Language of document : ECLI:EU:T:2020:201

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

13 mai 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative IPANEMA – Marque de l’Union européenne figurative antérieure Ipanema – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑288/19,

Divaro, SA, établie à Oviedo (Espagne), représentée par Mes M. Santos Quintana et M. A. Fernández Munárriz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Grendene, SA, établie à Sobral (Brésil),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 22 février 2019 (affaire R 1785/2018‑2), relative à une procédure d’opposition entre Grendene et Divaro,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et M. B. Berke, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 2 août 2019,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal et la réattribution de l’affaire à la neuvième chambre,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er juin 2015, la requérante, Divaro, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5, 9 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Préparations ou produits pour nettoyer, désinfecter, humidifier, purifier ou conserver les lentilles de contact, sous forme de solutions, tablettes ou pastilles » ;

–        classe 9 : « Lunettes [optique] ; objectifs, lentilles optiques ; lentilles ophtalmologiques ; lunettes antireflets ; lentilles polarisantes ; verres solaires ; montures pour ces derniers ; lunettes de sport ; lunettes de protection ; loupes, jumelles [optique] ; télescopes ; lentilles de contact et étuis pour tous les produits précités » ;

–        classe 44 : « Services d’opticiens ; services d’optométrie, conseils professionnels en matière de santé visuelle, de qualité et d’utilisation de produits d’optique, de lunettes et de lentilles de contact ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2015/136, du 23 juillet 2015.

5        Le 22 octobre 2015, l’autre partie à la procédure, Grendene, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci‑dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur la marque de l’Union européenne figurative, demandée le 25 juillet 2012 et enregistrée le 19 décembre 2012 sous le numéro 11068021, désignant les « chaussures pour hommes, femmes et enfants, à savoir, sandales, chaussures de plage, pantoufles de maison, chaussures de bain, bottes et chaussures en général », relevant de la classe 25, et reproduite ci-après :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 6 juillet 2017, la division d’opposition a rejeté l’opposition en raison, d’une part, de l’absence de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, d’autre part, de l’insuffisance des éléments de preuve susceptibles de démontrer la renommée de la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

9        Le 1er septembre 2017, l’autre partie à la procédure a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

10      Le 19 février 2018, la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition (affaire R 1914/2017-2) et a renvoyé l’affaire devant celle-ci. Dans sa décision, la chambre de recours a relevé l’existence de vices substantiels de la procédure au motif, notamment, de l’absence d’analyse des éléments de preuve concernant la renommée de la marque antérieure et de l’absence de motivation du rejet de l’opposition fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

11      Le 10 juillet 2018, la division d’opposition a fait droit à l’opposition en ce qui concerne les « lunettes [optique] », les « montures pour ces derniers (pour verres) », les « lunettes de sport » et les « lunettes de protection », relevant de la classe 9 et visés par la marque demandée, et a rejeté l’opposition pour le surplus. En particulier, la division d’opposition a considéré que l’usage de la marque demandée pour ces produits était susceptible de donner lieu à un profit indu tiré de la renommée de la marque antérieure en Espagne, en particulier en ce qui concerne les « sandales et chaussures de bain » visées par celle-ci.

12      Le 10 septembre 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 22 février 2019 (ci‑après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

14      D’abord, la chambre de recours a constaté que la requérante ne contestait pas l’appréciation de la division d’opposition quant à la similitude des marques en conflit. Ensuite, elle a examiné les preuves soumises par la titulaire de la marque antérieure aux fins d’étayer la renommée de sa marque en Espagne et a conclu que celles-ci prouvaient un degré de notoriété substantielle dans ce territoire pour des sandales et des chaussures de bain. En outre, la chambre de recours a considéré qu’il y avait lieu de présumer que, à la date de la décision attaquée, la marque antérieure continuait d’être renommée eu égard aux investissements effectués par sa titulaire dans la publicité au niveau national, même après la date pertinente. Par ailleurs, la chambre de recours a relevé que les produits en cause gardaient une certaine proximité en raison de leur « gravitation » autour du secteur des accessoires de mode ainsi que du fait d’être achetés durant la période estivale. En substance, selon la chambre de recours, ces circonstances donnaient lieu à une forte probabilité que le public pertinent associe la marque demandée apposée sur les produits en cause à la marque antérieure, en permettant ainsi à la requérante de tirer indûment profit de la renommée de cette dernière marque. Enfin, la chambre de recours a rejeté les arguments de la requérante visant à démontrer un juste motif pour l’utilisation de la marque demandée.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler la décision de la division d’opposition du 10 juillet 2018 ;

–        ordonner l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés par celle-ci ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur le premier chef de conclusions, visant l’annulation de la décision attaquée

17      À l’appui de son premier chef de conclusions, visant l’annulation de la décision attaquée, la requérante soulève, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Elle estime que la chambre de recours a conclu à tort que la marque demandée, apposée sur les « lunettes [optique] », les « montures pour ces dernières (pour verres) », les « lunettes de sport » et les « lunettes de protection », relevant de la classe 9, serait susceptible de tirer indûment profit de la renommée de la marque antérieure en ce qui concerne les « sandales et chaussures de bain », relevant de la classe 25.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

19      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 que son application est soumise à trois conditions, à savoir, premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit, deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence d’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 27 juin 2019, Bodegas Altún/EUIPO – Codorníu (ANA DE ALTUN), T‑334/18, non publié, EU:T:2019:451, point 21 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la requérante ne conteste pas le constat de la chambre de recours selon lequel, faute d’argumentation concernant les conclusions de la division d’opposition sur la similitude des marques en conflit, elle ne pouvait pas procéder à l’examen des conclusions de la division d’opposition. Il y a dès lors lieu de considérer comme satisfaite la première des conditions énumérées au point 19 ci-dessus.

21      En revanche, au soutien de son moyen, la requérante soulève trois branches distinctes, par lesquelles elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, premièrement, que la renommée de la marque antérieure avait été suffisamment prouvée par sa titulaire, deuxièmement, qu’un lien entre les marques en conflit pouvait être établi et, troisièmement, qu’aucun juste motif ne permettait l’usage de la marque demandée.

22      Il y a dès lors lieu d’examiner les trois branches du moyen invoqué par la requérante, en prenant en compte, comme la chambre de recours l’a relevé au point 25 de la décision attaquée, le territoire de l’Espagne en tant que territoire pertinent, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante. En outre, il convient de considérer, à l’instar des appréciations exposées quant à la définition du public pertinent aux points 49 et 50 de la décision attaquée, que ce public est constitué, tant pour les produits en cause visés par la marque antérieure que pour ceux visés par la marque demandée, du grand public.

 Sur la première branche, tirée d’une appréciation erronée des preuves relatives à la renommée de la marque antérieure

23      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort que les preuves soumises par la titulaire de la marque antérieure démontraient la renommée de cette marque sur le territoire pertinent pour les produits « sandales et chaussures de bain ».

24      D’une part, la requérante conteste l’effet probatoire des factures produites par la titulaire de la marque antérieure, en ce qu’elles ne représenteraient que le volume total des ventes à ses distributeurs et non les ventes réellement effectuées auprès du consommateur final. La requérante souligne que ledit volume diminue entre 2012 et 2015 et qu’il ne représente, au maximum, que 0,04 % des ventes totales de chaussures en Espagne. Ces deux aspects seraient contradictoires avec l’établissement d’une renommée de la marque antérieure. La requérante ajoute que, étant donné la valeur réduite des prix des sandales et des chaussures de bain visées par la marque antérieure, la renommée de celle-ci devrait être prouvée par un niveau élevé et stable de parts de marché annuelles.

25      D’autre part, la requérante conteste les chiffres d’investissement publicitaire allégués par la titulaire de la marque antérieure. Ces chiffres découleraient d’un rapport interne, dont la valeur probante devrait être mise en question en raison de l’absence d’autres éléments de preuve indépendants susceptibles d’étayer son contenu. De plus, la requérante relève que ce n’est qu’une seule partie des chiffres allégués qui peuvent être considérés comme étant consacrés à des fins réelles de publicité. Par ailleurs, et en tout état de cause, la requérante estime que l’investissement publicitaire allégué par la titulaire de la marque antérieure n’est pas proportionné au volume des ventes déclaré et qu’il est loin de l’investissement qu’effectuerait une entreprise pour une marque renommée dans le secteur de la chaussure en Espagne. La requérante invoque, à cet égard, la pratique antérieure de l’EUIPO ainsi que l’arrêt du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue) (T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786), qui exigerait la production de sondages d’opinion ou d’une étude de marché afin de mettre en évidence l’impact des investissements publicitaires sur la perception du consommateur de la marque demandée.

26      L’EUIPO réfute les arguments de la requérante.

27      Selon une jurisprudence constante, s’il est certes vrai que la fonction première d’une marque consiste en sa fonction d’origine, toute marque possède aussi une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. Les messages que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire [arrêt s du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, point 35, et du 29 novembre 2018, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Fulia Trading (LV BET ZAKŁADY BUKMACHERSKIE), T‑373/17, non publié, EU:T:2018:850, point 20].

28      Il y a lieu de rappeler que, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle-ci [voir arrêt du 28 octobre 2016, Unicorn/EUIPO – Mercilink Equipment Leasing (UNICORN-čerpací stanice), T‑123/15, non publié, EU:T:2016:642, point 37 et jurisprudence citée].

29      Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 94].

30      Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments (arrêt du 8 novembre 2017, Représentation d’une ellipse discontinue, T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 101).

31      Enfin, il convient de procéder à une appréciation globale des éléments de preuve qui sont rapportés par le titulaire de la marque pour établir si cette dernière est renommée (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 72). Un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (arrêt du 16 octobre 2018, ANOKHI, T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 96).

32      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, au point 33 de la décision attaquée, qu’une évaluation d’ensemble des éléments de preuve soumis par la titulaire de la marque antérieure devant l’EUIPO prouvait un degré de notoriété substantielle de ladite marque en Espagne pour des sandales et des chaussures de bain. Tel qu’il ressort des points 31 et 32 de la décision attaquée, ces éléments étaient notamment les annexes suivantes :

–        annexe 1 : un résumé de la campagne publicitaire effectuée en juin et en juillet 2013 pour la marque antérieure, comprenant des actions réalisées en Espagne en collaboration avec le groupe de communication Mediaset, dont notamment des messages publicitaires de quinze secondes sur la chaîne télévisuelle nationale Telecinco, des vidéos, des campagnes en ligne et des publications interactives, principalement dans le cadre du programme Gran Hermano, émis par ladite chaîne ;

–        annexe 2 : un rapport interne sur les investissements réalisés pour la publicité en Espagne de 2012 à 2015 pour la marque « Ipanema » concernant des sandales et des chaussures de bain, incluant des médias audiovisuels, de la presse, le recrutement des célébrités en tant qu’ambassadeurs de ladite marque, le positionnement en magasins et du matériel publicitaire. Selon ce rapport, l’investissement total dans la publicité a été de 632 828,58 EUR pour 2012, de 563 355,77 EUR pour 2013, de 904 821,51 EUR pour 2014 et de 957 872,76 EUR pour 2015. Le rapport indique, en particulier, qu’une ligne spécifique de ces budgets a été accordée pour l’engagement de Mmes Carbonero et Lago en tant qu’ambassadrices de la marque antérieure ;

–        annexe 6 : des factures émises par la titulaire de la marque antérieure à des distributeurs en Espagne au cours des années 2012 à 2015 pour des sandales de la marque « Ipanema », qui comprennent le modèle de chaussures de bain correspondant aux différentes annonces publicitaires effectuées. Les lieux de déchargement de la marchandise indiqués sont soit Valence (Espagne), soit Las Palmas de Gran Canaria (Espagne), et certaines des factures précisent, comme destination spécifique, notamment le centre commercial El Corte Inglés Valencia. Selon la chambre de recours, ces factures révèlent des ventes d’environ 100 000 unités en 2012, 42 000 unités en 2013, 77 000 unités en 2014 et 7 000 unités en 2015 ;

–        annexe 8 : des résumés des actions publicitaires réalisées par une agence de publicité, constatant l’engagement de mannequins internationaux pour la promotion des sandales et des chaussures de bain de la marque « Ipanema », telles que Mmes Bündchen (2007‑2014), Carbonero (2014) et Lago (2015), ainsi que de la blogueuse Lady addict (2015), comme ambassadrice en ligne. Ces informations révèlent le prix des produits de la titulaire de la marque antérieure ainsi que des publications dans des magazines à tirage national comme ELLE, Mia et Cuore. L’une de ces publications met en exergue la participation de Mme Lago au programme El Hormiguero, diffusé en prime time sur une chaîne de télévision nationale ;

–        annexe 16 : des articles de presse, notamment dans les magazines Intouch et Lecturas, publiés en avril 2007, concernant la promotion à Madrid (Espagne) des sandales de la marque « Ipanema » par Mme Bündchen ;

–        annexe 19 : des photographies de panneaux publicitaires dans la ville espagnole Las Palmas de Gran Canaria, sur lesquels apparaît Mme Carbonero faisant la promotion de sandales et de chaussures de bain de la marque « Ipanema » ;

–        annexe 20 : un message publicitaire télévisé émis sur la chaîne nationale Telecinco, avec l’apparition du nom de Mme Carbonero ;

–        annexe 25 : de la publicité de la marque « Ipanema » sur des panneaux publicitaires lors d’un tournoi de football de plage en septembre 2014 ;

–        un certificat délivré le 21 septembre 2017 par l’Asociación para la defensa de las marcas (association pour la défense des marques), indiquant que la marque « Ipanema » est une marque renommée.

33      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante concentre les arguments formulés contre l’appréciation de la chambre de recours sur l’annexe 6, relative aux factures de vente produites par la titulaire de la marque antérieure, et sur l’annexe 2, relative aux chiffres d’investissement publicitaire pour la marque antérieure. Or, dès lors que l’appréciation de la chambre de recours découle d’une évaluation d’ensemble prenant également en compte d’autres éléments produits par la titulaire de la marque antérieure lors de la procédure administrative, ce n’est que si l’annexe 6 et l’annexe 2 se révèlent indispensables dans le cadre de l’appréciation de la chambre de recours que la conclusion de celle-ci, quant à la renommée de la marque antérieure, pourrait être considérée comme étant entachée d’erreur.

34      S’agissant, en premier lieu, des factures figurant à l’annexe 6 du dossier de l’EUIPO, le Tribunal constate, à l’instar de la chambre de recours aux points 33 et 34 de la décision attaquée, qu’elles mettent en évidence des volumes de commande élevés au cours des années 2012 à 2015. D’abord, comme la chambre de recours le relève à juste titre, lesdits volumes sont particulièrement révélateurs quant à la renommée de la marque antérieure s’il est tenu compte du fait que, comme cela est indiqué aux points 55 et 64 de la décision attaquée, tant les sandales que les chaussures de bain vendues par la titulaire de la marque antérieure sont des produits typiquement saisonniers, liés notamment à la période estivale de l’année. Bien que, comme la requérante le fait valoir, lesdites factures ne sont pas des factures de vente au consommateur final, mais des factures à ses distributeurs, elles sont illustratives du nombre des sandales et des chaussures de bain mis sur le marché par la titulaire de la marque antérieure. De surcroît, même si les chiffres desdites factures ne précisent pas les stocks que les distributeurs auraient pu ne pas vendre, elles constituent un élément susceptible d’être pris en compte aux fins de démontrer, dans le cadre d’une appréciation globale avec les autres éléments soumis lors de la procédure devant l’EUIPO, que la marque antérieure est connue d’une partie significative du public concerné.

35      Ensuite, l’allégation de la requérante selon laquelle la renommée de la marque antérieure devrait être exclue, car la part de marché des produits visés par celle-ci, à la lumière des factures émises, ne dépasserait pas 0,04 % du marché des chaussures en Espagne, ne saurait prospérer.

36      À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que la requérante n’étaye pas son affirmation selon laquelle les ventes annuelles de chaussures sur le marché espagnol seraient comprises entre 230 000 000 et 280 000 000 unités. Or, dans la mesure où la part de marché calculée par la requérante se fonde sur des chiffres non-étayés, ce calcul doit, en conséquence, être écarté. D’autre part, même à supposer que de tels chiffres soient valables, force est de constater que les produits concernés par la marque antérieure, à savoir les « sandales et chaussures de bain », relèvent d’une catégorie plus réduite que celle des « chaussures », de sorte que la part de marché calculée par la requérante ne peut pas être considérée comme une valeur certaine. Il convient d’ajouter, de surcroît, à l’instar de l’EUIPO, que rien ne permet de conclure que les factures fournies au cours de la procédure administrative représentent, comme la requérante le prétend, le « volume total des ventes » de la titulaire de la marque antérieure sur le territoire espagnol, plutôt que des illustrations de ventes effectuées auprès de ses distributeurs. Le calcul de la part de marché proposé par la requérante ne peut dès lors pas non plus être accepté sur la base de cette considération.

37      Enfin, la requérante fait valoir que, dans la mesure où la valeur des produits de la titulaire de la marque antérieure, selon les factures en cause, était chiffrée à un prix réduit, à savoir entre deux et six euros, la renommée de ladite marque aurait dû se traduire par un niveau élevé et stable de parts de marché annuelles, au lieu d’une diminution des ventes desdits produits, comme les factures émises le mettent en évidence.

38      Cependant, il convient de relever que les chiffres indiqués par la requérante correspondent aux prix appliqués par la titulaire de la marque antérieure à ses distributeurs, et non pas aux prix appliqués aux consommateurs finaux. Ces derniers, selon ce qu’il ressort de certains des éléments publicitaires produits dans l’annexe 8 du dossier de l’EUIPO, mentionnés au point 32 ci-dessus, s’élevaient plutôt à 19,99 euros et 27,99 euros. Par conséquent, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant, au point 34 de la décision attaquée, que la mise en relation, d’une part, des prix de vente par unité aux distributeurs concernés par lesdites factures et, d’autre part, des prix de vente appliqués au consommateur final permettait de constater que la renommée de la marque antérieure avait rendu possible d’établir pour les sandales et les chaussures de bain de la titulaire de la marque antérieure des prix nettement supérieurs à ceux appliqués de manière ordinaire pour ce type de produits, fabriqués d’ailleurs en plastique, comme l’a souligné la chambre de recours.

39      Il s’ensuit qu’aucun des arguments formulés par la requérante n’est susceptible de mettre en question l’appréciation effectuée par la chambre de recours en ce qui concerne la renommée de la marque antérieure à la lumière de l’ensemble des éléments produits par la titulaire de la marque antérieure, y compris les factures de vente ressortant de l’annexe 6.

40      S’agissant, en second lieu, du rapport figurant à l’annexe 2 du dossier de l’EUIPO, relatif aux investissements réalisés pour la publicité par la titulaire de la marque antérieure en Espagne, la requérante met d’emblée en question sa valeur probatoire, en ce qu’il s’agit, selon elle, d’un document interne qui n’aurait été ni étayé ni validé par des éléments de preuve indépendants.

41      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves, dont il découle que le seul critère pertinent pour apprécier la force probante des éléments régulièrement produits réside dans leur crédibilité (voir arrêt du 15 décembre 2016, Infineon Technologies/Commission, T‑758/14, non publié, EU:T:2016:737, point 179 et jurisprudence citée). Ainsi, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut tenir compte, notamment, de son origine, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 6 novembre 2014, Popp et Zech/OHMI – Müller-Boré & Partner (MB), T‑463/12, non publié, EU:T:2014:935, point 53 et jurisprudence citée].

42      En l’occurrence, force est de constater que plusieurs des annexes énumérées au point 32 ci-dessus démontrent des efforts publicitaires et de promotion d’une ample envergure de la part de la titulaire de la marque antérieure, notamment entre 2007 et 2014. En particulier, il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours aux points 36 à 38 de la décision attaquée, que les initiatives publicitaires prouvent la collaboration du mannequin à réputation internationale Mme Bündchen, qui a agi en tant qu’ambassadrice de la marque antérieure. De même, la marque antérieure a été représentée, en 2014 et en 2015, respectivement, par Mmes Carbonero et Lago, dont la qualité de grandes célébrités en Espagne n’est pas contestée par la requérante. Enfin, il y a lieu de souligner l’apparition à plusieurs reprises de la marque antérieure et des produits visés par celle-ci dans l’espace publicitaire d’une des chaînes télévisuelles principales espagnoles, à savoir, Telecinco, notamment dans le cadre d’un des programmes les plus populaires émis par cette chaîne, Gran Hermano.

43      Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, la chambre de recours n’a pas entaché sa décision d’une erreur d’appréciation en considérant, notamment au point 35 de la décision attaquée, que, malgré le caractère interne du rapport figurant à l’annexe 2, les informations qui y étaient contenues, relatives aux investissements publicitaires pour la marque antérieure, devaient être considérées comme fiables dans la mesure où elles avaient été corroborées par le reste des documents externes produits spécifiquement aux fins de la procédure administrative devant l’EUIPO et dont la véracité n’était pas contestée par la requérante.

44      S’agissant de l’impact des initiatives publicitaires de la titulaire de la marque antérieure, force est de constater, d’abord, que l’engagement de Mme Bündchen, en tant que mannequin à réputation internationale, a eu des répercussions publicitaires remarquables et notoires, notamment dans des revues à tirage national, tel qu’il ressort de l’annexe 16 du dossier de l’EUIPO. De même, Mmes Carbonero et Lago ont eu une large couverture médiatique en leur qualité d’ambassadrices de la marque antérieure, comme le démontrent les éléments ressortant des annexes 8 et 19 à 23. Enfin, la requérante ne saurait contester l’impact que, pour la renommée de la marque antérieure, ont eu les campagnes publicitaires de la titulaire de la marque antérieure, notamment, dans un des programmes télévisuels les plus populaires émis en prime time par une chaîne nationale.

45      Eu égard à ce qui précède, il convient de relever que la titulaire de la marque antérieure a développé d’importants efforts afin de promouvoir sa marque sur le marché de l’Espagne auprès du grand public, qui se sont traduits par des dépenses publicitaires annuelles élevées, entre 2012 et 2015, ainsi que par une présence médiatique importante, notamment, dans des journaux et magazines destinés au grand public. Même si la requérante considère que ce n’est qu’une seule partie des chiffres allégués par la titulaire de la marque antérieure qui peut être considérée comme étant consacrée à des fins réelles de publicité, la valeur des chiffres non-contestés demeure toujours élevée.

46      Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle il serait nécessaire de corroborer et d’étayer les chiffres de l’investissement publicitaire par des enquêtes ou des sondages, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence citée aux points 29 et 30 ci-dessus, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte nécessairement sur ce genre d’éléments. Quant à la référence à la pratique antérieure de l’EUIPO, qui serait, selon la requérante, différente de celle qui a été suivie dans la présente affaire, il suffit de rappeler également que, conformément à une jurisprudence constante, la légalité de décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur le fondement du règlement 2007/1001, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci [voir arrêt du 19 décembre 2019, Karlovarské minerální vody/EUIPO – Aguas de San Martín de Veri (VERITEA), T‑28/19, non publié, EU:T:2019:870, point 95 et jurisprudence citée]. En outre, si l’EUIPO doit prendre en considération les décisions déjà adoptées et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens, le respect du principe de légalité impose que l’examen de toute demande d’enregistrement soit strict et complet et ait lieu dans chaque cas concret, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépendant de critères spécifiques, applicables dans le cadre de circonstances factuelles de chaque cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 à 77).

47      Il s’ensuit que, en prenant en compte les volumes élevés de ventes de sandales et de chaussures de bain, les sommes allouées à la publicité, les personnalités d’influence publique engagées aux fins de la promotion de la marque antérieure, tant par le biais des magazines que par le biais des réseaux sociaux, ainsi que les preuves des diverses actions publicitaires d’ampleur nationale et locale, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que la renommée de la marque antérieure sur le territoire pertinent avait été démontrée à suffisance pour les « sandales et chaussures de bain ».

48      La première branche du moyen unique doit être rejetée.

 Sur la deuxième branche, tirée de l’appréciation erronée quant à l’existence d’un lien entre les marques en conflit

49      La requérante soutient que la chambre de recours a conclu à tort à l’existence d’un lien entre les marques en conflit, susceptible de créer un risque d’association entre les produits visés par la marque demandée et les produits visés par la marque antérieure en raison de la renommée de celle-ci. En particulier, la requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours quant à la proximité existant, selon la décision attaquée, entre les « lunettes [optique] », les « montures pour ces derniers (pour verres) » et les « lunettes de protection », relevant de la classe 9 et visées par la marque demandée, et les « sandales et chaussures de bain », relevant de la classe 25 et visées par la marque antérieure. Selon elle, aucun des facteurs qui, d’ordinaire, sont pris en compte pour évaluer le rapport entre les produits de deux marques différentes ne permet de conclure à l’existence d’une similitude entre lesdits produits. Ils n’auraient pas les mêmes nature, destination et utilisation, ne seraient pas concurrents et n’auraient aucun caractère complémentaire.

50      En ce qui concerne les « lunettes [optique] » et les « montures pour ces derniers (pour verres) », la requérante fait valoir que ces produits désignent des dispositifs médicaux destinés à corriger les problèmes de vue des personnes. En tant que tels, ils seraient réglementés de manière exhaustive tant par la législation nationale espagnole que par la législation de l’Union, qui limiteraient leurs canaux de distribution aux magasins d’optique et leurs moyens de promotion. La chambre de recours aurait ainsi commis une erreur en considérant qu’il s’agissait d’accessoires de mode proches des « sandales et chaussures de bain » protégées par la marque antérieure.

51      En ce qui concerne les « lunettes de protection », la requérante relève qu’il s’agit d’équipements de protection individuels, destinés au monde du travail et amplement règlementés. Dans ce contexte, les consommateurs ne sauraient établir aucun lien avec les produits visés par la marque antérieure.

52      L’EUIPO réfute ces arguments en faisant valoir qu’un lien entre les produits visés par la marque antérieure et les produits visés par la marque demandée peut être établi. En particulier, s’agissant des « lunettes de protection », il souligne que, s’il est vrai que cette catégorie comprend, notamment, des lunettes protégeant les yeux des impacts physiques ou du contact avec des substances nuisibles lors de travaux en bâtiment, en industrie ou en chimie, elle inclut également des modèles protégeant de la lumière intense, présentant dès lors une finalité proche ou identique à celle des « lunettes de soleil ».

53      Tel qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 vise, notamment, le risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée [voir arrêt du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 176 et jurisprudence citée].

54      Selon la jurisprudence, une telle atteinte est la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque demandée, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas (voir arrêt du 4 octobre 2017, GAPPOL, T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 182 et jurisprudence citée).

55      À défaut de l’existence d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice (voir arrêt du 4 octobre 2017, GAPPOL, T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 183 et jurisprudence citée).

56      L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure, et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (voir arrêt du 4 octobre 2017, GAPPOL, T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 184 et jurisprudence citée).

57      À titre liminaire, il convient de relever, d’une part, que, dans le cadre de la présente branche, la requérante se borne à critiquer l’appréciation de la chambre de recours quant à la proximité qu’elle a constatée entre les produits visés par les marques en conflit. En revanche, aucun de ses arguments n’est destiné à mettre en cause les appréciations effectuées par la chambre de recours en ce qui concerne le reste des facteurs qui, selon la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus, déterminent l’existence d’un lien entre deux marques au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Ces appréciations, qui ne sont pas entachées d’une erreur, doivent être entérinées.

58      D’autre part, il importe de noter qu’aucun des arguments de la requérante ne concerne les « lunettes de sport », relevant de la classe 9, pour lesquels l’enregistrement de la marque demandée a été refusé par la chambre de recours.

59      En ce qui concerne, en premier lieu, les « lunettes [optique] » et les « montures pour ces derniers (pour verres solaires) », la chambre de recours a, aux points 54 et 55 de la décision attaquée, fondé le lien entre ces produits et les produits visés par la marque antérieure, à savoir les « sandales et chaussures de bain », sur leur appartenance au domaine des accessoires de mode ainsi que sur le fait que les produits visés par la marque demandée comprenaient également les « lunettes de soleil », achetées d’ordinaire pendant la même période que celle des produits de la marque antérieure, à savoir la période estivale.

60      Le Tribunal constate que cette appréciation n’est pas entachée d’erreur.

61      En effet, même à considérer, comme la requérante le soutient, que les « lunettes » et les « montures pour ces derniers (pour verres) » n’appartiennent pas au domaine des accessoires de mode, mais qu’ils constituent des dispositifs médicaux vendus par des canaux de distribution différents, la définition des produits visés par la marque demandée comprend des « lunettes de soleil » ou des « montures de lunettes de soleil ». En conséquence, comme la chambre de recours l’a relevé, compte tenu du fait que les produits de la marque antérieure sont des « sandales et des chaussures de bain » et que les produits en cause sont acquis et utilisés principalement pendant la période estivale dans des situations qui coïncident, quel que soit leur canal de distribution, un lien entre ces produits pourrait être établi dans l’esprit des consommateurs. Dans ces circonstances, faute d’avoir établi une exception dans la définition des produits relevant de la classe 9 visés par la marque demandée, les arguments de la requérante doivent être rejetés.

62      Il convient d’ajouter, à l’instar de la chambre de recours aux points 52 et 53 de la décision attaquée, que, bien que les produits en cause ne partagent pas suffisamment de critères de similitude, comme la requérante le fait valoir en substance, une application valable de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 n’exige pas que les produits soient identiques ou similaires au point de susciter un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus.

63      En ce qui concerne, en second lieu, les « lunettes de protection », la chambre de recours a considéré, en substance, au point 48 de la décision attaquée, que celles-ci devaient être considérées comme similaires aux « lunettes de soleil » en ce que la catégorie « lunettes de protection » comprenait également les lunettes contre une lumière intense qui pourraient s’adresser au grand public. Cependant, il convient de considérer, à l’instar de la requérante, que les lunettes de protection constituent des équipements de protection individuels, destinés au monde du travail et que, même s’ils peuvent être utilisés comme protection contre une lumière intense, ils sont suffisamment différents des « lunettes de soleil », notamment en ce qui concerne leur finalité et leurs canaux de distribution, à savoir des magasins consacrés aux travaux manuels et industriels, afin d’éviter tout lien entre la marque demandée et la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. De surcroît, force est de constater que les « lunettes de protection » ne répondent pas à une utilisation saisonnière, surtout estivale, facteur qui, selon la chambre de recours, fonde la renommée de la marque antérieure.

64      Il s’ensuit que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant qu’un lien serait établi entre les marques en conflit s’agissant des « lunettes de protection ».

65      La deuxième branche du moyen unique invoqué doit dès lors être partiellement accueillie.

 Sur la troisième branche, tirée d’une appréciation erronée quant à l’existence d’un juste motif

66      La requérante estime que la chambre de recours a rejeté à tort l’existence d’un juste motif permettant l’enregistrement de la marque demandée. Un tel motif résulterait de la détention par la requérante de la titularité de la marque nationale espagnole figurative IPANEMA, en vigueur depuis 2013, identique à la marque demandée et visant, en substance, les mêmes produits que ceux pour lesquels la demande a été rejetée par la chambre de recours dans la décision attaquée. Selon la requérante, elle commercialise depuis 2014 les produits couverts par la marque nationale sans aucune opposition de la part de la titulaire de la marque antérieure, alors que celle-ci connaissait son existence et a expressément accepté son usage. L’absence de contestation de la marque nationale démontrerait qu’il n’existe aucun risque de confusion ou d’association aux yeux de la titulaire de la marque antérieure, qui concevrait les domaines de protection de ces marques comme suffisamment différents pour coexister sur le marché. En outre, la requérante fait valoir que l’opposition formée par la titulaire de la marque antérieure à l’encontre de la marque demandée pourrait être la conséquence de l’échec des négociations de collaboration commerciale entamées entre elles et de son souhait d’élargir la protection de la marque antérieure à des produits qui ne sont pas couverts par celle-ci. Enfin, la requérante souligne qu’il pourrait y avoir une incohérence si des verres pour lunettes portant sa marque nationale pouvaient être vendus dans une monture pour lunettes portant la marque antérieure.

67      L’EUIPO réfute ces arguments.

68      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante fonde une partie des arguments formulés dans le cadre de la présente branche sur les annexes A.28 et A.29 de sa requête, que l’EUIPO estime irrecevables au motif qu’elles ont été produites pour la première fois devant le Tribunal.

69      Il convient de rappeler que le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui [arrêts du 19 novembre 2008, Rautaruukki/OHMI (RAUTARUUKKI), T‑269/06, non publié, EU:T:2008:512, point 20, et du 23 janvier 2018, Wenger/EUIPO – Swissgear (SWISSGEAR), T‑869/16, non publié, EU:T:2018:23, point 21].

70      En conséquence, il y a lieu de déclarer irrecevables les annexes A.28 et A.29 de la requête, qui n’ont pas été produites par la requérante dans le cadre de la procédure administrative. Le contrôle de légalité doit dès lors être effectué au regard des seuls éléments qui ont été communiqués lors de cette procédure et qui figurent dans le dossier de l’EUIPO.

71      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler, d’une part, que, selon la conclusion établie au point 64 ci-dessus, la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en considérant que le public pertinent associerait la marque demandée apposée sur les « lunettes de protection » à la marque antérieure renommée pour désigner les « sandales et chaussures de bain ». Il y a dès lors lieu d’exclure de l’examen de la présente branche le premier groupe desdits produits.

72      D’autre part, il convient de relever que le juste motif justifiant l’enregistrement de la marque demandée découle, selon la requérante, du fait qu’elle est titulaire d’une marque nationale identique à la marque demandée et que la marque nationale coexiste avec la marque antérieure sur le territoire espagnol depuis 2014. Or, à cet égard, force est de constater que la marque nationale, telle que décrite par la requérante dans ses écritures, ne vise pas les « lunettes de sport », qui doivent dès lors rester en dehors du cadre d’examen de la présente branche. Par conséquent, les seuls produits qui pourraient être concernés par l’existence du juste motif invoqué par la requérante seraient les « lunettes (optique) » et les « montures pour ces derniers (pour verres) ».

73      Selon la jurisprudence, lorsque le titulaire de la marque antérieure est parvenu à démontrer l’existence soit d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, soit, à défaut, d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur, il appartient au titulaire de la marque postérieure d’établir que l’usage de cette marque a un juste motif [voir arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 67 et jurisprudence citée].

74      L’existence d’un juste motif permettant l’utilisation d’une marque portant atteinte à une marque de renommée doit être interprétée de manière restrictive [arrêt du 16 mars 2016, The Body Shop International/OHMI – Spa Monopole (SPA WISDOM), T‑201/14, non publié, EU:T:2016:148, point 65].

75      En l’occurrence, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant, au point 71 de la décision attaquée, que la simple condition de titulaire d’une marque nationale ne conférait pas le droit d’enregistrer le même signe en tant que marque de l’Union européenne si, comme dans la présente espèce, l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 était susceptible d’empêcher un tel enregistrement en raison de l’existence d’une marque renommée antérieure. En effet, force est de constater que les marques nationales et les marques de l’Union européenne confèrent des droits de protection différents régis par des législations également différentes et pour l’enregistrement desquels il existe des procédures d’examen indépendantes. À cet égard, il convient de souligner, à l’instar de l’EUIPO, que la Cour a dit pour droit que le fait que, dans une partie de l’Union, une marque renommée et un signe coexistaient pacifiquement ne permettait pas de conclure que dans une autre partie de l’Union, où cette coexistence paisible pourrait faire défaut, il y avait un juste motif légitimant l’usage de ce signe (voir, par analogie, arrêt du 20 juillet 2017, Ornua, C‑93/16, EU:C:2017:571, point 60).

76      Ensuite, il convient de relever que la requérante n’a pas fourni, lors de la procédure administrative devant l’EUIPO, des preuves susceptibles de démontrer la coexistence des marques sur le marché espagnol et d’établir, en particulier, que la marque demandée n’avait pas tiré profit de la renommée de la marque antérieure s’agissant des « lunettes (optique) » et des « montures pour ces derniers (pour verres) ». Comme la chambre de recours l’a indiqué à juste titre au point 70 de la décision attaquée, les éléments de preuve soumis par la requérante sur ce point ne démontrent ni l’usage par la titulaire de la marque antérieure d’un signe identique à celui de la marque demandée ni une coexistence entre les marques au cours de laquelle il n’y aurait pas eu de profit indu. De surcroît, force est de constater que la requérante n’a pas démontré que la commercialisation de ses produits avait eu lieu avant que la marque antérieure n’ait acquis une renommée.

77      Par ailleurs, pour autant que, par ses arguments, la requérante viserait à mettre en question, à nouveau, la renommée de la marque antérieure pour les produits qu’elle vise et le risque d’association entre les marques, il convient de les écarter à la lumière de la conclusion établie au point 47 ci-dessus.

78      De surcroît, il y a lieu de rejeter les arguments formulés par la requérante aux fins d’expliquer que l’opposition formée par la titulaire de la marque antérieure à l’encontre de la marque demandée serait la conséquence de l’échec des négociations de collaboration commerciale entamées entre elles. Outre le caractère hypothétique de ces arguments, ce que la requérante reconnaît elle-même, force est de constater qu’ils ne sont pas de nature à démontrer l’existence d’un motif qui justifierait l’enregistrement de la marque demandée malgré le profit indu qu’elle serait susceptible d’en tirer au détriment de la renommée de la marque antérieure.

79      Enfin, force est de constater que, dès lors que la marque antérieure n’est pas enregistrée pour des montures pour lunettes, l’hypothèse selon laquelle il pourrait y avoir une incohérence pour le consommateur si des verres pour lunettes portant la marque nationale pouvaient être vendus dans une monture portant la marque antérieure doit être rejetée comme étant inopérante.

80      Il s’ensuit que la requérante est restée en défaut d’avancer une raison convaincante permettant de considérer que l’utilisation de la marque demandée serait fondée sur un juste motif au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Dans ces circonstances, la chambre de recours était fondée à conclure qu’il serait fait usage de la marque demandée par la requérante sans juste motif.

81      La troisième branche du moyen unique doit dès lors être rejetée.

82      Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle a rejeté le recours de la requérante pour les « lunettes de protection », relevant de la classe 9, et de rejeter le premier chef de conclusions pour le surplus.

 Sur les deuxième et troisième chefs de conclusions, visant l’annulation de la décision de la division d’opposition et l’enregistrement de la marque demandée

83      Par ses deuxième et troisième chefs de conclusions, la requérante demande respectivement au Tribunal d’annuler la décision de la division d’opposition du 10 juillet 2018 et d’ordonner l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés par celle-ci.

84      L’EUIPO estime que les deuxième et troisième chefs de conclusions doivent être rejetés comme étant irrecevables.

85      En premier lieu, s’agissant de la demande en annulation de la décision de la division d’opposition, la requérante demande, en substance, la réformation de la décision attaquée, telle qu’elle est prévue à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Ferienhäuser zum See/OHMI – Sunparks Groep (Sun Park Holidays), T‑383/12, non publié, EU:T:2014:12, point 18 et jurisprudence citée].

86      Il y a lieu de rappeler que le pouvoir de réformation, reconnu au Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, n’a pas pour effet de conférer à celui-ci le pouvoir de procéder à une appréciation sur laquelle la chambre de recours n’a pas encore pris position. L’exercice du pouvoir de réformation doit, par conséquent, en principe, être limité aux situations dans lesquelles le Tribunal, après avoir contrôlé l’appréciation portée par ladite chambre, est en mesure de déterminer, sur la base des éléments de fait et de droit tels qu’ils sont établis, la décision que la chambre de recours était tenue de prendre [voir arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 129 et jurisprudence citée].

87      En l’espèce, la chambre de recours a pris position, dans la décision attaquée, sur tous les aspects liés à la contestation par la requérante au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Le Tribunal dispose dès lors du pouvoir de réformer ladite décision sur ce point.

88      Or, il résulte des considérations exposées au point 64 ci-dessus que la chambre de recours, ainsi que la division d’opposition, étaient tenues de constater que le public pertinent n’associerait pas la marque demandée apposée sur les « lunettes de protection » à la marque antérieure renommée pour désigner les « sandales et chaussures de bain ».

89      Au regard de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les conditions pour l’exercice du pouvoir de réformation du Tribunal sont réunies et que l’opposition doit être rejetée pour l’intégralité des produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé, à l’exception des « lunettes (optique) », des « montures pour ces derniers (pour verres) » et des « lunettes de sport », relevant de la classe 9.

90      En second lieu, s’agissant de la demande d’ordonner l’enregistrement de la marque demandée pour tous les produits visés par celle-ci, les instances de l’EUIPO compétentes en la matière n’adoptent pas de décision formelle constatant l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne qui pourrait faire l’objet d’un recours. Par conséquent, la chambre de recours n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union européenne.

91      Dans ces circonstances, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens [ordonnance du 30 juin 2009, Securvita/OHMI (Natur-Aktien-Index), T‑285/08, EU:T:2009:230, points 17 et 20 à 23 ; arrêts du 15 décembre 2011, Mövenpick/OHMI (PASSIONATELY SWISS), T‑377/09, non publié, EU:T:2011:753, point 11, et du 28 novembre 2013, Vitaminaqua/OHMI – Energy Brands (vitaminaqua), T‑410/12, non publié, EU:T:2013:615, point 17].

92      Partant, il y a lieu de rejeter ladite demande comme irrecevable.

 Sur les dépens

93      Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens.

94      En l’espèce, la requérante et l’EUIPO ont partiellement succombé, dans la mesure où la décision attaquée est partiellement annulée.

95      Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que chaque partie supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 février 2019 (affaire R 1785/2018-2) est annulée en ce qu’elle a rejeté le recours de Divaro, SA pour les « lunettes de protection », relevant de la classe 9.

2)      L’opposition est rejetée pour l’intégralité des produits visés dans la demande d’enregistrement, à l’exception des « lunettes (optique) », « montures pour ces derniers (verres) » et « lunettes de sport », relevant de la classe 9.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Costeira

Kancheva

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.