Language of document : ECLI:EU:T:2015:758

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

7 octobre 2015 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire tridimensionnelle – Forme d’un smiley avec des yeux en cœur – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑656/13,

The Smiley Company SPRL, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes A. Freitag et C. Albrecht, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. P. Geroulakos et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 8 octobre 2013 (affaire R 997/2013‑4), concernant une demande d’enregistrement d’un signe tridimensionnel constitué par la forme d’un smiley avec des yeux en cœur comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz (rapporteur) et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. I. Dragan, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 10 décembre 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 février 2013,

à la suite de l’audience du 5 mars 2015,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 25 septembre 2012, la requérante, The Smiley Company SPRL, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe tridimensionnel reproduit ci-après

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3        La requérante a qualifié la marque demandée, lors du dépôt de la demande d’enregistrement, de marque tridimensionnelle.

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Viande, poisson, volaille et gibier ; extraits de viande ; fruits et légumes conservés, congelés, séchés et cuits ; gelées, confitures, compotes ; œufs ; lait et produits laitiers ; huiles et graisses comestibles » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao et succédanés du café ; riz ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisserie et confiserie ; glaces alimentaires; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ».

5        Le 24 septembre 2012, l’examinateur a informé la requérante de ses objections à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée en ce qui concerne les produits suivants : « Préparations faites de céréales ; pain, pâtisserie et confiserie ».

6        Par lettre du 25 janvier 2013, la requérante a répondu auxdites objections.

7        Par décision du 5 avril 2013, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement en ce qui concerne les produits indiqués au point 5 ci‑dessus, au motif que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

8        Le 30 mai 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI contre la décision de l’examinateur.

9        Par décision du 8 octobre 2013, la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté ce recours (ci-après la « décision attaquée »).

10      Afin de parvenir à cette solution, la chambre de recours a estimé que les produits en cause étaient des produits alimentaires de base destinés au consommateur moyen, qui est censé être normalement informé, attentif et avisé. La représentation du signe demandé montrerait la forme des produits proprement dits, qui consiste en une forme tridimensionnelle circulaire comportant une ligne courbe dont les deux extrémités sont dirigées vers le haut et des trous en forme de cœurs. La forme ainsi créée correspond, selon la chambre de recours, à un visage souriant. La chambre de recours a considéré que la forme circulaire était très basique et couramment utilisée pour les produits en cause. Or, tous les produits rejetés seraient couramment proposés dans des formes géométriques de base, telles que des cercles, ornés d’une vaste gamme d’éléments, comme des visages souriants et des cœurs, qui seraient largement utilisés pour exprimer des émotions positives. Ainsi, le public concerné percevrait la marque demandée comme un simple élément décoratif remplissant des fonctions ornementales ou esthétiques ou comme un élément élogieux soulignant les caractéristiques positives des produits. Le signe ne serait pas perçu comme une indication d’origine. Selon la chambre de recours, les exemples de biscuits, confiseries et céréales pour petit-déjeuner présentés par la requérante ne suffisent pas à établir le caractère distinctif du signe demandé. En ce qui concerne l’argument que la requérante a tiré de l’enregistrement des signes similaires par le passé, la chambre de recours considère, en substance, que les décisions antérieures ne lient pas l’OHMI.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui du recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009.

14      Elle estime que c’est à tort que la chambre de recours a nié à la marque demandée le degré minimal de caractère distinctif pour les produits « Préparations faites de céréales ; pain, pâtisserie et confiserie ».

15      La chambre de recours aurait examiné les « cercles », « visages souriants » et « cœurs » de manière générale, sans examiner la forme spécifique en cause. Or, un examen de la marque demandée dans son ensemble révélerait un visage rond souriant avec des yeux stylisés en forme de cœurs qui personnifie les produits en question d’une manière mignonne et amusante et crée une impression surprenante et mémorisable par le public, qui lui permet de percevoir le signe en question comme une désignation de l’origine commerciale.

16      La requérante ajoute que c’est à tort que la chambre de recours a conclu qu’un visage souriant, au seul motif qu’il était couramment utilisé, sera perçu comme un simple élément décoratif remplissant des fonctions ornementales ou esthétiques, ou comme un élément purement élogieux, soulignant les caractéristiques positives des produits, leur bon goût, leur qualité. Cette impression supposerait que les signes composés d’un visage souriant sont, de manière générale, dépourvus de caractère distinctif. Toutefois, selon la pratique de l’OHMI, les émoticônes possèdent un caractère distinctif suffisant. Au support de cet argument, elle fournit une liste de 32 signes représentant des visages ronds exprimant des émotions diverses et qui ont été enregistrés en tant que marques figuratives. Or, comme les critères d’appréciation du caractère distinctif d’une marque tridimensionnelle ne doivent pas être plus stricts que ceux appliqués aux marques d’autres catégories, il n’y aurait aucune raison pour soumettre le signe, dont l’enregistrement est demandé en l’espèce, à une appréciation différente.

17      De plus, des signes tridimensionnels presque identiques pour des produits identiques auraient déjà été enregistrés par l’OHMI. Le signe demandé étant encore plus particulier que les signes précédemment enregistrés, une appréciation différente de son caractère distinctif serait injustifiable. À l’audience, la requérante a ajouté que la décision attaquée a de ce fait violé le principe de non-discrimination ainsi que ses attentes légitimes.

18      Enfin, la forme demandée différerait clairement des formes présentes sur le marché de l’Union. Alors que l’OHMI n’aurait présenté aucun exemple du contraire, la requérante aurait produit une liste d’exemples de formes usuelles, présentes sur le marché pour les produits visés par le rejet, dont aucune ne contiendrait des yeux en forme de cœur ou un visage souriant. En particulier, les formes typiques utilisées pour le pain divergeraient de manière significative de la marque demandée.

19      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

20      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les « marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ».

21      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises [voir arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, Rec, EU:C:2004:258, point 34 et jurisprudence citée, et du 11 avril 2014, Olive Line International/OHMI (OLIVE LINE), T‑209/13, EU:T:2014:216, point 18 et jurisprudence citée].

22      Un minimum de caractère distinctif suffit afin que le motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 ne soit pas applicable [arrêt du 14 mars 2014, Lardini/OHMI (Apposition d’une fleur sur un col), T‑131/13, EU:T:2014:129, point 16].

23      Ce caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué de consommateurs moyens desdits produits ou services, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés (arrêts Henkel/OHMI, point 21 supra, EU:C:2004:258, point 35, et OLIVE LINE, point 21 supra, EU:T:2014:216, point 19).

24      Selon une jurisprudence constante, les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques (voir arrêt OLIVE LINE, point 21 supra, EU:T:2014:216, point 20 et jurisprudence citée).

25      Cependant, dans le cadre de l’application de ces critères, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’une marque tridimensionnelle, constituée par l’apparence du produit lui-même, que dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’apparence des produits qu’elle désigne. En effet, les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif s’agissant d’une telle marque tridimensionnelle que s’agissant d’une marque verbale ou figurative (voir arrêt OLIVE LINE, point 21 supra, EU:T:2014:216, point 21 et jurisprudence citée).

26      Dans ces conditions, plus la forme dont l’enregistrement est demandé en tant que marque se rapproche de la forme la plus probable que prendra le produit en cause, plus il est vraisemblable que ladite forme soit dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Seule une marque qui, de manière significative, diverge de la norme ou des habitudes du secteur et, de ce fait, est susceptible de remplir sa fonction essentielle d’identification de l’origine, n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de ladite disposition. Dès lors, lorsqu’une marque tridimensionnelle est constituée de la forme du produit pour lequel l’enregistrement est demandé, le simple fait que cette forme soit une variante d’une des formes habituelles de ce type de produits ne suffit pas à établir que ladite marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il convient toujours de vérifier si une telle marque permet au consommateur moyen de ce produit, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, de distinguer, sans procéder à une analyse et sans faire preuve d’une attention particulière, le produit concerné de ceux d’autres entreprises (voir arrêt OLIVE LINE, point 21 supra, EU:T:2014:216, point 22 et jurisprudence citée).

27      Dans le cadre de cette appréciation, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble que la marque produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés par cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt OLIVE LINE, point 21 supra, EU:T:2014:216, point 30 et jurisprudence citée).

28      Par ailleurs, dans la mesure où une requérante se prévaut du caractère distinctif de la marque demandée, en dépit de l’analyse de la chambre de recours fondée sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de grande consommation, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif, étant donné qu’elle est beaucoup plus à même de le faire, au regard de sa connaissance approfondie du marché [voir arrêt du 16 janvier 2014, Steiff/OHMI (Bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche), T‑433/12, EU:T:2014:8, point 22 et jurisprudence citée].

29      De même, il importe de rappeler que la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque, de sorte que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes. Finalement, il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve du caractère usuel de la forme dans le commerce pour établir le manque de caractère distinctif de la marque demandée (voir arrêt Bouton en métal au milieu de l’oreille d’une peluche, point 28 supra, EU:T:2014:8, point 33 et jurisprudence citée).

30      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

31      En premier lieu, force est de constater que l’argument de la requérante, selon lequel la chambre de recours n’a pas apprécié la marque demandée dans son ensemble, manque en fait. Si la chambre de recours a examiné dans un premier temps les différents éléments constitutifs de la marque demandée, il ressort clairement de la décision attaquée, notamment de ses points 14 à 16, qu’il a été procédé à l’examen du caractère distinctif du signe en question dans son ensemble. Une telle méthodologie est tout à fait conforme à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus.

32      Ainsi, la chambre de recours a qualifié au point 14 de la décision attaquée la « forme » créée par les éléments constitutifs de la marque demandée comme un visage souriant. Au point 15 de la décision attaquée, il est indiqué que « [l]e signe sera perçu par le public concerné comme un simple élément décoratif remplissant des fonctions ornementales ou esthétiques ou comme un élément purement élogieux soulignant les caractéristiques positives des produits […] plutôt que comme une indication d’origine ». De même, il ressort du point 16 de cette même décision que « la forme de cœur adoptée pour les yeux de smiley ne donnera pas au signe un caractère distinctif, mais sera perçue comme purement ornementale ». En raisonnant de cette manière, c’est à la marque demandée prise dans son ensemble et non à ses éléments constitutifs que la chambre de recours s’est référée dans son examen, lorsqu’elle a employé les termes « forme » et « signe ».

33      En deuxième lieu, en ce qui concerne l’appréciation de l’existence du caractère distinctif de la marque en question, il importe de relever, tout d’abord, que la requérante n’a pas contesté le constat figurant au point 13 de la décision attaquée, selon lequel « les produits en cause [étaient] des produits alimentaires de base destinés au consommateur moyen qui est censé être raisonnablement informé, attentif et avisé ».

34      Ensuite, il convient de rappeler que le caractère distinctif de la marque demandée ne saurait tout simplement découler de l’éventuel caractère distinctif de plusieurs marques figuratives de la requérante enregistrées comme marques communautaires. Dans la mesure où la marque demandée est un signe tridimensionnel qui pourrait coïncider avec l’apparence des produits concernés, il y a lieu de vérifier si elle diverge de manière significative de la norme ou des habitudes des secteurs dont sont issues les préparations faites de céréales, des secteurs de la boulangerie et de la pâtisserie, ainsi que celui de la confiserie et, de ce fait, serait susceptible de remplir sa fonction essentielle d’identification de l’origine (voir points 24 à 26 ci-dessus).

35      À cet égard, ainsi qu’il ressort en substance des points 15 et 16 de la décision attaquée, force est de constater que les consommateurs, habitués à une très grande diversité des produits en question, de leurs formes et de leurs décorations, n’ont pas l’habitude de percevoir ces derniers éléments en tant qu’indicateur d’origine (voir, en ce sens, arrêt OLIVE LINE, point 21 supra, EU:T:2014:216, point 21 et jurisprudence citée). Or, ni la forme ronde assortie, le cas échéant, de traits, de trous ou de reliefs en forme de courbe ou de cœurs, ni la forme en question considérée dans son ensemble, représentant un visage souriant aux yeux en forme de cœur, ne présente de particularité, ni ne se distingue de manière significative des habitudes des secteurs concernés.

36      Les éléments constitutifs de la marque demandée pris individuellement et la forme créée prise dans son ensemble ne seront perçus par les consommateurs en question que comme des variantes possibles, voire courantes de la présentation ainsi que de la décoration des produits désignés.

37      La forme de smiley des produits concernés pourrait également être destinée à véhiculer des sentiments positifs ou d’affection lorsque de tels produits sont offerts, voire, ainsi que l’indique la chambre de recours, à communiquer un message positif sur les produits en question ou susciter l’opinion favorable quant aux propriétés et aux qualités de ces derniers.

38      Toutefois, il est exclu qu’au-delà de leur effet décoratif, affectif ou laudatif, les consommateurs moyens, raisonnablement informés, attentifs ou avisés attribueront au signe en question une fonction d’identification de l’origine des produits concernés. Face à l’abondance des formes dans les secteurs concernés, la marque demandée n’est pas susceptible d’indiquer l’origine commerciale [voir, par analogie, arrêt du 6 juillet 2011, Timehouse/OHMI (Forme d’une montre à bords dentelés) (T‑235/10, EU:T:2011:331, point 31)].

39      Cette conclusion se trouve corroborée par la jurisprudence, selon laquelle une marque demandée consistant en une forme de chocolat dont la face supérieure représentait un animal ne se détache pas de l’ensemble des formes existant dans ce secteur au point de susciter spécialement l’attention du consommateur. En effet, ce dernier n’y verrait qu’une configuration décorative, à laquelle il n’accorderait toutefois pas une attention particulière et qu’il ne se donnerait pas la peine d’analyser [arrêt du 17 décembre 2010, Storck/OHMI (Forme d’une souris en chocolat), T‑13/09, EU:T:2010:552, point 32]. Il ressort en outre de l’arrêt du 30 avril 2003, Axions et Belce/OHMI (Forme de cigare de couleur brune) (T‑324/01 et T‑110/02, Rec, EU:T:2003:123, point 35) que, en ce qui concerne les produits de confiserie et de pâtisserie, les consommateurs moyens ne procèdent pas à une analyse détaillée de la forme des produits concernés et ils ne leur apportent qu’un faible degré d’attention. Il en est de même dans les secteurs dont sont issues les préparations faites de céréales et de boulangerie, pour lesquelles les consommateurs sont également habitués à une grande variété de formes et de décorations (voir point 35 ci-dessus), si bien qu’ils ne percevront pas le signe demandé en tant qu’une identification de l’origine commerciale.

40      Enfin, si la requérante fait valoir en particulier qu’un pain en forme de la marque demandée créerait une impression surprenante et qu’il se distinguerait des formes typiques présentes sur le marché, elle n’avance aucun élément de preuve en ce sens. Cependant, dans la mesure où elle conteste des conclusions de la chambre de recours fondées sur l’expérience pratique généralement acquise de la commercialisation de produits de grande consommation, c’est à elle qu’il appartient de fournir des indications concrètes et étayées établissant que la marque demandée est dotée d’un caractère distinctif (voir point 28 ci-dessus). En tout état de cause, s’il est vrai que les formes les plus courantes de pain, un aliment de base, ne sont pas décorées, voire qu’elles le sont moins que les préparations faites de céréales et les produits de pâtisserie et de confiserie, il n’en reste pas moins que l’existence de nombreux types de pain présents sur le marché abondamment décorés, est notoire et que les consommateurs y sont habitués.

41      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu que le signe en question n’avait pas de caractère distinctif au regard de préparations faites de céréales ; de pain, de pâtisserie et de confiserie.

42      Par ailleurs, l’argument, invoqué par la requérante lors de l’audience, selon lequel les produits en cause ne prendront pas forcément la forme du signe demandé, ne saurait prospérer. En effet, il suffit qu’il soit possible que le signe demandé coïncide avec la forme des produits en cause [voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2009, Alber/OHMI (Poignée), T‑391/07, EU:T:2009:336, point 55]. À cet égard, il importe également de rappeler que, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes. Or, il découle de ce qui précède que le signe demandé se rapproche d’une manière suffisante des formes courantes et donc probables que pourraient prendre les produits en cause. Au demeurant, il ressort clairement de la requête, et en particulier de son point 16, que la requérante envisage d’assortir les produits en cause de la forme de la marque demandée.

43      En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de ce que l’OHMI a déjà enregistré des marques tridimensionnelles similaires ou presque identiques, il y a lieu de rappeler que l’OHMI est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration [arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, Rec, EU:C:2011:139, point 73, et ordonnance du 12 décembre 2013, Getty Images (US)/OHMI, C‑70/13 P, EU:C:2013:875, point 41].

44      Eu égard à ces deux derniers principes, l’OHMI doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens [voir arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 43 supra, EU:C:2011:139, point 74 et jurisprudence citée ; ordonnance Getty Images (US)/OHMI, point 43 supra, EU:C:2013:875, point 42].

45      Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une éventuelle illégalité commise en sa faveur ou au bénéfice d’autrui afin d’obtenir une décision identique [voir, en ce sens, arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 43 supra, EU:C:2011:139, points 75 et 76 et jurisprudence citée ; ordonnance Getty Images (US)/OHMI, point 43 supra, EU:C:2013:875, point 43, et arrêt du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, Rec, EU:T:2014:891, point 36].

46      Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [arrêt Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, point 43 supra, EU:C:2011:139, point 77, et ordonnance Getty Images (US)/OHMI, point 43 supra, EU:C:2013:875, point 44].

47      En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour que les considérations rappelées aux points 43 à 46 du présent arrêt sont valables même si le signe dont l’enregistrement en tant que marque communautaire est demandé est composé de manière identique à une marque dont l’OHMI a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque communautaire et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé (ordonnance Getty Images (US)/OHMI, point 43 supra, EU:C:2013:875, point 45).

48      En l’espèce, il ressort de l’examen effectué aux points 33 à 41 ci-dessus que la chambre de recours a, à juste titre, constaté, sur la base d’un examen complet et en tenant compte de la perception du public pertinent, que la demande de marque communautaire présentée par la requérante se heurtait au motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Il s’ensuit que, conformément à la jurisprudence citée aux points 43 à 47 ci-dessus, cette appréciation ne peut pas être remise en cause au seul motif que la chambre de recours n’aurait pas suivi, en l’espèce, la pratique décisionnelle de l’OHMI (voir, en ce sens, arrêt GRAPHENE, point 45 supra, EU:C:2014:891, point 37 et la jurisprudence citée). Ainsi, et pour les mêmes raisons, le grief spécifique tiré de la violation du principe de non-discrimination et des attentes légitimes doit être également rejeté. Il convient de souligner en particulier que, eu égard aux motifs indiqués aux points 43 à 47 ci-dessus, les décisions antérieures de l’OHMI ne sauraient être constitutives d’attentes légitimes.

49      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      The Smiley Company SPRL est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 octobre 2015.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.