Language of document : ECLI:EU:T:2022:802

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Dumping – Importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, originaires de Chine – Réinstitution d’un droit antidumping définitif – Sécurité juridique – Confiance légitime – Non-rétroactivité – Article 10 du règlement (CE) no1225/2009 [devenu article 10 du règlement (UE) 2016/1036] – Proportionnalité – Enregistrement des importations – Article 14, paragraphe 5, du règlement no 1225/2009 (devenu article 14, paragraphe 5, du règlement 2016/1036) »

Dans l’affaire T‑687/20,

Jinan Meide Casting Co. Ltd, établie à Jinan (Chine), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe(1), représentées par Mes R. Antonini, E. Monard et B. Maniatis, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck et M. G. Luengo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de Mmes V. Tomljenović (rapporteure), présidente, P. Škvařilová-Pelzl et M. I. Nõmm, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 28 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Jinan  Meide Casting Co. Ltd et les autres personnes morales dont les noms figurent en annexe, demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/1210 de la Commission, du 19 août 2020, réinstituant un droit antidumping définitif sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable et en fonte à graphite sphéroïdal, originaires de la République populaire de Chine, fabriqués par Jinan Meide Casting Co. Ltd à la suite de l’arrêt du Tribunal dans l’affaire T‑650/17 (JO 2020, L 274, p. 20, ci-après le « règlement attaqué »).

I.      Antécédents du litige

2        Jinan Meide Casting Co. Ltd (ci-après « Jinan Meide ») est une société établie en Chine qui produit des accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, destinés au marché intérieur et à l’exportation.

3        Boole’s Tools & Pipe Fittings Ltd, Dafina Kereskedelmi és Szolgáltató Kft., Gebo Armaturen GmbH, Geniki emporiou kai viomichanias AE, GT Comis SpA, Rapidrop Global Ltd, Romstal Imex SRL, Site Supplies and Services Ltd, TE Fittings GmbH et Vocla BV ont toutes importé les produits fabriqués par Jinan Meide en tant qu’importatrices indépendantes (ci-après les « sociétés importatrices »).

4        Le 13 mai 2013, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement d’exécution (UE) no 430/2013 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, originaires de République populaire de Chine et de Thaïlande, et concluant la procédure en ce qui concerne l’Indonésie (JO 2013, L 129, p. 1).

5        L’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 430/2013 disposait :

« Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, à l’exclusion des corps de raccord à compression comportant un filetage métrique relevant de la norme ISO DIN 13 et des boîtes de jonction circulaires filetées en fonte malléable sans couvercle relevant actuellement du code NC ex 7307 19 10 (code TARIC 7307 19 10 10) et originaires de la République populaire de Chine [...] et de Thaïlande. »

6        L’article 1er, paragraphe 2, dudit règlement d’exécution prévoyait, en ce qui concernait les exportations de Jinan Meide, que le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière de l’Union européenne, avant dédouanement, s’établissait pour le produit visé au paragraphe 1 à 40,8 %.

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2013, Jinan Meide a saisi le Tribunal d’un recours en annulation dirigé contre le règlement d’exécution no 430/2013 en tant qu’il s’appliquait à elle.

8        Par son arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), le Tribunal a annulé le règlement d’exécution no 430/2013 dans la mesure où il instituait un droit antidumping sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, fabriqués par Jinan Meide.

9        À la suite de l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), la Commission européenne a, le 28 octobre 2016, rouvert l’enquête antidumping qui avait conduit à l’adoption du règlement d’exécution no 430/2013. Cette réouverture a eu lieu grâce à l’avis relatif à l’arrêt rendu le 30 juin 2016 dans l’affaire T‑424/13 concernant le règlement d’exécution no 430/2013 (JO 2016, C 398, p. 57).

10      Par la suite, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2017/1146, du 28 juin 2017, réinstituant un droit antidumping définitif sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, originaires de la République populaire de Chine, fabriqués par Jinan Meide (JO 2017, L 166, p. 23).

11      L’article 1er, paragraphe 1, du règlement d’exécution 2017/1146 disposait :

« Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable, à l’exclusion des corps de raccord à compression comportant un filetage métrique relevant de la norme ISO DIN 13 et des boîtes de jonction circulaires filetées en fonte malléable sans couvercle, relevant actuellement du code NC ex 7307 19 10 (code TARIC 7307 19 10 10), originaires de la République populaire de Chine (« RPC ») et fabriqués par Jinan Meide (code additionnel TARIC B336). »

12      Selon l’article 1er, paragraphe 2, du règlement d’exécution 2017/1146, le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, était de 39,2 %.

13      Les droits antidumping institués sur les importations de Jinan Meide entre le 15 mai 2013 et le 29 juin 2017 ont été intégralement remboursés par les autorités douanières nationales à la suite de l’annulation du règlement d’exécution no 430/2013.

14      Le 25 septembre 2017, Jinan Meide a saisi le Tribunal d’un recours en annulation dirigé contre le règlement d’exécution 2017/1146.

15      Par son arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), le Tribunal a annulé le règlement d’exécution 2017/1146.

16      Ainsi que cela ressort d’un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 29 novembre 2019 (JO 2019, C 403, p. 63), relatif à la réouverture de l’enquête à la suite de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), la Commission a décidé de rouvrir partiellement l’enquête antidumping qui avait donné lieu à l’adoption du règlement d’exécution 2017/1146. Cette réouverture portait uniquement sur l’exécution dudit arrêt, à savoir sur les produits fabriqués par Jinan Meide.

17      Le 29 novembre 2019, la Commission a également publié le règlement d’exécution (UE) 2019/1982, du 28 novembre 2019, soumettant à enregistrement certaines importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable et en fonte à graphite sphéroïdal, originaires de la République populaire de Chine, à la suite de la réouverture de l’enquête en vue de l’exécution de l’arrêt rendu le 20 septembre 2019, dans l’affaire T‑650/17, en ce qui concerne le règlement d’exécution 2017/1146 (JO 2019, L 308, p. 77).

18      Enfin, le 21 août 2020, la Commission a publié le règlement attaqué.

19      L’article 1er, paragraphes 1 et 2, du règlement attaqué dispose :

« Il est institué un droit antidumping définitif sur les importations vers l’Union d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable et en fonte à graphite sphéroïdal, à l’exclusion des corps de raccord à compression comportant un filetage métrique relevant de la norme ISO DIN 13 et des boîtes de jonction circulaires filetées en fonte malléable sans couvercle, relevant actuellement du code NC ex 7307 19 10 (codes TARIC 7307 19 10 10 et 7307 19 10 20), originaires de la République populaire de Chine, fabriqués par Jinan Meide [...] (code additionnel TARIC B336), à partir du 15 mai 2013.

Le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, du produit décrit au paragraphe 1 et fabriqué par Jinan Meide, s’établit à 36,0 % (code additionnel TARIC B336). »

20      L’article 2, premier alinéa, de ce règlement dispose :

« Tout droit antidumping définitif payé par Jinan Meide en vertu du règlement d’exécution (UE) 2017/1146 de la Commission, qui excède le droit antidumping définitif établi à l’article 1er, doit être remboursé ou remis. »

21      L’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement attaqué dispose :

« Un droit antidumping définitif est également perçu sur les importations enregistrées conformément à l’article 1er du règlement d’exécution [...] 2019/1982 de la Commission soumettant à enregistrement certaines importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable et en fonte à graphite sphéroïdal, originaires de la République populaire de Chine, à la suite de la réouverture de l’enquête en vue de l’exécution de l’arrêt rendu le 20 septembre 2019, dans l’affaire T‑650/17, en ce qui concerne le règlement d’exécution [...] 2017/1146 réinstituant un droit antidumping définitif sur les importations d’accessoires de tuyauterie filetés, moulés, en fonte malléable et en fonte à graphite sphéroïdal, originaires de la République populaire de Chine, fabriqués par Jinan Meide [...]

Le taux du droit antidumping définitif sur les importations enregistrées applicable au prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, du produit décrit à l’article 1er, paragraphe 1, et fabriqué par Jinan Meide, s’établit à 36,0 %. »

II.    Conclusions des parties

22      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité du recours en ce qui concerne les sociétés importatrices

24      La Commission estime que les sociétés importatrices ne sont pas individuellement affectées par le règlement attaqué et ne disposent donc pas de la qualité pour agir nécessaire pour former un recours fondé sur l’article 263 TFUE, si bien que leur recours serait irrecevable. En effet, selon la Commission, le règlement attaqué n’affecte les importateurs indépendants, en l’espèce, qu’en leur qualité objective d’importateurs de produits ayant fait l’objet des mesures antidumping concernées, sans toutefois tenir compte de leur situation individuelle.

25      Les requérantes contestent le bien-fondé de cet argument.

26      À ce titre, il y a lieu de constater que, en raison de sa qualité de productrice et d’exportatrice identifiée nominativement dans le règlement attaqué, Jinan Meide dispose de la qualité pour agir en annulation du règlement attaqué, en vertu de l’article 263 TFUE, tel qu’interprété par la jurisprudence (arrêt du 21 février 1984, Allied Corporation e.a./Commission, 239/82 et 275/82, EU:C:1984:68, point 12).

27      Or, selon une jurisprudence constante, qui est fondée sur des raisons d’économie procédurale, si un même acte est attaqué par plusieurs parties requérantes et qu’il est établi que l’une d’entre elles dispose de la qualité pour agir, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir des autres parties requérantes (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 31 ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 36 et 37, et du 30 avril 2015, Hitachi Chemical Europe e.a./ECHA, T‑135/13, EU:T:2015:253, point 39).

28      En l’espèce, compte tenu de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus et du constat que Jinan Meide dispose de la qualité pour agir en annulation du règlement attaqué, il n’y a pas lieu de rechercher si les sociétés importatrices sont individuellement affectées par le règlement attaqué et disposent ainsi de la qualité pour agir nécessaire pour former un recours fondé sur l’article 263 TFUE contre ce même règlement.

B.      Sur le fond

29      Les requérantes invoquent sept moyens, qui se subdivisent en plusieurs branches. Par leur premier moyen, elles avancent que les dispositions du règlement attaqué qui prévoient une institution et une perception de droits antidumping à partir du 15 mai 2013 violent l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51) [devenu article 10, paragraphe 1, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union (JO 2016, L 176, p. 21)], ainsi que le principe général de non-rétroactivité. Le deuxième moyen est tiré de ce que le règlement attaqué viole le principe général de non-rétroactivité des actes de l’Union et le principe général de sécurité juridique. Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que, en adoptant le règlement attaqué, la Commission a violé l’article 266 TFUE, car elle n’aurait pas pris les mesures que comportait l’exécution de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644). En outre, en adoptant le règlement attaqué, la Commission aurait méconnu la compétence exclusive du Tribunal, conférée par l’article 264 TFUE, pour limiter les effets temporels d’une annulation. Enfin, selon les requérantes, la Commission a dépassé le cadre de l’enquête de réouverture, en réinstituant les droits antidumping rétroactivement à compter de la date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution no 430/2013. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité et de l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE. Par leur cinquième moyen, les requérantes invoquent une violation du droit à un recours effectif, tel que figurant à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Par leur sixième moyen, les requérantes font valoir que, en ce que le règlement attaqué prévoit des droits antidumping à partir du 15 mai 2013, la Commission a violé le délai de prescription de trois ans prévu à l’article 103, paragraphe 1, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1, ci-après le « code des douanes de l’Union »). La Commission n’aurait pas non plus motivé l’incohérence existant entre, d’une part, l’obligation de respecter ledit délai de prescription de trois ans et, d’autre part, le fait d’instituer, par le règlement attaqué, des droits qui remontent à plus de trois ans, ce qui équivaudrait à une violation de l’article 296 TFUE. Enfin, le septième moyen est pris d’une violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1225/2009 (devenu article 14, paragraphe 5, du règlement 2016/1036), en ce que la Commission n’aurait pas été compétente pour imposer l’enregistrement des importations de produits de Jinan Meide.

30      Les requérantes précisent que le présent recours n’est pas dirigé contre le règlement attaqué dans la mesure où il institue ex nunc des mesures sur les produits de Jinan Meide. En revanche, la portée de leur recours se limiterait à :

–        l’institution de droits antidumping à compter du 15 mai 2013, à savoir la date à laquelle le règlement d’exécution no 430/2013 est entré en vigueur, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2019/1982, à savoir le 29 novembre 2019, et jusqu’à l’injonction adressée aux autorités des États membres de ne pas rembourser ni/ou remettre les droits dont les requérantes se sont acquittées et de recouvrer tout remboursement qui a été effectué (premier à sixième moyens de la requête) ;

–        la perception des droits institués par le règlement attaqué sur les importations enregistrées conformément au règlement d’exécution 2019/1982 (l’ensemble des moyens de la requête).

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009

31      Dans le cadre de la première branche de leur premier moyen, les requérantes rappellent que, selon l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 – cette disposition étant, selon elles, applicable ratione temporis –, des mesures antidumping ne peuvent être appliquées qu’à des produits « mis en libre pratique après la date à laquelle [le règlement les instituant] est entré en vigueur ».

32      En premier lieu, comme le règlement attaqué est entré en vigueur le 22 août 2020, une application correcte de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 aurait dû conduire à ce que les droits antidumping prévus dans le règlement attaqué ne soient appliqués qu’à des produits qui avaient été mis en libre pratique après le 22 août 2020. Or, le règlement attaqué prévoirait une institution et une perception de droits à partir du 15 mai 2013. Aucune des exceptions énoncées dans le règlement no 1225/2009 qui permettent une imposition rétroactive de droits antidumping, telles que celles prévues à l’article 10, paragraphe 4, ou à l’article 10, paragraphe 5, ou encore à l’article 13, paragraphe 3, dudit règlement, ne s’appliquerait en l’espèce. Il s’ensuivrait que le règlement attaqué déploie des effets rétroactifs et viole l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009.

33      En deuxième lieu, selon les requérantes, avant l’adoption du règlement attaqué, aucune mesure instituant des droits antidumping applicable aux produits de Jinan Meide n’aurait existé ou ne serait entrée en vigueur.

34      En effet, selon les requérantes, dans l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), le Tribunal a annulé intégralement le règlement d’exécution no 430/2013, en tant qu’il concernait Jinan Meide. Il s’ensuivrait que les droits institués par ledit règlement à l’égard de cette société auraient également été annulés.

35      De manière similaire, dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), le Tribunal aurait également annulé – et dès lors « éliminé » rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union – les droits antidumping réinstitués par le règlement d’exécution 2017/1146. Ces droits auraient été annulés en tant que tels, et ce dans leur intégralité, ce qui signifierait que non seulement ils étaient nuls et non avenus, mais que, du fait de leur annulation, ils n’auraient jamais existé.

36      Le fait que les droits visés dans le règlement d’exécution 2017/1146 étaient, à la date d’adoption du règlement attaqué, entièrement nuls pour ce qui concernait les requérantes ressortirait du dispositif de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644). En effet, contrairement à ce qui s’est passé, par exemple, dans l’arrêt du 11 octobre 2012, Novatex/Conseil (T‑556/10, non publié, EU:T:2012:537), le Tribunal n’aurait pas assorti le dispositif de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), de réserves pour refléter qu’il n’annulait qu’une partie du règlement en cause.

37      Le fait que l’annulation prononcée dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), aurait été intégrale ressortirait également de la motivation de cet arrêt. Les motifs d’annulation auraient concerné la substance même des conditions relatives à l’institution de droits antidumping. En effet, d’une part, le Tribunal aurait constaté que la méthode appliquée par la Commission en vue de la détermination de la marge de dumping d’une partie non négligeable du volume total des exportations de Jinan Meide vers l’Union, à savoir entre un quart et un tiers dudit volume, était déraisonnable (28 % du volume total des produits vendus à l’exportation). D’autre part, le Tribunal aurait indiqué qu’il ne pouvait dès lors être exclu qu’aucun droit n’eût pu, en définitive, être institué à l’égard de Jinan Meide. À cette époque, il aurait été impossible de savoir à quel montant auraient pu s’élever en fin de compte les droits dus par Jinan Meide, à supposer qu’il y en ait eu, et le montant de ces derniers aurait donc pu aussi être égal à zéro. Il n’aurait, de fait, pas même pu être exclu qu’il pût s’agir d’une marge de dumping négative.

38      En troisième lieu, dans la mesure où, afin de justifier le remplacement du règlement d’exécution 2017/1146, annulé par le Tribunal dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), par le règlement attaqué, la Commission aurait mentionné, dans la note en bas de page no 12 du règlement attaqué, le point 79 de l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), ainsi que le point 58 de l’arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), ces arrêts ne sauraient justifier l’approche adoptée par la Commission.

39      En effet, ces arrêts auraient concerné la réinstitution de droits par la Commission après un constat d’invalidité, à savoir celui retenu dans l’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74). Dans cet arrêt, la Cour aurait examiné la question de savoir quel était le taux correct que la Commission aurait dû appliquer lorsqu’elle avait adopté le règlement antidumping en cause. Toutefois, la Cour n’aurait pas considéré que les droits antidumping étaient invalides en tant que tels et la question de la rétroactivité ne se serait, en réalité, jamais posée dans ledit arrêt.

40      Le règlement attaqué ne viserait, quant à lui, pas une réinstitution de droits, telle que celle dont il s’agissait dans les arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508). En l’espèce, le Tribunal aurait, dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), annulé intégralement le règlement d’exécution 2017/1146 et les droits y prévus.

41      En quatrième lieu, selon les requérantes, les effets rétroactifs du règlement d’exécution 2017/1146 sont particulièrement « remarquables » pour la période s’étendant du 15 mai 2013 au 29 juin 2017. En effet, le règlement d’exécution 2017/1146 n’aurait institué des droits qu’à partir de la date de son entrée en vigueur, c’est-à-dire le 30 juin 2017. Les importateurs qui ont demandé le remboursement ou la remise des droits perçus en application du règlement d’exécution no 430/2013 auraient obtenu le remboursement intégral de ces droits. Par conséquent, le règlement attaqué s’appliquerait à une situation juridique déjà consolidée, puisque le règlement d’exécution 2017/1146 n’a institué des droits qu’à partir du 30 juin 2017, et non à partir du 15 mai 2013.

42      En cinquième lieu, les requérantes ajoutent que la Commission n’aurait pas non plus pu valablement enjoindre aux autorités des États membres de ne pas rembourser ni/ou remettre les droits versés par les requérantes et de recouvrer tout remboursement effectué (voir article 2 du règlement attaqué), étant donné qu’il n’y aurait pas eu de base juridique à cet effet.

43      La seconde branche du premier moyen est construite autour de la distinction entre ce que les requérantes appellent un « arrêt d’annulation » et un « arrêt d’invalidation ». Selon les requérantes, dans le cas d’une annulation, l’acte annulé est éliminé rétroactivement de l’ordre juridique de l’Union et il est censé n’avoir jamais existé. En revanche, dans le cas d’un arrêt d’invalidation, l’acte invalidé ne disparaîtrait pas de l’ordonnancement juridique tant qu’il n’a pas été expressément abrogé par un nouveau texte.

44      L’arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma (C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74), serait un arrêt d’invalidation. Dans les affaires qui ont donné lieu aux arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membre de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1), alors en vigueur, n’aurait pas été violé, puisque les droits en cause dans ces affaires avaient été institués par les actes contestés pendant la période d’application des règlements initiaux déclarés « invalides ». En revanche, l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), serait un arrêt d’annulation. Du fait de l’annulation du règlement d’exécution 2017/1146 dans cet arrêt, il doit être conclu, selon les requérantes, que ce règlement n’a jamais existé. Le règlement attaqué instituerait donc des droits pour une période au cours de laquelle aucun règlement instituant des droits antidumping n’aurait existé.

45      La Commission conteste ces arguments.

46      Les arguments soulevés dans le cadre des deux branches du premier moyen se recoupent en grande partie. Pour ce motif, il y a lieu d’aborder lesdites branches conjointement.

a)      Sur la législation antidumping applicable en l’espèce

47      À l’appui de leur recours, les requérantes invoquent l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 (voir point 31 ci-dessus), alors que, dans ses écritures, la Commission fait constamment référence à l’article 10, paragraphe 1, du règlement 2016/1036.

48      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cas où, à la suite du prononcé d’un arrêt annulant ou invalidant un règlement ayant imposé des droits antidumping, la Commission reprend la procédure à l’origine du règlement annulé ou invalidé dans le but de réinstituer des droits antidumping, elle doit, conformément aux principes gouvernant l’application de la loi dans le temps, respecter les règles matérielles en vigueur à la date des faits visés par ledit règlement (arrêts du 15 mars 2018, Deichmann, C-256/16, EU:C:2018:187, point 77 et du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 54).

49      Il ressort du considérant 3 du règlement d’exécution no 430/2013 que l’enquête relative au dumping et au préjudice, menée par la Commission avant l’adoption du règlement d’exécution no 430/2013, avait porté sur la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011. Ainsi qu’il résulte d’une lecture combinée de l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 et de l’article 25 du règlement 2016/1036, seules les dispositions matérielles du règlement no 1225/2009 étaient applicables pendant la période comprise entre le 1er janvier et le 31 décembre 2011. C’est donc à bon droit que les requérantes partent de la prémisse selon laquelle le droit matériel pertinent ratione temporis est l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009.

b)      Sur la possibilité de réinstituer des droits antidumping

50      Afin de répondre aux griefs soulevés dans le cadre du premier moyen, il convient de rappeler le contenu de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 ainsi que l’interprétation que donne la Cour de cette disposition (voir points 51 à 53 ci-après). De plus, il convient d’opérer deux clarifications concernant l’interprétation de ladite disposition (voir points 58 à 72 ci-après), dont la première s’impose comme étant la réponse à l’un des arguments des requérantes (voir points 58 à 64 ci-après).

51      L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 consacre le principe général de non-rétroactivité dans le domaine des mesures antidumping (arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 53). Selon cette disposition, en substance, des droits antidumping définitifs, tels que ceux en cause, ne peuvent être appliqués qu’à des produits mis en libre pratique après la date à laquelle le règlement les instituant est entré en vigueur, sous réserve des exceptions énoncées dans le règlement no 1225/2009.

52      La Cour a, quant à elle, apporté toute une série de précisions concernant l’interprétation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009. Ces précisions reposent sur une distinction entre, d’une part, les mesures ayant pour objet d’imposer des droits antidumping et, d’autre part, les mesures ayant pour objet de réinstituer de tels droits. L’imposition de droits antidumping vise la situation dans laquelle l’institution concernée, à savoir, en l’espèce, la Commission, institue un tel droit pour la première fois. La réinstitution de droits antidumping est la situation dans laquelle l’institution concernée adopte un acte visant à remplacer un acte qui a imposé ou, le cas échéant, réinstitué des droits antidumping à un certain moment, mais qui a été annulé ou déclaré invalide par le juge de l’Union en raison de l’existence d’une illégalité.

53      Ainsi, lorsque l’illégalité constatée par le juge de l’Union n’a pas entaché l’ensemble de la procédure, l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 ne s’oppose pas à ce que l’institution concernée procède à une reprise de la procédure antidumping et adopte, par la suite, un règlement d’exécution réinstituant des droits antidumping sur des « importations ayant eu lieu pendant la période d’application des règlements » annulés ou déclarés invalides (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 51 ; du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, points 73 à 79 ; 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 43, 54, 57, 58 et 66). La reprise d’une procédure antidumping pour remédier à une illégalité constatée dans un arrêt d’annulation ou d’invalidation ne saurait donc être considérée comme étant contraire à la règle de non-rétroactivité prévue à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009, au motif que les droits antidumping institués par le règlement annulé ou déclaré invalide avaient expiré à la date de l’adoption du nouveau règlement (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, points 78 et 79).

54      Selon la Cour, la faculté de l’institution concernée de rouvrir la procédure antidumping lui est offerte directement à la suite d’un arrêt annulant un règlement instituant des droits antidumping, même si une telle faculté n’est pas expressément prévue par la réglementation applicable (arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 52). Dans le cadre d’une telle procédure, l’institution concernée doit fonder l’acte réinstituant des droits antidumping sur une base juridique qui l’habilite à adopter cet acte, d’une part, et qui est en vigueur à la date d’adoption dudit acte, d’autre part (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 40). Les dispositions qui encadrent la compétence de l’institution concernée dans le cas d’une réinstitution des droits antidumping sont les articles 9 et 14 du règlement no 1225/2009 ou du règlement 2016/1036 (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, points 41 à 44). En l’espèce, les dispositions qui encadraient la compétence de la Commission pour réinstituer les droits antidumping préalablement annulés ou invalidés étaient les articles 9 et 14 du règlement 2016/1036.

55      Les illégalités qui n’entachent pas l’ensemble de la procédure (voir point 53 ci-dessus) et auxquelles l’institution concernée peut remédier peuvent avoir trait notamment aux taux auxquels avaient été fixés certains droits antidumping imposés ou réinstitués par un certain règlement déclaré invalide (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 49). Selon la jurisprudence de la Cour, une irrégularité concernant l’établissement de la valeur normale n’est pas non plus une irrégularité qui affecte l’ensemble de la procédure antidumping. En présence d’une telle irrégularité, la Commission peut décider, afin de mettre en œuvre l’article 266 TFUE, de ne rouvrir la procédure qu’au stade de l’enquête afférant à l’établissement de ladite valeur normale (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 2016, CM Eurologistik et GLS, C‑283/14 et C‑284/14, EU:C:2016:57, point 54).

56      En outre, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel, en substance, la présente affaire se distinguerait de celles ayant donné lieu aux arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), du fait que ces derniers arrêts auraient concerné la réinstitution de droits antidumping définitifs à la suite d’un constat d’invalidité d’un règlement initial dans la cadre de la procédure prévue à l’article 267 TFUE, alors que, en l’espèce, par les arrêts du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), et du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), les droits antidumping visés auraient été annulés dans le cadre de la procédure prévue à l’article 263 TFUE.

57      En effet, sans compter le fait que, ainsi qu’il ressort expressément des points 73 et 74 de l’arrêt du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du point 43 de l’arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), la faculté de la Commission de réinstituer des droits antidumping couvre tant les annulations de règlements selon la procédure prévue à l’article 263 TFUE que les invalidations de règlements selon la procédure de renvoi préjudiciel visée à l’article 267 TFUE, il suffit de rappeler qu’un arrêt de la Cour constatant à titre préjudiciel l’invalidité d’un acte de l’Union a, en principe, un effet rétroactif, tout comme un arrêt d’annulation (arrêt du 26 avril 1994, Roquette Frères, C‑228/92, EU:C:1994:168, point 17, et ordonnance du 11 juin 2015, PST CLC, C‑405/14, non publiée, EU:C:2015:402, point 30).

58      Ainsi que cela a été relevé au point 50 ci-dessus, l’interprétation donnée par la Cour de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 appelle deux constatations.

59      L’une de ces constatations vise à donner une réponse à l’argument des requérantes selon lequel il résulterait du dispositif de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), que le Tribunal a annulé le règlement d’exécution 2017/1146 dans son intégralité, ce qui aurait eu pour conséquence que les droits institués à l’égard de Jinan Meide devraient être considérés comme n’ayant jamais existé (voir point 36 ci-dessus et points 60 à 64 ci-après). L’autre constatation s’impose à la lecture de la jurisprudence issue des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), indépendamment de la question de savoir si les parties en ont débattu dans leurs écritures (voir points 65 à 72 ci-après). Cette seconde constatation a une incidence également sur le traitement du septième moyen (voir point 158 ci-après).

60      En premier lieu, il est vrai que, contrairement au dispositif de l’arrêt du 21 novembre 2002, Kundan et Tata/Conseil (T‑88/98, EU:T:2002:280) (voir aussi, pour des mesures antisubvention, le dispositif de l’arrêt du 11 octobre 2012, Novatex/Conseil, T‑556/10, non publié, EU:T:2012:537), dans certains arrêts du Tribunal qui énoncent l’annulation d’un règlement antidumping, il n’est pas fait mention, dans le dispositif des arrêts en question, de l’étendue de l’annulation et encore moins du défaut qui entache le règlement visé et auquel l’institution compétente peut remédier.

61      Toutefois, sauf à aboutir à un résultat qui réduirait à néant la jurisprudence issue des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), visant la possibilité de réinstituer les droits antidumping pour la période d’application initiale du règlement annulé, l’interprétation des requérantes mentionnée au point 36 ci-dessus ne saurait être retenue dans tous les cas de figure.

62      En effet, l’exercice consistant à examiner des éléments dont la Commission doit tenir compte lors de l’exécution d’un arrêt annulant un règlement antidumping en vertu de l’article 266 TFUE ne se borne pas et ne peut se borner à l’examen du seul dispositif de l’arrêt en cause. Pour se conformer à l’arrêt et lui donner pleine exécution, l’institution compétente concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme étant illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27).

63      Compte tenu du fait que la constatation, par le juge de l’Union, de l’illégalité ayant permis d’aboutir à une annulation du règlement antidumping concerné doit être considérée – tout comme le dispositif – comme ayant acquis l’autorité de la chose jugée (voir, en ce sens, arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 52), la jurisprudence issue des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), doit être comprise en ce sens que le fait que l’illégalité constatée par le juge de l’Union ne ressorte pas du dispositif d’un arrêt, mais uniquement des motifs de ce dernier n’a aucune incidence sur la faculté de la Commission de réinstituer des droits antidumping sur des importations ayant eu lieu pendant la période d’application des règlements annulés ou invalidés, sauf à vouloir exclure une application utile des appréciations ressortant de ladite jurisprudence.

64      C’est uniquement lorsque le juge de l’Union prononce l’annulation intégrale d’un règlement antidumping en raison d’une irrégularité entachant l’intégralité des éléments constitutifs d’un tel règlement ou encore en raison d’une illégalité concernant l’ensemble de la procédure ayant conduit à l’adoption de la mesure concernée (voir point 52 ci-dessus), qu’il y a lieu de conclure que ladite mesure a disparu de l’ordonnancement juridique de l’Union dans sa totalité et que la Commission ne saurait donc réinstituer ces droits, mais juste imposer des droits antidumping nouveaux, à savoir des droits applicables à partir de la date de l’entrée en vigueur de la nouvelle mesure antidumping.

65      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, la réinstitution des droits antidumping n’est loisible à l’institution compétente que « pour autant que ces droits sont réinstaurés pendant leur période d’application initiale » (arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 78) ou encore pour les « importations ayant eu lieu pendant la période d’application [du] règlement[…] invalidé[…] » ou annulé (voir, en ce sens, arrêt du 19 juin 2019, C & J Clark International, C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508, point 56).

66      Pourtant, il ne ressort pas expressément desdits arrêts de la Cour ce que la notion de « période d’application initiale » ou encore la notion de « période d’application [du] règlement[…] invalidé [ou annulé] » signifient effectivement.

67      En particulier, les arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), ne précisent pas si ces notions visent la période d’application concrète et effective d’un règlement annulé ou déclaré invalide, à savoir la période durant laquelle le règlement a effectivement été appliqué avant qu’il ne soit annulé ou déclaré invalide par le juge de l’Union à une date précise, ou si elles visent plutôt la période d’application que l’auteur du règlement annulé ou déclaré invalide avait prévue à la date de l’adoption de ce règlement, faisant donc abstraction de la date à laquelle l’annulation ou l’invalidation du règlement en question est devenue définitive.

68      Toutefois, dans la mesure où la Cour a retenu, en substance, que la Commission était en droit, aux fins d’adopter un acte visant à remplacer l’acte annulé ou déclaré invalide, de reprendre l’enquête étant à l’origine du règlement annulé ou invalidé « au stade où l’irrégularité [constatée par le juge de l’Union] a été commise » (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2018, Deichmann, C‑256/16, EU:C:2018:187, point 74), la préservation de l’effet utile de cette compétence implique nécessairement que la Commission peut réinstituer des droits pour l’ensemble de la période initialement envisagée plutôt qu’exclusivement pour la période durant laquelle le règlement a effectivement été appliqué avant son annulation ou son invalidation.

69      En l’espèce, en l’absence de pourvoi formé dans le délai prévu par l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne lu conjointement avec l’article 51 du règlement de procédure de la Cour, il résulte de l’article 60, second alinéa, dudit statut que l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), a pris effet deux mois et dix jours après la notification de cet arrêt à Jinan Meide. La période pendant laquelle le règlement d’exécution no 430/2013 s’est effectivement appliqué, en ce qui concerne les produits de Jinan Meide, est donc celle comprise entre le 15 mai 2013 et la date à laquelle ledit arrêt est passé en force de chose jugée.

70      Du fait de son annulation, par le Tribunal, dans son arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), la période d’application effective du règlement d’exécution 2017/1146 n’a pu être que celle comprise entre le 30 juin 2017, date de l’entrée en vigueur dudit règlement, et la date précédant celle à laquelle cet arrêt a pris effet. En l’absence de pourvoi formé dans le délai prévu par l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne lu conjointement avec l’article 51 du règlement de procédure de la Cour, il résulte de l’article 60, second alinéa, dudit statut que ledit arrêt a pris effet deux mois et dix jours après la notification de cet arrêt à Jinan Meide. La période pendant laquelle le règlement d’exécution 2017/1146 s’est appliqué est donc celle comprise entre le 30 juin 2017 et la date à laquelle ledit arrêt est passé en force de chose jugée.

71      Or l’article 1er, paragraphe 1, du règlement attaqué ayant réinstauré les droits antidumping en cause à partir du 15 mai 2013, ces droits antidumping couvrent également la période comprise entre la date à laquelle l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), est devenu définitif (voir point 69 ci-dessus) et la date précédant la date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2017/1146, d’une part, ainsi que la période comprise entre la date à laquelle l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), est devenu définitif et la date précédant la date d’entrée en vigueur du règlement attaqué, d’autre part.

72      Afin de donner un effet utile à la compétence de la Commission pour réinstituer des droits antidumping, il convient de considérer que les intervalles mentionnés au point 71 ci-dessus font partie de la « période d’application initiale » d’un règlement annulé ou déclaré invalide, visée par la Cour dans les arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508).

73      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen des requérantes.

1)      Sur l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T424/13), et la période d’application du règlement d’exécution no 430/2013

74      Certes, le Tribunal n’a pas muni le dispositif de l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), d’une mention explicite constatant que l’annulation y mentionnée était une annulation partielle du droit antidumping pour Jinan Meide en ce sens qu’elle visait uniquement le montant de ce droit qui excédait le montant applicable en l’absence de l’irrégularité relevée par le Tribunal aux points 128 à 221 dudit arrêt. Toutefois, il ressort des motifs de cet arrêt que l’irrégularité relevée par le Tribunal ne concernait pas l’ensemble de la procédure ayant conduit à l’adoption dudit règlement ni l’intégralité des conditions permettant l’imposition d’un droit antidumping, mais que l’annulation opérée par ledit arrêt a été prononcée en raison d’un vice qui avait entaché la procédure au regard seulement de l’une des conditions ayant permis l’adoption du règlement d’exécution no 430/2013.

75      En effet, dans l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), le Tribunal a considéré en substance que, en rejetant une demande que Jinan Meide avait déposée lors de la procédure devant la Commission tendant à ce que lui soient divulgués les calculs de la valeur normale, établis sur la base de données confidentielles d’un producteur d’un pays analogue, à savoir l’Inde, la Commission avait violé les droits de la défense de Jinan Meide. Ainsi qu’il ressort notamment des points 130, 168, 171 et 206 à 213 de l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), la violation des droits de la défense de Jinan Meide a été constatée uniquement au regard du calcul de la valeur normale « ayant servi à la détermination » de la marge définitive de dumping individuelle de cette société.

76      Dans ce contexte, d’une part, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, une irrégularité concernant l’établissement de la valeur normale n’est pas une irrégularité qui affecte l’ensemble de la procédure antidumping (voir point 55 ci-dessus). D’autre part, il importe de souligner que, dans l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), le Tribunal ne s’est pas prononcé sur le calcul du préjudice subi par l’industrie de l’Union, tel que constaté par les institutions de l’Union, ni sur l’existence du dumping en tant que tel, ni sur l’existence de l’intérêt de l’Union, ni sur le lien de causalité qui doit exister entre les importations dont il est allégué qu’elles font l’objet d’un dumping et le préjudice allégué, ni, d’ailleurs et enfin, sur tous les paramètres qui peuvent entrer dans la notion de « valeur normale », sachant toutefois qu’il s’agit à cet égard des éléments constitutifs d’un droit antidumping, ainsi qu’il résulte des articles 2 et 3, de l’article 5, paragraphes 2 et 6, de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 21 du règlement no 1225/2009. De plus, dans aucun motif de l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), le Tribunal n’a déclaré que les droits institués à l’égard des importations des produits de Jinan Meide devraient être nuls en tant que tels ou que ledit vice procédural aurait affecté l’ensemble de la procédure qui a permis l’adoption du règlement d’exécution no 430/2013 à l’endroit de Jinan Meide.

77      Il est constant que, pour exécuter l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), la Commission a divulgué à Jinan Meide toutes les informations confidentielles dont l’occultation avait été déplorée par celle-ci, notamment le dossier confidentiel contenant les chiffres utilisés pour le calcul de la marge de dumping, y compris les données du pays analogue (voir considérants 53 et 61 du règlement d’exécution 2017/1146) et qu’elle a revu le taux de droit de Jinan Meide en conséquence. C’est ainsi que, à partir du 30 juin 2017, le droit antidumping a été réinstitué, par le règlement d’exécution 2017/1146, en l’occurrence au taux de 39,2 % du prix net franco frontière de l’Union en ce qui concernait les produits de Jinan Meide.

78      Compte tenu de ce qui précède, à l’aune des précisions qui ressortent des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), en ce qui concerne la faculté de la Commission de réinstituer des droits antidumping sur des « importations ayant eu lieu pendant la période d’application » d’un règlement annulé ou invalidé, il y a lieu de conclure que, en dépit du fait que le dispositif de l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378), a énoncé une annulation intégrale du règlement d’exécution no 430/2013, lorsque la Commission a, par le règlement attaqué, réinstitué les droits antidumping pour la période d’application du règlement d’exécution no 430/2013, à savoir celle qui a commencé le 15 mai 2013, elle n’a pas violé l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009.

2)      Sur l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T650/17), et la période d’application du règlement d’exécution 2017/1146

79      Dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), le Tribunal a d’abord rappelé que, aux fins du calcul de la valeur normale et de la marge de dumping individuelle de Jinan Meide, la Commission avait identifié trois catégories de types de produit : une catégorie de types de produit « directement comparables », une deuxième catégorie de types de produit « quasi correspondants » et une troisième catégorie de types de produit dits « sans correspondance » (arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, points 62 à 65). Pour calculer la valeur normale de la catégorie de types de produit dits « sans correspondance », la Commission avait appliqué une méthode que le Tribunal a décrite aux points 57 à 60 et 68 de son arrêt (ci-après la « méthode litigieuse »). En application de cette méthode, la Commission avait considéré que les différences entre les prix à l’exportation pratiqués par la partie requérante pour les types de produit « sans correspondance » et ces mêmes prix en ce qui concernait les types de produit « directement comparables » constituaient une estimation raisonnable de la valeur des différences physiques entre lesdits types de produit aux fins d’opérer un ajustement de la valeur normale (arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 68). Le Tribunal a, quant à lui, relevé en substance qu’un prix susceptible d’être affecté d’un dumping ne pouvait pas constituer la base d’une estimation raisonnable de la valeur sur le marché des différences de caractéristiques physiques, au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous a), du règlement no 1225/2009, dans la mesure où un tel prix était susceptible de ne pas être la résultante des forces s’exerçant normalement sur le marché (arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, point 70). Dans ces conditions, le Tribunal a jugé que la Commission n’avait pas démontré avoir procédé, par la méthode litigieuse, à une estimation raisonnable de la valeur marchande des différences de caractéristiques physiques entre les types de produit « sans correspondance » et les types de produit « directement comparables ». Elle n’avait donc pas démontré que l’application de cette méthode aboutissait à une comparaison équitable entre la valeur normale et les prix à l’exportation. Par ailleurs, selon le Tribunal, la Commission n’avait pas non plus démontré que l’ajustement à la valeur normale des types de produit « sans correspondance », auquel elle avait également procédé, avait préservé la détermination raisonnable de cette valeur normale, c’est-à-dire une détermination fondée sur des valeurs et sur des paramètres qui pouvaient être considérés comme étant la résultante normale des forces s’exerçant sur le marché. Compte tenu de la part non négligeable du volume des exportations de la requérante concernée par l’application de la méthode litigieuse – à savoir environ 28 % du volume des exportations de Jinan Meide au cours de la période d’enquête –, le Tribunal n’a pu exclure que l’application de la méthode litigieuse ait eu une incidence significative sur le taux de la marge de dumping de Jinan Meide arrêté dans le dispositif du règlement d’exécution 2017/1146. Dans ces conditions, le Tribunal a jugé que, en appliquant la méthode litigieuse, la Commission ne s’était pas conformée à l’article 2, paragraphe 10, ab initio, et sous a), du règlement no 1225/2009 (arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, points 57 à 127).

80      Pour rappel, une erreur entachant les calculs de la valeur normale n’affecte pas l’ensemble de la procédure d’adoption d’un règlement antidumping. Il s’agit d’une erreur à laquelle l’institution concernée peut remédier (voir points 55 et 76 ci-dessus).

81      Ensuite, il est vrai que le Tribunal a également considéré que l’erreur entachant la détermination de la valeur normale avait une incidence sur l’ampleur réelle du dumping et que les appréciations de la Commission en ce qui concernait le dumping ne pouvaient pas non plus être entérinées (arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission, T‑650/17, EU:T:2019:644, points 132 et 133). Cependant, il résulte en substance des points 333 à 342 de cet arrêt que les conditions liées au préjudice porté à l’industrie de l’Union et au lien de causalité n’ont pas été remises en cause par le Tribunal. De plus, dans aucune partie dudit arrêt, le Tribunal n’a déclaré que les droits institués sur les produits de Jinan Meide devraient être nuls en tant que tels. Enfin, il est vrai que, ainsi que le font valoir les requérantes (voir point 37 ci-dessus), il était impossible pour le Tribunal de savoir à quel montant auraient pu s’élever, en définitive, les droits dus par Jinan Meide, de sorte que le montant de ces derniers « aurait donc pu aussi être égal à zéro ».

82      Entretemps, il est pourtant constant que, à la suite de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), la Commission a rouvert l’enquête initiale pour remédier à l’erreur constatée par le Tribunal. La Commission a, en substance, conclu que les informations fournies lui permettaient d’établir une valeur normale pour tous les types de produits exportés par Jinan Meide vers l’Union sur la base des informations fournies par le producteur (indien) du pays analogue. Sur cette base, il ressort du considérant 70 du règlement attaqué que la Commission a établi un taux de droit révisé au niveau de la nouvelle marge de dumping constatée, à savoir 36 % sur le prix net franco frontière de l’Union. Les requérantes n’ont pas pris la moindre initiative afin de contester le taux de 36 % ni les calculs qui ont permis d’aboutir à ce taux.

83      Il s’ensuit que le vice identifié par le Tribunal en ce qui concerne la détermination de la valeur normale n’a pas affecté l’ensemble de la procédure qui a conduit à l’adoption du règlement d’exécution 2017/1146.

84      Compte tenu de ce qui précède, à l’aune des appréciations de la Cour, telles qu’elles ressortent des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), en ce qui concerne la faculté de la Commission de réinstituer des droits antidumping sur des « importations ayant eu lieu pendant la période d’application » d’un règlement annulé ou déclaré invalide, il y a lieu de conclure que, même si le dispositif de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), énonce une annulation intégrale du règlement d’exécution 2017/1146, lorsque la Commission a, par le règlement attaqué, réinstitué les droits antidumping pour la période d’application du règlement d’exécution 2017/1146, à savoir celle qui a commencé à courir le 30 juin 2017, elle n’a pas violé l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009.

85      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le premier moyen est non fondé. Il y a donc lieu de le rejeter.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité ainsi que du principe de sécurité juridique

86      Dans le cadre de leur deuxième moyen, les requérantes avancent que le règlement attaqué viole le principe général de non-rétroactivité des actes de l’Union et le principe de sécurité juridique. L’existence d’un éventuel effet rétroactif serait acceptable, à titre exceptionnel, lorsque la rétroactivité est nécessaire pour atteindre le but d’une certaine mesure ou que la confiance légitime des intéressés est dûment respectée. Or, en l’espèce, les conditions qui pourraient justifier exceptionnellement l’institution d’effets rétroactifs ne seraient pas réunies.

87      Premièrement, les effets rétroactifs du règlement attaqué ne seraient pas nécessaires pour protéger l’industrie de l’Union contre le dumping préjudiciable, étant donné que les droits qui ont été institués initialement sur les produits de Jinan Meide, par le règlement d’exécution no 430/2013, auraient déjà protégé l’industrie de l’Union entre le 15 mai 2013 et la date d’entrée en vigueur du règlement attaqué, soit le 22 août 2020. De fait, l’industrie de l’Union aurait, quant à elle, tiré profit, pendant plus de sept ans, de droits qui auraient été perçus illégalement, faute de base juridique, sur les importations de produits de Jinan Meide, à un niveau excédant ce à quoi elle aurait eu droit.

88      Deuxièmement, l’effet rétroactif du règlement attaqué serait contraire à la confiance légitime des requérantes. En effet, selon le point 34 de l’arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann (C‑365/15, EU:C:2017:19), l’annulation d’un règlement instituant des droits antidumping ou compensateurs aurait pour conséquence que tout droit payé au titre d’une mesure antidumping annulée ne serait pas légalement dû et devrait, en principe, faire l’objet d’un remboursement. Étant donné que, selon la jurisprudence et une pratique bien établie de la Commission, les droits perçus en application de règlements annulés seraient intégralement recouvrables, les requérantes se seraient légitimement attendues à obtenir également le remboursement ou la remise intégrale des droits qui avaient été perçus illégalement faute de base juridique.

89      La Commission conteste ces arguments.

90      À titre liminaire, il y a lieu de constater que le deuxième moyen repose sur la prémisse selon laquelle le règlement attaqué a des effets rétroactifs. Toutefois, il résulte de ce qui a été relevé en réponse au premier moyen que cette prémisse est incorrecte. Les droits antidumping en cause ont été réinstitués pour la période d’application initiale des règlements d’exécution nos 430/2013 et 2017/1146, sans que cela emporte une violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009, au sens de la jurisprudence issue des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508). Dans ces conditions, les arguments mentionnés au point 86 ci-dessus ne sauraient prospérer.

91      En tout état de cause, premièrement, les requérantes se trompent lorsqu’elles affirment que les effets correctifs du règlement attaqué ne seraient pas nécessaires pour protéger l’industrie de l’Union contre le dumping préjudiciable pour la période comprise entre le 15 mai 2013 et le 22 août 2020, étant donné que le règlement d’exécution no 430/2013 aurait d’ores et déjà entraîné une diminution du volume des importations des produits de Jinan Meide et donc une augmentation des ventes et de la part de marché de l’industrie de l’Union (voir point 87 ci-dessus).

92      En effet, les requérantes n’ont pas contesté, de manière étayée, le constat de la Commission selon lequel les importations des produits en cause ont fait l’objet d’un dumping. Elles n’ont pas non plus remis en question le fait que le taux des droits antidumping réinstitués, à savoir 36 % du prix net franco frontière de l’Union, applicable sur les importations des produits de Jinan Meide dans l’Union était le montant correct. Dans ces conditions, elles ne sauraient prétendre qu’il n’est pas nécessaire de protéger l’industrie de l’Union contre les pratiques commerciales déloyales des requérantes, en l’occurrence par un prélèvement de 36 % du prix net franco frontière applicable sur les importations des produits de Jinan Meide dans l’Union.

93      Ensuite, il ne saurait pas non plus être déduit des affirmations des requérantes que la Commission aurait dû enjoindre aux autorités nationales compétentes de rembourser intégralement les droits antidumping dont il s’agit en l’espèce. Le fait d’enjoindre uniquement le remboursement du taux de droit excédant est tout aussi justifié que le fait d’enjoindre un remboursement total. En effet, il est vrai qu’il résulte en substance du point 34 de l’arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann (C‑365/15, EU:C:2017:19), que des droits antidumping payés qui ne sont pas légalement dus devraient, « en principe », faire l’objet d’un remboursement par les autorités douanières, si les conditions auxquelles un tel remboursement était assujetti étaient réunies. Cependant, il s’agit là d’une déclaration de principe qui traduit une manière, parmi au moins deux autres possibles, de procéder à un remboursement de droits antidumping. Lorsque, comme en l’espèce, il y a eu dumping et que le montant du droit correct n’est pas contesté, la Commission peut se borner à ordonner uniquement le remboursement du montant excédant le montant correct, pour protéger ainsi les intérêts financiers de l’Union.

94      Deuxièmement, les allégations des requérantes quant à une violation du principe de protection de la confiance légitime ou du principe de sécurité juridique ne sauraient convaincre.

95      Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées du fait d’assurances précises qu’elle lui aurait fournies (voir arrêt du 21 février 2018, Kreuzmayr, C‑628/16, EU:C:2018:84, point 46 et jurisprudence citée). Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants (arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, EU:C:2010:769, point 63).

96      Or, lorsque les requérantes ont contesté les règlements d’exécution nos 430/2013 et 2017/1146, elles ne pouvaient légitimement s’attendre, sur la base de la déclaration de principe figurant dans l’arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann (C‑365/15, EU:C:2017:19), à pouvoir obtenir le remboursement intégral des droits versés. La lecture combinée du dispositif de l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), et des motifs qui en constituent le soutien ne pouvait pas non plus amener les requérantes à croire légitimement qu’elles devraient bénéficier du remboursement intégral des droits acquittés en vertu du règlement d’exécution 2017/1146. De même, une éventuelle pratique antérieure de la Commission, telle qu’alléguée par les requérantes (voir point 88 ci-dessus) et selon laquelle les droits institués illégalement devaient être intégralement remboursés ne peut constituer une source de confiance légitime, puisqu’il ne s’agit pas d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes par rapport à la situation particulière des requérantes.

97      Il résulte de ce qui précède que les arguments invoqués à l’appui du deuxième moyen sont dépourvus de fondement. Ils doivent donc être rejetés pour ce motif, de même que, par conséquent, le deuxième moyen dans son intégralité.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 264 et 266 TFUE

98      Le troisième moyen s’articule en deux branches, dont la première se subdivise en deux griefs.

99      Par le premier grief de la première branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que, en adoptant le règlement attaqué, la Commission a violé l’article 266 TFUE. En instituant des droits antidumping à partir du 15 mai 2013 par l’intermédiaire du règlement attaqué, la Commission aurait ignoré l’annulation prononcée par le Tribunal dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), qui serait une annulation intégrale.

100    De fait, afin de se conformer à l’article 266 TFUE, la Commission aurait dû adopter un règlement instituant des droits pour l’avenir, c’est‑à‑dire ex nunc, et non rétroactivement. À tout le moins, la Commission aurait été tenue, en l’espèce, en vertu de l’obligation énoncée à cet article, de s’abstenir d’interférer dans la procédure de remboursement de droits qui n’étaient pas légalement dus.

101    Par le second grief de la première branche du troisième moyen, les requérantes font valoir que, en adoptant le règlement attaqué, la Commission a méconnu la compétence exclusive du Tribunal, conférée par l’article 264 TFUE, pour limiter les effets temporels d’une annulation. Certes, selon le second alinéa dudit article, le Tribunal pourrait, lorsque des considérations impérieuses de sécurité juridique le justifient, maintenir des droits antidumping qui seraient, sinon, annulés rétroactivement. Toutefois, le Tribunal n’aurait pas considéré qu’il était approprié de procéder ainsi dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644). En instituant les droits rétroactivement, en dépit de l’annulation des droits ex tunc, la Commission aurait écarté la compétence exclusive conférée au Tribunal par l’article 264 TFUE, compétence qui n’est exercée que dans des circonstances très limitées.

102    Dans le cadre de la seconde branche de leur troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission a dépassé le cadre de l’enquête de réouverture, ce qui équivaudrait également à une violation de l’article 266 TFUE. En effet, le champ d’application temporel de l’enquête qui avait été rouverte en 2019 par la Commission pour remédier à l’illégalité constatée par le Tribunal dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), aurait été limité par la Commission elle-même à l’évaluation de la question de savoir « si la correcte application des règles pourrait justifier, ou non, la réinstitution des mesures au niveau d’origine ou à un niveau révisé à compter de la date à laquelle le règlement [2017/1146] est initialement entré en vigueur », à savoir le 30 juin 2017. Pourtant, le champ d’application temporel du règlement attaqué commencerait bien avant cette date, c’est-à-dire à la date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution n° 430/2013, à savoir le 15 mai 2013.

103    La Commission conteste ces arguments.

104    Ainsi qu’il a d’ores et déjà été relevé au point 62 ci-dessus, pour exécuter un arrêt du juge de l’Union conformément à l’article 266 TFUE, la Commission doit prendre en compte non seulement le dispositif de l’arrêt en question, mais également les motifs qui en constituent le soutien nécessaire. En l’espèce, contrairement à ce qu’invoquent les requérantes (voir point 99 ci-dessus), lorsque la Commission a remédié à l’erreur constatée dans l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), en adoptant le règlement attaqué et en réinstituant les droits antidumping à partir du 15 mai 2013, elle n’a pas méconnu le dispositif de cet arrêt. Elle n’a pas davantage méconnu les motifs sur lesquels repose le dispositif dudit arrêt. Contrairement à ce que suggèrent encore les requérantes (voir point 99 ci-dessus), l’annulation intégrale du règlement d’exécution par l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T‑650/17, EU:T:2019:644), ne faisait pas obstacle à ce que la Commission réinstitue lesdits droits. En effet, ledit arrêt a annulé le règlement d’exécution 2017/1146 au seul motif du calcul erroné de la marge antidumping individuelle de Jinan Meide. Dès lors que le règlement attaqué vise à remédier à cette erreur précise et qu’il est constant que cela a abouti, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé l’article 266 TFUE.

105    Ensuite, s’agissant plus particulièrement de l’argument tiré de ce que les requérantes pourraient demander à la Commission une remise en état dans la situation dans laquelle elles se trouvaient antérieurement à l’adoption du règlement attaqué, ce qui impliquerait notamment le remboursement du montant qui a été « indûment payé » en vertu du règlement d’exécution 2017/1146 (voir point 100 ci-dessus), il ne peut pas être constaté non plus que la Commission aurait fait entrave aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 266 TFUE. En effet, le fait d’ordonner le remboursement de la différence, majorée des intérêts, entre les montants perçus et les montants incontestablement dus est une modalité de remboursement qui n’est, en tout état de cause, pas incompatible avec le point 34 de l’arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann (C‑365/15, EU:C:2017:19).

106    Le premier grief de la première branche du troisième moyen est donc non fondé et doit être rejeté pour ce motif.

107    En ce qui concerne le second grief de la première branche du troisième moyen, il y a lieu de relever que la circonstance selon laquelle le Tribunal n’a pas estimé nécessaire de limiter l’effet rétroactif de l’annulation prononcée ne signifie pas qu’il ait considéré que la Commission ne devrait pas être en mesure d’adopter, en remplacement de l’acte annulé, un nouvel acte qui prend effet à compter de la date d’entrée en vigueur de l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt du 5 septembre 2014, Éditions Odile Jacob/Commission, T‑471/11, EU:T:2014:739, point 111). Ainsi, en l’espèce, le fait que le Tribunal n’ait pas expressément fixé une limite temporelle, comme il est habilité à le faire en vertu de l’article 264 TFUE, ne signifie pas que la Commission ne pouvait pas réinstituer le niveau adéquat de droits effectivement dus au cours de la période d’application des mesures initiales. La Cour a elle-même consacré cette faculté, notamment dans les arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508).

108    Enfin, la seconde branche du troisième moyen appelle les observations suivantes.

109    Il n’existe, certes, pas de jurisprudence répondant à la question de savoir quel impact pourrait avoir une divergence entre la définition du cadre factuel et juridique de l’examen et donc du « cadre temporel » d’une enquête antidumping, telle que celle-ci est annoncée dans un avis d’ouverture publié au titre des articles 5 et 6 du règlement 2016/1036, en vigueur lors de la procédure d’adoption du règlement attaqué, lus conjointement avec le considérant 12 de ce règlement, ou encore dans un avis de réouverture publié en exécution d’un arrêt du juge de l’Union, tel que celui dont il s’agit en l’espèce, d’une part, et la définition du champ d’application temporel d’un règlement antidumping adopté après la publication d’un tel avis, d’autre part.

110    Il existe néanmoins de la jurisprudence sur l’impact que peut avoir sur une décision finale d’aide d’État le cadre factuel et juridique exposé dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen d’une aide d’État, adoptée en application de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi que de l’article 6 du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (JO 2015, L 248, p. 9).

111    S’agissant des décisions d’ouverture de la procédure formelle d’examen d’une aide d’État, il a été jugé que la Commission ne pouvait être tenue de présenter une analyse aboutie à l’égard de l’aide en cause dans sa communication relative à l’ouverture de la procédure formelle d’examen. En revanche, il est nécessaire qu’elle définisse suffisamment le cadre de son examen afin de ne pas vider de son sens le droit des intéressés de présenter leurs observations (arrêt du 12 juillet 2018, Autriche/Commission, T‑356/15, EU:T:2018:439, point 703). Ensuite, il ressort de la jurisprudence que toute divergence entre la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et la décision finale ne saurait être considérée en soi comme étant constitutive d’un vice entachant la légalité de cette dernière. La règle selon laquelle la Commission doit mettre les intéressés en mesure de présenter leurs observations, telle que prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6 du règlement 2015/1589, n’a le caractère d’une formalité substantielle au sens de l’article 263 TFUE que lorsque, entre la décision d’ouverture de la procédure et la décision finale d’aide d’État, il y a une modification substantielle concernant des éléments de fait ou de droit qui sont susceptibles d’être déterminants dans l’appréciation relative à l’existence d’une aide et d’affecter donc la nature même de la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêts du 11 décembre 2008, Commission/Freistaat Sachsen, C‑334/07 P, EU:C:2008:709, points 55 et 56, et du 12 juillet 2018, Autriche/Commission, T‑356/15, EU:T:2018:439, point 727).

112    Certes, puisqu’un avis d’ouverture ou de réouverture en matière d’antidumping ne constitue pas une décision, telle que celle visée à l’article 6 du règlement 2015/1589, cette dernière étant une décision relevant de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE, toute analogie avec les règles exposées au point 111 ci-dessus doit être faite avec prudence.

113    En effet, l’acte par lequel la Commission engage une procédure antidumping est un acte purement préparatoire qui n’est pas susceptible d’affecter immédiatement et de manière irréversible la situation juridique de la partie requérante (ordonnances du 14 mars 1996, Dysan Magnetics et Review Magnetics/Commission, T‑134/95, EU:T:1996:38, point 23 ; du 10 décembre 1996, Söktas/Commission, T‑75/96, EU:T:1996:183, point 31 ; du 25 mai 1998, Broome & Wellington/Commission, T‑267/97, EU:T:1998:108, point 29).

114    Néanmoins, si l’on faisait une telle analogie en l’espèce, aucune erreur de la part de la Commission ne pourrait être constatée.

115    Il est, certes, exact que, dans son « [a]vis relatif à la réouverture de l’enquête à la suite de l’arrêt rendu le 20 septembre 2019, dans l’affaire T‑650/17 » (voir point 16 ci-dessus), la Commission a déclaré que « [l]a réouverture de l’enquête a[vait] pour objet de remédier complètement aux erreurs constatées par le Tribunal et d’évaluer si la correcte application des règles pourrait justifier, ou non, la réinstitution des mesures au niveau d’origine ou à un niveau révisé à compter de la date à laquelle le règlement [d’exécution 2017/1146] est initialement entré en vigueur ». Et il est également vrai que, contrairement à ce qu’elle avait annoncé dans l’avis de réouverture quant à la date d’entrée en vigueur de la réinstitution des droits antidumping, la Commission a, dans le règlement attaqué, réinstitué les droits en question à partir du 15 mai 2013.

116    Toutefois, en premier lieu, il y a lieu de rappeler que cet éventuel vice de forme ne vise tout au plus que la réinstitution des droits antidumping pour la période comprise entre le 15 mai 2013 et la date précédant la date d’entrée en vigueur du règlement d’exécution 2017/1146, à savoir le 29 juin 2017. Or, entre le 15 mai 2013 et le 29 juin 2017, la réinstitution des droits en cause à hauteur de 36 %, à l’égard de Jinan Meide, est uniquement de nature déclaratoire. Plus aucune obligation ne pèse sur les importations du produit de Jinan Meide pour cette période. En effet, premièrement, ainsi que cela a été relevé au point 13 ci‑dessus, les droits payés en vertu du règlement d’exécution no 430/2013 ont été intégralement remboursés à la suite de l’annulation de ce règlement par l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T‑424/13, EU:T:2016:378). Deuxièmement, l’article 1er du règlement attaqué ne rouvre pas la situation définitive concernant les importations réalisées entre le 15 mai 2013 et le 29 juin 2017, puisque l’article 2 du règlement attaqué limite ses effets à la seule perception des droits acquittés en vertu du règlement d’exécution 2017/1146, c’est-à-dire des droits sur les importations effectuées à partir de la date de l’entrée en vigueur de ce dernier, soit le 30 juin 2017. Compte tenu de ces éléments, l’éventuelle erreur résultant de l’existence d’une divergence entre le champ d’application temporel de l’examen indiqué dans l’avis de réouverture, d’une part, et le champ d’application temporel du règlement attaqué, d’autre part, n’a que la portée d’une erreur sur un point non essentiel et non déterminant. Ladite divergence est dépourvue de toute incidence sur les droits des requérantes en ce qui concerne la période comprise entre le 15 mai 2013 et le 29 juin 2017.

117    En second lieu, la définition du champ d’application temporel de l’examen de la réinstitution des droits antidumping dans un avis de réouverture, tel que celui en cause, n’est pas une source valable de confiance légitime, puisqu’il ne s’agit pas, à cet égard, d’une assurance précise et inconditionnelle ni en ce qui concerne la suite à donner à cet examen ni en ce qui concerne l’étendue dans le temps des mesures prises à la suite de l’enquête, en tant que telles. Cela vaut d’autant plus que, au considérant 8 du règlement d’exécution 2019/1982, qui a été publié à la même date que l’avis de réouverture, soit le 29 novembre 2019, la Commission a décrit son avis comme visant à « rouvrir partiellement l’enquête […] qui a donné lieu à l’adoption du règlement antidumping en cause, et [à] reprendre celle-ci au point auquel l’irrégularité est intervenue ». Cette indication était, à tout le moins, susceptible de semer un doute quant à l’étendue de l’objet de l’examen indiqué dans l’avis de réouverture, telle qu’elle ressortait de l’avis lui-même et à ébranler donc toute argumentation fondée sur l’existence d’une confiance légitime à l’égard des requérantes.

118    Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du troisième moyen est, elle aussi, non fondée. Dans ces conditions, il convient de conclure que le troisième moyen est dépourvu de fondement dans son intégralité et qu’il doit être rejeté pour ce motif.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité visé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE

119    Par le quatrième moyen, les requérantes font valoir que le fait d’instituer des droits antidumping rétroactivement est manifestement inapproprié et n’est pas nécessaire à la réalisation de l’objectif recherché. Le règlement attaqué aurait donc été adopté en violation du principe de proportionnalité, visé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE. En outre, à supposer même qu’il soit – comme question de principe – valablement possible de réinstituer des droits rétroactivement, il y aurait lieu de constater que la Commission avait à faire un choix entre une imposition des droits visant uniquement l’avenir et la réinstitution de ces droits visant tant l’avenir que le passé et qu’elle aurait dû choisir l’option la moins contraignante. Or, l’institution rétroactive de droits antidumping serait très contraignante pour les requérantes alors qu’elle ne comporterait aucun avantage pour l’industrie de l’Union. En effet, tout avantage que l’industrie de l’Union serait susceptible d’avoir tiré de la protection du marché serait déjà survenu. De fait, l’industrie de l’Union aurait tiré un profit excédant ce à quoi elle avait droit pendant une période de plus de sept ans. Cela étant, seul le remboursement intégral de tous les droits qui auraient été perçus sur les produits de Jinan Meide entre le 15 mai 2013 et la date d’entrée en vigueur du règlement attaqué aurait été une mesure appropriée pour réparer, à tout le moins partiellement, le préjudice causé illégalement aux requérantes.

120    La Commission conteste ces arguments.

121    Il y a lieu de constater à titre liminaire que le quatrième moyen est, lui aussi, développé autour de la prémisse selon laquelle le règlement attaqué aurait des effets rétroactifs. Or, il a été démontré précédemment que cette prémisse était erronée. Au demeurant, le quatrième moyen ne saurait être accueilli.

122    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si le principe de proportionnalité s’applique à la question de savoir si le montant des droits antidumping imposés est approprié au regard du préjudice subi par l’industrie de l’Union, il ne s’applique pas, en revanche, à la question de l’imposition proprement dite desdits droits. La légalité de l’imposition des droits antidumping définitifs par un règlement tel que le règlement attaqué ne saurait être, en tant que telle, mise en cause, au regard du principe de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 4 juillet 2002, Arne Mathisen/Conseil, T‑340/99, EU:T:2002:174, points 121 et 122).

123    En effet, ainsi qu’il résulte de l’article 5, paragraphe 6, et de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009, la possibilité, pour la Commission, d’imposer un droit antidumping est conditionnée par l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations dont il est allégué qu’elles font l’objet d’un dumping et le préjudice allégué, ainsi que par l’existence de l’intérêt de l’Union dont il est question à l’article 21 dudit règlement. En réglementant ces conditions, le législateur a procédé lui-même à une mise en balance entre les intérêts des parties concernées et l’intérêt de l’Union, et ce, pour ainsi dire de manière abstraite, déjà au stade de l’adoption du règlement no 1225/2009. En effet, en cas de dumping, de préjudice pour l’industrie de l’Union et de lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping et lorsque l’intérêt de l’Union le commande, le règlement no 1225/2009 prévoit qu’un droit antidumping définitif peut être imposé par la Commission.

124    À cet égard, une entreprise concernée peut choisir de remettre en cause le modèle légal figurant à l’article 5, paragraphe 6, et à l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009, ce qui impliquerait de remettre en cause pas moins que la validité, en tant que telle, dudit article 5, paragraphe 6, ainsi que dudit article 9, paragraphe 4, et ce qui équivaudrait à tenter de faire valoir une violation du principe de proportionnalité dans le chef du législateur. Un tel reproche ne saurait être valablement adressé à la Commission, puisque cette institution n’est pas l’auteure du modèle légal figurant à l’article 5, paragraphe 6, et à l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009.

125    En revanche, sachant que le taux correct d’un droit antidumping constitue un paramètre qui n’a pas été établi par le législateur, mais qui est le résultat de certains calculs spécifiques propres au cas d’espèce qui préoccupe la Commission à un certain moment, une partie intéressée peut tenter de reprocher à cette institution d’avoir retenu un taux manifestement disproportionné.

126    En l’espèce, force est de constater que les requérantes ne remettent pas en cause le taux du droit antidumping choisi par la Commission (à savoir 36 %), soit le seul élément pouvant être valablement imputé à cette dernière.

127    Enfin, dans la mesure où les requérantes tentent de démontrer que la réinstitution des droits antidumping en cause (ou l’imposition rétroactive, selon elles) serait disproportionnée, puisqu’elle couvrirait une période « de plus de sept ans » pendant laquelle l’industrie de l’Union aurait déjà tiré un profit excédant ce à quoi elle avait droit (voir point 119 ci-dessus), il suffit de relever les éléments suivants.

128    Les requérantes ne contestent pas de manière étayée l’existence, depuis le 15 mai 2013 au plus tard, d’un dumping et d’un préjudice, de sorte que la Commission était fondée à en déduire l’existence d’un intérêt de l’Union à ce que des mesures soient prises à l’égard des importations des produits de Jinan Meide. Insister, dans ce contexte, sur le fait que l’industrie de l’Union aurait déjà tiré un profit excédant ce à quoi elle aurait eu droit est une simple affirmation non étayée et non prouvée. Les requérantes ne démontrent pas en quoi le fait de fixer le montant du droit antidumping, en l’occurrence à 36 % du prix net franco frontière de l’Union, pour la période comprise entre le 15 mai 2013 et l’entrée en vigueur du règlement attaqué aurait été manifestement disproportionné. De plus, il ne ressort pas des éléments du dossier quelle mesure moins contraignante que la réinstitution d’un droit antidumping au taux de 36 % du prix net franco frontière de l’Union la Commission aurait pu adopter pour répondre à la nécessité de protéger l’industrie de l’Union au regard du préjudice constaté.

129    Au vu de ce qui précède, le quatrième moyen encourt le rejet.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du droit à un recours effectif visé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux

130    Par leur cinquième moyen, les requérantes allèguent que, en instituant des droits antidumping rétroactivement par l’intermédiaire du règlement attaqué et en enjoignant aux autorités des États membres de ne pas rembourser ni/ou remettre les droits qui avaient été perçus illégalement, la Commission a violé leur droit à un recours effectif, tel que consacré par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux. La solution la plus efficace dont les requérantes disposaient contre l’institution illégale de droits sur leurs importations aurait consisté à obtenir une annulation et, ainsi, à se faire rembourser intégralement les droits qu’elles avaient versés indûment. Les requérantes poursuivent en déclarant que la manière dont la Commission a agi, en l’espèce, aurait pour effet que, de fait, il ne servirait à rien qu’une partie, telle que Jinan Meide, introduise un recours contre des mesures de défense commerciale illégales, en particulier dans des cas de violation d’ordre purement procédural. Elles ajoutent que, dans un cas extrême, la Commission pourrait décider d’ouvrir une enquête et d’imposer des mesures de défense commerciale sans se conformer à une seule des exigences de fond ou de procédure imposées par le règlement no 1225/2009 pour l’institution de mesures et que, à supposer que la Commission le fasse, une nouvelle fois, d’une manière illégale, ce processus pourrait se reproduire à l’infini. Cela serait absurde et dangereux dans la mesure où cela éroderait l’autorité du juge de l’Union lui-même. De telles « actions de la Commission crée[raie]nt un précédent mauvais et dangereux et remett[rai]ent en cause le niveau de protection juridictionnelle accordée aux parties dans l’Union. Elles mine[raie]nt complètement le droit à un recours effectif et constitue[rai]nt une pente inquiétante et glissante vers une absence totale de responsabilité et vers l’érosion des voies de recours juridictionnel existantes dans l’ordre juridique de l’Union ».

131    La Commission conteste ces arguments.

132    À titre liminaire, il convient de constater que le cinquième moyen est, lui-aussi, tributaire de la thèse selon laquelle le règlement attaqué déploierait des effets rétroactifs. Cette thèse ayant été déjà réfutée, ce moyen ne saurait prospérer.

133    En outre, il convient de rappeler que lorsque, dans le règlement attaqué, la Commission a réinstitué les droits sur les importations relevant de la période d’application des mesures initiales, elle a tenu compte de la faculté dont il est question dans les arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508).

134    Lorsque la Commission a enjoint aux autorités douanières de ne rembourser que les montants excédentaires et qu’elle a implicitement et nécessairement retenu qu’il n’y avait pas lieu de procéder, en l’espèce, à un remboursement intégral des montants, elle a agi en harmonie avec l’énoncé du point 34 de l’arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann (C‑365/15, EU:C:2017:19). En effet, il ne résulte pas de ce point que, à chaque fois qu’une partie concernée forme un recours en annulation en matière de défense commerciale, la conséquence devrait automatiquement être de procéder à un remboursement intégral des droits en question. Une telle conséquence s’impose, certes, lorsque l’illégalité constatée par le juge de l’Union a pour effet d’entacher toute la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement antidumping annulé, ce qui a pour effet qu’il ne peut être remédié à l’illégalité constatée. En revanche, lorsque l’irrégularité constatée impacte uniquement le montant des droits antidumping en cause ou encore uniquement l’un des paramètres permettant l’adoption d’un règlement d’exécution antidumping, la partie concernée ne peut s’attendre légitimement à ce que l’unique remède prévu pour pallier l’irrégularité constatée soit le remboursement intégral.

135    Enfin, lorsque la Commission a décidé que les montants excédants remboursés devraient être majorés d’intérêts conformément à la législation douanière applicable, elle n’a pas pris de mesure en désaccord avec le point 34 de l’arrêt du 18 janvier 2017, Wortmann (C‑365/15, EU:C:2017:19).

136    Il résulte de ce qui précède que le reproche fait par les requérantes visant à faire valoir que la Commission aurait violé leur droit à un recours effectif n’a pas de fondement. Le cinquième moyen ne peut donc qu’être rejeté comme étant non fondé.

6.      Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 103, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union et de l’article 296 TFUE

137    Par la première branche de leur sixième moyen, les requérantes soutiennent que, en ordonnant, dans le règlement attaqué, aux autorités douanières nationales de percevoir les droits à partir du 15 mai 2013, la Commission aurait institué des droits antidumping pour une période pour laquelle de tels droits étaient prescrits en vertu de l’article 103, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union, violant ainsi cette disposition. En effet, il ressortirait d’une lecture combinée de l’article 103, paragraphe 1, et de l’article 77 du code des douanes de l’Union qu’aucun droit ne peut être perçu, en principe, plus de trois ans après l’importation des produits concernés. Or, contrairement à cette règle, le règlement attaqué instituerait à partir du 22 août 2020 des droits sur des importations qui étaient dédouanées depuis le 15 mai 2013, soit sept ans après les importations.

138    Par la seconde branche du sixième moyen, les requérantes allèguent que, en ne motivant pas l’incohérence entre l’injonction de percevoir les droits conformément à la législation douanière, soit avant l’expiration du délai de prescription de trois ans, et le dispositif instituant des droits et enjoignant aux autorités douanières de percevoir ces droits en remontant à plus de sept ans, la Commission a violé l’article 296 TFUE.

139    La Commission conteste ces arguments. En particulier, elle émet des doutes sur la recevabilité de ce moyen, faute pour Jinan Meide de justifier d’un intérêt à agir. En effet, Jinan Meide ne serait pas, elle‑même, soumise à la notification de la dette douanière par les autorités douanières.

140    Il n’y a pas lieu d’examiner si Jinan Meide est recevable à soulever le sixième moyen, puisque, en tout état de cause, ce moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

141    À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que la première branche du sixième moyen est, elle-aussi, tributaire de la thèse selon laquelle le règlement attaqué a des effets rétroactifs. Ne serait-ce que de ce fait, le sixième moyen ne saurait prospérer, puisque cette thèse est erronée, ainsi qu’il a été indiqué précédemment.

142    En toute hypothèse, à supposer que l’article 103, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union soit effectivement applicable à l’espèce, ce qui n’est, d’ailleurs, concevable que pour la période qui tombe effectivement sous le coup dudit code, donc à l’exclusion de la période frappée de la prescription prévue par le règlement (CEE) no 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO 1992, L 302, p. 1), il y a lieu de constater que la première branche du sixième moyen est développée autour de la prémisse selon laquelle le destinataire de l’obligation énoncée dans cette disposition serait la Commission. Cela vaut non seulement pour Jinan Meide, mais également pour les sociétés importatrices.

143    Or, cette prémisse est inexacte. En effet, selon l’article 103, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union « [a]ucune dette douanière n’est notifiée au débiteur après l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière ». L’obligation figurant audit article 103, paragraphe 1, s’applique uniquement à la notification de la dette douanière – sous réserve, certes, des exceptions prévues aux paragraphes 2 et 3 du même article 103 – et incombe donc uniquement aux autorités douanières nationales compétentes, ainsi qu’il ressort de l’article 101, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union. En d’autres termes, ce sont les autorités douanières nationales qui prennent soin, au cas par cas, de veiller à ce que la notification de la dette douanière à laquelle équivaut la perception des droits antidumping en cause n’ait pas lieu sur des droits prescrits. La Commission n’est, en revanche, aucunement appelée à procéder à des notifications de dettes douanières, telles que celles visées dans ladite disposition. Ladite obligation n’incombe donc pas à la Commission. Cette situation juridique se reflète, par ailleurs, directement dans l’énoncé de l’article 2, paragraphe 2, du règlement attaqué, selon lequel, en substance, c’est par les « autorités douanières nationales » que le remboursement des montants excédant les 36 % devra être effectué « conformément à la législation douanière applicable ».

144    La mise en œuvre du code des douanes de l’Union n’étant pas du ressort de la Commission, mais de celui des États membres, la Commission n’a pas violé l’article 103, paragraphe 1, dudit code et n’aurait pu violer cette disposition, si bien que la première branche du sixième moyen doit être rejetée comme étant manifestement non fondée.

145    S’agissant de la seconde branche du sixième moyen, les requérantes invoquent une violation, par la Commission, de l’article 296 TFUE, en ce qu’elle n’aurait pas motivé l’incohérence existant entre, d’une part, l’injonction de percevoir les droits conformément à la législation douanière qui prévoit un délai de prescription de trois ans et, d’autre part, le dispositif instituant des droits et enjoignant aux autorités douanières de percevoir ces droits en remontant à plus de sept ans.

146    Or, premièrement, pour les raisons exposées ci-dessus, il n’y a aucune incohérence entre la législation douanière applicable en l’espèce et la réinstitution des droits en cause, d’une part, et l’injonction visant leur perception pour la période comprise entre le 15 mai 2013 et le 22 août 2020, d’autre part.

147    Deuxièmement, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 198 et jurisprudence citée).

148    Or, le règlement attaqué contient un élément qui exclut bel et bien ou, à tout le moins, qui remédie à toute éventuelle contradiction entre la législation douanière et la réinstitution des droits antidumping faisant l’objet du présent recours. En effet, en utilisant l’expression « conformément à la législation douanière applicable », la Commission a neutralisé toute incohérence possible entre la législation douanière et la réinstitution des droits antidumping. De plus, aux considérants 1 à 18, le règlement attaqué expose clairement les motifs présidant à l’adoption de ce règlement. Il explique également de manière claire les conséquences induites par la réinstitution des droits au taux de 36 % pour la période d’application des règlements d’exécution nos 430/2013 et 2017/1146. Ainsi, les instructions données aux autorités douanières nationales visent à mettre les requérantes et les opérateurs qui ont importé des produits de Jinan Meide en mesure de récupérer les montants excédentaires perçus, majorés des intérêts applicables, et ce dans le respect des règles douanières applicables, comme il vient d’être exposé. Il en résulte que non seulement l’incohérence dont il est question au point 138 ci-dessus n’existe pas, mais que la Commission a bien expliqué les paramètres nécessaires pour la compréhension du règlement attaqué, tout comme la possibilité, pour Jinan Meide et pour les sociétés importatrices, de récupérer des montants dus par les autorités douanières. La Commission a donc suffisamment motivé le règlement attaqué.

149    Au vu de ce qui précède, il ne peut qu’être conclu que le sixième moyen est non fondé.

7.      Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1225/2009 et d’un défaut de compétence pour adopter le règlement d’exécution 2019/1982

150    Par une première branche de leur septième et dernier moyen, les requérantes font valoir que le simple fait que la Commission ait enregistré les importations des produits de Jinan Meide à partir du 30 novembre 2019 au moyen du règlement d’exécution 2019/1982 n’offre pas de fondement à cette institution pour instituer rétroactivement les droits antidumping en cause. En d’autres termes, le simple fait que la Commission ait soumis les importations à l’enregistrement ne créerait pas en soi une exception supplémentaire au principe de non-rétroactivité des droits antidumping. L’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 ne prévoirait que des exceptions très spécifiques au principe de non-rétroactivité des droits antidumping et compensateurs, dont aucune ne s’appliquerait en l’espèce.

151    Dans le cadre d’une seconde branche de leur septième moyen, les requérantes soutiennent que la Commission n’aurait pas été « compétente » pour enregistrer ces importations, puis pour percevoir des droits rétroactivement. Elle n’aurait disposé d’aucune base juridique pour adopter le règlement d’exécution 2019/1982, si bien que ce règlement serait illégal et donc invalide. L’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1225/2009 n’aurait, quant à lui, pu servir de base pour l’adoption dudit règlement d’exécution. Ce n’est que lorsque certaines conditions de fond seraient réunies, à savoir dans le cadre de dispositions comme l’article 10, paragraphes 4 et 5, l’article 11, paragraphe 4, l’article 12, paragraphe 5, ou encore l’article 13, paragraphe 3, du règlement no 1225/2009 que l’enregistrement d’importations pourrait être autorisé conformément audit article 14, paragraphe 5. Mais aucune de ces dispositions ne s’appliquerait en l’espèce. La réouverture d’une enquête ne constituerait pas non plus une mesure pouvant justifier l’imposition d’un enregistrement des importations.

152    Enfin, les requérantes soulignent que, dans la mesure où le Tribunal considérerait qu’elles auraient dû introduire un recours en annulation contre le règlement d’exécution 2019/1982, le septième moyen devrait être compris comme visant l’inapplicabilité de ce règlement au titre de l’article 277 TFUE.

153    La Commission conteste ces arguments.

154    Les deux branches du septième moyen peuvent être abordées conjointement sur le fondement des appréciations suivantes.

155    Premièrement, quelle que soit la réponse à donner au septième moyen, une éventuelle constatation, par le Tribunal, visant à considérer que le règlement d’exécution 2019/1982 est entaché d’illégalité ne pourra entraîner l’annulation des articles 1er et 2 du règlement attaqué. En effet, l’adoption de ces articles n’a pour fondement aucune des dispositions du règlement d’exécution 2019/1982. Dans la mesure où les requérantes cherchent à obtenir une annulation des articles 1er et 2 du règlement attaqué, en invoquant l’illégalité dudit règlement d’exécution, le septième moyen revêt un caractère inopérant.

156    Deuxièmement, en ce qui concerne l’article 3 du règlement attaqué, qui prévoit la perception du nouveau taux de 36 % du droit sur les importations enregistrées, il y a lieu de constater que la validité de cette disposition – qui est, d’ailleurs, détachable des articles 1er et 2 de ce même règlement – dépend, certes, directement de la validité du règlement d’exécution 2019/1982.

157    Il n’empêche toutefois que l’enregistrement imposé par le règlement d’exécution 2019/1982 couvre la période comprise entre le 30 novembre 2019, soit la date de l’entrée en vigueur de ce règlement (voir son article 2), et le 30 août 2020 (voir son article 1er, paragraphe 2).

158    Or, cette période correspond, dans son intégralité, à la « période d’application » du règlement d’exécution 2017/1146, telle que celle-ci a été envisagée par son auteur (voir points 67 à 72 ci-dessus), et pour laquelle la Commission a pu réinstituer les droits antidumping en cause, sans pour autant enfreindre l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009 (voir point 84 ci-dessus). La Commission a pu faire cela sur le fondement de la jurisprudence issue des arrêts du 15 mars 2018, Deichmann (C‑256/16, EU:C:2018:187), et du 19 juin 2019, C & J Clark International (C‑612/16, non publié, EU:C:2019:508), et donc indépendamment de l’existence du règlement d’exécution 2019/1982.

159    Il s’ensuit qu’une éventuelle annulation dudit article 3 n’aura aucune incidence sur la possibilité de percevoir des droits antidumping sur la base des articles 1er et 2 du règlement attaqué.

160    Dans ce contexte, il y a lieu de souligner également que, lors de l’audience, à la suite d’une question du Tribunal, la Commission a indiqué en substance que, selon elle, l’article 3 du règlement attaqué était « redondant », voire non « nécessaire », par rapport à l’article 2 du même règlement. Ledit article 3 serait, « en réalité », destiné à faciliter la perception des droits antidumping par les autorités nationales. Cette disposition devrait être comprise comme visant à apporter plus de clarté en ce qui concerne les obligations des autorités nationales compétentes.

161    Dans ces conditions, il convient de conclure que le septième moyen est inopérant également en ce qui concerne l’annulation de l’article 3 du règlement attaqué.

162    Il résulte de tout ce qui précède que le recours est non fondé. Il doit donc être rejeté pour ce motif.

 Sur les dépens

163    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

164    En l’espèce, dès lors que les requérantes ont succombé, il convient de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Jinan Meide Casting Co. Ltd et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées aux dépens.

Tomljenović

Škvařilová-Pelzl

Nõmm

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité du recours en ce qui concerne les sociétés importatrices

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1225/2009

a) Sur la législation antidumping applicable en l’espèce

b) Sur la possibilité de réinstituer des droits antidumping

1) Sur l’arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil (T424/13), et la période d’application du règlement d’exécution no 430/2013

2) Sur l’arrêt du 20 septembre 2019, Jinan Meide Casting/Commission (T650/17), et la période d’application du règlement d’exécution 2017/1146

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du principe de non-rétroactivité ainsi que du principe de sécurité juridique

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une violation des articles 264 et 266 TFUE

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité visé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE

5. Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du droit à un recours effectif visé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux

6. Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 103, paragraphe 1, du code des douanes de l’Union et de l’article 296 TFUE

7. Sur le septième moyen, tiré d’une violation de l’article 14, paragraphe 5, du règlement no 1225/2009 et d’un défaut de compétence pour adopter le règlement d’exécution 2019/1982

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.