Language of document : ECLI:EU:T:2005:385

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 novembre 2005(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque verbale communautaire Hi‑FOCuS – Marque verbale nationale antérieure FOCUS – Étendue de l’examen opéré par la chambre de recours – Appréciation d’éléments produits devant la chambre de recours »

Dans l’affaire T-275/03,

Focus Magazin Verlag GmbH, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me U. Gürtler, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. A. von Mühlendahl, B. Müller et G. Schneider, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

ECI Telecom Ltd, établie à Petah Tikva (Israël),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 30 avril 2003 (affaire R 913/2001‑4), relative à une procédure d’opposition entre Focus Magazin Verlag GmbH et ECI Telecom Ltd,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de M. M. Jaeger, président, Mme V. Tiili et M. O. Czúcz, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la requête et le mémoire en réplique déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 4 août 2003 et le 2 avril 2004,

vu le mémoire en réponse et le mémoire en duplique déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 10 décembre 2003 et le 8 juillet 2004,

à la suite de l’audience du 12 mai 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 1er octobre 1999, ECI Telecom Ltd (ci-après le « demandeur ») a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Hi‑FOCuS.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement de la marque a été demandé relèvent des classes 9 et 38 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 9 : « Systèmes de télécommunication et de commutation pour le transfert d’une série de services téléphoniques et se composant d’un système d’accès à bande large graduable ; systèmes de télécommunication utilisant une technologie à base de cuivre ; systèmes de télécommunication utilisant des fibres optiques ; systèmes de télécommunication et de commutation utilisant un mode de transfert asynchrone ; systèmes de télécommunication pour le transfert d’une série de services téléphoniques entre un réseau local et un abonné, y compris un bureau central et un service des abonnés » ;

–        classe 38 : « Transfert d’une série de services téléphoniques par le biais d’un système d’accès à bande large graduable ; transfert de télécommunications par le biais de systèmes utilisant une technologie à base de cuivre ; transfert de télécommunications par le biais de systèmes utilisant des fibres optiques ; transfert de télécommunications et services de commutation par le biais de systèmes utilisant un mode de transfert asynchrone ; services téléphoniques entre un réseau local et un abonné, y compris un bureau central et un service des abonnés ».

4        La demande a été déposée en langue anglaise. Le français a été désigné comme deuxième langue en vertu de l’article 115, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

5        Cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 41/00 du 22 mai 2000.

6        Le 18 juillet 2000, Focus Magazin Verlag GmbH a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée. L’opposition était fondée sur la marque verbale nationale FOCUS, enregistrée en Allemagne le 23 mai 1996 sous le n° 394 07 564, pour les produits et les services relevant des classes 3, 5, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 28, 29, 30, 33, 34, 36, 38, 39, 41 et 42.

7        L’opposition a été formée à l’encontre de tous les produits et les services désignés dans la demande de marque communautaire et fondée sur tous les produits et les services visés par la marque antérieure. Dans l’acte d’opposition, la requérante invoquait les motifs relatifs de refus visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

8        L’acte d’opposition contenait, à titre de preuve de l’enregistrement de la marque antérieure, un certificat d’enregistrement de la marque allemande sur laquelle était fondée l’opposition, délivré en langue allemande, ainsi qu’un certificat d’enregistrement de la marque internationale FOCUS portant le n° 663 349, dont était également titulaire la requérante, établi en langue française. La requérante avait désigné le français comme langue de procédure.

9        Le 19 septembre 2000, la division d’opposition a octroyé à la requérante un délai jusqu’au 19 novembre 2000 pour fournir la liste des produits et des services dans ladite langue, faute de quoi l’acte d’opposition serait rejeté comme irrecevable. Sur le document par lequel ce délai était accordé figurait la mention « Notification à l’opposant des irrégularités constatées dans l’acte d’opposition (règles 15 et 18[, paragraphe] 2, du règlement [(CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1)]) ».

10      Par télécopie du 27 septembre 2000, la requérante a informé l’OHMI du fait qu’elle avait déjà produit la traduction demandée en même temps que l’acte d’opposition. Elle a de nouveau fourni le certificat d’enregistrement de la marque internationale n° 663 349, en précisant qu’il s’agissait de la traduction officielle de l’enregistrement international de la marque allemande sur laquelle était fondée l’opposition, telle qu’établie par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

11      Le 15 janvier 2001, la division d’opposition a adressé à la requérante un autre document intitulé « Notification à l’opposant de la date d’ouverture de la phase contradictoire de la procédure d’opposition et du délai de fourniture des faits, preuves et observations à l’appui d’une opposition (règles 19[, paragraphe] 1, 16[, paragraphe] 3, 17[, paragraphe] 2 et 20[, paragraphe] 2, du règlement[n° 2868/95]) ». Ce document était accompagné d’une note explicative quant aux preuves à fournir à l’appui de l’opposition.

12      Par lettre du 21 mars 2001, le demandeur a informé la requérante de son souhait de régler le litige à l’amiable.

13      Le 15 mai 2001, la requérante a fourni des documents supplémentaires comportant des éléments de fait, de preuve et des observations à l’appui de son opposition.

14      Le 12 juillet 2001, l’OHMI a informé la requérante qu’il avait transmis lesdits documents au demandeur, tout en faisant observer que, comme la requérante n’avait pas fourni une traduction complète dans la langue de procédure du certificat d’enregistrement de la seule marque sur laquelle l’opposition était fondée, à savoir la marque allemande n° 394 07 564, l’OHMI prendrait une décision sur l’opposition.

15      Le 16 juillet 2001, la requérante a de nouveau transmis à l’OHMI sa lettre du 27 septembre 2000, selon laquelle la liste des produits et des services de la marque antérieure allemande correspondait à celle de la marque internationale. Elle a souligné que le certificat d’enregistrement international mentionnait explicitement la marque allemande antérieure comme marque de base, ainsi que la date de priorité, que le certificat d’enregistrement de la marque antérieure contenait toutes les informations accompagnées de codes standardisés et que, dès lors, le demandeur pouvait connaître toutes les informations nécessaires.

16      Par décision du 27 août 2001, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que, n’ayant pas fourni la traduction complète du certificat d’enregistrement de sa marque allemande, la requérante n’avait pas apporté la preuve de l’existence de sa marque antérieure. Elle a estimé que la référence à la liste des produits et des services couverts par la marque internationale ne pouvait pas être considérée comme une traduction complète en langue française du certificat d’enregistrement allemand.

17      Le 15 octobre 2001, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition. En annexe à l’acte de recours figurait la traduction française du certificat d’enregistrement allemand de la marque antérieure.

18      Par décision du 30 avril 2003 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours a rejeté le recours. Elle a considéré que la requérante était tenue de fournir la preuve de l’existence de sa marque antérieure, en présentant la traduction de son certificat d’enregistrement, et que la preuve fournie était en l’espèce insuffisante. En outre, la chambre de recours a estimé que l’OHMI n’était pas tenu de signaler à l’opposant qu’un document, ou sa traduction, n’était pas suffisant aux fins de prouver l’existence d’un droit antérieur. Par ailleurs, la chambre de recours a refusé de prendre en considération la traduction du certificat d’enregistrement allemand, produite pour la première fois devant elle.

 Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la division d’opposition ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’OHMI de statuer au fond en tenant compte de la décision du Tribunal ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

20      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité du troisième chef de conclusions de la requérante

21      Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal d’enjoindre à l’OHMI de statuer au fond en tenant compte de la décision du Tribunal.

22      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement nº 40/94, l’OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n’appartient pas au Tribunal d’adresser une injonction à l’OHMI. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33 ; du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12, et du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser‑Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 22].

23      Le troisième chef de conclusions de la requérante est donc irrecevable.

 Sur le fond

24      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, premièrement, de l’absence de prise en compte par la division d’opposition des preuves apportées, deuxièmement, de la violation de l’obligation d’examiner les éléments avancés par elle devant la chambre de recours et, troisièmement, de la méconnaissance des règles régissant la preuve concernant l’existence de la marque antérieure.

25      Il convient d’examiner, tout d’abord, le deuxième moyen.

 Arguments des parties

26      La requérante soutient que la preuve du droit antérieur peut encore être fournie au stade du recours devant la chambre de recours.

27      En effet, les règles 16 à 20 du règlement n° 2868/95, qui limitent la période durant laquelle la preuve peut être fournie, s’appliqueraient seulement à la procédure d’opposition. De plus, le principe de la protection juridictionnelle effective serait violé s’il n’était pas possible de fournir d’autres preuves de l’existence de la marque antérieure lors de la procédure de recours.

28      La requérante soutient qu’il ressort de l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2003, Henkel/OHMI – LHS (UK) (KLEENCARE) (T‑308/01, Rec. p. II‑3253), que la preuve de l’existence de la marque antérieure peut encore être fournie au stade du recours. La prise en compte ou non de nouveaux éléments de preuve serait toutefois fonction d’une appréciation au cas par cas, qui, en l’espèce, aurait dû conduire à la prise en compte de la traduction produite.

29      Selon la requérante, loin de réduire la charge de travail de l’OHMI, l’absence de prise en compte de preuves et de faits nouveaux ne fait au contraire que l’augmenter, ce qui serait contraire à la sécurité juridique. En effet, si les oppositions devaient être rejetées pour de simples erreurs formelles, le titulaire de la marque antérieure pourrait introduire immédiatement une demande en nullité sur la base des articles 52 et 55 du règlement n° 40/94, ce qui aurait pour conséquence un réexamen de tous les faits.

30      Par ailleurs, le demandeur n’ayant pas contesté, en première instance, l’existence de la marque antérieure, il devrait également accepter la production d’autres éléments de preuve. La mise en balance des intérêts prévue par l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 exigerait ainsi la prise en compte de la traduction du certificat d’enregistrement allemand. La requérante ayant fourni des preuves au cours de la procédure d’opposition, quoique dans une langue qui n’était pas la langue de procédure, il serait juste de lui permettre de produire la traduction correspondante au stade du recours. En outre, le demandeur pourrait exercer un recours devant le Tribunal et, dès lors, ses droits de la défense ne seraient pas violés.

31      L’OHMI estime que l’arrêt KLEENCARE, précité, n’est pas applicable dans le cas d’espèce. En effet, la prise en considération de la situation factuelle et juridique à la date de la décision de la chambre de recours ne pourrait avoir pour conséquence de remédier à des irrégularités de procédure ou de compléter un dossier en dehors du délai imparti. Dans les procédures inter partes, l’OHMI ne jouirait d’un pouvoir discrétionnaire quant à la recevabilité d’éléments nouveaux de fait ou de preuve que s’il n’avait pas préalablement imparti de délai pour leur production, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce. Cette interprétation serait corroborée par l’arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Institut für Lernsysteme/OHMI – Educational Services (ELS) (T‑388/00, Rec. p. II‑4301, point 29), concernant l’apport de la preuve de l’usage de la marque antérieure [arrêt du Tribunal du 13 juin 2002, Chef Revival USA/OHMI – Massagué Marín (Chef), T‑232/00, Rec. p. II‑2749].

32      L’OHMI fait valoir que, si les parties étaient libres de pallier le non-respect de délais devant la première instance de l’OHMI en produisant des éléments de fait ou de preuve pour la première fois devant la chambre de recours, la procédure d’enregistrement des marques communautaires souffrirait d’une prolongation considérable qui serait préjudiciable au principe de sécurité juridique.

33      En outre, l’OHMI rappelle que les décisions statuant sur les oppositions n’ont pas d’effet contraignant, tandis qu’une décision de rejet d’une demande en nullité devenue définitive est une décision ayant acquis l’autorité de la chose définitivement jugée. Il s’agirait de deux procédures distinctes, issues d’un règlement communautaire, et la thèse de la requérante aboutirait à une remise en cause de cette distinction.

34      Il serait inadmissible de limiter les droits de la défense du demandeur à l’instance de recours interne à l’OHMI [ordonnance du Tribunal du 17 novembre 2003, Strongline/OHMI – Scala (SCALA), T‑235/02, Rec. p. II-4903]. La continuité fonctionnelle entre les instances de l’OHMI exigerait que les conséquences juridiques d’une inobservation d’un délai subsistent devant la chambre de recours. Il ne pourrait être remédié à la suppression d’une instance due à la recevabilité de moyens nouveaux lors de l’instance de recours par la possibilité de saisir le Tribunal et, éventuellement, la Cour, car la procédure devant la juridiction communautaire serait considérablement plus complexe et plus coûteuse que la procédure administrative devant l’OHMI.

 Appréciation du Tribunal

35      En l’espèce, il est constant que la requérante a fourni, avec l’acte d’opposition, le certificat d’enregistrement allemand de la marque antérieure, ainsi que le certificat d’enregistrement de sa marque internationale n° 663 349, laquelle était fondée sur la marque antérieure, établi en langue française. Il est également constant que la requérante a fourni, en annexe à son recours contre la décision de la division d’opposition, la traduction française du certificat d’enregistrement allemand de la marque antérieure.

36      Ce dernier document a été produit par la requérante, car la division d’opposition avait considéré que le certificat d’enregistrement de la marque internationale, fondée sur la marque nationale antérieure, ne pouvait pas être considéré comme une traduction complète en langue de procédure du certificat d’enregistrement allemand, malgré le fait que la requérante l’avait informée qu’il s’agissait de la traduction officielle, telle qu’établie par l’OMPI, de l’enregistrement international de la marque allemande sur laquelle était fondée l’opposition.

37      Le Tribunal rappelle qu’il découle de la continuité fonctionnelle entre les instances de l’OHMI que, dans le champ d’application de l’article 74, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 40/94, la chambre de recours est tenue de fonder sa décision sur tous les éléments de fait et de droit que la partie concernée a introduits soit dans la procédure devant l’unité ayant statué en première instance, soit, sous la seule réserve du paragraphe 2 du même article, dans la procédure de recours (arrêt KLEENCARE, précité, point 32). Ainsi, et contrairement à ce que soutient l’OHMI, s’agissant de la procédure inter partes, la continuité fonctionnelle existant entre les différentes instances de l’OHMI n’a pas pour conséquence qu’une partie qui, devant l’unité statuant en première instance, n’a pas produit certains éléments de fait ou de droit dans les délais impartis devant cette unité serait irrecevable, en vertu de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, à se prévaloir desdits éléments devant la chambre de recours. La continuité fonctionnelle a, au contraire, pour conséquence qu’une telle partie est recevable à se prévaloir desdits éléments devant la chambre de recours, sous réserve du respect, devant cette instance, de l’article 74, paragraphe 2, dudit règlement [arrêt du Tribunal du 10 novembre 2004, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑164/02, non encore publié au Recueil, point 29].

38      Par conséquent, en l’espèce, dès lors que la production du document en cause n’est pas tardive, au sens de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, mais est intervenue en annexe au mémoire déposé par la requérante devant la chambre de recours le 15 octobre 2001, c’est-à-dire dans le délai de quatre mois imparti par l’article 59 du règlement n° 40/94, cette dernière ne pouvait refuser de prendre en considération ce document.

39      Dans ces circonstances, n’a pas de pertinence la référence faite par l’OHMI à l’arrêt Chef, précité, dans lequel il ne s’agissait pas de preuves produites devant la chambre de recours, mais de la question de savoir si la division d’opposition avait l’obligation de signaler à l’opposant l’irrégularité consistant en son omission de produire, dans le délai imparti à cette fin, la traduction du certificat d’enregistrement de la marque nationale antérieure. De plus, dans cette affaire, étant donné que l’opposant n’avait pas produit non plus la traduction après l’expiration du délai, le Tribunal n’a pas estimé nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si, et dans quelle mesure, des faits ou des preuves produits après l’expiration d’un délai imparti par l’OHMI pouvaient ou non être pris en compte par ce dernier au titre de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (arrêt Chef, précité, points 63 à 65).

40      Ne saurait non plus prospérer à cet égard la référence faite par l’OHMI à l’arrêt ELS, précité, concernant la production des preuves de l’usage de la marque antérieure après l’expiration du délai imparti par l’OHMI devant la division d’opposition, étant donné que, si des éléments de preuve devant la chambre de recours ont été produits dans les délais, la chambre de recours est tenue de les prendre en considération dans son examen du recours (arrêts KLEENCARE, précité, point 32, et ARCOL, précité, point 29). En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, la requérante avait déjà produit devant la division d’opposition, dans les délais, des preuves de l’existence de son droit antérieur et, ensuite, devant la chambre de recours, une traduction supplémentaire, puisque la division d’opposition n’avait pas considéré le certificat d’enregistrement international comme une traduction complète de la marque antérieure.

41      N’a pas non plus de pertinence la référence faite par l’OHMI à l’ordonnance SCALA, précitée. En effet, dans cette affaire, la requérante avait produit les documents et les traductions nécessaires pour la première fois devant le Tribunal, tandis que, dans le cas d’espèce, la production et la prise en compte de la traduction en question devant la chambre de recours aurait permis au demandeur d’exercer ses droits de la défense dans la procédure inter partes et à la chambre de recours de s’assurer, avec une certitude suffisante, de la réalité des droits invoqués (ordonnance SCALA, précitée, point 45). Au surplus, il ne saurait être exclu, au vu de la nature du certificat d’enregistrement international, rédigé en langue de procédure, que celui-ci, combiné au certificat d’enregistrement allemand, en langue allemande, aurait permis, dès la procédure devant la division d’opposition, au demandeur d’exercer ses droits de la défense dans la procédure inter partes et à la chambre de recours de s’assurer, avec une certitude suffisante, de la réalité des droits invoqués.

42      Par ailleurs, l’argument de l’OHMI selon lequel la procédure d’enregistrement des marques communautaires souffrirait d’une prolongation considérable si les parties pouvaient encore produire des éléments de fait ou de preuve pour la première fois devant la chambre de recours ne saurait prospérer en l’espèce. Au contraire, comme plusieurs éléments concordants ont été produits en faveur de l’existence du droit antérieur dès la procédure devant la division d’opposition, le fait d’avoir refusé d’accepter la traduction supplémentaire produite devant la chambre de recours a eu pour conséquence de prolonger cette procédure.

43      Il s’ensuit que, en omettant de prendre en considération le document produit par la requérante devant elle dans le délai imparti par l’article 59 du règlement n° 40/94, la chambre de recours a violé l’article 74 dudit règlement. Il convient, par conséquent, d’annuler la décision attaquée, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens et sans que le Tribunal ait à se prononcer sur la recevabilité de la demande visant à l’annulation de la décision de la division d’opposition.

 Sur les dépens

44      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

45      L’OHMI ayant succombé, il y a lieu, au vu des conclusions de la requérante, de le condamner aux dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 30 avril 2003 (affaire R 913/2001‑4) est annulée.

2)      La partie défenderesse est condamnée aux dépens.


Jaeger

Tiili

Czúcz


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2005.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : l’allemand.