le Tribunal a fait, au point 1016 de l’arrêt attaqué, une application erronée de la jurisprudence relative aux inférences dans le cadre de l’appréciation des preuves, en considérant qu’elle s’appliquait avec moins d’évidence dans le cas présent, où la Commission a pu disposer du contenu des accords en cause. La Commission fait valoir à cet égard que ces accords n’ont pas été rendus publics au moment de leur conclusion.

220. Toutefois, le considérant 56 de la décision litigieuse indique que le texte des accords a figuré parmi les preuves utilisées par la Commission et celle-ci ne conteste pas avoir pu avoir accès auxdits accords. Néanmoins, ainsi qu’il a déjà été indiqué aux points 97 et 98 ci‑dessus, indépendamment de la question de savoir si la Commission a pu disposer aisément du contenu complet des accords, la jurisprudence portant sur les inférences et déductions est en tout état de cause pertinente en l’espèce. En effet, la réponse à la question de savoir si ce contenu avait pour objet un partage illégitime du marché doit être déduite non seulement dudit contenu, mais également du contexte des accords et de l’intention des parties, pour l’analyse desquels la Commission a examiné un grand nombre de preuves documentaires.

221. Dans le même ordre d’idées, la Commission reproche au Tribunal d’avoir considéré, au point 1016 de l’arrêt attaqué, que des « déductions tirées d’extraits partiels de courriels ou d’autres documents censés établir les intentions des parties » ne sauraient remettre en cause une conclusion fondée sur le contenu même des accords.

222. À cet égard, il convient de rappeler qu’il a déjà été constaté, aux points 126 à 129, 148 et 149 ci-dessus, que le Tribunal a tiré des conclusions erronées de la forme des accords Krka, notamment du fait que l’un de ces accords était un accord de licence. De la même manière, il a été constaté que le Tribunal a commis l’erreur d’analyser les accords de règlement amiable et de licence Krka de manière indépendante l’un de l’autre et détachée de leur contexte (point 144 ci-dessus).

223. Enfin, il doit être relevé que, au point 1016 de l’arrêt attaqué, le Tribunal semble reprocher à la Commission d’avoir tiré des déductions « d’extraits partiels de courriels ou d’autres documents censés établir les intentions des parties », alors qu’il a été constaté, notamment, aux points 116, 188 à 190, 193 et 205 à 207 ci‑dessus, que c’est le Tribunal lui-même qui a fondé son analyse sur des citations partielles de documents et de circonstances qui ont été cités in extenso dans la décision litigieuse. De même, il a été constaté itérativement dans le cadre de l’examen des trois premiers moyens de pourvoi que l’analyse des accords Krka par le Tribunal repose sur une prise en compte incomplète et partielle des éléments de preuve et des circonstances relatifs au contexte de ces accords (voir, notamment, points 102 à 105, 114, 115, 152, 156, 158, 165 et 168 ci-dessus). À l’inverse, l’analyse du présent pourvoi a montré que, contrairement à ce qu’a indiqué le Tribunal au point 1025 de l’arrêt attaqué, la Commission a rassemblé un ensemble d’indices pertinents et convergents en faveur de son constat selon lequel les accords Krka constituaient des accords de répartition du marché.

224. La Commission est donc fondée à soutenir que, si le Tribunal avait appliqué correctement les principes relatifs à l’administration des preuves, rappelés aux points 92 à 96 et 110 ci-dessus, il n’aurait pas pu conclure comme il l’a fait. Le grief tiré d’erreurs de droit commises par le Tribunal lors de l’application de ces principes est donc également fondé.

–       Sur la crédibilité des preuves en fonction de leur date d’élaboration

225. En troisième lieu, la Commission fait valoir que les points 1017 et 1024 de l’arrêt attaqué sont entachés d’erreurs de droit pour avoir considéré que la décision de l’OEB du 27 juillet 2006 (104) et l’injonction provisoire du 3 octobre 2006 prononcée au Royaume-Uni à l’encontre de Krka (105) avaient substantiellement modifié le contexte dans lequel les accords Krka avaient été conclus, en particulier en ce qui concerne la perception par Krka et Servier de la validité du brevet 947. Partant, le Tribunal a considéré, notamment aux points 1017, 1018 et 1024 de l’arrêt attaqué, que des documents postérieurs à ces événements seraient plus pertinents pour apprécier les intentions de ces parties que des documents élaborés avant lesdits événements.

226. Or, il a déjà été constaté aux points 101 à 108 et 114 à 123 ci-dessus, dans le cadre de l’examen du premier moyen de pourvoi, que ces conclusions du Tribunal ont été faites au terme d’une analyse partielle, voire sélective des preuves avancées par la Commission et d’une appréciation manifestement erronée voire d’une dénaturation des preuves prises en compte par le Tribunal.

–       Sur la valeur probatoire de déclarations ultérieures

227. En quatrième lieu, la Commission soutient que le Tribunal a violé les principes relatifs à l’administration des preuves en attribuant, aux points 999, 1000 et 1010 de l’arrêt attaqué, plus de poids aux déclarations déposées par Krka postérieurement à la conclusion des accords Krka qu’aux preuves contemporaines citées aux points 1015 à 1024 de l’arrêt attaqué. Le caractère fondé de cette critique a déjà été reconnu aux points 109 à 113 ci-dessus.

–       Conclusion intermédiaire

228. Il résulte des considérations qui précèdent que le quatrième moyen de pourvoi est également fondé. En raison des considérations déjà exposées aux points 133, 134, 178 et 210 ci-dessus, à l’issue de l’examen des premier, deuxième et troisième moyens de pourvoi, il convient néanmoins de procéder à l’examen des autres moyens de pourvoi relatifs à l’objet anticoncurrentiel des accords Krka.

v)      Sur la prise en compte des effets pro-concurrentiels de la licence (cinquième moyen de pourvoi)

229. Dans le cadre de son cinquième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 1007 à 1009 et 1031 de l’arrêt attaqué, lorsqu’il a pris en compte les effets positifs de la licence dans les sept États membres d’Europe centrale et orientale dans lesquels elle s’est appliquée.

230. Contrairement à ce que soutient Servier, la Commission identifie clairement les erreurs qu’elle reproche au Tribunal à cet égard, en sorte que le présent moyen de pourvoi est recevable.

231. Aux points de l’arrêt attaqué critiqués dans le cadre de ce moyen de pourvoi, le Tribunal a indiqué que l’accord de licence Krka avait contribué à l’entrée ou au maintien de Krka sur les sept marchés couverts par la licence. Cet accord aurait donc eu un effet favorable sur la concurrence par rapport à la situation antérieure qui était celle dans laquelle Krka ne pouvait se maintenir ou entrer sur le marché qu’à risque, et ce d’autant que le brevet 947 venait de voir sa validité confirmée par les autorités compétentes et qu’il existait un risque perçu comme étant important par Krka que son produit soit contrefaisant.

232. Cependant, ce prétendu effet favorable sur la concurrence de l’accord de licence Krka ne saurait remettre en cause le constat selon lequel les accords de règlement amiable et de licence Krka constituaient des accords de répartition du marché et donc une restriction de la concurrence par objet.

233. D’une part, ainsi que le rappelle la Commission, l’article 4 de la décision litigieuse a limité le constat de l’infraction à l’égard de Servier et Krka aux 18/20 marchés de l’Union couverts par l’accord de règlement amiable Krka, et n’a pas constaté d’infraction sur les sept marchés couverts par l’accord de licence Krka (voir point 39 ci-dessus). Or, comme la Commission le soutient à juste titre dans le cadre du présent pourvoi, et comme elle l’a indiqué au considérant 1755 de la décision litigieuse, l’entrée ou la présence continue de Krka dans ces sept États membres, à laquelle se réfère le point 1007 de l’arrêt attaqué, ne change ni ne justifie le fait que Krka a été éliminée comme source de concurrence potentielle sur les 18/20 marchés couverts par l’accord de règlement amiable Krka.

234. Dans ce contexte, contrairement à ce que fait valoir Servier, les arrêts dans les affaires Consten et Grundig/Commission (106) et MasterCard e.a./Commission (107), cités par la Commission, sont, mutatis mutandis, pertinents dans le cadre de la présente affaire. Dans ces arrêts, la Cour a considéré, en substance, que des effets proconcurrentiels d’un accord sur un certain marché ne sauraient « compenser » des effets restrictifs de la concurrence d’un tel accord sur un autre marché.

235. D’autre part, à supposer même qu’il faille prendre en considération les effets de l’accord de licence Krka sur les marchés concernés par celui-ci, aux fins de l’évaluation globale des accords de règlement amiable et de licence Krka dans leur ensemble, ces effets ne seraient de nature à remettre en cause le constat selon lequel ces accords constituaient une restriction de la concurrence par objet.

236. Ainsi, il est certes vrai que la Cour a constaté, dans l’arrêt Generics (UK) e.a. (108), que, lorsque les parties à un accord tel que ceux concernés en l’espèce se prévalent d’effets proconcurrentiels attachés à celui-ci, ceux-ci doivent, en tant qu’éléments du contexte de cet accord, être dûment pris en compte aux fins de sa qualification de « restriction par objet », dans la mesure où ils sont susceptibles de remettre en cause l’appréciation globale du degré suffisamment nocif de la pratique collusoire concernée à l’égard de la concurrence et, en conséquence, sa qualification de « restriction par objet ».

237. Toutefois, la Cour a également constaté dans ledit arrêt que de tels effets prétendument proconcurrentiels ne sauraient remettre en cause le constat d’une restriction par objet que s’ils sont avérés, pertinents, propres à l’accord concerné et suffisamment importants pour permettre de raisonnablement douter du caractère suffisamment nocif à l’égard de la concurrence de l’accord de règlement amiable concerné, et, partant, de son objet anticoncurrentiel. La Cour a poursuivi que tel n’était pas le cas d’un accord permettant une entrée contrôlée d’une société de génériques sur le marché, concertée avec le titulaire du brevet aux fins d’une réorganisation du marché concerné, qui ne donnait pas lieu à une pression concurrentielle sur ledit titulaire et ne procurait aux consommateurs que des avantages minimes voire incertains (109).

238. Or, en l’espèce, l’entrée par Krka sur les sept marchés couverts par la licence ne donnait pas non plus lieu à une pression concurrentielle significative sur Servier (point 201 ci-dessus). De plus, cette entrée s’est opérée dans le cadre d’un duopole de fait entre Servier et Krka, dont l’objet était d’éviter la chute des prix qui aurait été occasionnée par une ouverture du marché lors de l’entrée indépendante des génériques. Partant, cette réorganisation contrôlée du marché a permis à Servier et Krka de garder des prix et des parts de marché bien plus élevés qu’en cas d’une ouverture indépendante du marché aux génériques (points 155 à 158 ci-dessus). Les avantages apportés aux consommateurs par l’entrée ou la présence continue de Krka sur les marchés concernés par la licence étaient donc limités par rapport aux avantages qui auraient résulté d’une ouverture indépendante de ces marchés aux génériques.

239. De plus, les équivalents nationaux du brevet 947 n’avaient pas encore été accordés sur certains desdits marchés, de sorte que Krka n’avait pas besoin de licence pour y entrer ou y rester. Néanmoins, le Tribunal a considéré que la licence aurait eu l’effet bénéfique d’éviter à Krka un risque contentieux ultérieur, dans l’hypothèse où des brevets seraient accordés à Servier sur ces marchés dans le futur (points 1008 et 1027 de l’arrêt attaqué). Il découle de ces considérations que les prétendus effets proconcurrentiels de l’accord de licence Krka étaient non seulement limités, mais également hypothétiques et incertains.

240. Pour finir, en l’espèce, comme dans l’affaire Generics (UK) e.a., l’entrée contrôlée, concertée avec le titulaire d’un brevet, d’une société de génériques sur le marché s’est opérée en échange de l’abandon par cette société de ses efforts aux fins d’une entrée indépendante sur ledit marché. Or, comme nous l’avons souligné dans nos conclusions dans ladite affaire, le fait d’apporter quelques avantages minimes aux consommateurs grâce à une légère baisse des prix ne saurait remettre en cause l’objet anticoncurrentiel d’un accord qui a par ailleurs pour but d’annihiler le jeu de la concurrence par rapport à un certain produit ou sur un certain marché (110).

241. Dans ce contexte, le scénario « concurrentiel » auquel il faut comparer la situation concertée mise en place par les accords n’est en effet pas celui d’une entrée indépendante certaine des fabricants de génériques sur le marché, mais celui d’une poursuite de leurs efforts à cette fin en fonction de leur appréciation autonome des risques et chances à cet égard. Partant, le fait que l’entrée concertée entre le titulaire du brevet et la société de génériques est certaine alors que le scénario d’une entrée indépendante dépend des aléas du contentieux brevetaire, ne saurait signifier que l’entrée contrôlée est nécessairement le « meilleur scénario » en termes de concurrence. En effet, ce qui compte n’est pas l’entrée à tout prix des génériques sur le marché, mais le fait que cette entrée se réalise ou ne se réalise pas en raison du libre jeu de la concurrence et non en raison d’une concertation des parties substituée à celui-ci (111).

242. Il résulte de ces considérations que le cinquième moyen de pourvoi, tiré d’une erreur de droit commise par le Tribunal lors de l’appréciation des conséquences des effets proconcurrentiels de l’accord de licence Krka aux fins de la qualification des accords Krka de restriction de la concurrence par objet, doit également être accueilli.

vi)    Sur l’accord de cession et de licence Krka (sixième moyen de pourvoi)

243. Avec son sixième moyen de pourvoi, le dernier portant sur la qualification de restriction de la concurrence par objet des accords Krka, la Commission reproche au Tribunal une erreur de droit pour avoir refusé de reconnaître un caractère anticoncurrentiel à l’accord de cession et de licence Krka, conclu le 5 janvier 2007, c’est-à-dire environ deux mois après la conclusion des accords de règlement amiable et de licence Krka le 27 octobre 2006.

244. Ainsi qu’il a été indiqué au point 59 ci-dessus, la Commission a constaté que l’accord de cession et de licence Krka avait permis de renforcer la position concurrentielle de Servier et de Krka qui résultait du partage de marchés instauré par l’ensemble des accords Krka, en empêchant Krka de céder sa technologie concurrente pour la production de périndopril à d’autres sociétés de génériques. Dans la mesure où le versement de la somme de 30 millions d’euros dans le cadre de cet accord était sans lien avec les revenus attendus ou réalisés par Servier par l’exploitation commerciale de la technologie cédée par Krka, ce paiement a été analysé par la Commission comme un partage de la rente générée par la répartition des marchés entre Servier et Krka (112).

245. Pour sa part, le Tribunal a considéré, notamment aux points 1053, 1054 et 1059 de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où le constat de restriction par objet de l’accord de cession et de licence Krka avait été fondé par la Commission sur le constat de restriction par objet des accords de règlement amiable et de licence Krka, et que ce dernier constat avait été invalidé par le Tribunal, le constat relatif à l’objet restrictif dudit accord de cession et de licence devait également être annulé.

246. Or, il a été reconnu dans le cadre de l’examen des cinq premiers moyens de pourvoi, effectué ci-dessus, que les constatations du Tribunal relatives à l’objet anticoncurrentiel des accords de règlement amiable et de licence Krka sont erronées, et que la Commission a pu conclure à bon droit que ces accords constituaient une restriction de la concurrence par objet.

247. Partant, comme le fait valoir à juste titre la Commission, les conclusions tirées par le Tribunal de ces constatations en ce qui concerne l’accord de cession et de licence Krka reposent sur une hypothèse erronée.

248. Par ailleurs, la Commission est également fondée à soutenir que les conclusions du Tribunal relatives à l’accord de cession et de licence Krka, exposées aux points 1041 à 1060 de l’arrêt attaqué, sont insuffisamment motivées en ce qu’elles n’expliquent pas les raisons pour lesquelles les considérants 1764 à 1810 de la décision litigieuse, consacrés à cet accord, qui n’ont même pas été analysés par le Tribunal, seraient erronées.

249. Il s’ensuit que le sixième moyen de pourvoi, tiré d’erreurs commises lors de l’analyse de l’objet de l’accord de cession et de licence Krka par le Tribunal, doit également être accueilli.

3)      Conclusion sur l’objet des accords Krka

250. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent, effectuées dans le cadre de l’examen des premier à sixième moyens de pourvoi de la Commission (points 69 à 249 ci‑dessus), que le constat du Tribunal selon lequel les accords Krka ne devaient pas être qualifiés de restriction de la concurrence par objet (points 1032, 1060 et 1233 de l’arrêt attaqué), repose sur une analyse entachée d’erreurs de droit et doit être annulé.

251. En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

252. Il ressort de l’examen des premier à sixième moyens de pourvoi que tel est le cas de la présente affaire en ce qui concerne le constat de l’objet anticoncurrentiel des accords Krka. Cet examen a montré que le neuvième moyen avancé en première instance par Servier, sur lequel repose l’analyse du Tribunal (voir points 910 à 942 et 1033 à 1040 de l’arrêt attaqué), ne permet pas d’invalider le constat de la Commission, figurant, en substance, notamment, aux considérants 1756, 1810 et 1812 de la décision litigieuse, selon lequel ces accords constituaient une activité unique et continue qui avait pour objet le partage et l’allocation des marchés du périndopril dans l’Union entre Servier et Krka, en autorisant Krka à continuer à commercialiser ou à lancer du périndopril générique dans le cadre d’un duopole de fait avec Servier dans sept États membres comme récompense pour l’engagement de Krka de s’abstenir de faire concurrence à Servier dans les 18/20 marchés de l’Union restants.

253. La Cour peut donc évoquer l’affaire et rejeter le neuvième moyen avancé en première instance par Servier en ce qui concerne l’objet des accords Krka, ce qui mènera à la confirmation de la décision litigieuse sur ce point.

b)      Sur la restriction de la concurrence par effet (septième moyen de pourvoi)

254. Au titre de son septième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une série d’erreurs de droit dans l’examen des effets anticoncurrentiels des accords Krka.

255. À titre liminaire, il faut rappeler que l’objet et l’effet anticoncurrentiel d’un accord sont des conditions non pas cumulatives, mais alternatives pour appliquer l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Un accord est donc interdit, indépendamment de ses effets, dès lors que son objet est contraire à la concurrence. Il s’ensuit que la prise en considération des effets d’un accord est superflue quand il est établi qu’il a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (113).

256. Partant, si, en l’espèce, la Cour reconnaissait, conformément aux considérations qui précèdent et à la conclusion figurant aux points 252 et 253 ci‑dessus, que les constatations du Tribunal relatives à l’absence d’objet anticoncurrentiel des accords Krka sont erronées et que c’est ainsi à bon droit que la Commission a retenu l’existence d’un objet anticoncurrentiel de ces accords, il ne serait pas nécessaire d’examiner le présent moyen de pourvoi, relatif aux effets anticoncurrentiels desdits accords.

257. Nous examinerons néanmoins ce moyen de pourvoi par souci d’exhaustivité.

258. Avant de procéder à cet examen (2), il est utile de résumer brièvement comment ces effets ont été analysés tant par la Commission dans la décision litigieuse que par le Tribunal dans l’arrêt attaqué (1).

1)      L’analyse des effets des accords Krka dans la décision litigieuse et l’arrêt attaqué

i)      Décision litigieuse

259. Aux considérants 1214 à 1218 de la décision litigieuse, la Commission a exposé que, pour évaluer les effets restrictifs d’un accord, il convenait de tenir compte des conditions concrètes dans lesquelles il produit ses effets, et que l’examen des conditions de concurrence sur un marché donné devait être basé non seulement sur la concurrence existante entre les entreprises déjà présentes sur le marché pertinent, mais aussi sur la concurrence potentielle. Selon la Commission, en l’espèce, elle devait examiner les effets des accords de règlement amiable, y compris des accords Krka, sur la concurrence potentielle, dès lors qu’ils avaient affecté les incitations des concurrents génériques de Servier à se préparer à une entrée dans un ou plusieurs marchés de l’Union.

260. Aux considérants 1219 et 1220 de la décision litigieuse, la Commission a précisé, en substance, que l’évaluation des effets restrictifs concrets des accords de règlement amiable sur la concurrence potentielle, qui avaient consisté en la suppression des sociétés de génériques en tant que concurrents potentiels, et sur la structure de la concurrence sur les marchés concernés, devait être effectuée sur la base des faits au moment de ces règlements amiables, tout en prenant en compte la façon dont les accords avaient été effectivement mis en œuvre. En effet, la qualification d’une infraction ne pourrait pas, par principe, dépendre de développements factuels postérieurs. Selon la Commission, lorsque l’élimination de la concurrence potentielle est en cause, « regarder ce qui s’est vraiment produit peut avoir peu à voir avec ce qui se serait probablement produit en l’absence de l’accord ». Cela serait d’autant plus vrai lorsque l’accord modifie considérablement les incitations d’une partie, ou des deux, à continuer à se faire concurrence.

261. Aux considérants 1221 et 1226 de la décision litigieuse, la Commission a indiqué que les effets restrictifs d’un accord devaient être évalués en comparaison avec le contexte économique et juridique réel dans lequel la concurrence serait intervenue en l’absence de l’accord, ce qui exigerait d’examiner le degré de concurrence entre les parties et la concurrence des tiers, en particulier la concurrence réelle et potentielle, qui aurait existé en l’absence des accords, et le comportement concurrentiel que les sociétés de génériques auraient été susceptibles d’adopter dans une telle situation.

262. En ce qui concerne les possibilités réelles et concrètes que les sociétés de génériques entrent dans les marchés pertinents et fassent concurrence à Servier, la Commission a renvoyé à son examen de la concurrence potentielle entre Servier et les sociétés de génériques, effectué dans le cadre de l’examen de l’objet des accords (considérant 1222 de la décision litigieuse).

263. Enfin, la Commission a expliqué qu’elle examinera également les effets restrictifs de ces accords sur la structure de la concurrence, en analysant, notamment, le pouvoir de marché des parties et la question de l’existence d’autres sources de concurrence pour Servier, pertinente lorsque le marché est privé d’un nouvel entrant (considérants 1223 à 1227 de la décision litigieuse).

264. À cet égard, la Commission a considéré, aux considérants 1228 à 1240 de la décision litigieuse, notamment, que les contraintes concurrentielles imposées par d’autres médicaments sur le périndopril étaient d’une efficacité limitée, qui contrastait avec la force de la contrainte attendue des (et finalement introduite par les) génériques du périndopril. Selon la Commission, cette contrainte concurrentielle exercée par les génériques du périndopril était cruciale puisque les pratiques contestées avaient pour objectif de neutraliser cette même contrainte. Comparées à la contrainte concurrentielle des génériques, les autres contraintes sur le périndopril auraient été insuffisantes pour exercer une pression concurrentielle efficace.

265. L’élimination de la pression concurrentielle des génériques aurait donc eu des effets significatifs en termes de dépenses globales des consommateurs pour le périndopril. En l’absence d’entrée des génériques sur le marché, Servier n’aurait pas été confrontée à une concurrence efficace puisque, à part les génériques du périndopril, il n’y aurait pas eu d’autre contrainte importante pour Servier. Dans la mesure où la capacité de Servier à maintenir des prix supra-concurrentiels aurait été liée aux accords de règlement amiable qu’elle avait conclu avec les sociétés de génériques, il serait également possible de montrer des effets anti-concurrentiels directs de ces accords (considérants 1240 à 1243 de la décision litigieuse).

266. Aux considérants 1244 à 1269 de la décision litigieuse, la Commission a expliqué que, au moment de la conclusion des accords entre Servier et les sociétés de génériques, la structure du marché se caractérisait par un nombre limité de sociétés de génériques qui s’apprêtaient à entrer sur le marché. Outre les parties ayant conclu ces accords avec Servier, il ne resterait que deux menaces génériques directes importantes pour Servier. La Commission a conclu que, dans de telles conditions, l’élimination d’un seul concurrent réduisait de manière significative la probabilité d’une entrée effective et en temps voulu des génériques sur le marché.

267. La Commission a ensuite examiné, aux considérants 1813 à 1850 (suite de la section 5.5) de la décision litigieuse, la question de savoir si les accords Krka constituaient une restriction de la concurrence par effet, examen qui était limité aux marchés de la France, des Pays-Bas et du Royaume‑Uni (considérant 1816 de la décision litigieuse).

268. Selon la Commission, Krka était un concurrent potentiel de Servier sur ces trois marchés et disposait de possibilités réelles et concrètes pour y entrer à brève échéance. Krka aurait été un fournisseur effectif de périndopril sur cinq marchés géographiques et se préparait à entrer sur plusieurs autres marchés, ce qui aurait montré ses intentions à cet égard. De plus, Krka aurait été en mesure d’entrer sur les marchés où elle n’était pas un fournisseur effectif dans un court laps de temps puisqu’elle avait terminé le développement de son produit. Krka aurait aussi été en train de préparer activement le terrain pour son produit par la voie du contentieux au Royaume-Uni et aurait été convaincue de l’invalidité du brevet 947 (considérant 1820 de la décision litigieuse).

269. En incitant Krka à s’engager à ne pas entrer sur lesdits marchés, les accords Krka auraient eu pour effet d’éliminer ces possibilités d’entrer sur le marché en France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. En l’absence des accords Krka, Krka aurait continué à représenter une menace concurrentielle en tant qu’entrant générique potentiel avec du périndopril sur ces marchés (considérants 1824 à 1834 de la décision litigieuse).

270. La Commission a également considéré que, au moment de la conclusion des accords Krka, Krka constituait l’une des menaces les plus immédiates de Servier (considérants 1843 et 1849 de la décision litigieuse) et que, compte tenu de la structure du marché, l’élimination d’un seul concurrent restreignait de manière significative la probabilité d’une entrée effective et en temps utile de génériques sur le marché (considérant 1844 de la décision litigieuse), et cela à plus forte raison parce que Krka était aussi un fournisseur potentiel de produits à base de périndopril pour les autres sociétés de génériques (considérant 1848 de la décision litigieuse).

271. La Commission a donc conclu que les accords Krka avaient eu pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence potentielle entre Servier et les sociétés de génériques (considérant 1850 de la décision litigieuse).

ii)    Arrêt attaqué

272. Le Tribunal a examiné le dixième moyen présenté par Servier en première instance, tiré de la qualification erronée des accords Krka de restriction de la concurrence par effet, aux points 1075 à 1232 de l’arrêt attaqué.

273. En premier lieu, le Tribunal a qualifié l’approche adoptée par la Commission concernant la restriction de la concurrence par effet, résumée aux points 259 à 263 ci‑dessus, d’« hypothétique », au motif qu’elle était fondée sur des hypothèses ou des « possibilités » et non sur le déroulement réel des événements (points 1078 à 1104 de l’arrêt attaqué).

274. D’autre part, le Tribunal a estimé que la jurisprudence selon laquelle l’analyse des effets d’un accord comprenait aussi ses effets potentiels n’était pas applicable lorsqu’il s’agissait d’un accord qui avait été mis en œuvre et sanctionné par la Commission (points 1107 à 1133 de l’arrêt attaqué).

275. En deuxième lieu, le Tribunal a constaté, aux points 1140 à 1217 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait commis une erreur d’appréciation lorsqu’elle avait conclu au caractère de restrictions de la concurrence par effet des accords Krka.

276. Premièrement, le Tribunal a considéré, aux points 1142 à 1187 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas établi les effets restrictifs sur le jeu de la concurrence de la clause de non‑commercialisation de l’accord de règlement amiable Krka. La Commission n’aurait, notamment, pas démontré que, en l’absence dudit accord, Krka serait probablement entrée sur les marchés de la France, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. À cet égard, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que Krka reconnaissait la validité du brevet 947. Concernant cette reconnaissance, le Tribunal a réitéré, pour l’essentiel, aux points 1148 à 1169 de l’arrêt attaqué, les mêmes considérations que celles sur lesquelles il s’était appuyé lors de l’examen de l’objet des accords Krka, qui ont déjà été analysées dans le cadre de l’examen du premier moyen de pourvoi (114).

277. Selon le Tribunal, en évoquant seulement la « menace concurrentielle » que Krka aurait continué à représenter, la Commission n’aurait pas établi que le jeu de la concurrence tel qu’il se serait déroulé en l’absence de l’accord aurait probablement été plus ouvert. De plus, la Commission aurait dû préciser quels auraient été les effets probables, en particulier sur les prix, sur la production, sur la qualité ou sur la diversité des produits ou encore sur l’innovation, de la « menace concurrentielle » que Krka aurait continué à exercer sur Servier en l’absence des accords Krka (points 1174 à 1179 de l’arrêt attaqué).

278. Deuxièmement, le Tribunal a estimé, aux points 1192 à 1213 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas établi les effets restrictifs sur le jeu de la concurrence de la clause de non-contestation de l’accord de règlement amiable. La Commission n’aurait, notamment, pas démontré que, en l’absence dudit accord, la poursuite des litiges entre Krka et Servier aurait, de manière probable, voire plausible, permis une invalidation plus rapide ou plus complète du brevet 947. À cet égard, le Tribunal a considéré que le retrait de Krka des procédures dans lesquelles elle était engagée, à savoir la procédure devant le juge anglais (115) et celle devant l’OEB (116), n’avait pas eu d’effet quant à l’élimination du brevet 947. Des événements postérieurs à la conclusion de l’accord, à savoir l’invalidation du brevet 947 au Royaume-Uni dans la procédure entre Servier et Apotex (117) et la révocation du brevet 947 par la chambre de recours technique de l’OEB (118), montreraient que ce brevet avait en tout état de cause été annulé, indépendamment des actions engagées par Krka. Or, la Commission n’aurait pas démontré que la poursuite de ces actions aurait eu pour effet que ledit brevet aurait été invalidé plus tôt ou de manière plus complète (points 1194 à 1207 de l’arrêt attaqué).

279. Enfin, troisièmement, le Tribunal a relevé, aux points 1214 et 1215 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas non plus établi les effets restrictifs sur le jeu de la concurrence de l’accord de cession et de licence Krka.

280. En troisième lieu, le Tribunal a constaté, aux points 1219 à 1232 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait commis une erreur de droit en s’abstenant de prendre en compte le déroulement réel des événements tel qu’il avait pu être observé au moment où elle adoptait sa décision et en faisant reposer sa description du jeu de la concurrence en l’absence des accords sur des hypothèses ou des possibilités.

281. Le Tribunal a donc conclu que la Commission n’avait pas établi que les accords Krka avaient constitué une restriction de la concurrence par effet, et a accueilli le dixième moyen présenté par Servier en première instance (points 1217 et 1232 de l’arrêt attaqué).

2)      Le moyen de pourvoi relatif aux effets des accords Krka

282. Dans le cadre de son septième moyen de pourvoi, la Commission soutient que les considérations du Tribunal, résumées aux points 272 à 281 ci-dessus, sont entachées d’une série d’erreurs de droit.

283. La Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur, aux points 1128, 1178, 1179 et 1227 à 1231 de l’arrêt attaqué, en considérant que l’effet réel de restreindre la concurrence potentielle entre Servier et Krka ne suffisait pas à démontrer que les accords Krka constituaient des restrictions de la concurrence par effet. La Commission aurait montré que, au moment de la conclusion de ces accords, Krka disposait de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché, que lesdits accords auraient éliminées, ce qui serait conforme à l’analyse contrefactuelle exigée par la jurisprudence. Il n’y aurait pas lieu de changer ce standard de preuve au motif que des brevets étaient en jeu et que l’issue des litiges brevetaires était imprévisible.

284. Ce serait donc de manière erronée que le Tribunal aurait estimé, aux points 1123, 1160, 1161, 1165, 1168, 1169, 1173, 1174, 1178, 1179, 1183, 1204, 1206, 1207, 1209, 1221, 1226 et 1231 de l’arrêt attaqué, que la Commission aurait dû démontrer que, en l’absence des accords Krka, Krka serait probablement entrée sur les trois marchés concernés « à risque », et qu’elle aurait dû spécifier les effets probables de la « menace concurrentielle » que Krka aurait continué à effectuer sur les prix et sur d’autres paramètres de la concurrence. De même, ce serait à tort que le Tribunal aurait exigé, aux points 1198 à 1207 de l’arrêt attaqué, que la Commission démontre que la poursuite des contentieux en cours par Krka, qu’elle a abandonnée en raison des accords Krka, aurait permis une invalidation plus rapide ou plus complète du brevet 947.

285. La Commission considère également que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 1107 à 1128 et 1225 de l’arrêt attaqué, en distinguant les accords mis en œuvre et les accords non mis en œuvre aux fins de l’analyse des effets anticoncurrentiels, en considérant que la jurisprudence sur la prise en compte des effets potentiels n’était pas pertinente lorsque les accords avaient été mis en œuvre.

286. En outre, la Commission soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 1130, 1151, 1170, 1181, 1210 et 1219 de l’arrêt attaqué, en exigeant qu’elle prenne en compte, aux fins de l’évaluation des effets d’un accord, l’ensemble des développements factuels intervenus avant qu’elle n’adopte sa décision. Le caractère anticoncurrentiel d’un accord devrait au contraire être évalué au moment de sa conclusion.

287. Enfin, la Commission estime que le Tribunal a commis une erreur de droit et a dénaturé des preuves en considérant, aux points 1148 à 1170 de l’arrêt attaqué, que, en l’absence des accords Krka, Krka ne serait probablement pas entrée sur les marchés concernés en raison de sa reconnaissance de la validité du brevet 947.

i)      Sur l’analyse contrefactuelle

288. Pour examiner ces critiques, il faut commencer par rappeler que, conformément à la jurisprudence constante, les effets restrictifs de la concurrence d’un accord peuvent être tant réels que potentiels (119).

289. Aux fins de l’appréciation de tels effets, il convient d’examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord litigieux (120).

290. Pour ce faire, il y a lieu de prendre en considération, notamment, la nature et la quantité limitée ou non des produits faisant l’objet de l’accord, la position et l’importance des parties sur le marché des produits concernés, le caractère isolé de cet accord ou, au contraire, la place de celui-ci dans un ensemble d’accords. À cet égard, l’existence de contrats similaires, sans nécessairement être déterminante, est une circonstance qui, avec d’autres, peut constituer un contexte économique et juridique dans lequel ledit accord doit être apprécié (121).

291. Le scénario envisagé à partir de l’hypothèse de l’absence de l’accord en cause doit être réaliste. Dans cette optique, il est loisible, le cas échéant, de tenir compte des développements probables qui se produiraient sur le marché en l’absence de l’accord (122).

292. Lors de l’appréciation des effets restrictifs d’un accord, il est notamment possible de se fonder sur la concurrence potentielle représentée par un entrant potentiel éliminé par cet accord et sur la structure du marché en cause (123).

293. Dans une situation telle que celle en cause en l’espèce, cela est d’autant plus vrai que, comme la Cour l’a jugé dans l’arrêt Generics (UK) e.a., l’établissement du scénario contrefactuel ne présuppose aucun constat définitif relatif aux chances de succès de la société de génériques dans la procédure de brevet ou à la probabilité de la conclusion d’un accord moins restrictif (124).

294. En effet, le scénario contrefactuel a uniquement pour but d’établir les possibilités réalistes de comportement de cette société en l’absence de l’accord en cause et de déterminer ainsi le jeu probable du marché et la structure de celui-ci en l’absence de cet accord (125). Si ledit scénario contrefactuel ne saurait être indifférent aux chances de succès de la société de génériques dans la procédure de brevet ou encore relativement à la probabilité de la conclusion d’un accord moins restrictif, ces éléments ne constituent toutefois que des éléments parmi d’autres à prendre en compte pour déterminer le jeu probable du marché ainsi que la structure de celui‑ci en l’absence de conclusion de l’accord concerné (126).

295. Par conséquent, afin d’établir l’existence d’effets sensibles potentiels ou réels sur la concurrence d’accords de règlement amiable tels que ceux en cause en l’espèce, il n’appartient pas à l’autorité de concurrence de constater soit que la société de génériques partie à cet accord aurait probablement obtenu gain de cause dans la procédure relative au brevet, soit que les parties audit accord auraient probablement conclu un accord de règlement amiable moins restrictif (127).

296. Force est de constater que l’examen des effets des accords Krka par la Commission, résumé aux points 259 à 271 ci‑dessus, est conforme à la méthodologie établie par cette jurisprudence pour l’analyse du scénario contrefactuel probable en cas d’absence de ces accords.

297. Pour commencer, la Commission a correctement posé le cadre de son analyse en indiquant qu’elle examinera les effets des accords litigieux en comparaison avec le contexte économique et juridique réel dans lequel la concurrence serait intervenue en leur absence, et qu’elle examinera donc le degré de concurrence entre les parties qui aurait existé et le comportement concurrentiel que les sociétés de génériques auraient été susceptibles d’adopter en l’absence d’accord (point 261 ci‑dessus).

298. Par ailleurs, ainsi que le met en avant la Commission, elle a tenu compte à suffisance, au titre du contexte juridique et économique des accords Krka, du cadre factuel dans lequel ceux-ci s’inséraient en termes de brevets et de contentieux brevetaire, notamment, aux considérants 1826, 1829 et 1835 à 1846 ainsi qu’à la note en bas de page 2445 de la décision litigieuse.

299. Au vu de la jurisprudence exposée au point 290 ci‑dessus, c’est également à bon droit que la Commission a pris en compte la place des accords respectifs au sein de l’ensemble des accords conclus par Servier avec les sociétés de génériques et la stratégie adoptée par Servier, ainsi que la position des parties sur le marché (points 263 à 266 ci‑dessus).

300. Concernant Krka, la Commission a correctement tenu compte du fait que Krka était un concurrent potentiel important, voire l’une des menaces les plus immédiates de Servier sur les trois marchés considérés aux fins de l’analyse des effets des accords Krka, qui disposait de possibilités réelles et concrètes d’entrer sur ces marchés, et que les accords Krka avaient éliminé ces possibilités en incitant Krka à cesser de tenter d’entrer sur lesdits marchés et de contester les brevets de Servier (points 268 à 270 ci‑dessus).

301. Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, notamment, aux points 1174 à 1178, 1183 et 1226 de l’arrêt attaqué, en démontrant que, en l’absence des accords Krka, Krka aurait continué ses efforts aux fins d’entrer sur les marchés concernés et que l’effet de ces accords avait consisté à éliminer Krka en tant que concurrent potentiel de Servier et, par là-même, l’éventualité que les possibilités réelles et concrètes que Krka entre sur ces marchés se réalisent, la Commission a étayé à suffisance les effets restrictifs de la concurrence desdits accords.

302. À cet égard, contrairement à ce qu’a estimé le Tribunal, aux points 1183 et 1226 de l’arrêt attaqué, les considérations exposées dans l’arrêt dans l’affaire Visa Europe et Visa International Service/Commission (128), selon lesquelles l’analyse des effets d’un accord peut se baser sur la concurrence potentielle représentée par un entrant potentiel éliminé par l’accord, ne sont pas dépourvues de pertinence en l’espèce parce que le contexte des accords conclus par Servier avec les sociétés de génériques est caractérisé par l’existence du brevet 947. Il ressort en effet de la jurisprudence citée au point 294 ci‑dessus que le contexte brevetaire d’accords, tels que ceux concernés en l’espèce, doit seulement être pris en compte, parmi d’autres éléments, au titre du contexte de ces accords. Cependant, il n’en résulte pas que les principes jurisprudentiels régissant l’analyse contrefactuelle des effets d’un accord perdent leur pertinence.

303. Partant, la Commission est fondée à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit, notamment, aux points 1160, 1168, 1169, 1173 et 1182 de l’arrêt attaqué (point 276 ci‑dessus), en exigeant qu’elle démontre que, en l’absence des accords Krka, Krka serait « probablement » entrée à risque sur les marchés considérés ou que, en l’absence de ces accords, les parties auraient conclu un accord moins restrictif.

304. Par ailleurs, ainsi que l’invoque la Commission, l’analyse du Tribunal, figurant aux points 1148 à 1169 de l’arrêt attaqué (point 276 ci‑dessus), selon laquelle, en l’absence des accords Krka, Krka ne serait probablement pas entrée sur ces marchés parce qu’elle était convaincue de la validité du brevet 947, est viciée par les mêmes erreurs que celles qui ont déjà été constatées dans le cadre de l’examen du premier moyen de pourvoi (129).

305. De même, c’est à tort que le Tribunal a considéré, notamment, aux points 1192 à 1213 de l’arrêt attaqué (point 278 ci‑dessus), que, pour établir les effets de la clause de non-contestation contenue dans l’accord de règlement amiable, la Commission aurait dû démontrer que la continuation des procédures contentieuses que Krka a abandonnées en vertu de cet accord aurait probablement permis une invalidation plus rapide ou plus complète du brevet 947.

306. Comme indiqué aux points 293 et 295 ci‑dessus, la Cour a précisé dans l’arrêt Generics (UK) e.a. que, dans une situation telle que celle en cause en l’espèce, l’établissement du scénario contrefactuel ne présuppose pas de démontrer que les parties audit accord auraient probablement conclu un accord de règlement amiable moins restrictif ou que la société de génériques partie à l’accord en cause aurait probablement obtenu gain de cause dans la procédure relative au brevet.

307. Il s’agit effectivement, pour une autorité de concurrence, lors d’une telle analyse contrefactuelle, de dépeindre non pas la situation qui aurait existé, en l’absence de l’accord, en matière de brevet, mais la situation qui aurait existé en matière de concurrence. Or, en termes de concurrence, le scénario contrefactuel aurait été une situation dans laquelle la société de génériques aurait continué à gérer de manière autonome, sur la base de sa propre évaluation de la situation brevetaire, sa stratégie commerciale et contentieuse afin de tirer au mieux profit de ses possibilités réelles et concrètes d’entrer sur le marché. La situation qui aurait existé en l’absence des accords aurait donc été une situation dans laquelle ces possibilités réelles et concrètes auraient eu une chance de se réaliser (130).

308. Or, en l’occurrence, les effets restrictifs de la concurrence des accords Krka consistaient précisément en l’élimination de cette chance que les possibilités réelles et concrètes de Krka d’entrer sur les marchés en cause se réalisent.

309. Le fait qu’il ne soit pas possible de déterminer avec certitude, dans le cadre de l’analyse contrefactuelle, si ces possibilités se seraient vraiment réalisées, n’enlève rien au caractère réel de l’effet de leur élimination. Ce qui importe, en termes d’impact sur la concurrence, n’est pas le fait que Krka entre à tout prix sur les marchés concernés ou fasse invalider le brevet, mais le fait qu’elle avait la capacité et la ferme intention d’entrer sur le marché et de faire invalider le brevet pour pouvoir profiter du libre jeu de la concurrence, avant de s’engager dans une concertation avec Servier (131).

310. Contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, une telle analyse contrefactuelle n’a rien d’« hypothétique ». L’effet d’éliminer la concurrence potentielle n’est pas moins réel que l’effet d’éliminer la concurrence réelle ou actuelle, étant donné qu’un accord de ne pas livrer concurrence peut être conclu tant avec un concurrent potentiel qu’avec un concurrent actuel.

311. L’approche du Tribunal méconnaît que l’article 101 TFUE ne protège pas seulement la concurrence actuelle, mais également la concurrence potentielle sans laquelle l’entrée de nouveaux entrants sur le marché ne pourrait jamais se concrétiser (132).

312. De plus, ainsi que le soutient la Commission, en exigeant, au point 1179 de l’arrêt attaqué, qu’elle précise les effets probables des accords sur les prix et d’autres paramètres de la concurrence, le Tribunal a méconnu le principe selon lequel l’article 101 TFUE vise, à l’instar des autres règles de concurrence du traité FUE, à protéger non pas uniquement les intérêts directs des concurrents ou des consommateurs, mais la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle. Partant, la Cour a jugé que la constatation de l’existence de l’objet anticoncurrentiel d’une coordination entre entreprises ne saurait être subordonnée à celle d’un lien direct de celle-ci avec les prix à la consommation (133). Or, il ne saurait en aller autrement lorsqu’il s’agit de constater les effets anticoncurrentiels d’une coordination entre entreprises.

313. En outre, la Commission fait également valoir à juste titre que c’est à tort que le Tribunal a rejeté, aux points 1180 et 1210 de l’arrêt attaqué, la prémisse que l’élimination d’une importante source de concurrence potentielle peut, en elle‑même, donner lieu à des effets sur les prix ou d’autres paramètres de la concurrence avec un degré raisonnable de probabilité.

ii)    Sur le moment auquel il faut se placer pour l’analyse contrefactuelle

314. La Commission fait également valoir que le Tribunal a eu tort d’exiger que l’analyse des effets d’un accord qui a été mis en œuvre suppose d’analyser l’ensemble des développements factuels intervenus depuis sa conclusion. Selon la Commission, il faut au contraire se placer, pour l’analyse du scénario contrefactuel, au moment de la conclusion d’un accord.

315. L’examen de l’objet d’un accord aux fins de l’application de l’article 101 TFUE doit basculer vers l’examen des effets de cet accord s’il n’est pas possible de conclure, au vu du type d’accord ou des mécanismes qu’il met en place, analysés dans leur contexte, que ledit accord a pour objet de restreindre la concurrence (134). Dans un tel cas, il convient d’analyser si les mécanismes mis en place par l’accord, au vu de leur fonctionnement, de leur contexte et de la situation concurrentielle sur le marché concerné, auront, une fois qu’ils s’appliqueront, des effets restrictifs de la concurrence.

316. Une telle analyse des effets d’un accord s’impose, par exemple, lorsqu’une autorité est confrontée à un ou plusieurs accords constituant un ensemble complexe, comportant des composantes pro- et anticoncurrentielles, dont il est impossible de déterminer le caractère anticoncurrentiel sans en examiner les effets (135), et a pour objectif de déterminer l’incidence sur la concurrence que l’accord est susceptible de produire sur le marché concerné (136).

317. Il ressort de la jurisprudence citée au point 289 ci-dessus que l’analyse contrefactuelle consiste à examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord litigieux. Cela signifie nécessairement qu’il faut analyser ce qui se serait passé dans l’hypothèse de l’absence de l’accord et non ce qui s’est réellement passé en présence de celui‑ci. Les événements réels tels qu’ils se sont produits au cours et à la suite de la mise en œuvre de l’accord sont nécessairement déjà viciés par la présence dudit accord. Ainsi, une analyse contrefactuelle qui se fonde sur une telle situation ayant déjà porté atteinte au libre jeu de la concurrence, comme celle effectuée par le Tribunal, notamment, aux points 1192 à 1213 de l’arrêt attaqué (voir point 278 ci‑dessus), en ce qu’elle déduit l’absence d’effets restrictifs d’événements réels qui ont eu lieu pendant la mise en œuvre dudit accord, s’apparente à un raisonnement circulaire méconnaissant les fondements mêmes d’une telle analyse, comme elle est exigée par la jurisprudence visée aux points 289 à 295 ci-dessus.

318. S’il n’est pas, par principe, exclu de tenir compte d’événements ultérieurs, relevant, notamment, de la mise en œuvre d’un accord lors de l’analyse de ses effets négatifs sur le marché, comme l’a indiqué la Commission (voir considérant 1220 de la décision litigieuse et point 260 ci‑dessus), ces éléments ne sauraient être pris en compte pour établir un scénario contrefactuel qui est fondé à tort sur l’existence en tant que telle d’un tel accord, alors que ledit scénario est censé partir de son absence.

319. Partant, c’est de manière erronée que le Tribunal s’est fondé sur la poursuite et sur les résultats des procédures devant les juridictions britanniques et l’OEB, après le retrait de Krka de ces procédures, pour conclure à l’absence d’effets restrictifs de la clause de non-contestation contenue dans l’accord de règlement amiable Krka (point 278 ci‑dessus). Quand bien même la poursuite desdites procédures par Krka n’aurait pas mené à un résultat différent en termes brevetaires et contentieux que celui obtenu par leur poursuite par d’autres opérateurs (ce qui n’est même pas établi), cela ne saurait être pertinent aux fins de l’appréciation contrefactuelle des effets de ladite clause. À cette fin, ce qui importe est la question de savoir si cette clause avait pour effet que Krka abandonnât ses tentatives de concurrencer Servier, notamment, en poursuivant les procédures en cause.

320. Il s’ensuit que la considération de la Commission selon laquelle l’analyse contrefactuelle doit se faire au moment de la conclusion de l’accord est dépourvue d’erreur. Au contraire, comme la Cour l’a jugé, la nature anticoncurrentielle d’un acte doit être évaluée au moment où cet acte est commis (137). Cela est cohérent dans la mesure où ce sont les accords ayant pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur qui sont interdits en vertu de l’article 101, paragraphe 1, TFUE. Partant, la question de savoir si un accord a un objet ou des effets anticoncurrentiels doit, en principe, être examinée au moment de sa conclusion.

321. Des développements ultérieurs, indépendants de la volonté des parties et des mécanismes mis en place par l’accord, ne sauraient enlever son caractère anticoncurrentiel à un accord qui avait pour effet de restreindre la concurrence au moment de sa conclusion (138). Ainsi que la Commission l’a expliqué, notamment, à l’audience dans la présente procédure de pourvoi, un événement ultérieur, neutralisant les effets d’un accord, ne doit être pris en compte que ex nunc, à partir du moment de sa survenance, pour déterminer la durée de l’infraction à l’article 101 TFUE, constituée par l’accord. C’est d’ailleurs précisément de cette manière que la Commission a tenu compte, en l’espèce, d’événements ultérieurs, survenus après la conclusion des accords litigieux, en l’occurrence l’annulation du brevet 947 au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ainsi que par l’OEB, pour déterminer la fin respective des infractions (voir, en ce qui concerne Krka, considérant 2126 de la décision litigieuse).

322. L’arrêt attaqué est d’ailleurs, sur ce point, entaché d’une contradiction de motifs. Au point 856 dudit arrêt, le Tribunal a constaté, à propos de l’accord conclu par Servier avec Lupin, que de possibles événements postérieurs à la conclusion de cet accord ne sauraient en neutraliser le caractère restrictif et qu’il « conv[enait] en effet de distinguer, d’une part, la question de l’existence même de l’infraction, laquelle ne peut être mise en cause par la simple possibilité que des événements futurs surviennent, et, d’autre part, celle de la durée de l’infraction, laquelle peut dépendre de la survenance effective de tels événements ».

323. Cette considération correspond exactement à l’argumentation de la Commission en ce qui concerne les effets des accords Krka. Il n’est pas possible de comprendre les raisons pour lesquelles le Tribunal a évalué cette question de manière différente en ce qui concerne lesdits accords, d’une part, et l’accord conclu par Servier avec Lupin, d’autre part.

iii) Sur l’absence de pertinence de la distinction entre accords mis en œuvre et accords non mis en œuvre

324. Il résulte de ce qui précède que la distinction opérée par le Tribunal entre l’analyse des effets des accords qui ont été mis en œuvre et ceux des accords qui n’ont pas été mis en œuvre (voir points 1107 à 1133 de l’arrêt attaqué et point 274 ci‑dessus) n’est pas pertinente. Dans la mesure où l’analyse contrefactuelle s’opère au moment de la conclusion de l’accord, cette distinction n’a pas de sens pour l’établissement des effets d’un accord, même s’il n’est pas exclu de tenir compte d’éléments ultérieurs, relatifs à la mise en œuvre d’un accord, au titre du contexte de celui‑ci.

325. Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que la distinction entre effets réels et potentiels, telle qu’elle a été utilisée par le Tribunal dans le cadre de sa distinction entre accords mis en œuvre et accords non mis en œuvre, n’est pas non plus pertinente parce que, lors de l’analyse contrefactuelle, il convient, en tout état de cause, de tenir compte des effets potentiels au même titre que des effets réels (139).

326. Au demeurant, les conclusions du Tribunal, concernant la prétendue distinction entre accords mis en œuvre et accords non mis en œuvre aux fins de l’analyse de leurs effets, ne découlent pas non plus de la jurisprudence analysée par le Tribunal à cette fin aux points 1107 à 1133 de l’arrêt attaqué (point 274 ci‑dessus). Hormis son caractère excessivement casuistique, la lecture que propose le Tribunal de cette jurisprudence est non seulement contraire à l’économie et la finalité de l’article 101 TFUE (voir point 320 ci‑dessus), mais elle tire également de cette jurisprudence des conclusions incompatibles avec les énoncés explicites de celle-ci, qui font référence aussi bien aux effets réels que potentiels des accords examinés.

3)      Conclusion sur les effets des accords Krka

327. Il résulte des considérations qui précèdent, effectuées dans le cadre de l’examen du septième moyen de pourvoi de la Commission (points 282 à 326 ci‑dessus), que le Tribunal a commis une erreur de droit en qualifiant d’« hypothétique » et en rejetant l’approche consistant à se fonder sur l’effet réel de l’élimination de Krka en tant que source de concurrence potentielle, pour établir les effets restrictifs de la concurrence des accords Krka. Le constat du Tribunal selon lequel ces accords ne devaient pas être qualifiés de restriction de la concurrence par effet (points 1217 et 1232 de l’arrêt attaqué), repose donc sur une analyse entachée d’erreurs de droit et doit être annulé.

328. Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 251 ci‑dessus, en vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé.

329. Il ressort de l’examen du septième moyen de pourvoi que tel est le cas de la présente affaire en ce qui concerne le constat des effets anticoncurrentiels des accords Krka. Cet examen a montré que le dixième moyen avancé en première instance par Servier, sur lequel repose l’analyse du Tribunal (voir points 1217 et 1232 de l’arrêt attaqué), ne permet pas d’invalider le constat de la Commission selon lequel les accords Krka avaient eu pour effet de restreindre de manière sensible la concurrence potentielle entre Servier et les sociétés de génériques (considérant 1850 de la décision litigieuse).

330. La Cour peut donc évoquer l’affaire et rejeter le dixième moyen avancé en première instance par Servier en ce qui concerne les effets des accords Krka, ce qui mènera à la confirmation de la décision litigieuse sur ce point.

c)      Conclusion sur l’existence d’une infraction au titre de l’article 101, paragraphe 1, TFUE s’agissant des accords Krka

331. Il résulte des constatations figurant aux points 250 à 253 et 327 à 330 ci‑dessus, que les conclusions du Tribunal, relatives à l’absence d’objet et d’effets anticoncurrentiels des accords Krka (points 1217 et 1232 à 1234 de l’arrêt attaqué), doivent être annulées, et que la Cour peut évoquer l’affaire sur ce point et rejeter les moyens de première instance, tirés de l’absence d’objet et d’effets anticoncurrentiels de ces accords. Partant, la Cour peut confirmer le constat de la décision litigieuse selon lequel ces accords constituaient une infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, ainsi que l’amende infligée à Servier à cet égard (article 4 et article 7, paragraphe 4, de la décision litigieuse).

2.      Sur l’article 102 TFUE

332. Par ses huitième à onzième moyens de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a annulé la décision litigieuse en ce qui concerne le constat d’une infraction à l’article 102 TFUE dans le chef de Servier.

333. Le Tribunal a accueilli la totalité des moyens avancés par Servier en première instance (les quatorzième à dix-septième moyens), relatifs à l’infraction à l’article 102 TFUE, sur la base de son constat selon lequel la Commission avait défini de manière erronée le marché pertinent des produits finis comme étant limité à la seule molécule du périndopril dans ses versions princeps et générique.

334. Avant d’examiner les moyens de pourvoi de la Commission contestant ce constat (b), il est utile de résumer les constatations de la décision litigieuse et de l’arrêt attaqué à cet égard (a).

a)      Les constatations relatives à l’article 102 TFUE dans la décision litigieuse et l’arrêt attaqué

1)      Décision litigieuse

335. En premier lieu, la Commission a constaté que le marché pertinent des produits finis était limité au périndopril tant dans sa version princeps que dans sa version générique. Elle a fait cette constatation sur quatre États membres analysés, à savoir la France, les Pays-Bas, la Pologne et le Royaume-Uni, pour la période de 2000 à 2009 (section 6, considérants 2128 à 2549 de la décision litigieuse).

336. Pour arriver à cette conclusion, la Commission a expliqué, tout d’abord, que le périndopril, utilisé dans le traitement de l’hypertension, faisait certes partie de la classe des « Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion de l’angiotensine (IEC) », qui formaient un groupe comprenant seize molécules différentes pendant la période pertinente, partageant le même mode d’action et ayant des indications thérapeutiques et des effets secondaires souvent similaires. Néanmoins, tous les IEC ne formeraient pas un groupe de médicaments parfaitement homogènes, et le périndopril aurait été reconnu pour certaines caractéristiques qui le différenciaient des autres IEC. Au commencement de la période pertinente pour la définition du marché, en 2000, la classe des IEC était déjà une classe maturée et la plupart des IEC étaient déjà disponibles en version générique. Les versions génériques des IEC considérés comme les plus proches du périndopril étaient devenues disponibles entre 1999 et 2005 (considérants 92, 93, 2144, 2145, 2149, 2165 à 2171, 2449 et 2537 et tableaux 21, 24, 27 et 30 de la décision litigieuse).

337. Ensuite, en examinant les contraintes concurrentielles auxquelles le périndopril était soumis, la Commission a constaté que Servier s’était basée sur les différences entre les IEC et sur les qualités particulières du périndopril pour mener une politique de différenciation dans ses efforts de promotion auprès des médecins prescripteurs (considérants 2445 à 2457 de la décision litigieuse).

338. En outre et surtout, la Commission a constaté que la baisse des prix très considérable des autres IEC à la suite de l’entrée de leurs versions génériques n’a pas abouti à une baisse des prix du périndopril et des dépenses de promotion de Servier, qui sont restés stables durant toute la période considérée, ni à une diminution des volumes vendus du périndopril, qui ont constamment augmenté. Les baisses très considérables des prix des autres IEC n’ont donc pas causé une substitution de ces autres IEC au périndopril. La Commission en a conclu que le périndopril n’était soumis à aucune contrainte concurrentielle significative de la part des autres IEC pendant la période sous enquête et que Servier était donc à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment des autres producteurs d’IEC (considérants 2460 à 2495, 2521 et 2544 de la décision litigieuse).

339. Enfin, la Commission a constaté que l’efficacité limitée des contraintes exercées par les autres IEC sur le périndopril contrastait nettement avec la force de la contrainte attendue et éventuellement introduite du fait de l’arrivée des génériques du périndopril, qui pouvaient concurrencer toutes les ventes existantes du périndopril d’origine. De plus, la Commission a estimé que la pression concurrentielle exercée par les génériques du périndopril devait être considérée comme cruciale dans l’évaluation du marché de produits en cause lorsque les pratiques contestées avaient pour objet de neutraliser cette même contrainte (considérants 2528 à 2546 de la décision litigieuse).

340. En deuxième lieu, la Commission a analysé la position de Servier sur le marché pertinent des produits finis et a conclu que Servier se trouvait en position dominante au sens de l’article 102 TFUE sur le marché du périndopril princeps et générique au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en France et en Pologne pendant la période considérée (section 6, considérants 2550 à 2600 de la décision litigieuse).

341. En troisième lieu, la Commission a constaté que le marché pertinent en amont du marché des produits finis, le marché de la technologie, était limité à la seule technologie du périndopril et que Servier occupait également une position dominante sur ce marché pertinent de la technologie (section 7, considérants 2601 à 2758 de la décision litigieuse).

342. Enfin, en quatrième lieu, la Commission a analysé le comportement de Servier et a conclu que la stratégie unique et continue de Servier combinant, notamment, une acquisition de technologie d’IPA et des accords de règlement amiable en matière de brevet contre paiement inversé avait constitué une infraction unique et continue à l’article 102 TFUE (section 8, considérants 2759 à 2998 de la décision litigieuse).

2)      Arrêt attaqué

343. Le Tribunal, pour sa part, a accueilli, en premier lieu, le quatorzième moyen de Servier en première instance, relatif à la définition du marché des produits finis pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE. Le Tribunal a considéré que la Commission avait déterminé de manière erronée le marché pertinent comme étant restreint à la seule molécule du périndopril (points 1367 à 1592 de l’arrêt attaqué).

344. Ce quatorzième moyen de Servier en première instance comportait trois griefs (points 1367 à 1370 de l’arrêt attaqué).

345. Après avoir procédé à des observations liminaires (points 1371 à 1405 de l’arrêt attaqué), le Tribunal a, premièrement, examiné et rejeté la première branche du premier grief, tirée de l’absence de prise en compte de l’ensemble des éléments du contexte économique (points 1406 à 1417 de l’arrêt attaqué). Deuxièmement, le Tribunal a examiné et accueilli le deuxième grief, tiré de ce que la Commission avait méconnu la substituabilité thérapeutique des IEC (points 1418 à 1566 de l’arrêt attaqué). Troisièmement, le Tribunal a examiné et accueilli la seconde branche du premier grief, tirée de l’importance excessive accordée au critère du prix dans l’analyse du marché (points 1567 à 1585 de l’arrêt attaqué). Quatrièmement, le Tribunal a constaté qu’il n’y avait plus lieu de répondre au troisième grief, tiré de ce que l’analyse économétrique des prix réalisée par la Commission était entachée d’un vice méthodologique (point 1586 de l’arrêt attaqué).

346. Au terme de cet examen, le Tribunal, tout en ayant rappelé au point 1374 de l’arrêt attaqué le principe selon lequel le contrôle exercé par le juge de l’Union sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (140), a conclu que, en l’espèce, la Commission avait commis une série d’« erreurs » dans l’analyse de la définition du marché pertinent et avait donc restreint de manière erronée le marché pertinent des produits finis à la seule molécule du périndopril, en sorte qu’il convenait d’accueillir le quatorzième moyen en première instance (points 1589 à 1592 de l’arrêt attaqué).

347. Ensuite, le Tribunal a accueilli, en deuxième lieu, le quinzième moyen de Servier en première instance et a annulé le constat effectué par la décision litigieuse selon lequel Servier détenait, sur ce marché des produits finis, une position dominante (points 1595 à 1608 de l’arrêt attaqué).

348. Le Tribunal a également accueilli, en troisième lieu, le seizième moyen de Servier en première instance et a annulé le constat de l’existence d’une position dominante de Servier sur le marché en amont des produits finis, soit celui de la technologie (points 1611 à 1622 de l’arrêt attaqué).

349. À défaut de définition de marché correcte, le Tribunal a enfin, en quatrième lieu, accueilli le dix‑septième moyen de Servier en première instance et a annulé le constat de la décision litigieuse concernant le comportement abusif de Servier (points 1625 à 1632 de l’arrêt attaqué).

350. Sur la base de ces considérations, le Tribunal a annulé l’article 6 (constat d’une infraction de Servier à l’article 102 TFUE) et l’article 7, paragraphe 6 (amende pour cette infraction) du dispositif de la décision litigieuse (points 1633 et 1963 ainsi que points 2 et 3 du dispositif de l’arrêt attaqué).

b)      Les moyens de pourvoi relatifs à l’article 102 TFUE

351. La Commission avance quatre moyens de pourvoi à l’encontre des constatations du Tribunal relatives à la définition du marché pertinent.

352. Dans le cadre de son huitième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit en considérant que la Commission avait donné une importance excessive aux prix dans la détermination du marché des produits finis (1).

353. Avec son neuvième moyen de pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit tant dans son approche conceptuelle que dans ses constatations spécifiques en ce qui concerne la substituabilité thérapeutique (2).

354. Le dixième moyen de pourvoi de la Commission tend à faire constater que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a déclaré recevables les annexes A 286 et A 287 à la requête et l’annexe C 29 à la réplique (3).

355. Enfin, dans le cadre de son onzième et dernier moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a annulé, sur la base de ses constats concernant le marché des produits finis, les constatations de la Commission relatives au marché pertinent de la technologie de l’IPA du périndopril (4).

1)      Sur la place du prix lors de la détermination du marché pertinent des produits finis (huitième moyen de pourvoi)

356. Dans le cadre de son huitième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit, notamment au titre de son application erronée de la notion de marché pertinent et de sa motivation insuffisante et/ou contradictoire, lorsqu’il a accueilli, aux points 1567 à 1586 de l’arrêt attaqué, la seconde branche du premier grief du quatorzième moyen formulé par Servier en première instance, qui critiquait que la Commission aurait accordé une importance excessive aux évolutions des prix relatifs des médicaments lors de la détermination du marché pertinent des produits (points 344 et 345 ci-dessus).

357. Ainsi que le rappelle la Commission et comme indiqué au point 345 ci-dessus, le Tribunal a rejeté la première branche du premier grief du quatorzième moyen de Servier en première instance (points 1406 à 1417 de l’arrêt attaqué). Ce faisant, le Tribunal a confirmé que la Commission avait bien pris en compte l’ensemble du contexte économique dans son analyse du marché pertinent, y compris l’usage thérapeutique des médicaments et les changements relatifs des prix (points 1411 à 1415 de l’arrêt attaqué). Le Tribunal a également reconnu, en tant qu’éléments factuels, la faible sensibilité du périndopril aux variations des prix des autres IEC, non contestée par Servier, ainsi que les circonstances que les volumes du périndopril vendus par Servier avaient constamment progressé et que la rentabilité de Servier était restée très haute pendant la période considérée (points 1499, 1500, 1559, 1573, 1579 et 1583 de l’arrêt attaqué).

358. Comme le relève la Commission, le Tribunal a donc estimé que la Commission avait pris en considération tous les éléments pertinents, mais qu’elle avait accordé une importance excessive aux changements relatifs des prix dans un contexte dans lequel ces changements, consistant en la chute massive des prix des autres IEC prétendument en concurrence avec le périndopril, allant jusqu’à 90 % (141), n’avaient affecté ni les prix ni les volumes du périndopril vendu par Servier, ni la rentabilité de cette dernière sur une période de neuf ans.

359. La Commission fait valoir que, ce faisant, le Tribunal a commis une série d’erreurs de droit, concernant les facteurs liés aux prix dans la détermination du marché pertinent (i), le manque de sensibilité aux prix des médecins prescripteurs (ii), ainsi que la prise en compte de la concurrence exercée par les génériques du périndopril (iii).

i)      Sur les facteurs liés aux prix dans la détermination du marché pertinent (première et deuxième branches du huitième moyen de pourvoi)

360. Dans le cadre des première et deuxième branches de son huitième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir, d’une part, que, notamment, aux points 1380 à 1405 et 1567 à 1586 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que les facteurs liés au prix avaient pris trop d’importance dans la détermination du marché pertinent, tout en n’accordant lui‑même aucune importance réelle au facteur prix dans son analyse. D’autre part, la Commission soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’une insuffisance de motivation et d’une contradiction de motifs concernant les facteurs liés aux prix.

361. Force est de constater qu’il ressort de la seule lecture des considérations du Tribunal à cet égard que la Commission est fondée à soutenir qu’elles sont entachées d’une motivation insuffisante et contradictoire.

362. Les considérations du Tribunal relatives au facteur prix commencent, aux points 1390 à 1404 de l’arrêt attaqué, par une série de réflexions générales concernant la « délimitation d’un marché pertinent de produits dans le secteur pharmaceutique » (142). Le Tribunal y a relevé, en substance, que la pression concurrentielle par les prix était largement atténuée dans le secteur pharmaceutique en raison de l’importance accordée par les prescripteurs aux aspects thérapeutiques des médicaments et du cadre réglementaire régissant leur prix et leurs modalités de remboursement (points 1390 à 1394 de l’arrêt attaqué).

363. Selon le Tribunal, la liberté de choix des médecins et l’attention qu’ils accordent aux aspects thérapeutiques permettent à des contraintes concurrentielles significatives d’ordre qualitatif et non tarifaire de s’exercer, en dehors des mécanismes de pression par les prix (points 1395 à 1397 de l’arrêt attaqué).

364. En même temps, le Tribunal a reconnu, aux points 1392 et 1398 de l’arrêt attaqué, que la variable prix pouvait avoir son importance pour la détermination du marché pertinent dans le secteur pharmaceutique. L’absence d’impact de la baisse significative du prix d’un médicament sur un médicament reconnu comme substituable pourrait donc constituer un indice de la faiblesse de la pression concurrentielle subie par ce dernier.

365. De même, le Tribunal a indiqué, au point 1578 de l’arrêt attaqué, que la substituabilité économique pouvait exister lorsque des changements affectant des variables économiques importantes autres que les prix transfèrent une part importante des ventes d’un produit vers un autre.

366. Toutefois, le Tribunal n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles, selon lui, le fait, reconnu aux points 1573 à 1575 de l’arrêt attaqué, que les baisses significatives des prix des autres IEC n’avaient eu aucun impact sur le périndopril et qu’il n’y avait justement pas eu de transfert des ventes du périndopril vers les autres IEC, n’était pas un indicateur de l’absence de pression concurrentielle subie par le périndopril de la part des autres IEC.

367. De même, le Tribunal a omis d’expliquer sa conclusion figurant au point 1579 de l’arrêt attaqué, qui commence par la locution « par conséquent », alors même que les points précédents ne permettent pas d’en fonder le contenu. Selon cette conclusion non expliquée, la circonstance que les ventes et les prix du périndopril n’ont chuté qu’après l’arrivée du périndopril générique, alors qu’ils sont restés stables pendant la baisse des prix des autres IEC, ne permettait pas de conclure à l’absence de contraintes concurrentielles jusqu’à l’arrivée des génériques du périndopril.

368. Le Tribunal s’est contenté, au point 1577 de l’arrêt attaqué, d’affirmer que, dans le secteur pharmaceutique, il fallait tenir compte des pressions concurrentielles d’ordre non tarifaire, et de renvoyer à cet égard à ses considérations figurant aux points 1418 à 1566 de l’arrêt attaqué, destinées à répondre au deuxième grief du quatorzième moyen de Servier en première instance, qui concernait la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC (point 1369 de l’arrêt attaqué).

369. Or, non seulement un tel renvoi général, dépourvu d’explications, aux considérations exposées dans 149 points de l’arrêt attaqué, ne permet pas aux parties et à la Cour de comprendre la motivation du Tribunal. Mais, les affirmations du Tribunal ne permettent pas non plus de comprendre les raisons pour lesquelles les contraintes concurrentielles d’ordre non tarifaire, prétendument exercées par les autres IEC sur le périndopril, quand bien même leur existence aurait été motivée à suffisance dans ces 149 points, ne se sont aucunement traduites dans l’évolution des prix et des volumes du périndopril, observée par la Commission, qui suggère au contraire que le périndopril était à l’abri de contraintes de la part des autres IEC.

370. Ainsi que le critique à juste titre la Commission, la motivation du Tribunal concernant le facteur prix est donc non seulement insuffisante, car elle ne permet pas de comprendre la place de ce facteur dans l’ensemble de son analyse, mais elle est également contradictoire, en ce que le Tribunal accepte, en principe, dans un premier temps, le rôle du facteur prix, tout en l’écartant, dans un second temps, sans motifs à l’appui, de cette même analyse.

371. Finalement, comme le relève la Commission, le Tribunal semble avoir remis en cause l’importance du facteur prix en tant que tel lors de son analyse relative au marché pertinent. Le Tribunal omet de mettre en relation ses considérations sur les contraintes non tarifaires, d’une part, et les prix, d’autre part, en se contentant d’indiquer que les premières existaient et que l’absence de leur impact sur les seconds n’était pas pertinente aux fins de l’analyse.

372. Or, la Commission fait valoir à bon droit que, ce faisant, le Tribunal a méconnu les principes établis par la jurisprudence en ce qui concerne la définition du marché pertinent aux fins de l’application de l’article 102 TFUE.

373. Selon ces principes, la définition du marché en cause est opérée en vue de définir le périmètre à l’intérieur duquel doit être apprécié la question de savoir si une entreprise est à même de se comporter, dans une mesure appréciable, indépendamment de ses concurrents, de ses clients et des consommateurs (143).

374. En d’autres termes, il s’agit d’examiner s’il y a des produits concurrents qui exercent des contraintes concurrentielles significatives sur les entreprises en cause (144). Aux fins d’une telle analyse, il faut prendre en compte non seulement les caractéristiques objectives des produits en cause, en l’occurrence la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC, mais également les conditions de concurrence et la structure de la demande et de l’offre sur le marché, et donc l’ensemble des indicateurs de contraintes concurrentielles possibles (145).

375. Comme le Tribunal l’a reconnu dans son arrêt dans l’affaire AstraZeneca/Commission (146), ces principes sont aussi valables lorsqu’il s’agit de marchés pharmaceutiques, car les spécificités de ces marchés ne retirent pas leur pertinence aux indicateurs fondés sur les prix.

376. Lors de la détermination du marché pertinent, il convient donc d’identifier de manière systématique les contraintes que la concurrence fait peser sur les entreprises en cause pour déterminer s’il existe des concurrents réels, capables de peser sur le comportement de ces entreprises ou de les empêcher d’agir indépendamment des pressions qu’exerce une concurrence effective (147).

377. Dans le cadre de cette analyse, des événements naturels sur le marché pendant la période considérée (148) tout comme les faits évoqués à titre d’agissements abusifs (149) peuvent être pris en compte.

378. Lors d’un tel exercice, il n’est pas possible de faire abstraction de facteurs, comme en l’espèce l’évolution des prix du périndopril et des autres IEC, qui indiquent que des produits théoriquement substituables au produit en cause n’ont pas exercé de contrainte concurrentielle significative sur celui-ci. Cela est d’autant plus vrai que cette évolution montre que seule l’entrée sur le marché des génériques du périndopril lui-même a eu un impact sur ce dernier. Or, ce sont précisément les accords conclus par Servier afin de retarder l’entrée de ces génériques sur le marché qui fondent, en l’espèce, le reproche de l’existence d’un abus.

379. Il résulte des considérations qui précèdent que les première et deuxième branches du huitième moyen de pourvoi de la Commission, tirées d’une motivation insuffisante et contradictoire et d’erreurs de droit en ce qui concerne la prise en compte du facteur prix lors de l’analyse du marché pertinent par le Tribunal, sont fondées.

ii)    Sur l’insensibilité aux prix des médecins prescripteurs (troisième et quatrième branches du huitième moyen de pourvoi)

380. Par les troisième et quatrième branches de son huitième moyen de pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans ses considérations relatives au manque de sensibilité aux prix des médecins prescripteurs et en procédant à une motivation insuffisante et/ou contradictoire à cet égard.

381. Tout d’abord, force est de constater que, comme le critique la Commission, cette motivation de l’arrêt attaqué apparaît effectivement contradictoire et ne permet pas de comprendre les conséquences que le Tribunal a tirées de l’insensibilité des médecins aux prix.

382. Ainsi, d’une part, le Tribunal a indiqué, au point 1390 de l’arrêt attaqué, que le fait que la pression concurrentielle par les prix serait atténuée dans le secteur pharmaceutique en raison de l’importance accordée par les médecins aux aspects thérapeutiques pourrait justifier la délimitation de marchés étroits. D’autre part, le Tribunal s’est fondé, aux points 1575 à 1578 de l’arrêt attaqué, sur l’insensibilité des médecins aux prix pour justifier une définition large du marché sur la base de contraintes concurrentielles non tarifaires exercées sur le périndopril par les autres IEC.

383. De plus, tout en mettant en avant, aux points 1393 à 1395 de l’arrêt attaqué, que la demande dans le secteur pharmaceutique était essentiellement déterminée par les médecins prescripteurs, le Tribunal a reconnu, notamment aux points 1398 et 1464 de l’arrêt attaqué, que la demande dans ce secteur était aussi déterminée par les systèmes de sécurité sociale, susceptibles d’encourager la prescription de versions génériques de médicaments reconnus comme équivalents.

384. À l’aune de cette motivation insuffisante et contradictoire, il n’est donc pas possible de comprendre les conclusions que le Tribunal en tire quant à l’incidence de la demande dans le secteur pharmaceutique.

385. En outre, la Commission est également fondée à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en méconnaissant la fonction même de la définition du marché, qui est d’identifier les contraintes concurrentielles significatives auxquelles sont soumises les entreprises, en l’occurrence Servier. Ainsi que le soutient la Commission, l’insensibilité des médecins aux prix est plutôt de nature à amoindrir les contraintes concurrentielles pesant sur Servier, en ce qu’elle lui permet de fixer ses prix plus librement, et non le contraire, ce que le Tribunal a du reste reconnu au point 1390 de l’arrêt attaqué (150).

386. Ainsi que la Commission l’a critiqué, notamment, à l’audience dans la présente procédure de pourvoi, le Tribunal a méconnu la notion de marché pertinent en se concentrant longuement sur les contraintes pesant sur les médecins au lieu d’analyser les contraintes pesant sur Servier. Or, comme la Commission l’a également relevé à l’audience, le but de la définition du marché n’est pas de se pencher sur les choix des médecins en tant que tels, mais d’en analyser les implications pour la portée des contraintes concurrentielles qui pesaient sur Servier.

387. Il s’ensuit que les troisième et quatrième branches du huitième moyen de pourvoi, tirées d’erreurs de droit et de l’insuffisance de motivation lors de la prise en compte des choix des médecins aux fins de la détermination du marché pertinent par le Tribunal, sont également fondées.

iii) Sur la concurrence exercée par les génériques du périndopril (cinquième et sixième branches du huitième moyen de pourvoi)

388. Enfin, par les cinquième et sixième branches de son huitième moyen de pourvoi, la Commission critique que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas suffisamment compte de la concurrence exercée par les génériques du périndopril et en procédant à cet égard à une motivation insuffisante et/ou contradictoire.

389. Ces critiques se recoupent en partie avec certains griefs déjà examinés dans le cadre des première et deuxième branches du huitième moyen de pourvoi.

390. Ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 367 et 369 ci-dessus, la motivation du Tribunal est insuffisante en ce qu’elle ne permet pas de comprendre les conclusions que le Tribunal a tirées du fait, pourtant reconnu aux points 1392 et 1579 de l’arrêt attaqué, que les prix du périndopril ont massivement chuté lors de l’introduction des génériques de ce dernier, alors qu’ils sont restés stables lors de l’introduction des génériques des autres IEC.

391. De même, il n’est pas non plus possible de comprendre les conclusions que le Tribunal a tirées du fait, reconnu aux points 1392 et 1398 de l’arrêt attaqué, que les systèmes de sécurité sociale pouvaient encourager la prescription de génériques, que ce soit les génériques du médicament en cause lui-même ou les génériques de médicaments reconnus comme équivalents.

392. La Commission relève que le point 1392 de l’arrêt attaqué suggère que la pression concurrentielle exercée par les génériques d’un certain médicament ne pourrait être prise en compte qu’après leur arrivée effective sur le marché, ce qui serait erronée. Pourtant, la lecture du point 1392 de l’arrêt attaqué ne permet pas de comprendre si le Tribunal a effectivement restreint ainsi la prise en compte de la contrainte concurrentielle exercée par les génériques d’un certain médicament.

393. En tout état de cause, la Cour a précisé, dans l’arrêt Generics (UK) e.a., que les génériques d’un certain médicament peuvent être pris en compte aux fins de la détermination du marché pertinent même s’ils ne sont pas encore effectivement commercialisés sur le marché et si la situation brevetaire est incertaine, lorsque les fabricants de médicaments génériques concernés sont en mesure de se présenter à brève échéance sur le marché concerné avec une force suffisante pour constituer un contrepoids sérieux au fabricant de médicaments princeps déjà présent sur ce marché (151).

394. Dans le cadre de l’examen de cette question, les éléments témoignant de la perception, par le titulaire du brevet, des génériques comme une menace, sont également pertinents (152). Partant, en l’espèce, ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 378 ci-dessus, le fait que la pratique incriminée dans la décision litigieuse consistait en la stratégie mise en œuvre par Servier pour retarder l’arrivée des génériques sur le marché, est un élément important dans le cadre de l’analyse du marché pertinent.

395. Or, ainsi que le soutient à juste titre la Commission, le Tribunal n’a pas expliqué quelle pertinence il comptait attribuer, dans son analyse, aux contraintes concurrentielles exercées par les génériques du périndopril.

396. À l’inverse, le Tribunal a concentré son analyse sur la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC, sans tenir suffisamment compte du fait, relevé par la Commission, que cette substituabilité, qui existait certes en théorie, ne s’est, en pratique, pas traduite par une substitution effective entre ces médicaments.

397. Il découle de ce qui précède que les cinquième et sixième branches du huitième moyen de pourvoi, tirées d’une prise en compte insuffisante des contraintes concurrentielles exercées par les génériques du périndopril, ainsi que d’une motivation insuffisante à cet égard, doivent également être accueillies.

iv)    Conclusion intermédiaire

398. Il résulte des considérations qui précèdent, effectuées dans le cadre de l’examen du huitième moyen de pourvoi, que le Tribunal a commis des erreurs de droit et a violé l’obligation de motivation de son arrêt lorsqu’il a constaté que la Commission avait attribué une importance excessive au facteur prix lors de la détermination du marché pertinent des produits finis.

399. Or, ces erreurs suffisent, à elles seules, à remettre en cause les conclusions du Tribunal, figurant aux points 1589 à 1591 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles la Commission aurait défini de manière erronée le marché pertinent des produits finis et qu’il ne serait pas établi que ce marché était limité au seul périndopril princeps et générique (point 346 ci-dessus).

400. Ainsi, au point 1589 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a certes listé cinq erreurs distinctes prétendument commises par la Commission lors de la détermination du marché pertinent des produits finis. Parmi ces erreurs, les quatre premières concernent la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC et les contraintes concurrentielles non tarifaires, alors que seule la cinquième concerne la prise en compte du facteur prix.

401. Toutefois, au vu de l’importance de l’analyse dudit facteur prix dans l’analyse globale de la Commission (voir point 338 ci-dessus) et son interdépendance avec les autres facteurs (voir points 369, 371 et 378 ci-dessus), le constat du caractère erroné et insuffisamment motivé des conclusions du Tribunal à cet égard entache d’erreur l’ensemble de l’analyse effectuée par ce dernier au regard de la définition du marché pertinent, sans qu’il soit besoin d’examiner le neuvième moyen de pourvoi de la Commission, tiré d’erreurs du Tribunal lors de la prise en compte de la substituabilité thérapeutique dans la détermination du marché pertinent des produits finis.

402. Partant, les erreurs du Tribunal, constatées dans le cadre de l’examen du huitième moyen de pourvoi, justifient à elles seules l’annulation de l’arrêt attaqué en ce qu’il a accueilli, sur le fondement du constat du caractère prétendument erronée de la définition du marché pertinent des produits par la Commission, les quatorzième à dix‑septième moyens de Servier en première instance et annulé l’article 6 et l’article 7, paragraphe 6, de la décision litigieuse (voir points 343 à 350 ci‑dessus).

403. Ce n’est donc que par souci d’exhaustivité que nous examinerons les autres moyens de pourvoi de la Commission relatifs à l’article 102 TFUE.

2)      Sur la prise en compte de la substituabilité thérapeutique dans la détermination du marché pertinent des produits finis (neuvième moyen de pourvoi)

404. Avec son neuvième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit tant dans son approche conceptuelle que dans ses constatations spécifiques en ce qui concerne la substituabilité thérapeutique.

405. Dans le cadre de la première branche de ce moyen, tirée d’erreurs commises par le Tribunal lors de l’analyse du rôle de la substituabilité thérapeutique dans la détermination du marché pertinent des produits finis, la Commission met essentiellement en cause des considérations figurant dans la partie de l’arrêt attaqué destinée à l’examen de la seconde branche du premier grief du quatorzième moyen en première instance, tirée de l’importance excessive accordée au facteur prix dans l’analyse du marché (points 1567 à 1585 de l’arrêt attaqué) (voir point 345 ci-dessus) (i).

406. Dans le cadre des deuxième à sixième branches du présent moyen, tirées d’erreurs commises par le Tribunal lors de la prise en compte ou l’analyse d’un certain nombre d’éléments de preuve, la Commission critique des considérations figurant dans la partie de l’arrêt attaqué destinée à l’examen du deuxième grief du quatorzième moyen de Servier en première instance, qui concernait la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC (points 1418 à 1566 de l’arrêt attaqué) (voir point 345 ci-dessus) (ii).

i)      Sur le rôle de la substituabilité thérapeutique dans la détermination du marché pertinent des produits finis (première branche du neuvième moyen de pourvoi)

407. Par la première branche de son neuvième moyen de pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans son analyse du rôle de la substituabilité thérapeutique dans la détermination du marché pertinent des produits finis.

408. Contrairement à ce que fait valoir Servier, la présente branche n’est pas irrecevable parce qu’elle ne porterait que sur l’appréciation des faits par le Tribunal. Cette branche porte au contraire sur la qualification juridique des faits et les conséquences de droit que le Tribunal en a tirées, ce qui relève du contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi (153).

409. Les critiques avancées par la Commission dans le cadre de cette première branche du présent moyen, relatives à la surévaluation des facteurs de concurrence non tarifaires lors de l’analyse du marché pertinent des produits finis par le Tribunal, reflètent les critiques avancées par la Commission dans le cadre de son huitième moyen de pourvoi, relatives à la sous-évaluation du facteur prix par le Tribunal lors de cette analyse.

410. Partant, les arguments de la Commission dans le cadre de la présente branche du neuvième moyen de pourvoi se recoupent avec une partie des arguments déjà examinés et reconnus comme étant fondés dans le cadre de l’examen du huitième moyen de pourvoi.

411. La Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lors de sa prise en compte de la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC. Selon la Commission, le Tribunal a déduit de cette seule substituabilité thérapeutique la présence de contraintes concurrentielles effectives d’ordre non tarifaire exercées par les autres IEC sur le périndopril.

412. La Commission met en cause les points 1385, 1395, 1397, 1574 à 1577, 1579 et 1584 de l’arrêt attaqué, qui ont déjà été examinés, pour l’essentiel, aux points 362 à 369 ci-dessus. Dans ces points, le Tribunal a considéré, en substance, que les médecins étaient guidés, dans leurs choix de prescription, essentiellement par des facteurs non tarifaires, et que l’analyse des événements naturels relatifs aux prix ne permettait pas de conclure à l’absence de pressions concurrentielles d’ordre qualitatif et non tarifaire.

413. Or, ainsi qu’il a déjà été constaté aux points 361 et 370 à 378 ci-dessus, la Commission est fondée à soutenir que, en procédant à ces constatations, le Tribunal n’a pas seulement entaché son arrêt d’une motivation insuffisante, mais a également méconnu les principes régissant la détermination du marché pertinent. Selon ces principes, il n’est pas possible de se limiter, lors de cette détermination, à l’examen des seules caractéristiques objectives des produits en cause, en l’occurrence la substituabilité thérapeutique (154).

414. Ainsi que le critique la Commission, le Tribunal semble en effet avoir déduit de la seule substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC, et donc des caractéristiques objectives de ces médicaments, que les derniers exerçaient nécessairement des contraintes concurrentielles non tarifaires sur le premier.

415. Or, comme le remarque la Commission, la substituabilité d’usage entre deux produits, et plus particulièrement entre deux médicaments, est seulement le point de départ pour l’examen de la question de savoir s’ils font partie du même marché pertinent de produits (155). Cette substituabilité d’usage ne saurait en revanche constituer déjà le point d’arrivée de cet examen, qui doit au contraire encore se poursuivre afin de déterminer si ladite substituabilité d’usage se traduit réellement, compte tenu des conditions de concurrence et de la structure de la demande et de l’offre sur le marché concerné, par des contraintes concurrentielles effectives.

416. Il s’ensuit que la Commission est fondée à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit en raison de la manière dont il a pris en compte la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC lors de son analyse du marché pertinent des produits finis. La première branche du neuvième moyen de pourvoi doit donc être accueillie.

ii)    Sur la prise en compte ou l’analyse d’un certain nombre d’éléments de preuve (deuxième à sixième branches du neuvième moyen de pourvoi)

417. Par les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches du neuvième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lors de la prise en compte ou de l’analyse d’un certain nombre d’éléments.

418. Ainsi qu’il a déjà été indiqué au point 406 ci-dessus, les éléments visés par ces branches font partie des éléments analysés par le Tribunal dans le cadre de son examen du deuxième grief du quatorzième moyen de Servier en première instance, concernant la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC, exposé aux points 1418 à 1566 de l’arrêt attaqué (voir point 345 ci‑dessus).

419. Dans le cadre de la deuxième branche du neuvième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’examen des études sur le périndopril, exposé aux points 1435 et 1446 de l’arrêt attaqué. Cependant, cet examen concerne l’interprétation des recommandations médicales et des études sur le périndopril, ce qui relève de l’appréciation des faits et des éléments de preuve par le Tribunal. La présente branche est donc irrecevable (156).

420. Si, ainsi que le relève la Commission, la Cour contrôle la pertinence et l’utilisation de faits par le Tribunal aux fins de la détermination du marché pertinent, ainsi que le poids respectif assigné par celui-ci à des faits et leur mise en rapport (157), l’appréciation même de ces faits relève, sauf en cas de dénaturation, de la seule compétence du Tribunal.

421. Certes, la Commission soutient que le Tribunal a également fait des erreurs conceptuelles, notamment en confondant les notions de différenciation et de supériorité (point 1446 de l’arrêt attaqué). De même, le Tribunal aurait commis de telles erreurs lors de l’évaluation des conclusions à tirer des efforts de promotion entrepris par Servier (points 1541 à 1566 de l’arrêt attaqué), et lors de l’appréciation de la pertinence d’études sur les autres IEC pour la différenciation du périndopril de ces autres IEC (points 1448 et 1449 de l’arrêt attaqué). Toutefois, la Commission n’explique pas quelles seraient les conséquences de ces erreurs conceptuelles pour l’analyse de la question de savoir si les autres IEC exerçaient des pressions concurrentielles d’ordre non tarifaire sur le périndopril. Il n’apparaît donc pas quelle constatation de la part de la Cour la Commission souhaite obtenir par cette deuxième branche du neuvième moyen de pourvoi.

422. Par la troisième branche du neuvième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que, aux points 1466 à 1473 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a commis une erreur de droit, lors de la prise en compte des documents internes de stratégie de Servier et de leur mise en rapport avec les recommandations médicales ainsi que l’expertise du professeur V. (points 1455 à 1457 de l’arrêt attaqué). Ces critiques portent essentiellement sur l’appréciation d’éléments de preuve par le Tribunal, sans qu’une dénaturation ne soit invoquée, ce qui est irrecevable en pourvoi.

423. Certes, la Commission semble soutenir que le Tribunal a fait une erreur lors de l’appréciation des conséquences à tirer, en ce qui concerne les pressions concurrentielles prétendument exercées sur le périndopril par les autres IEC, des efforts de promotion de Servier et du fait que ceux-ci se sont arrêtés lors de l’entrée sur le marché des génériques du périndopril. Toutefois, ici aussi, il n’est pas davantage explicité quelles seraient les conséquences de cette erreur et quel constat de la part de la Cour la Commission souhaite obtenir en cas d’accueil de la présente branche du neuvième moyen de pourvoi.

424. Dans le cadre de la quatrième branche du neuvième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en prenant en compte des faits non pertinents. À cet égard, la Commission soutient que le Tribunal a eu tort de prendre en compte la taille de la base des patients des autres IEC (points 1494, 1495, 1499 et 1500 de l’arrêt attaqué), les chiffres d’affaires des autres IEC (points 1497 et 1498 de l’arrêt attaqué) et les parts de marché détenus par le périndopril sur le marché allemand (point 1497 de l’arrêt attaqué), qui ne faisait pas partie des quatre marchés nationaux analysés aux fins de l’application de l’article 102 TFUE. De plus, le Tribunal aurait mal appliqué cette disposition en constatant que l’évolution relative des différents IEC était à même de remettre en cause le constat d’un mécanisme d’inertie des médecins (points 1502, 1506 et 1507 de l’arrêt attaqué).

425. Force est de constater que la motivation exposée dans ces points de l’arrêt attaqué ne permet pas de comprendre en quoi ces constatations du Tribunal, relatives aux autres IEC, sont pertinentes par rapport au constat de l’augmentation continue des ventes du périndopril et au phénomène d’« inertie » des médecins, dans l’analyse duquel s’inscrivent lesdites constatations (point 1488 de l’arrêt attaqué). Il n’apparaît pas comment le fait qu’un tel phénomène a également pu exister en ce qui concerne les autres IEC et que les volumes de ceux-ci ont également été en croissance, permet de fonder le constat selon lequel ces autres IEC exerçaient une contrainte concurrentielle sur le périndopril et faisaient partie du même marché que celui-ci. Le Tribunal s’est référé, au point 1507 de l’arrêt attaqué, aux fluctuations dans le temps des ventes relatives des IEC comme susceptibles de remettre en cause le constat d’un phénomène d’« inertie » des médecins, mais sans mettre cela en relation avec le constat de la croissance continue des ventes du périndopril, pourtant reconnue aux points 1499, 1500, 1579 et 1583 de l’arrêt attaqué.

426. Ainsi que l’indique la Commission, les constatations du Tribunal, relatives aux parts de marché des autres IEC, présupposent ce qu’il faut démontrer, à savoir l’existence d’un marché commun entre ces autres IEC et le périndopril (158), ce que, du reste, le Tribunal a reconnu au point 1506 de l’arrêt attaqué.

427. Il s’ensuit que l’arrêt attaqué est entaché d’une insuffisance de motivation concernant la prise en compte des données sur les autres IEC aux fins de l’appréciation du phénomène d’« inertie » des médecins, examiné aux points 1483 à 1513 de l’arrêt attaqué. Partant, le constat du Tribunal, figurant au point 1513 de l’arrêt attaqué, ne saurait être maintenu. Selon ce constat, la Commission n’avait pas établi qu’un phénomène d’« inertie » des médecins et l’existence d’un groupe croissant de prescripteurs « fidèles » au périndopril avaient restreint de façon significative la pression concurrentielle exercée sur le périndopril par les autres IEC pour les nouveaux patients.

428. La quatrième branche du neuvième moyen de pourvoi doit donc être accueillie.

429. Au titre de la cinquième branche du neuvième moyen de pourvoi, la Commission soutient que le Tribunal a dénaturé des preuves au point 1519 de l’arrêt attaqué, en constatant que, « [e]n l’absence de différences d’efficacité et de tolérance entre IEC, il n’est pas établi que le changement de traitement entre IEC suscitait des craintes particulières de la part des médecins ».

430. Or, il apparaît à la seule lecture des considérants 2181, 2187, 2379, 2436, 2497 et 2499 ainsi que de la note en bas de page 3303 de la décision litigieuse, invoqués par la Commission, que le constat du Tribunal, reproduit au point 429 ci‑dessus, en constitue une dénaturation (159). En effet, il ressort de ces considérants et de cette note que la Commission n’a pas fondé le constat d’une crainte de la part des médecins concernant le changement de traitement d’un patient sous hypertenseur sur des différences d’efficacité et de tolérance entre IEC. La Commission a fondé ce constat plutôt sur le fait que le processus pour trouver le bon traitement peut être long, que l’équilibre de la bonne tension et le traitement individuel adapté à chaque patient particulier peuvent être difficiles à trouver, et que le changement de traitement, dans la mesure où il implique nécessairement une période sans contrôle de l’hypertension, comporte des risques importants pouvant aller jusqu’au décès des patients concernés.

431. Partant, la cinquième branche du neuvième moyen de pourvoi, tirée d’une dénaturation effectuée par le Tribunal au point 1519 de l’arrêt attaqué, doit également être accueillie.

432. Enfin, par la sixième et dernière branche du neuvième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit et dénaturé les preuves dans sa prise en compte des études Thalès, effectuée aux points 1520 à 1522 de l’arrêt attaqué.

433. Ces études ont analysé les habitudes de prescription des médecins généralistes pendant une certaine période en France et au Royaume-Uni, et ont constaté que plus de 90 % des prescriptions de périndopril correspondaient à des renouvellements. La Commission a déduit des résultats de ces études, aux considérants 2380 à 2385 de la décision litigieuse, un taux de « fidélité » supérieur à 90 %, ce qui confirmerait la présence d’effets de verrouillage.

434. Le Tribunal a pourtant relativisé, aux points 1520 à 1522 de l’arrêt attaqué, la pertinence de ces études, en constatant que la proportion d’ordonnances de renouvellement dans le nombre total d’ordonnances ne donnait qu’une information partielle sur la propension au changement des patients traités au périndopril, notamment parce que le taux de prescriptions de renouvellement dépendrait de la fréquence des visites des patients au cabinet des médecins.

435. Or, sans même examiner l’objection de la Commission selon laquelle elle n’a pas pu prendre position sur cet argument, présenté par le Tribunal pour la première fois dans l’arrêt attaqué, force est de constater que, plus encore que d’une dénaturation, les considérations en cause sont entachées d’une insuffisance de motivation parce qu’elles ne sont pas compréhensibles. Ainsi, il n’apparaît pas en quoi un taux de 90 % de prescriptions de renouvellement dans le nombre total de prescriptions peut ne pas être un indicateur d’une fidélité et d’une réticence au changement des médecins et des patients. Il n’en ressort pas non plus la raison pour laquelle la fréquence des visites des patients au cabinet des médecins serait susceptible d’affecter cette conclusion, alors qu’il apparaît plutôt plausible que, à la différence des prescriptions initiales, des prescriptions de renouvellement n’exigent pas nécessairement une nouvelle visite au cabinet d’un médecin. De même, il est difficile de comprendre l’argument du Tribunal selon lequel « le nombre d’ordonnances de renouvellement par rapport au nombre total d’ordonnances ne mesure pas le taux de fidélité des patients, au sens de la part des patients traités au périndopril en période N qui sont encore traités au périndopril en période N + 1 ».

436. Il s’ensuit que la sixième et dernière branche du neuvième moyen de pourvoi, tirée d’erreurs du Tribunal lors de la prise en compte des études Thalès, est également fondée.

iii) Conclusion intermédiaire

437. Il résulte des considérations qui précédent que, parmi les six branches du neuvième moyen de pourvoi, quatre doivent être accueillies (points 416, 428, 431 et 436 ci-dessus).

438. Les erreurs constatées dans ce cadre suffisent, à elles seules, à remettre en cause les conclusions du Tribunal, figurant aux points 1589 à 1591 de l’arrêt attaqué, en ce qu’elles sont fondées sur de prétendues erreurs commises par la Commission lors de l’analyse et la prise en compte de la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC aux fins de la détermination du marché pertinent des produits finis.

439. Ce constat n’est pas remis en cause par le fait, relevé par Servier, notamment à l’audience dans la présente procédure de pourvoi, que la Commission ne conteste pas, ou pas avec succès (voir points 419 à 423 ci-dessus), toutes les considérations effectuées par le Tribunal, dans le cadre de son examen du deuxième grief du quatorzième moyen de Servier en première instance concernant la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC, aux points 1418 à 1566 de l’arrêt attaqué (voir point 345 ci-dessus).

440. Certes, comme il a déjà été indiqué au point 400 ci‑dessus, le Tribunal a listé, au point 1589 de l’arrêt attaqué, cinq erreurs distinctes prétendument commises par la Commission, lors de la détermination du marché pertinent des produits finis, parmi lesquelles les quatre premières concernent la substituabilité thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC et les contraintes concurrentielles non tarifaires. Sur la base de l’examen du neuvième moyen de pourvoi, il n’est pas possible de déterminer précisément lesquelles parmi ces prétendues erreurs ont été remises en cause en pourvoi.

441. Toutefois, il n’est pas non plus nécessaire de procéder à un tel exercice.

442. Ainsi que le Tribunal l’a lui-même indiqué audit point 1589 de l’arrêt attaqué, les constatations figurant dans ce point sont le résultat d’une analyse globale des éléments sur lesquels la Commission a fondé son appréciation relative au marché pertinent des produits finis. Partant, dans la mesure où l’examen du neuvième moyen de pourvoi a montré que cette analyse globale est entachée d’erreurs sur des points essentiels, le résultat de ladite analyse apparaît nécessairement vicié dans son ensemble.

443. Cela est d’autant plus vrai que, comme il a déjà été indiqué au point 368 ci‑dessus, au point 1577 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est contenté de renvoyer aux points 1418 à 1566 de l’arrêt attaqué, relatifs à la substituabilité thérapeutique, au soutien de son affirmation selon laquelle le périndopril pouvait être exposé à des contraintes concurrentielles d’ordre qualitatif et non tarifaire de la part des autres IEC.

444. Or, d’une part, ce renvoi général, sans autres explications, aux considérations exposées dans 149 points de motivation, ne permet pas à la Cour de comprendre en quoi consistaient ces contraintes et si elles s’exerçaient réellement.

445. D’autre part, et en tout état de cause, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 369 et 371 ci-dessus, les affirmations du Tribunal ne permettent pas de comprendre comment il explique que les contraintes concurrentielles d’ordre non tarifaire, prétendument exercées par les autres IEC sur le périndopril, ne se sont aucunement traduites dans les évolutions des prix et des volumes du périndopril.

446. À cet égard, il doit être rappelé, enfin, que l’examen du huitième moyen de pourvoi a révélé que le Tribunal avait également commis des erreurs de droit et violé son obligation de motivation lorsqu’il a constaté que la Commission avait attribué une importance excessive au facteur prix lors de la détermination du marché pertinent des produits finis, et que les différents facteurs pris en compte lors de cette détermination sont interdépendants (points 398 et 401 ci-dessus).

447. À l’instar de ce qui a été constaté à l’issue de l’examen du huitième moyen de pourvoi, l’accueil partiel du neuvième moyen de pourvoi doit mener, seul et d’autant plus en combinaison avec l’accueil du huitième moyen de pourvoi, à l’annulation de l’ensemble des conclusions du Tribunal relatives à l’article 102 TFUE, qui découlent toutes du caractère prétendument erroné de la délimitation du marché pertinent des produits finis (voir points 343 à 350 et 402 ci‑dessus).

448. Ce n’est donc que par souci d’exhaustivité que nous poursuivons l’examen des autres moyens de pourvoi de la Commission relatifs à l’article 102 TFUE.

3)      Sur l’irrecevabilité de certaines annexes présentées en première instance (dixième moyen de pourvoi)

449. Dans le cadre de son dixième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit lorsqu’il a déclaré recevables les annexes A 286 et A 287 à la requête et C 29 à la réplique, dont la Commission avait déjà soutenu l’irrecevabilité en première instance.

450. Il convient de rappeler que, pour qu’un recours devant le Tribunal soit recevable, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde doivent ressortir, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête. Il n’appartient en effet pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours (160).

451. En ce qui concerne les offres de preuve présentées avec la réplique, celles‑ci ne sont recevables que si elles constituent une preuve contraire ou une ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse (161).

452. En l’espèce, le Tribunal a considéré, aux points 1459 à 1463 de l’arrêt attaqué, d’une part, que l’annexe C 29 était recevable parce qu’elle répondait à une critique avancée par la Commission dans son mémoire en défense. D’autre part, le Tribunal a conclu que les annexes A 286, A 287 et C 29 étaient recevables, parce qu’elles étayaient des arguments de fait et de droit invoqués dans la requête et la réplique.

453. Cependant, force est de constater que les indications du Tribunal, exposées au point 1462 de l’arrêt attaqué, ne permettent pas à la Cour de comprendre dans quelle mesure la présentation des annexes A 286, A 287 et C 29 en première instance satisfaisait aux conditions rappelées au point 450 ci‑dessus. Le Tribunal s’est en effet borné à énoncer que ces annexes étaient recevables, mais sans étayer suffisamment ce constat, de sorte que la Cour n’est pas en mesure d’en vérifier le bien-fondé.

454. Ainsi, au point 1462 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est limité à énoncer que, même si les annexes A 286, A 287 et C 29 étaient volumineuses et contenaient une succession de documents, Servier avait indiqué dans le corps de ses écrits les arguments invoqués. Selon le Tribunal, Servier étayait, par la production de ces annexes, comportant des pièces provenant des organismes régionaux de santé du Royaume-Uni, son argumentation visant à démontrer que ces organismes se sont prononcés sur l’équivalence thérapeutique entre le périndopril et les autres IEC, qu’ils ont encouragé les médecins généralistes à remplacer le périndopril par d’autres IEC et que ces politiques, qui n’ont pas un caractère individuel, ont eu un impact réel sur la demande au niveau local.

455. Dans le cadre de ces explications, le Tribunal n’a cité ni des points des écritures en première instance ni des points des annexes en cause auxquels ces écritures renverraient. L’affirmation du Tribunal selon laquelle ces annexes étaient recevables n’est donc pas suffisamment étayée. Certes, dans ses écritures dans la présente procédure de pourvoi, Servier indique les points de ses écritures en première instance dans lesquels auraient figuré l’argument que les annexes en cause étayaient et le renvoi aux passages pertinents de ces annexes. Toutefois, il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du pourvoi, de vérifier si, et dans quelle mesure, lesdites annexes étayaient effectivement des arguments figurant dans la requête et de procéder elle‑même, ce faisant, à l’examen de la recevabilité de ces annexes en première instance.

456. De plus, il est impossible pour la Cour de vérifier si, et dans quelle mesure, le Tribunal s’est appuyé sur les annexes A 286, A 287 et C 29 dans le cadre de ses considérations ultérieures. En effet, si le Tribunal se réfère certainement aux documents contenus dans ces annexes, les numéros desdites annexes ne sont pas cités dans d’autres points de l’arrêt attaqué que les points 1345 (résumant l’argumentation de la Commission) et 1459 à 1463 (examinant la recevabilité des annexes en cause).

457. Partant, force est de constater que l’arrêt attaqué est entaché, sur ce point, d’une insuffisance de motivation, que la Commission invoque également et que la Cour peut en tout état de cause relever d’office (162). Ainsi que le soutient la Commission, la manière de procéder du Tribunal, en ce qui concerne l’examen de la recevabilité des annexes A 286, A 287 et C 29, tranche avec sa manière d’examiner la recevabilité des annexes A 2 et A 3, qu’il a analysée en détail aux points 107 à 116 de l’arrêt attaqué.

458. Dans ces conditions, le dixième moyen de pourvoi doit être accueilli, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la recevabilité de l’annexe C 29 au regard des principes rappelés au point 451 ci‑dessus.

4)      Sur le marché pertinent de la technologie (onzième moyen de pourvoi)

459. Dans le cadre de son onzième moyen de pourvoi, la Commission fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit en annulant les constatations de la décision litigieuse relatives au marché pertinent de la technologie de l’IPA du périndopril et à la position dominante occupée par Servier sur celui-ci (point 341 ci‑dessus).

460. Aux points 1611 à 1622 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu au caractère erroné des constatations de la Commission relatives au marché pertinent de la technologie de l’IPA du périndopril et à la position de Servier sur celui‑ci, sur la base de ses propres constatations relatives au caractère erroné de la définition du marché pertinent des produits finis par la Commission.

461. Or, dans la mesure où l’analyse des huitième et neuvième moyens de pourvoi a révélé que ces constatations sont erronées et doivent être annulées (voir points 398 à 403 et 437 à 448 ci-dessus), les considérations du Tribunal relatives au marché pertinent de la technologie de l’IPA du périndopril apparaissent, elles aussi, entachées d’erreurs de droit.

462. Dans ces conditions, le onzième moyen de pourvoi doit être accueilli, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments de la Commission tendant à démontrer que le Tribunal a commis des erreurs de droit supplémentaires lors de ses considérations sur le marché pertinent de la technologie de l’IPA du périndopril, indépendantes des erreurs commises en relation avec la définition du marché pertinent des produits finis.

463. Toutefois, force est de constater que, dans la mesure où les constatations du Tribunal, relatives au marché des produits finis, ne peuvent, du fait de leur caractère erroné, fonder ses constatations relatives au marché de la technologie, la Commission est fondée à soutenir que le Tribunal a commis une erreur de droit indépendante en n’analysant pas les considérations spécifiques exposées dans la décision litigieuse, relatives au marché de la technologie. En effet, le Tribunal a lui‑même constaté, au point 1616 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait utilisé, dans le cadre de son analyse du marché de la technologie, d’autres éléments que lors de la détermination du marché pertinent des produits finis.

c)      Conclusion sur les moyens de pourvoi relatifs à l’article 102 TFUE

464. Il découle de l’examen des huitième à onzième moyens de pourvoi, effectué aux points 351 à 463 ci-dessus, que l’ensemble des constatations du Tribunal, relatives à l’application de l’article 102 TFUE par la Commission (points 343 à 350 ci‑dessus), doivent être annulées.

465. Ainsi qu’il a déjà été rappelé aux points 251 et 328 ci‑dessus, en vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé.

466. Or, le présent litige n’est pas en état d’être jugé en ce qui concerne les moyens avancés par Servier en première instance, relatifs à l’article 102 TFUE.

467. D’une part, en ce qui concerne le quatorzième moyen de Servier en première instance, tiré de la définition erronée du marché pertinent des produits finis, l’analyse des huitième à dixième moyens de pourvoi a révélé des insuffisances de motivation dans l’arrêt attaqué. De plus, le Tribunal n’a pas examiné le troisième grief du quatorzième moyen de Servier en première instance, tiré de ce que l’analyse économétrique des prix réalisée par la Commission était entachée d’un vice méthodologique. Dans ces conditions, la Cour n’est pas en mesure de juger elle‑même définitivement ledit quatorzième moyen de Servier en première instance sans procéder elle-même à une nouvelle instruction complète du dossier.

468. D’autre part, le Tribunal a accueilli les quinzième à dix-septième moyens de Servier en première instance essentiellement sur la base de ses constatations relatives au quatorzième moyen (points 347 à 349 ci‑dessus). Partant, la Cour ne saurait pas non plus juger ces moyens sans procéder à une première instruction complète du dossier.

B.      Sur le recours devant le Tribunal

469. Il résulte des considérations exposées aux points 251 à 253, 328 à 330 et 331 ci‑dessus, que la présente affaire est en état d’être jugée en ce qui concerne la qualification des accords Krka d’infraction unique et continue à l’article 101 TFUE, tant pour ce qui est de l’objet que des effets anticoncurrentiels de ces accords.

470. La Cour peut donc évoquer l’affaire et rejeter les neuvième et dixième moyens ainsi que la demande d’annulation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 4, sous b), de la décision litigieuse, présentés par Servier en première instance.

471. En revanche, il résulte des considérations figurant aux points 466 à 468 ci‑dessus, que le litige n’est pas en état d’être jugé en ce qui concerne les quatorzième à dix-septième moyens ainsi que la demande d’annulation de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision litigieuse, présentés par Servier en première instance, ni en ce qui concerne la demande, présentée par la Commission en première instance, de déclarer irrecevables les annexes A 286, A 287 et C 29.

472. Partant, il convient de renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il statue à nouveau sur ces moyens et demandes.

473. Dans ce contexte, la Commission demande à ce que la Cour renvoie l’affaire au Tribunal autrement composé que lorsqu’il a rendu l’arrêt attaqué.

474. Il doit toutefois être relevé que, en vertu de l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la décision de renvoyer, le cas échéant, une affaire à une autre chambre après l’annulation d’un arrêt par la Cour, appartient au président du Tribunal.

475. À cet égard, la Cour a déjà eu l’occasion de clarifier que la circonstance qu’un même juge siège dans deux formations de jugement ayant eu successivement à connaître de la même affaire ne saurait, par elle-même, en dehors de tout autre élément objectif, faire naître un doute sur l’impartialité du Tribunal (163).

V.      Les dépens

476. Conformément à l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

477. Tout d’abord, en l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que le pourvoi est fondé en son entièreté et qu’aussi bien les constatations du Tribunal relatives à la qualification des accords Krka d’infraction à l’article 101, paragraphe 1, TFUE que celles relatives à l’infraction à l’article 102 TFUE doivent être annulées.

478. Partant, il convient de condamner Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS à supporter, solidairement, la totalité de leurs propres dépens ainsi que des dépens de la Commission afférents à la présente procédure de pourvoi.

479. En ce qui concerne les dépens afférents à la procédure de première instance, il importe de noter, d’une part, que ceux-ci ne sont concernés par la présente procédure de pourvoi que pour autant qu’ils sont relatifs aux neuvième, dixième et quatorzième à dix-septième moyens, présentés par Servier en première instance, ainsi qu’à la demande, présentée par la Commission en première instance, de déclarer irrecevables les annexes A 286, A 287 et C 29.

480. D’autre part, il importe de relever que le litige n’est en état d’être jugé qu’en ce qui concerne les neuvième et dixième moyens avancés par Servier en première instance, relatifs à la qualification des accords Krka d’infraction à l’article 101 TFUE, ainsi qu’en ce qui concerne la demande d’annulation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 4, sous b), de la décision litigieuse, présentée par Servier en première instance. La Cour ne peut donc évoquer l’affaire et statuer définitivement sur le litige qu’en ce qui concerne ces moyens et demandes de première instance (voir points 469 et 470 ci-dessus).

481. En revanche, le litige n’est pas en état d’être jugé en ce qui concerne les quatorzième à dix-septième moyens avancés par Servier en première instance, relatifs à la qualification de son comportement d’infraction à l’article 102 TFUE, en ce qui concerne la demande d’annulation de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision litigieuse, présentée par Servier en première instance, ainsi qu’en ce qui concerne la demande, présentée par la Commission en première instance, de déclarer irrecevables les annexes A 286, A 287 et C 29. L’affaire doit donc être renvoyée au Tribunal pour qu’il statue à nouveau sur ces moyens et demandes (voir points 471 et 472 ci-dessus).

482. Partant, il convient de décider que Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS supportent, solidairement, les dépens exposés par elles-mêmes ainsi que par la Commission en première instance relatifs aux neuvième et dixième moyens de première instance, et de réserver les dépens exposés par Servier et la Commission en première instance relatifs aux quatorzième à dix-septième moyens présentés par Servier en première instance, ainsi qu’à la demande, présentée par la Commission en première instance, de déclarer irrecevables les annexes A 286, A 287 et C 29.

483. Ensuite, conformément à l’article 184, paragraphe 4, de son règlement de procédure, la Cour peut décider qu’une partie intervenante en première instance qui a participé à la phase écrite ou orale de la procédure devant la Cour supportera ses propres dépens. L’EFPIA ayant participé à la phase écrite de la présente procédure de pourvoi, il y a donc lieu de condamner celle-ci à supporter ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

484. Enfin, il résulte des dispositions combinées de l’article 140, paragraphe 1, et de l’article 184, paragraphe 1, du règlement de procédure, que les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Partant, il convient de décider que le Royaume-Uni supportera ses propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

VI.    Conclusion

485. Sur la base des considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de statuer comme suit :

1)      Les points 1 à 3 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922), sont annulés.

2)      Le point 6 du dispositif de l’arrêt du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, EU:T:2018:922), est annulé pour autant qu’il concerne les dépens exposés par Servier SAS, Servier Laboratories Ltd, Les Laboratoires Servier SAS et la Commission européenne, relatifs aux neuvième, dixième et quatorzième à dix-septième moyens de première instance, ainsi que les dépens relatifs à la demande, présentée par la Commission en première instance, de déclarer irrecevables les annexes A 286, A 287 et C 29.

3)      Les neuvième et dixième moyens ainsi que la demande en annulation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 4, sous b), de la décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)], présentés par Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS en première instance, sont rejetés.

4)      L’affaire est renvoyée au Tribunal pour qu’il statue de nouveau sur les quatorzième à dix-septième moyens et sur la demande en annulation de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision C(2014) 4955 final, présentés par Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS en première instance, ainsi que sur la demande, présentée par la Commission en première instance, de déclarer irrecevables les annexes A 286, A 287 et C 29.

5)      Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS supportent, solidairement, leurs propres dépens ainsi que les dépens de la Commission afférents à la procédure de pourvoi.

6)      Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS supportent, solidairement, leurs propres dépens ainsi que les dépens de la Commission afférents à la procédure de première instance pour autant que ceux-ci concernent les neuvième et dixième moyens ainsi que la demande en annulation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 4, sous b), de la décision C(2014) 4955 final, présentés par Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS en première instance.

7)      Les dépens de Servier SAS, Servier Laboratories Ltd, Les Laboratoires Servier SAS et de la Commission afférents à la procédure de première instance sont réservés pour autant que ceux-ci concernent les quatorzième à dix‑septième moyens et la demande en annulation de l’article 6 et de l’article 7, paragraphe 6, de la décision C(2014) 4955 final, présentés par Servier SAS, Servier Laboratories Ltd et Les Laboratoires Servier SAS en première instance, ainsi que la demande, présentée par la Commission en première instance, de déclarer irrecevables les annexes A 286, A 287 et C 29.

8)      La European Federation of Pharmaceutical Industries and Associations et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportent chacun leurs propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.


1      Langue originale : le français.


2      Arrêt du 30 janvier 2020 (C‑307/18, ci-après l’« arrêt Generics (UK) e.a. », EU:C:2020:52).


3      Arrêts du 25 mars 2021 (C‑591/16 P, ci-après l’« arrêt Lundbeck/Commission », EU:C:2021:243) ; Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (C‑586/16 P, non publié, EU:C:2021:241) ; Generics (UK)/Commission (C‑588/16 P, non publié, EU:C:2021:242) ; Arrow Group et Arrow Generics/Commission (C‑601/16 P, non publié, EU:C:2021:244) ; Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (C‑611/16 P, EU:C:2021:245), et Merck/Commission (C‑614/16 P, non publié, EU:C:2021:246).


4      Arrêts du Tribunal de l’Union européenne du 12 décembre 2018, Servier e.a./Commission (T‑691/14, ci-après « l’arrêt attaqué », EU:T:2018:922) (mis en cause par le présent pourvoi ainsi que par le pourvoi dans l’affaire C‑201/19 P, Servier e.a./Commission) ; Biogaran/Commission (T‑677/14, EU:T:2018:910) (pourvoi C‑207/19 P, Biogaran/Commission) ; Teva UK e.a./Commission (T‑679/14, non publié, EU:T:2018:919) (pourvoi C‑198/19 P, Teva UK e.a./Commission) ; Lupin/Commission (T‑680/14, non publié, EU:T:2018:908) (pourvoi C‑144/19 P, Lupin/Commission) ; Mylan Laboratories et Mylan/Commission (T‑682/14, non publié, EU:T:2018:907) (pourvoi C‑197/19 P, Mylan Laboratories et Mylan/Commission) ; Krka/Commission (T‑684/14, non publié, EU:T:2018:918) (pourvoi C‑151/19 P, Commission/Krka) ; Niche Generics/Commission (T‑701/14, non publié, EU:T:2018:921) (pourvoi C‑164/19 P, Niche Generics/Commission), et Unichem Laboratories/Commission (T‑705/14, non publié, EU:T:2018:915) (pourvoi C‑166/19 P, Unichem Laboratories/Commission).


5      Décision C(2014) 4955 final de la Commission, du 9 juillet 2014, relative à une procédure d’application des articles 101 et 102 TFUE [affaire AT.39612 – Périndopril (Servier)] (ci-après la « décision litigieuse »).


6      Point 1 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 11 et suiv. de la décision litigieuse.


7      Considérant 14 de la décision litigieuse.


8      Point 8 de l’arrêt du 12 décembre 2018, Krka/Commission (T‑684/14, non publié, EU:T:2018:918), ainsi que considérants 19 et suiv. de la décision litigieuse.


9      Points 2 et 3 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 1 et suiv., 86 et suiv. et 2143 et suiv. de la décision litigieuse.


10      Ainsi que le permettait le règlement (CEE) no 1768/92 du Conseil, du 18 juin 1992, concernant la création d’un certificat complémentaire de protection pour les médicaments (JO 1992, L 182, p. 1).


11      Point 4 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 92 et suiv. de la décision litigieuse.


12      Considérant 98 de la décision litigieuse.


13      Points 5 à 8 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 94, 118 et suiv. et 124 et suiv. de la décision litigieuse.


14      Point 8 de l’arrêt attaqué et considérant 120 de la décision litigieuse.


15      Points 9 et 10 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 8, 88 et 218 et suiv. de la décision litigieuse.


16      Considérant 100 de la décision litigieuse.


17      Considérants 821, 1674 et 1755 de la décision litigieuse.


18      Points 11 à 27 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 129, 151 et suiv., 157 et suiv. et tableaux aux considérants 156 et 201 de la décision litigieuse.


19      Points 11 et 12 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 158 à 161 et 164 et, concernant plus spécifiquement Krka, 830 de la décision litigieuse.


20      Point 12 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 162 à 170 et 962 de la décision litigieuse.


21      Points 16 à 21 et 24 à 27 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 171 à 202 de la décision litigieuse.


22      Points 25 et 26 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 175 et suiv. de la décision litigieuse.


23      Point 27 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 193 et suiv. de la décision litigieuse.


24      Considérant 410 de la décision litigieuse.


25      Point 22 de l’arrêt attaqué et considérant 156 de la décision litigieuse (le point 22 de l’arrêt attaqué indique que cette demande aurait été rejetée en septembre 2006, mais nous nous basons ici sur le considérant 156 de la décision litigieuse, qui indique la date du 13 octobre 2006).


26      Point 23 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 156, 898 à 904, 909 et 1689 de la décision litigieuse.


27      Point 45 de l’arrêt attaqué et considérant 908 de la décision litigieuse.


28      Point 46 de l’arrêt attaqué et considérant 910 de la décision litigieuse.


29      Considérants 843, 886, 1248 et 1755 de la décision litigieuse.


30      Points 47 à 51 de l’arrêt attaqué, ainsi que considérants 400 et 923 à 928 de la décision litigieuse.


31      Voir note en bas de page 5 des présentes conclusions.


32      Voir articles 1 à 6 de la décision litigieuse et point 71 de l’arrêt attaqué.


33      Cela comprend tous les États membres de l’Union (entre 2004 et 2009, donc hors la Croatie, voir considérant 3134, note en bas de page 1 et article 4 de la décision litigieuse) autres que les sept États membres couverts par l’accord de licence Krka. La décision litigieuse fait référence à « 18/20 États membres » en raison du fait que l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne a eu lieu le 1er janvier 2007, deux mois après que l’accord de règlement amiable Krka a été conclu, ce qui a augmenté de 18 à 20 le nombre de marchés non couverts par la licence (considérant 1677 et note en bas de page 2243 de la décision litigieuse).


34      Considérants 1816 et 1858 de la décision litigieuse.


35      Voir point 1004 de l’arrêt attaqué, ainsi que note en bas de page 2451 et article 4 de la décision litigieuse.


36      Considérant 1670 de la décision litigieuse.


37      Voir article 7 de la décision litigieuse, ainsi que points 72 et 73 de l’arrêt attaqué.


38      Voir note en bas de page 4 des présentes conclusions.


39      Arrêts du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission ; Sun Pharmaceutical Industries et Ranbaxy (UK)/Commission (C‑586/16 P, non publié, EU:C:2021:241) ; Generics (UK)/Commission (C‑588/16 P, non publié, EU:C:2021:242) ; Arrow Group et Arrow Generics/Commission (C‑601/16 P, non publié, EU:C:2021:244) ; Xellia Pharmaceuticals et Alpharma/Commission (C‑611/16 P, EU:C:2021:245), et Merck/Commission (C‑614/16 P, non publié, EU:C:2021:246).


40      En tant qu’annexes à son mémoire en réponse, Servier produit des transcriptions des débats lors de l’audience devant le Tribunal. Dans sa réplique, la Commission en conteste la recevabilité au motif que ces transcriptions ont été établies par Servier pour ses propres besoins et que la Commission ne peut donc en contrôler la fiabilité. Servier conteste l’irrecevabilité de ces éléments. Il n’est toutefois pas nécessaire de trancher la question de leur recevabilité. En effet, l’analyse des moyens de pourvoi qui suit montrera que les affirmations au soutien desquelles Servier avance ces annexes sont inopérantes (voir, sur l’affirmation selon laquelle les litiges entre Servier et les sociétés de génériques étaient véritables, point 149 des présentes conclusions ; sur l’affirmation selon laquelle la Commission aurait accepté que la licence accordée par Servier à Krka aurait été conclue aux conditions normales de marché, point 151 des présentes conclusions, et, sur l’affirmation que la Commission aurait pu prendre position sur l’argumentation liée aux visites chez les médecins, point 435 des présentes conclusions).


41      Considérants 1811 et 1812 de la décision litigieuse.


42      Considérants 1753, 1756, 1760 et 1763 de la décision litigieuse.


43      Considérants 1738 à 1749, spéc. considérant 1745 de la décision litigieuse.


44      Considérants 1766 et 1803 à 1811 de la décision litigieuse.


45      Point 21 des présentes conclusions.


46      Voir ordonnance du 29 septembre 2010, EREF/Commission (C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, points 41 et 42, ainsi que jurisprudence citée), et arrêt du 9 juin 2011, Comitato «Venezia vuole vivere» e.a./Commission (C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 152 et 153, ainsi que jurisprudence citée).


47      Voir, à cet égard, septième moyen de pourvoi (point 304 des présentes conclusions).


48      Voir, à cet égard, deuxième moyen de pourvoi (points 135 à 176 des présentes conclusions).


49      Voir, sur cette définition du caractère opérant d’un moyen, arrêt du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil (C‑46/98 P, EU:C:2000:474, point 38), cité au point 1257 de l’arrêt attaqué.


50      Point 21 des présentes conclusions.


51      Arrêt du 14 juillet 1972, Imperial Chemical Industries/Commission (48/69, EU:C:1972:70, point 68).


52      Arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 44), et du 21 janvier 2016, Galp Energía España e.a./Commission (C‑603/13 P, EU:C:2016:38, point 72).


53      Arrêts du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission (C‑407/04 P, EU:C:2007:53, points 49 et 63) ; du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission (C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 128), et du 27 avril 2017, FSL e.a./Commission (C‑469/15 P, EU:C:2017:308, point 38).


54      Arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission (29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, point 20), et du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, point 127) ; voir aussi arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T‑655/11, EU:T:2015:383, point 176).


55      Voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission (C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 513 à 523) ; voir aussi arrêt du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission (T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, EU:T:2006:271, point 63).


56      Voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, points 55 à 57), et du 27 septembre 2006, Dresdner Bank e.a./Commission (T‑44/02 OP, T‑54/02 OP, T‑56/02 OP, T‑60/02 OP et T‑61/02 OP, EU:T:2006:271, points 64 et 65).


57      Arrêts du 28 mars 1984, Compagnie royale asturienne des mines et Rheinzink/Commission (29/83 et 30/83, EU:C:1984:130, point 16) ; du 31 mars 1993, Ahlström Osakeyhtiö e.a./Commission (C‑89/85, C‑104/85, C‑114/85, C‑116/85, C‑117/85 et C‑125/85 à C‑129/85, EU:C:1993:120, points 126 et 127), et du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission (C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 74).


58      Arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 37) ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission (C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 37), et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 17).


59      Arrêts du 4 juillet 2013, Commission/Aalberts Industries e.a. (C‑287/11 P, EU:C:2013:445, point 52), et du 17 octobre 2019, Alcogroup et Alcodis/Commission (C‑403/18 P, EU:C:2019:870, point 64).


60      Le considérant 56 de la décision litigieuse indique que le texte des accords conclus entre Servier et les sociétés de génériques a été parmi les éléments de preuve utilisés par la Commission.


61      Arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 53 et 54).


62      Point 30 des présentes conclusions.


63      Points 20, 21, 29 et 30 des présentes conclusions.


64      Point 21 des présentes conclusions.


65      Point 29 des présentes conclusions.


66      Point 30 des présentes conclusions.


67      Point 28 des présentes conclusions.


68      Point 24 des présentes conclusions.


69      Voir arrêt du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T‑655/11, EU:T:2015:383, points 183, 380 et 381, ainsi que jurisprudence citée).


70      Point 28 des présentes conclusions.


71      Point 21 des présentes conclusions.


72      Voir point 35 des présentes conclusions.


73      Voir, à cet égard, cinquième moyen de pourvoi (points 229 à 242, en particulier point 239 des présentes conclusions).


74      Voir, sur ce point, arrêt du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38, p. 358), ainsi que nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 133 et jurisprudence citée).


75      Voir points 92 à 96 des présentes conclusions.


76      Voir ordonnance du 29 septembre 2010, EREF/Commission (C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, point 41 et jurisprudence citée).


77      Arrêts Generics (UK) e.a. (points 87 à 94 et 111) et Lundbeck/Commission (points 114 et 115).


78      Voir arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53 et jurisprudence citée) ; voir, également, jurisprudence citée au point 193 de l’arrêt attaqué.


79      Voir, sur ce point, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 134 à 139).


80      Voir, en ce sens, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 171 et 172).


81      Voir, sur le caractère exclusif de la licence et l’instauration d’un duopole de fait entre Servier et Krka par celle-ci, points 195 à 204 des présentes conclusions.


82      Voir, sur ce point, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 118 à 120).


83      Voir, sur le caractère exclusif de la licence et l’instauration d’un duopole de fait entre Servier et Krka par celle-ci, points 195 à 204 des présentes conclusions.


84      Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 66 à 70).


85      Arrêt Generics (UK) e.a. (point 38), et nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 82 à 84, 122 à 127 et 176 à 178).


86      Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 119).


87      Arrêt Generics (UK) e.a. (point 94), et nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 120).


88      Voir, en ce sens, ordonnance du 29 septembre 2010, EREF/Commission (C‑74/10 P et C‑75/10 P, non publiée, EU:C:2010:557, point 41 et jurisprudence citée).


89      Voir points 124, 125 et 149 des présentes conclusions.


90      Voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 2015, AC-Treuhand/Commission (C‑194/14 P, EU:C:2015:717, point 36).


91      Arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission (C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 50), et du 25 octobre 2007, Komninou e.a./Commission (C‑167/06 P, non publié, EU:C:2007:633, point 41).


92      Arrêts du 18 janvier 2007, PKK et KNK/Conseil (C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 37) ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission (C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 37), et du 17 juin 2010, Lafarge/Commission (C‑413/08 P, EU:C:2010:346, point 17).


93      Arrêts du 4 juillet 2013, Commission/Aalberts Industries e.a. (C‑287/11 P, EU:C:2013:445, point 52), et du 17 octobre 2019, Alcogroup et Alcodis/Commission (C‑403/18 P, EU:C:2019:870, point 64).


94      Point 24 des présentes conclusions.


95      Point 15 des présentes conclusions.


96      Point 14 et note en bas de page 10 des présentes conclusions.


97      Voir, notamment, points 564 (concernant les accords conclus avec Niche et Matrix), 707 (concernant l’accord conclu avec Teva) et 869 et 879 (concernant l’accord conclu avec Lupin) de l’arrêt attaqué.


98      Arrêt du 27 septembre 2012, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission (T‑82/08, EU:T:2012:494, point 55) (non remis en cause à cet égard en pourvoi ; voir arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363) ; voir également, en ce sens, arrêts du 2 février 2012, Denki Kagaku Kogyo et Denka Chemicals/Commission (T‑83/08, non publié, EU:T:2012:48, point 193), et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T‑655/11, EU:T:2015:383, points 178 et 217).


99      Voir, sur la stratégie de Servier de basculer vers le périndopril arginine en raison des génériques du périndopril erbumine, également, notamment, considérants 8, 58, 89, 100, 217, 220, 222, 225, 233 à 242, 1183, 1924, 2089, 2156, 2530, 2532, 2533, 2912 et 2971 de la décision litigieuse.


100      Voir, sur cette définition de la dénaturation, points 96 et 187 des présentes conclusions.


101      Communication de la Commission. Lignes directrices relatives à l’application de l’article [101 TFUE] aux accords de transfert de technologie (JO 2004, C 101, p. 2).


102      JO 2004, L 123, p. 11.


103      Arrêt du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 118).


104      Point 21 des présentes conclusions.


105      Point 30 des présentes conclusions.


106      Arrêt du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission (56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, Rec. p. 496).


107      Arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 242).


108      Point 103 de cet arrêt ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 158 à 166).


109      Arrêt Generics (UK) e.a. (points 105 à 111) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 168 à 172, 175 et 179).


110      Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 175).


111      Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 176 à 178).


112      Considérants 1766 et 1803 à 1811 de la décision litigieuse.


113      Arrêts du 30 juin 1966, LTM (56/65, EU:C:1966:38, Rec. p. 359) ; du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, point 28), et du 16 juillet 2015, ING Pensii (C‑172/14, EU:C:2015:484, points 29 et 30) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, point 42).


114      Voir points 102 à 129 des présentes conclusions.


115      Voir points 29 et 30 des présentes conclusions.


116      Voir points 20 et 21 des présentes conclusions.


117      Voir point 24 des présentes conclusions.


118      Voir point 21 des présentes conclusions.


119      Voir, notamment, arrêts du 28 mai 1998, Deere/Commission (C‑7/95 P, EU:C:1998:256, point 77), et New Holland Ford/Commission (C‑8/95 P, EU:C:1998:257, point 91) ; du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado (C‑238/05, EU:C:2006:734, point 50) ; Generics (UK) e.a. (point 117), et du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, point 73). C’est nous qui soulignons.


120      Arrêts du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 161) ; Generics (UK) e.a. (point 118), et du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, point 74).


121      Voir arrêt du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, point 75 et jurisprudence citée).


122      Arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 166).


123      Arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission (T‑461/07, EU:T:2011:181, point 127).


124      Point 119 de cet arrêt.


125      Arrêts Generics (UK) e.a. (point 120), et du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, point 76).


126      Arrêt Generics (UK) e.a. (point 120).


127      Voir, en ce sens, arrêt Generics (UK) e.a. (points 121 et 122) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 189 à 202).


128      Arrêt du 14 avril 2011, Visa Europe et Visa International Service/Commission (T‑461/07, EU:T:2011:181, points 127, 187 et 191).


129      Voir points 102 à 129 des présentes conclusions. En effet, aux points 1148 à 1169 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a réitéré, dans le cadre de l’examen des effets des accords Krka, essentiellement les mêmes considérations que celles déjà exposées, notamment, aux points 970, 971, 1011, 1017, 1026 et 1027 de l’arrêt attaqué, lors de l’analyse de l’objet de ces accords.


130      Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 117, 118 et 122 à 129).


131      Voir, en ce sens, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 128).


132      Voir nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 76 et 198).


133      Arrêts du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:343, points 38 et 39) ; du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a. (C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 63), ainsi que du 19 mars 2015, Dole Food et Dole Fresh Fruit Europe/Commission (C‑286/13 P, EU:C:2015:184, point 125) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, EU:C:2009:110, points 58 à 60). Voir aussi, en ce sens, en ce qui concerne la mise en œuvre de l’article 102 TFUE, arrêt du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a. (C‑377/20, EU:C:2022:379, point 44 et jurisprudence citée).


134      Voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 52) ; du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52, points 66 et 115), et du 2 avril 2020, Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2020:265, point 55).


135      Voir, à cet égard, arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission (C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, points 74 et suiv.), et du 26 novembre 2015, Maxima Latvija (C‑345/14, EU:C:2015:784, points 22 à 24), ainsi que nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 164 et 171) ; voir, également, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, points 48 à 50).


136      Conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Budapest Bank e.a. (C‑228/18, EU:C:2019:678, point 50).


137      Arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 110).


138      Voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 360).


139      Arrêts Generics (UK) e.a. (points 115 à 122, spéc. 117, 121 et 122), et du 18 novembre 2021, Visma Enterprise (C‑306/20, EU:C:2021:935, points 73 et 74).


140      Voir arrêts du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, points 29, 39, 49, 56 et 58), et du 17 septembre 2007, Microsoft/Commission (T‑201/04, EU:T:2007:289, points 87, 534, 557 et 618).


141      Considérants 2286, 2305, 2324 et 2345 de la décision litigieuse.


142      Titre figurant avant le point 1380 de l’arrêt attaqué.


143      Arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission (85/76, EU:C:1979:36, point 28), et du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 51).


144      Voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, points 38 et suiv.).


145      Voir arrêts du 9 novembre 1983, Nederlandsche Banden-Industrie-Michelin/Commission (322/81, EU:C:1983:313, point 37) ; du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 32) ; du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 51) ; du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 30), et du 29 mars 2012, Telefónica et Telefónica de España/Commission (T‑336/07, EU:T:2012:172, point 111). Voir également, en ce sens, arrêts du 21 février 1973, Europemballage et Continental Can/Commission (6/72, EU:C:1973:22, point 32), et du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission (C‑333/94 P, EU:C:1996:436, point 13).


146      Arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, points 183 et 203).


147      Voir point 2 de la Communication de la Commission sur la définition du marché en cause aux fins du droit communautaire de la concurrence (JO 1997, C 372, p. 5).


148      Voir, par exemple, arrêt du 12 décembre 1991, Hilti/Commission (T‑30/89, EU:T:1991:70, point 71).


149      Arrêt du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission (27/76, EU:C:1978:22, point 68) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 239).


150      Voir aussi, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, points 174 et 191).


151      Arrêt Generics (UK) e.a. (point 140) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, points 229 à 240).


152      Arrêt Generics (UK) e.a. (point 135) ; voir, également, nos conclusions dans l’affaire Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:28, point 239).


153      Voir points 79 et 140 des présentes conclusions.


154      Voir jurisprudence citée à la note en bas de page 145 des présentes conclusions.


155      Voir, en ce sens, arrêt du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 51 et jurisprudence citée).


156      Voir, en ce sens, arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 51).


157      Voir, par exemple, arrêt du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission (C‑457/10 P, EU:C:2012:770, points 36 à 50).


158      Voir, mutatis mutandis, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission (T‑321/05, EU:T:2010:266, point 208). Certes, dans ladite affaire, les deux groupes de médicaments concernés faisaient l’objet d’un usage différencié, alors que tel n’était pas le cas du périndopril et des autres IEC. Toutefois, cela n’enlève rien à la pertinence du constat selon lequel le fait de tirer des conclusions de l’évolution des parts de marché respectives de ces médicaments présuppose le constat préalable selon lequel ces médicaments font partie du même marché.


159      Voir, sur la définition de la dénaturation, points 96 et 187 des présentes conclusions.


160      Voir arrêt du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission (C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 40 et 41, ainsi que jurisprudence citée).


161      Arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, EU:C:1998:608, points 71 et 72).


162      Voir arrêt du 20 décembre 2017, EUIPO/European Dynamics Luxembourg e.a. (C‑677/15 P, EU:C:2017:998, point 36 et jurisprudence citée).


163      Arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a. (C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 56).