Language of document : ECLI:EU:T:2000:157

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

20 juin 2000 (1)

«Recours en annulation - Dumping - Irrecevabilité»

Dans l'affaire T-597/97,

Euromin SA, établie à Genève (Suisse), représentée initialement par Mes D. Horovitz, J. Bäverbrant, G. Vandersanden, N. Stockwell, avocats au barreau de Bruxelles, et M. N. Robson, solicitor, puis par Mes Horovitz, Vandersanden, Stockwell, M. E. Pitt et Mme S. Sheppard, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire SARL, 2-4, rue Beck,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. S. Marquardt, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Mes H.-J. Rabe et G. Berrisch, avocats à Hambourg et à Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. A. Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

soutenu par

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Kreuschitz et N. Khan, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg, auprès de M. C. Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d'annulation du règlement (CE) n° 1931/97 du Conseil, du 22 septembre 1997, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de zinc non allié sous forme brute originaire de Pologne et de Russie et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 272, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. M. Jaeger, président, K. Lenaerts, Mme V. Tiili, MM. J. Azizi et P. Mengozzi, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 6 juillet 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige et procédure

1.
    Le 10 juin 1994, l'Association européenne des métaux (Eurométaux) a déposé une plainte devant la Commission selon laquelle les importations de zinc non allié sous forme brute, originaire du Kazakhstan, de Pologne, de Russie, d'Ukraine et de l'Ouzbékistan, feraient l'objet de pratiques de dumping.

2.
    Le 9 juin 1995, à la suite de cette plainte, la Commission a publié un avis d'ouverture d'une procédure antidumping (JO C 143, p. 12)

3.
    La requérante ne s'est pas fait connaître dans le délai fixé dans l'avis d'ouverture.

4.
    Le 25 mars 1997, la Commission a, en vertu du règlement (CE) n° 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l'objet d'un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO L 56, p. 1), adopté la décision 97/223/CE clôturant la procédure antidumping concernant les importations de zinc non allié sous forme brute originaire du Kazakhstan, d'Ukraine et de l'Ouzbékistan (JO L 89, p. 47).

5.
    Le même jour, la Commission a arrêté le règlement (CE) n° 593/97 instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de zinc non allié sous forme brute originaire de Pologne et de Russie (JO L 89, p. 6, ci-après le «règlement de la Commission»).

6.
    Le 9 avril 1997, la requérante a demandé à la Commission des informations sur les éléments de fait sur lesquels ce règlement repose et a demandé à être entendue.

7.
    Le 18 avril 1997, la requérante a exprimé ses doutes sur le bien-fondé de l'analyse factuelle retenue par la Commission dans son règlement et réitéré sa demande à être entendue.

8.
    Le 28 avril 1997, la Commission a informé la requérante qu'elle ne pourrait pas être entendue car elle ne s'était pas fait connaître dans le délai fixé dans l'avis d'ouverture de la procédure.

9.
    Par lettre du 4 juillet 1997, la Commission a informé la requérante qu'elle serait finalement entendue et l'a autorisée à déposer des observations.

10.
    Le 18 juillet 1997, la requérante a été entendue par la Commission. Elle a déposé un mémoire exposant ses observations sur le règlement de la Commission. Dans celui-ci, elle a prétendu être un exportateur russe et a fait grief à la Commission de ne pas lui avoir envoyé de questionnaire relatif à l'enquête sur les pratiques de dumping incriminées. Elle a allégué avoir commercé avec plusieurs entreprises membres de l'association plaignante et a attribué l'absence de mention de son nom dans la plainte à la volonté des membres de l'association plaignante de l'évincer du marché en l'empêchant de se défendre correctement. Elle a admis avoir adopté une attitude passive d'attente, étant convaincue que la Commission conclurait à l'absence de dumping.

11.
    Le 28 juillet 1997, la Commission a informé certains intéressés des principaux faits et considérations sur la base desquels elle envisageait de recommander au Conseil l'imposition de droits définitifs et la perception définitive des montants garantis par un droit provisoire, éléments dont la requérante a eu ultérieurement connaissance.

12.
    Par télécopie du 31 juillet 1997, la Commission a informé la requérante de sa position quant aux observations de cette dernière.

13.
    Le 31 août 1997, la requérante a présenté de nouvelles observations sur les constatations et conclusions de la Commission.

14.
    Le 22 septembre 1997, le Conseil a arrêté le règlement (CE) n° 1931/97, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de zinc non allié sous forme brute originaire de Pologne et de Russie et portant perception définitive du droit provisoire (JO L 272, p. 1, ci-après le «règlement attaqué»). Le Conseil a, notamment, institué, en ce qui concerne les importations russes, un droit antidumping équivalent à 5,2 % du prix net franco frontière communautaire avant dédouanement (article 1er, paragraphe 3, du règlement attaqué). Le Conseil a confirmé presque toutes les conclusions contenues dans le règlement de la Commission.

15.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 décembre 1997, la requérante a introduit le présent recours.

16.
    Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 1er avril 1998, le défendeur a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

17.
    Le 7 avril 1998, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

18.
    Le 28 avril 1998, la requérante a introduit une demande de traitement confidentiel de certaines informations.

19.
    La requérante a présenté ses observations sur l'exception d'irrecevabilité le 17 juin 1998.

20.
    Par décision du 26 octobre 1998, le Tribunal a joint l'incident au fond.

21.
    Par ordonnance du 20 avril 1999, le Tribunal a admis la Commission à intervenir à l'appui des conclusions du défendeur et rejeté la demande de traitement confidentiel.

22.
    Le 16 mars 1999, le Tribunal a, en application de l'article 64, paragraphe 3, du règlement de procédure, invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites. Les parties ont donné suite à ces mesures d'instruction dans le délai imparti.

23.
    Par lettre du 17 mai 1999, la requérante a renoncé au dépôt d'un mémoire en réplique.

24.
    L'intervenante a déposé son mémoire le 4 juin 1999, date de clôture de la procédure écrite.

25.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries à l'audience du 6 juillet 1999.

Conclusions des parties

26.
    Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler les articles 1er et 2 du règlement attaqué dans la mesure où ils lui sont applicables;

-    déclarer le règlement attaqué invalide à son égard;

-    ordonner au Conseil de prendre les mesures nécessaires pour se conformer au dispositif, en veillant à ce que tous les droits provisoires et définitifs ayant été payés par elle lui soient intégralement remboursés en sus des intérêts légaux sur ces montants;

-    condamner le défendeur aux dépens.

27.
    Le défendeur a soulevé une exception d'irrecevabilité et conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer le recours irrecevable;

-    subsidiairement, le déclarer non fondé;

-    condamner la requérante aux dépens.

28.
    Dans ses observations sur l'exception d'irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter l'exception d'irrecevabilité ou, subsidiairement, joindre l'exception d'irrecevabilité au fond;

-    condamner le défendeur aux dépens.

29.
    Dans son mémoire en intervention, l'intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme irrecevable ou, subsidiairement, comme non fondé.

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

30.
    Selon le défendeur, la demande de la requérante ne satisfait pas aux critères jurisprudentiels de recevabilité des recours formés par des particuliers contre des règlements antidumping. Ces critères seraient les suivants:

-    les exportateurs-producteurs sont, en principe, individuellement concernés s'ils ont été accusés de pratiques de dumping, s'ils ont été identifiés dans les règlements attaqués ou s'ils sont concernés par les enquêtes préliminaires;

-    les importateurs liés avec des exportateurs-producteurs sont, en principe, individuellement concernés si les constatations de dumping ou les constatations relatives au montant du droit ont été faites en fonction de leur prix de revente;

-     les importateurs non liés ne sont, en principe, pas individuellement concernés sauf s'ils peuvent établir l'existence de qualités qui leurs sont particulières ou de circonstances qui les caractérisent par rapport à tous les autres importateurs non liés;

-    les exportateurs non producteurs doivent être traités comme des importateurs liés ou non liés selon que la marge de dumping a, ou n'a pas, été établie en fonction de leurs prix;

-    les sociétés vendant sous leur propre marque des produits fabriqués par d'autres («original equipment manufacturers» - OEM) sont, en principe, individuellement concernées si les institutions communautaires ont pris en considération, pour construire la valeur normale, les particularités des ventes conclues entre elles et les exportateurs.

31.
    En l'espèce, les informations fournies par la requérante durant la procédure administrative ne permettraient pas de déterminer le rôle exact joué par la requérante dans le commerce du zinc entre la Russie et la Communauté.

32.
    La requérante ne serait pas non plus identifiée dans le règlement attaqué car les constatations relatives à l'existence d'une pratique de dumping ainsi qu'à la marge de dumping ne seraient pas fondées sur sa situation individuelle (ordonnances de la Cour du 8 juillet 1987, Sermes/Commission, 279/86, Rec. p. 3109, points 17 et 19, Frimodt Pedersen/Commission, 301/86, Rec. p. 3123, points 17 et 19, et du 11 novembre 1987, Nuova Ceam/Commission, 205/87, Rec. p. 4427, points 14 et 16). Du reste, la Commission n'aurait pu arrêter ses conclusions définitives, en particulier le prix à l'exportation, sur des données relatives à la requérante, dès lors que cette dernière ne se serait pas fait connaître dans le délai fixé dans l'avis d'ouverture de la procédure et qu'elle n'aurait pas coopéré à l'enquête.

33.
    Le défendeur, soutenu par l'intervenante, ajoute que le simple fait que la requérante ait, à un stade ultérieur de la procédure, présenté des observations à la Commission en application de l'article 2, premier alinéa, du règlement de la Commission et que ces arguments soient évoqués dans le règlement attaqué serait insuffisant pour individualiser la requérante au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité CE (devenu, après modification, article 230, quatrième alinéa, CE). En effet, la distinction entre le règlement et la décision ne pourrait être fondée que sur la nature de l'acte même et les effets juridiques qu'il produit et non pas sur les modalités de son adoption (arrêt de la Cour du 6 octobre 1982, Alusuisse/Conseil et Commission, 307/81, Rec. p. 3463, point 13; ordonnances Sermes/Commission, citée au point 32 ci-dessus, point 19, Frimodt Pedersen/Commission, citée au point 32 ci-dessus, point 19, et Nuova Ceam/Commission, citée au point 32 ci-dessus, point 16).

34.
    Enfin, selon le défendeur et l'intervenante, la requérante n'aurait pas démontré qu'elle réunissait des qualités qui lui sont particulières et qui la caractérisent par rapport aux autres opérateurs économiques. En particulier, le défendeur estime qu'elle n'a pas démontré que le règlement attaqué perturbait fortement ses activités commerciales dès lors qu'elle n'a fourni aucune indication sur les quantités de zinc vendues par elle dans la Communauté ni sur la part que représente l'activité d'exportation de zinc russe vers la Communauté par rapport à l'ensemble de ses activités.

35.
    L'intervenante ajoute que la requérante n'a apporté aucune preuve de sa part de marché dans le commerce du zinc russe. En outre, les contrats joints à ses observations sur l'exception d'irrecevabilité ne démontreraient ni qu'elle est le plus grand importateur de zinc dans la Communauté, ni qu'il existe un groupe restreint et défini d'importateurs de zinc russe, ni qu'elle a été le seul exportateur de ce produit en 1997. Contrairement à la partie requérante dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt de la Cour du 16 mai 1991, Extramet Industrie/Conseil, C-358/89, Rec. p. I-2501), la requérante n'aurait pas non plus avancé d'élément de nature à prouver que ses activités économiques dépendaient du zinc. Les documents qu'elle a produits n'indiqueraient pas la part du commerce du zinc dans ces activités. Elle n'aurait pas davantage prouvé que les droits antidumping litigieux lui auraient fait perdre ses clients établis dans la Communauté. Les documents produits révéleraient, au contraire, une augmentation des ventes en 1997.

36.
    La requérante conteste que son recours soit irrecevable.

37.
    Le juge communautaire aurait considéré comme individuellement concernés par des actes portant institution de droits antidumping:

-    les producteurs et exportateurs qui peuvent démontrer qu'ils ont été identifiés dans les actes de la Commission ou du Conseil ou concernés par les enquêtes préparatoires (arrêts de la Cour du 21 février 1984, AlliedCorporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, Rec. p. 1005, points 11 et 12; du 23 mai 1985, Allied Corporation/Conseil, 53/83, Rec. p. 1621, point 4; du 14 mars 1990, Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, C-133/87 et C-150/87, Rec. p. I-719, point 14, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, C-156/87, Rec. p. I-781, point 17);

-    les importateurs dont les prix de revente des biens en cause ont servi de base pour déterminer le prix à l'exportation (arrêts de la Cour du 11 juillet 1990, Enital/Commission et Conseil, C-304/86 et C-185/87, Rec. p. I-2939, Neotype Techmashexport/Commission et Conseil, C-305/86 et C-160/87, Rec. p. I-2945, et Electroimpex e.a./Conseil, C-157/87, Rec. p. I-3021, et du Tribunal du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T-161/94, Rec. p. II-695);

-    les sujets qui peuvent démontrer qu'ils sont concernés par ces actes en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et Extramet Industrie/Conseil, cité au point 35 ci-dessus, point 14).

38.
    Or, la requérante réunirait plusieurs des conditions décrites ci-dessus.

39.
    Premièrement, elle exporterait le produit considéré.

40.
    Deuxièmement, elle serait implicitement identifiée dans le règlement attaqué qui se référerait, en de multiples endroits, aux observations qu'elle a présentées en application de l'article 2, paragraphe 1, du règlement de la Commission. En effet, aux considérants 3, 5 et 23, le règlement évoquerait sa participation à la procédure. En outre, les considérants 24, 27, 32, 40, 43 et 44 se rapporteraient à des observations, sur des points essentiels, que seule la requérante était en mesure de présenter.

41.
    Troisièmement, en raison de ces observations, elle serait concernée par les enquêtes préparatoires, notamment en tant que seule entreprise active dans le commerce du zinc russe à avoir participé à la procédure.

42.
    Enfin, elle serait concernée par le règlement attaqué en raison de certaines qualités particulières qui la distingueraient des autres opérateurs. À cet égard, elle affirme être une entreprise établie de longue date, très importante dans l'exportation de zinc russe à destination de la Communauté, qui, depuis 1991, aurait exporté approximativement 70 % du zinc produit par Chelyabinsk Electrolytic Zinc Plant (ci-après «CEZP») et 100 % de celui d'Electrozinc. Elle appartiendrait à un groupe circonscrit d'exportateurs de zinc originaire de Russie et contrôlerait CEZP, par le biais des sociétés Euromin Holdings Cyprus Ltd et Southwell Ltd, la première détenant 37,53 % de CEZP et la seconde 10,49 %. Elle aurait conclu des contrats importants avec les fonderies de zinc CEZP et Electrozinc, ainsi qu'avecun importateur de la Communauté et aurait subi un préjudice important du fait du droit antidumping qui a été institué.

Appréciation du Tribunal

43.
    S'il est vrai qu'au regard des critères de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, les règlements instituant des droits antidumping ont effectivement, par leur nature et leur portée, un caractère général, en ce qu'ils s'appliquent à la généralité des opérateurs économiques intéressés, il n'est pas exclu pour autant que leurs dispositions puissent concerner individuellement certains opérateurs économiques (arrêt de la Cour du 7 juillet 1994, Gao Yao/Conseil, C-75/92, Rec. p. I-3141, point 26, et la jurisprudence y citée; arrêt du Tribunal du 19 novembre 1998, Champion Stationery e.a./Conseil, T-147/97, Rec. p. II-4137, point 30, et la jurisprudence y citée).

44.
    Ainsi, les actes portant institution de droits antidumping sont de nature à concerner individuellement les opérateurs économiques qui démontrent l'existence de certaines qualités qui leur sont particulières et qui les caractérisent par rapport à tout autre opérateur économique (arrêts Plaumann/Commission, cité au point 37 ci-dessus, Extramet Industrie/Conseil, cité au point 35 ci-dessus, points 16 et 17, et Sinochem Heilongjiang/Conseil, cité au point 37 ci-dessus, point 46).

45.
    Le juge communautaire a considéré que, en général, certaines dispositions de règlements instituant des droits antidumping pouvaient concerner directement et individuellement ceux des producteurs et exportateurs du produit en cause auxquels sont imputées les pratiques de dumping sur la base de données relatives à leur activité commerciale. Cela est le cas des entreprises productrices et exportatrices qui peuvent démontrer qu'elles ont été identifiées dans les actes de la Commission et du Conseil ou concernées par les enquêtes préparatoires (ordonnance Sermes/Commission, citée au point 32 ci-dessus, point 15; arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, cité au point 37 ci-dessus, point 14, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, cité au point 37 ci-dessus, point 17, et la jurisprudence y citée). Encore faut-il que cette circonstance ait, d'une manière ou d'une autre, déterminé l'intervention des institutions communautaires ou relève d'une quelconque façon de la raison d'être dudit règlement (voir le raisonnement développé, dans un contexte différent, dans les conclusions de l'avocat général M. Tesauro sous l'arrêt de la Cour du 21 novembre 1989, Usines coopératives de déshydratation du Vexin e.a./Commission, C-244/88, Rec. p. 3811, 3819, point 4). Sont également, en général, directement et individuellement concernés par certaines dispositions de règlements instituant des droits antidumping ceux des importateurs dont les prix de revente ont été pris en compte pour la construction des prix à l'exportation (arrêts Nashua Corporation e.a./Commission et Conseil, précité, point 15, et Gestetner Holdings/Conseil et Commission, précité, point 18). Enfin, la Cour a également admis la recevabilité d'un recours introduit contre un tel règlement par un importateur indépendant dans des circonstancesexceptionnelles, et notamment lorsque ce règlement affectait sérieusement ses activités économiques (arrêt Extramet Industrie/Conseil, cité au point 35 ci-dessus, point 17).

46.
    En l'espèce, premièrement, les pratiques de dumping contre lesquelles le règlement attaqué est dirigé sont imputées à des entreprises polonaises et russes et aucunement à la requérante. Deuxièmement, cette dernière n'a pas été visée par l'enquête. Troisièmement, ni la constatation de l'existence de ces pratiques, ni la marge de dumping, ni l'existence et la marge de préjudice, ni la détermination du taux du droit imposé n'ont été fondés sur des données relatives à son activité commerciale. Quatrièmement, elle n'a même pas décrit de façon précise et étayée la nature exacte de ses activités se rapportant au produit considéré (voir ci-dessous point 49).

47.
    La seule présentation par la requérante d'observations sur le règlement de la Commission et l'existence dans le règlement attaqué de références auxdites observations ne sauraient rendre son recours recevable au motif qu'elle serait concernée par l'enquête préparatoire ou identifiée implicitement dans le règlement attaqué. En effet, à défaut, pour la requérante, de justifier d'autres circonstances spécifiques, d'une part, sa simple participation à la procédure administrative postérieurement à l'adoption du règlement de la Commission et, d'autre part, son identification implicite dans le règlement attaqué - à supposer que les références dans celui-ci aux observations d'un importateur de zinc originaire de Russie (considérants 3, 5, 23, 24, 27, 32, 40, 43 et 44 du règlement attaqué) se rapportent aux observations présentées par la requérante - n'ont pas déterminé d'une manière ou d'une autre l'intervention des institutions communautaires ni ne relèvent, d'une quelconque façon, de la raison d'être dudit règlement.

48.
    Or, la requérante n'a pas démontré l'existence de telles circonstances de nature à l'individualiser au regard de la mesure en cause.

49.
    Quant à la possibilité d'invoquer l'arrêt Extramet Industrie/Conseil, cité au point 35 ci-dessus (point 17), la requérante a affirmé que le règlement attaqué lui avait causé un préjudice important. Il est vrai que, dans cet arrêt, la Cour a considéré que l'entreprise requérante, agissant comme importateur indépendant, était individuellement concernée par le règlement litigieux en raison de circonstances exceptionnelles, et notamment du fait que ce règlement affectait sérieusement ses activités économiques. En l'espèce, toutefois, l'argument de la requérante doit être rejeté pour insuffisance de preuve. En particulier, bien qu'elle y ait été expressément invitée par le Tribunal sous forme de questions écrites ainsi qu'au cours de l'audience, elle n'a aucunement prouvé son affirmation selon laquelle le règlement attaqué avait été la cause de la perte de la majorité de ses clients communautaires et avait, de la sorte, affecté substantiellement sa position sur le marché en cause. De plus, elle n'a même pas décrit de façon précise et étayée ses activités, ni en général ni, plus spécialement, celles relatives à la commercialisation de zinc russe dans la Communauté, que ce soit en tant qu'exportateur, importateurou en une quelconque autre qualité (voir ci-dessus point 46). Elle n'a, du reste, pas produit de données chiffrées montrant l'évolution du volume de ses ventes de zinc non allié sous forme brute originaire de Russie à des entreprises communautaires ou la part que ces ventes représentaient dans son chiffre d'affaires global, mais a, au contraire, produit des documents montrant que celui-ci avait augmenté postérieurement à l'entrée en vigueur du règlement attaqué.

50.
    En outre, l'argument tiré de la participation de la requérante au capital de deux actionnaires d'un producteur russe du produit considéré (CEZP) (voir ci-dessus point 42) doit être rejeté. En effet, sauf à pouvoir faire valoir un intérêt à agir distinct de celui d'une entreprise concernée par un acte communautaire et dont elle détient une part du capital (telle que pourrait l'être, éventuellement, CEZP dans le cas d'espèce), une personne ne saurait défendre ses intérêts à l'égard de cet acte autrement qu'en exerçant ses droits d'associé de cette entreprise, qui, elle, a le droit d'introduire un recours. En l'espèce, la requérante n'a pas fait valoir d'intérêt distinct de CEZP. À supposer même qu'une participation dans le capital de CEZP pourrait justifier un droit d'agir, la participation détenue par la requérante est en toute hypothèse insuffisante pour justifier un tel droit dès lors qu'elle était à la fois indirecte (par le biais des sociétés Euromin Holdings Cyprus Ltd et Southwell Ltd) et partielle (ces deux sociétés ne détenant que 48,02 % du capital de CEZP).

51.
    Il résulte de ce qui précède que le règlement attaqué concerne la requérante non pas en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne, mais en raison de sa seule qualité objective d'opérateur économique actif dans le commerce du zinc russe, au même titre que tout autre opérateur se trouvant, actuellement ou potentiellement, dans une situation identique.

52.
    Il en découle que le recours doit être rejeté comme irrecevable.

Sur les dépens

53.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses moyens et le défendeur ayant conclu à sa condamnation aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le défendeur. L'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure prévoit que les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens; il y a donc lieu de décider que la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Le recours est irrecevable.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux du défendeur.

3)    La Commission supportera ses propres dépens.

Jaeger
Lenaerts
Tiili

Azizi Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 20 juin 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

K. Lenaerts


1: Langue de procédure: l'anglais.