Language of document : ECLI:EU:T:2005:363

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

19 octobre 2005 (*)

« Aides d’État – Application abusive d’aides – Risque de contournement de l’ordre de récupération – Récupération des aides auprès des sociétés ayant acquis les actifs d’exploitation du bénéficiaire initial »

Dans l’affaire T-318/00,

Freistaat Thüringen (Allemagne), représenté par Me M. Schütte, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

soutenu par

République fédérale d’Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et T. Jürgensen, en qualité d’agents, assistés de Me R. Bierwagen, avocat,

partie intervenante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. K.‑D. Borchardt et V. Kreuschitz, en qualité d’agents, assistés de M. C. Koenig, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

ODS Optical Disc Service GmbH, établie à Hambourg (Allemagne), représentée par Mes I. Brinker et U. Soltész, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2000/796/CE de la Commission, du 21 juin 2000, concernant l’aide d’État de l’Allemagne en faveur de CDA Compact Disc Albrechts GmbH (Thuringe) (JO L 318, p. 62),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. J. Azizi, président, R. García-Valdecasas, J. D. Cooke, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,

greffier : Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 5 mai 2004,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 87 CE dispose :

« 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre les États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions [...] »

2        L’article 88 CE prévoit :

« 1. La Commission procède avec les États membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun.

2. Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché commun aux termes de l’article 87, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine [...] »

3        Aux termes de l’article 5 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [88] CE (JO L 83, p. 1) :

« 1. Si la Commission considère que les informations fournies par l’État membre concerné […] sont incomplètes, elle demande tous les renseignements complémentaires dont elle a besoin. Si un État membre répond à une telle demande, la Commission informe l’État membre de la réception de la réponse.

2. Si l’État membre ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission, ou les lui fournit de façon incomplète, celle-ci lui adresse un rappel, en fixant un délai supplémentaire adéquat dans lequel les renseignements doivent être communiqués.

[…] »

4        En outre, l’article 6 du règlement n° 659/1999 prévoit :

« 1. La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai.

[…] »

5        Selon l’article 10 du règlement n° 659/1999 :

« 1. Lorsque la Commission a en sa possession des informations concernant une aide prétendue illégale, quelle qu’en soit la source, elle examine ces informations sans délai.

2. Le cas échéant, elle demande à l’État membre concerné de lui fournir des renseignements. L’[…]article 5, paragraphes 1 et 2, s’applique[…] mutatis mutandis.

3. Si, en dépit du rappel qui lui a été adressé en vertu de l’article 5, paragraphe 2, l’État membre concerné ne fournit pas les renseignements demandés dans le délai imparti par la Commission ou les fournit d’une façon incomplète, la Commission arrête une décision lui enjoignant de fournir lesdits renseignements (ci-après dénommée ‘injonction de fournir des informations’). Cette décision précise la nature des informations requises et fixe un délai approprié pour leur communication. »

6        L’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999 prévoit :

« L’examen d’une éventuelle aide illégale débouche sur l’adoption d’une décision au titre de l’article 4, paragraphes 2, 3 ou 4. Dans le cas d’une décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, la procédure est clôturée par voie de décision au titre de l’article 7. Au cas où un État membre omet de se conformer à une injonction de fournir des informations, cette décision est prise sur la base des renseignements disponibles. »

7        L’article 14 du même règlement dispose :

« 1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci-après dénommée ‘décision de récupération’). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice des Communautés européennes prise en application de l’article [242 CE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit communautaire. »

8        Par ailleurs, l’article 16 du règlement n° 659/1999, intitulé « Application abusive d’une aide », énonce :

« Sans préjudice de l’article 23, la Commission peut, en cas d’application abusive d’une aide, ouvrir la procédure formelle d’examen conformément à l’article 4, paragraphe 4. Les articles 6, 7, 9, 10, l’article 11, paragraphe 1, ainsi que les articles 12, 13, 14 et 15 s’appliquent mutatis mutandis. »

9        Enfin, la Commission a adopté, en 1994, des lignes directrices communautaires pour les aides d’État au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté (JO C 368, p. 12), modifiées en 1997 (JO C 283, p. 2) (ci-après les « lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration »).

 Faits à l’origine du litige

10      Par la décision 2000/796/CE, du 21 juin 2000, concernant l’aide d’État de l’Allemagne en faveur de CDA Compact Disc Albrechts GmbH (Thuringe) (ci-après la « décision attaquée »), la Commission s’est prononcée sur la légalité des concours financiers qui ont été octroyés par diverses entités publiques allemandes au cours des années 1991 à 1995 au profit d’une usine de production de disques compacts (ci-après les « CD ») et d’accessoires de CD, établie à Albrechts, dans le Land de Thuringe (ci-après l’« usine de CD à Albrechts »).

A –  Contexte général

11      Dans la décision attaquée, la Commission a distingué trois phases, à savoir, premièrement, la phase d’établissement de l’entreprise, deuxièmement, la phase de restructuration de l’entreprise et, enfin, le rachat de certains actifs de l’entreprise par la société MediaTec Datenträger GmbH (ci-après « MTDA »).

1.     Phase d’établissement de l’entreprise (de 1990 à 1992)

12      Il ressort de la décision attaquée que l’usine de CD à Albrechts a été créée en vertu d’un contrat de coentreprise conclu, le 20 février 1990, entre, d’une part, le combinat « VEB » (de propriété nationale) Robotron, établi à Dresde, dans le Land de Saxe (ci-après « Robotron »), et, d’autre part, la société R. E. Pilz GmbH & Co. Beteiligungs KG (ci-après « PBK »), une société faisant partie du groupe Pilz établi à Kranzberg, dans le Land de Bavière (ci-après le « groupe Pilz »). Le capital de l’entreprise commune, qui était alors dénommée « Pilz & Robotron GmbH & Co. Beteiligungs KG » (ci-après l’« entreprise commune »), était détenu à raison des deux tiers du capital par Robotron et à raison d’un tiers du capital par PBK. L’entreprise commune avait pour objet la fabrication de CD, de pochettes de CD et d’accessoires. M. Reiner Pilz, gérant du groupe Pilz, en assurait également la gestion (considérant 11 de la décision attaquée).

13      Afin de réaliser son objet social, l’entreprise commune a conclu, le 29 août 1990, un contrat d’entreprise générale avec la société Pilz GmbH & Co. Construction KG, une société appartenant au groupe Pilz (ci-après « Pilz Construction »), pour la construction d’une usine de production de CD clés en main pour un prix forfaitaire de 235,525 millions de marks allemands (DEM). À ces frais s’ajoutaient encore les coûts d’équipement du terrain, estimés à 7,5 millions de DEM (considérants 12 et 20 de la décision attaquée).

14      En outre, par avenant du 26 mai 1992, les deux associés de l’entreprise commune ont conclu un contrat prévoyant l’accroissement de la capacité de production de CD et de pochettes de CD. Le montant total des prestations et des fournitures requises à cet effet s’élevait à 39 millions de DEM (considérant 22 de la décision attaquée).

15      Afin de financer ces investissements, l’entreprise commune, Robotron et PBK ont emprunté les montants nécessaires auprès d’un consortium de banques. Ces crédits bancaires étaient soit partiellement, soit totalement couverts par des garanties de la Treuhandanstalt, agence publique chargée du financement de la privatisation des entreprises dans l’ex-République démocratique allemande (ci-après la « THA »), et du Land de Bavière. En outre, le Land de Thuringe et le Land de Bavière, ce dernier par le biais de la Bayerische Landesanstalt für Aufbaufinanzierung, agence du Land de Bavière pour le financement des infrastructures (ci-après la « LfA »), ont octroyé des subventions et des primes à l’investissement à l’entreprise commune.

16      Par ailleurs, durant la phase d’établissement de l’usine de CD à Albrechts, la propriété des parts sociales représentant le capital de l’entreprise commune a été transférée à plusieurs reprises. D’abord, en raison de la liquidation de Robotron par la THA en 1992, les parts sociales de l’entreprise commune détenues par cette société ont été revendues à PBK. Ensuite, PBK a, à son tour, transféré la quasi-totalité des parts sociales de l’entreprise commune qu’elle détenait à la société Pilz GmbH & Co. Compact Disc KG, une autre société faisant partie du groupe Pilz (ci-après « Pilz Compact Disc »), de sorte que l’entreprise commune est devenue une filiale de cette dernière. Enfin, le 24 novembre 1992, à la suite de ce transfert et du transfert de son siège social à Albrechts, l’entreprise commune a changé sa dénomination en Pilz Albrechts GmbH (ci-après « PA »). Elle a, immédiatement après ce transfert, été intégrée dans le système de gestion centralisée de la trésorerie du groupe Pilz (considérants 13 et 14 de la décision attaquée).

2.     Phase de restructuration (de 1993 à 1998)

17      L’usine de production de CD est entrée en activité en 1993. Dès le début de son exploitation, elle a connu de sérieuses difficultés et s’est lourdement endettée (considérant 15 de la décision attaquée).

18      Afin de remédier à cette situation, une convention d’assainissement a été conclue, le 7 mars 1994, entre le groupe Pilz (en ce compris PA), les banques et les entités publiques [la THA, la LfA, la Thüringer Industriebeteiligungsgesellschaft (ci-après la « TIB ») et la Thüringer Aufbaubank (ci-après la « TAB »)] ayant participé au financement de la construction de l’usine de CD à Albrechts. Dans le cadre de cette convention, une grande partie des crédits bancaires qui avaient été consentis aux fins de la construction de l’usine de production de CD a été, en tout ou en partie, remboursée. En outre, sur la base de la convention d’assainissement, le capital de PA a été acquis par la TIB – à hauteur de 98 % des parts sociales – et la TAB – à hauteur de 2 % des parts sociales –, avec effet rétroactif au 1er janvier 1994, et PA a, de ce fait, cessé de faire partie du groupe Pilz. À compter du mois d’octobre 1994, cette société a également changé de dénomination pour s’appeler CDA Compact Disc Albrechts GmbH (ci-après « CD Albrechts ») (considérants 15 et 17 de la décision attaquée). La TAB et la LfA ont, par ailleurs, consenti, en 1994 et en 1995, plusieurs crédits à CD Albrechts.

19      C’est également dans le courant de l’année 1994 que les autorités allemandes se sont aperçues qu’une grande partie des concours financiers qui avaient été consentis en vue de financer la construction de l’usine de CD à Albrechts avait été détournée, notamment dans le cadre du système de gestion centralisée de la trésorerie existant au sein du groupe Pilz, au profit des autres sociétés de ce groupe. En outre, le 25 juillet 1995, une procédure de faillite a été initiée sur les biens de toutes les sociétés du groupe Pilz. Enfin, M. Reiner Pilz a été condamné à une peine d’emprisonnement pour faillite frauduleuse et pour d’autres délits (considérant 16 de la décision attaquée).

3.     Rachat de certains actifs par MTDA

20      Avec effet au 1er janvier 1998, MTDA, une filiale à 100 % de la TIB qui est principalement active dans le domaine de la production de supports de données très performants, notamment les CD enregistrables (CD-ROM) et les DVD, a racheté une partie des actifs appartenant à CD Albrechts, à savoir des immobilisations, des valeurs d’exploitation, des valeurs réalisables à court terme ainsi que le savoir-faire technique et la distribution (considérant 18 de la décision attaquée).

21      Simultanément à ce rachat, la dénomination de CD Albrechts a été changée en LCA Logistik Center Albrechts GmbH (ci-après « LCA ») et celle de MTDA en CDA Datenträger Albrechts GmbH (ci-après « CDA »). LCA est toutefois restée propriétaire du terrain nécessaire à l’exploitation, des bâtiments qui s’y trouvent, de l’infrastructure technique ainsi que de la logistique. En outre, LCA et CDA ont conclu un contrat d’échange de prestations qui prévoit, d’une part, un contrat de location-gérance avec un loyer annuel de 800 000 DEM et, d’autre part, un contrat de prestation de services portant sur un volume de quelque 3 millions de DEM par an, lequel est fonction du volume des ventes (considérant 19 de la décision attaquée).

22      Enfin, le 22 septembre 2000, LCA a demandé sa mise en liquidation dans le cadre d’une procédure de faillite.

B –  Déroulement de la procédure administrative

23      Ayant appris par la presse que les autorités allemandes avaient accordé des aides pour la construction de l’usine de CD à Albrechts, la Commission a, dès le mois d’octobre 1994, demandé à la République fédérale d’Allemagne de lui faire parvenir des informations sur ces aides. Par la suite, un échange intense de courriers et diverses réunions ont eu lieu entre les autorités allemandes et la Commission (considérants 1 à 3 de la décision attaquée).

24      Par lettre du 17 juillet 1998 (ci-après la « décision d’ouverture »), la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne de sa décision d’ouvrir, en ce qui concerne ces aides, la procédure formelle d’examen prévue à l’article 88, paragraphe 2, CE. À cette lettre était annexée une liste de questions destinées aux autorités allemandes. La décision d’ouverture a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 15 décembre 1998 [Communication de la Commission adressée, en application de l’article [88, paragraphe 2,] CE, aux autres États membres et aux autres intéressés concernant l’aide accordée par le gouvernement allemand pour la création de CD Albrechts GmbH, en Thuringe (ancien [g]roupe Pilz, Bavière), JO C 390, p. 7].

25      Les autorités allemandes ont réagi à la décision d’ouverture par l’envoi de différents courriers contenant des compléments d’informations. Diverses réunions ont encore eu lieu entre ces autorités et des représentants de la Commission.

26      Toutefois, estimant que les informations transmises par les autorités allemandes ne constituaient pas une réponse satisfaisante à ses questions, la Commission a exigé, par lettre du 22 juillet 1999, qu’il y soit répondu au plus tard le 31 août 1999. Après avoir sollicité, par lettre du 28 juillet 1999, la prorogation de ce délai et après avoir eu un nouvel entretien avec des représentants de la Commission le 23 septembre 1999 à Bruxelles, les autorités allemandes ont remis un complément d’information.

27      Par ailleurs, après l’expiration du délai prévu dans la décision d’ouverture, la société CDA ainsi que la société Point Group Ltd, une concurrente de CDA, se sont manifestées en qualité de parties intéressées et ont soumis des observations à la Commission.

28      Enfin, le 21 juin 2000, la Commission a clos la procédure en adoptant la décision attaquée.

C –  Constatation des faits et appréciation juridique

29      La Commission a apprécié séparément les concours financiers qui ont été accordés par la République fédérale d’Allemagne respectivement durant la phase d’établissement, durant la phase de restructuration et, enfin, dans le cadre du rachat de certains actifs de CD Albrechts par MTDA.

1.     Concours financiers octroyés par la République fédérale d’Allemagne durant la phase d’établissement

30      Dans la décision attaquée, la Commission a identifié cinq concours financiers octroyés durant la phase d’établissement. Dans un tableau synoptique figurant au considérant 32 de la décision attaquée, elle les a décrits comme suit :

 

Nature du concours

Montant en millions de DEM

Bénéficiaire

Accordé par

Date

Base juridique

1

Garantie de bonne fin à 100 % (initialement 80 %) cautionnant 52,7 millions de DEM

54,7

PBK

LfA

1991

Loi sur la constitution de garanties et cautionnements publics de l’État libre de Bavière

2

Subventions et primes fiscales à l’investissement

19,42

Entreprise commune

LfA

1991/1992

Tâche d’intérêt commun « Amélioration de la structure économique régionale », loi sur les primes fiscales à l’investissement

3

Abandon de créance

3,0

PBK

LfA

1994

Néant

4

Cautionnement à 100 %

190,0

Robotron, entreprise commune

THA

199[2]

Régime de THA

5

Subventions et primes fiscales à l’investissement

63,45

Entreprise commune ; à partir du 24.11.1992, PA

Thuringe

1991 à 1993

Tâche d’intérêt commun « Amélioration de la structure économique régionale », loi sur les primes fiscales à l’investissement

Total

330,57


31      Il ressort, premièrement, de ce tableau que, en 1992, la THA a accordé, pour un montant de 190 millions de DEM, une garantie à 100 % qui couvrait la majeure partie des crédits bancaires consentis à Robotron et à l’entreprise commune. Selon la Commission, cette garantie doit être considérée comme une aide d’État incompatible avec le marché commun dans la mesure où elle n’a pas été octroyée conformément aux conditions énoncées dans les régimes d’aides approuvés par la Commission respectivement par lettre SG(91) D/17825, du 26 septembre 1991 (ci-après le « premier régime de la THA »), et par lettre SG(92) D/17613, du 8 décembre 1992 (ci-après le « deuxième régime de la THA »). Elle considère toutefois que, dans la mesure où, sur les 190 millions de DEM initialement garantis, seule la somme de 120 millions de DEM effectivement déboursée par la THA au titre de la garantie, doit être restituée.

32      Deuxièmement, la Commission a constaté que, jusqu’au 31 décembre 1993, le Land de Thuringe avait accordé à l’entreprise commune, puis à PA, au titre de l’« Investitionszulagengesetz » (loi sur les primes fiscales à l’investissement) et des vingtième et vingt et unième « Rahmenpläne der Gemeinschaftsaufgabe ‘Verbesserung der regionalen Wirtschaftstruktur’ » (programmes-cadres adoptés, pour les années 1992 et 1993, en application de la loi du 6 octobre 1969 relative à la tâche d’intérêt commun « Amélioration des structures économiques régionales », ci-après le « régime TIC »), des subventions et primes à l’investissement d’un montant total de 63,45 millions de DEM. Or, selon la Commission, cette aide à finalité régionale a été accordée à tort au titre de la tâche d’intérêt commun et de la loi sur les primes fiscales à l’investissement et, partant, étant incompatible avec le marché commun, elle doit être restituée. Compte tenu de la décision prise par le Land de Thuringe d’ordonner la restitution d’une somme de 32,5 millions de DEM, la Commission considère qu’une somme de 30,95 millions de DEM doit encore être récupérée.

33      Troisièmement, la Commission a constaté que, en 1991 et 1992, le Land de Bavière avait, par le biais de la LfA, octroyé à l’entreprise commune des subventions et des primes à l’investissement pour un montant total de 19,42 millions de DEM. Or, dans la mesure où ces subventions et primes ont été détournées au profit des sociétés du groupe Pilz, la Commission considère qu’elles ont été accordées à tort au titre du régime TIC et de la loi sur les primes fiscales à l’investissement. Selon la Commission, il s’agit, dès lors, d’aides incompatibles avec le traité CE.

34      Quatrièmement, la Commission a constaté que le Land de Bavière avait constitué, en application des « Richtlinien für die Übernahme von Staatsbürgschaften im Bereich der gewerblichen Wirtschaft » (directives régissant la constitution de garanties publiques pour le secteur de l’industrie, rendues publiques par la communication L 6811-1/7 – 43358 du ministère des Finances bavarois, du 7 août 1973, ci-après la « réglementation concernant l’octroi de garanties par le Land de Bavière »), une garantie portée de 80 à 100 % sur les crédits bancaires d’un montant total de 54,7 millions de DEM finalement obtenus par PBK. Selon la Commission, les autorités allemandes n’ont, malgré la demande de renseignements figurant dans la décision d’ouverture, pas fourni d’éléments suffisamment détaillés permettant de lever ses doutes en ce qui concerne la légalité des opérations relatives à la garantie octroyée par le Land de Bavière (la LfA). En outre, compte tenu du fait que l’aide en cause n’a pas servi au financement de l’investissement, mais a été détournée, elle estime que cette garantie doit être considérée comme une aide incompatible.

35      Cinquièmement, la Commission a considéré que l’abandon par la LfA de la créance de 3 millions de DEM qui était née à l’égard de PBK en raison du paiement de cette somme aux banques au titre de la garantie mentionnée au point 34 constituait une aide d’État. Selon elle, cette aide est incompatible avec le marché commun dans la mesure où elle a été octroyée sans fondement juridique.

36      Au vu de ces constatations, la Commission a conclu que, durant la phase d’établissement de l’usine de CD à Albrechts, la République fédérale d’Allemagne avait accordé, en violation de l’article 88, paragraphe 3, CE, des aides d’État pour un montant total de 260,57 millions de DEM. Ces aides se composent de concours du Land de Thuringe pour un montant de 63,45 millions de DEM, de la LfA pour un montant de 77,12 millions de DEM (54,7 millions de DEM sous forme de garantie, 19,42 millions de DEM sous forme de primes à l’investissement et 3 millions de DEM sous forme d’un abandon de créance), et de la THA pour un montant de 120 millions de DEM.

37      Selon la Commission, ces aides sont incompatibles principalement en raison du fait qu’elles ont avantagé les sociétés appartenant au groupe Pilz et qu’elles ont, de ce fait, été appliquées de façon abusive, au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

2.     Concours financiers octroyés durant la phase de restructuration

38      Dans la décision attaquée, la Commission a identifié et qualifié d’aide douze concours financiers octroyés durant la phase de restructuration de l’entreprise. Dans un tableau synoptique figurant au considérant 39 de la décision attaquée, ces concours sont présentés comme suit :

 

Nature du concours

Montant en millions de DEM

Bénéficiaire

Accordé par

Date

Base juridique

1

Crédit

25,0

PA

TAB

Octobre 1993

Néant

2

Crédit

20,0

PA

TAB

Mars 1994

Néant

3

Prix d’achat

3,0

PBK

TIB

Mars 1994

Néant

4

Subvention

12,0

PA

TIB

Mars 1994

Néant

5

Capital social

33,0

PA

TIB (98 %) TAB (2 %)

Mars 1994

Néant

6

Crédit

2,0

PA

LfA

Mars 1994

Néant

7

Prêt d’associé

3,5

PA

TIB

Avril 1994

Néant

8

Crédit

15,0

Groupe Pilz

LfA

Juin 1994

Néant

9

Crédit

15,0

CD Albrechts

TAB

Octobre 1994

Néant

10

Crédit

7,0

CD Albrechts

LfA

Décembre 1994

Néant

11

Crédit

9,5

CD Albrechts

TAB

Janvier 1995

Néant

12

Intérêts

21,3

 

 

Depuis la fin de 1993

 

Total

166,3


39      Premièrement, la Commission a constaté que, en octobre 1993, la TAB avait octroyé à PA un crédit de 25 millions de DEM afin de combler les insuffisances de trésorerie de cette société, mais que ces fonds avaient, par le biais du système de gestion centralisée de la trésorerie du groupe Pilz, été perçus directement par les autres sociétés de ce groupe.

40      Deuxièmement, la Commission a constaté que, en mars 1994, la TAB avait octroyé à PA un crédit de 20 millions de DEM afin de rembourser les crédits bancaires garantis par la THA, mais que ces fonds avaient également été perçus directement par les sociétés appartenant au groupe Pilz par le biais du système de gestion centralisée de la trésorerie.

41      Troisièmement, la Commission a constaté que, en mars 1994, la TIB avait versé à PBK un montant de 3 millions de DEM pour l’acquisition des parts sociales de PA détenues par cette société.

42      Quatrièmement, la Commission a constaté que, en mars 1994, la TIB avait octroyé une subvention sous la forme d’une dotation au capital de PA, pour un montant total de 12 millions de DEM.

43      Cinquièmement, la Commission a constaté que, en mars 1994, la TIB et la TAB avaient acquis respectivement 98 et 2 % du capital social de PA, représentant un montant de 33 millions de DEM.

44      Sixièmement, la Commission a constaté que, en mars 1994, le Land de Bavière avait consenti, par le biais de la LfA, un crédit de 2 millions de DEM à PA.

45      Septièmement, la Commission a constaté que, en avril 1994, la TIB avait consenti un prêt d’associé de 3,5 millions de DEM à PA.

46      Huitièmement, la Commission a constaté que, en juin 1994, la LfA avait consenti un crédit d’exploitation de 15 millions de DEM au groupe Pilz qui devait servir de relais dans l’attente de trouver un repreneur pour l’usine de CD à Albrechts.

47      Neuvièmement, la Commission a constaté que, en octobre 1994, la TAB avait consenti un crédit de 15 millions de DEM à CD Albrechts. Elle a observé que, bien qu’ayant été versés à CD Albrechts, ces fonds avaient servi à la prestation de services aux entreprises du groupe Pilz, prestations que celles-ci n’ont jamais rémunérées, de telle sorte que seules ces dernières entreprises avaient été avantagées.

48      Dixièmement, la Commission a constaté que, en décembre 1994, le Land de Bavière avait consenti, par le biais de la LfA, un nouveau crédit de 7 millions de DEM à CD Albrechts.

49      Onzièmement, la Commission a constaté que, en janvier 1995, la TAB avait consenti un crédit de 9,5 millions de DEM à CD Albrechts.

50      Douzièmement, la Commission a constaté que, d’après les informations des autorités allemandes, PA et CD Albrechts avaient bénéficié d’avantages sous la forme d’intérêts pour un montant total de 21,3 millions de DEM durant la période allant de la fin de 1993 à 1998.

51      Selon la Commission, les douze concours financiers décrits ci-dessus, pour un montant total de 166,3 millions de DEM, doivent être considérés comme des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché commun. En effet, dans la mesure où ces concours ont profité à la TIB et à la TAB après que ces sociétés eurent pris en charge la responsabilité économique de l’usine de CD à Albrechts, ils pouvaient uniquement être approuvés par la Commission sur le fondement de l’article 87, paragraphe 3, sous c), CE et conformément aux lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration. Or, selon la Commission, il est manifeste que lesdits concours ne satisfont pas à ces lignes directrices, dès lors que les renseignements dont elle dispose ne permettent pas d’établir qu’ils ont été accordés dans le cadre d’un plan de restructuration viable assorti de mesures internes concrètes permettant à la Commission de constater le rétablissement dans un délai raisonnable de la rentabilité et de la viabilité à long terme de l’entreprise. En outre, il ne s’est présenté aucun repreneur privé disposé à racheter les actuelles sociétés LCA et CDA, de sorte que, en l’absence de participation privée, il n’est pas possible de déterminer si l’aide est proportionnée aux coûts de la restructuration.

3.     Sur la récupération des aides

52      En application de l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, la Commission a décidé que la République fédérale d’Allemagne devait demander la restitution de l’aide illégale et incompatible avec le marché commun qui a été versée tant durant la phase d’établissement que durant la phase de restructuration de l’usine de CD à Albrechts.

53      En outre, la Commission a souligné que, afin d’assurer le respect de sa décision et l’élimination de toute distorsion de concurrence, elle était tenue, en cas de besoin, d’exiger que la procédure de récupération de l’aide ne soit pas limitée au destinataire initial de l’aide, mais soit étendue à l’entreprise qui poursuit l’activité de celui-ci à l’aide des moyens de production transférés. Elle a indiqué que, afin d’apprécier si une entreprise poursuit effectivement l’activité du destinataire initial de l’aide, elle tenait compte d’un certain nombre d’éléments, parmi lesquels l’objet du transfert, le prix d’acquisition, l’identité des associés et propriétaires de l’ancienne entreprise et celle du repreneur, la date de réalisation du transfert et le caractère commercial de celui-ci. Or, elle a estimé que, dans le cas d’espèce, LCA et CDA tiraient assurément profit de l’aide qui avait été accordée précédemment à PBK, à l’entreprise commune et à PA, puisqu’elles utilisaient les éléments d’actif et l’infrastructure de ces entreprises afin d’en poursuivre l’activité. Partant, elle a décidé que ces aides devaient être restituées par LCA, par CDA et par toutes les autres entreprises auxquelles les actifs de l’entreprise commune, de PA ou de PBK avaient été ou seraient transférés, celles-ci devant être considérées comme « bénéficiaires » de ces aides.

4.     Dispositif de la décision attaquée

54      Au vu de ces appréciations, la Commission a arrêté le dispositif suivant :

« Article premier

1. L’aide d’État accordée par l[a République fédérale d]’Allemagne [à PBK, à l’entreprise commune et à PA] aux fins de la construction, de l’exploitation et de la consolidation de l’usine de CD à Albrechts (Thuringe), a été utilisée dans d’autres secteurs du groupe Pilz pour un montant de 260,57 millions de DEM.

L’aide se compose des concours [du Land] de Thuringe pour un montant de 63,45 millions de DEM, de la [LfA] pour un montant total de 77,12 millions de DEM et de la [THA] pour un montant de 120 millions de DEM.

L’emploi abusif est constitué par l’application de l’aide de façon abusive au sens de l’article 88, paragraphe 2, [...] CE. En conséquence, l’aide est incompatible avec le traité CE.

2. Conformément à l’article 87, paragraphe 1, [...] CE, l’aide d’un montant total de 166,3 millions de DEM destinée à la restructuration de [CD Albrechts] n’est pas compatible avec les dispositions du traité CE.

Article 2

1. L[a République fédérale d]’Allemagne prend toutes les mesures qui s’imposent pour exiger du bénéficiaire la restitution de l’aide décrite à l’article 1er qui lui a été accordée illégalement.

2. Le recouvrement intervient conformément aux procédures nationales. Les sommes à recouvrer sont majorées des intérêts à compter de la date de versement de l’aide au bénéficiaire jusqu’à son remboursement effectif. Ces intérêts sont calculés sur la base du taux de référence applicable au calcul de l’équivalent-subvention des aides à finalité régionale.

3. Au sens du présent article, le terme ‘bénéficiaire’ désigne [CDA] et [LCA], ainsi que toutes les autres entreprises auxquelles les actifs et/ou l’infrastructure [de PBK], [de l’entreprise commune] ou [de PA] ont été ou seront transférés de telle sorte que les suites de la présente décision seront éludées [...] »

 Procédure et conclusions des parties

55      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 octobre 2000, le Land de Thuringe a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée. Ce recours a été enregistré sous le numéro T‑318/00.

56      Par ordonnance du 28 mai 2001 du président de la troisième chambre élargie du Tribunal, la République fédérale d’Allemagne a été admise à intervenir au soutien des conclusions du Land de Thuringe et ODS Optical Disc Service GmbH (ci-après « ODS »), une entreprise concurrente de CDA, a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

57      ODS et la République fédérale d’Allemagne ont déposé leur mémoire en intervention respectivement le 29 août et le 3 septembre 2001. Le 24 octobre 2001, le Land de Thuringe et la Commission ont déposé leurs observations sur les mémoires en intervention d’ODS et de la République fédérale d’Allemagne.

58      Par ordonnance du 30 septembre 2002, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé de suspendre la procédure jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour dans les affaires C‑328/99, Italie/Commission, et C‑399/00, SIM 2 Multimedia/Commission. Au vu de l’arrêt rendu le 8 mai 2003 dans ces affaires jointes, le Tribunal a demandé aux parties de se prononcer sur les suites à donner au présent recours. Ces observations ont été déposées les 23 et 24 juin 2003.

59      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a demandé aux parties de se prononcer sur l’opportunité d’une jonction éventuelle du présent recours avec le recours introduit par CDA et enregistré au greffe du Tribunal sous le numéro T‑324/00, ayant le même objet. Après réception des observations des parties, les affaires ont été jointes, par ordonnance du 8 mars 2004, aux fins de l’audience et de l’arrêt.

60      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé par écrit des questions.

61      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 5 mai 2004.

62      Par ordonnance du 23 juillet 2004, les affaires T‑318/00 et T‑324/00 ont été disjointes aux fins de l’arrêt.

63      Le Land de Thuringe conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, en ce qu’il déclare incompatible avec le marché commun des aides versées à l’entreprise commune et à PA, et annuler l’article 1er, paragraphe 2, et l’article 2, paragraphe 3, de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

64      La République fédérale d’Allemagne, partie intervenante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée.

65      La Commission, soutenue par ODS, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Land de Thuringe aux dépens.

 En droit

I –  Observations liminaires

66      À l’appui de son recours, le Land de Thuringe soulève plusieurs moyens tirés respectivement de la violation du principe du respect des droits de la défense, de la constatation erronée de certains faits, de la violation de l’obligation de motivation, de la violation des articles 87 CE et 88 CE ainsi que de leurs dispositions d’application, de la violation du principe de proportionnalité et, enfin, de la violation du principe de sécurité juridique et d’un « principe de certitude ».

67      Le Tribunal décide d’examiner, d’abord, les moyens invoqués à l’appui des conclusions tendant à l’annulation de l’article 1er de la décision attaquée. Ensuite, l’examen du Tribunal portera sur les moyens relatifs à l’ordre de récupération contenu à l’article 2 de la décision attaquée.

II –  Sur la légalité de l’article 1er de la décision attaquée

68      Le Land de Thuringe fait valoir, en substance, que l’article 1er de la décision attaquée est illégal en raison du fait que l’appréciation, par la Commission, des divers concours financiers qui ont été octroyés dans le cadre du projet d’usine de CD à Albrechts repose sur des erreurs de fait, est contraire à l’article 87, paragraphe 1, CE et à l’article 88, paragraphe 2, CE et qu’il ne satisfait pas à l’obligation de motivation.

69      Il convient, dès lors, d’examiner successivement, pour chacun des concours financiers qui ont été identifiés dans les tableaux repris aux points 30 et 38 ci-dessus, les moyens avancés par le Land de Thuringe.

70      Toutefois, le Tribunal estime nécessaire d’examiner, à titre liminaire, l’argumentation du Land de Thuringe selon laquelle la Commission n’aurait pas été en droit de se fonder sur les informations dont elle disposait au moment d’arrêter la décision attaquée.

A –  Sur la faculté de fonder la décision attaquée sur les informations disponibles

1.     Arguments des parties

71      Le Land de Thuringe considère que, dans le cas d’espèce, la Commission n’était pas en droit de fonder la décision attaquée sur les informations dont elle disposait au moment d’arrêter la décision attaquée. Il relève, d’abord, que, ainsi qu’il ressort de l’article 13, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement n° 659/1999 et d’une jurisprudence constante, la Commission ne peut fonder une décision sur les informations disponibles que lorsque l’État membre a omis de répondre ou n’a répondu que de manière incomplète à une injonction de fournir des informations qui lui a été adressée à cet effet par la Commission (arrêts de la Cour du 14 février 1990, France/Commission, dit « Boussac », C‑301/87, Rec. p. I‑307, points 19 et 22, et du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C‑324/90 et C‑342/90, Rec. p. I-1173, point 26). Il fait également observer que, même si les autorités nationales ont l’obligation de fournir à la Commission toutes les informations pertinentes aux fins d’assurer sa mission de contrôle des aides d’État, cette dernière a l’obligation de procéder, dans toute la mesure du possible, à l’éclaircissement des faits. Selon lui, cela implique que la Commission informe, de manière claire et précise, les autorités nationales de l’ensemble des données dont elle a besoin dans le cadre de sa mission et qu’elle ne procède à l’adoption d’une décision sur le fondement des informations disponibles que dans les cas extrêmes où, malgré ses demandes, elle ne parvient pas à obtenir les éclaircissements requis. Or, selon le Land de Thuringe, en l’espèce, les autorités allemandes ont répondu aux diverses demandes de renseignements de la Commission et, en particulier, aux questions figurant à l’annexe de la décision d’ouverture. Il remarque en effet que, à une exception près, les questions figurant dans la lettre de mise en demeure du 22 juillet 1999 ne correspondaient pas à celles qui figuraient à l’annexe de la décision d’ouverture, ce qui démontre, à son avis, que la procédure avait progressé dans l’intervalle. Selon lui, si la Commission estimait que les réponses aux questions qui figuraient à l’annexe de la décision d’ouverture étaient insuffisantes, elle aurait dû le préciser dans sa lettre du 22 juillet 1999. Partant, le Land de Thuringe considère que, dans la mesure où la Commission n’a pas demandé de telles précisions aux autorités allemandes, elle n’était pas en droit de fonder la décision attaquée sur les informations disponibles.

72      La Commission, soutenue par ODS, conteste l’allégation du Land de Thuringe.

2.     Appréciation du Tribunal

73      Il résulte de la jurisprudence que la Commission est habilitée à adopter une décision sur le fondement des informations disponibles lorsqu’elle est confrontée à un État membre qui ne satisfait pas à son devoir de collaboration et qui s’abstient de lui fournir les informations que celle-ci lui a demandées pour examiner la compatibilité d’une aide avec le marché commun (arrêts Boussac, point 71 supra, point 22, et Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, point 71 supra, point 26). Toutefois, avant de prendre une telle décision, la Commission doit respecter certaines exigences procédurales. En particulier, elle doit enjoindre à l’État membre de lui fournir, dans le délai qu’elle fixe, tous les documents, informations et données nécessaires pour examiner la compatibilité de l’aide avec le marché commun. Ce n’est que si l’État membre omet, nonobstant l’injonction de la Commission, de fournir les renseignements sollicités que celle-ci a le pouvoir de mettre fin à la procédure et de prendre la décision constatant la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide avec le marché commun sur la base des éléments dont elle dispose (arrêt Boussac, point 71 supra, points 19 et 22). Ces exigences ont été reprises et concrétisées à l’article 5, paragraphe 2, à l’article 10, paragraphe 3, et à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999.

74      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de rechercher si, dans le cas d’espèce, la Commission était en droit d’arrêter la décision attaquée en ne tenant compte que des informations dont elle disposait en juin 2000.

75      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler le déroulement de la procédure administrative dans la présente affaire.

76      Cette procédure a pour origine, en octobre 1994, l’envoi d’une lettre aux autorités allemandes. Dans cette lettre, la Commission demandait aux autorités allemandes de fournir des informations sur l’aide d’État accordée pour la construction d’une usine de CD à Albrechts. En réponse, les autorités allemandes ont, par lettre du 9 novembre 1994, notifié une aide du Land de Thuringe et du Land de Bavière en faveur de l’entreprise commune et du groupe Pilz. Par lettre du 15 novembre 1994, la Commission a demandé des renseignements plus précis sur cette aide. Les autorités allemandes y ont répondu, par lettre du 3 mars 1995, en complétant la notification par la communication de nouvelles aides accordées par la THA ainsi que par le Land de Thuringe et par le Land de Bavière. Dans la mesure où ces aides avaient déjà été octroyées, la Commission les a enregistrées sous le numéro NN 54/95 (considérant 2 de la décision attaquée). Par lettres du 1er août, du 16 octobre 1995 et du 25 novembre 1996, la Commission a posé des questions complémentaires auxquelles les autorités allemandes ont répondu par lettres du 22 août 1995, du 25 août 1995, du 18 janvier 1996 et du 17 avril 1997. En date du 3 février et du 22 et 23 septembre 1997, des rencontres ont eu lieu respectivement à Bruxelles et à Erfurt entre des représentants de la Commission et des autorités allemandes. Par lettre du 20 janvier 1998, ces dernières ont fait part de leurs observations récapitulatives à l’issue de la rencontre avec les représentants de la Commission (considérant 3 de la décision attaquée).

77      Dans la mesure où, après un examen préliminaire des renseignements transmis par les autorités allemandes, la Commission estimait que les mesures litigieuses suscitaient des doutes sérieux quant à leur compatibilité avec le marché commun, elle a, le 17 juillet 1998, adopté la décision d’ouverture.

78      Par cette décision, elle a, en outre, enjoint à la République fédérale d’Allemagne « de lui communiquer, dans un délai d’un mois à compter de la réception de [ladite décision], tous les documents, informations et données nécessaires à une appréciation de la compatibilité des aides avec l’article [87 CE] ». Une annexe comportant sept questions était jointe à la décision d’ouverture.

79      Par lettre du 26 août 1998, la République fédérale d’Allemagne a réagi à la décision d’ouverture. Le 15 octobre 1998, une nouvelle rencontre a eu lieu à Bruxelles entre des représentants de la Commission et des autorités allemandes. Par courrier du 11 novembre 1998, ces dernières ont remis un complément d’informations.

80      Estimant que les renseignements transmis étaient encore insuffisants, la Commission a, par lettre du 4 mars 1999, une nouvelle fois enjoint les autorités allemandes à fournir les informations nécessaires et, en particulier, à répondre aux questions annexées à la décision d’ouverture.

81      En réponse à cette nouvelle injonction, les autorités allemandes ont, par lettres des 30 mars, 1er avril et 16 avril 1999, communiqué des renseignements complémentaires.

82      La Commission a toutefois considéré que ces informations ne constituaient toujours pas une réponse suffisante aux questions figurant à l’annexe de la décision d’ouverture (en particulier, les questions nos 3 à 7 de l’annexe). Elle a, dès lors, par lettre du 22 juillet 1999, exigé qu’il y soit répondu au plus tard le 31 août 1999. En outre, elle a demandé à la République fédérale d’Allemagne de lui fournir des informations et des documents supplémentaires.

83      Après avoir sollicité, par lettre du 28 juillet 1999, la prorogation du délai fixé par la Commission et après avoir eu un nouvel entretien avec des représentants de cette dernière le 23 septembre 1999 à Bruxelles, les autorités allemandes ont remis un complément d’informations le 28 septembre et le 19 octobre 1999.

84      Enfin, la Commission a adopté la décision attaquée le 21 juin 2000.

85      S’agissant de l’argument du Land de Thuringe selon lequel les autorités allemandes auraient communiqué l’ensemble des informations demandées de sorte que la Commission n’aurait pas été en droit de se fonder sur les informations disponibles, il convient de constater, à titre liminaire, qu’il ressort clairement du déroulement de la procédure administrative que la Commission a respecté les exigences procédurales établies par la jurisprudence et prévues au règlement n° 659/1999. En effet, à trois reprises, elle a enjoint formellement à la République fédérale d’Allemagne de lui fournir les informations nécessaires pour pouvoir apprécier la compatibilité des aides litigieuses avec le marché commun.

86      En outre, contrairement à ce qu’affirme le Land de Thuringe, il ne ressort pas de la lettre de la Commission du 22 juillet 1999 que les autorités allemandes ont répondu à toutes les questions à l’exception d’une seule. Dans cette lettre, la Commission a, bien au contraire, instamment demandé aux autorités allemandes de répondre aux questions nos 3 à 7 figurant à l’annexe de la décision d’ouverture.

87      Ensuite, le Land de Thuringe n’a pas démontré que les autorités allemandes ont répondu exhaustivement à toutes les questions formulées par la Commission à l’annexe de la décision d’ouverture. En particulier, il n’a pas établi que ces autorités ont produit la liste précise des aides qui ont été octroyées depuis 1991, pourtant demandée à plusieurs reprises par la Commission. De même, il n’a pas fourni la preuve que ces autorités ont répondu à la question relative à l’existence d’éventuels plans de restructuration. En outre, il ressort du dossier que ce n’est que de manière vague que ces autorités ont répondu à la question relative à la description des transactions qui ont été conclues dans le cadre de la reprise de l’entreprise commune par la TAB et la TIB ainsi qu’à la question relative à la description des circonstances et conditions de l’abandon de crédits par les banques privées en 1994.

88      À cet égard, il convient également de rappeler que, selon l’article 6, paragraphe 1, du règlement n° 659/1999, « [l]a décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun ». Par cette décision et sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, l’État membre et les autres parties intéressées sont informés des faits sur lesquels la Commission entend fonder sa décision. Il en résulte que, si ces parties considèrent que certains faits qui sont repris dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen sont erronés, ils doivent le faire savoir à la Commission durant la procédure administrative sous peine de ne plus pouvoir contester ces faits dans le cadre de la procédure contentieuse (voir, en ce sens, en ce qui concerne l’État membre, l’arrêt de la Cour du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, Rec. p. I‑4103, point 31). En revanche, conformément aux principes jurisprudentiels et réglementaires énoncés au point 73 ci-dessus, en l’absence d’informations contraires de la part des parties concernées, la Commission est habilitée à se fonder sur les faits, même erronés, dont elle dispose au moment de l’adoption de la décision finale, dans la mesure où les éléments de fait concernés ont fait l’objet d’une injonction de la Commission vis-à-vis de l’État membre de lui fournir les informations nécessaires. Si, en revanche, elle s’abstient d’enjoindre à l’État membre de lui transmettre des informations sur les faits qu’elle entend retenir, elle ne saurait, par la suite, justifier d’éventuelles erreurs de fait en faisant valoir qu’elle était fondée, au moment d’arrêter la décision mettant fin à la procédure formelle d’examen, à ne retenir que les éléments d’information dont elle disposait alors.

89      Contrairement à ce que suggère le Land de Thuringe, la Commission n’est pas, pour autant, soustraite à tout contrôle juridictionnel en ce qui concerne la constatation des faits. En effet, si l’État membre a satisfait pleinement à son obligation de transmettre toutes les informations demandées par la Commission, il lui sera particulièrement aisé de démontrer, à l’aide des informations qu’il a transmises dans le cadre de la procédure, que les éventuelles erreurs de fait qui figurent dans la décision attaquée ne lui sont pas imputables. En outre, lorsque la Commission fonde une décision sur les informations disponibles concernant certains éléments de fait sans avoir, à cet égard précis, respecté les exigences procédurales reconnues par la jurisprudence et reprises dans le règlement n° 659/1999, le Tribunal peut exercer son contrôle concernant la question de savoir si la prise en compte de ces éléments factuels a été susceptible de donner lieu à une erreur d’appréciation viciant la légalité de la décision attaquée.

90      Or, dans les conditions énoncées aux points 85 à 88 ci-dessus et eu égard notamment aux trois injonctions adressées par la Commission au Land de Thuringe durant la procédure administrative, celui-ci n’a pas établi que la Commission a pris en compte, dans la décision attaquée, des éléments de fait sans avoir respecté les exigences procédurales requises à cet égard. En conséquence, la Commission était en droit de se fonder, lors de l’adoption de la décision attaquée, sur les informations dont elle disposait.

91      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent grief.

B –  Sur la garantie octroyée par le Land de Bavière (la LfA) à PBK

1.     Arguments des parties

92      Le Land de Thuringe fait valoir, en premier lieu, que la Commission a commis une erreur de fait en ce qui concerne ce concours. Il souligne, en effet, que, contrairement à ce que la Commission a constaté au considérant 30 de la décision attaquée, la garantie du Land de Bavière, qui couvrait initialement 80 % des crédits bancaires accordés à PBK, n’a pas été transformée en une garantie couvrant 100 % des crédits pour un montant total de 54,7 millions de DEM. Il relève, en particulier, que le montant de 54,7 millions de DEM auquel se réfère la Commission correspond à la valeur en compte des crédits (intérêts non compris) qui étaient garantis à 80 % par le Land de Bavière au moment de la conclusion de la convention d’assainissement en mars 1994. Selon lui, contrairement à ce que la Commission a constaté dans la décision attaquée, le Land de Bavière n’a pas accepté de garantir ce montant à 100 %. Bien au contraire, dans le cadre de la convention d’assainissement, le montant total des crédits garantis par le Land de Bavière a été réduit, d’une part, à la suite du renoncement par les banques au remboursement des crédits garantis à concurrence de 12 millions de DEM et, d’autre part, à la suite de diverses interventions du Land de Bavière. Il souligne que c’est uniquement le montant résiduel, à savoir 41,4 millions de DEM, que, dans le cadre de la convention d’assainissement, le Land de Bavière (la LfA) a accepté de garantir à 100 % et que, en 1995, la LfA a dû honorer sa garantie dans sa totalité par paiement de la somme correspondante aux banques. Il précise, en outre, que la créance du Land de Bavière sur l’entreprise commune pour un montant de 41,4 millions de DEM résultant de ce paiement ainsi que d’autres créances du Land de Bavière sur cette société pour un montant de 9 millions de DEM ont finalement été rachetées par la TAB, le 7 novembre 1995, pour un montant de 15 millions de DEM. Selon lui, cette créance de la TAB sur l’entreprise commune a été totalement remboursée par CDA après qu’elle eut acquis les actifs de LCA.

93      Le Land de Thuringe souligne que ces informations ont été communiquées à la Commission par les autorités allemandes dans le cadre de la procédure administrative. Il relève en effet qu’il ressort clairement des lettres du 18 janvier 1996 et du 30 mars 1999 que la garantie du Land de Bavière qui couvrait initialement 80 % des crédits bancaires accordés à PBK n’a pas été transformée en une garantie couvrant 100 % des crédits pour un montant total de 54,7 millions de DEM. En effet, d’après lui, l’octroi de cette prétendue garantie à 100 % était en réalité une intervention au titre de la garantie initiale et ne couvrait, en outre, qu’un montant résiduel de 41,4 millions de DEM. Selon lui, la Commission s’est abstenue, à tort, de faire une constatation à cet égard alors que cet élément était déterminant, puisqu’il permettait d’établir que l’octroi de la garantie à 100 % par le Land de Bavière dans le cadre de la convention d’assainissement ne constituait pas une aide nouvelle, mais bien une intervention au titre d’une aide existante, accordée dans le cadre d’un régime d’aides autorisé.

94      Le Land de Thuringe souligne, par ailleurs, qu’il découle de ces informations que, contrairement à ce que la Commission a constaté au considérant 30 de la décision attaquée, la LfA n’a pas versé un montant de 54,7 millions de DEM, augmenté de 7 millions de DEM, dans le cadre de son intervention au titre de la garantie. En effet, selon le Land de Thuringe, la LfA a tout au plus déboursé un montant de 48,4 millions de DEM, puisque, en mars 1994, elle a payé 3 millions de DEM aux banques et a octroyé à PA deux prêts de 2 millions de DEM chacun – l’un pour rembourser les crédits garantis et l’autre pour garantir le paiement des intérêts futurs sur ces crédits –, et que, en 1995, elle a payé 41,4 millions de DEM aux banques. Il estime que la différence entre ce montant de 48,4 millions de DEM et le montant de 54,7 millions de DEM repris au considérant 30 de la décision attaquée s’explique notamment par le fait que la Commission a pris en compte certains montants deux fois, à savoir une première fois en tant que montant garanti par le Land de Bavière et une seconde fois en tant que montant versé par la LfA au titre de cette garantie.

95      Le Land de Thuringe fait valoir, en deuxième lieu, que la Commission a violé l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où elle a erronément considéré aux considérants 89 à 93 de la décision attaquée que, en raison de sa transformation en une garantie à 100 %, la garantie litigieuse ne remplissait plus les conditions prévues par la réglementation relative à l’octroi de garanties par le Land de Bavière.

96      En dernier lieu, le Land de Thuringe considère que la Commission a violé l’obligation de motivation, dans la mesure où elle n’a pas fourni de motivation à l’appui de sa constatation selon laquelle la garantie du Land de Bavière n’était pas conforme à la réglementation applicable.

97      La Commission, soutenue par ODS, considère que l’ensemble de l’argumentation du Land de Thuringe, en ce qui concerne la garantie du Land de Bavière, doit être rejeté comme non fondé.

98      D’une part, elle conteste avoir commis une erreur dans la constatation des faits en ce qui concerne cette garantie. Elle relève, d’abord, que, malgré l’injonction adressée aux autorités allemandes, celles-ci se sont abstenues de clarifier les faits en ce qui concerne ce concours. Elle fait observer, en effet, que, dans la lettre du 30 mars 1999, les autorités allemandes se sont contentées d’estimer « logique » l’augmentation de la garantie de 80 à 100 %, mais n’ont fourni aucune explication à cet égard. Elle considère dès lors qu’elle était en droit, selon l’arrêt de la Cour du 30 juin 1992, Italie/Commission, dit « Italgrani » (C‑47/91, Rec. p. I‑4145), de prendre sa décision au vu des informations disponibles. Or, selon la Commission, il ressortait de ces informations que l’octroi effectif de la garantie ne correspondait pas, du fait de sa transformation, aux conditions initiales prévues par la réglementation relative à l’octroi de garanties par le Land de Bavière. Elle remarque en effet que, dès lors que ce régime d’aides, qui avait été approuvé préalablement par la Commission, prévoyait que la garantie ne pouvait couvrir au maximum que 80 % des crédits, la garantie du Land de Bavière aurait dû être réduite en conséquence du renoncement par les banques au remboursement des crédits à concurrence de 12 millions de DEM. En outre, elle fait valoir que ni les autorités allemandes ni le Land de Thuringe n’ont été en mesure d’expliquer l’augmentation du montant garanti de 52,72 à 54,72 millions de DEM. Enfin, la Commission relève que, à supposer même que le Land de Thuringe ait raison lorsqu’il affirme que le risque garanti s’était réalisé au moment où le Land de Bavière s’est engagé à garantir le montant restant à 100 %, il n’en demeure pas moins que le Land de Bavière n’aurait dû couvrir le nouveau montant exigible qu’à concurrence de 80 %.

99      D’autre part, elle considère que c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir qu’elle a violé l’article 87, paragraphe 1, CE et l’obligation de motivation en ce qui concerne l’appréciation juridique de la garantie du Land de Bavière.

2.     Appréciation du Tribunal

100    Le Land de Thuringe conteste la légalité de l’article 1er de la décision attaquée en ce qu’il qualifie d’aide d’État incompatible avec le marché commun un concours financier octroyé par la LfA sous la forme d’une garantie d’emprunt à concurrence d’un montant de 54,7 millions de DEM, motifs pris d’une erreur de fait, de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et de la violation de l’obligation de motivation.

101    À cet égard, il convient d’examiner, d’abord, si la Commission a commis une erreur de fait en constatant au considérant 30 de la décision attaquée que, « [e]n raison de l’octroi d’aides à finalité régionale aussi importantes, la valeur en compte du crédit du pool bancaire, soit 65,85 millions de DEM, a finalement été fixée à 54,7 millions de DEM seulement » et que « la LfA a constitué une garantie de bonne fin cautionnant alors 100 % de ce montant au lieu des 80 % initialement prévus ».

102    Ainsi qu’il a été souligné au point 88 ci-dessus, tel ne saurait être le cas que si le Land de Thuringe est en mesure de démontrer que, dans le cadre de la procédure administrative, la Commission a obtenu les informations nécessaires lui permettant de corriger l’éventuelle inexactitude des faits récapitulés dans la décision d’ouverture.

103    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 2.2.1, troisième alinéa, de la décision d’ouverture, la Commission a indiqué que «[l]e Land de Bavière a constitué pour ce crédit une garantie de bonne fin sur la base d’un régime d’aide autorisé » et que « cette garantie couvrait 80 % de son montant, soit 52,72 millions de [DEM] ». Au cinquième alinéa du même point, la décision d’ouverture énonce ce qui suit :

« Étant donné que [PBK] a bénéficié, en réalité, de subventions et de primes à l’investissement plus élevées que prévu, le crédit de 65,85 millions de [DEM] accordé par le consortium bancaire n’a été versé qu’à hauteur de 54,7 millions de [DEM]. Dès lors, en 1994, le Land de Bavière a modifié sa garantie, qui portait initialement sur 80 % du montant des crédits (52,72 millions de [DEM]), en une garantie à 100 % (54,7 millions de [DEM]) [...] »

104    Enfin, dans le cadre de son appréciation provisoire des aides, la décision d’ouverture indique que « [l]a Commission a également des doutes sérieux quant à savoir si les mesures prises dans le cadre de cette garantie, c’est-à-dire sa transformation en une garantie de bonne fin de 100 % et l’augmentation du montant garanti de 52,72 millions [de DEM] à 54,7 millions de [DEM], relèvent [d’un régime d’aides approuvé] » (point 3.1.1, premier alinéa, de la décision d’ouverture).

105    Il ressort clairement de ces développements que, au stade de l’ouverture de la procédure, la Commission avait déduit des informations dont elle disposait que, d’une part, en 1994, la garantie du Land de Bavière couvrant initialement 80 % des crédits avait été transformée en une garantie à 100 % et, d’autre part, que le montant garanti avait été augmenté de 52,72 à 54,7 millions de DEM.

106    Or, il doit être souligné que, dans la lettre du 30 mars 1999, les autorités allemandes ont pris position à l’égard de cette présentation des faits en ce qui concerne la garantie du Land de Bavière. Elles ont, en effet, souligné que, dans le cadre de la convention d’assainissement, les banques ont accepté de renoncer à un montant de 12 millions de DEM sur les crédits couverts par cette garantie et que, en raison de ce renoncement, leur risque propre sur ces crédits était complètement couvert, de sorte que « le montant résiduel des crédits est, en conséquence, resté couvert à 100 % par la garantie du Land de Bavière ». Elles ont, en outre, rappelé l’évolution des crédits couverts par cette garantie. Il ressort de cette description que, avant le renoncement des banques dans le cadre de la convention d’assainissement, le montant total des crédits couverts par la garantie du Land de Bavière était de 58,4 millions de DEM. À la suite du renoncement des banques pour un montant de 12 millions de DEM, de l’intervention du Land de Bavière au titre de sa garantie pour un montant de 3 millions de DEM et de l’octroi d’un prêt d’un montant de 2 millions de DEM, consenti par la LfA à PA pour rembourser des emprunts, le montant de la garantie a été réduit à 41,4 millions de DEM.

107    Au vu de ces informations, qui ne sont pas contredites de manière circonstanciée par la Commission et ne sont démenties par aucune des pièces du dossier, il convient de conclure que c’est à tort que la Commission a constaté, en substance, au considérant 30 de la décision attaquée que le montant garanti avait été augmenté de 52,72 à 54,7 millions de DEM.

108    En ce qui concerne les conséquences de cette erreur factuelle, il convient de souligner que c’est sur la base de la constatation reprise au considérant 30 de la décision attaquée que la Commission a estimé que le montant de l’aide à récupérer au titre de la garantie du Land de Bavière s’élevait à 54,7 millions de DEM (considérants 89 à 93 et 123 de la décision attaquée). Il en résulte que, en raison de l’erreur de fait susvisée, la Commission a erronément fixé le montant de l’aide à récupérer.

109    À cet égard, le Tribunal considère également qu’il ne dispose pas de tous les éléments lui permettant d’exercer son contrôle sur le bien-fondé de la décision attaquée et qu’il est donc nécessaire pour lui de soulever d’office le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée sur ce point (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 février 1997, Commission/Daffix, C‑166/95 P, Rec. p. I-983, point 24 ; arrêts du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T‑61/89, Rec. p. II-1931, point 129, et du 8 juillet 2004, Mannesmannröhren-Werke/Commission, T‑44/00, non encore publié au Recueil, point 210). En effet, la motivation figurant aux considérants 30, 32 et 89 de la décision attaquée fait obstacle à l’exercice par le Tribunal de son contrôle, en ce qu’elle n’explique pas de manière précise et cohérente la façon dont la Commission a établi le lien entre, premièrement, le montant des crédits bancaires, ramené de 65,58 à 54,7 millions de DEM (considérant 30 de la décision attaquée), deuxièmement, le montant de la garantie accordée par la LfA, passé de 80 % des crédits à 100 % des crédits (considérants 30 et 32 de la décision attaquée), et, troisièmement, le montant de la garantie octroyée, étendu de 52,72 à 54,7 millions de DEM (considérants 30 et 89 de la décision attaquée), pour justifier son calcul de la valeur respective des aides en question et pour arriver à sa conclusion erronée mentionnée au point 108 ci-dessus. En outre, dans la décision attaquée, la Commission n’a ni répondu aux arguments de la République fédérale d’Allemagne, avancés dans les lettres des autorités allemandes du 18 janvier 1996 et du 30 mars 1999, selon lesquels les créances du Land de Bavière ont finalement été rachetées par la TAB pour un montant de 15 millions de DEM, ni motivé son appréciation quant à l’éventuel impact de cette transaction sur la valeur et le remboursement des aides en question. Dans ces circonstances, il convient de constater que, à ces différents titres, la Commission a également violé l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE.

110    Il convient ensuite d’examiner si la Commission a également violé l’article 87, paragraphes 1 et 2, CE dans le cadre de son appréciation juridique de ce concours financier. À cet égard, il convient de rappeler que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission aurait constaté à tort que les conditions énoncées dans la réglementation relative à l’octroi de garanties par le Land de Bavière n’ont pas été respectées parce que, d’une part, il y a eu transformation de la garantie initiale en une garantie à 100 % et, d’autre part, les crédits couverts par cette garantie ont été détournés au profit du groupe Pilz. Selon le Land de Thuringe, c’est ainsi sans fondement que la Commission en a déduit que la garantie du Land de Bavière était dès le départ incompatible avec le marché commun.

111    Il convient de rappeler, tout d’abord, que, aux considérants 89 à 93 de la décision attaquée, la Commission a explicité les raisons qui l’ont amenée à exiger la récupération du montant de l’aide que représente la garantie du Land de Bavière. Ainsi, après avoir souligné, au considérant 89, que les informations incomplètes des autorités allemandes n’avaient pas permis de lever les doutes quant à la transformation de la garantie initiale, la Commission a constaté que, contrairement aux exigences de la réglementation sur l’octroi de garanties par le Land de Bavière, « l’aide en question n’a manifestement pas servi au financement de l’investissement qui a fait l’objet de la demande de concours, et l’investisseur n’a pas participé par ses fonds propres, dans une juste proportion, au coût du financement de l’investissement » (considérants 90 et 91). En outre, elle a relevé que les déclarations des autorités allemandes, selon lesquelles les crédits garantis n’ont majoritairement avantagé que les sociétés du groupe Pilz, permettent de conclure à un emploi abusif de l’aide (considérant 92). Elle a dès lors conclu que « l’aide n’a pas profité au projet d’investissement pour la construction d’une usine de CD, mais a servi au soutien de l’ensemble du groupe Pilz et a donc été appliquée de façon abusive au sens de l’article 88, paragraphe 2, du traité CE » et que, « [e]n conséquence, l’aide n’est pas conforme aux dispositions du traité CE et doit être annulée et récupérée par les autorités allemandes » (considérant 93).

112    Premièrement, il ressort clairement de ces motifs que c’est en raison de l’application abusive de l’aide octroyée dans le cadre de la garantie du Land de Bavière que la Commission a considéré que cette aide devait être récupérée. Ainsi que la Commission le souligne à juste titre, la question de la transformation de la garantie initiale en une garantie à 100 % n’a été évoquée que de manière subsidiaire et ne constitue en aucun cas le fondement de l’appréciation de la Commission dans ce contexte.

113    Deuxièmement, il convient de souligner que la notion d’application abusive résulte directement de l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE lequel énonce que « [s]i, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État […] est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine ». En outre, l’article 1er, sous g), du règlement n° 659/1999, définit la notion d’« aide appliquée de façon abusive » comme étant « une aide utilisée par le bénéficiaire en violation d’une décision prise en application de l’article 4, paragraphe 3, ou de l’article 7, paragraphes 3 et 4, du[dit] règlement ».

114    Il résulte de ces dispositions que, afin de démontrer qu’une aide octroyée conformément à un régime d’aide autorisé a été appliquée de manière abusive, la Commission doit établir que cette aide a été utilisée en violation de ce régime tel qu’approuvé par la Commission, c’est-à-dire en violation des règles nationales régissant ce régime ou des conditions supplémentaires qui ont été acceptées par l’État membre dans le cadre de l’approbation du régime par la Commission.

115    Or, force est de constater que, en l’espèce, la Commission a clairement établi que la garantie du Land de Bavière a été utilisée en violation de la réglementation concernant l’octroi de garanties par le Land de Bavière. Elle a, d’abord, rappelé, au considérant 90 de la décision attaquée, que, en vertu de ce régime, le Land de Bavière octroie des garanties afin de couvrir les crédits destinés au financement d’investissements (construction, agrandissements, etc.) et que, pour pouvoir bénéficier de cette garantie, l’entreprise éligible doit participer, dans une juste proportion, au financement du projet par ses fonds propres et, en assurant le financement total du projet, veiller au paiement des intérêts et au remboursement des crédits dans des délais raisonnables. Ensuite, elle a constaté que, d’une part, « l’essentiel de l’aide en question n’a manifestement pas servi au financement de l’investissement qui a fait l’objet de la demande de concours, et l’investisseur n’a pas participé par ses fonds propres, dans une juste proportion, au coût du financement de l’investissement » (considérant 91) et, d’autre part, « ces crédits cautionnés par la garantie publique […] n’ont majoritairement avantagé que les sociétés du groupe Pilz » (considérant 92).

116    Au vu de ce qui précède, le fait que la garantie a été initialement octroyée en conformité avec le régime d’aide est sans pertinence. En effet, ainsi que la Commission le souligne à juste titre, ce n’est pas l’octroi initial de l’aide, mais bien son utilisation ultérieure en violation des dispositions d’un régime d’aides autorisé qui constitue une application abusive de l’aide. En outre, il ressort clairement de l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE que le constat de l’application abusive constitue un critère distinct et indépendant de celui de la compatibilité avec le marché commun justifiant de ce fait, à lui seul, une décision de la Commission ordonnant la suppression ou la modification d’une aide. Contrairement à ce qu’allègue le Land de Thuringe, c’est dès lors à bon droit que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas inclus de motifs visant à démontrer l’incompatibilité de la garantie du Land de Bavière avec le marché commun. Il en résulte par ailleurs que la Commission a satisfait à son obligation de motivation à cet égard au titre de l’article 253 CE.

117    Dès lors, les arguments du Land de Thuringe quant à la prétendue violation de l’article 87 CE doivent être rejetés comme non fondés.

118    Au vu de tout ce qui précède, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé en ce que la Commission y a considéré que l’aide d’État octroyée dans le cadre de la construction de l’usine de CD à Albrechts inclut un montant de 54,7 millions de DEM au titre de la garantie du Land de Bavière.

C –  Sur l’abandon de créance de 3 millions de DEM accordé par le Land de Bavière (la LfA) à PBK

1.     Arguments des parties

119    Le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a erronément constaté au considérant 96 de la décision attaquée que PBK a bénéficié d’une aide en raison de l’abandon par la LfA de sa créance de 3 millions de DEM à l’égard de cette entreprise. Il relève, en effet, que, par cette constatation, la Commission fait abstraction du fait qu’elle a déjà pris en compte ce montant en tant qu’aide dans le cadre de l’appréciation de la garantie accordée par le Land de Bavière – à savoir le montant de 54,72 millions de DEM. Or, ainsi que les autorités allemandes l’ont fait savoir à la Commission dans le cadre de la procédure par lettres du 3 mars 1995 et du 30 mars 1999, la naissance de cette créance à l’égard de PBK résulte précisément du paiement d’une somme correspondante aux banques afin de réduire le montant des crédits couverts par la garantie initiale.

120    Il fait valoir, ensuite, que la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant dans la décision attaquée que l’abandon de la créance de 3 millions de DEM par la LfA constitue une aide nouvelle. Il relève, en effet, que, ainsi que souligné au point précédent, ce concours a servi au remboursement des crédits bancaires qui avaient été alloués aux fins de la construction de l’usine de CD à Albrechts et qui étaient couverts par la garantie du Land de Bavière. En tout état de cause, il estime que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait que l’abandon par la LfA de la créance de 3 millions de DEM au profit de PBK constituait une aide incompatible avec le marché commun.

121    La Commission, soutenue par ODS, conteste l’ensemble de l’argumentation du Land de Thuringe en ce qui concerne l’abandon de créance de 3 millions de DEM. Elle relève, d’abord, qu’elle n’a pas commis d’erreur de fait ou de droit concernant ce concours, puisque ce n’est pas l’intervention au titre de la garantie qui a été qualifiée d’aide supplémentaire, mais bien l’abandon ultérieur de la créance née de cette intervention. Elle souligne d’ailleurs que, bien que cet abandon ait déjà été qualifié d’aide lors de l’ouverture de la procédure formelle d’examen, notamment dans le tableau figurant à la page 9 de la décision d’ouverture, les autorités allemandes ne s’y sont pas opposées par la suite. En outre, la Commission estime qu’elle a respecté son obligation de motivation en ce qui concerne cette aide. Elle relève en effet que, au considérant 96 de la décision attaquée, elle a constaté, en se fondant sur les renseignements lacunaires transmis par les autorités allemandes, qu’il s’agissait d’une aide qui avait été octroyée sans fondement juridique et qui, dès lors, était incompatible avec le marché commun.

2.     Appréciation du Tribunal

122    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne l’abandon par la LfA de sa créance de 3 millions de DEM à l’égard de PBK, une erreur de fait, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

123    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, au considérant 96 de la décision attaquée, la Commission a constaté que « [l]a renonciation au remboursement d’un crédit de 3 millions de DEM […] doit, elle aussi, être considérée comme une aide incompatible qui doit être restituée, car elle a été octroyée sans fondement juridique ».

124    Selon le Land de Thuringe, cette constatation repose sur une erreur de fait et sur une appréciation juridique erronée dans la mesure où, en prenant en compte aussi bien le montant total de la garantie du Land de Bavière (54,7 millions de DEM) que le montant de la créance que ce dernier a décidé de ne pas récupérer auprès de PBK (3 millions de DEM), la Commission a pris en compte deux fois la même aide. En tout état de cause, la Commission aurait violé l’obligation de motivation en n’exposant pas les raisons pour lesquelles elle considérait l’abandon de la créance comme une aide incompatible avec le marché commun.

125    À cet égard, il convient de rappeler que tant l’existence que l’importance d’une aide doivent être appréciées, compte tenu de la situation au moment de son octroi. Partant, le fait qu’une garantie publique soit mise en jeu en cas de défaillance de l’entreprise bénéficiaire ne modifie pas la nature de cette garantie au regard de l’article 87 CE et ne fait pas naître une aide nouvelle.

126    Il est vrai que, dans certains cas, le fait qu’un garant public renonce unilatéralement aux droits qu’il possède à l’égard du bénéficiaire à la suite de l’appel à la garantie peut constituer une aide. Tel est en particulier le cas si le garant public ne se comporte pas comme un opérateur économique rationnel en entamant toutes les démarches possibles afin d’obtenir le remboursement du montant qu’il a dû acquitter au titre de la garantie. En outre, s’il s’avère que l’abandon d’une créance initialement couverte par une garantie d’emprunt, une fois la garantie exécutée, est définitif, donnant ainsi lieu à une réduction directe de l’endettement du bénéficiaire, ce renoncement est, en principe, susceptible de constituer une aide distincte en ce qu’il apporte un avantage économique supplémentaire par rapport à la garantie d’emprunt ainsi que par rapport à son exécution.

127    Or, il convient de relever que c’est seulement en cours d’instance que la Commission a fait observer que ce n’est pas l’intervention au titre de la garantie qu’elle aurait qualifiée d’aide supplémentaire, mais bien l’abandon ultérieur de la créance née de cette intervention. Toutefois, force est de constater que les considérants 31 et 96 de la décision attaquée ne permettent ni aux justiciables ni au Tribunal de comprendre, à suffisance de droit, le raisonnement avancé à cet égard et, partant, le contrôle par le Tribunal des raisons pour lesquelles la Commission a estimé, lors de l’adoption de cette décision, que l’abandon de la créance constituait une aide nouvelle, différente de celle prise en compte au titre de la garantie du Land de Bavière ou de son exécution. D’ailleurs, selon une jurisprudence constante, les explications présentées par la Commission durant la procédure litigieuse devant le Tribunal ne sauraient, en principe, remédier à l’insuffisance de la motivation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C‑329/93, C‑62/95 et C‑63/95, Rec. p. I-5151, points 47 et 48 ; arrêts du Tribunal du 25 juin 1998, British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, T‑371/94 et T‑394/94, Rec. p. II-2405, points 116 à 119, et du 18 janvier 2005, Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, T‑93/02, non encore publié au Recueil, points 123 à 126).

128    Dès lors, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la question de savoir si la Commission a effectivement pris en compte deux fois la même aide, le Tribunal estime que, en tout état de cause, la Commission ne pouvait se contenter de constater, au considérant 96 de la décision attaquée, que la renonciation au remboursement du crédit constituait une aide incompatible avec le marché commun, car « octroyée sans fondement juridique ».

129    Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs invoqués par le Land de Thuringe à cet égard, c’est à bon droit que celui-ci fait valoir que la Commission a violé son obligation de motivation au titre de l’article 253 CE en ce qui concerne la qualification d’aide de l’abandon de la créance de 3 millions de DEM consentie par la LfA à PBK.

130    Au vu de ce qui précède, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé en ce que la Commission a considéré que l’aide d’État octroyée aux fins de la construction, de l’exploitation et de la consolidation de l’usine de CD à Albrechts inclut un montant de 3 millions de DEM, au titre de l’abandon de créance dont a bénéficié PBK.

D –  Sur les subventions et primes à l’investissement d’un montant de 63,45 millions de DEM et de 19,42 millions de DEM octroyées respectivement par le Land de Thuringe et le Land de Bavière (la LfA) à l’entreprise commune et à PA

1.     Arguments des parties

131    Le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a commis diverses erreurs de fait, des erreurs d’appréciation et a violé l’obligation de motivation en ce qui concerne les subventions et primes à l’investissement accordées par le Land de Thuringe et par le Land de Bavière (la LfA).

132    Tout d’abord, il fait valoir que, dans la mesure où la Commission a constaté au considérant 88 de la décision attaquée qu’une décision a été prise à l’encontre de CD Albrechts pour exiger la restitution d’un montant de 32,45 millions de DEM au titre des subventions à l’investissement qu’il a octroyées, c’est à tort que, à l’article 2 de la décision attaquée, elle exige le remboursement du montant total de ces subventions, à savoir 63,45 millions de DEM.

133    Ensuite, il fait valoir que, contrairement à ce que la Commission a constaté aux considérants 87 et 88 de la décision attaquée, les subventions et primes à l’investissement qui ont été octroyées dans le cadre de l’établissement de l’usine de CD à Albrechts constituent des aides existantes, conformes à des régimes d’aides préalablement approuvés par la Commission, et non des aides nouvelles, qui seraient incompatibles avec le marché commun en raison du fait qu’elles auraient été octroyées en violation d’une prétendue interdiction de soutien à des biens d’équipement au sein d’entreprises liées. Il relève en effet que, d’une manière générale, ni la loi sur les primes fiscales à l’investissement, ni le régime TIC, ni le droit communautaire ne contiennent une interdiction ayant une telle portée. Il observe ensuite que, à supposer même que le régime TIC prévoie une interdiction de soutien à des biens d’équipement au sein d’entreprises liées, celle-ci a bien été respectée dans le cas d’espèce puisque, avant de verser les subventions, il a, à chaque fois, exigé la confirmation de la part de l’entreprise commune que les subventions ne serviraient pas au soutien de biens d’équipement au sein d’entreprises liées. Selon lui, ces circonstances ressortent clairement de l’acte d’accusation du ministère public près le Landgericht Mühlhausen du 9 avril 1998, qui a été communiqué à la Commission à l’annexe de la lettre du 28 septembre 1999. En outre, à son avis, l’on ne saurait considérer que, au moment de la conclusion du contrat pour la construction de l’usine de CD à Albrechts, les rapports entre l’entreprise commune et Pilz Construction étaient des rapports entre « entreprises liées » puisque, à ce moment, le groupe Pilz n’était qu’un actionnaire minoritaire de l’entreprise commune. Il considère, dès lors, que l’octroi des subventions était conforme aux conditions prévues par le régime TIC, relevait ainsi d’un régime d’aides autorisé et, partant, était compatible avec le marché commun. En effet, selon lui, ce n’est que le détournement d’une partie des subventions au profit du groupe Pilz qui a rendu cette partie des subventions à l’investissement non conforme aux conditions prévues par le régime TIC et, partant, incompatible avec le marché commun. À cet égard, il conteste d’ailleurs l’allégation de la Commission selon laquelle, au cours de la procédure formelle d’examen, les autorités allemandes n’auraient pas fourni la preuve de ce qu’une partie des subventions avait bien été utilisée de manière régulière. Il relève, en effet, que cette information figurait dans l’acte d’accusation du ministère public près le Landgericht Mühlhausen du 9 avril 1998 (p. 10 à 12).

134    Par ailleurs, en ce qui concerne l’octroi des primes à l’investissement, le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a négligé d’établir les conditions de leur octroi et, partant, a conclu de manière erronée que la prétendue interdiction de soutien au sein d’entreprises liées aurait dû s’opposer à l’octroi de telles primes. Il relève, en effet, que la loi sur les primes fiscales à l’investissement ne prévoit pas une telle interdiction et qu’elle consacre, au contraire, le droit de l’investisseur au versement de ces primes quel que soit le fournisseur du bien d’équipement. En outre, selon lui, la Commission a négligé de tenir compte du fait qu’une partie des primes à l’investissement, à savoir un montant de 6,137 millions de DEM, a fait l’objet d’une demande de restitution et que, pour le montant restant, les conditions prévues par la loi étaient indubitablement réunies.

135    Enfin, le Land de Thuringe conteste l’affirmation d’ODS selon laquelle les subventions et primes à l’investissement n’auraient pas dû être accordées dans la mesure où le projet d’investissement a débuté le 29 août 1989, c’est-à-dire avant la réunification de l’Allemagne. Selon lui, outre le fait que ce constat est erroné, il convient de relever que l’ordonnance de planification du 25 janvier 1991 fixant les détails des modalités d’octroi d’une aide selon le régime TIC a permis de promouvoir également les projets qui ont débuté après le 1er juillet 1990 et, partant, avant le 3 octobre 1990 (Bundestag, publication 12/895, annexe 4). En outre, il souligne que, en ce qui concerne les primes à l’investissement, la réglementation applicable était déjà en vigueur sur le territoire de la République démocratique allemande avant la réunification et a été, dans un premier temps, maintenu après la réunification en vertu du traité conclu le 31 août 1990 entre la République fédérale d’Allemagne et la République démocratique allemande relatif à l’instauration de l’unité allemande (BGBl. 1990 II, p. 889).

136    La Commission conteste avoir commis une erreur dans l’appréciation des faits et une erreur d’appréciation en ce qui concerne les subventions et primes à l’investissement.

137    Elle souligne, d’abord, que l’allégation du Land de Thuringe selon laquelle elle n’aurait pas tenu compte de la condition prévue explicitement par ce dernier pour l’octroi des subventions à l’investissement en vertu du régime TIC est incompréhensible dans la mesure où c’est précisément en tenant compte de cette condition qu’elle a fondé son appréciation juridique de ces aides (considérants 87 et 88 de la décision attaquée). Elle estime d’ailleurs que l’ajout d’une telle condition était logique dans la mesure où, même s’il n’existe pas d’interdiction générale en ce qui concerne les subventions aux entreprises liées, il convient néanmoins d’interdire l’octroi des fonds publics lorsque, dans le cadre d’un système de gestion centralisée de la trésorerie, ces fonds sont automatiquement détournés de leur objectif et aboutissent de ce fait dans d’autres entreprises du groupe qui ne remplissent pas les conditions pour l’octroi desdites subventions (en l’occurrence les sociétés du groupe Pilz). Elle fait observer en effet que, si des subventions autorisées en vertu de l’article 87, paragraphe 3, CE sont versées à une entreprise qui participe à un système de gestion centralisée de la trésorerie, ces subventions doivent exceptionnellement être considérées comme étant d’emblée illégales et, partant, récupérées. En effet, selon la Commission, un tel système empêche, dès le départ, que les subventions soient utilisées conformément à leur objectif. Selon elle, par ailleurs, la demande de restitution des subventions à l’investissement émanant du Land de Thuringe constitue une reconnaissance de la mauvaise utilisation de ces aides par l’entreprise commune. Elle estime, de plus, que, si le Land de Thuringe veut faire valoir que le reste des subventions a été utilisé correctement, il doit en apporter la preuve. Elle fait observer toutefois que, durant la procédure administrative, ni les autorités fédérales allemandes, ni le Land de Thuringe, ni aucune autre partie n’a été en mesure de prouver qu’une partie au moins des subventions a servi à la construction, l’agrandissement, la transformation ou la rationalisation de l’entreprise.

138    Ensuite, elle relève que, dans la mesure où les autorités allemandes ne lui ont pas transmis la décision du Land de Thuringe exigeant le remboursement des aides, elle n’a pas eu d’autre choix que de fonder sa décision sur les seules informations dont elle disposait au moment de l’adoption de la décision attaquée, à savoir l’acte d’accusation du ministère public près le Landgericht Mühlhausen du 9 avril 1998. Or, selon elle, il ressort de ce document que, en calculant le montant des aides dont elles devaient demander le remboursement, les autorités de Thuringe sont, à tort, parties de l’hypothèse que la somme abusivement employée était moins élevée parce qu’elles ne savaient pas encore, au moment de déterminer la somme à restituer, que l’interdiction de subventions aux entreprises liées avait été violée pour l’ensemble du projet et que, partant, aucune subvention n’aurait dû être accordée. Elle considère, dès lors, que c’est à bon droit que, dans la décision attaquée, elle a considéré que l’ensemble des subventions octroyées devait être qualifié d’illégal et, partant, devait être restitué. Selon elle, cette conclusion s’impose d’autant plus que, au moment d’adopter la décision attaquée, elle ne disposait pas d’informations dont il ressortait que le montant de 32,45 millions de DEM exigé par le Land de Thuringe avait effectivement été remboursé.

139    Par ailleurs, en réponse à l’argumentation du Land de Thuringe selon laquelle elle n’aurait pas tenu compte de la possibilité que l’usine de CD à Albrechts soit subventionnée dans le cadre du régime des aides régionales, elle rappelle que, lors de l’appréciation des subventions et primes à l’investissement, elle s’est fondée sur ses lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale [Communication de la Commission relative aux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 1998, C 74, p. 9), modifiée en dernier lieu par la communication portant modification des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale (JO 2000, C 258, p. 5), ci-après les « lignes directrices sur les aides régionales »], de sorte qu’il n’y a pas lieu de débattre de cette question.

140    Enfin, elle considère que, dans la mesure où, d’une part, il est constant que les primes à l’investissement ont été détournées dans le cadre du système de gestion centralisée de la trésorerie et où, d’autre part, la preuve de l’utilisation correcte d’une partie des primes n’a pas été apportée, il convient d’exiger le remboursement de l’ensemble de ces primes, puisque celles-ci doivent être considérées, dès leur octroi, comme incompatibles. Elle fait observer que, bien que la restitution d’un montant de 6,4 millions de DEM, majoré de 2,2 millions de DEM, ait déjà été réclamée (considérant 79 de la décision attaquée), elle ne dispose pas d’informations quant au paiement effectif de cette somme, de sorte qu’elle a exigé le paiement de la somme totale, à savoir 19,42 millions de DEM. Elle estime également que l’argument du Land de Thuringe, selon lequel elle ne se serait pas prononcée sur les primes à l’investissement, n’est pas conforme à la réalité. Elle fait remarquer, en effet, qu’elle s’est prononcée sur cette question, puisque, se référant aux considérants précédents, elle a, au considérant 94 de la décision attaquée, établi l’incompatibilité de ces primes en se fondant sur les déclarations des autorités allemandes, lesquelles permettaient de penser que les fonds n’avaient pas profité au projet d’investissement, mais avaient servi à maintenir tout le groupe Pilz en activité et, partant, avaient été appliqués de façon abusive.

141    ODS se rallie à l’exposé de la Commission en ce qui concerne les subventions et primes à l’investissement. Elle souligne, en outre, qu’il existe encore une autre raison en faveur du point de vue de la Commission selon lequel les subventions et primes à l’investissement accordées à l’entreprise commune puis à PA n’étaient pas conformes au régime d’aides prévu par la loi sur les primes fiscales à l’investissement et au régime TIC, qui ont été approuvés par la Commission. Elle relève, en effet, que, selon les affirmations du Land de Thuringe lui-même, ces aides ont été accordées avant la réunification, c’est-à-dire à un moment où ces régimes d’aides n’étaient pas encore entrés en vigueur en ce qui concerne le Land de Thuringe (points 1.2, 3.2 et 2.9.2 du régime TIC et lignes directrices sur les aides régionales, point 4.2).

2.     Appréciation du Tribunal

142    Dans le cadre du présent grief, il y a lieu d’examiner séparément les arguments du Land de Thuringe relatifs aux subventions et primes à l’investissement qui ont été octroyées par le Land de Thuringe et ceux relatifs aux subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Bavière (la LfA). En effet, dans la décision attaquée, la Commission a fourni une motivation différente pour ces deux concours.

a)     Sur les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Thuringe

143    Selon l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Thuringe sont incompatibles avec le traité CE dans la mesure où elles ont fait l’objet d’une application abusive au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

144    La notion d’application abusive résulte directement de l’article 88, paragraphe 2, CE, lequel énonce que « [s]i, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État […] est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine ». Selon l’article 1er, sous g), du règlement n° 659/1999, une aide est appliquée de façon abusive lorsqu’elle est « utilisée par le bénéficiaire en violation d’une décision prise en application de l’article 4, paragraphe 3, ou de l’article 7, paragraphes 3 ou 4, [dudit] règlement ».

145    Il résulte de ces dispositions que, afin de démontrer qu’une aide octroyée dans le cadre d’un régime d’aides autorisé a été appliquée de manière abusive, la Commission doit établir que cette aide a été utilisée en violation des règles nationales régissant ce régime ou des conditions supplémentaires qui ont été acceptées par l’État membre au moment de l’approbation du régime par la Commission.

146    En l’espèce, au considérant 87 de la décision attaquée, la Commission a motivé son appréciation de l’application abusive des subventions et primes octroyées par le Land de Thuringe comme suit :

« D’après les enquêtes des autorités judiciaires allemandes, un échange de produits et de services a eu lieu à l’intérieur du groupe entre les entreprises du groupe Pilz concernées, pour un montant de l’ordre de 109 millions de DEM. L’ensemble du projet d’investissement n’aurait donc pas dû bénéficier d’un soutien, car il y a eu violation de l’interdiction de soutien de biens d’équipement au sein d’entreprises liées. Par conséquent, cette subvention à l’investissement, qui a été accordée à tort au titre [du régime TIC et] de la loi sur les primes fiscales à l’investissement pour 1991 et 1992, n’est pas conforme au programme pour un montant de 63,45 millions de DEM et ne doit donc pas être considérée comme couverte [par les régimes autorisés]. »

La Commission a, dès lors, conclu que cette aide, qui a été perçue par le biais du système de gestion centralisée de la trésorerie du groupe Pilz, devait être considérée comme incompatible avec le marché commun et devait être restituée. En outre, elle a relevé que, par décision du 27 juillet 1995, le Land de Thuringe a exigé la restitution d’un montant de 32,5 millions de DEM seulement, de sorte qu’il restait un montant de 30,95 millions de DEM à récupérer (considérant 88 de la décision attaquée).

147    Il résulte de ces motifs que c’est en raison de l’existence d’un échange de produits et de services à l’intérieur du groupe Pilz et du détournement des fonds par le biais du système de gestion centralisée de la trésorerie que la Commission a considéré, dans la décision attaquée, qu’il y a eu violation de l’interdiction de soutien de biens d’équipement au sein d’entreprises liées et, partant, application abusive au sens de l’article 88, paragraphe 2, CE.

148    Or, il y a lieu de relever que, dans ses écrits, le Land de Thuringe a soutenu, sans être contesté par la Commission à cet égard précis, que cette interdiction ne figurait ni dans le régime TIC ni dans la loi sur les primes fiscales à l’investissement qui ont été approuvés par la Commission en tant que régimes d’aide, mais qu’il s’agissait d’une condition supplémentaire à laquelle le Land de Thuringe a soumis le versement de chaque tranche des subventions et primes dans le cas d’espèce, afin d’éviter qu’elles ne soient utilisées au soutien d’autres entreprises du groupe Pilz. L’acte d’accusation du ministère public près le Landgericht Mühlhausen, qui a été communiqué à la Commission dans le cadre de la procédure administrative, pouvait également présenter un indice dans ce sens.

149    Dès lors que l’interdiction de soutien ne figurait ni dans les régimes d’aides concernés ni dans les décisions d’approbation de ces régimes, la Commission ne pouvait se fonder sur la seule violation de cette interdiction dans le cas d’espèce pour conclure à l’existence d’une application abusive. En effet, ainsi qu’il a été souligné au point 145 ci-dessus, afin de démontrer qu’une aide octroyée conformément à un régime d’aides autorisé a été appliquée de manière abusive, la Commission doit établir que cette aide a été utilisée en violation des règles nationales régissant ce régime ou des conditions supplémentaires qui ont été acceptées par l’État membre au moment de l’approbation du régime. Cependant, la violation d’une simple condition supplémentaire imposée unilatéralement par le dispensateur de l’aide, sans que cette condition soit explicitement prévue par de telles règles nationales, telles qu’approuvées par la Commission, ne saurait être considérée comme un élément suffisant pour caractériser un emploi abusif de l’aide au sens de l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE.

150    Il est vrai que, d’une manière générale, il peut s’avérer utile que, dans un cas comme celui de l’espèce où le bénéficiaire des aides est intégré dans un groupe de sociétés au sein duquel un système de gestion centralisée de la trésorerie a été mis en place, l’octroi de subventions et autres aides soit soumis à une interdiction stricte d’utilisation des aides au soutien des autres entreprises du groupe auquel appartient le bénéficiaire. Il résulte, d’ailleurs, de l’acte d’accusation du ministère public près le Landgericht Mühlhausen que c’est précisément pour cette raison que, en l’espèce, le Land de Thuringe a conditionné l’octroi des subventions à une telle interdiction. Toutefois, le seul fait qu’il aurait été souhaitable qu’une certaine clause soit prévue dans un régime d’aide ne saurait occulter le fait que, en l’espèce, une telle disposition n’était prévue ni dans les régimes en cause ni dans la décision de la Commission, de sorte que son non-respect ne saurait constituer une application abusive au sens de l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE, sous peine de porter atteinte à la prévisibilité du contrôle effectué par la Commission sur le fondement de cette disposition.

151    Partant, c’est à bon droit que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que, au seul motif de la violation de l’interdiction prévue lors de leur octroi, les subventions et primes à l’investissement accordées par le Land de Thuringe ont fait l’objet d’une application abusive au sens de l’article 88, paragraphe 2, premier alinéa, CE.

152    Au vu de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs invoqués par le Land de Thuringe à cet égard, l’article 1er de la décision attaquée doit être annulé en ce que la Commission a considéré que l’aide d’État déclarée incompatible avec le marché commun inclut un montant de 63,45 millions de DEM au titre des subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Thuringe.

b)     Sur les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Bavière (la LfA)

153    Il ressort des considérants 93 à 95 de la décision attaquée que, en ce qui concerne les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Bavière (la LfA), la Commission a effectué les constatations suivantes :

« [L’]aide n’a pas profité au projet d’investissement pour la construction d’une usine de CD, mais a servi au soutien de l’ensemble du groupe Pilz et a donc été appliquée de façon abusive au sens de l’article 88, paragraphe 2, [...] CE […]

Ceci s’applique également à la somme globale de 19,42 millions de DEM qui a été accordée au titre de la loi sur les primes à l’investissement ou des dispositions relatives aux concours TIC.

Les autorités allemandes ont informé la Commission qu’elles avaient pris les mesures prévues par le droit allemand pour la restitution de l’aide dans le cadre de la procédure de faillite du groupe Pilz. »

154    À cet égard, il convient de relever que le Land de Thuringe fait valoir à juste titre que cette motivation, vague et peu circonstanciée, emporte une violation de l’article 253 CE, car elle ne fournit aucune indication quant aux raisons pour lesquelles la Commission a estimé que les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Bavière ont été utilisées en violation du régime TIC et de la loi sur les primes à l’investissement.

155    En effet, il ne suffit pas de constater que, ainsi qu’il résulte du considérant 95 de la décision attaquée, les autorités allemandes ont informé la Commission qu’elles ont pris les mesures prévues par le droit allemand pour demander la restitution de cette aide. Indépendamment de la question de savoir si une telle demande pouvait valablement être interprétée par la Commission comme une reconnaissance, par ces autorités, du caractère irrégulier de l’utilisation des aides en cause, ceci ne saurait dispenser la Commission de son obligation de motivation au titre de l’article 253 CE quant à l’incompatibilité de l’aide en cause avec le marché commun.

156    Il résulte d’une jurisprudence constante que la motivation exigée par l’article 253 CE doit faire apparaître, d’une façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’autorité communautaire, de façon à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et au juge communautaire d’exercer son contrôle (voir arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I-395, point 15, et la jurisprudence citée). En outre, en ce qui concerne la notion d’intéressés au sens de la jurisprudence précitée, la Cour a jugé que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction notamment de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte attaqué, au sens de l’article 230 CE, peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19 ; arrêt Confédération nationale du Crédit mutuel/Commission, point 127 supra, point 68). Il s’avère donc que l’exigence de motivation d’une décision prise en matière d’aides d’État ne saurait être déterminée en fonction de l’intérêt à être informé du seul État membre auquel cette décision est adressée, cet intérêt pouvant être réduit pour des raisons particulières tenant à la contestation ou non par lui de certains éléments de droit et de fait durant la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt British Airways e.a. et British Midland Airways/Commission, point 127 supra, point 92). Par conséquent, dès lors que la décision attaquée concerne le requérant directement et individuellement au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, comme c’est le cas en l’espèce pour le Land de Thuringe, celui-ci est en droit d’exiger que la motivation de ladite décision, pour satisfaire aux exigences de l’article 253 CE, fasse apparaître l’ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement.

157    Il s’ensuit que la Commission a violé l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 253 CE dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Bavière ont été utilisées en violation du régime TIC et de la loi sur les primes à l’investissement.

158    Au vu de ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs du Land de Thuringe dans ce contexte, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée doit être annulé en ce qui concerne les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Bavière.

E –  Sur la garantie octroyée par la THA à Robotron et à l’entreprise commune

1.     Arguments des parties

159    Le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a erronément considéré aux considérants 97 à 99 de la décision attaquée que l’octroi de la garantie de la THA et l’intervention ultérieure au titre de cette garantie constituent non pas une aide existante conforme à un régime d’aides approuvé préalablement par la Commission, mais une aide nouvelle qui est incompatible avec le marché commun. Il relève, en premier lieu, que, dans la mesure où la THA a constitué la garantie au profit de l’entreprise commune afin de faciliter la privatisation de cette entreprise, cette garantie a bien été octroyée conformément aux premier et deuxième régimes de la THA (approuvés par lettres de la Commission du 26 septembre 1991 et du 8 décembre 1992), et constitue dès lors une aide existante et non une aide nouvelle. Il observe en effet que le texte du premier régime de la THA prévoyait clairement que la THA était en droit de constituer des garanties couvrant des obligations des entreprises dont elle détenait les parts, étant entendu que, par le terme « entreprises », il convient également d’entendre des participations dans des filiales ou dans des entreprises communes. Or, selon lui, tel était précisément le cas en l’espèce puisque la constitution d’une garantie au profit de Robotron et de l’entreprise commune a permis le transfert des parts détenues majoritairement par Robotron – une société publique – à PBK – une société privée – tout en écartant d’éventuelles demandes d’indemnisation à l’égard de la première. Il relève, d’ailleurs, que les déclarations du président du conseil d’administration de Robotron, auxquelles la Commission se réfère au considérant 98 de la décision attaquée afin d’établir que l’objectif de la THA était, dès le départ, la liquidation et non la privatisation de Robotron, ne sont pas pertinentes dans la mesure où elles n’ont pas été faites au moment de l’octroi de la garantie, mais plus tard, au moment où une mise en liquidation de Robotron était envisagée. Or, selon le Land de Thuringe, les contrats portant création de l’entreprise commune ont tous été conclus et la garantie a été octroyée bien avant la réunification de l’Allemagne, c’est-à-dire à un moment où, d’une part, Robotron espérait encore réellement participer à l’économie de marché – par le biais de l’entreprise commune – et devenir un leader dans la production de CD dans l’ex-République démocratique allemande et où, d’autre part, une mise en liquidation éventuelle n’était pas d’actualité.

160    Le Land de Thuringe conteste, en deuxième lieu, l’allégation de la Commission selon laquelle les régimes de la THA, en ce compris les conditions d’octroi des différentes mesures d’aides visées par ces régimes, doivent être interprétés de manière restrictive. Il considère en effet que, outre le fait que, ainsi qu’il l’a démontré, l’octroi de la garantie à Robotron et à l’entreprise commune satisfaisait sans aucun doute aux conditions d’octroi des régimes de la THA même interprétés de la manière la plus restrictive, ce point de vue de la Commission méconnaît le fait que, à l’époque de l’approbation desdits régimes par la Commission, toutes les parties – y compris la Commission – étaient d’accord sur le fait que la tâche sans précédent de la THA nécessitait une application généreuse du régime communautaire de contrôle des aides (voir Van Miert, K., Markt, Macht, Wettbewerb. Meine Erfahrungen als Kommissar in Brüssel, Deutsche Verlaganstalt Stuttgart/München, 2000, p. 243 et suivantes). Selon lui, la Commission ne saurait unilatéralement revenir sur cet accord.

161    En troisième lieu, le Land de Thuringe relève que la garantie a été constituée avant la réunification de l’Allemagne, de sorte qu’il convient de la considérer soit comme ne constituant pas une aide d’État, soit comme constituant une aide d’État qui existait déjà avant la réunification, laquelle a étendu l’application des dispositions du traité au territoire de l’ex-République démocratique allemande.

162    En quatrième lieu, en ce qui concerne l’intervention au titre de la garantie, le Land de Thuringe considère que le paiement par la THA d’une somme de 120 millions de DEM dans le cadre de la convention d’assainissement ne constitue pas une aide d’État, dans la mesure où, en agissant de la sorte, la THA s’est comportée comme l’aurait fait, dans une situation comparable, un investisseur privé en économie de marché. Le Land de Thuringe fait observer, en effet, que ce paiement lui a permis de se dégager, de manière définitive, de son obligation de garantie, laquelle portait sur un montant de plus de 160 millions de DEM et, partant, de faire une économie de 40 millions de DEM.

163    En cinquième lieu, le Land de Thuringe considère que le détournement, au profit du groupe Pilz, des crédits qui étaient couverts par la garantie de la THA n’a pas remis en cause la compatibilité initiale de cette garantie avec le marché commun. En effet, selon le Land de Thuringe, ce n’est que dans la mesure où ces fonds n’ont pas été utilisés par le groupe Pilz aux fins de la construction de l’usine de CD à Albrechts qu’ils ont été appliqués de manière abusive et qu’ils sont, de ce fait, devenus incompatibles avec le marché commun. Il fait remarquer, de plus, que cette partie des fonds n’a pas profité à l’entreprise commune mais au groupe Pilz et doit, de ce fait, être exclusivement récupérée auprès de ce dernier.

164    En sixième lieu, le Land de Thuringe observe que, contrairement à ce qu’affirme ODS, la Commission n’a pas déclaré dans son communiqué de presse du 18 septembre 1991 que des entreprises communes sont exclues du champ d’application du régime de la THA et qu’elle entendait interpréter, de manière restrictive, les règles applicables au régime de la THA. De même, le Land de Thuringe estime que l’article rédigé par M. Schütte auquel se réfère ODS ne démontre pas qu’il convient de retenir une interprétation restrictive de ce régime, puisque l’auteur a seulement déclaré que la THA pouvait se porter garante pour les entreprises dont elle est propriétaire – ce qui était le cas de l’entreprise commune. Selon le Land de Thuringe, cela signifie que la THA pouvait également se porter garante au titre des activités relevant de sa participation.

165    En dernier lieu, le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles l’intervention de la THA au titre de la garantie constituait une aide d’État. Selon lui, une telle motivation était d’autant plus nécessaire que la THA agissait alors aux conditions du marché. De même, il estime que la décision emporte violation de l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’indique pas pourquoi la Commission est d’avis que la garantie n’était pas conforme au régime de la THA et pour quelles raisons le régime communautaire de contrôle des aides d’État lui serait applicable, alors que cet engagement a été souscrit avant l’application de ce régime au territoire de l’ex-République démocratique allemande.

166    La Commission, soutenue par ODS, conteste avoir commis une erreur d’appréciation et violé l’obligation de motivation, en estimant, aux considérants 97 à 99 de la décision attaquée, que la garantie de la THA est incompatible avec le marché commun.

167    Elle fait valoir, en premier lieu, que c’est à tort que le Land de Thuringe considère que la garantie en faveur de l’entreprise commune était conforme aux régimes de la THA. Elle relève en effet que les régimes de la THA constituent des dérogations au principe général selon lequel les subventions étatiques visant à permettre la privatisation d’une entreprise constituent des aides d’État qui, en principe, sont incompatibles avec le marché commun.

168    Or, selon la Commission, le Land de Thuringe ne se conforme pas à cette lecture restrictive de la notion de « privatisation » lorsqu’il affirme que même les mesures en faveur d’une entreprise commune visant à privatiser une entreprise publique participante sont couvertes par le régime de la THA. Elle relève en effet que les régimes de la THA ne prévoient aucune dérogation pour une privatisation dans le cadre d’une entreprise commune (point 3.1.1 de la décision d’ouverture). Selon la Commission, cela s’explique par le fait que la situation d’une entreprise commune diffère sensiblement de celle d’une entreprise publique qui ne peut accéder aux marchés des capitaux privés sans garantie publique, puisque la solvabilité d’une entreprise commune ne dépend pas uniquement de l’entreprise publique qui y participe, mais également de ses actionnaires privés. En conséquence, la Commission considère que la condition déterminante pour l’application des régimes d’aide de la THA n’est pas satisfaite dans le cas d’une privatisation par le biais d’une entreprise commune, dès lors que l’octroi d’une subvention à une telle entreprise favorise également les actionnaires privés qui y participent, alors que ceux-ci ne se trouvent pas dans la situation particulière des entreprises appartenant à la THA. Selon la Commission, cette conclusion s’impose d’autant plus dans les cas où, comme en l’espèce, l’existence d’un système de gestion centralisée de la trésorerie au sein de l’entreprise commune accentue le risque que les subventions étatiques soient détournées au profit des actionnaires privés.

169    En deuxième lieu, la Commission considère que les considérations du Land de Thuringe relatives à la nécessité économique de créer l’entreprise commune ne sont pas pertinentes. Elle relève en effet que, à supposer même que la fusion des deux entreprises ait pu être considérée comme reposant sur une logique économique, ce constat est dénué de pertinence pour la question de savoir si les mesures en faveur de l’entreprise commune étaient couvertes par le régime de la THA. Selon elle, il en va de même pour l’affirmation du Land de Thuringe selon laquelle Robotron avait déjà pris l’engagement de créer l’entreprise commune avant la réunification. Elle considère, en effet, que seule est déterminante la situation de l’entreprise favorisée au moment de l’octroi des aides en question.

170    En troisième lieu, la Commission conteste l’allégation du Land de Thuringe selon laquelle la garantie de la THA a été accordée avant la réunification de l’Allemagne, si bien que soit elle est dépourvue du caractère d’aide, soit il convient de la classer comme aide existante. Elle relève en effet que ladite garantie a été octroyée en 1992, c’est-à-dire après la réunification.

171    En quatrième lieu, la Commission considère que c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir que le versement de 120 millions de DEM aux banques ne constitue pas une aide dans la mesure où il s’agit prétendument d’un comportement conforme au critère de l’investisseur privé agissant en économie de marché. Elle relève en effet que, dès lors que l’octroi de la garantie constitue une aide d’État, il importe peu que le dispensateur de l’aide se comporte ultérieurement de manière conforme au marché (arrêt du Tribunal du 29 juin 2000, DSG/Commission, T‑234/95, Rec. p. II‑2603, point 162). Elle fait observer, en outre, que, au considérant 99 de la décision attaquée, elle a explicitement tenu compte du fait que la THA a seulement versé 120 millions de DEM, puisqu’elle a seulement ordonné la récupération de ce montant.

2.     Appréciation du Tribunal

172    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne la garantie de la THA, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

173    À cet égard, il convient de rappeler que, aux considérants 97 à 99 de la décision attaquée, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle estime que la garantie de la THA, d’un montant de 190 millions de DEM, doit être considérée comme une aide incompatible avec le traité CE.

174    Elle a, d’abord, rappelé que, dans la décision d’ouverture, elle a exprimé des doutes quant au fait que la garantie de la THA, cautionnant un montant de 190 millions de DEM, dont 120 millions de DEM ont dû être honorés, pouvait éventuellement ne pas être couverte par les premier et deuxième régimes de la THA (considérant 97 de la décision attaquée). Elle indique, au considérant 98 de la décision attaquée, ce qui suit :

« Ces doutes se sont trouvés renforcés au fil de la procédure, et surtout par la prise de position de M. Henzler, le président du conseil d’administration de Robotron [...] mis en place à l’époque par la THA, vis-à-vis des autorités judiciaires allemandes. En effet, M. Henzler a déclaré avoir eu pour objectif, dès le départ, la liquidation de [...] Robotron en la scindant en petites entreprises qui auraient ensuite été privatisées. Un investissement de cet ordre de grandeur n’aurait pas été adapté à cette mission. Pour verser ses fonds propres, [Robotron] a été dans l’obligation de contracter des crédits pour 20 millions de DEM, ce qui était contraire aux principes d’une bonne gestion. En sa qualité d’associé principal, il estime que Robotron ne possédait pas la compétence nécessaire dans le domaine du CD, ce qui explique que Robotron n’aurait signé les contrats que sous réserve que Pilz rachète, à la date d’achèvement de l’usine, les parts de Robotron à leur valeur nominale, y compris les intérêts bancaires exigibles. »

175    Tout d’abord, il y a lieu de rejeter comme non fondée l’argumentation du Land de Thuringe selon laquelle la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que la garantie litigieuse n’a pas été octroyée conformément aux premier et deuxième régimes de la THA.

176    En effet, ainsi qu’il résulte de l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Allemagne/Commission (C‑277/00, non encore publié au Recueil, points 22 à 24), le cadre régissant les activités de la THA, tel qu’il a été arrêté par la Commission, constitue une série de dérogations au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE. En adoptant ces dérogations, la Commission visait à faciliter la mission de la THA, qui est un organisme unique en son genre, consistant à restructurer les entreprises de l’ex-République démocratique allemande et à assurer le passage de celles-ci d’une économie planifiée à une économie de marché. Il s’ensuit que, en tant que condition d’application d’un régime dérogeant au principe général d’incompatibilité des aides d’État avec le marché commun, énoncé à l’article 87, paragraphe 1, CE, la notion de « privatisation » dans le cadre des régimes d’aides de la THA doit être interprétée de manière restrictive. Dans le cadre d’une telle interprétation, l’existence d’une privatisation, au sens de ces régimes, ne saurait, en principe, être admise que si un investisseur privé acquiert une partie du capital d’une entreprise publique déjà existante susceptible de lui conférer le contrôle de cette entreprise. À cet égard, il convient de rappeler également que la lettre de la Commission du 26 septembre 1991 approuvant le premier régime de la THA indique clairement comme condition préalable à l’approbation des aides octroyées dans le contexte d’une privatisation que ces aides sont destinées à permettre à l’entreprise concernée de poursuivre son activité préexistante.

177    Or, il convient de souligner que, en l’espèce, la garantie de la THA a été octroyée aux fins de la création d’une nouvelle entreprise dans le Land de Thuringe ayant pour objet une nouvelle activité commerciale, à savoir celle de la production de CD, et ce sous la forme d’une entreprise commune entre une entreprise de l’ex-République démocratique allemande et une entreprise de la République fédérale d’Allemagne. Il est manifeste qu’une telle opération ne saurait être qualifiée de privatisation au sens des régimes susvisés de la THA. En effet, contrairement à la privatisation envisagée par ces régimes, qui vise à faire passer une entreprise d’une économie planifiée à une économie de marché, la création d’une nouvelle entreprise a permis de développer ex novo un projet d’entreprise avec de nouveaux moyens et avec une nouvelle activité commerciale.

178    Ensuite, il y a lieu de récuser l’affirmation du Land de Thuringe selon laquelle la garantie a été octroyée avant l’entrée en vigueur des dispositions du traité dans les nouveaux Länder, c’est-à-dire avant le 3 octobre 1990. En effet, outre que cette allégation n’est pas documentée, il ressort de la lettre des autorités allemandes du 3 mars 1995 que cette garantie a été octroyée en 1992.

179    Il résulte de ce qui précède que c’est à bon droit que la Commission a considéré que la garantie de la THA n’a pas été octroyée conformément aux premier et deuxième régimes de la THA et, partant, ne saurait être considérée comme une aide existante. Dès lors, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être rejeté comme non fondé.

180    Il résulte également de ce qui précède que, contrairement à l’argument du Land de Thuringe, la Commission a suffisamment motivé la décision attaquée à cet égard. En effet, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, force est de constater que, au cours de la procédure administrative et notamment à la suite de l’appréciation provisoire de la Commission figurant au point 3.1.1 de la décision d’ouverture, ni la République fédérale d’Allemagne ni le Land de Thuringe n’ont apporté, outre l’argument selon lequel la garantie octroyée était couverte par les premier et deuxième régimes de la THA tels qu’approuvés par la Commission, d’éléments de nature à établir que, d’une part, il ne s’agissait pas d’une aide et que, d’autre part, en tout état de cause, cette aide était compatible avec le marché commun et n’avait pas été appliquée de manière abusive. C’est d’ailleurs seulement en cours d’instance que le Land de Thuringe a invoqué d’autres éléments tendant à démontrer que l’octroi du concours en cause avait été conforme au comportement d’un investisseur privé en économie de marché. Or, en l’absence, durant la procédure administrative, de telles précisions, dont la preuve incombe à la République fédérale d’Allemagne, le Tribunal estime que la Commission pouvait légitimement limiter sa motivation, dans la décision attaquée, au fait que l’aide n’était pas conforme aux conditions posées dans ses lettres approuvant les régimes de la THA (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 octobre 1991, Italie/Commission, C‑261/89, Rec. p. I-4437, points 20 et suivants).

181    Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation ne saurait pas non plus être accueilli.

182    Au vu de ce qui précède, les moyens avancés par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doivent être rejetés comme non fondés.

F –  Sur le crédit de 25 millions de DEM octroyé par la TAB à PA

1.     Arguments des parties

183    Le Land de Thuringe considère que la Commission a erronément constaté au considérant 33 de la décision attaquée que la TAB a consenti à PA un crédit de 25 millions de DEM afin de combler les insuffisances de trésorerie de cette dernière. Il relève en effet que, ainsi qu’il ressort des lettres des autorités allemandes du 3 mars 1995 et du 18 janvier 1996, ce crédit a uniquement servi à rembourser, dans le cadre de la convention d’assainissement, une partie des crédits bancaires qui étaient couverts par la garantie de la THA. Ensuite, il conteste que ce crédit constitue une aide d’État et, à plus forte raison, qu’il s’agisse d’une aide nouvelle qui serait incompatible avec le marché commun. Il relève en effet que, dès lors que ce crédit a été versé afin de rembourser une partie des crédits qui étaient couverts par la garantie de la THA et que, selon la Commission, l’octroi de cette garantie constitue une aide d’État, c’est à tort que la Commission considère que les sommes versées dans le cadre de l’intervention au titre de cette garantie constituent également des aides d’État puisque cela revient à considérer deux fois les mêmes montants en tant qu’aide d’État. Il estime, en outre, que, dans la mesure où, ainsi qu’il l’a déjà démontré, l’octroi de la garantie doit être considéré comme une aide existante compatible avec le traité, il en va nécessairement de même pour le présent concours financier, qui a été versé en exécution des obligations résultant de la garantie. Il reconnaît toutefois que cette conclusion ne s’impose évidemment que pour autant que les crédits couverts par la garantie de la THA ont réellement servi à la construction de l’usine de CD à Albrechts. En outre, le Land de Thuringe fait observer que le crédit de 25 millions de DEM ne saurait être qualifié d’aide à la restructuration, dès lors que, au moment de l’octroi de l’aide en question, PA n’était pas en difficulté. Enfin, il fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle considère que le crédit de 25 millions de DEM constitue une aide d’État en faveur de PA et de CD Albrechts, alors que ce crédit n’a servi qu’à rembourser des crédits bancaires destinés à la construction de l’usine de CD à Albrechts et versés exclusivement à Pilz Construction.

184    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’argumentation du Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doit être rejetée comme non fondée. Elle fait observer, d’abord, que, même s’il est vrai que la lettre des autorités allemandes du 3 mars 1995 qualifie le crédit en cause de prêt destiné au remboursement de dettes, la somme correspondante a toutefois été placée sous l’intitulé « moyens d’exploitation » (Betriebsmittel) dans un tableau figurant dans la lettre du 17 avril 1997. La Commission rappelle, ensuite, que, selon une jurisprudence constante, l’objectif d’un concours financier de l’État est sans importance pour sa qualification d’aide puisque seul compte l’effet bénéfique de la mesure. Elle relève également que la circonstance que d’autres dispensateurs publics (la TIB et la LfA) sont intervenus au côté de la THA afin d’honorer les engagements découlant de la garantie ne saurait avoir d’impact sur la question de la qualification de la garantie de la THA en tant qu’aide d’État et sur sa compatibilité avec le marché commun. En effet, selon la Commission, la seule conséquence de ces interventions est que la THA a dû débourser un montant de 120 millions de DEM au lieu de 156 millions de DEM.

185    Enfin, elle conteste avoir violé l’obligation de motivation en ce qui concerne ce concours financier. La Commission relève, en effet, que, dans la mesure où ce concours avait déjà été qualifié d’aide illégale à la restructuration dans la décision d’ouverture et que la Commission n’avait pas reçu d’informations contraires, elle n’avait aucune raison d’aboutir à une appréciation différente dans la décision attaquée. En particulier, elle fait observer que, dès lors qu’il ressortait des informations des autorités allemandes que PA était une entreprise en difficulté (voir les lettres du 18 janvier 1996 et du 17 avril 1997), elle a apprécié ce concours à la lumière des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration et constaté que, en l’absence d’un plan visant à restaurer la viabilité et la rentabilité de l’entreprise dans un délai raisonnable, il s’agissait d’une aide illégale à la restructuration (considérants 104 à 111 de la décision attaquée).

2.     Appréciation du Tribunal

186    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne le présent concours, une erreur de fait, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

187    Il convient de rappeler que, au considérant 33 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, « [d]ès le mois d’octobre 1993, pour combler des insuffisances de trésorerie, la TAB consentait à PA un prêt de 25 millions de DEM productif d’intérêts, lequel a été suivi en mars 1994 d’un prêt de 20 millions de DEM destiné au remboursement du prêt cautionné par la THA ». Ensuite, aux considérants 104 à 111, elle a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait que ce concours devait être considéré comme une aide à la restructuration octroyée en violation des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration et, partant, comme une aide incompatible avec le marché commun.

188    Selon le Land de Thuringe, cette appréciation repose sur une erreur de fait dans la mesure où le crédit de 25 millions de DEM octroyé par la TAB n’a pas servi à combler des insuffisances de trésorerie, mais a uniquement servi à rembourser, dans le cadre de la convention d’assainissement, une partie des crédits bancaires qui étaient couverts par la garantie de la THA.

189    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 2.2.2, paragraphe 1, de la décision d’ouverture, la Commission a indiqué que, « [d]ès le 29 septembre 1993, la TAB a accordé à l’entreprise commune un prêt de 20 millions de [DEM] portant un intérêt [de] 7 %, remboursable le 21 mars 1996 au plus tard, en vue de combler des insuffisances de trésorerie, ainsi qu’un prêt de 25 millions de [DEM], à 7 %, remboursable le 31 mars 1996 au plus tard, destiné à rembourser le prêt garanti par la THA ». Cette constatation factuelle, qui diffère de celle figurant au considérant 33 de la décision attaquée, est corroborée par le dossier. En effet, il résulte des lettres des autorités allemandes du 3 mars 1995 et du 18 janvier 1996 que le crédit de 25 millions de DEM a été octroyé en mars 1994 afin de rembourser une partie des crédits de la THA. En outre, il ne ressort pas des observations des parties concernées qui ont été présentées après l’ouverture de la procédure formelle que celles-ci aient demandé de corriger la présentation des faits sur ce point qui figurait dans la décision d’ouverture.

190    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, au vu des informations dont elle disposait au moment d’arrêter la décision attaquée, la Commission devait savoir que le crédit de 25 millions de DEM n’avait pas servi à combler des insuffisances de trésorerie en octobre 1993, mais avait été octroyé en mars 1994 afin de rembourser une partie des crédits garantis par la THA. Partant, la Commission a commis une erreur de fait en ce qui concerne ce concours.

191    Toutefois, il résulte d’une jurisprudence constante que, même si un considérant d’un acte litigieux comporte une mention erronée en fait, ce vice peut cependant ne pas conduire à l’annulation de cet acte si les autres considérants de la décision attaquée font état de motifs de nature à en établir le bien-fondé (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 21 janvier 1999, Neue Maxhütte Stahlwerke et Lech-Stahlwerke/Commission, T‑129/95, T‑2/96 et T‑97/96, Rec. p. II-17, point 160, et du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, non encore publié au Recueil, points 167 et suivants). Or, en l’espèce, l’interversion du montant des crédits qui ont été octroyés en septembre 1993 et en mars 1994 par la TAB est restée sans conséquence pour l’appréciation de ces concours par la Commission. En effet, les motifs avancés par la Commission pour apprécier leur compatibilité avec le marché commun sont identiques, à savoir que, d’après les informations de la Commission, ces aides ont été octroyées en violation des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration. Dès lors, l’erreur de fait relevée ci-dessus en ce qui concerne le crédit de 20 millions de DEM et le crédit de 25 millions de DEM ne justifie pas l’annulation de la décision attaquée sur ce point.

192    En deuxième lieu, le Land de Thuringe conteste que le crédit de 25 millions de DEM constitue une aide d’État et, à plus forte raison, qu’il s’agit d’une aide nouvelle incompatible avec le marché commun. Il relève en effet que, dès lors que ce crédit a été versé afin de rembourser une partie des crédits qui étaient couverts par la garantie de la THA et que, selon la Commission, l’octroi de cette garantie constitue une aide d’État, c’est à tort que la Commission considère que les sommes versées dans le cadre de l’intervention au titre de cette garantie constituent également des aides d’État, puisque cela revient à considérer deux fois les mêmes montants comme une aide d’État.

193    Cette argumentation ne saurait prospérer.

194    D’une part, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte du considérant 99 de la décision attaquée, sur le montant total de la garantie octroyée par la THA, à savoir 190 millions de DEM, seule « la somme de 120 millions de DEM pour laquelle la garantie a joué doit être restituée, puisque c’est la seule qui a été payée ». Dans ces conditions, la qualification d’aide d’État retenue pour le crédit de 25 millions de DEM ne fait pas double emploi avec l’aide prise en compte au titre de ladite garantie.

195    D’autre part, il y a lieu de souligner que, ainsi qu’il résulte des points 175 à 179 ci-dessus, la garantie de la THA n’a pas été octroyée conformément aux premier et deuxième régimes de la THA, de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme une aide existante. En outre, à supposer même que la garantie de la THA puisse être considérée comme telle, cette qualification ne permet pas, en tant que telle, de conclure qu’un crédit octroyé à PA par une autre entreprise publique afin de rembourser une partie des crédits couverts par ladite garantie doit être considéré comme une aide existante.

196    En outre, il y a lieu de rejeter l’argumentation du Land de Thuringe selon laquelle le crédit de 25 millions de DEM ne saurait être qualifié d’aide à la restructuration, dès lors que, au moment de l’octroi de l’aide en question, PA n’était pas en difficulté.

197    Tout d’abord, il n’est contesté par aucune des parties que, avant la conclusion de la convention d’assainissement en mars 1994, la situation économique et financière de PA était désastreuse. En effet, ainsi qu’il ressort de la lettre des autorités allemandes du 3 mars 1995, le recul des ventes de l’entreprise et la faible exploitation de ses capacités de production avaient occasionné des pertes considérables et abouti à une détérioration dramatique de la trésorerie. Cette situation est également confirmée par l’octroi par la TAB, en octobre 1993, d’un concours visant à combler les insuffisances de trésorerie.

198    Ensuite, il y a lieu d’observer que, ainsi qu’il ressort des écrits du Land de Thuringe, c’est justement afin de remédier à cette situation que les parties tant privées que publiques ont signé la convention d’assainissement le 7 mars 1994. Cette convention avait en effet pour objet d’achever un important désendettement de PA afin d’assurer sa survie. De loin, la plus importante mesure qui a été prise dans ce contexte est l’intervention de la THA au titre de sa garantie pour un montant de 120 millions de DEM. Ce montant ainsi que d’autres crédits octroyés à PA par la TIB et par la TAB ont permis de rembourser une grande partie de crédits bancaires octroyés à l’entreprise commune. La TAB, la TIB et la LfA ont également adopté diverses mesures afin, d’une part, de rembourser le restant des crédits bancaires octroyés à PBK et afin, d’autre part, de consolider la trésorerie de PA.

199    Dès lors, sur la base de l’ensemble de ces éléments, la Commission pouvait légitimement arriver, dans la décision attaquée, à la conclusion selon laquelle, lors de l’octroi du crédit de 25 millions de DEM, PA connaissait des insuffisances de trésorerie. Cela n’est d’ailleurs pas infirmé par l’affirmation du Land de Thuringe selon laquelle, à la suite de ces diverses interventions dans le cadre de la convention d’assainissement, la situation comptable de l’entreprise s’est présentée de manière assez positive. En effet, au vu des circonstances ayant donné lieu à l’assainissement de PA, la Commission pouvait raisonnablement estimer que cet élément, à lui seul, ne suffisait pas pour conclure que PA n’était plus en difficulté. Cette conclusion s’est imposée d’autant plus qu’il est apparu par la suite que la valeur des actifs qui figurait dans le bilan de la société avait été très sensiblement surévaluée. En outre, ainsi qu’il résulte des considérants 36 et 37 de la décision attaquée, moins de six mois après la conclusion de la convention d’assainissement, PA a de nouveau connu des problèmes de trésorerie qui ont obligé la TAB et la LfA à lui octroyer de nouveaux crédits. Par ailleurs, ainsi que le Land de Thuringe le souligne lui-même aux points 356 et 360 de la requête, PA courait également un risque en raison de la faillite imminente du groupe Pilz et en raison du fait que les créances que cette entreprise détenait à l’égard des sociétés de ce groupe devaient être considérées comme irrécupérables.

200    À titre surabondant, le Tribunal observe que, au moment de la conclusion de la convention d’assainissement, les intervenants publics n’étaient pas encore au courant des diverses manipulations comptables et du détournement des aides par le groupe Pilz. Toutefois, cette ignorance ne permet pas de conclure que, au moment d’octroyer les différents concours, ces entités pouvaient considérer que, à la suite de ces interventions, PA ne se trouvait plus en situation de difficulté. Il convient, en effet, de souligner que, au vu de la situation désastreuse dans laquelle se trouvait PA au moment de la conclusion de la convention d’assainissement, tout investisseur raisonnablement diligent agissant en économie de marché aurait d’abord fait une étude approfondie de la situation économique de l’entreprise et exigé l’établissement d’un plan de restructuration viable avant de lui octroyer des crédits aussi importants et a fortiori avant de la racheter. Or, force est de constater que, malgré diverses demandes de la Commission, les autorités allemandes n’ont pas fourni de renseignements quant à l’élaboration d’un quelconque plan de restructuration (considérant 108 de la décision attaquée). Dans ces conditions, le Land de Thuringe ne saurait invoquer l’ignorance de ces entités publiques à l’appui de ses allégations selon lesquelles, d’après les informations dont elles disposaient en mars 1994, ces entités pouvaient considérer que PA n’était pas une entreprise en difficulté.

201    Dans ces circonstances, c’est à bon droit que la Commission a considéré que, au moment de l’octroi des aides à la restructuration, PA devait être considérée comme une entreprise en difficulté et que, partant, elle devait apprécier le crédit de 25 millions de DEM à la lumière de ses lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration.

202    Enfin, c’est à tort que le Land de Thuringe invoque une violation de l’obligation de motivation. Il est vrai que la décision attaquée ne contient que peu d’indications quant aux raisons pour lesquelles PA devait être qualifiée d’entreprise en difficulté. Toutefois, dans la décision d’ouverture, la Commission avait clairement indiqué que « les aides litigieuses [n’avaient] apparemment pas pour objectif de promouvoir le développement régional, mais plutôt d’assainir et de restructurer des entreprises en difficulté », de sorte que, pour être considérées comme compatibles avec le marché commun, elles devaient satisfaire les conditions prévues par les lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration. Or, force est de constater que les parties intéressées n’ont pas réagi à cette qualification. Il en résulte que la Commission n’était pas tenue de fournir de plus amples développements sur ce point dans la décision attaquée. Cette conclusion s’impose d’autant plus que, selon une jurisprudence constante, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE doit être appréciée notamment au vu du contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec. p. I-1719, point 63). Pour les mêmes raisons et contrairement à l’argument du Land de Thuringe, la Commission n’était pas dans l’obligation d’exposer, dans la décision attaquée, les raisons précises pour lesquelles elle estimait que, entre autres, le crédit de 25 millions de DEM constituait une aide bénéficiant à CD Albrechts.

203    Au vu de tout ce qui précède, les moyens avancés par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doivent être rejetés comme non fondés.

G –  Sur le crédit de 20 millions de DEM octroyé par la TAB à PA

1.     Arguments des parties

204    Le Land de Thuringe fait valoir, d’abord, que, contrairement à ce que la Commission a constaté au considérant 33 de la décision attaquée, le crédit de 20 millions de DEM a été octroyé par la TAB à PA en octobre 1993 et non en mars 1994. En outre, il souligne que ce crédit a servi à consolider la trésorerie de cette dernière et non à rembourser une partie des crédits bancaires couverts par la garantie de la THA. Ensuite, il avance que la décision attaquée emporte violation de l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où elle constate que ce crédit constitue une aide d’État en faveur de PA qui doit être restituée par cette dernière. Elle estime en effet que, contrairement à ce que la Commission a constaté dans la décision attaquée, ce crédit ne doit pas être analysé à la lumière des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration puisque PA ne se trouvait pas dans une telle situation. En outre, il fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas fourni de motifs à l’appui de la constatation selon laquelle CD Albrechts a bénéficié de ce concours financier et qu’il constitue un avantage à l’aide de fonds publics qui doit être examiné au regard des lignes directrices relatives aux aides au sauvetage et à la restructuration.

205    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’argumentation avancée par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doit être rejetée comme non fondée.

2.     Appréciation du Tribunal

206    Il convient de relever que l’argumentation avancée par le Land de Thuringe concernant le crédit de 20 millions de DEM octroyé par la TIB est largement analogue à celle invoquée en ce qui concerne le crédit de 25 millions de DEM.

207    Partant, pour l’ensemble des motifs repris aux points 186 à 205 ci-dessus qu’il y a lieu de transposer au présent concours, il y a lieu de rejeter comme non fondés les moyens avancés à ce titre par le Land de Thuringe.

H –  Sur le prix d’achat de 3 millions de DEM payé par la TIB à PBK

1.     Arguments des parties

208    Le Land de Thuringe relève que, dans le cadre de son appréciation, la Commission n’a pas tenu compte du fait que ce concours a été versé après l’apurement d’une grande partie des dettes de l’entreprise de PA, ce qui s’est traduit par des actifs d’un montant de 250 millions de DEM et un endettement de l’ordre de 100 millions de DEM. Selon le Land de Thuringe, la Commission aurait dû déduire de cette circonstance, qui avait été explicitement portée à son attention par les autorités allemandes dans la lettre du 30 mars 1999, que l’octroi de ce concours était conforme au principe de l’investisseur privé en économie de marché et que, partant, il ne constituait pas une aide. En outre, il considère que, dans la mesure où ce prix d’achat a été versé à une société du groupe Pilz et n’a donc nullement bénéficié à PA, c’est uniquement aux entreprises de ce groupe qu’il convient d’en demander la restitution. Il estime enfin que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas expliqué les raisons pour lesquelles elle considérait que le prix d’achat de 3 millions de DEM versé par la TIB et la TAB constitue une aide d’État en faveur de PA et de CD Albrechts.

209    La Commission, soutenue par ODS, conteste l’allégation du Land de Thuringe selon laquelle elle aurait erronément présumé l’existence d’une aide d’État. Elle relève en effet que, bien que les questions qu’elle a adressées aux autorités allemandes, par lettre du 25 novembre 1996, visaient directement à s’assurer que la reprise s’était effectuée conformément aux conditions du marché, ces autorités n’ont ni présenté d’observations à cet égard ni transmis une copie de la convention d’assainissement, mais se sont contentées d’affirmer que le prix d’achat avait été négocié. Dans ce contexte, elle estime qu’il lui était impossible de vérifier l’exactitude des estimations positives quant à la rentabilité future de l’entreprise. En outre, elle soutient que c’est le fait que PA devait, à ce moment, être considérée comme une entreprise en difficulté qui a déterminé son appréciation selon laquelle un investisseur privé n’aurait pas racheté PA et que le prix d’achat devait être considéré comme une aide d’État. Elle relève, en effet, qu’il ne ressortait pas des informations dont elle disposait que les aides avaient été octroyées dans le cadre d’un plan de restructuration permettant d’assurer, dans un délai raisonnable, la rentabilité et la viabilité à long terme de l’entreprise. Bien au contraire, ces informations auraient indiqué que les créances des banques avaient été largement satisfaites notamment à la suite du paiement d’un montant de 120 millions de DEM par la THA et que les mesures servant à soutenir ou à sauver PA avaient été presque exclusivement financées par des fonds publics. Elle fait observer en outre que, dès la décision d’ouverture, elle avait classé le prix d’achat parmi les aides illégales à la restructuration sur la base des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration. Enfin, elle souligne que cette qualification avait été confirmée par les autorités allemandes qui avaient affirmé que les aides à la trésorerie étaient absolument indispensables (lettre du 18 janvier 1996) et que PA n’aurait pas survécu sans le versement des mesures d’assainissement en cause (lettre du 14 juillet 1997).

210    De même, la Commission, soutenue par ODS, conteste l’allégation selon laquelle elle aurait violé l’obligation de motivation à cet égard. Elle relève, en effet, que, dans la mesure où ce concours financier avait déjà été qualifié dans la décision d’ouverture d’aide illégale à la restructuration en faveur d’une entreprise en difficulté et que la Commission n’avait pas reçu d’informations contraires de la part des autorités allemandes (lettres du 18 janvier 1996 et du 17 avril 1997), elle n’avait aucune raison d’aboutir à une appréciation différente dans la décision attaquée (considérants 104 à 111).

211    ODS fait observer en outre que le Land de Thuringe semble confondre les exigences liées à l’obligation de motivation avec la question de savoir si la Commission a correctement enquêté sur les faits. Elle souligne, en effet, qu’une éventuelle inexactitude des faits retenus par la Commission ne relèverait pas de l’obligation de motivation puisque la Commission était en droit de présumer leur exactitude dès lors qu’ils résultaient des informations communiquées par la République fédérale d’Allemagne. Elle relève que, dans la mesure où il était évident que, d’après ces informations, les mesures en cause constituaient des aides d’État, la Commission ne devait pas examiner en détail et de manière spécifique chaque élément matériel de l’article 87, paragraphe 1, CE, mais pouvait se limiter à une motivation sommaire.

2.     Appréciation du Tribunal

212    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne le présent concours, une erreur de fait, une erreur manifeste d’appréciation ainsi que la violation de l’obligation de motivation.

213    En ce qui concerne le grief tiré d’une erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation, le Land de Thuringe fait valoir, en substance, que, au vu des informations dont elle disposait au moment d’arrêter la décision attaquée, la Commission aurait dû constater que le prix d’achat de 3 millions de DEM payé par la TIB pour le rachat des parts sociales de PA était conforme au marché.

214    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans la décision d’ouverture, la Commission a indiqué que « [l]a TAB et la TIB ont versé au total 15 millions de [DEM] dans le cadre de la reprise de [PA], en mars 1994 » et que, « [s]ur ce montant, 3 millions de marks correspondaient au prix payé par la TIB pour acheter ses parts à [PBK] » (point 2.2.2, deuxième alinéa, de la décision d’ouverture). Ensuite, dans le cadre de son appréciation provisoire des concours financiers, elle a souligné que le prix d’achat de 3 millions de DEM constitue assurément, à l’instar des autres concours, une aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, CE (point 3, premier alinéa, de la décision d’ouverture). En outre, elle a explicitement demandé à la République fédérale d’Allemagne de lui décrire en détail la manière dont ce prix d’achat a été calculé (question n° 4 à l’annexe de la décision d’ouverture).

215    Par la lettre du 30 mars 1999, les autorités allemandes ont pris position sur ce point. Elles ont souligné, d’une part, que le prix d’achat n’a pas été communiqué sous la forme d’un calcul, mais est plutôt le résultat d’une négociation et, d’autre part, que ce concours n’a pas été perçu par PA, mais bien par le groupe Pilz. En outre, elles ont souligné que, au vu de l’état positif du bilan et de l’importance du désendettement intervenu à la suite de la convention d’assainissement, la TIB et la TAB pouvaient, à cette époque, considérer qu’un engagement de cette importance était défendable dans la mesure où la valeur des actifs de l’entreprise dépassait de loin la valeur de ses dettes. Selon ces autorités, cette conclusion s’imposait d’autant plus que ces entités n’avaient alors pas encore connaissance des manipulations comptables effectuées par M. Pilz.

216    C’est à juste titre que la Commission a considéré que ces informations ne suffisaient pas pour altérer sa conclusion selon laquelle le prix d’achat devait être qualifié d’aide d’État.

217    En effet, d’une part, les autorités allemandes n’ont pas fourni d’informations permettant de vérifier la manière dont le prix de 3 millions de DEM a été calculé. Le seul fait que ce prix a été négocié entre les parties est dénué de pertinence dans ce contexte. D’autre part, pour les raisons évoquées au point 199 200ci-dessus, c’est à tort que les autorités allemandes ont invoqué la valeur des actifs de l’entreprise commune après la conclusion de la convention d’assainissement et l’ignorance de la TIB et de la TAB quant aux manipulations dont ces actifs avaient fait l’objet afin de justifier le prix d’achat. Cette conclusion s’impose d’autant plus que, à la lumière des informations dont elle disposait au moment d’arrêter la décision attaquée, la Commission pouvait légitimement conclure que, au moment du rachat, en mars 1994, un investisseur raisonnablement diligent agissant en économie de marché aurait dû constater que PA se trouvait en difficulté (voir les points 196 197à 202 ci-dessus).

218    En revanche, c’est à bon droit que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a négligé de tenir compte du fait que ce concours a été versé directement à PBK. En effet, la Commission n’a apporté aucun élément dont il ressort que ce concours était destiné à la restructuration de PA ou de CD Albrechts. Partant, c’est à tort que, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, la Commission a qualifié cette aide comme étant « destinée à la restructuration de [CD Albrechts] ». Enfin, la Commission n’a fourni aucune motivation dans la décision attaquée afin de démontrer l’existence d’un avantage dans le chef de PA résultant de ce concours financier qui justifierait que cette aide soit récupérée auprès d’elle.

219    Compte tenu de cette erreur de fait quant à l’identité du bénéficiaire de l’aide et de l’absence de motivation à cet égard en violation de l’article 253 CE, il y a lieu d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée en ce que la Commission déclare que le prix d’achat de 3 millions de DEM constitue une aide « destinée à la restructuration de [CD Albrechts] ».

I –  Sur la dotation en capital de 12 millions de DEM octroyée par la TIB à PA

1.     Arguments des parties

220    Le Land de Thuringe fait valoir, d’abord, que la Commission a commis diverses erreurs de fait en ce qui concerne ce concours. Il relève, en effet, que la Commission a négligé de constater que, ainsi qu’il ressort des lettres des autorités allemandes du 18 janvier 1996 et du 30 mars 1999, la dotation en capital de 12 millions de DEM a servi, à concurrence de 7,6 millions de DEM, à rembourser une partie des crédits bancaires couverts par la garantie de la THA qui ont été versés directement à Pilz Construction. Quant au reste de la dotation, à savoir 4,4 millions de DEM, le Land de Thuringe relève que cette somme a été détournée au profit du groupe Pilz sous la forme de frais non remboursés et de paiements non honorés dans le cadre du contrat de gestion et de livraison que PA a conclu avec ce groupe.

221    Il fait valoir, ensuite, que, en raison de ces erreurs factuelles, la Commission a commis des erreurs d’appréciation et a violé l’obligation de motivation en ce qui concerne ce concours. Il souligne, en effet, que, dans la mesure où cette subvention a servi, à concurrence de 7,6 millions de DEM, à rembourser une partie des crédits bancaires couverts par la garantie de la THA, il ne s’agit pas d’une aide d’État et, à plus forte raison, d’une aide nouvelle qui serait incompatible avec le marché commun. Il relève en effet que, dès lors que cette partie de la subvention a été versée afin de rembourser une partie des crédits qui étaient couverts par la garantie de la THA et que, selon la Commission, l’octroi de cette garantie constitue une aide d’État, c’est à tort que cette dernière considère que les sommes versées dans le cadre de l’intervention au titre de cette garantie constituent également des aides d’État puisque cela revient à compter deux fois les mêmes montants comme aides d’État. Il estime, en outre, que, dans la mesure où, ainsi qu’il l’a déjà démontré, l’octroi de la garantie doit être considéré comme une aide existante compatible avec le traité, il en va nécessairement de même pour le présent concours financier, qui a été versé en exécution des obligations découlant de la garantie. Le Land de Thuringe considère toutefois que tel n’est le cas que pour autant que les crédits couverts par la garantie de la THA ont réellement servi à la construction de l’usine de CD à Albrechts.

222    Quant aux 4,4 millions de DEM restants, le Land de Thuringe estime également que la Commission a commis une erreur d’appréciation et a violé l’obligation de motivation, dans la mesure où il est constaté dans la décision attaquée que cette somme constitue une aide d’État en faveur de PA. Il relève, en effet, que, contrairement à ce que la Commission a constaté dans la décision attaquée, ce concours financier ne pouvait pas être analysé à la lumière des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration, puisque PA ne se trouvait pas dans une telle situation. En outre, il fait valoir que PA n’a jamais bénéficié de ce concours, puisque celui-ci a servi à financer la production de biens livrés au groupe Pilz dans le cadre du contrat de gestion et de livraison de produits, mais qui n’ont jamais été payés. Elle estime, dès lors, que, si l’on considère que ce concours constitue une aide d’État, c’est uniquement aux entreprises du groupe Pilz qu’il faut en demander la restitution.

223    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’ensemble de l’argumentation en ce qui concerne la dotation en capital de 12 millions de DEM doit être rejeté comme non fondé.

2.     Appréciation du Tribunal

224    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne le présent grief, diverses erreurs de fait, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

225    Tout d’abord, il y a lieu de rejeter les arguments avancés par le Land de Thuringe afin de démontrer que la Commission a commis une erreur de fait en ce qui concerne la dotation en capital de 12 millions de DEM octroyée par la TIB à PA, en négligeant de constater, d’une part, que, à concurrence de 7,6 millions de DEM, ce concours a servi à rembourser les crédits garantis par la THA et, d’autre part, que, à concurrence de 4,4 millions de DEM, ce concours a été détourné au profit du groupe Pilz.

226    Il convient en effet de rappeler que, dans la décision d’ouverture, la Commission a indiqué que, sur un montant de 15 millions de DEM versé dans le cadre de la reprise de l’entreprise commune par la TIB et la TAB, 3 millions de DEM correspondaient au prix d’achat des parts sociales, « tandis que les 12 millions de [DEM] restants constituaient un apport en capital à l’entreprise commune » et que, « [s]ur ces 12 millions de [DEM], 7,6 millions de [DEM] ont servi à rembourser le prêt garanti par la THA et le solde de 4,4 millions a été utilisé comme fonds de roulement » (point 2.2.2, deuxième alinéa, de la décision d’ouverture).

227    Dans la lettre du 30 mars 1999, les autorités allemandes ont confirmé cette présentation des faits. En outre, il ne ressort pas du dossier qu’elle ait été contestée par d’autres parties intéressées.

228    Dans ces conditions, c’est à juste titre que, au vu des informations dont elle disposait au moment d’adopter la décision attaquée, la Commission a constaté au considérant 34 de la décision attaquée que, lors du rachat de l’entreprise commune par la TIB et la TAB, ces dernières ont versé un montant total de 15 millions de DEM, à raison de 3 millions de DEM versés par la TIB à PBK pour l’acquisition des parts sociales et de 12 millions de DEM versés par la TIB pour dotation au capital de PA.

229    Ensuite, c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a négligé de tenir compte du fait que, à concurrence de 7,6 millions de DEM, ce concours a servi à rembourser les crédits couverts par la THA. Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la question de savoir si la Commission a effectivement oublié d’en tenir compte, il suffit de constater que cette omission, à la supposer avérée, serait sans conséquence pour la validité de son appréciation sur ce point. En effet, ainsi qu’il a été souligné au point 194 ci-dessus, il est exclu que les concours financiers octroyés pour le remboursement des crédits garantis par la THA aient été pris en compte deux fois, dès lors que seuls les montants effectivement décaissés par la THA en exécution de sa garantie ont été qualifiés d’aide d’État par la décision attaquée.

230    Enfin, en ce que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a négligé de tenir compte du fait que, à concurrence de 4,4 millions de DEM, ce concours a été détourné au profit du groupe Pilz, il y a lieu de renvoyer à l’appréciation de ce grief dans le cadre de l’argumentation du Land de Thuringe relative à la légalité de l’ordre de récupération figurant à l’article 2 de la décision attaquée (voir points 307 à 348 ci-après).

231    En deuxième lieu, dès lors qu’il est établi que la Commission n’a pas commis d’erreur de fait en ce qui concerne ce concours, il convient d’examiner les différents arguments avancés par le Land de Thuringe afin de démontrer l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation en ce qui concerne le présent concours.

232    À cet égard, c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir que, en ce que, à concurrence de 7,6 millions de DEM, l’apport a servi à rembourser les crédits garantis par la THA, la Commission a commis une erreur d’appréciation et violé l’obligation de motivation en qualifiant ce concours d’aide nouvelle. En effet, le seul fait que ce concours, qui a servi à rembourser les crédits garantis par la THA, a été versé par la TIB permet de conclure qu’il ne s’agit pas d’une intervention au titre de cette garantie. Il en résulte qu’il s’agit bien d’une aide nouvelle.

233    En tout état de cause, c’est à bon droit que la Commission a qualifié le présent concours d’aide à la restructuration d’une entreprise en difficulté. En effet, ainsi qu’il a été souligné aux points 196 à 202 ci-dessus, PA pouvait être qualifiée d’entreprise en difficulté au moment de l’octroi de ce concours. Or, l’on peut effectivement supposer qu’une société privée se trouvant dans la situation de la TIB n’aurait pas accordé une dotation en capital à une entreprise en difficulté telle que PA sans, à tout le moins, effectuer une analyse détaillée de la situation économique de l’entreprise et sans élaborer un plan de restructuration. En outre, alors que ce concours avait été qualifié d’aide d’État dans la décision d’ouverture, les autorités allemandes ne se sont pas opposées à cette qualification durant la procédure administrative. Enfin, ainsi qu’il a été souligné au point 202 ci-dessus, la Commission a fourni une motivation suffisante, en conformité avec les exigences de l’article 253 CE, afin de démontrer l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun.

234    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondés les moyens avancés par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours.

J –  Sur l’acquisition du capital social de PA par la TIB et par la TAB

1.     Arguments des parties

235    Le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a erronément constaté dans la décision attaquée que le montant de 33 millions de DEM mentionné au considérant 35 de la décision attaquée constitue un concours financier. Il relève en effet que ce montant correspond en réalité au capital nominal de PA. En outre, il considère qu’elle a commis une erreur manifeste d’appréciation et violé l’obligation de motivation.

236    Au cours de l’audience du 5 mai 2004, la Commission a reconnu que c’est à tort qu’elle avait constaté dans la décision attaquée que l’acquisition par la TIB et par la TAB du capital social de PA, d’un montant de 33 millions de DEM, constituait une aide d’État. Partant, elle a accepté que la décision attaquée soit annulée sur ce point.

2.     Appréciation du Tribunal

237    Eu égard aux déclarations faites par la Commission au cours de l’audience du 5 mai 2004, dont il a été pris acte au procès-verbal de l’audience, il y a lieu de constater, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres griefs soulevés à cet égard, que la Commission a commis une erreur de fait en qualifiant d’aide d’État l’acquisition par la TIB et par la TAB du capital social de PA, d’un montant de 33 millions de DEM.

238    Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, en ce que la Commission a considéré que l’aide d’État incompatible destinée à la restructuration de la société CD Albrechts inclut un montant de 33 millions de DEM au titre de l’acquisition du capital social de PA.

K –  Sur le crédit de 2 millions de DEM octroyé par la LfA à PA

1.     Arguments des parties

239    Le Land de Thuringe fait valoir que, dans la décision attaquée, la Commission, à tort, n’a ni pris en compte ni suffisamment motivé le fait que le crédit d’un montant de 2 millions de DEM octroyé par la LfA à PA n’a pas été versé à cette société mais a uniquement servi au remboursement des crédits bancaires octroyés à PBK, qui étaient couverts par la garantie du Land de Bavière. Or, il considère que, dans la mesure où le montant total de la garantie (54,7 millions de DEM) est déjà comptabilisé comme aide d’État par la Commission, le fait de considérer que ce crédit constitue également une aide d’État revient à prendre en compte deux fois le même montant au titre de l’aide. De même, il estime que la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant dans la décision attaquée, sans fournir la moindre motivation, que le crédit de 2 millions de DEM octroyé par la LfA constitue une aide nouvelle. Enfin, il fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle considérait que le crédit de 2 millions de DEM octroyé par la LfA à PA constituait une aide incompatible avec le marché commun.

240    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’argumentation avancée par le Land de Thuringe en ce qui concerne ce concours doit être rejetée comme non fondée.

2.     Appréciation du Tribunal

241    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne le présent concours financier, une erreur de fait, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

242    À cet égard, il y a lieu d’examiner, en premier lieu, si, ainsi que le fait valoir le Land de Thuringe, la Commission a commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de ce que le crédit de 2 millions de DEM octroyé par la LfA à PA a servi à rembourser une partie des crédits couverts par la garantie du Land de Bavière.

243    À cet égard, il convient de rappeler que, au point 2.2.2, troisième alinéa, de la décision d’ouverture, la Commission a effectué les constatations suivantes :

« Le 8 mars 1994, l[e Land de] Bavière a conclu, par l’intermédiaire de la LfA […], deux contrats de prêts en faveur de l’entreprise commune, l’un de 2 millions de [DEM] et l’autre de 7 millions [de DEM] ; leur rémunération était fixée, dans les deux cas, à 7 % et leur remboursement devait respectivement être achevé le 31 mars 1996 et le 30 mars 1996 au plus tard. Le premier prêt a été utilisé pour rembourser [...] le crédit garanti par [le Land de] Bavière. »

244    Il ressort clairement de ce passage que la Commission était informée du fait que le prêt de 2 millions de DEM octroyé par la LfA a servi à rembourser les crédits garantis.

245    Ensuite, il doit être observé que, dans le cadre de la procédure administrative, ni les autorités allemandes ni les autres parties intéressées n’ont formulé d’observations afin de corriger cette information. Au contraire, dans la lettre du 30 mars 1999, les autorités allemandes ont confirmé l’exactitude de ce qui avait été constaté à cet égard dans la décision d’ouverture.

246    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, sur la base des informations dont disposait la Commission au moment d’adopter la décision attaquée, elle devait savoir que le crédit de 2 millions de DEM avait servi à rembourser une partie des crédits garantis par le Land de Bavière.

247    Toutefois, à la différence de ce qui a été constaté en ce qui concerne l’abandon de créance de 3 millions de DEM (voir les points 123 à 130131 ci-dessus), cette erreur n’entraîne pas de conséquences pour la légalité de la décision, dès lors que, en l’espèce, il est, en tout état de cause, exclu qu’il s’agisse de la double prise en considération du même avantage. En effet, le seul fait que ce concours a servi à rembourser les crédits garantis par le Land de Bavière ne permet pas de conclure qu’il s’agit d’une intervention au titre de cette garantie. En particulier, ce crédit a été versé à PA afin de lui permettre de rembourser une partie des crédits couverts par la garantie. Ainsi, bien que l’octroi du crédit tende à permettre le remboursement des crédits garantis, il n’en demeure pas moins qu’il ne s’agit pas d’une intervention au titre d’une garantie existante, mais bien d’une aide nouvelle.

248    En second lieu, c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a commis une erreur de fait et violé l’obligation de motivation en considérant que ce crédit a été accordé à une entreprise en difficulté et en le qualifiant d’aide d’État incompatible avec le marché commun. Il convient, en effet, de rappeler que, au moment de l’octroi de ce crédit, PA pouvait être qualifiée d’entreprise en difficulté (voir, à cet égard, les points 196 à 202 ci-dessus). Or, l’on peut effectivement supposer qu’une société privée se trouvant dans la situation de la LfA n’aurait pas accordé un autre crédit à une entreprise en difficulté telle que PA, à tout le moins pas sans vérification de la situation économique de l’entreprise et sans plan de restructuration. En outre, alors que ce crédit avait été qualifié d’aide d’État dans la décision d’ouverture, les autorités allemandes ne se sont pas opposées par la suite à cette qualification. Enfin, ainsi qu’il a été souligné au point 202 ci-dessus, la Commission a fourni une motivation suffisante quant à la qualification de PA d’entreprise en difficulté et, partant, quant à l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun.

249    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondés les moyens avancés par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours.

L –  Sur le prêt d’associé de 3,5 millions de DEM octroyé par la TIB à PA

1.     Arguments des parties

250    Le Land de Thuringe fait valoir que la décision attaquée emporte violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et de l’obligation de motivation dans la mesure où elle qualifie le prêt d’associé de 3,5 millions de DEM d’aide d’État en faveur de PA incompatible avec le marché commun. Il relève, en effet, que, contrairement à ce que la Commission a constaté dans la décision attaquée, ce prêt ne devait pas être analysé à la lumière des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration, puisque PA ne se trouvait pas dans une telle situation. En outre il observe que, ainsi qu’il ressort de la lettre des autorités allemandes du 30 mars 1999, le prêt d’associé de 3,5 millions de DEM octroyé par la TIB à PA a été détourné au profit du groupe Pilz par le biais du système de gestion centralisée de la trésorerie.

251    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’argumentation avancée par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doit être rejetée comme non fondée.

2.     Appréciation du Tribunal

252    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne le présent concours, une erreur de fait, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

253    Il convient d’observer, d’abord, que le Land de Thuringe ne conteste pas la constatation reprise au considérant 35 de la décision attaquée selon laquelle la TIB a accordé, en avril 1994, un prêt d’associé de 3,5 millions de DEM à PA.

254    Ensuite, il y a lieu de relever que c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit et a violé l’obligation de motivation en faisant application des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration et en qualifiant ce crédit d’aide d’État incompatible avec le marché commun. En effet, ainsi qu’il a été souligné aux points 196 à 202 ci-dessus, PA pouvait être qualifiée d’entreprise en difficulté au moment de l’octroi de ce crédit. Or, l’on peut effectivement supposer qu’une société privée se trouvant dans la situation de la TIB n’aurait pas accordé un crédit à une entreprise en difficulté telle que PA sans, à tout le moins, effectuer une analyse détaillée de la situation économique de l’entreprise commune et élaborer un plan de restructuration. En outre, alors que ce concours avait été qualifié d’aide d’État dans la décision d’ouverture, les autorités allemandes ne se sont pas opposées par la suite à cette qualification. Enfin, ainsi qu’il a été relevé au point 202 ci-dessus, la Commission a fourni une motivation suffisante quant à la qualification de PA d’entreprise en difficulté et, partant, quant à l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun.

255    Enfin, en ce que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a négligé de tenir compte du fait que ce concours a été détourné au profit du groupe Pilz, il y a lieu de renvoyer à l’appréciation de ce grief dans le cadre de l’argumentation du Land de Thuringe relative à la légalité de l’ordre de récupération figurant à l’article 2 de la décision attaquée (points 307308 à 347 ci-après).

256    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondés les moyens avancés par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours.

M –  Sur le crédit de 15 millions de DEM octroyé par la LfA au groupe Pilz

1.     Arguments des parties

257    Le Land de Thuringe considère que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne le crédit de 15 millions de DEM octroyé par la LfA, dans la mesure où celui-ci a été accordé directement au groupe Pilz, de sorte qu’il n’y a pas lieu de demander sa restitution à l’entreprise commune et à ses successeurs. Ensuite, il fait valoir que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles ce crédit constitue une aide en faveur de PA ou de CD Albrechts.

258    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’argumentation avancée par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doit être rejetée comme non fondée. Elle souligne qu’il importe peu que le crédit de 15 millions de DEM ait été destiné au groupe Pilz, puisque, s’agissant d’un crédit d’exploitation qui devait servir de relais dans l’attente d’un repreneur de l’entreprise commune, il a également favorisé l’entreprise commune et PA.

2.     Appréciation du Tribunal

259    Le Land de Thuringe allègue, en ce qui concerne le présent concours, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

260    C’est à bon droit que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a négligé de tenir compte du fait que ce concours a été versé directement au groupe Pilz. En effet, la Commission n’a apporté aucun élément dont il ressort que ce concours était destiné à la restructuration de PA ou de CD Albrechts.

261    Cette conclusion n’est pas altérée par le fait que, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 37 de la décision attaquée, le crédit de 15 millions de DEM devait servir au soutien du groupe Pilz en l’attente d’un repreneur de PA. En effet, outre que la Commission n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation, il n’est pas établi que PA a effectivement été avantagée par cette aide. Dès lors, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que ce crédit a bénéficié à PA.

262    Au vu de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner le grief quant à la violation de l’obligation de motivation, il convient d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, en ce que la Commission déclare que le crédit de 15 millions de DEM constitue une aide « destinée à la restructuration de [CD Albrechts] ».

N –  Sur le crédit de 15 millions de DEM octroyé par la TAB à CD Albrechts

1.     Arguments des parties

263    Le Land de Thuringe relève que, ainsi qu’il ressort de la lettre des autorités allemandes du 30 mars 1999, le crédit de 15 millions de DEM octroyé par la TAB à CD Albrechts a été détourné au profit du groupe Pilz. Il observe également que ce crédit a déjà été remboursé. Ensuite, il fait valoir que la Commission a violé l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où elle a considéré, dans la décision attaquée, que le crédit de 15 millions de DEM constitue une aide d’État en faveur de PA. Il relève, en effet, que, contrairement à ce que la Commission a constaté dans la décision attaquée, ce crédit ne doit pas être analysé à la lumière des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration puisque PA, devenue CD Albrechts, ne se trouvait pas dans une telle situation au moment du versement. En outre, il expose que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles ce crédit constitue une aide en faveur de PA ou de CD Albrechts.

264    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’argumentation avancée par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doit être rejetée comme non fondée.

2.     Appréciation du Tribunal

265    Le Land de Thuringe invoque, en ce qui concerne le présent concours, une erreur de fait, une erreur manifeste d’appréciation ainsi que la violation de l’obligation de motivation.

266    À cet égard, il y a lieu de relever, tout d’abord, que le Land de Thuringe n’apporte aucune preuve à l’appui de son allégation, selon laquelle une partie ou la totalité de ce crédit a déjà été remboursée. En outre, il ne démontre pas non plus que, durant la procédure administrative, la Commission a été informée d’un tel remboursement.

267    Ensuite, c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une violation de l’obligation de motivation en qualifiant ce crédit d’aide d’État à la restructuration incompatible avec le marché commun. En effet, pour les raisons exposées aux points 197196 à 202 ci-dessus, CD Albrechts, anciennement PA, pouvait être qualifiée d’entreprise en difficulté au moment de l’octroi de ce crédit. Or, l’on peut effectivement supposer qu’une société privée se trouvant dans la situation de la TAB n’aurait pas accordé un crédit à une entreprise en difficulté telle que CD Albrechts sans, à tout le moins, effectuer une analyse détaillée de la situation économique de l’entreprise et élaborer un plan de restructuration. En outre, bien que ce concours ait été qualifié d’aide d’État dans le cadre de la décision d’ouverture de la procédure, les autorités allemandes ne se sont pas opposées par la suite à cette qualification. Par ailleurs, ainsi qu’il a été souligné au point 202 ci-dessus, la Commission a fourni une motivation suffisante quant à la qualification de CD Albrechts d’entreprise en difficulté et, partant, quant à l’incompatibilité de cette aide avec le marché commun.

268    Enfin, en ce que le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a négligé de tenir compte du fait que ce concours a été détourné au profit du groupe Pilz, il y a lieu de renvoyer à l’appréciation de ce grief dans le cadre de l’argumentation du Land de Thuringe relative à la légalité de l’ordre de récupération figurant à l’article 2 de la décision attaquée (points 318319 à 344 ci-après).

269    Au vu de ce qui précède, sous réserve de l’examen ultérieur de ce dernier grief, il y a lieu de rejeter comme non fondés les moyens avancés par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours.

O –  Sur le crédit de 7 millions de DEM octroyé par la LfA à CD Albrechts

1.     Arguments des parties

270    Le Land de Thuringe fait valoir, d’abord, que la Commission a commis diverses erreurs de fait en ce qui concerne le crédit de 7 millions de DEM. Il avance que, contrairement à ce que la Commission a constaté aux considérants 36 et 73 de la décision attaquée, le crédit de 7 millions de DEM octroyé par la LfA à PA n’a pas servi à soutenir cette société. Il fait remarquer en effet que, à la suite de la conclusion de la convention d’assainissement, ce crédit a été utilisé, à concurrence de 2 millions de DEM, pour rembourser les intérêts échus sur les crédits bancaires octroyés à PBK qui étaient couverts par la garantie du Land de Bavière. Il estime dès lors que, dans la mesure où le montant total de la garantie (54,7 millions de DEM) est déjà comptabilisé comme aide d’État par la Commission, le fait de considérer que cette partie du crédit constitue également une aide d’État revient à prendre en compte deux fois le même montant pour le calcul de l’aide.

271    Le Land de Thuringe considère, ensuite, que la Commission a commis diverses erreurs de droit et violé l’obligation de motivation en ce qui concerne ce concours. Il conteste en particulier que ce crédit constitue une aide d’État et, à plus forte raison, qu’il s’agisse d’une aide nouvelle qui serait incompatible avec le marché commun. Il relève en effet que, dès lors que, pour un montant de 5 millions de DEM, ce crédit a servi à rembourser une partie des crédits qui étaient couverts par la garantie de la THA et que, selon la Commission, l’octroi de cette garantie constitue une aide d’État, c’est à tort que cette dernière considère que les sommes versées en exécution de cette garantie constituent également des aides d’État, puisque cela revient à considérer deux fois les mêmes montants en tant qu’aide d’État. Il estime, en outre, que, dans la mesure où, ainsi qu’il l’a déjà démontré, l’octroi de la garantie doit être considéré comme une aide existante compatible avec le traité, il en va nécessairement de même pour le présent concours financier, qui a été versé en exécution des obligations découlant de la garantie. Enfin, le Land de Thuringe avance que la Commission a violé l’obligation de motivation dans la mesure où elle n’a pas indiqué les raisons pour lesquelles elle estimait que le crédit de 7 millions de DEM constitue une aide incompatible avec le marché commun en faveur de CD Albrechts, alors que, à concurrence de 5 millions de DEM, ce crédit n’a servi qu’à rembourser des crédits bancaires destinés à la construction de l’usine de CD à Albrechts qui n’ont été versés qu’à Pilz Construction et que, à concurrence de 2 millions de DEM, il a permis de rembourser les intérêts sur les crédits couverts par cette garantie.

272    La Commission, soutenue par ODS, estime que l’argumentation avancée par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours doit être rejetée comme non fondée.

2.     Appréciation du Tribunal

273    Le Land de Thuringe invoque, en ce qui concerne le présent concours, diverses erreurs de fait, une erreur manifeste d’appréciation et la violation de l’obligation de motivation.

274    À cet égard, il convient d’examiner, d’abord, si, ainsi que le fait valoir le Land de Thuringe, la Commission a commis une erreur de fait en ne tenant pas compte de ce que le crédit de 7 millions de DEM octroyé par la LfA à PA a servi, d’une part, à concurrence de 2 millions de DEM, à garantir les intérêts futurs sur les crédits couverts par la garantie du Land de Bavière et, d’autre part, à concurrence de 5 millions de DEM, à rembourser une partie des crédits couverts par la garantie de la THA.

275    À cet égard, il convient de rappeler que, dans la décision d’ouverture, la Commission a effectué les constatations suivantes :

« Le 8 mars 1994, [le Land de] Bavière a conclu, par l’intermédiaire de la LfA […], deux contrats de prêts en faveur de l’entreprise commune, l’un de 2 millions de [DEM] et l’autre de 7 millions [de DEM] ; leur rémunération était fixée, dans les deux cas, à 7 % et leur remboursement devait respectivement être achevé le 31 mars 1996 et le 30 mars 1996 au plus tard. Le premier prêt a été utilisé pour rembourser [...] le crédit garanti par [le Land de] Bavière. En ce qui concerne le deuxième prêt, 5 millions de [DEM] ont été utilisés pour réduire le montant du prêt garanti par la THA et les 2 millions [de DEM] restants ont dû être utilisés comme fonds de roulement. »

276    Il ressort clairement de ce passage que la Commission a été informée, avant l’ouverture de la procédure formelle, du fait que, à concurrence de 5 millions de DEM, le prêt de 7 millions de DEM octroyé par la LfA a servi à rembourser les crédits garantis par la THA. En revanche, à ce stade de la procédure, elle ne semble pas avoir été informée du fait que les 2 millions de DEM restants de ce second prêt de 7 millions de DEM octroyé par la LfA ont servi à garantir le paiement des intérêts futurs sur les crédits garantis par le Land de Bavière.

277    Or, il y a lieu d’observer que, dans le cadre de la procédure administrative, les autorités allemandes ont formulé des observations concernant l’utilisation de ce prêt. En effet, dans la lettre du 30 mars 1999, elles ont d’abord souligné que, à concurrence de 5 millions, ce prêt n’a pas servi au remboursement des crédits garantis par le Land de Bavière mais bien des crédits garantis par la THA. Ensuite, ces autorités ont indiqué que les 2 millions de DEM restants ont été transférés aux banques privées afin de garantir le paiement d’intérêts à échoir dans le futur.

278    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, au vu des informations dont elle disposait au moment d’adopter la décision attaquée, la Commission devait savoir que le crédit de 7 millions de DEM octroyé par la LfA avait servi, d’une part, à concurrence de 5 millions de DEM, à rembourser une partie des crédits garantis par la THA et, d’autre part, à concurrence de 2 millions de DEM, à garantir le paiement des intérêts futurs sur les crédits couverts par le Land de Bavière.

279    Il doit, néanmoins, être relevé que l’absence de constatations en ce sens dans la décision attaquée n’a pas eu d’impact sur la légalité de celle-ci en ce qui concerne ce concours.

280    En effet, à supposer même que la Commission ait tenu compte du fait que, à concurrence de 5 millions de DEM, le crédit de 7 millions de DEM a été utilisé pour rembourser les crédits garantis par la THA, cette circonstance n’aurait pas modifié son appréciation de ce concours dès lors que, pour les motifs repris au point 194 ci-dessus, les concours financiers octroyés pour le remboursement des crédits garantis par la THA sont distincts des sommes versées par la THA au titre de cette même garantie.

281    En outre, c’est à tort que le Land de Thuringe fait valoir que, en ce que, à concurrence de 5 millions de DEM, ce crédit a servi à rembourser une partie des crédits garantis par la THA, la Commission a commis une erreur d’appréciation et violé l’obligation de motivation en qualifiant ce concours d’aide nouvelle. En effet, le seul fait que ce concours a servi à rembourser les crédits garantis par la THA ne permet pas de conclure qu’il s’agit d’une intervention au titre de cette garantie. En particulier, ce crédit a été versé à l’entreprise commune afin de lui permettre de rembourser une partie des crédits couverts par la garantie. Il en résulte que, bien que l’octroi du crédit tende à permettre le remboursement des crédits garantis, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit bien d’une aide nouvelle et non d’une intervention au titre d’une garantie existante.

282    Enfin, en ce que, à concurrence de 2 millions de DEM, le présent concours a été utilisé pour garantir le paiement d’intérêts futurs sur les crédits garantis par le Land de Bavière, le Land de Thuringe ne démontre pas de quelle manière cet élément de fait aurait pu modifier l’appréciation portée par la Commission en ce qui concerne ce concours, à savoir qu’il s’agit d’une aide incompatible avec le marché commun, dès lors qu’elle a été octroyée en violation des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration.

283    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondé l’ensemble de l’argumentation avancée par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours.

P –  Sur le crédit de 9,5 millions de DEM octroyé par la TAB à CD Albrechts

1.     Arguments des parties

284    Le Land de Thuringe relève que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas tenu compte du fait que ce crédit a été entièrement remboursé. Il souligne également que ce crédit est le seul qui ait réellement bénéficié à CD Albrechts dans la mesure où, en décembre 1994, les liens avec le groupe Pilz ont été définitivement rompus. En outre, il fait valoir que la Commission aurait dû apprécier ce prêt en fonction du critère de l’investisseur en économie de marché, c’est-à-dire en tenant compte des difficultés financières auxquelles CD Albrechts devait faire face en raison des actions illégales du groupe Pilz.

285    La Commission relève qu’elle n’a pas reçu d’informations quant à un éventuel remboursement, de sorte qu’elle était en droit de penser que ce crédit n’avait pas encore été remboursé.

2.     Appréciation du Tribunal

286    En ce qui concerne l’argumentation du Land de Thuringe concernant le présent concours, il suffit de constater que le Land de Thuringe n’apporte aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle ce concours aurait été entièrement remboursé. D’ailleurs, à supposer même qu’il ait été en mesure d’apporter la preuve de ce remboursement, il n’en demeure pas moins qu’il a omis d’en apporter la preuve dans le cadre de la procédure administrative, de sorte qu’il ne saurait reprocher à la Commission de ne pas en avoir tenu compte dans le cadre de la décision attaquée. Enfin, l’argument du Land de Thuringe tiré de ce que l’octroi de l’aide correspond au comportement rationnel d’un investisseur privé ne saurait prospérer, étant donné que, compte tenu des considérations au point 217 ci-dessus, en l’espèce, la question de savoir si la TAB a agi comme un investisseur privé est sans incidence sur l’appréciation de la compatibilité de l’aide avec le marché commun et, partant, dénuée de pertinence.

287    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter comme non fondés les moyens avancés par le Land de Thuringe en ce qui concerne le présent concours.

Q –  Sur les intérêts d’un montant total de 21,3 millions de DEM

1.     Arguments des parties

288    Le Land de Thuringe fait valoir, d’abord, que la Commission a violé l’obligation de motivation en ce qui concerne les intérêts. Il relève en effet que, à aucun moment dans la décision attaquée, la Commission n’a fait de constatations ou fourni de justifications en ce qui concerne le calcul du montant de 21,3 millions de DEM représentant les intérêts non perçus sur les divers concours. Selon lui, cela est d’autant plus étonnant que les montants versés dans le cadre de la convention d’assainissement en vue de la libération des garanties contenaient déjà une part importante d’intérêts. Le Land de Thuringe estime, par ailleurs, que, dans la mesure où la décision attaquée prévoit que les aides à restituer doivent être augmentées du taux d’intérêt de référence, la Commission aurait dû expliquer clairement de quels intérêts il s’agissait et pourquoi ils avaient bénéficié à l’entreprise commune et à ses successeurs. Selon lui, la Commission ne pouvait, à cet égard, se limiter à un simple renvoi aux informations transmises par l’État membre.

289    Ensuite, le Land de Thuringe conteste l’allégation de la Commission selon laquelle celle-ci a été obligée, au vu des indications des autorités allemandes, de demander la récupération des avantages en matière d’intérêts à concurrence de 21,3 millions de DEM. Il observe en effet, d’une part, que la Commission n’a apporté aucune preuve de ce que les autorités allemandes ont affirmé une telle chose et, d’autre part, qu’il convient de retenir que, à supposer même que ces autorités aient fait une telle déclaration – ce que le Land de Thuringe conteste –, cela ne justifierait pas l’absence de constatations matérielles en ce qui concerne le calcul du montant des intérêts.

290    Par ailleurs, le Land de Thuringe fait valoir que la Commission a violé l’article 87, paragraphe 1, CE, dans la mesure où, dans la décision attaquée, elle a fixé forfaitairement à 21,3 millions de DEM les prétendus avantages en termes d’intérêts dont l’entreprise commune et ses successeurs auraient bénéficié.

291    La Commission, soutenue par ODS, conteste l’ensemble de l’argumentation du Land de Thuringe en ce qui concerne les avantages constitués par les intérêts de 21,3 millions de DEM.

292    Elle relève, d’abord, qu’elle a été contrainte de prendre une décision au vu des informations qui lui avaient été transmises par les autorités allemandes, à savoir que les différents versements s’étaient traduits par des avantages en matière d’intérêts représentant au moins 21,3 millions de DEM pour la période allant de la fin de 1993 à 1998 (considérant 40 de la décision attaquée). Elle considère, en outre, que la remarque du Land de Thuringe concernant les intérêts à verser en raison de l’ordre de récupération est erronée, puisque le montant de 21,3 millions de DEM ne représente que les avantages en matière d’intérêts qui ont été consentis à l’entreprise et qui représentent, dès lors, eux-mêmes une aide. Selon elle, il convient de les distinguer des intérêts qui doivent être remboursés à compter de la date de versement des aides qui, selon l’article 2, paragraphe 2, de la décision attaquée, sont calculées sur la base du taux de référence applicable au calcul de l’équivalent-subvention des aides à finalité régionale.

293    En outre, elle récuse l’allégation du Land de Thuringe selon laquelle elle aurait fixé forfaitairement le montant de l’avantage en termes d’intérêts au moins à 21,3 millions de DEM, sans tenir compte du fait que les versements ont bénéficié à différentes entreprises ni du fait que cet avantage a déjà, en partie, été pris en compte dans le calcul de certains montants. Elle rappelle en effet que ce n’est pas le destinataire final des aides financières à l’intérieur d’un groupement d’entreprises qui est déterminant pour le calcul du montant des aides versées, mais bien le destinataire objectif, à savoir, en l’espèce, l’entreprise commune et ses successeurs. En outre, la Commission souligne que le montant total des avantages sous forme d’intérêts figurant dans la décision attaquée ne repose pas sur des calculs erronés mais, ainsi qu’il ressort du considérant 40 de la décision attaquée, sur les renseignements fournis par les autorités allemandes.

294    Enfin, elle conteste avoir violé l’obligation de motivation en ce qui concerne les avantages octroyés sous forme d’intérêts. Elle relève, en effet, que, en l’absence d’informations claires de la part des autorités allemandes, elle a été obligée de se fier au montant de 21,3 millions de DEM qui, ainsi qu’il ressort du considérant 40 de la décision attaquée, avait été cité par les autorités allemandes comme constituant le total de l’avantage en termes d’intérêts dont avaient bénéficié l’entreprise commune et ses successeurs. En outre, elle relève que cet avantage a été évalué à la lumière des lignes directrices sur les aides au sauvetage et à la restructuration et que, à ce titre, il a été considéré comme une aide illégale à la restructuration. Enfin, en ce qui concerne l’allégation du Land de Thuringe selon laquelle elle n’aurait pas indiqué dans quelle mesure il a été tenu compte, dans la constatation du montant total de l’avantage en termes d’intérêts, du fait que deux crédits ont servi à rembourser des intérêts échus sur les crédits, elle fait valoir que, compte tenu des informations dont elle disposait, elle ne pouvait avoir d’autre choix que de conclure qu’il s’agissait de prêts qui devaient être considérés comme des aides illégales à la restructuration d’entreprises en difficulté.

2.     Appréciation du Tribunal

295    Il y a lieu de constater que, en réponse à une question écrite du Tribunal, la République fédérale d’Allemagne a souligné que ses services n’ont pas transmis à la Commission d’indications dont il ressort que les avantages en termes d’intérêts octroyés dans le cadre du projet d’usine de CD à Albrechts s’élevaient au moins à 21,3 millions de DEM pour la période allant de 1993 à 1998. Elle a, en outre, relevé que ce chiffre est en contradiction avec le montant des intérêts qui est indiqué dans la lettre du gouvernement allemand du 17 avril 1997, à savoir 14,9 millions de DEM.

296    Quant à la Commission, elle a confirmé, dans sa réponse à une question écrite du Tribunal, qu’elle n’est pas en mesure de prouver qu’elle a reçu des autorités allemandes l’indication selon laquelle l’aide en cause s’élevait à 21,3 millions de DEM.

297    Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que la Commission a commis une erreur de fait en constatant, au considérant 40 de la décision attaquée que, « [d’]après les indications des autorités allemandes, ces versements se sont traduits par des avantages en matière d’intérêts, représentant au moins 21,3 millions de DEM de fin 1993 à 1998 ».

298    Au vu de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs invoqués à cet égard, il y a lieu d’annuler l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, en ce qu’il inclut un montant de 21,3 millions de DEM, au titre des avantages en termes d’intérêts octroyés dans le cadre de la restructuration de l’usine de CD à Albrechts.

III –  Sur les moyens relatifs à la légalité de l’article 2 de la décision attaquée

A –  Observations liminaires

299    Le Land de Thuringe, soutenu par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que, en ce que, à l’article 2 de la décision attaquée, la Commission ordonne la récupération des aides auprès de LCA, de CDA, et de « toutes les autres entreprises auxquelles les actifs et/ou l’infrastructure de [PBK], [de l’entreprise commune] ou [de PA] ont été ou seront transférés », cette disposition est illégale en raison du fait que l’ordre de récupération qui y figure repose sur de nombreuses erreurs dans la constatation des faits, est contraire à l’article 87, paragraphe 1, CE et à l’article 88, paragraphe 2, CE, viole l’obligation de motivation et le principe du respect des droits de la défense et, enfin, viole les principes de sécurité juridique et de proportionnalité.

300    Le Tribunal décide d’examiner, d’abord, l’argumentation du Land de Thuringe selon laquelle l’ordre de récupération prévu à l’article 2 de la décision attaquée viole l’article 87, paragraphe 1, CE et l’article 88, paragraphe 2, CE.

B –  Sur la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et de l’article 88, paragraphe 2, CE

1.     Arguments des parties

301    À l’appui de son moyen tiré de la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et de l’article 88, paragraphe 2, CE, le Land de Thuringe fait valoir, en substance, que la Commission ne saurait exiger de la République fédérale d’Allemagne qu’elle récupère des aides auprès d’entreprises n’ayant pas été avantagées par les aides en cause. Il relève que, premièrement, les aides ont été détournées, dans une large mesure, au profit des entreprises du groupe Pilz, que, deuxièmement, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 103 de la décision attaquée, MTDA, devenue CDA, n’a pas bénéficié d’aides dans le cadre du rachat des actifs de CD Albrechts, devenue LCA, dès lors qu’elle a payé un prix conforme au marché, et que, troisièmement, une partie des aides a été versée directement au groupe Pilz.

302    En outre, il soutient que la Commission ne saurait exiger la récupération des aides auprès de tiers en se bornant à alléguer une situation de contournement. Il relève, d’abord, que la Commission ne saurait viser par un ordre de récupération un tiers sans démontrer que ce dernier a été avantagé par l’aide. En outre, il estime que les critères objectifs qu’elle utilise afin de retenir l’existence d’une situation de contournement – l’objet du transfert, le prix d’acquisition, l’identité des associés ou des détenteurs du capital de l’ancienne entreprise et du repreneur, la date de réalisation du transfert et le caractère commercial de celui-ci –, qui sont énoncés au considérant 118 de la décision attaquée, n’étaient pas satisfaits en l’espèce.

303    La Commission, soutenue par ODS, conteste l’ensemble de l’argumentation du Land de Thuringe tendant à démontrer qu’elle a violé l’article 87, paragraphe 1, CE et l’article 88, paragraphe 2, CE, en exigeant de la République fédérale d’Allemagne qu’elle réclame la restitution de l’aide à LCA, à CDA et à toute entreprise à laquelle les actifs ou l’infrastructure de l’entreprise commune ont été ou seront transférés afin d’éluder les suites de la décision attaquée.

304    Elle précise, tout d’abord, en termes généraux son point de vue quant à la détermination des sujets tenus de rembourser les aides en cas de cession des parts sociales de la société bénéficiaire ou des actifs de celle-ci. À cet égard, elle commence par observer que la question ne pose pas de problèmes particuliers dans le cas d’une cession des parts sociales, étant donné que la société bénéficiaire continue d’exister, seule étant modifiée sa propriété. Selon elle, il résulte de la jurisprudence que, dans cette hypothèse, l’obligation de restitution demeure dans le chef de la société ayant reçu les aides ou de ses successeurs, indépendamment des mutations intervenues dans la structure de propriété et de l’éventuelle prise en compte de l’obligation de récupération dans la détermination des conditions de vente. Elle relève, en effet, que, en continuant à exercer l’activité subventionnée, cette société continue à tirer un avantage des aides, faisant ainsi perdurer la distorsion de concurrence. Ensuite, elle estime qu’il n’y a pas davantage de difficultés au cas où les actifs de la société bénéficiaire sont transférés à des entreprises appartenant au même groupe. Elle relève en effet que, dans un tel cas, en sus de la société bénéficiaire, seront en effet tenues de restituer les aides les entreprises du groupe qui, grâce au transfert de ces actifs, ont pu tirer profit des effets favorables découlant des aides, en en obtenant un avantage économique. Par ailleurs, en ce qui concerne la vente à des entreprises tierces des actifs de la société bénéficiaire, la Commission opère une distinction selon que ces biens ont été vendus séparément ou « en bloc ». D’après elle, lorsque les biens sont vendus séparément, au prix du marché, les acquéreurs ne sont pas tenus au remboursement des aides, puisque, à la suite de la vente séparée des actifs, l’activité subventionnée a disparu, l’aide accordée avant la cession des actifs n’étant, de ce fait, plus susceptible de désavantager les concurrents de la société bénéficiaire. En revanche, la Commission considère que la situation se présente différemment lorsque les actifs sont vendus « en bloc » de manière à permettre à l’acquéreur de poursuivre l’activité de la société bénéficiaire. En effet, selon la Commission, dans cette hypothèse, la poursuite de l’activité subventionnée peut pérenniser la distorsion de concurrence, de sorte qu’une vigilance particulière s’avère nécessaire afin d’éviter que la cession des biens de la société bénéficiaire puisse donner lieu à un contournement substantiel de l’obligation de restitution par le biais de la mise « à l’abri » des biens vendus. Elle fait valoir qu’un tel contournement ne saurait être exclu que lorsque, outre qu’elle intervient au prix du marché, la cession « en bloc » des biens de la société bénéficiaire est opérée dans le cadre d’une procédure inconditionnelle et ouverte à tous les concurrents de cette société.

305    À la lumière de ces principes, la Commission estime que c’est à bon droit qu’elle a exigé la récupération de l’aide auprès de LCA et de CDA, dès lors que :

–        CDA poursuit les activités économiques du bénéficiaire initial de l’aide en utilisant les moyens de production « contaminés » qu’elle a repris à l’intérieur du groupement d’entreprises liées sous le contrôle de la TIB ;

–        CDA et LCA continuent de profiter des aides illégalement octroyées à l’entreprise commune – ainsi qu’à ses successeurs –, en ce que la distorsion de concurrence causée par l’octroi de ces aides continue à produire ses effets pour CDA et LCA ;

–        le prix d’achat d’un montant total de 35,3 millions de DEM, acquitté sous la forme de rachat de passif (considérant 102 de la décision attaquée), est de toute façon resté dans un seul et même groupement d’entreprises en raison du contrôle que la TIB exerce à la fois sur CDA et sur LCA ;

–        dans le cas d’un groupement d’entreprises économiquement intégrées, tenir compte du prix d’achat serait contraire à l’obligation qui lui incombe d’éviter le contournement de ses décisions et à l’obligation qu’ont les États membres de veiller au respect des dispositions de ses décisions (considérants 118 et 119 de la décision attaquée).

306    En dernier lieu, la Commission relève que c’est à tort que le Land de Thuringe avance qu’elle ne saurait exiger la récupération auprès de CDA et de LCA des aides qui ont été versées directement ou qui ont été détournées au profit du groupe Pilz. Elle fait observer, en effet, que ces aides sont parvenues dans le champ d’activité de l’entreprise commune ou de ses successeurs, même si, par la suite, elles ont été immédiatement distraites afin de profiter aux autres sociétés du groupe Pilz. Selon la Commission, il importe peu à cet égard que ces aides n’aient pas réellement bénéficié à l’entreprise commune. Elle relève, en effet, que, dans l’arrêt du 20 mars 1997, Alcan Deutschland (C‑24/95, Rec. p. I-1591), la Cour a considéré que l’objection tirée de la disparition de l’enrichissement ne constitue pas une raison valable pour s’opposer à la récupération des aides. Elle estime que le raisonnement de la Cour est transposable à un cas comme celui de l’espèce, où les mécanismes de transfert d’actifs à l’intérieur d’un groupement d’entreprises ont quasiment pour objet de faire disparaître l’enrichissement dans le chef du bénéficiaire initial de l’aide. Selon elle, dans un tel cas, il est exclu de tenir compte de l’objection de la disparition de l’enrichissement et l’on impute, au contraire, l’avantage illégal aux entreprises du groupe qui ont reçu à l’origine les aides dont elles étaient destinataires. De même, elle estime que la TIB et les entreprises liées ne peuvent pas non plus invoquer cette objection, dès lors que le détournement des aides par le groupe Pilz est également imputable à l’entreprise commune et à ses successeurs.

2.     Appréciation du Tribunal

307    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément au droit communautaire, lorsqu’elle constate que des aides sont incompatibles avec le marché commun, la Commission peut enjoindre à l’État membre de récupérer ces aides auprès des bénéficiaires (arrêt de la Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec. p. 813, points 13 et 20, et arrêt Allemagne/Commission, point 176 supra, point 73).

308    La suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et vise au rétablissement de la situation antérieure (arrêt Allemagne/Commission, point 176177 supra, point 74).

309    Cet objectif est atteint dès que les aides en cause, augmentées le cas échéant des intérêts de retard, ont été restituées par le bénéficiaire ou, en d’autres termes, par les entreprises qui en ont eu la jouissance effective (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, Rec. p. I-1433, points 57 et 60). Par cette restitution, le bénéficiaire perd en effet l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents et la situation antérieure au versement de l’aide est rétablie (arrêt de la Cour du 4 avril 1995, Commission/Italie, C‑350/93, Rec. p. I‑699, point 22).

310    Il s’ensuit que le principal objectif visé par le remboursement d’une aide d’État versée illégalement est d’éliminer la distorsion de concurrence causée par l’avantage concurrentiel procuré par l’aide illégale (arrêt Allemagne/Commission, point 176 supra, point 76).

311    C’est à la lumière de ces considérations générales qu’il convient d’examiner la légalité de l’ordre de récupération figurant à l’article 2 de la décision attaquée.

312    À cet égard, il convient d’examiner séparément la légalité de cet ordre en ce qu’il exige la récupération de l’aide auprès de LCA, d’une part, et auprès de CDA, d’autre part. En effet, il est constant que, contrairement à LCA, qui doit être considérée comme le successeur direct de l’entreprise commune et de PA, tel n’est pas le cas de CDA. Dans la décision attaquée, l’extension de l’ordre de récupération à cette dernière est, en effet, fondée sur l’existence d’une situation de contournement.

313    En ce qui concerne la récupération de l’aide auprès de LCA, le Land de Thuringe fait valoir que cet ordre est illégal, dans la mesure où il inclut des aides qui ont été versées directement au groupe Pilz, d’une part, et des aides qui, bien que versées à l’entreprise commune et à PA, ont été détournées au profit de ce groupe, d’autre part.

314    À cet égard, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des tableaux figurant aux considérants 32 et 39 de la décision attaquée, l’aide décrite à l’article 1er de cette décision inclut effectivement un certain nombre d’aides qui ont été versées directement au groupe Pilz et à PBK, une entreprise appartenant à ce groupe. Tel est en particulier le cas pour le concours octroyé à PBK au titre de la garantie du Land de Bavière (la LfA) d’un montant de 54,7 millions de DEM, le concours octroyé à PBK au titre de l’abandon de créance d’un montant de 3 millions de DEM, le concours octroyé à PBK au titre du prix d’achat des parts de PA d’un montant de 3 millions de DEM et le concours octroyé au groupe Pilz au titre du crédit de 15 millions de DEM.

315    Concernant les deux premiers concours, il est constant que, bien qu’ayant été versés directement à PBK, ces concours étaient destinés au financement de la construction de l’usine de CD à Albrechts, de sorte que, abstraction faite du détournement de ces mesures au profit d’autres entreprises du groupe Pilz et de la violation de l’obligation de motivation quant à l’abandon de créance de 3 millions de DEM, c’est, en principe, à juste titre que la Commission en a ordonné la récupération auprès de LCA (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 3 juillet 2003, Belgique/Commission, C‑457/00, Rec. p. I‑6931, points 55 à 62).

316    Quant au prix d’achat de 3 millions de DEM et au crédit de 15 millions de DEM, il y a lieu de constater que, ainsi qu’il a déjà été jugé aux points 218 et 260 ci-dessus, ces aides ont été versées directement au groupe Pilz et n’étaient pas destinées à la restructuration de l’entreprise commune et de PA. Il est dès lors exclu que ces dernières puissent être considérées comme ayant eu la jouissance effective de ces aides. Comme il a déjà été jugé au point 261 ci-dessus, cette conclusion n’est pas altérée par le fait que, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 37 de la décision attaquée, le crédit de 15 millions de DEM devait servir au soutien du groupe Pilz dans l’attente d’un repreneur pour PA. En effet, outre que la Commission n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation, il n’est pas établi que PA a effectivement été avantagée par cette aide.

317    Dès lors, dans la mesure où elle ordonne auprès de LCA, la récupération des aides décrites à l’article 1er, en y incluant l’aide octroyée à PBK au titre du prix d’achat de 3 millions de DEM ainsi que l’aide octroyée au groupe Pilz au titre du crédit de 15 millions de DEM, l’article 2 de la décision attaquée n’est pas conforme aux principes régissant la récupération des aides d’État illégales.

318    Il convient, ensuite, d’examiner l’argumentation du Land de Thuringe selon laquelle l’ordre de récupération est illégal dans la mesure où il porte sur des aides qui, bien que destinées à l’entreprise commune et à PA, ont été détournées au profit des entreprises du groupe Pilz.

319    À cet égard, il y a lieu d’observer que la décision attaquée contient un grand nombre de constatations relatives au détournement, au profit du groupe Pilz, des aides décrites à l’article 1er de la décision attaquée. Ainsi, il résulte notamment des considérants 27, 33, 38 et 63 à 75 de la décision attaquée qu’une grande partie des aides octroyées aux fins de la construction, de la consolidation et de la restructuration de l’usine de CD à Albrechts a été détournée au profit des entreprises de ce groupe. Il ressort également de ces constatations que le détournement des aides a été réalisé par la surfacturation des prestations de services effectuées dans le cadre de la construction de l’usine, par le biais du système de gestion centralisée de la trésorerie existant au sein du groupe Pilz ainsi que par l’absence de paiement de produits qui ont été livrés et de services qui ont été fournis par l’entreprise commune et par PA au profit du groupe Pilz.

320    De même, il doit être constaté que l’acte d’accusation du ministère public près le Landgericht Mühlhausen, qui a été produit par les autorités allemandes dans le cadre de la procédure administrative, contient un certain nombre d’éléments permettant de déterminer, à tout le moins de manière approximative, l’ampleur du détournement des aides au profit du groupe Pilz. Contrairement à ce que fait valoir la Commission, le seul fait que cet acte porte sur des agissements illégaux commis dans le cadre de l’octroi des subventions et primes à l’investissement du Land de Thuringe, ne permet pas, en tant que tel, de conclure que les éléments qui y sont contenus sont dénués de pertinence pour l’évaluation que la Commission est tenue de faire. En effet, cet acte contient, notamment dans la description des différents mécanismes utilisés dans le cadre de la fraude et de l’évaluation de la valeur des investissements qui ont été réalisés, des indications précises et utiles pour l’appréciation de l’ampleur du détournement.

321    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, à tout le moins au moment d’arrêter la décision attaquée, la Commission disposait d’un faisceau d’indices valables et concordants dont il ressortait que l’entreprise commune et PA n’avaient pas eu la jouissance effective d’une grande partie des aides destinées à la construction, à la consolidation et à la restructuration de l’usine de CD à Albrechts. En outre, ces indices permettaient de déterminer, à tout le moins de manière approximative, l’ampleur du détournement.

322    Il est vrai que, ainsi que l’affirme la Commission, il ne ressort pas du dossier que les autorités allemandes aient fourni des indications précises quant à la partie de l’aide qui a été détournée au profit du groupe Pilz.

323    Toutefois, force est de constater que, bien que disposant des moyens nécessaires à cet effet (voir, en ce sens, arrêt Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, point 71 supra, point 29), il ne ressort d’aucune pièce du dossier qu’elle ait demandé aux autorités allemandes de lui fournir des indications précises sur ce point. Or, ainsi qu’il ressort de la décision d’ouverture, elle avait connaissance, au moins depuis 1997, du détournement d’une grande partie des aides. Partant, elle ne saurait avancer que, au vu des informations dont elle disposait au moment d’arrêter la décision attaquée, elle était en droit d’exiger la récupération auprès de LCA des aides décrites à l’article 1er, pour ce qui concerne celles dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’elles n’avaient pas profité à l’entreprise commune et à PA.

324    De même, il y a lieu de rejeter l’argumentation de la Commission selon laquelle l’étendue de l’ordre de récupération figurant à l’article 2 de la décision attaquée serait justifiée en raison de l’appartenance de l’entreprise commune et de ses successeurs à un groupement d’entreprises liées au sein duquel existent des mécanismes internes de transfert d’actifs. En effet, outre le fait que l’entreprise commune n’a fait partie du groupe Pilz que durant la période allant d’octobre 1992 à la fin du mois de décembre 1993, il résulte clairement des constatations reprises dans la décision attaquée que, en l’espèce, les mécanismes de transfert existant au sein de ce groupe ont été utilisés uniquement au détriment de cette entreprise et non à son profit. Il ne saurait dès lors être allégué que, en raison de son appartenance à ce groupement, l’entreprise commune a eu la jouissance effective d’aides dont elle n’était pas la bénéficiaire.

325    Dès lors, dans la mesure où elle ordonne auprès de LCA, la récupération des aides décrites à l’article 1er, en y comprenant celles dont il est établi que cette entreprise n’en a pas effectivement bénéficié, l’article 2 de la décision attaquée n’est pas conforme aux principes régissant la récupération des aides d’État illégales.

326    Ensuite, en ce que l’article 2 de la décision attaquée ordonne la récupération de l’aide décrite à l’article 1er de ladite décision auprès de CDA, il ressort de cette décision que la Commission a, pour l’essentiel, fondé son appréciation sur l’existence d’une volonté de contourner les conséquences de cette décision, laquelle, selon la Commission, résulte objectivement du fait que CDA tire profit de l’aide qui avait été accordée précédemment à PBK, à l’entreprise commune, à PA et à CD Albrechts, dans la mesure où elle utilise les éléments d’actif et de ces entreprises et poursuit, en outre, leur activité (considérants 118 et 120 de la décision attaquée).

327    Cette argumentation ne saurait être accueillie.

328    Il est vrai que, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de l’échange de correspondance entre les autorités allemandes et la Commission dans le cadre de la procédure administrative, le transfert d’une partie des actifs de LCA à CDA avait pour objet de sauver cette partie de l’exploitation de LCA en lui assurant une possibilité de développement à l’abri des incertitudes juridiques et économiques qui menaçaient la survie de LCA. De même, divers éléments qui ont été avancés par la Commission et ODS dans le cadre du présent litige permettent de conclure que, à la suite du transfert des actifs, CDA poursuit effectivement l’activité de l’entreprise commune, de PA et de CD Albrechts.

329    Toutefois, cet élément ne permet pas, en tant que tel, de démontrer l’existence d’une volonté de contourner les effets de l’ordre de récupération dans le cas d’espèce.

330    Cette conclusion s’impose d’autant plus que, ainsi qu’il a été constaté au considérant 103 de la décision attaquée, un prix d’achat conforme au marché a été payé par CDA pour la reprise d’éléments d’actif de LCA, de sorte que cette opération n’implique pas que CDA conserve la jouissance effective de l’avantage concurrentiel lié au bénéfice des aides octroyées à LCA (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, point 176 supra, point 92).

331    Dans un tel cas de figure, on ne saurait considérer que, ainsi que la Commission le fait valoir dans ses écrits, à la suite du rachat d’actif par CDA, LCA reste comme une « coquille vide à l’égard de laquelle il n’est pas possible d’obtenir la restitution des aides illégales ».

332    En effet, eu égard au fait que, en l’occurrence, LCA se trouve en liquidation depuis l’ouverture d’une procédure de faillite en octobre 2000, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence relative aux entreprises bénéficiaires d’aides tombées en faillite que le rétablissement de la situation antérieure et l’élimination de la distorsion de concurrence résultant des aides illégalement versées peuvent, en principe, être accomplis par l’inscription au passif de l’entreprise en liquidation d’une obligation relative à la restitution des aides concernées. En effet, selon cette jurisprudence, un telle inscription serait suffisante pour assurer l’exécution d’une décision ordonnant la récupération d’aides d’État incompatibles avec le marché commun (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 15 janvier 1986, Commission/Belgique, 52/84, Rec. p. 89, point 14, et du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I-959, points 60 et 62).

333    Ensuite, la République fédérale d’Allemagne a affirmé, sans être contredite par la Commission, que, d’une part, ce n’est qu’une partie des actifs qui a été vendue à CDA, à savoir des immobilisations, des valeurs d’exploitation, des valeurs réalisables à court terme, le savoir-faire technique et la distribution et que, d’autre part, cette manière de procéder a permis d’obtenir une somme plus élevée que celle qui aurait été obtenue en vendant séparément les éléments d’actif en question.

334    Cette conclusion n’est pas altérée par le fait que le prix d’achat a été payé sous la forme d’un rachat de passif. Il convient, en effet, de relever que cette forme de paiement n’a pas eu d’effets négatifs sur la situation des créanciers, puisque la diminution de l’actif de la société a été compensée par une diminution équivalente de son passif.

335    Le renvoi par la Commission au considérant 118 de la décision attaquée ne permet pas d’infirmer cette analyse. Il convient, en effet, de constater que, dans ce considérant, la Commission expose, d’une manière générale et illustrative, les critères qu’elle applique afin de déterminer si une opération spécifique recèle une situation de contournement. En revanche, ce passage ne contient aucune application de ces critères au présent cas.

336    Partant, il y a lieu de conclure que, au vu des seules constatations factuelles reprises dans la décision attaquée, la Commission ne pouvait conclure à l’existence d’une volonté de contourner les effets de l’ordre de récupération dans le cas d’espèce.

337    Quant aux autres éléments factuels qui ont été avancés par la Commission dans le cadre de ses écrits et à l’audience, il suffit de constater qu’ils ne figurent nulle part dans la décision attaquée et que, dès lors, ils ne sauraient être invoqués afin de justifier l’extension de l’ordre de récupération à CDA.

338    À titre surabondant, le Tribunal estime que ces différents éléments ne permettent pas non plus de démontrer l’existence d’une situation de contournement dans le cas d’espèce.

339    Ainsi, c’est à tort que la Commission fait valoir que, en l’espèce, le rachat d’actifs a eu lieu au sein du groupe TIB, c’est-à-dire d’un groupement d’entreprises liées. Il convient, en effet, d’observer que, outre que l’existence d’un prétendu groupe TIB n’est pas constatée dans la décision attaquée, la Commission n’apporte aucun élément probant afin de démontrer que LCA et CDA appartiennent à un tel groupe d’entreprises et a fortiori que ces entreprises seraient liées par des mécanismes internes de transfert d’actifs. Il ressort, au contraire, des précisions fournies à cet égard par le Land de Thuringe et par CDA que la TIB agit, conformément à ses statuts, en tant que société de participation.

340    Ensuite, il y a lieu de rejeter l’allégation de la Commission selon laquelle le rachat d’actifs par CDA ne correspond pas à une logique économique. Il convient, en effet, de constater que, dans le cadre de la procédure administrative, les autorités allemandes ont souligné à plusieurs reprises que le rachat d’une partie des actifs de LCA par CDA répondait à une telle logique. Or, bien que « le caractère commercial du transfert [d’actifs] » constitue l’un des aspects qu’elle prend en compte afin de déterminer l’existence d’un contournement (considérant 118 de la décision attaquée), la Commission n’a fait apparaître dans la décision attaquée aucune considération de nature à infirmer la position des autorités allemandes.

341    De même, il doit être souligné que le seul fait que LCA et CDA étaient gérées par la même personne au moment du rachat d’actif en janvier 1998 et que, depuis cette opération, CDA se présente, sur le marché, comme le successeur de l’entreprise commune et de PA, ne permet pas de conclure que le rachat des actifs de LCA avait pour objet de contourner l’ordre de récupération figurant à l’article 2 de la décision attaquée. Ces éléments, en effet, ne suffisent pas à démontrer que CDA a agi dans l’intention de faire obstacle à l’exécution de la décision attaquée.

342    Enfin, il y a lieu de récuser l’allégation de la Commission selon laquelle le rachat « en bloc » des actifs de LCA ne se serait pas fait au terme d’une procédure ouverte et transparente et que certains concurrents de LCA auraient ainsi été écartés de l’acquisition des actifs avec lesquels ladite société exerçait les activités subventionnées. En effet, tant la décision attaquée que certaines pièces du dossier et les déclarations qui ont été faites par le Land de Thuringe et par CDA au cours de l’audience du 5 mai 2004 font à l’inverse apparaître que le rachat des actifs de LCA par CDA ne s’est pas fait immédiatement, mais a été précédé de tentatives infructueuses de vendre l’ensemble de LCA à des tiers, dont la société mère de la partie intervenante, ODS (voir, en ce sens, arrêt Allemagne/Commission, point 176 supra, point 95).

343    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas établi l’existence d’une opération de contournement des conséquences de la décision attaquée, susceptible de fonder une obligation à la charge de CDA de restituer les aides illégales accordées à l’entreprise commune et à ses successeurs.

344    Par conséquent, dans la mesure où elle ordonne la récupération auprès de CDA et de LCA des aides accordées à PBK, à l’entreprise commune, à PA et à CD Albrechts, la décision attaquée n’est pas conforme aux principes régissant la récupération d’aides d’État illégales.

345    Une conclusion similaire s’impose en ce que l’article 2 de la décision attaquée ordonne la récupération de l’aide décrite à l’article 1er auprès de « toutes autres les entreprises auxquelles les actifs et/ou l’infrastructure [de PBK], [de l’entreprise commune] ou [de PA] ont été ou seront transférés de telle sorte que les suites de [ladite] décision seront éludées ». Il suffit, en effet, de constater que l’extension de l’ordre de récupération à ces entreprises repose sur les mêmes motifs que l’extension de cet ordre à CDA.

346    Au vu de tout ce qui précède, il convient d’accueillir le présent moyen.

347    Étant donné que, en tout état de cause, le Tribunal ne saurait se substituer soit à la Commission, soit à l’État membre concerné quant à la détermination exacte des aides à récupérer par ce dernier, l’article 2 de la décision doit, par conséquent, être annulé en ce qui concerne l’intégralité de l’ordre de récupération en ce qu’il vise les entreprises désignées à son paragraphe 3. Partant, il y a lieu d’annuler l’article 2 de la décision attaquée en ce qu’il ordonne la récupération de l’aide décrite à l’article 1er de ladite décision auprès des sociétés CDA et LCA ainsi que toutes les autres entreprises auxquelles les actifs ou l’infrastructure des sociétés PBK, de l’entreprise commune ou de PA ont été ou seront transférés, de telle sorte que les suites de ladite décision seraient éludées.

348    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner les autres moyens avancés par le Land de Thuringe.

 Sur les dépens

349    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Land de Thuringe.

350    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, premier alinéa, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. En conséquence, la République fédérale d’Allemagne supportera ses dépens.

351    Aux termes de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées à l’article 87, paragraphe 4, premier et deuxième alinéas, supportera ses propres dépens. En l’espèce, ODS supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision 2000/796/CE de la Commission, du 21 juin 2000, concernant l’aide d’État de l’Allemagne en faveur de CDA Compact Disc Albrechts GmbH (Thuringe) est annulée en ce que :

–        à l’article 1er, paragraphe 1, elle inclut, au titre de l’aide accordée aux sociétés R. E. Pilz GmbH & Co Beteiligungs KG, Pilz & Robotron GmbH & Co. Beteiligungs KG et Pilz Albrechts GmbH aux fins de la construction, de l’exploitation et de la consolidation de l’usine de CD à Albrechts (Thuringe), un montant de 54,7 millions de DEM au titre de la garantie du Land de Bavière, un montant de 3 millions de DEM au titre de l’abandon de créance, ainsi qu’un montant de 63,45 millions de DEM et un montant de 19,42 millions de DEM au titre des subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Thuringe et par le Land de Bavière ;

–        à l’article 1er, paragraphe 2, elle inclut au titre de l’aide accordée aux fins de la restructuration de la société CDA Compact Disc Albrechts GmbH, un montant de 33 millions de DEM au titre de l’acquisition du capital social de PA/CD Albrechts et un montant de 21,3 millions de DEM au titre d’avantages sous la forme d’intérêts ;

–        à l’article 1er, paragraphe 2, elle déclare que le prix d’achat de 3 millions de DEM et le crédit de 15 millions de DEM octroyé par la LfA constituent une aide « destinée à la restructuration de la société CDA Compact Disc Albrechts GmbH » ;

–        à l’article 2, elle ordonne la récupération de l’aide décrite à l’article 1er auprès des sociétés CDA Datenträger Albrechts GmbH et LCA Logistik Center Albrechts GmbH, ainsi que toutes les autres entreprises auxquelles les actifs et/ou l’infrastructure des sociétés R. E. Pilz GmbH & Co. Beteiligungs KG, Pilz & Robotron GmbH & Co. Beteiligungs KG ou Pilz Albrechts GmbH ont été ou seront transférés, de telle sorte que les suites de ladite décision seront éludées.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que les dépens du Land de Thuringe. La République fédérale d’Allemagne et ODS Optical Disc Service GmbH supporteront leurs propres dépens.

Azizi

García-Valdecasas

Cooke

Jaeger

 

      Dehousse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 octobre 2005.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. Azizi

Table des matières

Cadre juridique

Faits à l’origine du litige

A –  Contexte général

1.  Phase d’établissement de l’entreprise (de 1990 à 1992)

2.  Phase de restructuration (de 1993 à 1998)

3.  Rachat de certains actifs par MTDA

B –  Déroulement de la procédure administrative

C –  Constatation des faits et appréciation juridique

1.  Concours financiers octroyés par la République fédérale d’Allemagne durant la phase d’établissement

2.  Concours financiers octroyés durant la phase de restructuration

3.  Sur la récupération des aides

4.  Dispositif de la décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

I –  Observations liminaires

II –  Sur la légalité de l’article 1er de la décision attaquée

A –  Sur la faculté de fonder la décision attaquée sur les informations disponibles

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

B –  Sur la garantie octroyée par le Land de Bavière (la LfA) à PBK

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

C –  Sur l’abandon de créance de 3 millions de DEM accordé par le Land de Bavière (la LfA) à PBK

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

D –  Sur les subventions et primes à l’investissement d’un montant de 63,45 millions de DEM et de 19,42 millions de DEM octroyées respectivement par le Land de Thuringe et le Land de Bavière (la LfA) à l’entreprise commune et à PA

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

a)  Sur les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Thuringe

b)  Sur les subventions et primes à l’investissement octroyées par le Land de Bavière (la LfA)

E –  Sur la garantie octroyée par la THA à Robotron et à l’entreprise commune

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

F –  Sur le crédit de 25 millions de DEM octroyé par la TAB à PA

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

G –  Sur le crédit de 20 millions de DEM octroyé par la TAB à PA

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

H –  Sur le prix d’achat de 3 millions de DEM payé par la TIB à PBK

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

I –  Sur la dotation en capital de 12 millions de DEM octroyée par la TIB à PA

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

J –  Sur l’acquisition du capital social de PA par la TIB et par la TAB

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

K –  Sur le crédit de 2 millions de DEM octroyé par la LfA à PA

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

L –  Sur le prêt d’associé de 3,5 millions de DEM octroyé par la TIB à PA

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

M –  Sur le crédit de 15 millions de DEM octroyé par la LfA au groupe Pilz

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

N –  Sur le crédit de 15 millions de DEM octroyé par la TAB à CD Albrechts

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

O –  Sur le crédit de 7 millions de DEM octroyé par la LfA à CD Albrechts

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

P –  Sur le crédit de 9,5 millions de DEM octroyé par la TAB à CD Albrechts

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Q –  Sur les intérêts d’un montant total de 21,3 millions de DEM

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

III –  Sur les moyens relatifs à la légalité de l’article 2 de la décision attaquée

A –  Observations liminaires

B –  Sur la violation de l’article 87, paragraphe 1, CE et de l’article 88, paragraphe 2, CE

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.