Language of document : ECLI:EU:T:2005:401

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 novembre 2005 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Marques nationales verbales antérieures ARTEX – Demande de marque communautaire verbale ALREX – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-154/03,

Biofarma SA, établie à Neuilly-sur-Seine (France), représentée par Mes V. Gil Vega, A. Ruiz López et D. Gonzalez Maroto, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. W. Verburg et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

 partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Bausch & Lomb Pharmaceuticals, Inc., établie à Tampa, Floride (États-Unis), représentée par Me S. Klos, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 5 février 2003 (affaire R 370/2002‑3), relative à une procédure d’opposition entre Biofarma SA et Bausch & Lomb Pharmaceuticals, Inc.,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 2 mai 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 18 décembre 2003,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 29 décembre 2003,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 27 avril 2004,

à la suite de l’audience du 4 mai 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 avril 1998, Bausch & Lomb Pharmaceuticals, Inc. (ci-après l’« intervenante ») a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal ALREX.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « produits pharmaceutiques ophtalmiques, à savoir gouttes pour les yeux, solutions, gels et pommades utilisés pour le traitement des infections et inflammations de l’oeil ».

4        Le 12 juillet 1999, Biofarma SA (ci-après la « requérante »), déjà titulaire des marques verbales ARTEX, enregistrées en France, dans les pays du Benelux et au Portugal, pour des produits relevant de la classe 5 (« spécialité pharmaceutique destinée au domaine cardio-vasculaire ; produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires »), a formé une opposition à l’encontre de la marque demandée, en faisant valoir qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

5        Le 18 janvier 2000, l’OHMI a notifié à la requérante une modification apportée par l’intervenante à la liste des produits couverts par la marque demandée, se lisant désormais comme suit : « produits anti-allergiques, stéroïdes, ophtalmiques, à savoir gouttes pour les yeux, solutions, gels et pommades utilisés pour le traitement des infections et inflammations de l’oeil ». Par le même courrier, l’OHMI invitait la requérante à lui faire savoir si elle maintenait son opposition, ce qu’elle a fait par lettre du 4 février 2000.

6        Par décision du 28 février 2002, la division d’opposition a fait droit à l’opposition. Elle a conclu qu’il existait un risque de confusion, les signes ALREX et ARTEX étant similaires, de même que les produits couverts par les marques en cause.

7        Le 25 avril 2002, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition.

8        Par décision du 5 février 2003 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 4 mars 2003, la troisième chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et rejeté l’opposition, au motif notamment que, malgré l’appartenance des produits en cause à la même classe, il n’existait entre eux qu’un degré de similitude assez faible.

 Conclusions des parties

9        Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 4 mai 2005.

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et « déclarer qu’il existe effectivement un risque de confusion entre les marques ARTEX et ALREX, qui désignent des produits similaires » ;

–        condamner l’OHMI au paiement des dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

13      À l’appui de son recours, la requérante fait valoir, en substance, la violation par la chambre de recours de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

14      En premier lieu, la requérante souligne que les produits désignés par les marques en conflit sont similaires en raison de leur nature et de leur finalité identiques, à savoir le traitement des problèmes de santé humaine, et de leur fabrication par les mêmes entreprises, dans les mêmes laboratoires, ainsi qu’en raison du fait qu’ils sont commercialisés par les mêmes filières, par exemple des visiteurs médicaux, que leurs publicités paraissent dans les mêmes revues spécialisées, qu’ils sont vendus dans les mêmes établissements, c’est‑à‑dire des pharmacies, et sont administrés dans les mêmes lieux, à savoir des hôpitaux, des centres de santé, etc.

15      La requérante ajoute que, si le médicament contre l’hypertension désigné par les marques antérieures ARTEX se présente sous forme de comprimés, il pourrait très bien à l’avenir se présenter sous une autre forme galénique afin de faciliter son administration à certaines catégories de malades, par exemple sous forme de gouttes, c’est-à-dire sous la même forme que les produits désignés par la marque demandée ALREX.

16      En deuxième lieu, la requérante avance que la simple comparaison visuelle des signes ARTEX et ALREX permet d’établir leur degré de ressemblance. Leur similitude visuelle résulterait de la coïncidence manifeste de leur lettre initiale « a » et de leurs deux dernières lettres  « ex ». Ils auraient également la consonne centrale « r » en commun. Tous ces facteurs produiraient un impact visuel amenant facilement à confondre une dénomination avec l’autre, ce qui devrait être considéré comme suffisant pour démontrer l’existence d’un risque de confusion. La requérante fait valoir à cet égard que la lecture d’une prescription rédigée à la hâte par un médecin peut entraîner des erreurs aux conséquences fatales lorsque les dénominations des deux médicaments présentent un tel degré de ressemblance. Les seules différences portant sur les lettres centrales des mots, elles ne pourraient pas être perçues au premier coup d’œil. Seules diffèrent en effet l’une des consonnes centrales (le « t » au lieu d’un « l ») et sa position par rapport à l’autre consonne commune aux deux dénominations. Or, un consommateur retiendrait normalement les premières et les dernières lettres et non les lettres centrales.

17      Du point de vue phonétique également, le risque de confusion serait évident, principalement parce que les voyelles « a » et « e » occupent la même place dans les deux mots. De plus, les deux signes n’étant constitués que par deux syllabes, cette coïncidence aurait une incidence majeure, d’autant que le son des voyelles, et particulièrement des voyelles « a » et « e », serait celui qui se retiendrait en premier lieu et le plus clairement. Par ailleurs, le fait que la voyelle « a » est la première lettre des deux signes renforcerait la sonorité de la consonne qui la suit. La requérante explique encore que, en France, au Portugal et dans les pays du Benelux, où les marques en conflit seraient appelées à coexister si la décision attaquée était confirmée, la seconde syllabe de ces marques se prononce intégralement et porte l’accent tonique. Elle précise que, dans cette syllabe, la voyelle « e » coïncide avec la consonne finale « x », de sorte que ladite syllabe se prononce en français comme les lettres « k » et « s » prononcées consécutivement. En combinaison avec la voyelle « e », la lettre « x » formerait ainsi un son très puissant qui dominerait l’ensemble. La première syllabe commence dans les deux cas par la voyelle « a », qui a elle aussi une sonorité très forte et a tendance à affaiblir le son, déjà faible en soi, de la consonne suivante (« l » dans un cas et « r » dans l’autre). La requérante ajoute enfin que l’une comme l’autre dénomination comportent, en leur centre, la lettre « r », qui est une consonne fricative.

18      La requérante insiste, à cet égard, sur le fait que le consommateur a rarement l’occasion de comparer directement les signes ALREX et ARTEX et doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a conservée en mémoire.

19      La requérante fait également valoir que l’Institut national de la propriété intellectuelle, devant lequel elle s’était opposée à l’enregistrement de la marque ALREX en France, a indiqué dans sa décision du 28 avril 2000 que le signe ALREX constituait l’imitation du signe antérieur et ne pouvait donc pas bénéficier d’une protection en France à titre de marque pour désigner des produits identiques et similaires.

20      Quant à la représentation des emballages fournie par l’intervenante, reproduite au point 35 ci-après, la requérante fait valoir dans sa réplique qu’il faut uniquement tenir compte de la forme effective sous laquelle les marques ARTEX ont été enregistrées et la comparer avec la forme effective de la marque ALREX dont l’enregistrement a été demandé à l’OHMI. Or, il s’agit en l’espèce de deux signes écrits en lettres majuscules, purement nominatifs, sans éléments graphiques, couleurs, lettres différentes ou caractéristiques permettant de les distinguer l’un de l’autre.

21      En troisième lieu, la requérante expose que la chambre de recours semble présupposer que les consommateurs sont des professionnels ou du personnel spécialisé, ce qui n’est pas le cas. Le consommateur final des produits en cause serait toujours un malade, c’est-à-dire une personne, adolescente ou âgée, bénéficiant, ou non, d’une certaine formation et possédant, ou non, une certaine culture générale. Un infirmier ou du personnel soignant dans un hôpital pourraient d’ailleurs également confondre ces deux médicaments, du fait de leurs dénominations respectives très semblables.

22      Enfin, en quatrième lieu, la requérante explique que la marque n’a pas seulement pour fonction de permettre au consommateur d’éviter de croire que des produits ou des services proviennent de la même entreprise, mais aussi de garantir l’identification des produits en eux‑mêmes dans l’intérêt du consommateur. Dans le cas d’un médicament, le consommateur souhaiterait obtenir le produit d’une marque déterminée, parce qu’il en escompterait des effets bénéfiques pour sa santé. Par conséquent, ce consommateur aurait un intérêt particulier à ce que le produit soit clairement identifié et ne puisse pas être confondu avec un autre au risque d’affecter sa santé.

23      Le fait qu’il existe d’autres institutions ou organismes officiels chargés d’autoriser la commercialisation des produits pharmaceutiques n’exonérerait pas l’institution chargée d’accorder l’enregistrement de prendre cette fonction de la marque en considération.

24      La requérante déduit de chiffres de l’Organisation mondiale de la santé et du ministère de la Santé et de la Consommation espagnol qu’il n’est pas rare que deux individus souffrant respectivement d’hypertension artérielle, soignée par l’ARTEX, et de conjonctivites résultant d’allergies saisonnières, pour lesquelles est prescrit l’ALREX, soient réunis dans un même milieu familial ou professionnel, ou qu’un même patient souffre de ces deux pathologies, et qu’il n’est donc pas exceptionnel que les deux médicaments se trouvent au même endroit en même temps.

25      La requérante ajoute à cet égard que, comme l’attesteraient des déclarations sous serment ou des témoignages d’experts qu’elle pourrait produire, la confusion d’un médicament avec un autre peut entraîner de graves conséquences, notamment en cas d’usage externe, l’ARTEX pouvant très bien à l’avenir se présenter sous forme de gouttes. Les risques pour la santé en cas de confusion devraient donc être pris en compte dans l’appréciation du risque de confusion.

26      Quant à la similitude des produits, l’OHMI, en se fondant sur l’arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon (C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 23), admet qu’il existe en général une similitude lorsque des produits pharmaceutiques sont comparés à d’autres produits pharmaceutiques. Il considère cependant que le degré de similitude peut varier, notamment dans le cas de produits utilisés pour traiter des problèmes de santé différents. Même si la finalité de tous les produits pharmaceutiques était identique, c’est-à-dire traiter des problèmes de santé, la nature de ces problèmes pourrait varier à un point tel qu’il existerait seulement un faible degré de similitude, ce qui pourrait aboutir, lors de l’appréciation de tous les facteurs pertinents, à la conclusion qu’il n’existerait pas de risque de confusion.

27      Or, les infections oculaires et l’hypertension sont soignées par des spécialistes différents, à des endroits différents, ce qui impliquerait aussi l’existence de canaux de distribution différents. De plus, le mode d’administration des deux produits serait également différent. Si l’ARTEX est proposé sous forme de pilules ou de comprimés à usage oral, l’ALREX est disponible sous forme de substances plus ou moins liquides appliquées localement sur le corps humain. Le marché des médicaments utilisés pour réduire les infections et les inflammations de l’œil serait ainsi différent du marché des médicaments destinés à réduire l’hypertension.

28      Enfin, s’il est possible qu’à l’avenir l’ARTEX ne soit plus seulement produit sous forme de pilules ou de comprimés, mais aussi sous forme de gouttes, tel n’est pas le cas aujourd’hui. Or, la comparaison entre des produits ne peut se faire, selon l’OHMI, en fonction d’éventuels changements apportés à l’avenir.

29      Concernant la similitude entre les signes, l’OHMI relève que la chambre de recours a conclu que les deux signes ARTEX et ALREX sont des noms ordinaires de produits pharmaceutiques composés de syllabes standard, sans aucun élément frappant ni étonnant. Le registre des marques communautaires, à la classe 5, compterait ainsi 296 marques enregistrées se terminant par le suffixe « ex ».

30      L’OHMI admet que les signes sont similaires, mais considère que le fait de savoir si les marques présentent une similitude suffisante pour conclure à l’existence d’un risque de confusion dépend d’autres facteurs, qui doivent être pris en considération. Ces facteurs seraient notamment la connaissance de la marque sur le marché, l’association qui peut en être faite avec le signe utilisé ou enregistré, le degré de similitude entre la marque et le signe et entre les produits ou les services désignés (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 22). Lors de l’audience, l’OHMI a ajouté, à cet égard, que les professionnels feront le rapport entre ARTEX et le mot français « artère ».

31      Quant au public concerné, l’OHMI relève que la chambre de recours a conclu au point 11 de sa décision que, compte tenu du fait que les médicaments destinés à réduire l’hypertension sont exclusivement disponibles sur prescription médicale, celui-ci se compose d’experts. L’OHMI ajoute que, dans son arrêt du 5 mars 2003, Alcon/OHMI – Dr. Robert Winzer Pharma (BSS) (T‑237/01, Rec. p. II‑411, point 42), le Tribunal a conclu que le public ciblé par les préparations pharmaceutiques ophtalmiques et les solutions stériles pour la chirurgie ophtalmique est un public spécialisé en matière médicale, comprenant notamment des ophtalmologues et des chirurgiens ophtalmiques. Ce public, en raison de ses connaissances, serait plus attentif que le consommateur moyen, censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

32      L’OHMI indique également que, l’article 8, paragraphe l, sous b), du règlement n° 40/94 ne comportant aucune référence relative au moment où la confusion peut survenir, il n’existe aucune raison de supposer que le moment de la confusion est limité au moment de l’achat. La confusion pourrait naître tant que le produit, revêtu de la marque, est en circulation. Cependant, si l’on concluait à l’inexistence d’un risque de confusion au moment de l’achat, il n’y aurait aucune raison de penser qu’il pourrait en être autrement à un autre moment, par exemple, au moment de la prise du médicament, à moins que ne soient concernées différentes catégories de public ayant des degrés d’attention différents. Or, il n’y aurait en l’espèce pas de catégories de public différentes.

33      L’OHMI se réfère également à l’arrêt du Tribunal du 9 avril 2003, Durferrit/OHMI – Kolene (NU-TRIDE) (T‑224/01, Rec. p. II‑1589, point 52), lequel a conclu, après avoir constaté que le public se composait d’experts, que le degré de similitude entre les marques en cause n’était pas suffisamment élevé pour pouvoir considérer qu’il existait un risque de confusion entre celles‑ci. Cette conclusion était corroborée, selon l’OHMI, par le fait que le public pertinent était hautement spécialisé dans le domaine des produits et des services concernés et, partant, susceptible de manifester un degré élevé d’attention lors du choix de ces produits et services.

34      Enfin, l’OHMI considère que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu qu’un risque éventuel pour la santé ne devait pas jouer de rôle dans l’appréciation du risque de confusion. L’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne contiendrait aucune indication dans ce sens. Cet article viserait uniquement à interdire l’enregistrement des marques en cas de risque de confusion entre la marque demandée à l’enregistrement et une autre marque déjà enregistrée.

35      L’intervenante, qui partage l’essentiel des arguments de l’OHMI, insiste notamment sur le fait que les comprimés commercialisés par la requérante sont conditionnés dans des emballages de plastique transparent alors que les gouttes ophtalmiques vendues par l’intervenante sont présentées dans un petit flacon dont le bouchon est muni d’une pipette, comme en attesteraient les reproductions suivantes :

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36      Quand bien même les produits en cause se présenteraient l’un et l’autre sous une seule et même forme, les facteurs dont il faut tenir compte selon l’arrêt Canon, précité, pour apprécier leur degré de similitude indiquent clairement qu’ils ne sont pas similaires ou, du moins, qu’ils ne présentent qu’un très faible degré de similitude.

37      À l’audience, l’intervenante a fait mention de deux arrêts du Tribunal, prononcés après le dépôt de son mémoire. Dans l’arrêt du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI) (T‑169/03, non encore publié au Recueil), le Tribunal a jugé que les sacs pour dames et les chaussures pour dames, bien qu’étant des articles de maroquinerie, ne pouvaient être considérés comme similaires, car ils ne se substituaient pas l’un à l’autre et ne se faisaient pas concurrence. Dans l’arrêt du 15 février 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (LINDENHOF) (T‑296/02, non encore publié au Recueil), le Tribunal a jugé que les vins mousseux, d’une part, et les bières, les cocktails et les eaux minérales, d’autre part, n’étaient pas similaires, les consommateurs ayant l’habitude de les consommer lors de circonstances et d’événements différents.

38      À la différence de l’OHMI, l’intervenante ne considère pas que les signes en conflit sont similaires. Elle estime que, en vertu du point 25 de l’arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer (C‑342/97, Rec. p. I‑3819), il faut tenir compte en particulier des éléments distinctifs et dominants des marques. Or, la terminaison « ex » serait extrêmement fréquente pour toutes sortes de marques et de produits, particulièrement dans le domaine pharmaceutique. Si la chambre de recours a reconnu une « certaine similitude » résultant du nombre de lettres identiques, à savoir le « a » initial et la terminaison « ex », elle a souligné la différence visuelle créée par la position de la lettre « t » au milieu du signe ARTEX et a considéré que cette différence avait une grande incidence sur l’impression visuelle des signes brefs, tels que ceux de l’espèce.

39      Enfin, l’intervenante considère que le droit des marques n’a pas pour objet de protéger les patients contre une utilisation incorrecte. Une telle responsabilité relèverait de la compétence d’autres organes que l’OHMI. De plus, l’hypothèse de l’intoxication d’un patient, qui souffrirait à la fois d’hypertension et d’une infection ou d’une inflammation oculaire et à qui il aurait été prescrit les deux produits en cause serait absurde, car elle supposerait qu’il confonde pendant longtemps des gouttes et des comprimés. Or, il devrait être attendu de patients souffrant d’une affection relativement sérieuse, comme l’hypertension, une circonspection particulière en ce qui concerne les médicaments qu’ils s’administrent.

 Appréciation du Tribunal

40      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement nº 40/94, il convient d’entendre par marques antérieures, notamment, les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

41      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement, ce risque devant être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce.

42      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, précité, point 17, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19).

43      En l’espèce, les marques antérieures ARTEX sont enregistrées en France, dans les pays du Benelux et au Portugal, qui constituent donc le territoire pertinent aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

44      En ce qui concerne le public pertinent, l’OHMI comme l’intervenante soutiennent que les médicaments dont il s’agit en l’espèce sont prescrits par des spécialistes différents. Force est cependant de constater que ces médicaments sont d’un usage suffisamment courant pour être également prescrits par des médecins généralistes.

45      Par ailleurs, les comprimés de la requérante comme les gouttes ophtalmiques de l’intervenante étant à prendre par les patients à leur domicile, ceux-ci, en tant que consommateurs finaux, font également partie du public pertinent, tout comme les pharmaciens, lesdits médicaments étant vendus dans leurs officines.

46      Relèvent donc du public pertinent tant les professionnels du secteur médical (médecins spécialistes, médecins généralistes et pharmaciens) que, contrairement à la solution retenue par la chambre de recours, les patients.

47      En ce qui concerne la comparaison des produits, il convient de rappeler que, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou les services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, précité, point 23).

48      En l’espèce, comme le soutient à juste titre la requérante, les produits en cause sont de même nature (produits pharmaceutiques), ont la même finalité ou destination (traitement de problèmes de santé humaine), s’adressent aux mêmes consommateurs (professionnels du secteur médical et patients) et empruntent les mêmes canaux de distribution (en règle générale, les pharmacies).

49      Cependant, comme le relèvent l’OHMI et l’intervenante, ces produits ne sont ni complémentaires ni concurrents. Compte tenu des éléments de similitude précédemment relevés, cette différence entre les produits en cause n’est toutefois pas telle qu’elle exclut, à elle seule, la possibilité d’un risque de confusion.

50      Par ailleurs, doit être rejeté l’argument de l’intervenante selon lequel les produits, s’administrant différemment, ne sont pas similaires. En effet, cette différence ne saurait prédominer, en l’espèce, sur la nature et la destination commune des produits concernés.

51      Dans ces circonstances, les éléments de similitude entre les produits l’emportant sur les éléments de différence, il convient de conclure qu’il existe, comme l’a à juste titre relevé la chambre de recours dans la décision attaquée, un certain degré de similitude entre les produits en cause.

52      En ce qui concerne la comparaison des signes, il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips‑Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

53      Seule l’intervenante considère que les signes ALREX et ARTEX ne sont pas similaires. Elle insiste notamment sur le fait que la terminaison « ex » serait extrêmement fréquente pour toutes sortes de marques, particulièrement dans le domaine pharmaceutique.

54      Cependant, comme l’a relevé la division d’opposition, les deux signes sont composés d’un mot comprenant cinq lettres. La seule différence est que l’un comprend la lettre « t » entre les lettres « r » et « e » et l’autre un « l » entre les lettres « a » et « r ». En dehors de cette différence, quatre des cinq lettres sont identiques et placées dans le même ordre : « arex ». La similitude visuelle entre les signes est donc très élevée.

55      Sur le plan phonétique également, les signes ont la même structure, c’est-à-dire deux syllabes chacun, la première comprenant deux lettres et la seconde en comptant trois. Chaque signe commence par la lettre « a » et finit par le suffixe « ex ». De plus, les deuxième et troisième lettres de chaque signe sont des consonnes, dont l’une est commune (la lettre « r »).

56      Enfin, sur le plan conceptuel, si l’OHMI, lors de l’audience, a fait valoir que les professionnels feront le rapport entre le signe ARTEX et le mot français « artère », ce que la division d’opposition a d’ailleurs considéré comme insuffisant pour écarter les similitudes visuelles et phonétiques des signes, il convient de répondre, d’une part, que, à supposer que tel soit le cas, les professionnels ne sont pas, comme cela a été exposé aux points 45 et 46 ci-dessus, le seul public pertinent et, d’autre part, que le public des territoires concernés, à savoir les pays du Benelux, le Portugal et la France, n’est pas uniquement francophone.

57      Dans ces circonstances, il convient de conclure, contrairement à la solution retenue dans la décision attaquée, qu’il existe un degré élevé de similitude entre les deux signes en conflit.

58      Dès lors, compte tenu, d’une part, du degré élevé de similitude entre les signes en cause et, d’autre part, du degré de similitude entre les produits concernés, les différences entre ceux-ci ne sont pas suffisantes pour écarter l’existence d’un risque de confusion dans la perception du public pertinent.

59      Sur la base de ce qui précède, le Tribunal estime qu’il existe un risque que ce public soit induit à croire que les produits désignés par les signes en conflit proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

60      Enfin, l’existence de ce risque de confusion est encore confortée par le fait que le public pertinent n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire [arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26, et arrêt du Tribunal du 13 juillet 2004, Samar/OHMI – Grotto (GAS STATION), T‑115/03, non encore publié au Recueil, point 37].

61      Par conséquent, il y a lieu de conclure qu’il existe un risque de confusion entre les marques ALREX et ARTEX, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

62      Il découle de l’ensemble de ce qui précède que les griefs de la requérante visant à faire constater une violation par la chambre de recours de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doivent être accueillis. En conséquence, il y a lieu d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci. La requérante n’ayant pas conclu à ce que l’intervenante soit condamnée aux dépens, il y a lieu d’ordonner que l’intervenante supporte ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 5 février 2003 (affaire R 370/2002-3) est annulée.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante.

3)      L’intervenante supportera ses propres dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Trstenjak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2005.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : le néerlandais.