Language of document : ECLI:EU:T:2021:669

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

6 octobre 2021 (*)

« Politique économique et monétaire – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques de surveillance confiées à la BCE – Décision de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit – Violation de la législation en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme – Recevabilité – Compétences des autorités compétentes nationales (ACN) des États membres participants et de la BCE au sein du mécanisme de surveillance unique (MSU) – Égalité de traitement – Proportionnalité – Protection de la confiance légitime – Sécurité juridique – Détournement de pouvoir – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans les affaires T‑351/18 et T‑584/18,

Ukrselhosprom PCF LLC, établie à Solone (Ukraine),

Versobank AS, établie à Tallinn (Estonie),

représentées par Me O. Behrends, avocat,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes C. Hernández Saseta et G. Marafioti, en qualité d’agents, assistées de Me B. Schneider, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

Commission européenne, représentée par Mme A. Steiblytė, MM. D. Triantafyllou et A. Nijenhuis, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, premièrement, de la décision ECB_SSM_2018_EE_1 WHD_2017‑0012 de la BCE, du 26 mars 2018, deuxièmement, de la décision ECB_SSM_2018_EE_2 WHD_2017‑0012, du 17 juillet 2018, remplaçant la décision ECB_SSM_2018_EE_1 WHD_2017‑0012, par lesquelles la BCE a retiré à Versobank son agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit, et troisièmement, de la décision ECB/SSM/2018-EE-3, du 14 août 2018, relative aux dépens afférents à la procédure de réexamen,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de Mme M. J. Costeira (rapporteure), présidente, M. D. Gratsias, Mme M. Kancheva, M. B. Berke et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Versobank AS, la seconde requérante, est un établissement de crédit établi en Estonie. Son actionnaire principal est Ukrselhosprom PCF LLC, la première requérante, qui détient 85,2622 % de son capital.

2        La seconde requérante était classée comme un établissement moins important au sens de de l’article 6 du règlement (UE) no 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne (BCE) des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63, ci‑après le « règlement MSU de base »).

3        En tant qu’établissement de crédit moins important, la seconde requérante était placée sous la surveillance prudentielle de Finantsinspektsioon (FSA, Estonie), agissant en qualité d’autorité compétente nationale (ACN), au sens de l’article 2, paragraphe 2, du règlement MSU de base. Par ailleurs, cette dernière était également compétente en ce qui concerne la supervision du respect des règles en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (ci-après la « LBC/FT »).

4        Depuis 2015, la FSA a constaté de manière récurrente des violations commises par la seconde requérante liées, d’une part, à l’inefficacité de son régime en matière de LBC/FT dans la gestion des risques découlant de son modèle d’entreprise et, d’autre part, à l’inadéquation de ses dispositifs de gouvernance mis en place en cette matière.

5        La FSA a effectué plusieurs inspections sur place. La première d’entre elles a eu lieu entre le 13 avril et le 12 juin 2015.

6        Compte tenu de la réitération des violations observées, la FSA, après avoir adressé à la seconde requérante plusieurs demandes de se conformer aux exigences réglementaires, avait adopté un précepte, en date du 8 août 2016.

7        Le précepte en cause, imposant de corriger immédiatement les défaillances relevées lors de l’inspection sur place réalisée en 2015, exigeait que la seconde requérante prenne certaines mesures : premièrement, l’application des politiques et des procédures internes en matière de LBC/FT existantes, mais non correctement suivies, deuxièmement, l’application des mesures de vigilance prévues à l’article 13, paragraphe 1, points 3 à 5, de la Rahapesu ja terrorismi rahastamise tõkestamise seadus (loi estonienne en matière de LBC/FT), du 19 décembre 2007, transposant la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 2015, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) no 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission (JO 2015, L 141, p. 73), dans sa version en vigueur au moment des faits en l’espèce, troisièmement, la vérification de la bonne application des mesures de vigilance prévues à l’article 13, paragraphe 1, points 3 à 5, de la loi estonienne en matière de LBC/FT, quatrièmement, le refus d’exécuter des transactions si l’article 27, paragraphe 2, de cette loi, dans sa version en vigueur au moment des faits en l’espèce, l’obligeait à exercer ce droit et, cinquièmement, la mise en conformité immédiate à l’obligation de notification visée à l’article 32 de ladite loi, dans sa version en vigueur au moment des faits en l’espèce qui prévoyait une obligation de signalement en cas de soupçon de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme lorsque les conditions correspondantes étaient remplies. En outre, ce précepte exigeait que ladite requérante soumette des informations par écrit au plus tard le 9 décembre 2016 sur la manière dont elle s’acquittait de ces obligations.

8        Une deuxième inspection sur place a été réalisée par la FSA entre le 13 septembre et le 11 novembre 2016.

9        En outre, entre le 5 septembre et le 14 novembre 2016, une troisième inspection sur place a été réalisée par la FSA. Elle avait pour objet des carences relevées concernant l’exploitation par la seconde requérante d’une succursale ou filiale prétendument illégale en Lettonie.

10      Par lettre du 9 décembre 2016, la seconde requérante a transmis à la FSA ses observations écrites sur le précepte en cause.

11      Par lettre du 28 février 2017, la FSA a communiqué à la seconde requérante que celle-ci ne s’était toujours pas conformée à toutes les obligations prévues dans le précepte en cause. Le 10 avril 2017, elle a adopté une déclaration de défaillance avérée ou prévisible de ladite requérante (ci‑après la « décision FOLTF ».

12      À la suite des informations reçues de la seconde requérante, la FSA a jugé nécessaire de mener une enquête approfondie. Elle a réalisé une quatrième inspection sur place entre le 4 et le 22 septembre 2017. Lors de cette dernière, elle a constaté des violations graves et importantes de la législation en matière de LBC/FT analogues à celles qui avaient été relevées lors de deux précédentes inspections et a jugé le système de contrôle interne de ladite requérante médiocre et insuffisant.

13      En date du 8 février 2018, la BCE a reçu de la part de la FSA une proposition de retrait de l’agrément de la seconde requérante, conformément à l’article 80 du règlement (UE) no 468/2014 de la BCE du 16 avril 2014, établissant le cadre de coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la BCE, les ACN et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1).

14      Dans le cadre de l’obligation de coopération prévue à l’article 80, paragraphe 2, du règlement-cadre MSU, la FSA a agi, en vertu de l’article 3 de la Finantskriisi ennetamise ja lahendamise seadus (loi estonienne sur la prévention et la résolution des crises financières), du 18 février 2015, également en tant qu’autorité nationale de résolution compétente pour les établissements de crédits, par le biais de son département de résolution. En date du 7 février 2018, son conseil d’administration a approuvé l’évaluation dudit département de résolution selon laquelle il n’existait pas d’intérêt général pour exercer les pouvoirs de résolution, aux termes de l’article 39, paragraphes 1, 3 et 4, de ladite loi, transposant l’article 32, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 5, de la directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil, du 15 mai 2014, établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et 2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) no 1093/2010 et (UE) no 648/2012 (JO 2014, L 173, p. 190).

15      Le 6 mars 2018, le conseil de surveillance de la BCE a approuvé le projet de décision de retrait de l’agrément à la seconde requérante et a donné à cette dernière un délai pour présenter ses observations sur ledit projet, conformément à l’article 31 du règlement-cadre MSU. Après le retrait de l’agrément, une procédure de liquidation a été ouverte contre ladite requérante et des liquidateurs ont été désignés.

16      Le 14 mars 2018, la seconde requérante a déposé ses observations, qui ont été prises en compte dans le cadre de la décision définitive. Après avoir examiné lesdites observations, la BCE a conclu qu’il était nécessaire de retirer à ladite requérante son agrément.

17      Sur le fondement de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base, de l’article 83 du règlement-cadre MSU et de l’article 17 de la Krediidiasutuste seadus (loi estonienne sur les établissements de crédit) du 9 février 1999, transposant la directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338), la BCE a adopté et notifié à la seconde requérante sa décision du 26 mars 2018, retirant l’agrément de celle-ci (ci-après la « décision du 26 mars 2018 »).

18      Le 27 mars 2018, le juge estonien compétent a adopté une décision ouvrant la procédure de liquidation de la seconde requérante.

19      Le 26 avril 2018, la commission administrative de réexamen de la BCE (ci-après la « CAR ») a reçu une demande de la première requérante ayant pour objet la révision de la décision du 26 mars 2018. Elle a jugé cette demande de révision recevable, en considérant que ladite requérante était directement et individuellement concernée par ladite décision.

20      Le 22 juin 2018, la CAR a adopté et communiqué au conseil de surveillance de la BCE l’avis AB/2018/03 par lequel elle proposait à celui-ci de considérer que les violations substantielles et procédurales invoquées étaient non fondées et d’adopter une décision de contenu identique à la décision du 26 mars 2018.

21      Le conseil des gouverneurs de la BCE a suivi cet avis et adopté la décision du 17 juillet 2018 (ci-après la « décision du 17 juillet 2018 ») qui a été notifiée aux liquidateurs de la seconde requérante, laquelle avait entre-temps été placée en liquidation.

22      Par décision du 26 mars 2018, la BCE a retiré à la seconde requérante l’agrément d’établissement de crédit. Par décision du 17 juillet 2018, elle a abrogé et remplacé sa décision du 26 mars 2018. Par décision sur les dépens, elle a en outre condamné la première requérante aux dépens afférents à la procédure de réexamen.

23      Au point 3.2 de la décision du 17 juillet 2018, la BCE rappelle, premièrement, que la proposition de retrait de l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit visant la seconde requérante a été adoptée au terme d’une période longue et continue de carences et de violations des dispositions applicables de sa part, deuxièmement, que l’ACN avait réalisé quatre inspections sur place depuis 2015 et avait adopté un précepte en 2016 et, troisièmement, que, dès lors que ladite requérante ne s’était conformée ni aux demandes informelles ni au précepte en cause, celle-ci ne pouvait pas formuler une évaluation positive s’agissant du respect futur par cette requérante des exigences réglementaires qui lui étaient imposées.

24      Toujours, au point 3.2 de la décision du 17 juillet 2018, la BCE a estimé que, sur la base des preuves recueillies et des résultats des inspections sur place effectuées par la FSA, les conditions de retrait de l’agrément prévues à l’article 18, sous f), de la directive 2013/36, tel que transposé en droit estonien, devaient être considérées comme étant remplies en ce qui concerne la seconde requérante. Les motifs d’un tel retrait de l’agrément étaient les suivants :

–        l’absence, au sein de ladite requérante, des dispositifs de gouvernance requis par la FSA, conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 de la directive 2013/36 ;

–        l’absence, au sein de cette requérante, d’un régime efficace en matière de LBC/FT pour gérer les risques découlant de son modèle d’entreprise, en dépit de trois inspections sur place en cette matière, de plusieurs réunions et avertissements, du précepte en cause et d’une lettre concernant le non-respect dudit précepte ;

–        la non-application, par la même requérante, de ce précepte dans les délais et la mesure prescrits ;

–        la soumission, par la requérante en question, de documents et d’informations trompeurs et inexacts à la FSA et la violation, par la même requérante, des conditions prévues par la législation d’un État membre de l’Espace économique européen (à savoir, la République de Lettonie).

25      En particulier, s’agissant du premier motif fondant le retrait de l’agrément, à savoir l’absence, au sein de la seconde requérante, des dispositifs de gouvernance requis par la FSA, conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 de la directive 2013/36, la BCE a précisé, au point 3.3.1, sous a), de la décision du 17 juillet 2018, que le système des contrôles était défaillant et inadéquat compte tenu du type, des finalités et de la complexité du modèle d’entreprise de ladite requérante.

26      S’agissant du deuxième motif justifiant le retrait de l’agrément, la BCE a précisé, au point 3.3.1, sous b), de la décision du 17 juillet 2018, que le modèle d’entreprise de la seconde requérante se concentrait sur la fourniture de services à des clients professionnels non-résidents à valeur nette élevée et que, pendant les trois premières inspections sur place réalisées par la FSA entre 2015 et 2017, un nombre important de transactions inhabituelles avait été observé.

27      En outre, selon la BCE, les activités du conseil d’administration et du conseil de surveillance de la seconde requérante en matière de LBC/FT et de gestion des risques avaient été considérées comme défaillantes, dans la mesure où ledit conseil d’administration n’avait pas déterminé le niveau de tolérance des risques de ladite requérante, ni mis en place un système d’évaluation des risques en cette matière séparé, ni préparé une analyse des risques opérationnels, incluant une analyse approfondie des risques en ladite matière, en violation de l’article 55, paragraphe 2, points 2 et 3, de la loi estonienne sur les établissements de crédit.

28      Ainsi, selon la BCE, la seconde requérante ne possédait pas les dispositifs de gouvernance requis par l’article 67, paragraphe 1, sous o), de la directive 2013/36 et remplissait donc la condition pour être soumise à un retrait de l’agrément, prévue à l’article 18, sous f), de la même directive. De plus, compte tenu de la performance antérieure de ladite requérante, elle a partagé l’opinion de la FSA selon laquelle il était hautement improbable que le nouveau conseil d’administration de cette requérante, le quatrième depuis 2015, mette en place de manière sérieuse les changements annoncés concernant son système de gestion des risques en matière de LBC/FT.

29      S’agissant du troisième motif justifiant le retrait de l’agrément, la BCE a observé, au point 3.3.1, sous c), de la décision du 17 juillet 2018, que la seconde requérante ne s’était pas conformée au précepte en cause dans le délai imparti du 9 décembre 2016. Selon elle, par ledit précepte, la FSA obligeait, en particulier, ladite requérante à, premièrement, appliquer les règles de procédure, deuxièmement, appliquer correctement, dans le futur, l’article 13, paragraphe 1, clauses 3 à 5 de la loi estonienne en matière de LBC/FT, dans sa version en vigueur au moment de l’adoption de ce précepte, et éviter d’initier des relations commerciales lorsque cela se révélait nécessaire, troisièmement, vérifier si lesdites dispositions avaient été appliquées correctement aux relations commerciales existantes et, si nécessaire, appliquer de nouveau les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle, quatrièmement, éviter, le cas échéant, d’effectuer des transactions aux termes de l’article 27, paragraphe 2, de ladite loi, dans sa version en vigueur au moment de l’adoption du précepte en question, cinquièmement, référer à la cellule de renseignement financier lorsqu’une activité ou d’autres circonstances pourraient être un indice de la commission ou d’une tentative de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme, ou dans le cas où cette requérante avait un motif de penser ou savait qu’il s’agissait de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme et, sixièmement, fournir à la FSA un rapport des actions entreprises pour appliquer les obligations ci-dessus. Toutefois, lors de la troisième inspection sur place, la FSA aurait relevé que les obligations susmentionnées n’avaient pas été entièrement respectées et que les défaillances reprochées subsistaient. Partant, la BCE a conclu que la non-exécution du précepte en question constituait un autre motif justifiant le retrait de l’agrément, aux termes de l’article 18, sous f), de la directive 2013/36.

30      S’agissant du quatrième motif justifiant le retrait de l’agrément, la BCE a relevé, au point 3.3, sous d), de la décision du 17 juillet 2018, que la seconde requérante avait soumis des informations et des documents trompeurs et inexacts à la FSA sur ses activités en Lettonie, en affirmant, d’une part, ne pas y posséder de filiale et en indiquant, d’autre part, dans sa communication du 9 février 2016 à ladite ACN avoir fermé son établissement en Lettonie, alors que ce dernier était encore opérationnel. Selon elle, les résultats de l’inspection sur place réalisée par cette ACN entre le 5 septembre et le 14 novembre 2016 avaient, en réalité, démontré que ladite requérante avait fourni des services financiers en Lettonie sans interruption depuis le mois d’octobre 2013. Elle a observé que, selon les informations communiquées par l’autorité nationale de surveillance lettone à la FSA, cette requérante avait créé sa « filiale » en Lettonie en violation des dispositions législatives lettones, qui transposaient les articles 35 à 38 de la directive 2013/36, relative à la procédure de « passeport ». Selon elle, un tel agissement constituait une violation de l’article 17, paragraphe 1, points 2 et 15, de la loi estonienne sur les établissements de crédit. Elle a ainsi conclu que ledit agissement représentait un motif supplémentaire de retrait de l’agrément, aux termes de l’article 18, sous e), de ladite directive.

31      S’agissant de l’examen du caractère proportionné du retrait de l’agrément et, en premier lieu, du caractère approprié d’un tel retrait, la BCE a souligné que l’objectif du retrait de l’agrément accordé à un établissement de crédit était de mettre fin aux violations des dispositions légales applicables commises par celui‑ci et que la nécessité pour un tel établissement d’avoir en place un système de gouvernance approprié découlait du fait que des défaillances dans un tel système peuvent conduire à la faillite du même établissement ainsi qu’à des problèmes systémiques dans les États membres et au niveau global. Elle a estimé que, compte tenu des violations de la législation antiblanchiment de longue durée reprochées à la seconde requérante, la FSA devait intervenir et que, en l’espèce, celle-ci avait d’abord adopté un précepte, et uniquement après la violation de celui-ci, avait proposé le retrait de l’agrément, qui, dans ces circonstances, devait être considéré comme une mesure appropriée et proportionnelle. Elle a considéré que ladite mesure était également appropriée par rapport à la violation de la procédure de notification, dite « de passeport », à respecter pour établir une succursale dans un autre État membre.

32      En deuxième lieu, s’agissant de l’examen du caractère nécessaire du retrait de l’agrément, la BCE a pris en compte non seulement la gravité des violations observées, mais également toutes les mesures moins onéreuses qui avaient déjà été prises pour remédier aux défaillances imputables à la seconde requérante. Compte tenu de la réitération du comportement illégal de ladite requérante, des informations incorrectes fournies par cette dernière à l’égard de ses activités en Lettonie ainsi que de l’inefficacité de l’action de surveillance et d’inspection importante déjà réalisée par la FSA, elle a retenu, après avoir analysé non seulement les actions déjà entreprises par la FSA, mais également toutes les autres mesures disponibles en vertu de la législation nationale applicable, à savoir la loi estonienne sur les établissements de crédit, qu’il n’existait pas d’autres mesures moins onéreuses qui pouvaient être efficaces pour rétablir la légalité.

33      En particulier, la BCE a considéré que l’option de la vente forcée (liquidation) de la seconde requérante n’était pas juridiquement possible. Ensuite, elle a énuméré les différentes mesures analysées en soulignant les raisons pour lesquelles elle considérait qu’elles n’étaient pas efficaces aux fins du rétablissement de la légalité. Premièrement, une nouvelle modification de la composition du conseil d’administration de ladite requérante n’a pas été considérée comme une mesure efficace, dès lors que, premièrement, cette requérante avait déjà effectué plusieurs changements de conseil d’administration sans que cela ait produit des effets en termes de conformité aux obligations légales en cause, deuxièmement, la même requérante avait annoncé plusieurs fois, à partir de 2015, un changement de stratégie commerciale sans que ces annonces soient suivies par des faits concrets, troisièmement, en vertu du droit estonien, si le conseil d’administration a le pouvoir d’influencer la stratégie commerciale d’un établissement de crédit, il n’a pas le pouvoir de le définir de manière autonome, sa responsabilité étant limitée à la direction de l’activité courante dudit établissement, quatrièmement, en l’espèce, les chances qu’une modification du conseil d’administration entraîne un changement de stratégie étaient faibles, compte tenu du fait que les deux positions clés dans ce conseil sont occupées par les deux actionnaires principaux de l’établissement de crédit, qui seraient en mesure d’influencer informellement la stratégie et de maintenir ainsi le statu quo.

34      Deuxièmement, s’agissant de la cessation ou de la suspension des droits de vote de certains actionnaires, en vertu de la disposition de droit estonien transposant l’article 26, paragraphe 2, de directive 2013/36, la BCE a souligné que l’actionnariat de la seconde requérante étant très concentré, cette mesure aurait eu comme conséquence l’abandon de la gestion de la banque entre les mains d’actionnaires détenant des participations minoritaires, ayant un niveau d’implication moindre dans la performance de l’établissement de crédit et étant, par ailleurs, très liés aux actionnaires majoritaires par des liens familiaux ou des intérêts financiers communs, ce qui aurait pu se traduire par une influence indirecte de ces mêmes actionnaires sur la direction stratégique de ladite requérante, en dépit de la mesure adoptée.

35      Troisièmement, s’agissant de l’adoption d’un autre précepte interdisant à la seconde requérante la fourniture de services financiers, au moins aux clients non‑résidents à haut niveau de risque, la BCE a considéré cette mesure comme inadéquate dès lors que, d’une part, la non-exécution du précédent précepte soulevait des questions quant à la capacité et à la volonté de ladite requérante de se conformer à un éventuel deuxième précepte et, d’autre part, la restriction des activités de la banque lui aurait causé des pertes opérationnelles mensuelles très élevées, mettant en péril sa liquidité et donc les épargnes des clients.

36      Quatrièmement, s’agissant de l’autoliquidation, la BCE a admis qu’une telle solution avait été proposée par la seconde requérante dans le cadre de ses observations sur le projet de décision du 26 mars 2018, qu’une telle possibilité existait en vertu du droit estonien, et qu’elle aurait abouti en tout état de cause à un retrait de l’agrément, mais que, néanmoins, elle a décidé de ne pas opter pour cette voie, dès lors que, premièrement, l’autoliquidation aurait obscurci les raisons substantielles pour lesquelles la FSA avait proposé le retrait de l’agrément, deuxièmement le retrait de l’agrément aurait été fondé sur l’article 16, paragraphe 3, de la loi estonienne sur les établissements de crédit et non sur l’article 17 de cette dernière, troisièmement, l’autoliquidation aurait donné ainsi une vision incorrecte de la gravité des violations du droit applicable commises par ladite requérante, lesquelles, selon la BCE, justifiaient un retrait de l’agrément forcé et, quatrièmement, en vertu de l’article 20, paragraphe 5, de la directive 2013/36, la communication quant au retrait de l’agrément doit concerner non seulement le retrait en lui-même, mais aussi les motifs sur lesquels il est fondé.

37      Cinquièmement, s’agissant de l’acquisition par une autre société estonienne, la BCE n’a pas retenu cette solution, car, d’une part, celle-ci n’avait pas fourni de preuve documentaire de l’existence d’un engagement concret de la part d’aucun des investisseurs et, d’autre part, le projet de plan d’entreprise présenté par la seconde requérante ne fournissait pas d’informations suffisantes pour déterminer si la transaction aurait conduit à un changement de stratégie commerciale. Par ailleurs, malgré le délai supplémentaire accordé à ladite requérante pour soumettre la documentation, celle-ci serait restée en défaut de fournir les informations nécessaires.

38      En troisième lieu, s’agissant de l’examen du caractère raisonnable du retrait de l’agrément, la BCE a considéré que, compte tenu de la gravité et de la durée des violations, du fait que la seconde requérante avait réitéré son comportement illégal malgré les différents avertissements reçus ainsi que du dommage à la confiance publique dans le système financier estonien et européen, causé par son comportement, l’intérêt public au rétablissement de la légalité primait les intérêts privés de ladite requérante à ne pas se voir retirer son agrément.

39      S’agissant de la compatibilité du retrait de l’agrément avec le principe de protection de la confiance légitime, la BCE a estimé que la seconde requérante ne pouvait pas invoquer ce principe, dès lors que, premièrement, celle-ci avait reçu de nombreux avertissements à plusieurs occasions (quatre inspections sur place, un précepte et différents avertissements) sans prendre les mesures appropriées pour arrêter son comportement illégal, deuxièmement, la FSA ne lui avait jamais indiqué que son agrément ne serait pas retiré et, troisièmement, nul ne pouvait invoquer la confiance légitime à tenir ou à maintenir un comportement illégal.

40      Compte tenu de tout ce qui précède, la BCE a conclu qu’il existait des motifs, aux termes de l’article 18 de la directive 2013/36, pour retirer l’agrément à la seconde requérante et qu’une telle mesure devait être considérée comme proportionnée (adéquate, nécessaire et raisonnable), eu égard aux circonstances de l’espèce et au principe de protection de la confiance légitime.

II.    Procédure et conclusions des parties

A.      Début de la procédure et conclusions des parties dans l’affaire T351/18

41      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 juin 2018, les requérantes ont introduit un recours.

42      La BCE a déposé le mémoire en défense le 21 septembre 2018.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 octobre 2018, la Commission européenne a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la BCE.

44      Par décision du 26 novembre 2018, le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention.

45      Les requérantes ont déposé la réplique le 12 décembre 2018. La BCE a déposé la duplique le 18 février 2019.

46      La Commission a déposé le mémoire en intervention le 20 décembre 2018. Les requérantes ont déposé leurs observations sur ledit mémoire le 25 février 2019.

47      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er avril 2019, les requérantes ont demandé la tenue d’une audience, l’audition des témoins ainsi que l’adoption de certaines mesures d’instruction.

48      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 avril 2019, la BCE et la Commission ont présenté leurs observations sur la demande d’audition des témoins et de mesures d’instruction introduite par les requérantes.

49      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 26 mars 2018 ;

–        condamner la BCE aux dépens.

50      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable, en ce qui concerne la première requérante ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé, en ce qui concerne la première requérante ;

–        rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne la seconde requérante ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

51      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne la première requérante ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

B.      Début de la procédure et conclusions des parties dans l’affaire T584/18

52      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2018, les requérantes ont introduit un recours.

53      La BCE a déposé le mémoire en défense le 20 décembre 2018.

54      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 23 janvier 2019, la Commission a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la BCE.

55      Par décision du 25 février 2019, le président de la deuxième chambre du Tribunal a fait droit à la demande d’intervention.

56      Les requérantes ont déposé la réplique le 28 mars 2019. La BCE a déposé la duplique le 3 juin 2019.

57      La Commission a déposé le mémoire en intervention le 5 avril 2019. Les requérantes ont déposé leurs observations sur ledit mémoire le 27 mai 2019.

58      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 17 juillet 2018 ;

–        annuler la décision sur les dépens ;

–        condamner la BCE aux dépens.

59      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable, en ce qui concerne la première requérante ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme non fondé, en ce qui concerne la première requérante ;

–        rejeter le vingt-cinquième moyen comme irrecevable, en ce qu’il a été soulevé par la seconde requérante ;

–        rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne la seconde requérante, y compris en ce qui concerne le vingt-cinquième moyen, si le Tribunal ne le déclare pas irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

60      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne la première requérante ;

–        en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

61      Dans le cadre de leurs écritures, les requérantes ont formulé des demandes de mesures d’instruction et, notamment, une demande de production de plusieurs documents et une demande de témoignages.

C.      Suite de la procédure dans les deux affaires

62      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle les présentes affaires ont, par conséquent, été attribuées.

63      Sur proposition de la neuvième chambre, le Tribunal a décidé, le 5 février 2020, en application de l’article 28 du règlement de procédure, de renvoyer les présentes affaires devant une formation élargie.

64      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (neuvième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a posé aux parties des questions écrites, auxquelles la Commission, la BCE et les requérantes ont répondu par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 13 mars ainsi que le 16 et le 17 avril 2020.

65      Par décision de la présidente de la neuvième chambre du 27 avril 2020, les présentes affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale.

66      Lors de l’audience du 25 septembre 2020, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal. Les parties ont été entendues également sur l’éventuelle jonction de ces affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance.

67      À la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021, les trois juges dont le présent arrêt porte la signature ont poursuivi les délibérations, conformément à l’article 22 et à l’article 24, paragraphe 1, du règlement de procédure.

68      Par décision du président du Tribunal du 13 août 2021, la présente affaire a été attribuée à une nouvelle juge rapporteure, siégeant dans la neuvième chambre.

III. En droit

69      Les affaires T‑351/18 et T‑584/18 sont jointes aux fins de l’arrêt.

A.      Sur la persistance de l’objet du litige et de l’intérêt à agir des requérantes dans l’affaire T351/18

70      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt, condition essentielle et première de tout recours en justice, suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 et 58 et jurisprudence citée).

71      L’intérêt à agir du requérant doit, au vu de l’objet du recours, exister au stade de l’introduction de celui-ci sous peine d’irrecevabilité. Cet objet du litige doit perdurer, tout comme l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 42 et jurisprudence citée).

72      La question du non-lieu à statuer en raison de l’absence de persistance de l’intérêt à agir peut être soulevée d’office par les juridictions de l’Union européenne (arrêt du 6 septembre 2018, Bank Mellat/Conseil, C‑430/16 P, EU:C:2018:668, point 49).

73      À cet égard, par mesure d’organisation de la procédure du 3 mars 2020, le Tribunal a demandé aux parties de se prononcer sur le maintien de l’intérêt à agir des requérantes, à la suite de l’adoption par la BCE de la décision du 17 juillet 2018, selon laquelle cette dernière aurait abrogé avec effet rétroactif la décision du 26 mars 2018.

74      Les requérantes estiment qu’elles conservent leur intérêt à agir à l’encontre de la décision du 26 mars 2018, après l’adoption de la décision du 17 juillet 2018. Selon elles, premièrement, l’abrogation d’une mesure ne saurait systématiquement être assimilée à une annulation par le juge de l’Union dès lors que, par définition, elle n’équivaut pas à une reconnaissance de l’illégalité de la décision. Deuxièmement, la BCE ne saurait être autorisée à empêcher une constatation en justice de l’illégalité d’une décision en adoptant une décision nouvelle et en abrogeant la décision antérieure. La possibilité d’agir ainsi pourrait faire l’objet d’un abus d’une manière contraire à l’état de droit. Troisièmement, le remplacement allégué et supposé de la décision initiale par la décision ultérieure à une date quelconque dans le passé serait une fiction incompatible avec le droit. Quatrièmement, les requérantes indiquent avoir demandé l’annulation de la décision du 26 mars 2018, notamment pour protéger leurs intérêts en termes de réputation et en raison de leur intérêt à recevoir une indemnisation financière. La légitimité de ces intérêts aurait été reconnue dans l’ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623, points 17 à 23), et ce passage de l’ordonnance du Tribunal n’aurait pas fait l’objet d’un pourvoi et serait donc juridiquement valable. La Cour aurait confirmé cette partie de l’ordonnance du Tribunal. Le fait que la Cour n’a pas examiné cet aspect explicitement serait sans importance. Il n’aurait pas été nécessaire de le faire, car cette partie de l’ordonnance n’avait pas fait l’objet d’un pourvoi par la BCE ou la Commission. Cinquièmement, une décision modifiant la situation juridique du destinataire avec effet ex tunc serait uniquement autorisée dans des circonstances très limitées, notamment lorsqu’elle a un effet positif sur le destinataire. Partant, un retrait de l’agrément avec un prétendu effet antérieur à la date de la décision ne serait jamais possible.

75      La BCE expose qu’il n’existe aucun intérêt des requérantes qui ne saurait être satisfait dans le cadre du contrôle juridictionnel de la décision du 17 juillet 2018. Par conséquent, les requérantes auraient perdu leur intérêt à agir contre la décision du 26 mars 2018.

76      Ainsi qu’il ressort de l’article 24, paragraphe 1, du règlement MSU de base, la BCE met en place une CAR chargée de procéder au réexamen administratif interne des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère ledit règlement. Selon le paragraphe 2 de cet article, la CAR comprend cinq personnes d’une grande honorabilité, qui sont des ressortissants des États membres et dont il est attesté qu’elles ont les connaissances et l’expérience professionnelle requises et qui ne font pas partie du personnel en poste de la BCE, des autorités compétentes ni d’autres institutions, organes, organismes ou agences des États membres ou de l’Union. Par sa décision 2014/360/UE, du 14 avril 2014, concernant la mise en place d’une commission administrative de réexamen et ses règles de fonctionnement (JO 2014, L 175, p. 47), adoptée sur le fondement de l’article 24 du règlement MSU de base, la BCE a institué la CAR.

77      Il ressort, par ailleurs, de l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU de base, que le réexamen administratif interne des décisions de la BCE en matière de surveillance prudentielle comporte trois phases. En premier lieu, la CAR émet un avis à l’attention du conseil de surveillance prudentielle en vue de l’élaboration d’un nouveau projet de décision. En deuxième lieu, le conseil de surveillance prudentielle tient compte de l’avis de la CAR et soumet un nouveau projet de décision au conseil des gouverneurs dans les délais prévus à l’article 17, paragraphe 2, de la décision 2014/360. Le nouveau projet de décision « abroge la décision initiale, la remplace par une décision dont le contenu est identique, ou la remplace par une décision modifiée ». En troisième lieu, le nouveau projet de décision est réputé adopté à moins que le conseil des gouverneurs ne s’y oppose dans un délai maximal de dix jours ouvrables.

78      Enfin, selon l’article 24, paragraphe 1, du règlement MSU de base, le réexamen administratif interne porte sur la conformité formelle et matérielle, audit règlement, des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère ce règlement. Il est vrai que, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la décision 2014/360, la CAR se limite à l’examen des motifs invoqués par la requérante tels qu’ils sont énoncés dans la demande de réexamen. Toutefois, selon l’article 17, paragraphe 1, de la même décision, l’évaluation du conseil de surveillance prudentielle ne se limite pas à l’examen des motifs invoqués par la requérante tels qu’exposés dans la demande de réexamen, mais elle peut également tenir compte d’autres éléments dans sa proposition d’un nouveau projet de décision.

79      Il ressort d’une lecture combinée des dispositions mentionnées aux points 76 à 78 ci-dessus que le réexamen administratif interne des décisions prises par la BCE dans l’exercice des compétences que lui confère le règlement MSU de base consiste, pris dans son ensemble, en une nouvelle évaluation complète de l’affaire, non limitée aux motifs invoqués à l’appui de la demande de réexamen. Cette particularité de la procédure de réexamen administratif est reflétée dans le fait que, en vertu de l’article 17, paragraphe 1, de la décision 2014/360, le conseil de surveillance prudentielle, après avoir tenu compte de l’avis de la CAR, mise en place aux fins d’un réexamen des décisions de la BCE dans des conditions accrues d’indépendance et d’expertise (voir point 76 ci‑dessus), est lui-même doté d’une compétence élargie.

80      Dans ce contexte, l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU de base, prévoit que la procédure de réexamen peut aboutir à trois résultats. Le premier consiste en l’abrogation pure et simple de la décision initiale. Le deuxième consiste en un remplacement de la décision initiale par une décision identique. Le troisième consiste en un remplacement de la décision initiale par une décision modifiée.

81      Pour les raisons qui seront exposées aux points 82 à 85 ci-après, l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU de base établit une obligation pesant sur la BCE de faire rétroagir la décision adoptée à l’issue du réexamen au moment de la prise d’effet de la décision initiale, quel que soit le résultat dudit réexamen.

82      En particulier, si le conseil de surveillance prudentielle et le conseil des gouverneurs estiment que la décision initiale, en vertu de laquelle il a été procédé au retrait de l’agrément de l’établissement de crédit est valide, le conseil des gouverneurs ne procède pas à un simple rejet de la demande de réexamen au fond, mais, conformément à l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU de base, à l’adoption d’une décision identique à celle faisant l’objet dudit réexamen. Or, dans une telle hypothèse, il n’est pas concevable de procéder à un second retrait du même agrément. La décision ayant un contenu identique à la décision réexaminée ne peut donc remplacer cette dernière qu’avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de la décision ayant fait l’objet du réexamen.

83      Cette interprétation, imposée par la nature des mesures en cause, est également valable lorsque le conseil de surveillance prudentielle et le conseil des gouverneurs estiment que le retrait de l’agrément n’est pas justifié ou qu’il peut être remédié aux défaillances constatées au moyen de mesures moins contraignantes. En effet, dans une telle hypothèse, l’acte abrogeant le retrait de l’agrément ou imposant ces mesures doit obligatoirement rétroagir de sorte à supprimer ex tunc le retrait de l’agrément de l’établissement de crédit et, le cas échéant, le remplacer par la mesure considérée comme étant la plus appropriée. À défaut d’un tel effet rétroactif, la décision rendue sur réexamen ne pourrait déployer ses effets qu’à condition d’octroyer un nouvel agrément, conformément à la procédure prévue à l’article 14 du règlement MSU de base.

84      Cette appréciation est, indirectement mais nécessairement, confirmée par l’article 24, paragraphe 8, du règlement MSU de base ainsi que par l’article 9, paragraphe 1, de la décision 2014/360, selon lesquels la demande de réexamen n’a pas d’effet suspensif à l’égard de l’application de la décision contestée. Il s’ensuit que le remplacement de la décision réexaminée par une décision modifiée doit se faire avec effet rétroagissant au moment de la prise d’effet de la décision réexaminée, à défaut de quoi la décision finale ne pourrait déployer son effet utile.

85      Il ressort également de l’analyse qui précède que le remplacement de la décision initiale par une décision identique ou modifiée à l’issue de la procédure de réexamen entraîne la disparition définitive de la décision initiale de l’ordre juridique.

86      En l’espèce, d’une part, selon la partie introductive de la décision du 26 mars 2018, l’acte attaqué dans l’affaire T‑351/18, cette décision a pris effet à 23 heures du jour de sa notification à la seconde requérante, en conformité avec l’article 297, paragraphe 2, troisième alinéa, TFUE. D’autre part, selon la partie introductive de la décision du 17 juillet 2018, à savoir l’acte attaqué dans l’affaire T‑584/18, « la décision [du 26 mars 2018] est abrogée et remplacée par la présente décision avec effet à 23 heures de la date à laquelle a eu lieu la notification de la décision [du 26 mars 2018] ».

87      La décision du 17 juillet 2018 a été adoptée à l’issue du réexamen administratif intenté contre la décision du 26 mars 2018 et a un contenu identique à cette dernière, au sens de l’article 24, paragraphe 7, du règlement MSU de base.

88      Il s’ensuit que, en vertu de la décision du 17 juillet 2018, la BCE a procédé, en conformité avec le cadre juridique régissant la procédure de réexamen administratif (voir points 76 à 81 ci-dessus), au remplacement de la décision du 26 mars 2018 avec effet rétroactif au moment de la prise d’effet de cette dernière et non, comme semblent soutenir les requérantes, à une simple abrogation de cette dernière pour l’avenir.

89      Or, la disparition de l’objet du litige peut notamment provenir du retrait ou du remplacement de l’acte attaqué en cours d’instance (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 1961, Meroni e.a./Haute Autorité, 5/60, 7/60 et 8/60, EU:C:1961:10, p. 211 à 213 ; ordonnances du 17 septembre 1997, Antillean Rice Mills/Commission, T‑26/97, EU:T:1997:131, points 14 et 15, et du 12 janvier 2011, Terezakis/Commission, T‑411/09, EU:T:2011:4, point 15).

90      En effet, un acte qui est retiré et remplacé disparaît complètement et ex tunc de l’ordre juridique de l’Union, de sorte qu’un arrêt qui annulerait l’acte retiré n’entraînerait aucune conséquence juridique supplémentaire par rapport aux conséquences du retrait opéré (voir, en ce sens, ordonnances du 28 mai 1997, Proderec/Commission, T‑145/95, EU:T:1997:74, point 26 ; du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 20, et du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 23).

91      Il s’ensuit que, en cas de retrait de l’acte contesté, le requérant ne conserve aucun intérêt à en obtenir l’annulation et que le recours contre cet acte devient sans objet, de sorte qu’il n’y a plus lieu de statuer (arrêt du 1er juin 1961, Meroni e.a./Haute Autorité, 5/60, 7/60 et 8/60, EU:C:1961:10, p. 211 à 213 ; ordonnances du 6 décembre 1999, Elder/Commission, T‑178/99, EU:T:1999:307, point 21 et 22 ; du 9 septembre 2010, Phoenix-Reisen et DRV/Commission, T‑120/09, non publiée, EU:T:2010:381, point 24 à 26, et du 24 mars 2011, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑36/10, EU:T:2011:124, points 46, 50 et 51).

92      Cette conclusion est d’autant plus évidente lorsque, comme en l’espèce, l’acte attaqué a été remplacé, avec effet rétroactif, par un acte identique, qui ne serait pas affecté par l’éventuelle annulation du premier acte.

93      En outre, les requérantes ne sauraient valablement tirer argument de l’ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623). En effet, cette ordonnance a été annulée par l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923), sans que la disparition de l’intérêt à agir des requérants en raison du remplacement de l’acte attaqué, avec effet rétroactif, par une nouvelle décision de contenu identique, adoptée à l’issue d’un réexamen administratif, ai fait l’objet des pourvois.

94      Par conséquent, contrairement à ce que font valoir les requérantes, dans un contexte juridique qui organise un réexamen administratif donnant lieu à l’adoption d’actes destinés à remplacer, avec effet rétroactif, les actes ayant fait l’objet dudit réexamen, les intérêts des parties affectées sont intégralement protégés grâce à la possibilité de demander l’annulation de l’acte adopté à l’issue du réexamen en question ainsi que la réparation de tout préjudice occasionné par l’adoption de celui-ci.

95      Il s’ensuit que l’objet du recours dans l’affaire T‑351/18 a disparu postérieurement à l’introduction du recours et que les requérantes ont, par voie de conséquence, perdu leur intérêt à poursuivre l’annulation de la décision attaquée dans cette affaire. Il n’y a donc plus lieu de statuer sur le recours.

B.      Sur la recevabilité dans l’affaire T584/18

96      La BCE, sans introduire formellement une exception d’irrecevabilité, conteste, d’une part, la recevabilité des recours uniquement en ce qu’ils ont été introduits par la première requérante et, d’autre part, dans le cadre de l’affaire T‑584/18, la recevabilité de la seconde requérante en ce qui concerne le vingt-cinquième moyen tendant à l’annulation de la décision relative aux dépens de la procédure de réexamen. La Commission se rallie à cette position.

97      En premier lieu, les requérantes estiment que la première requérante a la qualité pour contester les décisions du 26 mars et du 17 juillet 2018, en tant qu’actionnaire principal de la seconde requérante détenant 85 % des droits de vote, en s’appuyant sur l’ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623).

98      Par ailleurs, les requérantes considèrent que, dans la mesure où la BCE admettrait la recevabilité de la première requérante en ce qui concerne la demande d’annulation de la décision sur les dépens, dès lors que celle-ci est fondée sur l’illégalité des décisions du 26 mars et du 17 juillet 2018, la qualité à agir à l’encontre de la décision sur les dépens ne saurait être exclue. Elles énumèrent ensuite les autres intérêts distincts dont serait titulaire la première requérante, comme notamment l’intérêt d’éviter la liquidation forcée, l’intérêt lié à la possibilité de vendre la banque à un autre investisseur, l’intérêt à sa propre réputation distincte de celle de la banque, outre que l’impact financier que le retrait de l’agrément produit sur lui diffère de celui produit sur la banque.

1.      Sur la recevabilité de la demande en annulation de la décision du 17 juillet 2018

99      En premier lieu, il y a lieu de constater que la seconde requérante est recevable à introduire la demande en annulation de la décision du 17 juillet 2018. En effet, ladite requérante est la titulaire de l’agrément ayant été retiré et la destinataire de cette décision. En outre, un mandat ad litem a été conféré aux représentants par l’ancien directeur général de la seconde requérante, sans que sa validité soit remise en question par les liquidateurs de celle-ci. Par ailleurs, la BCE ne conteste pas la recevabilité de la demande en annulation de ladite décision en ce qu’elle a été introduite par cette requérante.

100    En second lieu, en ce qui concerne la première requérante, il convient de rappeler que la Cour a jugé que les actionnaires d’un établissement de crédit n’étaient pas recevables à introduire un recours contre une décision de la BCE de retrait de l’agrément, dans la mesure où ils n’étaient pas directement concernés par une telle décision. D’une part, la Cour a considéré que, à la suite du retrait de l’agrément, l’établissement de crédit n’était plus en mesure de poursuivre son activité et, par conséquent, sa capacité à distribuer des dividendes était sujette à caution, mais que cet effet négatif du retrait revêtait un caractère économique, alors que le droit des actionnaires à percevoir des dividendes, tout comme leur droit de participer à la gestion de la société, n’était pas affecté par la décision de retrait (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, point 111). D’autre part, elle a jugé que, bien que la liquidation affecte de manière directe le droit des actionnaires à participer à la gestion de la société, celle-ci ne constituait pas la mise en œuvre purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union de la décision du 17 juillet 2018 au sens de la jurisprudence applicable (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, points 113 et 114).

101    Partant, la demande en annulation de la décision du 17 juillet 2018 est recevable en ce qui concerne la seule seconde requérante.

2.      Sur la recevabilité de la demande en annulation de la décision sur les dépens

102    S’agissant de la recevabilité de la demande en annulation de la décision sur les dépens il convient de déclarer la première requérante recevable à introduire une telle demande en annulation étant donné qu’elle est la seule destinataire de cette décision qui lui impose une obligation de paiement des dépens de la procédure de réexamen qu’elle a introduite et à laquelle elle a seule participé. Par ailleurs, la BCE ne conteste pas la recevabilité de ladite demande en annulation en ce qu’elle a été introduite par cette requérante.

103    En revanche, la seconde requérante, qui a choisi de ne pas introduire de demande en réexamen devant la CAR, alors qu’elle en avait le droit, n’a aucun intérêt à agir pour l’annulation de la décision sur les dépens, dès lors que celle-ci ne déploie pas d’effets en ce qui la concerne. Ladite requérante n’est par ailleurs pas la destinataire de cette décision et ne peut être regardée comme directement et individuellement concernée.

104    Partant, la demande en annulation de la décision sur les dépens est recevable uniquement en ce qui concerne la première requérante.

C.      Sur le fond

105    À l’appui du recours introduit dans l’affaire T-584/18, les requérantes invoquent 25 moyens : les premier à vingt-quatrième moyens au soutien de la demande en annulation de la décision du 17 juillet 2018 et le vingt-cinquième moyen, tiré de l’illégalité de la décision du 17 juillet 2018, au soutien de la demande en annulation de la décision sur les dépens. Il convient de les regrouper, eu égard à leur substance et à leur nature, de la manière suivante :

–        les premier, deuxième, quatorzième, quinzième et dix-neuvième moyens, tirés du défaut de compétence de la BCE, pour adopter une décision concernant le retrait de l’agrément et la liquidation, pour évaluer les questions relatives au blanchiment de capitaux et au financement du terrorisme, pour refuser l’autoliquidation et pour refuser la possibilité de vendre la seconde requérante à d’autres investisseurs potentiels ; dans le même groupe de moyens peut s’inscrire également le dix-neuvième moyen, tiré du détournement de pouvoir, en ce que les arguments avancés à l’appui de ce dernier moyen se confondent avec ceux formulés dans le cadre des autres moyens susmentionnés relatifs à l’incompétence de la BCE ;

–        le troisième moyen, tiré de la violation des devoirs de diligence et d’impartialité dans l’examen effectué par la BCE ;

–        les quatrième et cinquième moyens, tirés d’erreurs d’appréciation ou de l’absence de prise en compte de certains éléments pertinents de l’affaire ;

–        les sixième, douzième et dix-huitième moyens, tirés d’une erreur d’appréciation en ce que la BCE s’est fondée à tort sur la violation du précepte de la FSA et de la violation du principe de sécurité juridique ;

–        les septième à onzième, treizième à quinzième et dix-septième moyens, tirés de la violation du principe de proportionnalité ;

–        les seizième et dix-huitième moyens, tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de non‑discrimination, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ;

–        les vingtième à vingt-deuxième moyens, tirés de la violation des formes substantielles, et respectivement, du droit d’être entendu, des droits de la défense, de l’obligation de motivation ;

–        les vingt-troisième et vingt-quatrième moyens, tirés, notamment, de la violation du droit d’accéder au dossier de la seconde requérante et des droits de l’actionnaire dans le cadre de la procédure de réexamen ;

–        le vingt-cinquième moyen, avancé à l’appui de la demande en annulation de la décision sur les dépens, tiré de l’illégalité de la décision du 17 juillet 2018.

1.      Sur les premier, deuxième, quatorzième, quinzième et dix-neuvième moyens

106    En premier lieu, dans le cadre de ses premier, quatorzième et quinzième moyens, les requérantes allèguent que la BCE a outrepassé ses compétences en ne leur offrant pas la possibilité de procéder à l’autoliquidation de la seconde requérante, comme il ressortirait du point 3.3.2, sous b), i), de la décision du 17 juillet 2018, alors que, dans le cadre de la répartition fondamentale des responsabilités entre les ACN et la BCE au titre du mécanisme de surveillance unique (MSU) et du mécanisme de résolution unique (ci-après le « MRU »), la BCE n’aurait aucune compétence en ce sens. Il en irait de même pour le refus opposé par la BCE à la vente de ladite requérante à un autre investisseur potentiellement intéressé, tel qu’il ressortirait du point 3.3.2, sous b), ii), de cette décision.

107    En deuxième lieu, une décision de retrait de l’agrément aurait été interdite à la BCE, dès lors que la FSA avait déjà pris, le 7 février 2018, la décision FOLTF, qui déterminait si l’établissement de crédit était en situation de « défaillance avérée ou prévisible », exerçant ainsi son choix entre la mesure de résolution et le retrait de l’agrément, choix pour lequel la FSA était exclusivement compétente. Les requérantes contestent également l’affirmation de la BCE selon laquelle ladite décision serait dénuée de pertinence et confidentielle et ne devait donc pas lui être communiquée.

108    Par ailleurs, les requérantes réfutent l’argument de la BCE selon lequel il n’y a pas eu de demande officielle d’autoliquidation de la seconde requérante. Selon elles, la BCE, dans la décision du 17 juillet 2018, indépendamment d’une telle demande, a refusé d’autoriser ladite autoliquidation, alors qu’elle aurait pu les inviter à déposer une telle demande ou inviter la FSA à prendre une décision sur cette question. Le seul obstacle à cette autoliquidation aurait en effet été la préférence négative exprimée par la BCE. Le nouveau régime « MSU-MRU » aurait introduit un système d’intervention précoce qui aurait lieu avant la défaillance effective d’une banque, selon lequel les ACN de résolution auraient la possibilité d’examiner si un établissement de crédit est en situation de défaillance avérée ou prévisible et de vérifier si d’autres solutions de surveillance sont disponibles avant d’étudier si des mesures de résolution correspondent à l’intérêt public. Les requérantes estiment que, si lesdites ACN considéraient que tel n’était pas le cas, car l’insolvabilité de la banque ne constituerait pas un problème systémique, l’analyse se terminerait en ce qui concerne le régime de résolution. Ensuite, ces ACN devraient déterminer si l’entité susceptible de défaillir le ferait effectivement. Si tel était le cas, il serait possible de remédier à la défaillance, c’est-à-dire à l’insolvabilité, de manière adéquate au moyen de la procédure nationale d’insolvabilité. Il en découlerait qu’une liquidation obligatoire ne pourrait jamais avoir lieu. En revanche, ce système ne porterait pas atteinte à la possibilité d’autoliquidation, qui serait reconnue en tout droit national, pourvu que la société concernée soit solvable.

109    En troisième lieu, les requérantes soutiennent que la BCE était incompétente pour adopter la décision du 17 juillet 2018, dès lors que cette dernière reposait uniquement sur des prétendues violations en matière de LBC/FT, domaine dans lequel elle n’a aucune compétence. Le retrait de l’agrément en l’espèce ne se justifierait pas pour des raisons prudentielles, mais aurait uniquement servi à satisfaire l’intérêt de la FSA et de la BCE à une publicité facile.

110    En quatrième lieu, dans le cadre du deuxième et implicitement du troisième moyen, les requérantes reprochent à la BCE de ne pas avoir examiné les questions sous-jacentes à la décision du 17 juillet 2018 en matière de LBC/FT ni vérifié les appréciations de la FSA. La BCE ne saurait être responsable de la stabilité des établissements de crédit et exclure artificiellement de son évaluation des domaines entiers qui seraient sources de risques. Par ailleurs, toute défaillance de ladite décision due au projet rédigé par la FSA devrait pouvoir être invoquée dans le cadre d’un recours en annulation formé à l’encontre de cette décision.

111    En outre, l’objectif de rétablir la légalité, poursuivi par la BCE dans la décision du 17 juillet 2018, ne serait pas un objectif légitime du retrait de l’agrément, seulement les objectifs prudentiels le seraient. Toutefois, comme il serait théoriquement possible que des questions en matière de LBC/FT soient pertinentes pour un retrait de l’agrément, dans la mesure où ces questions généreraient des risques prudentiels, la répartition des responsabilités entre les ACN et la BCE, d’une part, et le principe de proportionnalité, d’autre part, présupposeraient que tout l’arsenal des mesures en ladite matière (amendes, interdiction d’exercer certains types d’activités, poursuites pénales) ait d’abord été épuisé.

112    La BCE, soutenue par la Commission contestent les arguments des requérantes.

113    Il convient de relever que, dans le cadre du présent groupe de moyens, les requérantes invoquent, en substance, deux moyens tirés, le premier, de l’incompétence de la BCE pour adopter la décision du 17 juillet 2018 et, le second, du détournement de pouvoir. Avant de les examiner, le Tribunal estime opportun de rappeler la répartition des compétences entre la BCE et les ACN.

a)      Sur la répartition des compétences entre la BCE et les ACN des États membres participants au sein du MSUconcernant le retrait de l’agrémentpour violation des règles en matière de LBC/FT

114    Premièrement, il ressort des considérants 15 et 28 du règlement MSU de base que les compétences qui ne sont pas confiées à la BCE restent acquises aux ACN.

115    En particulier, le considérant 28 du règlement MSU de base énumère, parmi les « missions de surveillance qui ne sont pas confiées à la BCE » et qui devraient rester du ressort des autorités nationales, « la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, ainsi que la protection des consommateurs ».

116    Toutefois, l’article 4, paragraphe 1, du règlement MSU de base précise que, « [d]ans le cadre de l’article 6, la BCE est [...] seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants ». S’ensuit une liste de neuf missions, parmi lesquelles figurent l’agrément et le retrait de l’agrément des établissements de crédit. Ainsi, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, la compétence en matière de retrait de l’agrément est réservée exclusivement à la BCE.

117    Aux termes de l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU de base, « [a]ux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par [ce] règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE applique également la législation nationale faisant usage de ces options ».

118    L’article 6, paragraphe 2, du règlement MSU de base, précise que « [t]ant la BCE que les [ACN] sont tenues au devoir de coopération loyale et à l’obligation d’échanger des informations. »

119    Il ressort de l’article 6, paragraphe 4, du règlement MSU de base que, en ce qui concerne les missions définies à l’article 4, à l’exception du paragraphe 1, sous a) et c), dudit règlement, la BCE et les ACN sont dotées des compétences fixées respectivement aux paragraphes 5 et 6 de cet article. En vertu du paragraphe 6 du même article, les ACN exercent directement la surveillance des établissements de crédit moins importants, selon les critères établis à ce paragraphe et informent la BCE, conformément au cadre visé au paragraphe 7 de cet article, des mesures prises en vertu du paragraphe 6 et coordonnent étroitement ces mesures avec la BCE.

120    Toutefois, il ressort de l’article 6, paragraphe 5, sous b) à d), du règlement MSU de base que, premièrement, « si cela s’avère nécessaire pour assurer une application cohérente de normes élevées de surveillance, la BCE peut, à tout moment, de sa propre initiative après consultation des ACN, ou à la demande d’une ACN, décider d’exercer elle-même directement toutes les compétences pertinentes à l’égard d’un ou de plusieurs établissements de crédit visés au paragraphe 4 », deuxièmement, la BCE supervise le fonctionnement du système sur la base des compétences et des procédures prévues à cet article et, troisièmement, elle peut exercer à tout moment les pouvoirs visés aux articles 10 à 13 dudit règlement concernant les pouvoirs d’enquête que la BCE peut exercer directement.

121    L’article 6, paragraphe 7, du règlement MSU de base prévoit que la BCE adopte et rend public un cadre visant à organiser les modalités pratiques de la mise en œuvre de cet article et constitue la base juridique pour l’adoption du règlement-cadre MSU.

122    L’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base prévoit :

« Sous réserve du paragraphe 6, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’[ACN] de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette [ACN]. Ces consultations visent en particulier à garantir que, avant de décider de retirer un agrément, la BCE donne suffisamment de temps aux autorités nationales pour leur permettre d’arrêter les mesures correctives nécessaires, y compris d’éventuelles mesures de résolution, et qu’elle tient compte de celles-ci.

Lorsque l’[ACN] qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’[ACN]. »

123    L’article 14, paragraphe 6, du règlement MSU de base dispose que « [t]ant que les autorités nationales demeurent compétentes pour soumettre des établissements de crédit à une procédure de résolution, lorsqu’elles considèrent que le retrait de l’agrément nuirait à la mise en œuvre adéquate ou à des mesures nécessaires à la résolution ou au maintien de la stabilité financière, elles font dûment part de leur objection à la BCE en expliquant en détail le préjudice qu’un retrait entraînerait », que, « [d]ans ces cas, la BCE s’abstient de procéder à un retrait pendant une période fixée d’un commun accord avec les autorités nationales » et que « [l]a BCE peut prolonger cette période si elle estime que des progrès suffisants ont été accomplis. Si, toutefois, la BCE établit, dans une décision motivée, que les mesures nécessaires pour maintenir la stabilité financière n’ont pas été mises en œuvre par les autorités nationales, le retrait de l’agrément est applicable avec effet immédiat ».

124    L’article 80 du règlement-cadre MSU, intitulé « Proposition d’une [ACN] de retirer un agrément », est libellé comme suit :

« 1.      Si l’[ACN] concernée considère qu’il convient que l’agrément d’un établissement de crédit fasse l’objet d’un retrait total ou partiel conformément au droit de l’Union ou au droit national applicable, y compris à la demande de l’établissement de crédit, elle soumet à la BCE un projet de décision prévoyant le retrait de l’agrément (ci-après un “projet de décision de retrait”), ainsi que tout document justificatif pertinent.

2.      L’[ACN] assure la coordination avec l’autorité nationale de résolution compétente pour les établissements de crédit (ci‑après l’“autorité nationale de résolution”) en ce qui concerne le projet de décision de retrait d’agrément. »

125    Aux termes de l’article 81 du règlement-cadre MSU :

« 1.      La BCE examine un projet de décision de retrait d’agrément dans les meilleurs délais. Elle tient notamment compte des raisons avancées par l’[ACN] pour justifier l’urgence.

2.      Le droit d’être entendu selon les modalités fixées à l’article 31 est applicable. »

126    L’article 83 du règlement-cadre MSU prévoit :

« 1.      La BCE prend une décision de retrait d’agrément dans les meilleurs délais. Ce faisant, elle peut accepter ou rejeter le projet de décision de retrait concerné.

2.      Lorsqu’elle prend sa décision, la BCE tient compte de l’ensemble des points suivants : a) son examen des circonstances justifiant le retrait ; b) le cas échéant, le projet de décision de retrait de l’[ACN] ; c) la consultation de l’[ACN] concernée et, lorsque l’[ACN] n’est pas l’autorité nationale de résolution, de l’autorité nationale de résolution (ensemble avec l’autorité compétente nationale les “autorités nationales”) ; d) les observations présentées par l’établissement de crédit conformément à l’article 81, paragraphe 2, et à l’article 82, paragraphe 3.

3.      La BCE prend également une décision dans les cas prévus à l’article 84 si l’autorité nationale de résolution concernée ne soulève pas d’objections à l’encontre du retrait d’agrément, ou bien la BCE décide que les mesures nécessaires pour maintenir la stabilité financière n’ont pas été mises en œuvre par les autorités nationales. »

127    L’article 84 du règlement-cadre MSU dispose :

« 1.      Si l’autorité nationale de résolution notifie son objection à l’encontre de l’intention de la BCE de retirer un agrément, la BCE et l’autorité nationale de résolution conviennent d’une période au cours de laquelle la BCE s’abstiendra de procéder au retrait d’agrément. La BCE informe l’[ACN] immédiatement après avoir pris contact avec l’autorité nationale de résolution afin de parvenir à cet accord.

2.      Après l’expiration de la période convenue, la BCE détermine si elle entend procéder au retrait d’agrément ou proroger la période convenue conformément à l’article 14, paragraphe 6, du règlement MSU [de base], tenant compte de tout progrès réalisé. La BCE consulte tant l’[ACN] concernée que l’autorité nationale de résolution si cette dernière est distincte de l’[ACN]. L’[ACN] informe la BCE des mesures prises par ces autorités et de son évaluation des conséquences d’un retrait.

3.      Si l’autorité nationale de résolution ne soulève pas d’objections à l’encontre du retrait d’agrément, ou si la BCE décide que les mesures nécessaires au maintien de la stabilité financière n’ont pas été mises en œuvre par les autorités nationales, l’article 83 s’applique. »

128    L’article 18 de la directive 2013/36, qui prévoit les cas dans lesquels les [ACN] peuvent proposer, eu égard aux établissements moins importants, le retrait de l’agrément, est libellé comme suit :

« Les autorités compétentes ne peuvent retirer l’agrément accordé que lorsqu’un établissement de crédit :

[...]

e)      se trouve dans un des autres cas de retrait de l’agrément prévus par le droit national ; ou

f)      commet l’une des infractions visées à l’article 67, paragraphe 1. »

129    L’article 67, paragraphe 1, de la directive 2013/36 dispose :

« Le présent article s’applique au moins dans une des circonstances suivantes :

[...]

d)      un établissement n’a pas mis en place les dispositifs de gouvernance exigés par les autorités compétentes conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 ;

e)      un établissement omet de déclarer aux autorités compétentes, en infraction avec l’article 99, paragraphe 1, du règlement (UE) no 575/2013 [du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) no 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1)], les informations relatives au respect de l’obligation de satisfaire aux exigences de fonds propres prévues à l’article 92 dudit règlement, ou déclare des informations inexactes ou incomplètes ;

[...]

o)      un établissement a été déclaré responsable d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60/CE [du Parlement et du Conseil, du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (JO 2005, L 309, p. 15)] ;

[...] »

130    L’article 74, paragraphe 1, de la directive 2013/36 prévoit que « [l]es établissements disposent d’un dispositif solide de gouvernance d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent, des processus efficaces de détection, de gestion, de suivi et de déclaration des risques auxquels ils sont ou pourraient être exposés, des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des procédures administratives et comptables saines, et des politiques et pratiques de rémunération permettant et favorisant une gestion saine et efficace des risques ».

131    Il ressort des dispositions rappelées aux points 115 à 118 ci-dessus que le MSU centralise les fonctions prudentielles au niveau de la BCE, tout en prévoyant une exécution décentralisée par les ACN des États membres participants, sous la supervision de la BCE, avec laquelle elles coopèrent et qu’elles assistent. Ainsi, à l’intérieur du MSU, d’une part, la BCE exerce certaines compétences exclusives : la surveillance prudentielle « directe » des établissements de crédit importants et les compétences qui lui sont réservées par l’article 4 du règlement MSU de base à l’égard de tous les établissements, indépendamment de leur importance. D’autre part, la surveillance prudentielle des établissements moins importants relève de l’exercice décentralisé par lesdites ACN et est encadré et supervisé, en dernier ressort, par la BCE, qui a pour mission de veiller au bon fonctionnement et à l’efficacité du système de surveillance prudentielle ainsi qu’à l’application cohérente et uniforme des règles prudentielles dans tous les États membres participants. La BCE exerce à l’égard des établissements moins importants une surveillance « indirecte », dans le cadre de laquelle ces ACN fournissent leurs coopération et assistance à la BCE. En outre, les mêmes ACN demeurent compétentes pour les matières non régies par le règlement MSU de base : la protection des consommateurs, les marchés d’instruments financiers, la LBC/FT, la lutte anticorruption.

132    Plus particulièrement, au sein de ce MSU, il résulte de l’économie de l’article 6, paragraphes 4 à 6, du règlement MSU de base une différenciation entre la surveillance prudentielle des entités « importantes » et celle des entités qualifiées de « moins importantes », s’agissant de sept des neuf missions dont la liste est dressée par l’article 4, paragraphe 1, dudit règlement.

133    Il en découle, en premier lieu, que la surveillance prudentielle des entités « importantes » relève de la BCE seule. Il en va de même de la surveillance prudentielle des entités « moins importantes », en ce qui concerne la mission énumérée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement MSU de base concernant l’agrément et le retrait de l’agrément aux établissements de crédit.

134    En deuxième lieu, en ce qui concerne les entités « moins importantes » et s’agissant des autres missions envisagées par l’article 4, paragraphe 1, du règlement MSU de base, il ressort de la lecture combinée de l’article 6, paragraphes 5 et 6, dudit règlement que leur mise en œuvre est confiée, sous le contrôle de la BCE, aux ACN des États membres participants, lesquelles exercent ainsi la surveillance prudentielle directe desdites entités.

135    En effet, le Tribunal a jugé qu’il ressortait de l’examen de l’interaction existant entre les dispositions de l’article 4, paragraphe 1, et celles de l’article 6 du règlement MSU de base, telle qu’explicitées aux points 116 à 121 ci-dessus, que la logique de la relation entre celles‑ci consistait à permettre que les compétences exclusives déléguées à la BCE puissent être mises en œuvre dans un cadre décentralisé, plutôt que soit organisée une répartition des compétences entre la BCE et les ACN des États membres participants à l’occasion de l’exercice des missions envisagées à l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement. Ce constat est conforté par la lecture des considérants dudit règlement. D’une part, il ressort des considérants 15 et 28 du même règlement que seules les missions explicitement confiées à la BCE sont écartées de la compétence des États membres et que la surveillance prudentielle des établissements financiers pour d’autres motifs que ceux énumérés à l’article 4, paragraphe 1, du règlement en question continue à relever de la compétence des États membres. Il en découle nécessairement que c’est au stade de la définition des missions confiées à la BCE par l’article 4, paragraphe 1, du règlement en cause que la répartition des compétences entre la BCE et lesdites ACN a été opérée. D’autre part, il convient de relever que, si le considérant 28 du règlement MSU de base fournit une liste de missions de surveillance devant rester du ressort des autorités nationales, il n’inclut aucune des missions énumérées par l’article 4, paragraphe 1, de ce règlement. Plus encore, ledit considérant ne présente pas la surveillance directe des entités moins importantes comme constituant l’exercice d’une compétence relevant des autorités nationales (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, points 54 à 57).

136    En troisième lieu, au sein du MSU composé de la BCE et des ACN des États membres participants, d’une part, il ressort de l’économie de l’article 6, paragraphes 2 et 3, du règlement MSU de base que tant la BCE que lesdites ACN sont tenues au devoir de coopération et à l’obligation d’échanger des informations. En particulier, au titre de l’article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, dudit règlement, « les [ACN] communiquent en particulier à la BCE toutes les informations nécessaires aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées ». En outre, au titre du paragraphe 3 de cet article, il appartient auxdites ACN d’aider la BCE à préparer et à mettre en œuvre tout acte lié aux missions visées à l’article 4 de ce règlement et ayant trait à tous les établissements de crédit, notamment en l’assistant dans ses activités de contrôle.

137    En effet, il a été jugé que la surveillance des établissements qualifiés de « moins importants » était mentionnée aux considérants 38 à 40 du règlement MSU de base, soit directement après le considérant 37 du même règlement, lequel souligne que « les [ACN] devraient être chargées d’assister la BCE dans l’élaboration et la mise en œuvre de tout acte lié à l’exercice de ses missions de surveillance » et que, « [à] ce titre, elles devraient notamment effectuer un contrôle continu de la situation des établissements de crédit et conduire les contrôles sur place y afférents ». Cet agencement des considérants dudit règlement tend à impliquer que la surveillance prudentielle directe exercée par les ACN dans le cadre du MSU a été envisagée par le Conseil de l’Union européenne comme une modalité d’assistance à la BCE, plutôt que comme l’exercice d’une compétence autonome (arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 58).

138    D’autre part, l’exercice de la surveillance prudentielle directe par les ACN est encadré par la BCE, laquelle dispose, en application de l’article 6, paragraphe 5, sous a) et b), du règlement MSU de base, des pouvoirs, d’une part, de communiquer auxdites ACN des « règlements, des orientations ou des instructions générales précisant les modalités selon lesquelles lesdites [ACN] doivent accomplir les missions définies à l’article 4 » dudit règlement et, d’autre part, de décider « d’exercer elle-même directement toutes les compétences pertinentes à l’égard d’un ou de plusieurs établissements de crédit ». Par ailleurs relèvent également de cet encadrement par la BCE de la surveillance directe exercée par les ACN, d’une part, les pouvoirs de supervision prévus à l’article 6, paragraphe 5, sous c), de ce règlement, qui renvoie à au paragraphe 7, sous c), dudit article et, d’autre part, les pouvoirs de surveillance et d’enquête, prévus par les articles 10 à 13 du règlement en question, que la BCE peut décider d’exercer directement à l’égard des établissements de crédit moins importants, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, sous d), du même règlement.

139    Ainsi, il convient de relever que la BCE demeure titulaire de prérogatives importantes dans les circonstances mêmes où les ACN exercent les missions de surveillance envisagées à l’article 4, paragraphe 1, sous b) et d) à i), du règlement MSU de base et que l’existence de telles prérogatives est révélatrice du caractère subordonné de l’intervention des autorités nationales, lorsqu’elles mettent en œuvre lesdites missions (arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 59).

140    En quatrième lieu, s’agissant, singulièrement, du retrait de l’agrément à un établissement de crédit, prévu à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement MSU de base, la coopération entre la BCE et les ACN s’exprime, conformément à l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement, d’une part, par l’obligation de consultation de ces ACN, dans le cas où la BCE retire l’agrément de sa propre initiative et, d’autre part, par la possibilité pour ces autorités de proposer ledit retrait à la BCE.

141    Lorsqu’une ACN, en vertu de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base, propose le retrait de l’agrément, la BCE, conformément au deuxième alinéa de cette disposition et à l’article 83, paragraphe 2, du règlement-cadre MSU, doit tenir pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par cette ACN, des consultations avec cette dernière et, le cas échéant, avec l’autorité nationale de résolution, ainsi que des observations de l’établissement de crédit en cause. Elle doit également effectuer son propre examen de l’existence des circonstances justifiant le retrait et ainsi décider d’accepter ou de refuser le projet de décision de retrait de l’agrément de l’ACN.

142    En cinquième lieu, il convient de souligner qu’il ressort des considérants 28 et 29 du règlement MSU de base que la mission de la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme demeure du ressort national et que la BCE a, à cet égard, un devoir de coopération à l’égard des autorités nationales.

143    En sixième lieu, s’agissant du lien entre la LBC/FT et la surveillance prudentielle, il y a lieu de constater que, parmi les circonstances qui justifient le retrait de l’agrément bancaire, d’une part, l’article 18, sous f), de la directive 2013/36 mentionne les infractions visées à l’article 67, paragraphe 1, de cette directive, parmi lesquelles sont énumérées les infractions graves aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60, relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. D’autre part, l’article 18, sous e), de ladite directive mentionne les autres cas de retrait de l’agrément prévus par le droit national.

144    À cet égard, il convient de souligner que, bien que l’article 18 de la directive 2013/36 fasse référence au pouvoir de retrait de l’agrément des ACN, compte tenu de la répartition des tâches entre lesdites ACN et la BCE, prévue par l’article 4 du règlement MSU de base, et notamment du fait que la compétence pour les retraits d’agrément est devenue une compétence exclusive de la BCE, que cette dernière peut exercer, en vertu de l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement, sur proposition de l’ACN, il faut comprendre l’article 18 de cette directive comme se référant au pouvoir de proposition du retrait de l’agrément, qui demeure du ressort des ACN.

145    En septième lieu, s’agissant des interactions entre le MSU et le MRU, il ressort du considérant 11 du règlement (UE) no 806/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2014, établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de certaines entreprises d’investissement dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique et d’un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no 1093/2010 (JO 2014, L 255, p. 1, ci-après le « règlement MRU ») que la surveillance et la résolution sont deux aspects complémentaires dans le cadre de l’Union bancaire européenne et ne sont donc pas, par principe, alternatifs.

146    En effet, il convient de relever que les finalités du MSU et du MRU sont différentes. Comme le rappelle le considérant 7 du règlement MRU, le MSU vise à garantir une politique de surveillance microprudentielle des établissements de crédits au niveau européen et sa mise en œuvre cohérente et efficace dans tous les États membres de la zone euro et dans les États membres qui ne font pas partie de la zone euro, mais qui souhaitent y participer. Il vise également la surveillance macroprudentielle et, en dernier ressort, la stabilité financière de l’Union. Le MRU a, en revanche, comme mission essentielle la gestion des situations de crise déjà avérées, la création de mécanismes de résolution plus efficaces, pour éviter que les conséquences dommageables des défaillances des banques ne se propagent, suivant des règles et une procédure uniformes, comme il ressort des considérants 6 et 8 et de l’article 1 er dudit règlement. Ainsi, si les deux systèmes collaborent au but final de solidité et de stabilité du système financier de l’Union, le MSU agit de manière préventive des crises alors que le MRU agit de manière résolutive des crises.

147    En huitième lieu, les déclarations de défaillance avérée ou prévisible qui peuvent être émises par la BCE ou par le Conseil de résolution unique (CRU), s’agissant des établissements de crédit importants, ou par les ACN ou par les autorités nationales de résolution, s’agissant des établissements de crédit moins importants, comme il ressort de l’article 7, paragraphe 3, du règlement MRU, sont des actes préparatoires qui précèdent, mais n’entraînent pas nécessairement l’adoption d’un dispositif de résolution. L’adoption de celui-ci rentre dans la compétence exclusive du CRU ou des autorités nationales de résolution, selon l’importance de l’établissement de crédit.

148    De plus, les évaluations de défaillance avérée ou prévisible ne constituent nullement des décisions formelles quant aux manquements aux obligations réglementaires d’un établissement de crédit, mais des actes préparatoires qui ne modifient pas la situation juridique de l’établissement de crédit en cause. En effet, ces actes présentent une évaluation des faits par la BCE (ou par l’ACN) quant à la question de la défaillance avérée ou prévisible dudit établissement, qui n’est nullement obligatoire, mais qui constitue la base de l’adoption, par le CRU (ou par l’autorité nationale de résolution), de dispositifs de résolution ou de décisions établissant qu’une résolution n’est pas dans l’intérêt public (voir, en ce sens, ordonnance du 6 mai 2019, ABLV Bank/BCE, T‑281/18, EU:T:2019:296, points 36, 48 et 49).

149    En effet, il ressort de l’article 18, paragraphe 1, du règlement MRU, qu’un tel dispositif n’est adopté que si certaines conditions sont remplies. En particulier, non seulement l’établissement de crédit doit se trouver dans une situation de défaillance avérée ou prévisible, mais il ne doit exister aucune perspective raisonnable que d’autres mesures de nature privée ou des mesures prudentielles empêchent sa défaillance dans un délai raisonnable. De plus, une mesure de résolution doit être nécessaire dans l’intérêt public.

150    À cet égard, selon la jurisprudence, en vertu du considérant 26 du règlement MRU, bien que la BCE (et par analogie, les ACN) et le CRU (et, par analogie, les autorités nationales de résolution) doivent être en mesure d’apprécier si un établissement de crédit est en situation de défaillance avérée ou prévisible, il appartient exclusivement au CRU (et, par analogie, aux autorités nationales de résolution) d’apprécier les conditions requises pour une résolution et d’adopter un dispositif de résolution s’il considère que toutes les conditions sont remplies, comme il en découle également de manière explicite de l’article 18, paragraphe 1, du règlement MRU. Certes, la BCE (et par analogie, les ACN) dispose de la compétence pour communiquer une évaluation visant la première condition, à savoir la défaillance avérée ou prévisible, mais il ne s’agit précisément que d’une évaluation, qui ne lie en rien le CRU (et, par analogie, les autorités nationales de résolution) (voir, en ce sens, ordonnance du 6 mai 2019, ABLV Bank/BCE, T‑281/18, EU:T:2019:296, point 34).

151    En neuvième lieu, il ressort du considérant 57 du règlement MRU, d’une part, que le fait qu’une entité ne remplisse pas les conditions d’agrément ne devrait pas justifier en soi l’ouverture d’une procédure de résolution, surtout si une telle entité reste viable ou est susceptible de rester viable. D’autre part, une entité devrait être considérée comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible si elle enfreint ou est susceptible dans un proche avenir d’enfreindre les exigences attachées au maintien de l’agrément.

152    Il n’existe pas d’équivalence fonctionnelle entre une évaluation de la défaillance avérée ou prévisible et un retrait de l’agrément. En effet, s’il est vrai qu’une telle évaluation peut se fonder sur l’appréciation du fait que les conditions de maintien de l’agrément ne sont plus réunies en vertu de l’article 18, paragraphe 4, sous a), du règlement MRU, ces deux actes ne sont nullement équivalents. À cet égard, il suffit de constater que les conditions du retrait de l’agrément énumérées à l’article 18 de la directive 2013/36 diffèrent manifestement des considérations sous-tendant l’évaluation de la défaillance avérée ou prévisible, telles qu’elles sont présentées à l’article 18, paragraphe 4, dudit règlement (ordonnance du 6 mai 2019, ABLV Bank/BCE, T‑281/18, EU:T:2019:296, point 46).

153    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent groupe de moyens.

b)      Sur la première branche relative à l’incompétence de la BCE pour retirer l’agrément d’établissement de crédit, dès lors que l’ACN avait déjà adopté une déclaration de défaillance avérée ou prévisible

154    En l’espèce, en premier lieu, il y a lieu de relever que la décision du 17 juillet 2018 concerne le retrait de l’agrément pour l’accès aux activités d’établissement de crédit à la seconde requérante pour violation des dispositions du droit national estonien qui sanctionne, par cette mesure, l’absence de dispositif de gouvernance et de système efficace en matière de LBC/FT, la non-exécution d’une instruction émise par l’ACN et la communication d’informations ou de documents trompeurs.

155    En deuxième lieu, il convient d’observer que la BCE a adopté la décision du 26 mars 2018, puis celle du 17 juillet 2018, sur proposition de la FSA, l’ACN estonienne, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base ainsi que de l’article 83, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU.

156    En troisième lieu, dans le cadre d’une telle décision et de la mise en œuvre décentralisée de sa compétence exclusive en matière de retrait de l’agrément, la seconde requérante étant un établissement de crédit moins important, la BCE était tenue, en vertu de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base et de l’article 83, paragraphe 2, sous b) et c), du règlement-cadre MSU, de prendre pleinement en compte les motifs justifiant le retrait, avancés par l’ACN, ainsi que de coopérer avec cette dernière par le biais de consultations concernant les éventuelles mesures de résolution que l’autorité nationale de résolution aurait estimées nécessaires.

157    En quatrième lieu, il ressort du point 3.2, sous d), de la décision du 17 juillet 2018 que la FSA, qui est, en Estonie, à la fois l’ACN dans le cadre du MSU et l’autorité nationale de résolution dans le cadre du MRU (article 3 de la loi estonienne sur la prévention et la résolution des crises financières), a adopté, le 10 avril 2017, la décision FOLTF au motif que la seconde requérante avait commis plusieurs violations des conditions requises pour l’agrément de sorte que celui-ci aurait pu lui être retiré, comme le considérant 57 du règlement MRU le prévoit.

158    En effet, aux termes du considérant 57 du règlement MRU, une entité devrait être considérée comme étant en situation de défaillance avérée ou prévisible si elle enfreint ou est susceptible d’enfreindre les exigences attachées au maintien de l’agrément.

159    Ensuite, il ressort du point 3.1, sous b), de la décision du 17 juillet 2018 que, en date du 7 février 2018, la FSA, agissant en ses fonctions d’autorité nationale de résolution, a adopté une décision établissant qu’une résolution n’était pas dans l’intérêt public. C’est à cette décision que les requérantes se réfèrent, dans leurs écritures, comme « deuxième décision FOLTF ».

160    Ainsi, bien que la FSA ait adopté la décision FOLTF, pour laquelle elle était compétente, et que donc la première condition prévue par l’article 18, paragraphe 1, sous a), du règlement MRU, pour l’adoption d’un dispositif de résolution, soit remplie, il a été considéré qu’il n’existait pas d’intérêt public pour mettre en œuvre des mesures de résolution, de sorte que la troisième condition prévue à l’article 18, paragraphe 1, sous c), dudit règlement n’était pas réunie. Partant, ladite décision n’a pas conduit en l’espèce l’autorité nationale de résolution (la FSA) à l’adoption d’un dispositif de résolution, dès lors que les conditions prévues n’étaient pas cumulativement remplies.

161    En revanche, il ressort du point 3.1, sous c), de la décision du 17 juillet 2018 que, le 6 mars 2018, la FSA a adopté une proposition de décision de retrait de l’agrément et que la BCE, à la suite de la réception de cette proposition, a donné à la seconde requérante la possibilité de présenter ses observations sur cette dernière, pour ensuite adopter la décision du 26 mars 2018, puis celle du 17 juillet 2018, qui se fonde sur les motifs et sur les appréciations factuelles et les résultats des vérifications et des inspections effectuées par la FSA.

162    Or, premièrement, c’est à bon droit que la BCE a considéré, au point 2.1 de la décision du 17 juillet 2018, qu’elle était exclusivement compétente pour adopter une décision en matière de retrait de l’agrément. Une telle conclusion est conforme, d’une part, à l’article 4, paragraphe 1, sous a), et à l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base ainsi qu’à l’article 83 du règlement‑cadre MSU et, d’autre part, à la jurisprudence rappelée au point 135 ci‑dessus.

163    Deuxièmement, c’est conformément à la répartition des compétences entre les ACN des États membres participants et la BCE au sein du MSU, aux dispositions applicables et à la jurisprudence, mentionnées aux points 136, 137, 140 et 141 ci-dessus, que la FSA a transmis à la BCE une proposition de décision de retrait de l’agrément et que cette dernière s’est appuyée sur les motifs de celle-ci pour fonder sa propre décision.

164    En effet, la seconde requérante étant un établissement de crédit moins important, d’une part, il appartenait à la FSA, à savoir l’ACN estonienne, d’effectuer les vérifications factuelles nécessaires ainsi que de préparer et d’assister la BCE dans l’élaboration et la mise en œuvre de tout acte lié aux missions visées à l’article 4 du règlement MSU de base, parmi lesquelles figure la décision de retrait de l’agrément.

165    D’autre part, en vertu des dispositions et de la jurisprudence rappelées aux points 138 et 139 ci-dessus, la BCE disposait d’un pouvoir d’encadrement de l’action de surveillance directe exercée par la FSA, que la BCE a utilisé, en l’espèce, en procédant à différentes consultations avec la FSA, surtout depuis le mois d’avril 2017, et après la dernière inspection, comme la BCE l’a confirmé lors de l’audience.

166    Troisièmement, la BCE disposait assurément de la compétence pour adopter la décision du 17 juillet 2018, malgré et indépendamment des décisions invoquées par les requérantes.

167    À cet égard, les arguments des requérantes selon lesquels la BCE était incompétente pour adopter la décision du 17 juillet 2018, dès lors que l’ACN avait adopté une décision concernant la défaillance avérée ou prévisible de la seconde requérante, découlent d’une lecture erronée de l’interaction entre le MSU, d’une part, et le MRU, d’autre part, ainsi que de certaines erreurs factuelles.

168    En effet, les requérantes estiment, en substance, que le MSU et le MRU sont des systèmes alternatifs, que, contrairement à ce qu’il était anciennement prévu par le droit national, l’absence de prise d’une mesure de résolution n’a pas pour conséquence que l’établissement de crédit soit liquidé en vertu du droit national et que la BCE ne disposerait pas, à la suite d’une décision FOLTF, de la compétence pour décider le retrait de l’agrément.

169    Toutefois, contrairement à ce que les requérantes soutiennent, la FSA n’a pas adopté deux décisions, mais, d’une part, la décision FOLTF, à savoir une déclaration de défaillance avérée ou prévisible, le 10 avril 2017 et, d’autre part, agissant dans ses fonctions d’autorité nationale de résolution, une décision établissant qu’une résolution n’était pas dans l’intérêt public, le 7 février 2018, comme il ressort clairement de la décision du 17 juillet 2018, dont les passages sont rappelés aux points 157 et 159 ci-dessus.

170    Les actes en cause sont distincts, une déclaration de défaillance avérée ou prévisible étant une des conditions préalables pour adopter une décision finale concernant la résolution, à savoir un dispositif de résolution en vertu de l’article 18, paragraphe 6, du règlement MRU. Cette condition est toutefois une condition nécessaire, mais non suffisante pour l’adoption d’une mesure de résolution, comme il ressort du point 149 ci‑dessus.

171    Cette interprétation a été confirmée par la jurisprudence mentionnée au point 148 ci-dessus, selon laquelle la déclaration de défaillance avérée ou prévisible présente une évaluation des faits par l’ACN quant à la question de la défaillance avérée ou prévisible dudit établissement, qui n’est nullement obligatoire, mais qui constitue la base de l’adoption, par l’autorité nationale de résolution, de dispositifs de résolution ou de décisions établissant qu’une résolution n’est pas dans l’intérêt public.

172    C’est une décision de ce second type que la FSA, agissant en ses fonctions d’autorité nationale de résolution, a adopté en l’espèce.

173    Or, contrairement à ce qu’affirment les requérantes, une telle décision n’interdit aucunement à la BCE d’adopter par la suite une décision de retrait de l’agrément.

174    Il y a lieu, au contraire, de retenir que, dans la mesure où la déclaration de défaillance avérée et prévisible, qui peut être adoptée, notamment, dès lors que les conditions pour un retrait de l’agrément sont remplies, comme il ressort du considérant 57 du règlement MRU et comme le reconnait également la seconde requérante, et qui peut être prise comme base pour l’adoption d’une mesure de résolution, ne donne pas lieu à une telle mesure, selon l’autorité nationale de résolution compétente pour l’adopter en vertu de l’article 7, paragraphe 3, sous e), dudit règlement (en ce qui concerne un établissement de crédit moins important), la BCE peut décider de procéder au retrait de l’agrément de l’établissement de crédit qui ne respecte plus les conditions pour le maintien d’un tel agrément.

175    En effet, si le MRU partage la même mission que celle visée par le MSU de protection de la stabilité et de la sécurité du système financier de l’Union, et est donc complémentaire par rapport à ce dernier, tel qu’il ressort du considérant 11 du règlement MRU, il a néanmoins vocation à être appliqué lorsqu’une entité se trouve dans une situation d’insolvabilité ou de risque de devenir insolvable et vise une gestion des crises financières une fois qu’elles se sont produites, tel qu’il ressort du considérant 7 dudit règlement.

176    Cette conclusion est confirmée par ailleurs par le considérant 57 du règlement MRU, aux termes duquel « le fait qu’une entité ne remplisse pas les conditions d’agrément ne devrait pas justifier en soi l’ouverture d’une telle procédure, surtout si elle reste viable ou est susceptible de rester viable », ainsi que par la jurisprudence rappelée au point 152 ci‑dessus.

177    Les mesures adoptées en vertu du MSU et du MRU pourraient s’exclure mutuellement, comme cela a été allégué par les requérantes, uniquement dans le cas où une entité devait non seulement ne plus garantir les conditions pour le maintien de l’agrément, mais également ne plus être solvable.

178    Dans ce seul cas, la BCE devrait donner la priorité à une mesure de résolution adoptée par le CRU ou par une autorité nationale de résolution (selon l’importance de l’établissement de crédit), en vertu du mécanisme de coordination et de coopération avec ces autres autorités, esquissé aux articles 14, paragraphes 5 et 6, du règlement MSU de base ainsi qu’à l’article 83, paragraphe 3, et à l’article 84 du règlement-cadre MSU. En outre, la BCE est tenue, en vertu de l’article 83, paragraphe 2, dudit règlement-cadre, de prendre dûment en compte les consultations avec les autorités nationales de résolution, avant d’adopter sa décision de retrait de l’agrément.

179    La coexistence du MSU et du MRU ne saurait être comprise comme excluant la possibilité pour l’autorité compétente en matière de surveillance prudentielle, à savoir la BCE, de retirer l’agrément, en l’absence des conditions pour adopter une mesure de résolution, à savoir lorsque l’établissement de crédit en cause ne risque pas de devenir non viable.

180    En effet, cela équivaudrait à exonérer les établissements de crédit, qui sont solides d’un point de vue financier, de l’obligation de respecter les autres règles prudentielles qui leur sont imposées aux fins du maintien de leur agrément.

181    S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel les « décisions FOLTF » devraient leur être communiquées, il suffit de souligner que la décision finale par laquelle l’autorité nationale de résolution a établi qu’il n’existait pas d’intérêt public à la résolution et la déclaration de défaillance avérée ou prévisible de la FSA s’inscrivent dans une procédure distincte de celle conduisant à la décision du 17 juillet 2018, de sorte que l’absence de notification de la décision FOLTF à la seconde requérante n’a pas d’incidence sur la légalité de la décision du 17 juillet 2018. Par ailleurs, dans la mesure où les motifs sur lesquels la décision FOLTF se fonde coïncident avec les motifs sur lesquels se fonde la proposition de décision de retrait de l’agrément de la FSA, telle que reprise dans la décision du 17 juillet 2018, ceux-ci doivent être considérés comme étant connus de ladite requérante qui est la destinataire de ces dernières décisions.

182    Par ailleurs, compte tenu des précisions fournies aux points 173 à 180 ci-dessus relatives aux interactions entre les systèmes MSU et MRU, il y a lieu de considérer que les arguments des requérantes concernant la référence dans la décision du 17 juillet 2018 à une disposition du droit national prétendument abrogée par l’entrée en vigueur de ces deux systèmes, et notamment à l’article 118 de la loi estonienne sur les établissements de crédit, sont inopérants.

183    Il découle de tout ce qui précède que la présente branche ne saurait prospérer.

c)      Sur la deuxième branche relative à l’incompétence de la BCE pour évaluer les questions en matière de LBC/FT

184    Les requérantes contestent en substance la compétence de la BCE pour adopter une décision de retrait de l’agrément en raison de la violation des dispositions en matière de LBC/FT, domaine dans lequel elle est incompétente. Le retrait de l’agrément se justifierait, en revanche, uniquement pour des raisons prudentielles.

185    En premier lieu, comme il ressort de l’article 67 de la directive 2013/36, le retrait de l’agrément est prévu également en cas de non‑respect par l’établissement de crédit des obligations en matière de LBC/FT. Ainsi, le respect des obligations en la matière est manifestement pertinent dans le cadre de la surveillance prudentielle, dès lors que, comme le soulignent les considérants 1 et 2 de la directive 2005/60, l’utilisation du système financier à des fins de blanchiment de capitaux est susceptible de menacer la stabilité, l’intégrité et la réputation de celui-ci ainsi que du marché unique.

186    Le fait que le libellé de l’article 18 de la directive 2013/36 mentionne encore la compétence des autorités nationales de surveillance pour retirer l’agrément n’est pas susceptible de remettre en cause la volonté du législateur de l’Union, telle qu’elle ressort des dispositions du règlement MSU de base actuellement en vigueur.

187    En effet, si les États membres demeurent compétents pour la mise en œuvre des dispositions en matière de LBC/FT, comme le prévoit explicitement le considérant 28 du règlement MSU de base, la BCE est exclusivement compétente pour le retrait de l’agrément, pour tous les établissements de crédit, indépendamment de leur importance, même lorsque celui-ci se fonde, comme en l’espèce, sur les motifs prévus à l’article 67, paragraphe 1, sous d), e) et o), de la directive 2013/36 auquel renvoie l’article 18 de cette directive, dès lors que l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement fixe comme condition pour le retrait de l’agrément l’existence d’un ou plusieurs motifs justifiant le retrait aux termes de l’article 18 de ladite directive. Ainsi, les requérantes ne sauraient, à bon droit, remettre en cause, pour cette raison, la compétence de la BCE pour adopter la décision du 17 juillet 2018.

188    En deuxième lieu, s’agissant des motifs du retrait de l’agrément en l’espèce, les requérantes ne sauraient valablement contester que ceux-ci correspondent bien à certains des motifs justifiant le retrait de l’agrément, et notamment à ceux figurant à l’article 18, sous e) et f), de la directive 2013/36, comme l’exige l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base. En particulier, l’article 18, sous f), de ladite directive concerne le cas d’infractions par l’établissement de crédit, visées à l’article 67, paragraphe 1, de cette directive.

189    En l’espèce, les infractions énumérées à l’article 67, paragraphe 1, sous d), e) et o), de la directive 2013/36 ont été reprochées à la seconde requérante dans le cadre de la décision du 17 juillet 2018. Ces infractions concernent respectivement l’absence de dispositifs de gouvernance exigés par les ACN conformément aux dispositions nationales transposant l’article 74 de ladite directive, l’omission d’informations ou la communication d’informations inexactes ou incomplètes, relatives au respect de l’obligation de satisfaire aux exigences de fonds propres, aux ACN et la commission d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60 en matière de LBC/FT.

190    Partant, et compte tenu également des considérations développées aux points 185 et 187 ci-dessus, les arguments des requérantes concernant l’incompétence de la BCE pour utiliser l’instrument du retrait de l’agrément pour des violations en matière de LBC/FT doivent être rejetés.

191    Par ailleurs, en ce qui concerne plus particulièrement l’argument des requérantes selon lequel la répartition des compétences entre les ACN des États membres participants et la BCE au sein du MSU et le principe de proportionnalité voudraient que, avant de retirer l’agrément bancaire pour des infractions à la législation en matière de LBC/FT, tout l’arsenal d’autres mesures disponibles (amendes, interdiction d’exercer certains types d’activités, poursuites pénales) soit épuisé, il convient de le rejeter.

192    En effet, il ressort du dossier que la FSA a donné à la seconde requérante plusieurs occasions de se conformer aux exigences réglementaires en matière de LBC/FT, tel qu’il ressort des points 25, 26 et 29 ci-dessus, y compris en adoptant un précepte, qui n’a pas non plus été respecté par ladite requérante. Dans ces circonstances, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la BCE d’avoir adopté une décision de retrait de l’agrément de manière prématurée ou en violation du principe de proportionnalité.

193    En troisième lieu, dans la mesure où la mise en œuvre et le contrôle du respect par un établissement de crédit des dispositions en matière de LBC/FT relèvent sans aucun doute des compétences des autorités nationales, et que, en l’espèce, c’est bien la FSA qui les a exercées, les requérantes ne sauraient valablement invoquer une violation des compétences propres de cette dernière par la BCE.

194    En effet, d’une part, c’est conformément à la répartition des compétences entre les ACN des États membres participants et la BCE au sein du MSU, mise en exergue aux points 131, 136, 137 et 140 ci-dessus et, en particulier, à l’exercice décentralisé des compétences exclusives en matière de retrait de l’agrément, reconnu par la jurisprudence rappelée au point 135 ci‑dessus, que la FSA s’est acquittée de son devoir de coopération et d’assistance de la BCE, tel que prévu par l’article 6, paragraphes 2, deuxième alinéa, et 3, du règlement MSU de base, premièrement, en effectuant les contrôles et les vérifications matérielles nécessaires, deuxièmement, en entrant en communication avec l’établissement de crédit en cause afin de résoudre les problèmes de manière précoce, y compris en consultant l’autorité nationale de résolution constituée également en son sein, et troisièmement, en prédisposant d’un projet de décision de retrait de l’agrément, en vertu de l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement.

195    D’autre part, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la BCE d’avoir fondé la décision du 17 juillet 2018 sur cette proposition de décision de retrait de l’agrément de la FSA, dès lors que, lorsqu’une ACN propose le retrait de l’agrément à la BCE, il ressort de l’article 14, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement MSU de base ainsi que de l’article 83, paragraphe 2, du règlement‑cadre MSU que la BCE est tenue de tenir pleinement compte des motifs justifiant ledit retrait avancés par cette ACN.

196    Par ailleurs, il convient de relever que la BCE a également demandé les observations de la seconde requérante sur le projet de décision de retrait de l’agrément de la FSA et les a prises en compte, conformément à l’article 83, paragraphe 2, sous d), du règlement-cadre MSU.

197    C’est donc sans méconnaître la répartition des compétences entre les ACN des États membres participants et la BCE au sein du MSU, que, en l’espèce, les faits constitutifs des violations de la législation en matière de LBC/FT ont été établis par la FSA que l’appréciation juridique déterminant si ces faits justifiaient un retrait de l’agrément ainsi que l’appréciation de la proportionnalité ont été réservées en revanche à la BCE.

198    Par ailleurs, eu égard à ce qui précède, les arguments, développés par les requérantes dans le cadre du présent groupe de moyens, concernant l’absence d’une expertise et d’une compétence organisées au sein de la BCE en matière de LBC/FT sont inopérants.

199    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche.

d)      Sur la troisième branche relative à l’incompétence de la BCE pour refuser l’autoliquidation de la seconde requérante et la vente de la banque à un autre investisseur

200    Les requérantes reprochent en substance à la BCE d’avoir adopté une décision refusant l’autoliquidation de la seconde requérante ou la vente de l’établissement de crédit à d’autres investisseurs.

201    À titre liminaire, s’agissant de l’autoliquidation de la seconde requérante, il convient de préciser que, selon l’article 117 de la loi estonienne sur les établissements de crédit, pour procéder à son autoliquidation, un établissement de crédit doit présenter une demande de dissolution volontaire à la FSA, qui est donc l’autorité compétente pour accepter ou rejeter une telle demande.

202    Il ressort du dossier que, d’une part, la seconde requérante n’allègue pas avoir introduit une demande d’autoliquidation et, d’autre part, qu’elle reproche à la BCE de ne pas lui avoir donné l’occasion de l’introduire. Or, ladite requérante n’a pas introduit une telle demande. En outre, la BCE n’est certainement pas tenue d’inciter un établissement de crédit à présenter une demande d’autoliquidation auprès d’une autorité nationale, ni compétente pour prendre une décision formelle d’autorisation ou de refus d’une demande d’autoliquidation, comme les parties l’admettent.

203    Il en découle que les arguments des requérantes sont pertinents uniquement en ce qu’ils visent en réalité l’évaluation de la BCE sur la proportionnalité de la décision de retrait de l’agrément, effectuée au point 3.3.2 de la décision du 17 juillet 2018, et ils seront examinés dans le cadre de l’analyse dédiée à la proportionnalité dudit retrait (voir points 306 à 344 ci‑après). Il en va de même des arguments relatifs à l’incompétence de la BCE pour empêcher la vente de l’établissement de crédit à d’autres investisseurs, formulés dans le cadre du quinzième moyen de la requête.

204    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la présente branche.

e)      Sur la quatrième branche relativeau détournement de pouvoir

205    À l’appui de la présent branche, les requérantes soutiennent, en substance, que la BCE n’a pas admis l’autoliquidation de la seconde requérante (ni sa vente à d’autres investisseurs ou d’autres mesures moins intrusives) et a retiré son agrément pour des motifs étrangers à la surveillance prudentielle, et notamment pour des conséquences en termes de publicité favorable que celle-ci et la FSA en auraient tirées, en méconnaissance du considérant 75 et de l’article 19 du règlement MSU de base, qui imposent à la BCE d’exercer ses missions indépendamment de toute influence politique.

206    La BCE, soutenue par la Commission, rétorque que ce moyen est manifestement dénué de fondement.

207    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes du considérant 75 du règlement MSU de base, « [a]fin de pouvoir s’acquitter efficacement des missions de surveillance qui lui sont confiées, la BCE devrait pouvoir les exercer en toute indépendance, et notamment indépendamment de toute influence politique indue et de toute ingérence du secteur susceptibles de nuire à son indépendance opérationnelle ».

208    Il ressort, par ailleurs, du considérant 15 du règlement MSU de base que sont confiées à la BCE les missions spécifiques de surveillance qui sont cruciales pour garantir une mise en œuvre cohérente et efficace de la politique de l’Union en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit, y compris l’adoption de mesures aux fins de la stabilité macroprudentielle, selon des modalités spécifiques tenant compte du rôle des autorités nationales. L’article 19, paragraphe 1, dudit règlement, est libellé comme suit :

« Dans l’accomplissement des missions que leur confie le présent règlement, la BCE et les [ACN] agissant au sein du MSU agissent de manière indépendante. Les membres du conseil de surveillance et du comité de pilotage agissent en toute indépendance et objectivité dans l’intérêt de l’ensemble de l’Union et ne sollicitent ni ne suivent aucune instruction des institutions ou organes de l’Union, des gouvernements des États membres ni d’autres organismes publics ou privés. »

209    En outre, il ressort d’une jurisprudence constante que la notion de détournement de pouvoir se réfère au fait, pour une autorité administrative, d’avoir usé de ses pouvoirs dans un but autre que celui en vue duquel ils lui ont été conférés. Une décision n’est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise à une telle fin. En outre, en cas de pluralité de buts poursuivis, même si un motif non justifié se joint aux motifs valables, la décision ne serait pas pour autant entachée de détournement de pouvoir, dès lors qu’elle ne sacrifie pas le but essentiel (voir arrêt du 13 décembre 2017, Crédit mutuel Arkéa/BCE, T‑52/16, EU:T:2017:902, point 210 et jurisprudence citée).

210    En l’espèce, il suffit de constater que les requérantes restent à défaut de prouver que la BCE, en adoptant la décision du 17 juillet 2018, a poursuivi un but autre que la mise en œuvre de sa mission de surveillance prudentielle des établissements de crédit. De plus, elles n’ont présenté aucun élément de preuve de nature à démontrer une éventuelle absence d’indépendance à l’égard de la BCE, en violation de l’article 19 du règlement MSU de base.

211    En tout état de cause, la décision du 17 juillet 2018 se fonde sur un ensemble de motifs de retrait de l’agrément prévus par l’article 18 de la directive 2013/36, qui se réfèrent à des violations graves de la législation en matière de LBC/FT. Il en découle que la motivation de ladite décision est conforme aux objectifs poursuivis par les missions de surveillance confiées à la BCE.

212    Dès lors, la présente branche doit également être rejetée.

213    Le présent groupe de moyens doit donc être rejeté dans son ensemble.

2.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation des devoirs de diligence et d’impartialité dans l’examen de la BCE

214    Selon les requérantes, la BCE n’a pas apprécié avec soin et impartialité tous les aspects pertinents de l’affaire. Elles se bornent toutefois à reprocher à la BCE de s’être contentée d’accepter les conclusions de la FSA, qui étaient fondées sur des informations trompeuses fournies par cette ACN, sans effectuer son propre examen des motifs sous-jacents du projet de décision de retrait de l’agrément.

215    La BCE conteste les arguments des requérantes.

216    Selon une jurisprudence constante, le devoir de diligence implique l’obligation pour l’institution concernée d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission, T‑333/10, EU:T:2013:451, point 84).

217    En l’espèce, premièrement, force est de constater, à l’instar de la BCE, que la décision du 17 juillet 2018 contient un exposé complet et clair des motifs justifiant le retrait qui, d’une part, se fondent sur les appréciations de la FSA en tant qu’ACN pour la surveillance prudentielle de la seconde requérante (établissement de crédit moins important) et, d’autre part, concernent une appréciation autonome de la BCE quant au respect des autres conditions pour décider du retrait de l’agrément, y compris l’évaluation de la proportionnalité de la mesure de retrait.

218    Deuxièmement, la critique formulée de manière générale s’agissant d’une prétendue absence de diligence et d’impartialité de la BCE ne saurait prospérer sauf à remettre en cause de manière circonstanciée les éventuelles carences qui auraient été commises par la BCE dans le cadre de l’adoption de la décision du 17 juillet 2018.

219    Troisièmement, il y a lieu de relever, à l’instar de la BCE, que les constats de violations opérés par la FSA, non utilement contestés par la seconde requérante, devaient être traités par la BCE comme des faits établis et comme ne nécessitant pas, par conséquent, un réexamen par la BCE. Ainsi, cette dernière s’est, à juste titre, limitée à vérifier si ces violations constituaient bien des motifs justifiant le retrait de l’agrément. Cet examen a été effectué aux points 3.3.1 et 3.3.2 de la décision du 17 juillet 2018.

220    Quatrièmement, les simples allégations des requérantes quant au fait que la BCE s’est contentée de s’appuyer sur les conclusions de l’ACN doivent également être rejetées pour les mêmes motifs que ceux développés aux points 194 à 198 ci‑dessus.

221    Par ailleurs, force est de constater que l’affirmation des requérantes selon laquelle la décision du 17 juillet 2018 est fondée sur des informations trompeuses fournies par la FSA constitue une simple allégation n’étant appuyée par aucun élément de preuve et doit, partant, être rejetée.

222    Il découle de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté.

223    Pour autant que le troisième moyen vise l’existence d’erreurs d’appréciation dans la proposition de décision de la FSA, il convient de rappeler que la Cour a récemment jugé que, dans le cas où le droit de l’Union ne visait pas à instaurer un partage entre deux compétences, l’une nationale, l’autre de l’Union, qui auraient des objets distincts, mais consacrait, au contraire, le pouvoir décisionnel exclusif d’une institution de l’Union, il revenait au juge de l’Union, au titre de sa compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE, de statuer sur la légalité de la décision finale prise par l’institution de l’Union en cause et d’examiner, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des intéressés, les éventuels vices entachant les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales qui seraient de nature à affecter la validité de cette décision finale (voir arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 44 et jurisprudence citée).

224    Dans de telles circonstances, le juge de l’Union doit vérifier les éventuels vices entachant la légalité du projet de décision de la FSA tel que repris dans la décision du 17 juillet 2018, dans la mesure où ces vices sont contestés par les requérantes dans le cadre de leurs autres moyens.

225    Il convient dès lors d’examiner si la seconde requérante a réussi à remettre en cause les appréciations effectuées dans la décision du 17 juillet 2018.

3.      Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d’erreurs d’appréciation ou de l’absence de prise en compte de certains éléments pertinents de l’affaire

a)      Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de prise en compte du rôle positif joué par la nouvelle direction de la seconderequérante

226    Les requérantes allèguent que la décision du 17 juillet 2018 ne tient pas compte du rôle positif joué par la nouvelle direction de la seconde requérante et que, compte tenu de la compétence et de la bonne réputation de cette direction, mise en place à partir de novembre 2017, la BCE n’aurait pas dû retirer son agrément en mars 2018.

227    La BCE conteste les arguments des requérantes.

228    En premier lieu, pour autant que les requérantes invoquent un défaut de prise en compte par la BCE d’un élément pertinent, force est de constater que, au point 3.3.1., sous b), ii), de la décision du 17 juillet 2018, le changement de direction de la seconde requérante a été dûment pris en compte et que les raisons pour lesquelles ce changement n’a pas été considéré comme suffisant pour remédier aux problèmes constatés dans le système de gestion des risques en matière de LBC/FT ont été analysées en détail dans ladite décision.

229    En effet, premièrement, dans la décision du 17 juillet 2018, la BCE a notamment considéré que, bien que la nouvelle direction de la seconde requérante, en fonction depuis le 1er novembre 2017, ait souscrit aux contestations de la FSA, portant sur l’incapacité de ladite requérante de présenter une stratégie non ambiguë sur sa clientèle, une définition détaillée des risques pour cette clientèle et une évaluation financière des risques opérationnels, et que ladite direction ait pris un engagement à changer la stratégie commerciale de cette requérante pendant la période 2018‑2021, celle-ci avait également confirmé vouloir continuer à cibler dans son activité principale les marchés russe et ukrainien.

230    Deuxièmement, il a été relevé dans la décision du 17 juillet 2018 que, selon le droit national applicable (articles 52, paragraphe 4 et 55, paragraphe 1, de la loi estonienne sur les établissements de crédit), la stratégie commerciale d’un établissement de crédit était déterminée par le conseil de surveillance et non par le conseil d’administration.

231    Troisièmement, il a également été relevé dans la décision du 17 juillet 2018 que, malgré les changements de membres du conseil de surveillance de la seconde requérante, également intervenus entre 2012 et 2018, les deux actionnaires majoritaires de ladite requérante continuaient de faire partie dudit conseil de surveillance et que la FSA n’avait identifié aucun changement de stratégie eu égard aux principes de gestion des risques, ce qui permettait raisonnablement de conclure que ceux-ci étaient plutôt influencés par les deux actionnaires susmentionnés. Cette influence pouvait être confirmée également par la circonstance que, nonobstant trois changements de direction entre 2012 et 2017, cette requérante n’avait jamais changé son modèle d’entreprise et son attitude quant au non‑respect des exigences réglementaires en matière de LBC/FT.

232    Pour l’ensemble de ces motifs, la FSA dans son projet de décision et la BCE dans la décision du 17 juillet 2018 ont conclu que les améliorations observées à la suite du changement de direction de la seconde requérante n’étaient pas suffisantes pour assurer le respect par cette dernière de la législation en matière de LBC/FT.

233    Or, ces motifs, qui n’ont au demeurant pas été contestés de manière circonstanciée par les requérantes dans le cadre du recours introduit dans l’affaire T-584/18, d’une part, démontrent que la BCE a bien pris en compte la nouvelle direction de ladite requérante comme élément pertinent de l’affaire et, d’autre part, ne sont pas entachés d’erreur d’appréciation.

234    En deuxième lieu, pour autant que les requérantes invoquent une erreur d’appréciation de la BCE en ce qui concerne la décision du 17 juillet 2018, il y a lieu de souligner que le retrait de l’agrément de la seconde requérante n’était pas fondé sur un défaut de qualité du conseil d’administration, en vertu de l’article 18, sous c), de la directive 2013/36, lu conjointement avec l’article 13, paragraphe 1, de ladite directive, mais sur l’absence d’adoption par ladite requérante des mesures nécessaires pour se conformer aux exigences réglementaires en matière de LBC/FT, ce que, comme il a été remarqué au point 231 ci‑dessus, malgré la nouvelle direction de cette requérante, les requérantes sont restées en défaut de contester valablement.

235    En troisième lieu, pour autant que les arguments des requérantes visent une erreur d’appréciation de la BCE dans son évaluation de la proportionnalité de la décision du 17 juillet 2018, par rapport à d’autres mesures moins intrusives que le retrait de l’agrément, il convient de renvoyer à l’examen de l’évaluation de la proportionnalité (voir points 306 à 344 ci-après).

236    Compte tenu de ce qui précède, le cinquième moyen doit être rejeté.

b)      Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation concernant le caractère erroné des informations sur les activités de la seconderequérante en Lettonie

237    Les requérantes allèguent que la BCE n’a pas pu fonder la décision du 17 juillet 2018 sur la communication d’informations incorrectes à la FSA concernant les activités transfrontalières de la seconde requérante en Lettonie. Selon elles, premièrement, les déclarations factuelles prétendument inexactes ne sont pas précisées ni étayées par des éléments de preuve, alors qu’elles n’ont jamais caché les activités que la seconde requérante exerçait en Lettonie, ouvertement communiquées sur le site Internet de cette dernière. Deuxièmement, ces déclarations porteraient uniquement sur une question de distinction terminologique entre « bureau de représentation » et « service/bureau transfrontalier » ou entre « bureau d’appui » et « succursale ». Troisièmement, la procédure de passeport pour exercer des activités financières transfrontalières dans d’autres pays que ladite requérante n’a pas respectée serait une procédure purement formelle et la même requérante l’aurait respectée en ce qui concerne ses activités en Allemagne, en Suède et au Royaume-Uni. Quatrièmement, cette question serait désormais dénuée de pertinence, dès lors qu’elle aurait fait l’objet d’un règlement devant une juridiction administrative lettone et que ni la FSA ni l’ACN lettone n’auraient infligé de sanctions à cette requérante pour cette raison. Cinquièmement, une gravité particulière serait requise pour que de telles déclarations conduisent au retrait de l’agrément.

238    Par ailleurs, les requérantes estiment que la FSA a eu une attitude ambivalente à partir de l’adoption de la décision FOLTF et n’aurait pas fait comprendre à la seconde requérante qu’elle considérait la question encore ouverte. Elles s’appuient à cet égard sur le communiqué de presse de ladite requérante du 28 juillet 2017, dans lequel le règlement devant l’ACN lettone serait résumé et dont il ressortirait que l’affaire concernant les activités de la seconde requérante en Lettonie était close. Elles ajoutent qu’il serait absurde de considérer une simple inexactitude comme un motif de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit. Elles demandent au Tribunal d’enjoindre à la FSA et à la BCE d’identifier les déclarations prétendument trompeuses et de communiquer les documents dans lesquels la FSA et la BCE auraient soulevé la question comme étant encore suspendue, malgré le règlement intervenu devant la juridiction administrative lettone. Elles demandent également qu’il soit ordonné que les représentants de la FSA et de la BCE témoignent sur ce point.

239    La BCE conteste les arguments des requérantes.

240    À titre liminaire, il convient de rappeler que le considérant 19 de la directive 2013/36 stipule que « [l]es établissements de crédit agréés dans leur État membre d’origine devraient être autorisés à exercer, dans toute l’Union, tout ou partie des activités visées dans la liste des activités qui bénéficient de la reconnaissance mutuelle en établissant des succursales ou par voie de prestation de services. »

241    Aux termes du considérant 20 de la directive 2013/36, « [i]l convient d’étendre le bénéfice de la reconnaissance mutuelle de ces activités lorsqu’elles sont exercées par un établissement financier filiale d’un établissement de crédit, à condition que cette filiale soit incluse dans la surveillance sur base consolidée à laquelle est assujettie son entreprise mère et réponde à certaines conditions strictes. »

242    Dans le cadre du chapitre 2 du titre V de la directive 2013/36 concernant le droit d’établissement des établissements de crédit, les articles 35 et 36 posent une exigence de notification et règlent les relations entre les autorités compétentes.

243    L’article 35 de la directive 2013/36 prévoit que tout établissement de crédit qui désire établir une succursale sur le territoire d’un autre État membre le notifie aux autorités compétentes de son État membre d’origine (paragraphe 1). Cette notification doit s’accompagner des informations concernant, notamment, l’État membre sur le territoire duquel il envisage d’établir une succursale, un programme d’activités indiquant le type d’opérations prévues et la structure de l’organisation de la succursale, l’adresse à laquelle des documents peuvent être obtenus dans l’État membre d’accueil et le nom des personnes responsables de la direction de la succursale (paragraphe 2).

244    L’article 35, paragraphe 4, de la directive 2013/36 dispose que, « [l]orsque les autorités compétentes de l’État membre d’origine refusent de communiquer les informations visées au paragraphe 2 aux autorités compétentes de l’État membre d’accueil, elles font connaître les motifs de ce refus à l’établissement de crédit concerné dans les trois mois suivant la réception de toutes les informations ».

245    L’article 36, paragraphe 1 à 4, de la directive 2013/36 est libellé comme suit :

« 1.      Avant que la succursale d’un établissement de crédit ne commence à exercer ses activités, les autorités compétentes de l’État membre d’accueil préparent, dans les deux mois à compter de la réception des informations visées à l’article 35, la surveillance de l’établissement de crédit conformément au chapitre 4 et indiquent, si nécessaire, les conditions dans lesquelles, pour des raisons d’intérêt général, ces activités sont exercées dans l’État membre d’accueil.

2.      Dès réception d’une communication des autorités compétentes de l’État membre d’accueil, ou, en l’absence de communication de leur part, à l’échéance du délai prévu au paragraphe 1, la succursale peut être établie et peut commencer ses activités.

3.      En cas de modification du contenu de l’une des informations notifiées conformément à l’article 35, paragraphe 2, points b), c) ou d), l’établissement de crédit notifie par écrit cette modification aux autorités compétentes de l’État membre d’origine et de l’État membre d’accueil un mois au moins avant de l’effectuer, pour permettre aux autorités compétentes de l’État membre d’origine de prendre une décision suite à la notification en vertu de l’article 35, et aux autorités compétentes de l’État membre d’accueil de prendre une décision fixant les conditions de la modification conformément au paragraphe 1 du présent article.

4.      Les succursales qui ont commencé leurs activités, conformément aux dispositions en vigueur dans l’État membre d’accueil, avant le 1er janvier 1993, sont réputées avoir fait l’objet de la procédure énoncée à l’article 35 et aux paragraphes 1 et 2 du présent article. Elles sont régies, à compter du 1er janvier 1993, par le paragraphe 3 du présent article et les articles 33 et 53 ainsi que du chapitre 4. »

246    L’article 39 de la directive 2013/36, intitulé « Procédure de notification », prévoit à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Tout établissement de crédit qui désire exercer pour la première fois ses activités sur le territoire d’un autre État membre dans le cadre de la libre prestation de services notifie aux autorités compétentes de l’État membre d’origine celles des activités visées à l’annexe I qu’il envisage d’exercer.

2.      Les autorités compétentes de l’État membre d’origine transmettent aux autorités compétentes de l’État membre d’accueil la notification prévue au paragraphe 1 dans un délai d’un mois à compter de la réception de celle-ci. »

247    L’article 67, paragraphe 1, de la directive 2013/36 est libellé comme suit :

« Le présent article s’applique au moins dans une des circonstances suivantes :

a)      un établissement a obtenu l’agrément au moyen de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier ;

[...]

e)      un établissement omet de déclarer aux autorités compétentes, en infraction avec l’article 99, paragraphe 1 du règlement (UE) no 575/2013, les informations relatives au respect de l’obligation de satisfaire aux exigences de fonds propres prévues à l’article 92 dudit règlement, ou déclare des informations inexactes ou incomplètes ;

f)      un établissement omet de déclarer aux autorités compétentes les données visées à l’article 101 du règlement (UE) no 575/2013, ou déclare des données inexactes ou incomplètes ;

g)      un établissement omet de déclarer aux autorités compétentes les informations relatives aux grands risques, en infraction avec l’article 394, paragraphe 1, du règlement (UE) no 575/2013, ou déclare des informations inexactes ou incomplètes ;

h)      un établissement omet de déclarer aux autorités compétentes les informations relatives à la liquidité, en infraction avec l’article 415, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 575/2013, ou déclare des informations inexactes ou incomplètes ;

i)      un établissement omet de déclarer aux autorités compétentes sur les informations relatives au ratio de levier, en infraction avec l’article 430, paragraphe 1, du règlement (UE) no 575/2013, ou déclare des informations inexactes ou incomplètes ;

[...]

m)      un établissement omet de publier des informations en infraction avec l’article 431, paragraphes 1 à 3, ou à l’article 451, paragraphe 1, du règlement (UE) no 575/2013, ou communique des informations inexactes ou incomplètes ;

[...] »

248    Au point 3.3.1, sous d), de la décision du 17 juillet 2018, en se fondant sur le projet de décision de retrait de l’agrément de la FSA, la BCE a considéré que la seconde requérante avait violé la législation lettone transposant les articles 35 à 38 de la directive 2013/36, en s’établissant en Lettonie avec une succursale sans avoir respecté les procédures prévues, et donc illégalement, ainsi qu’en fournissant de fausses informations à la FSA eu égard à son établissement en Lettonie. D’une part, la FSA s’était fondée sur deux lettres reçues de ladite requérante : dans la première, celle-ci niait avoir exploité une succursale en Lettonie, alors que le contraire avait été prouvé et, dans la seconde, elle affirmait avoir fermé sa succursale en Lettonie, alors qu’elle était encore opérationnelle. D’autre part, elle avait pris en compte les éléments de preuve recueillis pendant une inspection sur place qu’elle avait réalisée du 5 septembre au 14 novembre 2016, dont résultait que cette requérante avait fourni des services financiers par le biais d’une succursale établie en Lettonie depuis le mois d’octobre 2013.

249    Les requérantes contestent en substance le caractère obligatoire de la procédure de notification (dite de « passeport »), visée aux articles 35 et 36 de la directive 2013/36.

250    À cet égard, il y a lieu d’observer que la directive 2013/36 a comme but l’harmonisation des conditions pour l’octroi de l’agrément pour l’accès aux activités financières des établissements de crédit dans toute l’Union afin de permettre à un établissement agréé dans son propre État membre d’être autorisé à exercer toutes ou partie de ses activités dans toute l’Union en établissant une succursale ou par voie de prestation de services, en bénéficiant de la reconnaissance mutuelle, tel qu’il ressort également du considérant 19 de ladite directive.

251    En outre, il ressort des articles 35 à 38 de la directive 2013/36 que le législateur de l’Union a entendu créer, pour les établissements de crédit qui souhaitaient établir une succursale dans un autre État membre, un système de notification à l’autorité compétente de l’État membre d’origine. Cette dernière est donc l’autorité compétente pour l’évaluation de l’existence des conditions pour l’accès de cette succursale aux activités financières dans un autre État membre.

252    Le pouvoir de décision de l’autorité compétente de l’État membre d’origine porte notamment sur le caractère suffisant et complet des informations énumérées au paragraphe 2 de l’article 35 de la directive 2013/36, qui doivent être communiquées à l’autorité compétente nationale de l’État d’accueil, et sur le contrôle de l’adéquation de la structure administrative ou de la situation financière de l’établissement de crédit qui veut établir une succursale dans un autre État membre. En cas de doute, ces informations ne sont pas communiquées et l’établissement de crédit concerné est informé des motifs du refus.

253    Du pouvoir de refuser la communication et de la marge dont dispose l’autorité compétente de l’État membre d’origine pour apprécier les informations qui doivent être communiquées par l’établissement de crédit souhaitant établir une succursale dans un autre État membre découle le caractère non purement formel de la procédure de notification, dite de « passeport ».

254    En outre, il ressort de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2013/36 que l’autorité compétente nationale de l’État membre d’accueil ne prépare la surveillance de la succursale qu’après réception des informations visées à l’article 35 de la même directive. Il en découle que la notification de ces informations constitue une formalité essentielle pour que ladite autorité compétente puisse exercer son activité de surveillance sur la succursale d’un établissement de crédit d’un autre État membre.

255    Cette conclusion est confortée par une lecture téléologique et systématique de la directive 2013/36 et, notamment, des chapitres 2 et 3 du titre V de cette directive. En effet, la raison d’être de ces dispositions est de concilier la possibilité pour un établissement de crédit agréé dans un État membre d’exercer sa liberté de prestation de services et son droit d’établissement dans d’autres États membres, avec l’exigence de la surveillance prudentielle des éventuelles succursales dudit établissement dans d’autres États membres. Dans l’optique de faciliter l’exercice de ce droit ainsi que la reconnaissance mutuelle des agréments au sein de l’Union, dans une époque où la compétence pour l’octroi de ces agréments était du ressort des autorités nationales, le législateur a choisi, dans la directive 2013/36, de concentrer entre les mains de l’autorité compétente de l’État membre d’origine la responsabilité de vérifier l’existence des conditions pour l’exercice des activités financières d’une succursale d’un établissement de crédit. Cette autorité est en effet la mieux placée pour connaître la structure organisationnelle et la politique commerciale de ce dernier et pour assister, en fournissant ces informations, l’autorité compétente de l’État membre d’accueil dans sa mission de surveillance de la succursale établie sur son territoire.

256    Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la procédure de notification, dite de « passeport », revêt un caractère contraignant.

257    Or, les requérantes ne contestent pas le fait que la seconde requérante n’a pas déclenché la procédure de notification, mais se bornent simplement à remettre en question la gravité du comportement de celle-ci qu’elles estiment être une simple méconnaissance d’exigences purement formelles. Toutefois, il ressort des développements exposés aux points 248 à 256 ci-dessus, que la procédure de notification que ladite requérante a violée ne constitue pas une simple formalité, mais une obligation légale. Partant, celle‑ci a établi une succursale en Lettonie et a exercé des activités financières illégalement.

258    De plus, dans la mesure où la FSA a fourni à la BCE une explication détaillée des résultats de ses enquêtes sur cette question dont il résulte par ailleurs que la seconde requérante fournissait des services financiers en Lettonie à la fois à des clients lettons et de pays tiers, et que ces clients recrutés en Lettonie avaient généré, entre les mois de novembre 2013 et août 2016, 66 % du revenu total des services fournis par la seconde requérante, et que ces résultats n’ont aucunement été remis en cause de manière circonstanciée par les simples allégations non étayées de la seconde requérante, ces faits doivent être considérés comme étant établis.

259    Or, la fourniture de services financiers aux clients lettons et la partie importante que cela représentait dans les revenus de la seconde requérante démontrent que la succursale en Lettonie ne pouvait pas constituer un simple bureau de représentation ou d’appui.

260    Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que les appréciations de la FSA concernant le caractère faux des informations qui lui ont été fournies dans les deux lettres des 26 septembre 2013 et 9 février 2016 sont erronées. En effet, alors que les requérantes affirment que les activités de ladite succursale n’étaient pas adressées aux lettons, mais à des clients de pays tiers, il ressort des éléments détaillés recueillis par la FSA pendant son inspection sur place que 66 % du revenu de ladite requérante dérivait des activités de cette succursale et que 3 % des comptes ouverts auprès de cette succursale étaient détenus par des résidents lettons. Force est de constater que les requérantes n’ont même pas essayé de contester les chiffres fournis par la FSA à la BCE.

261    Enfin, il convient de rejeter les arguments par lesquels les requérantes reprochent à la BCE de ne pas avoir analysé la gravité des comportements de la seconde requérante.

262    À cet égard, d’une part, il convient de souligner que la communication de fausses informations à une autorité nationale de surveillance présente une gravité intrinsèque en ce qu’elle est susceptible de remettre en question la fiabilité des informations communiquées par les établissements de crédit soumis à surveillance, nécessaire pour garantir l’effectivité et l’efficacité de leur mission ainsi que le système de confiance mutuelle entre les ACN, que la création de la procédure de notification, dite de « passeport », vise à garantir au sein du MSU.

263    L’importance pour les ACN de disposer des informations nécessaires et de pouvoir se fier à des informations correctes pour s’acquitter de leurs fonctions de surveillance prudentielle et, partant, la gravité du comportement d’un établissement de crédit qui méconnaît ses obligations d’information est confirmée également par le libellé de l’article 67, paragraphe 1, sous a), e) à i) et m), de la directive 2013/36, qui prévoit comme cas de retrait de l’agrément [en vertu du renvoi opéré par l’article 18, sous f), de la même directive à cette disposition] l’omission d’information dans les cas sous e) à i) et m) de ce dernier article et la communication d’informations incorrectes aux fins d’obtention d’un agrément dans le cas sous a) du même article.

264    D’autre part, certes, la BCE devait prendre en compte l’existence d’un « règlement judiciaire administratif » entre l’établissement de crédit et l’autorité compétente de l’État membre d’accueil, par lequel ledit établissement s’engageait à mettre un terme aux violations en cause, dans le cadre de son appréciation de la proportionnalité de la mesure de retrait de l’agrément, n’étant pas suffisant à cette fin d’affirmer que lesdites violations constituent des motifs d’un tel retrait en vertu du droit national estonien (article 17, paragraphe 1, points 2 et 15, de la loi estonienne sur les établissements de crédit).

265    Toutefois, force est de constater que, dans le cadre du « règlement judiciaire administratif » en cause, la seconde requérante s’engageait à respecter pleinement la décision de l’ACN lettone qui lui interdisait de fournir des services financiers en Lettonie et de recruter de nouveaux clients en Lettonie, et qui l’obligeait à mettre fin à ses relations contractuelles avec les clients existants en Lettonie et à ses relations d’affaires avec les clients recrutés dans le cadre du principe de liberté de prestation de services en Lettonie.

266    En outre, d’une part, le « règlement judiciaire administratif » en cause n’est pas susceptible de légaliser les comportements illégaux de la seconde requérante pour le passé, mais seulement d’éviter d’éventuelles autres mesures, y compris des sanctions, pour le futur.

267    D’autre part, il ressort du communiqué de presse de ACN lettone que, afin de continuer de prester ses services en Lettonie, la seconde requérante aurait dû d’abord obtenir l’autorisation conformément aux procédures prévues dans la réglementation. Cela démontre que la situation n’était pas complètement résolue, dans la mesure où ladite requérante n’avait pas encore engagé de procédure visant à obtenir une autorisation.

268    Il découle de ce qui précède que le quatrième moyen ne saurait prospérer. Partant, le présent groupe de moyens doit être rejeté.

4.      Sur les sixième, douzième et dix-huitième moyens, tirés d’une erreur d’appréciation en ce que la BCE sest fondée à tort sur la violation du précepte de la FSA et de la violation du principe de sécurité juridique

269    Par leur dix-huitième moyen, les requérantes invoquent la violation du principe de sécurité juridique, dans la mesure où, dans le précepte, la FSA n’a pas défini précisément ses attentes concernant les exigences réglementaires à respecter en matière de LBC/FT. Ledit précepte aurait prévu dans sa partie opérationnelle une amende de 32 000 euros en cas de non-respect de ces exigences, ce qui pouvait faire naître une attente légitime en ce qui concerne la seconde requérante que, avant qu’il n’y ait un retrait de l’agrément, ladite ACN aurait pris des mesures prudentielles moins intrusives. Dans le cadre du sixième moyen, les requérantes font observer que cette ACN dans son projet de décision de retrait de l’agrément et la BCE dans la décision du 17 juillet 2018 n’ont pas défini les exigences réglementaires et les critères standardisés que ladite requérante n’aurait pas respecté et par rapport auxquels l’évaluation de non-conformité était effectuée.

270    Dans le cadre du douzième moyen, les requérantes allèguent que la violation d’un précepte d’une ACN ne constitue pas un motif valable de retrait de l’agrément, et ce d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, le précepte est formulé de manière vague, sans préciser quelles mesures correctives concrètes doivent être adoptées. Le texte du précepte de la FSA joint au mémoire en défense de la BCE ferait un renvoi au contenu d’un rapport de l’inspection sur place réalisée entre le 13 avril et le 12 juin 2015, qui ne serait toutefois pas joint au dossier. La charge de la preuve du caractère concret du contenu de l’instruction relèverait de la BCE. La décision du 17 juillet 2018 laisserait vaguement entendre que ledit précepte n’a pas été entièrement respecté ou qu’il ne l’a pas été dans le délai imparti. Un tel motif ne justifierait pas la mesure de surveillance la plus intrusive, à savoir un retrait de l’agrément. Enfin, les requérantes affirment que la seconde requérante a demandé des clarifications en ce qui concerne le contenu concret des exigences réglementaires en matière de LBC/FT, mais qu’elle ne les a pas reçues.

271    La BCE réfute les arguments des requérantes.

272    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 74, paragraphes 1 et 2, de la directive 2013/36 :

« 1. Les établissements disposent d’un dispositif solide de gouvernance d’entreprise, comprenant notamment une structure organisationnelle claire avec un partage des responsabilités bien défini, transparent et cohérent, des processus efficaces de détection, de gestion, de suivi et de déclaration des risques auxquels ils sont ou pourraient être exposés, des mécanismes adéquats de contrôle interne, y compris des procédures administratives et comptables saines, et des politiques et pratiques de rémunération permettant et favorisant une gestion saine et efficace des risques.

2. Les dispositifs, les processus et les mécanismes visés au paragraphe 1 sont exhaustifs et adaptés à la nature, à l’échelle et à la complexité des risques inhérents au modèle d’entreprise et aux activités de l’établissement. Il est tenu compte des critères techniques définis aux articles 76 à 95. »

273    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique impose de se référer à l’état du droit en vigueur lors de l’application du texte litigieux (arrêt du 14 juillet 1971, Henck, 12/71, EU:C:1971:86, point 5) et exige que tout acte des institutions qui produit des effets juridiques soit clair, précis et porté à la connaissance de l’intéressé de telle manière que celui-ci puisse connaître avec certitude le moment à partir duquel ledit acte existe et commence à produire ses effets juridiques (voir arrêt du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T‑115/94, EU:T:1997:3, point 124 et jurisprudence citée).

274    En l’espèce, au point 3.3.1, sous c), de la décision du 17 juillet 2018, la BCE a relevé, sur la base du projet de décision de la FSA, que la seconde requérante n’avait pas respecté le précepte en cause, adopté le 8 août 2016, par lequel cette dernière était tenue, premièrement, d’appliquer les règles de procédure, deuxièmement, d’appliquer correctement l’article 13, paragraphe 1, points 3 à 5, de la loi estonienne en matière de LBC/FT, dans sa version applicable au moment de l’adoption du précepte, et d’éviter d’entrer en relation commerciale, le cas échéant, troisièmement, de vérifier que lesdites dispositions aient été appliquées de manière correcte aux relations commerciales existantes et, si nécessaire, de réappliquer les procédures de vigilance à l’égard de la clientèle, quatrièmement, d’éviter d’effectuer des transactions, le cas échéant, en vertu de l’article 27, paragraphe 2, de ladite loi, dans sa version applicable au moment de l’adoption dudit précepte, cinquièmement, de référer à la cellule de renseignement financier lorsqu’une activité ou d’autres circonstances pourraient être un indice de la commission ou d’une tentative de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme, ou lorsque ladite requérante avait des raisons de penser ou savait qu’il s’agissait de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme et, sixièmement, de fournir à la FSA, avant le 9 décembre 2016, un rapport sur la manière dont cette requérante s’était conformée à ce précepte. La BCE a conclu que, en ne s’étant pas conformée entièrement au précepte en cause dans le délai prévu, la seconde requérante avait violé ainsi l’article 17, paragraphe 1, point 14, de la loi estonienne sur les établissements de crédit et que cette violation du droit national constituait un autre motif de retrait de l’agrément, en vertu de l’article 18, sous f), de la directive 2013/36.

275    Les requérantes considèrent, en substance, que le précepte en cause ne pouvait pas être respecté, car il se limitait à rappeler les dispositions auxquelles la seconde requérante devait se conformer et que l’objectif de rétablir la légalité n’est pas un objectif légitime pour retirer un agrément à un établissement de crédit.

276    En premier lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, l’objectif d’une mesure de retrait de l’agrément est de mettre fin aux violations répétées des exigences réglementaires que tous les établissements de crédit sont tenus de respecter. Dans ce cadre, l’adoption par l’ACN d’un précepte ne fait que confirmer que son destinataire a eu plusieurs occasions de s’y conformer et que la mesure la plus intrusive, le retrait de l’agrément, n’a été adoptée qu’en dernier ressort.

277    En deuxième lieu, il n’est pas plausible que, à la suite de plusieurs avertissements par l’ACN et des nombreux échanges avec cette dernière à ce sujet, y compris la possibilité de présenter des observations sur les rapports des inspections qui lui ont été communiqués et de demander des renseignements formellement ou informellement au cours de la procédure, un établissement de crédit ne comprenne pas comment mettre en œuvre des dispositions légales, telles que celles en vigueur en matière de LBC/FT. Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’allégation des requérantes selon laquelle la FSA et la BCE leur ont refusé les renseignements qu’elles avaient demandés, dès lors que celle-ci n’est aucunement étayée.

278    À cet égard, il y a lieu de préciser que la FSA a effectué quatre inspections sur place. Le précepte en cause a été adopté le 8 août 2016, à la suite de la première inspection sur place intervenue en 2015. Pendant la deuxième inspection sur place au cours de l’automne 2016, la FSA a constaté que les défaillances relevées persistaient et que la seconde requérante ne s’était pas encore conformée audit précepte. À la suite de cette deuxième inspection sur place, cette requérante a eu l’opportunité de soumettre des observations et plusieurs réunions se sont tenues avec la FSA pendant l’automne 2016. La FSA a conduit une troisième inspection sur place en septembre 2017, dont le rapport a été communiqué le 4 octobre 2017 à ladite requérante, qui a pu présenter ses observations. Outre la possibilité toujours ouverte à la même requérante de demander des explications à la FSA si les indications fournies à maintes reprises concernant les unités structurelles qu’il convenait de créer, les unités de personnel nécessaires, les règles de procédure requises, les règles de séparation entre les unités spécifiques qu’il y avait lieu de maintenir et les flux d’informations à mettre en place ne lui étaient pas suffisantes, force est de constater que la requérante en question a eu à sa disposition quatorze mois entre ce précepte et la communication dudit rapport et encore six mois jusqu’au retrait de l’agrément pour comprendre les exigences réglementaires et s’y conformer.

279    En troisième lieu, bien que la BCE observe qu’il convient de lire le précepte en cause conjointement avec le rapport de la deuxième inspection sur place, communiqué à la seconde requérante, force est de constater que la décision du 17 juillet 2018 est suffisamment claire et précise quant aux exigences réglementaires auxquelles ladite requérante devait se conformer.

280    S’agissant de l’insuffisance des dispositifs de gouvernance reprochée, la décision du 17 juillet 2018 précise que, malgré l’existence, au sein de la seconde requérante, d’unités organisationnelles et des règles de procédure appropriées, ces unités étaient en pénurie d’effectifs et trop chargées de fonctions, et les règles procédurales internes n’étaient pas correctement appliquées. Ces défaillances avaient été observées au regard de trois lignes de défense relatives respectivement aux contrôles des transactions individuelles effectués par les gestionnaires des clients, aux fonctions de détection, de gestion et de suivi des risques, l’absence de séparation effective entre les première et deuxième lignes de défense (prise de risques et gestion des risques) entraînant des situations de conflit d’intérêts graves, et aux fonctions d’audit interne. Alors que, déjà pendant les années 2013 et 2014, les responsables pour la détection, la gestion et le suivi des risques avaient identifié et signalé au conseil d’administration que les dispositions internes n’étaient pas respectées, celui-ci n’avait pas réagi de manière adéquate, en violation de l’article 55, paragraphe 2, point 31, de la loi estonienne sur les établissements de crédit, transposant l’article 88 de la directive 2013/36. De plus, le conseil d’administration n’avait pas fourni les effectifs nécessaires aux agents responsables de la conformité, représentant la deuxième ligne de défense, en violation de l’article 31, paragraphe 2, de la loi estonienne en matière de LBC/FT transposant la directive 2015/849, dans sa version applicable au moment de l’adoption du précepte en cause.

281    S’agissant des défaillances reprochées en matière de LBC/FT, la décision du 17 juillet 2018 précise qu’un nombre important de transactions inhabituelles avaient été observées. Le décaissement moyen de la seconde requérante en 2015 avait été quatre fois plus élevé et l’encaissement moyen sept fois plus élevé que la moyenne du système bancaire estonien. Ces paiements avaient été effectués principalement par des clients présentant un niveau de risque en la matière élevé et représentaient environ 97 % de tous les virements réalisés en Estonie en 2015. Malgré les signalements récurrents de la FSA concernant la nécessité pour ladite requérante de mettre en place une nouvelle stratégie commerciale répondant aux préoccupations exprimées et malgré les annonces des trois différents conseils d’administration de cette requérante concernant la volonté de changer de modèle d’entreprise, les résultats de la troisième inspection sur place avaient démontré que la stratégie commerciale de la même requérante n’avait pas changé significativement et que donc cette dernière opérait encore dans un segment de marché caractérisé par des risques en cette matière plus élevés.

282    Il était précisé davantage que l’absence de règles efficaces en matière de LBC/FT pour gérer les risques liés au modèle d’entreprise de la seconde requérante a été observée, d’une part, en ce qui concerne les mesures de vigilance de la clientèle au moment de l’instauration d’une nouvelle relation contractuelle ainsi que l’absence de contrôle constant des relations commerciales existantes et, d’autre part, en ce qui concerne le contrôle des transactions effectuées et du profil de risque des clients en cause. Les défaillances observées ont été considérées comme ayant un caractère structurel et ne concernant pas uniquement des cas isolés.

283    De plus, malgré certaines modifications des politiques de contrôle de risque en matière de LBC/FT et la réduction opérée par la seconde requérante des clients à risque élevé, ces mesures ont été considérées comme inefficaces, dans la mesure où elles ne garantissaient pas un contrôle constant des relations commerciales existantes, y compris en ce qui concerne l’origine des fonds utilisés dans les transactions effectuées, et n’identifiaient pas ni vérifiaient les transactions complexes, liées et de montant inhabituellement élevé ou les transactions dépourvues d’un objectif économique clair.

284    En outre, les activités du conseil d’administration et du conseil de surveillance de la seconde requérante en matière de LBC/FT et de gestion des risques ont été considérées comme défaillantes, dans la mesure où le conseil d’administration n’avait pas déterminé le niveau de tolérance des risques de ladite requérante ni mis en place un système d’évaluation des risques en la matière séparé, ni préparé une analyse des risques opérationnels, incluant une analyse approfondie des risques en cette matière, en violation de l’article 55, paragraphe 2, points 2 et 3, de la loi estonienne sur les établissements de crédit.

285    La BCE a bien pris en compte le changement du conseil d’administration de la seconde requérante ayant eu lieu au mois de novembre 2017 ainsi que les déclarations de ce dernier par lesquelles celui-ci prenait des distances par rapport aux politiques commerciales antérieures, reconnaissait l’absence persistante d’une stratégie non ambiguë en ce qui concernait sa clientèle et annonçait sa volonté d’élaborer une stratégie commerciale nouvelle pour les années 2018 à 2021. Toutefois, elle a observé, d’une part, que le nouveau conseil d’administration a confirmé l’intention de ladite requérante de poursuivre sa stratégie commerciale précédente, ce qui laissait douter de la possibilité concrète pour cette requérante de mettre véritablement en œuvre les changements annoncés.

286    D’autre part, la BCE a rappelé que, si un changement de conseil d’administration pouvait influencer la stratégie d’un établissement de crédit, l’approbation des décisions stratégiques de celui-ci, selon l’article 52, paragraphe 4, de la loi estonienne sur les établissements de crédit, relevait plutôt de la compétence du conseil de surveillance. En l’espèce, le changement de composition de ce dernier n’avait pourtant pas affecté deux membres, deux actionnaires majoritaires de la seconde requérante, lesquels avaient probablement une influence sur la stratégie et les principes de gestion des risques de ladite requérante, de sorte qu’aucun changement radical et substantiel ne pourrait être mis en place ou être raisonnablement envisagé pour le futur. À cet égard, les améliorations du système, mises en avant par cette requérante devant la FSA ont été considérées comme insuffisantes en termes de pleine conformité aux dispositions légales applicables en matière de LBC/FT.

287    Ainsi, il apparaît clairement que les exigences réglementaires violées sont décrites de manière très détaillée par rapport à des situations concrètes, ayant notamment trait, premièrement, à l’absence de dispositifs de gouvernance adaptés au modèle d’entreprise de la seconde requérante, qui se concentrait sur la fourniture de services financiers à des clients professionnels non-résidents à valeur nette élevée et présentant un profil de risque élevé, comme l’exigeaient les dispositions nationales transposant l’article 74 de la directive 2013/36, deuxièmement, à l’insuffisance des unités organisationnelles chargées de mettre en œuvre les règles procédurales de défense et de gestion des risques en matière de LBC/FT, concernant en particulier la détection, la gestion et le suivi des risques, l’identification des clients avant le début des relations contractuelles ainsi que pendant les relations contractuelles, les contrôles des transactions individuelles effectuées par les gestionnaires des clients, l’absence de séparation entre les fonctions de contrôle de la prise de risques, d’une part, et de la gestion des risques, d’autre part, apte à créer des situations de conflits d’intérêts, troisièmement, aux défaillances concernant les fonctions d’audit interne, quatrièmement, à l’absence de procédures internes ou le non‑respect des procédures internes existantes, cinquièmement, à l’existence d’un nombre important de transactions inhabituelles liées à des clients à risque élevé, qui représentaient environ 97 % de tous les virements réalisés en Estonie (en 2015), sixièmement, à l’absence de vigilance de la clientèle au moment de l’instauration d’une nouvelle relation contractuelle ainsi qu’à l’absence de contrôle constant des relations commerciales existantes, y compris en ce qui concerne l’origine des fonds et l’identification des transactions complexes, de montant inhabituellement élevé ou sans un objectif économique clair et, septièmement, aux activités défaillantes des conseils d’administration et de surveillance, s’agissant de la gestion des risques en matière de LBC/FT, qui n’avaient ni déterminé le niveau de risque tolérable de la seconde requérante, ni mis en place un système d’évaluation des risques séparé en matière de LBC/FT, ni préparé une analyse des risques opérationnels.

288    Partant, dans ces circonstances, la seconde requérante ne sauraient valablement invoquer aucune violation du principe de sécurité juridique, au sens de la jurisprudence rappelée au point 273 ci-dessus.

289    En quatrième lieu, force est de constater que la seconde requérante n’a contesté à aucun moment qu’elle n’avait pas respecté la totalité du précepte en cause dans le délai imparti ou que, selon le droit national estonien, le non‑respect d’un précepte de la FSA est un motif justifiant le retrait de l’agrément.

290    À cet égard, il ressort du dossier que toutes ces défaillances en matière de LBC/FT, rappelées au point 287 ci-dessus, compte tenu de leur persistance pendant plusieurs années et de leur ampleur, étaient considérées comme structurelles et n’avaient pas été dûment corrigées par les mesures d’amélioration que la seconde requérante avait adoptées. En particulier, la simple « réduction » des clients à risque élevé ne pouvait pas résoudre toutes les questions susmentionnées. En outre, l’énième changement de conseil d’administration n’avait pas produit les effets désirés, dès lors que la stratégie commerciale de la seconde requérante n’avait pas changé substantiellement et qu’il ne semblait pas vraisemblable qu’elle change dans un délai raisonnable, pour les raisons exposées aux points 229 à 232 ci-dessus.

291    À l’exception des références aux améliorations consenties relatives à la réduction des clients à risque élevé et au changement du conseil d’administration, la seconde requérante ne conteste pas de manière circonstanciée toutes les défaillances mentionnées au point 287 ci‑dessus.

292    Il en découle que, dès lors que le non-respect du précepte en cause constitue bel et bien un motif de retrait de l’agrément en vertu du droit national, et donc en vertu de l’article 18, sous f), de la directive 2013/36, et que la seconde requérante n’a pas respecté la totalité du précepte en cause dans le délai imparti, il convient de conclure que la BCE n’a commis aucune erreur d’appréciation en se fondant également sur ce motif pour justifier le retrait de l’agrément.

293    En cinquième lieu, dans la mesure où les requérantes reprochent à la BCE de ne pas avoir défini les exigences réglementaires au regard desquelles évaluer le non‑respect du précepte en cause par la seconde requérante, il y a lieu de relever que ces exigences sont établies dans les dispositions légales contenues dans le droit national estonien transposant les directives en matière de LBC/FT. Ces dispositions sont à mettre en œuvre selon les spécificités de chaque établissement de crédit. La manière de s’y conformer doit donc être adaptée à ces dernières et relève de la sphère de compétence de l’établissement de crédit lui-même. Lorsque l’autorité de surveillance compétente, en l’espèce la FSA, considère que les modalités adoptées par l’établissement de crédit concerné ne sont pas appropriées, elle le communique à ce dernier et lui suggère des mesures correctives. En l’espèce, comme il a été souligné au point 278 ci‑dessus, ladite requérante a eu l’occasion de comprendre dans le cadre de ses nombreux échanges avec la FSA les mesures correctives adéquates qu’elle aurait pu et dû prendre pour se conformer auxdites exigences.

294    En sixième lieu, en ce que les requérantes affirment que le précepte en cause ne permettait pas de comprendre que le retrait de l’agrément de la seconde requérante était une possibilité en cas de non-respect des exigences réglementaires en matière de LBC/FT et estiment, en substance, que ladite requérante ne risquait que des amendes, il convient de remarquer, à l’instar de la BCE, que le point 4.8 dudit précepte affirme de manière explicite que « la sanction que la FSA pouvait prendre pour les infractions constatées était le retrait d’agrément en vertu de l’article 17, paragraphe 1, de la loi estonienne sur les établissements de crédit, et que, toutefois, en vertu du paragraphe 2, de cette même disposition, avant de se prononcer sur le retrait d’un agrément, la FSA pouvait émettre un précepte, adressé à l’établissement de crédit et définir un délai pour remédier aux carences à l’origine du retrait d’agrément ».

295    Il convient d’en conclure que la seconde requérante, à la suite du précepte en cause, était consciente des carences constatées, de ce qu’elle devait faire pour y remédier ainsi que du risque que, en cas de non-respect, son agrément soit menacé.

296    Par conséquent, le présent groupe de moyens doit être rejeté.

5.      Sur les septième à onzième, treizième à quinzième et dix-septième moyens, tirés de la violation du principe de proportionnalité

297    Dans le cadre du dix-septième moyen, les requérantes invoquent la violation du principe de proportionnalité, en affirmant que la décision du 17 juillet 2018 applique une mesure de dernier recours, à savoir le retrait de l’agrément, qui est disproportionnée par rapport au défaut de conformité aux exigences réglementaires. Premièrement, elles réfutent que l’objectif de « restaurer la légalité » d’une telle mesure soit un objectif légitime, dès lors que celui-ci serait trop abstrait. Cette mesure devrait, en revanche, être justifiée par un objectif spécifique légitime de régulation. Deuxièmement, les requérantes s’opposent à l’analyse du caractère approprié de la mesure en question, en soutenant, d’une part, que, dès lors que la FSA est l’ACN en matière de LBC/FT, la conformité aux normes en la matière devrait être mise en œuvre principalement par des mesures prises au titre de la réglementation en cette matière et non par des mesures de surveillance bancaire. D’autre part, la mesure concernée ne serait pas un moyen approprié pour punir un manquement commis dans le passé, les mesures de régulation ne devant viser que des situations actuelles ou étant conçues pour prévenir des situations de non-conformité dans le futur. Étant donné que la question des activités de la seconde requérante en Lettonie aurait été close par règlement judiciaire, pareille mesure serait clairement disproportionnée par rapport à cette prétendue violation passée. Troisièmement, selon les requérantes, la BCE a mal interprété le critère de la nécessité de la mesure en cause. Quatrièmement, elles considèrent que l’examen du caractère raisonnable de la même mesure, effectué par la BCE, est également abstrait et d’aucune utilité, car celle-ci s’est limitée à comparer abstraitement l’intérêt public au maintien de la légalité avec les intérêts privés d’une banque, alors qu’elle aurait dû comparer un objectif de régulation concret, tel que la prévention d’un risque spécifique, auxdits intérêts privés. En outre, elles estiment que la BCE aurait dû étayer la gravité des accusations de non-conformité en les comparant avec d’autres cas de non‑conformité dans l’industrie bancaire. Dernièrement, elles allèguent que la BCE n’a pas pris en compte d’autres mesures alternatives moins intrusives, telles que l’imposition de mesures concrètes concernant des questions spécifiques dans des délais précis ou bien des sanctions ou des amendes ou encore des mesures contre les administrateurs de l’établissement de crédit ou la nomination d’une personne compétente pour encadrer les efforts de ladite requérante pour se conformer aux exigences réglementaires méconnues.

298    Par les septième à neuvième moyens, les requérantes contestent, en substance, l’appréciation de la BCE, en ce qu’elle n’a pas tenu suffisamment compte ni du fait qu’une partie importante des activités de la seconde requérante ne donnait pas lieu à un risque significatif en matière de LBC/FT, ni de la réduction importante de clients dans les catégories présentant un risque plus élevé, en concluant à tort que, malgré ses progrès, il ne pouvait pas être raisonnablement attendu que ladite requérante remédie aux problèmes constatés dans un délai raisonnable.

299    En particulier, dans le cadre du septième moyen, les requérantes précisent que l’infraction étant circonscrite à une partie de leurs activités, la BCE aurait dû imposer la cessation des seules activités présentant le plus de risques, au lieu de retirer son agrément.

300    Dans le cadre du huitième moyen, les requérantes soutiennent que la BCE n’a pas accordé suffisamment d’importance à la réduction significative de clients de la seconde requérante dans des catégories de risque élevé et que, s’il est vrai que tout défaut de conformité doit être corrigé, il serait manifestement incorrect d’affirmer que tout défaut de conformité justifie un retrait de l’agrément.

301    Dans le cadre du neuvième moyen, les requérantes considèrent que la conformité aux exigences réglementaires a toujours été possible et donc que la BCE ne pouvait pas conclure que tout remède autre que le retrait de l’agrément aurait été irréaliste.

302    Dans le cadre des dixième et onzième moyens, les requérantes critiquent la prise en compte, comme mesures alternatives au retrait de l’agrément, évaluées par la BCE dans son examen de la proportionnalité de la mesure de retrait de l’agrément au point 3.3.2, sous b), ii), de la décision du 17 juillet 2018, respectivement, du changement ultérieur de conseil d’administration de la seconde requérante, alors qu’il aurait suffi de laisser travailler celui qui venait d’être nommé au mois de novembre 2017, et de la suspension des droits de vote des actionnaires, dès lors que ceux-ci s’étaient déjà retirés de toute implication directe dans la gestion de ladite requérante.

303    Dans le cadre du treizième moyen, en contestant l’appréciation de la BCE, au point 3.3.2, sous b), iv), de la décision du 17 juillet 2018, s’agissant de la mesure alternative consistant en l’adoption d’un deuxième précepte de la FSA qui interdise la fourniture de services financiers, les requérantes affirment qu’une telle interdiction générale équivaudrait de facto à un retrait de l’agrément et que la FSA n’aurait pas eu la compétence pour l’adopter. En revanche, elles réitèrent qu’un deuxième précepte de la FSA, interdisant une partie de ses activités, à savoir la fourniture de services financiers aux seuls clients non‑résidents, aurait été possible et moins intrusif que le retrait de l’agrément. Elles contestent qu’une telle interdiction aurait mis fin à la viabilité financière de la seconde requérante.

304    Enfin, par leurs arguments développés dans le cadre des quatorzième et quinzième moyens, tirés de l’incompétence de la BCE pour refuser l’autoliquidation de la seconde requérante et sa vente à un autre investisseur, les requérantes remettent en cause l’appréciation de la BCE concernant le caractère inapproprié de ces mesures, dans le cadre de l’examen de la proportionnalité du retrait de l’agrément. Selon les requérantes, par ailleurs, la BCE a agi de manière arbitraire en ne laissant pas le temps nécessaire pour procéder à la cession. Elles estiment aussi que ladite autoliquidation a été exclue au seul motif que la BCE souhaitait obtenir un effet de publicité positive.

305    La BCE conteste les arguments des requérantes.

306    À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 5, paragraphe 4, TUE, en vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l’action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. Les institutions de l’Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole no 2 sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au TFUE.

307    En application d’une jurisprudence constante, le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 67 et jurisprudence citée).

308    En outre, selon la Cour, l’appréciation de la proportionnalité d’une mesure doit se concilier avec le respect de la marge d’appréciation éventuellement reconnue aux institutions de l’Union à l’occasion de son adoption (voir arrêt du 8 mai 2019, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, C‑450/17 P, EU:C:2019:372, point 53 et jurisprudence citée).

309    En l’espèce, après avoir établi qu’il existait plusieurs motifs le justifiant sur la base des dispositions applicables, au point 3.3.2, de la décision du 17 juillet 2018, la BCE a analysé la proportionnalité de la mesure du retrait de l’agrément.

310    En premier lieu, la BCE a analysé le caractère adéquat de la mesure de retrait de l’agrément pour atteindre l’objectif de mettre fin aux violations graves et prolongées commises par la seconde requérante, en concluant que, compte tenu des violations tenant à l’absence d’un dispositif solide de gouvernance d’entreprise, à la violation des dispositions en matière de LBC/FT, au non‑respect d’une décision contraignante d’une autorité de surveillance nationale, à la soumission d’informations trompeuses à cette autorité et à l’exploitation illégale d’une succursale dans un autre État membre, le retrait de l’agrément était apte à atteindre cet objectif.

311    En deuxième lieu, la BCE a examiné le caractère nécessaire de la mesure de retrait de l’agrément, et notamment s’il existait d’autres mesures alternatives moins intrusives, aptes à atteindre de la même manière l’objectif de rétablissement de la légalité. Elle a pris en compte les options suivantes : premièrement, la révocation du conseil d’administration de la seconde requérante, en concluant que cette mesure n’aurait pas été appropriée, dès lors que les précédents changements de stratégie commerciale, intervenus sous trois conseils d’administration différents, n’avaient pas assuré le respect de la législation applicable, deuxièmement, la cessation ou la suspension des droits de vote de certains actionnaires de ladite requérante, en concluant que cette mesure n’aurait pas été efficace, compte tenu de la qualité de membre du conseil de surveillance des actionnaires majoritaires, qui auraient pu continuer d’exercer une influence déterminante sur la stratégie de cette requérante, même en étant dépourvus du droit de vote, troisièmement, l’émission d’un nouveau précepte par la FSA, qu’elle a écarté étant donné que, d’une part, la même requérante n’avait pas respecté le premier précepte et donc qu’il n’y avait pas d’attente raisonnable que celle-ci en respecte un deuxième et, d’autre part, qu’un précepte visant à imposer la cessation des activités à haut risque n’aurait pas été viable pour la requérante en question, dont la stratégie commerciale se concentrait justement sur la clientèle ayant un niveau de risque élevé, quatrièmement, l’autoliquidation de la requérante en cause, en concluant pourtant que cette mesure n’aurait pas pu atteindre l’objectif de rétablir la légalité et de protéger les droits des déposants et que, dans un tel cas, la décision de sortir du marché aurait été laissée aux actionnaires et, cinquièmement, la cession de pareille requérante à un autre investisseur, qui a été écartée au motif qu’aucun engagement concret ne semblait exister et que le plan d’entreprise présenté par le potentiel acquéreur ne donnait pas suffisamment d’éléments pour apprécier si l’opération aurait entraîné une modification importante du modèle d’entreprise d’une telle requérante.

312    En troisième lieu, la BCE a analysé le caractère raisonnable de la mesure de retrait de l’agrément et a procédé à la mise en balance entre l’intérêt public au rétablissement de la légalité et l’intérêt privé de la seconde requérante à éviter la mesure de retrait et à poursuivre ses activités.

313    Or, il y a lieu de retenir que l’examen conduit par la BCE sur la proportionnalité de la mesure de retrait de l’agrément a été structuré et effectué de manière complète. Celui-ci n’est pas entaché d’illégalité et est dépourvu d’erreurs d’appréciation. En tout état de cause, ce raisonnement n’est pas remis en cause par les griefs formulés par les requérantes.

314    Les requérantes contestent en vain toutes les étapes de l’analyse effectuée par la BCE de la proportionnalité de la mesure de retrait de l’agrément.

315    En premier lieu, les requérantes contestent que l’objectif de rétablissement de la légalité était un objectif légitime pour adopter une mesure de retrait de l’agrément. À l’appui de leur argumentation, elles se bornent toutefois à réitérer qu’une simple illégalité ne devrait pas donner lieu à la mesure la plus intrusive. À cet égard, force est de constater que les infractions et les défaillances énumérées aux pages 5, 6 et 10 à 20 de la décision du 17 juillet 2018 et rappelées au point 279 ci-dessus, au demeurant non contestées de manière circonstanciée par les requérantes, comme il ressort du point 289 ci-dessus, ne sauraient être regardées comme une « simple illégalité » ou une illégalité mineure, compte tenu également de leur pluralité, de leur gravité, de leur durée dans le temps ainsi que des nombreuses occasions d’y remédier restées inexploitées par la seconde requérante.

316    En deuxième lieu, les requérantes contestent l’examen effectué par la BCE du caractère approprié de la mesure de retrait de l’agrément. À cet égard, d’une part, s’agissant de leur argument selon lequel ladite mesure ne serait pas appropriée pour remédier aux infractions en matière de LBC/FT, il doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 185 à 195 ci-dessus. D’autre part, certes, cette mesure ne devrait pas être utilisé pour sanctionner des violations passées, comme il a été indiqué au point 267 ci-dessus. Ainsi, si la BCE avait fondé son appréciation de la proportionnalité de la mesure en question sur la seule violation relative à l’établissement d’une « filiale » en Lettonie sans respecter la procédure de « passeport », celle-ci pourrait être remise en cause. Toutefois, en l’espèce, une telle erreur ne saurait entacher d’illégalité la totalité du raisonnement de la BCE concernant la proportionnalité de la mesure concernée, dès lors que la BCE a considéré cette dernière comme proportionnée eu égard à l’ensemble des violations reprochées à la seconde requérante.

317    En effet, compte tenu de la marge d’appréciation dont jouit la BCE dans le cadre de l’adoption d’une mesure de retrait de l’agrément, l’appréciation du caractère approprié de ladite mesure ne saurait en l’espèce être considérée comme manifestement erronée au regard de la jurisprudence rappelée au point 308 ci-dessus ainsi que de la pluralité, de la gravité et de la durée des violations commises par la seconde requérante ainsi que de la faible probabilité que cette dernière se conforme complètement aux exigences réglementaires dans un laps de temps acceptable, qui justifient l’application de la mesure la plus intrusive et ne permettent pas de conclure qu’une éventuelle erreur sur l’appréciation de la proportionnalité eu égard aux violations de la procédure de « passeport » pourrait avoir une influence déterminante sur le résultat de l’appréciation globale effectuée par la BCE.

318    En troisième lieu, les requérantes remettent en cause les conclusions de la BCE sur le caractère raisonnable de la mesure de retrait de l’agrément. À cet égard, d’une part, l’allégation selon laquelle la BCE a effectué un examen trop vague entre un intérêt général abstrait à la légalité et ses propres intérêts privés manque en fait, dès lors qu’il est établi, au point 315 ci‑dessus, que la BCE a analysé la gravité des violations, leur longue durée, les multiples occasions d’y remédier non exploitées par la seconde requérante ainsi que la perte de confiance du public dans les marchés financiers estonien et européen et en a conclu que l’intérêt public lié au rétablissement de la légalité l’emportait sur l’intérêt privé de cette requérante à ne pas être soumises à ladite mesure. D’autre part, l’argument selon lequel la BCE n’a pas étayé la gravité des accusations de non-conformité par un examen comparatif avec la situation d’autres établissements de crédit eu égard à leur conformité aux normes en matière de LBC/FT doit être rejeté pour les mêmes motifs que ceux exposées au point 315 ci-dessus ainsi que ceux exposés dans le cadre de l’analyse du moyen tiré de la violation du principe d’égalité de traitement (voir le point 353 ci‑après).

319    En quatrième lieu, les requérantes contestent l’analyse du caractère nécessaire de la mesure de retrait de l’agrément. D’une part, elle conteste l’interprétation que la BCE a fait du critère de la nécessité.

320    À cet égard, il est vrai que, en vertu de la jurisprudence citée au point 307 ci‑dessus, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante. Toutefois, pour que les mesures alternatives puissent être considérées comme étant appropriées, elles doivent être tout aussi efficaces (voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 2010, Commission/France, C‑89/09, EU:C:2010:772, point 80, et du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 236).

321    Or, La BCE ayant pris en compte les seules mesures alternatives susceptibles d’être aussi efficaces que la mesure de retrait de l’agrément, il convient de retenir, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, qu’elle a correctement interprété le critère de la nécessité.

322    D’autre part, les requérantes contestent l’analyse des différentes mesures alternatives à la mesure de retrait de l’agrément et allèguent que la BCE n’a pas pris en compte d’autres mesures alternatives moins intrusives, telles que l’imposition des mesures concrètes concernant des questions spécifiques dans des délais précis ou bien des sanctions ou des amendes ou encore des mesures contre les administrateurs de l’établissement de crédit ou la nomination d’une personne compétente pour encadrer les efforts de la seconde requérante pour se conformer aux exigences réglementaires méconnues.

323    S’agissant, premièrement, de l’imposition de mesures concrètes dans des délais stricts, cet argument coïncide, en substance, avec celui concernant l’imposition d’un deuxième précepte, qui sera traité aux points 331 à 333 ci-après. S’agissant, deuxièmement, des sanctions ou des amendes, il convient de constater, à l’instar de la BCE, que les sanctions pécuniaires administratives ne font pas partie des mesures prudentielles que la BCE aurait pu analyser comme des alternatives au retrait de l’agrément. S’agissant, troisièmement, des autres mesures suggérées par les requérantes, notamment à l’égard des administrateurs de l’établissement de crédit, il y a lieu de considérer que ces mesures présentaient les mêmes inconvénients que d’autres mesures exclues par la BCE, à savoir qu’elles n’auraient pas permis d’atteindre l’objectif du rétablissement de la confiance dans les marchés financiers estonien et européen dans le délai le plus bref possible, compte tenu de la longue durée des violations précédemment commises, comme il l’a été relevé au point 3.3.2, sous b), de la décision du 17 juillet 2018.

324    À cet égard, il y a lieu de prendre en compte la gravité, le caractère structurel et irrémédiable et la persistance des violations pendant une longue période ainsi que la perte de confiance dans la capacité et dans la réelle volonté de la seconde requérante de remédier aux défaillances reprochées, telles que manifestées par l’inertie de cette dernière dans sa conformité aux exigences réglementaires et par la commission d’infractions ultérieures après les différentes interventions de la FSA entre 2015 et 2018. Le comportement de ladite requérante a été pris en considération également dans l’évaluation de la perspective raisonnable pour chacune des mesures alternatives de faire cesser les violations commises. Le non-respect d’un précepte de la FSA, l’absence de changement de stratégie commerciale, malgré les différents changements de conseil d’administration, l’influence (même indirecte) exercée par les actionnaires majoritaires qui siégeaient dans le conseil de surveillance de cette requérante, qui n’a pas été susceptible de cesser, même en cas de suspension ou de cessation de leurs droits de vote, la concentration principale et persistante des activités de la même requérante sur une clientèle non-résidente et présentant un niveau de risque élevé, associée à l’absence des dispositifs de gouvernance et des règles procédurales de gestion des risques adéquats à ce modèle d’entreprise constituaient tous des éléments susceptibles de remettre en cause l’efficacité des mesures alternatives analysées. Il en était notamment ainsi, pour le moins, de toutes les mesures qui n’étaient pas susceptibles de produire la cessation totale des activités de la requérante en question (c’est-à-dire la révocation du conseil d’administration, la suspension ou la cessation des droits de vote de certains actionnaires et l’émission d’un nouveau précepte par la FSA).

325    Dans ces circonstances, la mesure de retrait de l’agrément n’excédait pas ce qui était adéquat et nécessaire pour atteindre les objectifs visant à mettre fin aux violations commises par la seconde requérante.

326    Certes, l’autoliquidation de la seconde requérante ou la cession de cette dernière à un autre investisseur étaient des mesures qui pouvaient également garantir un tel effet. Ces options, qui n’étaient pas interdites, auraient d’ailleurs pu être réalisées par les requérantes avant l’adoption de la décision du 26 mars 2018.

327    Toutefois, force est de constater, premièrement, que le facteur « temps » a été pris en compte, dans le cadre de l’évaluation de la proportionnalité et de la capacité de ces mesures à résoudre les violations constatées, par la BCE, qui a clairement considéré comme tardives ces propositions des requérantes, formulées uniquement dans le cadre de leurs observations sur le projet de décision de retrait de l’agrément de la FSA, leur ayant été notifié par la BCE, et dont la mise en œuvre n’était pas imminente. Par ailleurs, la réalité de ces violations n’a pas été remise en cause par les différents moyens formulés par les requérantes devant le Tribunal.

328    Deuxièmement, l’adoption par la BCE de la mesure de retrait de l’agrément a également poursuivi en l’espèce un objectif de dissuasion, de « prévention générale » de la répétition sur le marché des services financiers de comportements tels que les infractions à la législation en matière de LBC/FT. En effet, il ressort du point 3.3.2, sous b), i), intitulé « self-liquidation », de la décision du 17 juillet 2018, dans lequel la BCE a considéré que l’autoliquidation de la seconde requérante obscurcirait les raisons substantielles pour lesquelles l’agrément de celle-ci serait retiré et qu’une telle autoliquidation devrait se fonder sur l’article 16, paragraphe 3, de la loi estonienne sur les établissements de crédit, plutôt que sur l’article 17 de cette dernière, ce qui occulterait le fait que ladite requérante avait commis des infractions graves, justifiant que la cessation de ses activités soit forcée et non volontaire. Selon la BCE, cela constitue un objectif légitime dans l’application de la loi que la base juridique de son action soit également communiquée, comme le prévoit l’article 20, paragraphe 5, de la directive 2013/36.

329    Ainsi, en l’espèce, les options de l’autoliquidation et de la vente à un autre investisseur ne constituaient pas des mesures alternatives au retrait de l’agrément pour atteindre les objectifs légalement poursuivis par la BCE, au sens de la jurisprudence rappelée au point 320 ci-dessus.

330    S’agissant des septième et treizième moyens, il convient de les examiner de manière conjointe, dans la mesure où ils sont étroitement liés. En effet, par le septième moyen, les requérantes reprochent à la BCE de ne pas avoir pris en compte la circonstance que la seconde requérante exerçait également des activités non risquées. Elles estiment que la BCE aurait donc pu adopter la mesure moins intrusive de la cessation de la seule partie de ses activités à risque. Bien qu’il soit formulé comme visant l’absence de prise en compte d’un élément pertinent de l’affaire, ledit moyen vise en réalité à remettre en cause la proportionnalité de la mesure de retrait de l’agrément, compte tenu de l’existence d’autres mesures moins intrusives, dont la cessation de la seule partie de ses activités illégales. Dans le cadre du treizième moyen, les requérantes contestent l’exclusion par la BCE d’une telle option, à savoir l’adoption d’un second précepte par la FSA qui imposerait la cessation de leurs seules activités visant une clientèle non-résidente présentant un niveau de risque élevé.

331    Comme le remarque à juste titre la BCE, il ressort du point 3.2.2, sous b) iv), de la décision du 17 juillet 2018 que la possibilité pour la FSA d’adopter un autre précepte (qui constitue une mesure administrative contraignante) interdisant à la seconde requérante la fourniture de services financiers ou limitant cette interdiction à la fourniture de services aux clients non-résidents à haut risque, ce qui correspondrait à la cessation des activités illégales a été prise en compte par la BCE.

332    En effet, la BCE a écarté cette mesure comme n’étant pas adéquate, car, d’une part, la seconde requérante avait déjà été destinataire d’un précepte en cause et celle-ci ne s’y était pas conformée, laissant douter de la capacité ou de la réelle volonté de ladite requérante de s’y conformer et, d’autre part, les activités à haut risque constituaient la partie la plus importante des revenus de cette requérante et, par conséquent, leur cessation aurait engendré des pertes opérationnelles mensuelles importantes, résultant en un risque pour sa viabilité et donc pour ses déposants.

333    Dès lors, premièrement, les requérantes ne sauraient valablement reprocher à la BCE de ne pas avoir pris en compte à suffisance la circonstance que la seconde requérante avait des activités non risquées et soutenir que la BCE aurait donc pu adopter la mesure moins intrusive de la cessation d’une seule partie de ses activités, dès lors que cette mesure n’avait pas été considérée comme efficace en amont. Deuxièmement, force est de constater que les requérantes, par leur affirmation générale aucunement étayée, visant à nier le risque pour la viabilité engendré par cette option et invoqué par la BCE, ne parvient pas à remettre en cause une telle appréciation, qui revêt un caractère tout à fait raisonnable.

334    Par ailleurs, en ce qui concerne les arguments des requérantes visant à contester l’absence de volonté de la seconde requérante de se conformer au précepte en cause qui se traduit par la simple allégation selon laquelle ledit précepte avait un caractère vague et qu’il n’avait pas été possible de s’y conformer, ils doivent être rejetés pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 276 à 288 dessus. En outre, il y a lieu de remarquer que les requérantes ne contestent pas la réalité de l’absence de conformité à ce précepte, telle que constatée dans la décision du 17 juillet 2018, ni apportent d’arguments susceptibles de démontrer comment ladite requérante aurait pu concrètement se conformer à un deuxième précepte de la FSA, interdisant l’exercice de ses activités à risque élevé.

335    Dès lors, les septième et treizième moyens doivent être rejetés.

336    Dans le cadre du huitième moyen, les requérantes reprochent, en substance, à la BCE de ne pas avoir accordé suffisamment d’importance à la réduction significative de clients de la seconde requérante dans des catégories de risque élevé.

337    En l’espèce, il suffit de constater que, au point 3.3.1, sous b), i), de la décision du 17 juillet 2018, la BCE a bien pris en compte la réduction de clients de la seconde requérante dans les catégories de risque élevé et la clôture de leurs comptes bancaires, notamment concernant les comptes relatifs à des connaissances et à des associés des actionnaires de ladite requérante, ensemble avec d’autres mesures effectivement adoptées par cette requérante en vue de se conformer aux exigences réglementaires méconnues. Cependant, force est de constater que la BCE a mis en exergue, sur la base des constatations de la FSA, que le problème ne se limitait pas à ce groupe de clients, mais revêtait un caractère structurel. En outre, d’autres violations de plusieurs exigences réglementaires concernant l’absence de dispositifs de gouvernance suffisants et adaptés au modèle d’entreprise, qui était le sien et qui restait substantiellement inchangé, même en présence d’une réduction des clients à haut risque ou du changement du conseil d’administration, continuaient d’exister, ce que les requérantes ne contestent pas.

338    En effet, les requérantes se limitent à contester que la BCE devait exiger la conformité totale, en considérant que celle-ci aurait dû se contenter d’une conformité partielle et des efforts consentis par la seconde requérante, et cela même après tous les avertissements que la FSA avait déjà adressés à ladite requérante et les occasions que cette dernière avait eues de s’y conformer, avant l’adoption du projet de décision de retrait de l’agrément. En outre, force est de constater que les requérantes ne remettent pas en cause la conclusion de la BCE selon laquelle d’autres violations continuaient d’exister. De plus, la thèse selon laquelle la conformité totale aux exigences réglementaires n’était pas possible, est en contradiction avec le reproche selon lequel la BCE n’a pas accordé à la seconde requérante suffisamment de temps pour atteindre cette conformité totale.

339    Dans ces circonstances, le huitième moyen doit également être rejeté.

340    S’agissant du neuvième moyen, il y a lieu de constater que celui-ci est énoncé de manière générale et ne présente pas d’exposé suffisamment clair et précis, de sorte qu’il ne répond pas aux exigences minimales de forme, requises par l’article 76 du règlement de procédure. En tout état de cause, à supposer que ce moyen soit recevable, s’il s’agit de l’absence de prise en compte de toute autre mesure, sans réelle identification, il suffit de rappeler, à l’instar de la BCE, que cette dernière n’est pas tenue d’analyser toute mesure théoriquement possible, mais uniquement celles qui sont pertinentes et qui ont une perspective raisonnable d’atteindre les mêmes objectifs. Or, il ressort du point 311 ci-dessus [ainsi que du point 3.3.2, sous b), de la décision du 17 juillet 2018] que la BCE a effectué, de manière détaillée, un tel examen. Si la seconde requérante entend, en revanche, critiquer les conclusions de la BCE par lesquelles elle refuse les autres mesures alternatives prises en compte et analysées, il convient de renvoyer aux considérations développées dans le cadre de l’analyse des autres moyens, par lesquels la seconde requérante formule des critiques plus précises à l’encontre de l’appréciation de chacune de ces autres mesures alternatives.

341    Partant, le neuvième moyen doit être rejeté comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé.

342    Par les dixième et onzième moyens, les requérantes contestent la prise en compte par la BCE de mesures alternatives à la mesure de retrait de l’agrément relatives à la révocation du conseil d’administration de la seconde requérante et à la cessation des droits de vote de certains actionnaires de ladite requérante.

343    À cet égard, il suffit de constater que les mesures alternatives en cause ont été prises en compte pour après être écartées par la BCE. Dès lors, elles ne sauraient faire grief à la seconde requérante. Il en découle qu’il convient de rejeter les dixième et onzième moyens comme inopérants.

344    S’agissant enfin des quatorzième et quinzième moyens, en ce qu’ils visent, plus qu’un problème d’incompétence de la BCE (voir le point 203 ci-dessus), à remettre en cause l’évaluation de la proportionnalité par la BCE au regard des mesures alternatives à la mesure de retrait de l’agrément relatives à l’autoliquidation de la seconde requérante et de la vente de cette dernière à un autre investisseur il convient de les rejeter pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 326 à 329 ci-dessus.

345    Compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’analyse de la proportionnalité de la mesure de retrait de l’agrément n’est pas entachée d’erreurs d’appréciation.

346    Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent groupe de moyens.

6.      Sur les seizième et dix-huitième moyens, tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de nondiscrimination, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

347    Dans le cadre du seizième moyen, les requérantes estiment que la décision du 17 juillet 2018 viole le principe d’égalité de traitement et de non‑discrimination dans la mesure où elle ne comporte aucune analyse comparative entre la situation de la seconde requérante et celle d’autres banques comparables, en Estonie ou ailleurs, dans le domaine de la LBC/FT. Elles affirment que ladite décision ne contient aucune information pertinente provenant de la FSA à cet égard et que cette dernière a choisi ladite requérante pour établir un exemple, non en raison de la gravité de ses défaillances, mais plutôt en raison de sa taille réduite, de sa solidité financière qui aurait facilité la liquidation ainsi que du fait qu’elle était possédée par des étrangers qui auraient eu plus de difficultés à s’y opposer.

348    La BCE conteste les arguments des requérantes.

349    Il ressort d’une jurisprudence constante que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union, désormais consacré aux articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié [voir arrêt du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, point 55 et jurisprudence citée, et avis 1/17 (Accord ECG UE-Canada), du 30 avril 2019, EU:C:2019:341, point 176 et jurisprudence citée].

350    En outre, le respect du principe d’égalité de traitement doit se concilier avec celui du principe de légalité, ce qui implique que nul ne peut invoquer à son profit une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 84 et jurisprudence citée).

351    Par ailleurs, il a été jugé, notamment en matière de sanctions pour les infractions dans le domaine de la concurrence, que la pratique décisionnelle antérieure d’une institution ne servait pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que les décisions concernant d’autres affaires n’avaient qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 134 et jurisprudence citée).

352    En l’espèce, il y a lieu de souligner que les requérantes invoquent une violation du principe d’égalité de traitement en se bornant à invoquer l’absence d’une analyse comparative entre les violations qui sont reprochées à la seconde requérante et celles commises par d’autres établissements de crédit.

353    Or, en premier lieu, force est de constater qu’une analyse comparative entre le responsable d’une illégalité et les autres personnes ayant commis d’autres illégalités similaires n’est pas nécessaire afin de contester une illégalité quelconque à une personne physique ou morale. La seule analyse qu’il est nécessaire d’effectuer est celle qui concerne l’appréciation de la réalité des faits constituant des violations par rapport à une disposition légale imposant un certain comportement. La gravité d’un comportement ne doit pas être appréciée par rapport à la gravité du comportement d’autres personnes, mais uniquement par rapport aux standards légaux requis par les dispositions légales applicables, cette gravité étant pertinente uniquement pour déterminer la mesure appropriée de la sanction. Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 351 ci-dessus que, même s’il y avait eu d’autres décisions concernant le retrait de l’agrément d’autres établissements de crédit pour des violations des exigences réglementaires en matière de LBC/FT, la BCE ne serait pas liée par de telles décisions.

354    En deuxième lieu, dans la mesure où les requérantes réitèrent que la BCE ne pouvait utiliser les normes en matière de LBC/FT à des fins prudentielles, car elle serait incompétente en cette matière, il convient de rejeter cet argument pour les motifs exposés aux points 185 à 190 ci-dessus ainsi que de rappeler que la violation des normes en matière de LBC/FT constitue un motif de retrait de l’agrément prévu par l’article 18, sous f), de la directive 2013/36, lu conjointement avec l’article 67, paragraphe 1, de ladite directive.

355    Enfin, il y a lieu de rejeter également les simples allégations nullement étayées des requérantes concernant les prétendues raisons pour lesquelles la BCE aurait choisi la seconde requérante comme premier établissement de crédit à sanctionner en Estonie pour la violation de normes en matière de LBC/FT.

356    Il en découle que le présent moyen ne saurait non plus prospérer.

357    Dans le cadre du dix-huitième moyen, les requérantes allèguent que la décision du 17 juillet 2018 viole également les principes de la confiance légitime et de sécurité juridique, dans la mesure où la FSA a évité tout examen concret des préoccupations alléguées et induit en erreur la nouvelle équipe dirigeante de la seconde requérante en ne lui divulguant pas les prétendues évaluations visant à déterminer si l’établissement de crédit était en situation de défaillance avérée ou prévisible. De plus, ladite requérante n’aurait pas été en mesure de s’attendre à un retrait de l’agrément à la suite du précepte de la FSA.

358    La BCE, soutenue par la Commission, conteste les arguments des requérantes.

359    Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose néanmoins la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 75 et jurisprudence citée).

360    En outre, il y a lieu de rappeler que, si la possibilité de se prévaloir de la protection de la confiance légitime, en tant que principe fondamental du droit de l’Union, est ouverte à tout opérateur économique auprès duquel une institution a fait naître des espérances fondées, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. De plus, les opérateurs économiques ne peuvent placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, et ce spécialement dans un domaine comme celui de la politique monétaire, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 76 et jurisprudence citée).

361    Enfin, le principe de la protection de la confiance légitime ne saurait être invoqué par une personne ayant violé le droit en vigueur (voir arrêt du 23 janvier 2019, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, C‑387/17, EU:C:2019:51, point 68 et jurisprudence citée).

362    En l’espèce, à titre liminaire, il convient de constater que les requérantes allèguent une violation du principe de protection de la confiance légitime sur le fondement des seuls et mêmes arguments que ceux avancés à l’appui de leur allégation de violation du principe de sécurité juridique, sans invoquer aucunement des assurances précises et inconditionnelles que la seconde requérante aurait pu recevoir de la FSA ou de la BCE quant au maintien de son agrément. Par ailleurs, le comportement reproché est un comportement de l’ACN et non de la BCE.

363    En outre, en premier lieu, force est de constater que non seulement la seconde requérante n’a reçu aucune assurance précise, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 359 ci-dessus, qu’il n’y aurait pas de retrait de son agrément, mais elle a également eu suffisamment d’avertissements du contraire par la FSA.

364    En effet, il ressort du point 3.2, sous d), de la décision du 17 juillet 2018 que, premièrement, la FSA a eu deux réunions avec le conseil de surveillance et le conseil d’administration de la seconde requérante, les 2 septembre et 30 octobre 2015, et une réunion avec le propriétaire et le conseil d’administration, le 30 novembre 2015, durant lesquelles la FSA a averti que ladite requérante devait changer ses dispositifs de gouvernance et ses procédures de vigilance de la clientèle et que si les violations en matière de LBC/FT se poursuivaient, toute mesure prudentielle aurait été possible. Deuxièmement, après l’adoption du précepte, le 9 août 2016, la FSA a eu une autre réunion avec un membre du conseil de surveillance de cette requérante pendant laquelle elle a discuté de l’établissement illégal d’une succursale en Lettonie et clarifié qu’elle estimait que les violations constatées étaient graves et qu’elle prendrait en considération le retrait de l’agrément de la même requérante si celle-ci ne remédiait pas aux problèmes contestés. Troisièmement, elle a encore eu deux autres réunions au mois de novembre 2016 et une au mois de janvier 2017 avec le conseil d’administration de la requérante en question pendant lesquelles elle a souligné le besoin de changer les dispositifs de gouvernance de cette dernière et a indiqué de nouveau que si les violations ne cessaient pas, toute mesure prudentielle pourrait être prise. Quatrièmement, le 28 février 2017, elle a communiqué à la requérante concernée qu’elle considérait que ledit précepte avait été partiellement violé et, le 5 avril 2017, elle lui a adressé une demande de renseignements concernant son éventuelle implication dans un plan de blanchiment d’argent, surnommé dans les médias « Russian Laundromat » (laverie russe). Cinquièmement, elle a émis, le 10 avril 2017, une déclaration selon laquelle la requérante était en situation de défaillance avérée ou prévisible. Le 7 février 2018, elle a adopté la décision FOLFT selon laquelle il n’y avait pas d’intérêt public à prendre des mesures de résolution. Sixièmement, le 7 août 2017, elle a refusé de notifier à 23 pays l’intention de la requérante en cause de continuer à fournir des services financiers transfrontaliers. Septièmement, dans le cadre d’une dernière inspection sur place entre le 4 et le 22 septembre 2017, elle a détecté de nouvelles violations en matière de LBC/FT. Enfin, ce n’est que le 8 février 2018 que la FSA a proposé à la BCE le retrait de l’agrément de la requérante en question.

365    En deuxième lieu, même à supposer que la seconde requérante ait reçu de telles assurances, elle ne pourrait pas s’en prévaloir, étant donné que, d’une part, dans les circonstances décrites au point 362 ci-dessus, elle était à même de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, au sens de la jurisprudence rappelée au point 360 ci‑dessus, et, d’autre part, elle se trouvait en situation d’illégalité, au sens de la jurisprudence rappelée au point 361 ci‑dessus.

366    Il découle de ce qui précède que le présent groupe de moyens doit être rejeté.

7.      Sur les vingtième à vingt-deuxième moyens, tirés de la violation des formes substantielles

367    Par les vingtième et vingt et unième moyens, tirés de la violation des droits de la défense et du droit d’être entendu, les requérantes estiment, premièrement, que le délai de cinq jours ayant été accordé à la seconde requérante pour présenter leurs observations sur le projet de retrait de l’agrément était insuffisant, deuxièmement que les déclarations de défaillance avérée ou prévisible ne leur avaient pas été communiquées pendant la procédure et que celles-ci étaient pertinentes, au contraire de ce que la BCE affirme. Troisièmement, elles allèguent que la BCE n’a pas expliqué en quoi consistait l’urgence. Enfin, elles affirment que les dispositions du règlement-cadre MSU prévoyant un délai de trois jours pour la présentation des observations sur le projet de retrait de l’agrément représentent une limitation disproportionnée et arbitraire du droit des établissements de crédit à un recours effectif et seraient, partant, illégales.

368    Dans le cadre du vingt-deuxième moyen, les requérantes invoquent la violation de l’obligation de motivation, en ce que le raisonnement à la base de la décision du 17 juillet 2018 est superficiel et vague et n’exprime pas clairement quelles seraient les défaillances particulièrement graves justifiant le retrait de l’agrément de la seconde requérante, par rapport aux normes de conformité à l’échelle de l’industrie bancaire.

369    La BCE, soutenue par la Commission, réfute les arguments des requérantes.

a)      Sur la violation du droit d’être entendu

370    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 31, du règlement-cadre MSU, intitulé « Droit d’être entendu » :

« 1.      Avant que la BCE n’adopte une décision de surveillance prudentielle de la BCE adressée à une partie qui soit susceptible d’affecter défavorablement les droits de cette partie, la partie doit avoir eu la possibilité d’adresser à la BCE, par écrit, ses observations sur les faits, motifs et fondements juridiques pertinents pour la décision de surveillance prudentielle de la BCE. [...]

[...]

3.      La partie doit, en principe, avoir la possibilité de présenter ses observations écrites dans un délai de deux semaines à compter de la réception d’un document faisant état des faits, motifs et fondements juridiques sur lesquels la BCE entend fonder la décision de surveillance prudentielle de la BCE.

Sur demande de la partie, la BCE peut proroger le délai, le cas échéant.

En cas de circonstances particulières, la BCE peut réduire le délai à trois jours ouvrables. Le délai est également réduit à trois jours ouvrables dans les situations mentionnées aux articles 14 et 15 du règlement MSU [de base].

4.      Nonobstant le paragraphe 3 et, conformément au paragraphe 5, la BCE peut adopter une décision de surveillance prudentielle de la BCE qui soit susceptible d’affecter défavorablement les droits de cette partie sans lui donner la possibilité de présenter par écrit ses observations sur les faits, motifs et fondements juridiques pertinents pour cette décision de surveillance prudentielle avant l’adoption de celle-ci, si une décision urgente semble nécessaire afin d’empêcher que le système financier ne subisse un dommage important.

5.      Si une décision de surveillance prudentielle de la BCE est adoptée en urgence conformément au paragraphe 4, la partie a la possibilité de présenter par écrit ses observations sur les faits, motifs et fondements juridiques pertinents pour cette décision de surveillance prudentielle dans les meilleurs délais après l’adoption de la décision. La partie a, en principe, la possibilité de présenter ses observations écrites dans un délai de deux semaines à compter de la réception de la décision de surveillance prudentielle de la BCE. Sur demande de la partie, la BCE peut proroger le délai ; toutefois, celui-ci ne peut pas être supérieur à une durée de six mois. La BCE réexamine sa décision de surveillance prudentielle à la lumière des observations de la partie, et peut soit la confirmer, soit la révoquer, la modifier ou la révoquer et la remplacer par une nouvelle décision de surveillance prudentielle de la BCE.

[...] »

371    En vertu d’une jurisprudence constante fait partie intégrante du respect des droits de la défense le droit d’être entendu, qui garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative, avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. Selon la jurisprudence de la Cour, la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci soit prise a pour but de mettre l’autorité compétente à même de tenir utilement compte de l’ensemble des éléments pertinents (voir arrêt du 16 octobre 2019, Glencore Agriculture Hungary, C‑189/18, EU:C:2019:861, point 41 et jurisprudence citée).

372    En l’espèce, il ressort du point 3.1, sous a), de la décision du 17 juillet 2018 que cette dernière ayant été adoptée sur le fondement de l’article 14, paragraphe 5, du règlement MSU de base, le délai pour les observations était de trois jours et que la BCE a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour prolonger ce délai à cinq jours ouvrables.

373    Or, premièrement, il y a lieu de relever que la BCE a appliqué correctement les dispositions pertinentes du règlement-cadre MSU relatives au droit d’être entendu des établissements de crédit destinataires d’une décision de la BCE, à savoir l’article 31, paragraphe 3, dudit règlement-cadre.

374    Deuxièmement, il convient de considérer, à l’instar de la BCE, que le législateur de l’Union a opéré une évaluation quant au caractère raisonnable du délai prévu par ces dispositions en mettant en balance les intérêts opposés, d’une part, les intérêts privés des établissements de crédit à avoir le plus de temps possible pour formuler leurs observations et, d’autre part, l’intérêt public à ce que le rétablissement de la légalité soit le plus rapide possible. Les requérantes ne sauraient donc remettre en cause le caractère raisonnable des délais fixés dans le règlement-cadre MSU, sauf à soulever une exception d’illégalité formelle à l’encontre des dispositions concernées.

375    Pour autant que les requérantes soulèvent une exception d’illégalité à l’égard des dispositions du règlement-cadre MSU, quant au caractère disproportionné du délai prévu pour présenter les observations sur un projet de retrait de l’agrément, il convient de rejeter celle-ci comme irrecevable en tant que tardivement introduite. En effet, les requérantes ne l’ont formulée qu’au stade de la réplique. Or, il ressort de la jurisprudence que le cadre du litige est déterminé par la requête introductive d’instance et qu’une exception d’illégalité est irrecevable au stade de la réplique. En outre, l’exception d’illégalité n’est fondée, en l’espèce, sur aucun élément de droit ou de fait qui se serait révélé au cours de la procédure au sens de l’article 84, paragraphe 2, du règlement de procédure (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 51 et jurisprudence citée).

376    Troisièmement, l’allégation des requérantes concernant le défaut d’urgence est inopérante, dans la mesure où la BCE n’a pas appliqué en l’espèce les dispositions du règlement-cadre MSU s’y référant, à savoir l’article 31, paragraphes 4 et 5, dudit règlement-cadre. En réalité, la BCE a correctement appliqué l’article 31, paragraphe 3, troisième alinéa, de ce règlement-cadre, étant donné qu’elle a adopté sa décision sur le fondement de l’article 14 du règlement MSU de base, une situation dans laquelle le délai laissé aux parties pour être entendues est ramené à trois jours ouvrables.

b)      Sur la violation des droits de la défense

377    S’agissant de la violation des droits de la défense, les requérantes ajoutent seulement que les déclarations de défaillance avérée ou prévisible ne lui ont pas été communiquées.

378    À cet égard, il suffit de rappeler que, comme il ressort des considérations énoncées aux points 147 à 152 ci-dessus, les déclarations de défaillance avérée ou prévisible ne sont que des actes préparatoires non obligatoires précédant d’éventuels dispositifs de résolution, dont l’adoption n’implique pas nécessairement l’adoption d’un tel dispositif en vertu du règlement MRU et qu’il n’existe pas d’équivalence fonctionnelle entre une évaluation de la défaillance avérée ou prévisible et un retrait de l’agrément, même si les faits à la base des deux actes peuvent se recouper, dès lors que les conditions du retrait de l’agrément diffèrent manifestement des considérations sous‑tendant l’évaluation de la défaillance avérée ou prévisible.

379    Ainsi, en l’espèce, comme le relève à juste titre la BCE, les déclarations de défaillance avérée ou prévisible étaient fondées sur des motifs différents des motifs de la décision de retrait de l’agrément. En revanche, dans la mesure où ils se recoupaient, ces motifs ont été repris dans le projet de décision de retrait de l’agrément de la FSA, la seule pertinente en l’espèce, sur lequel la seconde requérante a eu l’occasion de s’exprimer. Dès lors, le grief tiré de la non communication desdites déclarations peut être rejeté comme inopérant.

380    Par ailleurs, les requérantes ne sauraient reprocher à la FSA de ne pas avoir été en dialogue avec la direction et les actionnaires de l’entité surveillée en vue d’aboutir à une pleine conformité. En effet, il ressort des points 23, 39 et 278 ci-dessus que la seconde requérante a incontestablement eu plusieurs avertissements et occasions de dialoguer avec la FSA et que cette dernière a suffisamment collaboré pour expliquer tout au long de la procédure en quoi les défaillances observées étaient toujours subsistantes.

c)      Sur la violation de l’obligation de motivation

381    Il convient de rappeler, à titre liminaire que, selon l’article 22, paragraphe 2, second alinéa, du règlement MSU de base, les décisions de la BCE sont motivées.

382    Conformément à l’article 33, paragraphes 1 et 2, du règlement‑cadre MSU, une décision de surveillance prudentielle de la BCE est accompagnée d’un exposé des motifs justifiant la décision. L’exposé des motifs contient les éléments de fait et de droit essentiels sur lesquels est fondée la décision de surveillance prudentielle de la BCE.

383    L’article 39, paragraphe 1, du règlement-cadre MSU précise qu’« [u]ne entité soumise à la surveillance prudentielle est considérée comme une entité importante soumise à la surveillance prudentielle si la BCE en décide ainsi, dans une décision de la BCE adressée à l’entité concernée [...], indiquant les raisons qui motivent cette décision ».

384    Il convient de souligner que les dispositions mentionnées aux points 381 à 383 ci-dessus ne font que rappeler, dans le corps du règlement MSU de base et du règlement-cadre MSU, l’obligation de motivation à laquelle les institutions et les organes de l’Union sont assujettis au titre de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 121).

385    L’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 122 et jurisprudence citée).

386    Dans cette perspective, d’une part, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. S’agissant, en particulier, de la motivation des décisions individuelles, l’obligation de motiver de telles décisions a ainsi pour but, outre de permettre un contrôle judiciaire, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si la décision est éventuellement entachée d’un vice permettant d’en contester la validité (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 123 et jurisprudence citée).

387    D’autre part, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte en cause, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 16 mai 2017, Landeskreditbank Baden-Württemberg/BCE, T‑122/15, EU:T:2017:337, point 124 et jurisprudence citée).

388    En l’espèce, il suffit de constater que la décision du 17 juillet 2018 est très clairement structurée (une partie procédurale, une partie rappelant les faits à l’origine de l’affaire, une partie résumant les défaillances relevées fondée sur le projet de décision de la FSA de retrait de l’agrément et une partie analysant la proportionnalité de la mesure de retrait de l’agrément fondée sur l’analyse propre de la BCE) et expose de manière exhaustive les éléments de fait et de droit sur lesquels les parties sont fondées. En outre, il y a lieu de souligner que ladite décision s’inscrit dans un contexte de dialogue pluriannuel entre la seconde requérante et la FSA, tel que décrit au point 364 ci-dessus, qui permet de conclure que la seconde requérante connaissait sans aucun doute le contexte factuel et procédural visé par cette décision, au sens de la jurisprudence rappelée au point 387 ci-dessus. Par ailleurs, il convient de relever que la motivation de cette décision a permis à la seconde requérante de comprendre les raisons justifiant son adoption et de formuler ses contestations et au juge de l’Union d’exercer son contrôle, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 386 ci-dessus.

389    Il découle de tout ce qui précède que le présent groupe de moyens doit être rejeté.

8.      Sur les vingt-troisième et vingt-quatrième moyens, tirés, notamment, de la violation du droit d’accès au dossier de la seconde requérante et des droits de l’actionnaire dans le cadre de la procédure de réexamen

390    Dans le cadre du vingt-troisième moyen, les requérantes allèguent une violation du droit d’accès au dossier de la seconde requérante. Selon elles, la BCE a illégalement refusé l’accès sollicité avant l’introduction de la demande de réexamen, alors que les documents demandés par la première requérante lui étaient nécessaires pour préparer ladite demande, et a, en revanche, accordé un tel accès après que la CAR a déclaré recevable la demande en réexamen, tout en réduisant à néant l’accès, en ayant fourni seulement 23 documents sur les 230 qui figuraient au dossier, en considérant tous les autres comme confidentiels.

391    Par le vingt-quatrième moyen, les requérantes invoquent plusieurs violations des droits de la première requérante dans le cadre de la procédure de réexamen qui vicieraient la légalité de la décision du 17 juillet 2018, au point d’en justifier l’annulation.

392    En premier lieu, la BCE aurait commis une erreur dans la décision du 26 mars 2018, dans la mesure où celle-ci contiendrait l’information incorrecte selon laquelle seul l’établissement de crédit aurait pu introduire une demande de réexamen, alors que la décision de la CAR aurait également considéré l’actionnaire recevable pour introduire une telle demande. En outre, elle n’aurait pas notifié cette décision à la première requérante alors qu’elle avait le droit d’en demander le réexamen.

393    En deuxième lieu, les requérantes reprochent à la BCE de ne pas avoir octroyé à la première requérante l’accès au dossier avant l’audience devant la CAR, lui empêchant ainsi de formuler correctement et d’étayer à suffisance sa demande de réexamen, en s’appuyant sur des prétendues raisons de confidentialité.

394    En troisième lieu, le droit d’être entendu de la première requérante aurait été restreint du fait du délai excessivement court lui ayant été accordé pour présenter des observations supplémentaires après l’accès au dossier.

395    En quatrième lieu, les requérantes font valoir que la BCE n’a pas donné d’accès à la CAR à la version intégrale de la décision du 26 mars 2018, qui a été uniquement déposée par la première requérante dans une version expurgée dont elle disposait pour l’avoir trouvée sur le site Internet de la FSA. La possibilité d’obtenir un réexamen impartial et objectif aurait été ultérieurement mise à mal par la limitation de l’examen de la CAR aux seuls motifs juridiques ainsi qu’aux seuls griefs invoqués dans la demande de réexamen, limitation prévue à l’article 10, paragraphe 2, de la décision 2014/360, qui ne trouverait aucun fondement dans l’article 24 du règlement MSU de base.

396    En cinquième lieu, les requérantes reprochent à la BCE de ne pas avoir associé à la procédure de réexamen les représentants de la seconde requérante, ni dans la personne des liquidateurs ni des anciens directeurs, ce qui serait manifestement contraire aux principes d’un procès équitable et violerait le droit d’être entendue de ladite requérante, qui fait l’objet de cette dernière décision.

397    En sixième lieu, les requérantes allèguent un défaut de motivation de la décision du 17 juillet 2018, en ce que les motifs du rejet de la demande de réexamen n’y figureraient pas. La possibilité de prendre en compte également la motivation de l’avis de cette commission ne saurait pallier l’absence de motivation dans ladite décision, dès lors que l’exigence établie à l’article 24, paragraphe 9, du règlement MSU de base ne saurait être satisfaite par une motivation per relationem.

398    La BCE, soutenue par la Commission, réfute les arguments des requérantes.

399    À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 22, paragraphe 2, du règlement MSU de base, de l’article 32 du règlement‑cadre MSU et de l’article 20 de la décision 2014/360, les droits de la défense des personnes concernées sont pleinement assurés dans le déroulement de la procédure. Elles ont le droit d’avoir accès au dossier de la BCE sous réserve de l’intérêt légitime d’autres personnes dans la protection de leurs secrets d’affaires. Le droit d’accès au dossier ne s’étend pas aux informations confidentielles.

400    En outre, aux termes de l’article 24, paragraphe 5, du règlement MSU de base, toute personne physique ou morale peut demander le réexamen d’une décision prise par la BCE, dont elle est le destinataire ou qui la concerne directement et individuellement.

401    En l’espèce, il convient de constater, en premier lieu, que la seconde requérante n’a pas formé un recours en réexamen au titre de l’article 24 du règlement MSU de base, alors qu’elle en aurait eu le droit. En second lieu, s’agissant de la première demande d’accès formulée par la première requérante, celle-ci a introduit le 15 avril 2018 une demande d’accès, après la fin de la procédure de surveillance initiale ayant donné lieu à la décision du 26 mars 2018.

402    La décision du 26 mars 2018 n’était pas destinée à la première requérante et celle-ci ne saurait être regardée comme ayant été directement et individuellement concernée par cette dernière, en vertu de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a., C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923, points 108 à 114 et 119).

403    Dans ces circonstances, la BCE n’a commis aucune erreur en n’accordant pas l’accès au dossier à la première requérante qui n’était pas une partie concernée, au sens de l’article 22, paragraphe 2, du règlement MSU de base et des articles 26 et 32 du règlement-cadre MSU, au moment de l’introduction de sa première demande.

404    S’agissant de la seconde demande d’accès, introduite le 26 avril 2018 conjointement avec la demande de réexamen de la décision du 26 mars 2018, ainsi que des autres griefs concernant le déroulement de la procédure, il y a lieu de souligner que la CAR a accepté en tant que recevable la demande de réexamen de la première requérante sur le fondement de l’article 24, paragraphe 5, du règlement MSU de base. Les critères de recevabilité, fixés par cette disposition coïncidant avec ceux qui sont prévus par l’article 263 TFUE pour les recours juridictionnels, ont été considérés comme remplis pour ladite requérante sur le fondement de l’ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623). Dès lors, la CAR a également accepté la demande d’accès au dossier de cette requérante, en sa qualité de requérant en réexamen, en vertu de l’article 20 de la décision 2014/360.

405    Toutefois, à cet égard, il y a lieu de remarquer que la première requérante n’aurait pas été déclarée recevable à introduire une demande en réexamen, en l’absence de l’ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623), et que cette dernière a désormais été annulée par la Cour par l’arrêt du 5 novembre 2019, BCE e.a./Trasta Komercbanka e.a. (C‑663/17 P, C‑665/17 P et C‑669/17 P, EU:C:2019:923). Par conséquent, en réalité, ladite requérante s’est vu accorder des possibilités, telle que la procédure de réexamen, qui est un remède supplémentaire par rapport au recours juridictionnel, et un accès au dossier dont elle n’aurait pas dû bénéficier.

406    Dans ces circonstances particulières et non susceptibles de se reproduire, dès lors que l’ordonnance du 12 septembre 2017, Fursin e.a./BCE (T‑247/16, non publiée, EU:T:2017:623), sur laquelle la CAR s’est fondée, a été annulée par la Cour, et compte tenu de l’irrecevabilité de la première requérante à former le présent recours, en ce qu’il vise la demande en annulation de la décision du 17 juillet 2018, comme il ressort de ce qui a été exposé au points 100 ci-dessus, ainsi que de l’irrecevabilité de la seconde requérante à les invoquer, dès lors que celle-ci n’a pas été partie à la procédure de réexamen, en ayant choisi de ne pas introduire la demande, tout en y ayant droit, il convient de rejeter les moyens fondés sur la violation des droits de la défense dans le cadre de la procédure de réexamen en tant qu’irrecevables.

407    En tout état de cause, à supposer que ces moyens doivent être considérés comme recevables, ils ne sauraient conduire à l’annulation de la décision du 17 juillet 2018, dès lors que, en l’absence de ces éventuels vices de procédure, la décision n’aurait pas pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 1990, France/Commission, C‑301/87, EU:C:1990:67, point 31), ce qui est confirmé par l’analyse exposée aux points 105 à 389 ci-dessus.

9.      Sur le vingt-cinquième moyen, avancé à l’appui de la demande en annulation de la décision sur les dépens, tiré de l’illégalité de la décision du 17 juillet 2018

408    Le vingt-cinquième moyen, avancé à l’appui de la demande en annulation de la décision sur les dépens, est tiré de l’illégalité de la décision du 17 juillet 2018.

409    La BCE, soutenue par la Commission, contestent les arguments des requérantes.

410    En l’espèce, aucun des moyens avancés dans l’affaire T-584/18 ne permet de conclure à l’illégalité de la décision du 17 juillet 2018.

411    Dès lors, le présent moyen doit être rejeté.

10.    Sur la demande de mesures d’instruction

412    Les requérantes demandent au Tribunal, à plusieurs reprises dans leurs écritures, d’adopter différentes mesures d’instruction : premièrement, ordonner à la BCE et à la FSA de produire des documents, dont les décisions FOLTF, deuxièmement, ordonner la production des actes prouvant que la BCE aurait pris une décision en matière d’autoliquidation et le témoignage des fonctionnaires de la BCE concernés ; troisièmement, ordonner à la BCE et à la République d’Estonie de divulguer les constats d’infraction à la législation en matière de LBC/FT et le témoignage du président de la FSA et des fonctionnaires de la BCE concernés et, quatrièmement, ordonner à la BCE de désigner les déclarations trompeuses concrètes qui auraient été rendues par les requérantes et de divulguer les documents montrant que la BCE et la FSA ont échangé sur le problème de la succursale en Lettonie, qui restait un problème non résolu par le règlement administratif intervenu en Lettonie, ainsi que de citer le président de la FSA et les fonctionnaires de la BCE concernés à témoigner.

413    La BCE s’oppose à la demande de mesures d’instruction sollicitées par les requérantes, dès lors que les mesures demandées ne remplissent pas les conditions exigées par la jurisprudence ainsi que par l’article 88 du règlement de procédure tenant, notamment, à la pertinence et à la nécessité des renseignements demandés pour établir certains faits et trancher le litige.

414    À titre liminaire, il convient de relever que la demande des requérantes constitue une demande de mesures d’instruction, au sens de l’article 91, sous b) à d), du règlement de procédure, proposée en vertu de l’article 88, paragraphe 1, dudit règlement.

415    Il ressort du paragraphe 2 de l’article 88 de ce règlement de procédure que la demande visée au paragraphe 1 de celui-ci doit indiquer avec précision l’objet des mesures sollicitées et les raisons de nature à les justifier. En outre, ladite disposition précise que, lorsque cette demande est formulée après le premier échange de mémoires, la partie qui présente la demande doit exposer les raisons pour lesquelles elle n’a pas pu la présenter antérieurement.

416    En l’espèce, en premier lieu, la plupart des demandes d’instruction, à l’exception de celle tendant à obtenir la production des « décisions FOLTF », a été introduite pour la première fois au stade de la réplique. Les requérantes n’expliquent aucunement dans leur demande les raisons justifiant ce retard. Partant, elles doivent être rejetées comme irrecevables.

417    En tout état de cause, force est de constater que les demandes de mesures d’instruction ne sont pas suffisamment précises quant à son objet et à la pertinence des témoignages et des documents à produire.

418    En effet, il convient de relever, à l’instar de la BCE et de la Commission, d’une part, que les points sur lesquels les requérantes demandent à entendre les témoins ne visent pas à établir les faits, mais à confirmer une série de simples allégations non étayées des requérantes. Or, ces allégations, à supposer qu’elles soient confirmées, ne seraient pas pertinentes pour la solution du litige. Par ailleurs, force est de constater que la demande d’audition des témoins est également partiellement imprécise eu égard à l’identification des personnes à entendre.

419    D’autre part, s’agissant des demandes de production de documents, premièrement, en ce qui concerne les « décisions FOLTF » (seule demande d’instruction introduite au stade de la requête et donc non tardive), elle doit être rejetée sur la base des considérations exposées au point 181 ci‑dessus. Deuxièmement, comme il a été établi au point 279 ci-dessus, les constats d’infraction à la législation en matière de LBC/FT ressortent suffisamment de la décision du 17 juillet 2018. Troisièmement, il ressort du point 267 ci-dessus que déterminer si la question relative à la succursale en Lettonie était ou non une question encore ouverte pour la FSA et la BCE n’est pas un élément nécessaire aux fins de la solution du litige.

420    Il découle de ce qui précède que les demandes de mesures d’instruction doivent être rejetées en tant que tardive et partiellement non fondée ou, à titre subsidiaire, comme intégralement non fondées.

421    Compte tenu de tout ce qui précède, le recours T‑584/18 doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

422    Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

423    Compte tenu des considérations ayant amené le Tribunal à constater qu’il n’y a plus lieu à statuer dans l’affaire T‑351/18, il sera fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

424    Selon l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, les requérantes ayant succombé dans l’affaire T‑584/18, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la BCE, conformément aux conclusions de celle-ci.

425    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. La Commission supportera donc ses propres dépens dans l’affaire T‑584/18.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T351/18 et T584/18 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur l’affaire T351/18.

3)      Le recours dans l’affaire T584/18 est rejeté.

4)      Dans l’affaire T351/18, Ukrselhosprom PCF LLC, Versobank AS, la Banque centrale européenne (BCE) et la Commission européenne supporteront chacune leurs propres dépens.

5)      Dans l’affaire T584/18, Ukrselhosprom PCF et Versobank sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux de de la BCE.

6)      Dans l’affaire T584/18, la Commission supportera ses propres dépens.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 octobre 2021.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Procédure et conclusions des parties

A. Début de la procédure et conclusions des parties dans l’affaire T351/18

B. Début de la procédure et conclusions des parties dans l’affaire T584/18

C. Suite de la procédure dans les deux affaires

III. En droit

A. Sur la persistance de l’objet du litige et de l’intérêt à agir des requérantes dans l’affaire T351/18

B. Sur la recevabilité dans l’affaire T584/18

1. Sur la recevabilité de la demande en annulation de la décision du 17 juillet 2018

2. Sur la recevabilité de la demande en annulation de la décision sur les dépens

C. Sur le fond

1. Sur les premier, deuxième, quatorzième, quinzième et dix-neuvième moyens

a) Sur la répartition des compétences entre la BCE et les ACN des États membres participants au sein du MSU concernant le retrait de l’agrément pour violation des règles en matière de LBC/FT

b) Sur la première branche relative à l’incompétence de la BCE pour retirer l’agrément d’établissement de crédit, dès lors que l’ACN avait déjà adopté une déclaration de défaillance avérée ou prévisible

c) Sur la deuxième branche relative à l’incompétence de la BCE pour évaluer les questions en matière de LBC/FT

d) Sur la troisième branche relative à l’incompétence de la BCE pour refuser l’autoliquidation de la seconde requérante et la vente de la banque à un autre investisseur

e) Sur la quatrième branche relative au détournement de pouvoir

2. Sur le troisième moyen, tiré de la violation des devoirs de diligence et d’impartialité dans l’examen de la BCE

3. Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d’erreurs d’appréciation ou de l’absence de prise en compte de certains éléments pertinents de l’affaire

a) Sur le cinquième moyen, tiré du défaut de prise en compte du rôle positif joué par la nouvelle direction de la seconde requérante

b) Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur d’appréciation concernant le caractère erroné des informations sur les activités de la seconde requérante en Lettonie

4. Sur les sixième, douzième et dix-huitième moyens, tirés d’une erreur d’appréciation en ce que la BCE s’est fondée à tort sur la violation du précepte de la FSA et de la violation du principe de sécurité juridique

5. Sur les septième à onzième, treizième à quinzième et dix-septième moyens, tirés de la violation du principe de proportionnalité

6. Sur les seizième et dix-huitième moyens, tirés de la violation des principes d’égalité de traitement et de nondiscrimination, de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique

7. Sur les vingtième à vingt-deuxième moyens, tirés de la violation des formes substantielles

a) Sur la violation du droit d’être entendu

b) Sur la violation des droits de la défense

c) Sur la violation de l’obligation de motivation

8. Sur les vingt-troisième et vingt-quatrième moyens, tirés, notamment, de la violation du droit d’accès au dossier de la seconde requérante et des droits de l’actionnaire dans le cadre de la procédure de réexamen

9. Sur le vingt-cinquième moyen, avancé à l’appui de la demande en annulation de la décision sur les dépens, tiré de l’illégalité de la décision du 17 juillet 2018

10. Sur la demande de mesures d’instruction

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.