Language of document : ECLI:EU:T:2005:368

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

25 octobre 2005 (*)

« Fonctionnaires – Rémunération – Indemnité de dépaysement – Article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut – Services effectués pour un autre État ou pour une organisation internationale – Notion de résidence habituelle – Motivation »

Dans l’affaire T-205/02,

Beatriz Salvador García, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes J. García-Gallardo Gil-Fournier, J. Guillem Carrau, D. Domínguez Pérez et A. Sayagués Torres, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, assisté de Mes J. Rivas Andrés et J. Gutiérrez Gisbert, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 27 mars 2002, refusant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que des indemnités qui y sont associées,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme V. Trstenjak, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience des 16 et 17 février 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1       L’article 69 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), dans sa rédaction applicable à la présente espèce, dispose que l’indemnité de dépaysement est égale à 16 % du total du traitement de base et de l’allocation de foyer ainsi que de l’allocation pour enfant à charge auxquelles le fonctionnaire a droit.

2       Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut :

« L’indemnité de dépaysement égale à 16 % du montant total du traitement de base ainsi que de l’allocation de foyer et de l’allocation pour enfant à charge versées au fonctionnaire est accordée :

a)       au fonctionnaire :

–       qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation

et

–       qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire européen dudit État. Pour l’application de cette disposition, les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale ne sont pas à prendre en considération ;

[…] ».

 Faits à l’origine du recours

3       La requérante, de nationalité espagnole, a effectué des études de troisième cycle à l’université libre de Bruxelles entre les mois de septembre 1991 et de juillet 1992 et a ensuite réalisé un stage à la Commission à Bruxelles du mois d’octobre 1992 au mois de février 1993.

4       Du 1er octobre 1993 au 31 décembre 1994, la requérante a exercé son activité professionnelle au service du gouvernement de la communauté autonome de Navarre (Comunidad Autónoma de Navarra) à Bruxelles. Du 21 février 1995 au 20 août 1995, elle a travaillé à Bruxelles dans le cadre d’un contrat signé le 21 février 1995 avec la Sociedad de Desarrollo de Navarra, Sodena, SA (Société de développement de la Navarre, ci-après la « Sodena »), société chargée du développement économique de la communauté autonome de Navarre. 

5       Entre le 1er septembre 1995 et le 30 juin 1996, la requérante a travaillé en qualité d’assistante d’un député au Parlement européen. 

6       Au cours des mois de juillet et d’août 1996, la requérante a travaillé bénévolement auprès d’une organisation non gouvernementale (ONG) au Pérou.

7       Du 2 septembre 1996 au 28 février 1997, elle a exercé son activité professionnelle dans le cadre d’un contrat de travail signé le 17 juillet 1996 avec la société privée ECO, à laquelle la Commission avait confié des missions d’assistance technique. 

8       Entre le 1er mars 1997 et le 28 février 1998, la requérante a travaillé en vertu d’un contrat signé le 1er mars 1997, pour la Sociedad de Desarrollo Exterior de Navarra, Sodexna, SA (Société de développement extérieur de la Navarre, ci-après la « Sodexna »), société chargée du développement économique extérieur de la communauté autonome de Navarre, en vue de l’ouverture d’un nouveau bureau de la communauté autonome de Navarre auprès des institutions communautaires à Bruxelles. Par la suite, du 1er avril 1998 au 31 mars 1999, elle a travaillé pour la Sodexna en vertu d’un contrat de travail signé le 1er avril 1998, en tant que directrice du bureau de cette société à Bruxelles.

9       Enfin, entre le 1er avril 1999 et le 15 avril 2001, la requérante a travaillé en qualité de déléguée du gouvernement de la communauté autonome de Navarre à Bruxelles, en vertu du décret régional n° 87/1999, de la communauté autonome de Navarre, du 29 mars 1999, nommant la requérante à ce poste.

10     Le 16 avril 2001, la requérante est entrée en fonctions à la Commission à Bruxelles, en qualité de fonctionnaire. La période de cinq années mentionnée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut, appelée la « période de référence », était, en l’espèce, comprise entre le 16 octobre 1995 et le 15 octobre 2000.

11     Le 23 avril 2001, la fiche personnelle d’entrée en service de la requérante a été établie et indiquait que l’indemnité de dépaysement lui était refusée, ce qui a été confirmé par une note du 28 juin. 

12     Le 27 septembre 2001, la requérante a présenté une réclamation, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la note du 28 juin 2001.

13     Par décision du 27 mars 2002, notifiée à la requérante le 5 avril 2002, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation de la requérante. Il ressort de cette décision que l’indemnité de dépaysement et les indemnités qui y sont associées ont été refusées à la requérante au motif qu’elle avait habité et exercé son activité professionnelle à Bruxelles pendant la période de référence, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Plus particulièrement, l’AIPN a fait valoir les considérations suivantes :

–       l’activité d’assistante d’un député au Parlement du 1er septembre 1995 au 30 juin 1996 ne pouvait pas être considérée comme des « services effectués pour une organisation internationale » au sens de l’exception prévue audit article 4 et, partant, être neutralisée, car la requérante n’avait pas eu de liens juridiques directs avec le Parlement, son seul lien contractuel ayant été un contrat de droit privé signé avec le député ;

–       le travail effectué au Pérou du 11 juillet au 18 août 1996 (un mois et une semaine) n’était pas de nature à interrompre sa résidence en Belgique ;

–       les activités professionnelles effectuées pour les sociétés Sodena et Sodexna ne rentraient pas dans le champ de la disposition susmentionnée, car, même en admettant que ces sociétés aient eu une nature publique et aient été chargées de la représentation des intérêts de la communauté autonome de Navarre à Bruxelles, les services fournis par la requérante auprès desdites sociétés étaient régis par des contrats de droit privé ;

–       les activités exercées directement par la requérante au profit du gouvernement de Navarre ne pouvaient, elles non plus, être considérées comme des « services effectués pour un autre État » au sens de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut. 

 Procédure et conclusions des parties

14     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 juillet 2002, la requérante a introduit le présent recours.

15     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties ainsi que le Royaume d’Espagne à produire certains documents et à répondre à des questions écrites. Les parties et le Royaume d’Espagne ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

16     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience des 16 et 17 février 2005.

17     La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision du 27 mars 2002 lui refusant le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et des indemnités qui y sont associées ;

–       condamner la Commission à l’ensemble des dépens, y compris les frais occasionnés par la phase administrative de la procédure ;

–       prescrire tout autre mesure que le Tribunal jugera appropriée pour que la Commission s’acquitte de ses obligations découlant de l’article 233 CE et, en particulier, procède à un réexamen de sa réclamation. 

18     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer irrecevable la demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne toute mesure appropriée afin que la Commission s’acquitte de ses obligations et, notamment, qu’elle procède à un réexamen de sa réclamation ;

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       rejeter comme non fondée la demande de la requérante tendant à ce que la Commission soit condamnée aux frais exposés par la requérante lors de la phase administrative de la procédure ; 

–       condamner la requérante au paiement de ses propres dépens.

 Sur la recevabilité

19     Par son troisième chef de conclusions, la requérante demande au Tribunal de prescrire toutes les mesures jugées appropriées pour que la Commission respecte ses obligations et, en particulier, procède à un nouvel examen de sa réclamation. La Commission prétend qu’un tel chef de conclusions est irrecevable.

20     Selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au juge communautaire, dans le cadre du contrôle de légalité, d’adresser des injonctions aux institutions communautaires ou de se substituer à ces dernières (arrêts du Tribunal du 11 juillet 1991, Von Hoessle/Cour des comptes, T‑19/90, Rec. p. II‑615, point 30, et du 11 juin 1996, Sánchez Mateo/Commission, T‑110/94, RecFP p. I‑A‑275 et II‑805, point 36).

21     Le troisième chef de conclusions doit donc être déclaré irrecevable.

 Sur l’objet du litige

22     Bien que les conclusions de la requérante visent à l’annulation de la décision de la Commission du 27 mars 2002 rejetant la réclamation introduite le 27 septembre 2001, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 28 juin 2001, le présent recours a pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts du Tribunal du 9 juillet 1997, Echauz Brigaldi e.a./Commission, T-156/95, RecFP p. I-A-171 et II-509, point 23, et du 15 décembre 1999, Latino/Commission, T-300/97, RecFP p. II-1263, point 30). Il en résulte que le présent recours tend également à l’annulation de la décision de la Commission du 28 juin 2001 refusant à la requérante le bénéfice de l’indemnité de dépaysement et des indemnités qui y sont associées. 

 Sur le fond

 Sur l’indemnité de dépaysement

23     La requérante invoque, en substance, quatre moyens à l’appui de son recours. Par son premier moyen, la requérante fait valoir la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut. Le deuxième moyen est tiré de l’erreur d’appréciation des faits. Le troisième moyen est pris de la violation de l’obligation de motivation. Enfin, le quatrième moyen est fondé sur la violation du principe d’égalité de traitement. 

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut

–       Arguments des parties

24     La requérante fait valoir que la Commission a erronément interprété l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, en ce qui concerne les travaux effectués au service de la Sodena, de la Sodexna et au service du gouvernement de Navarre à Bruxelles, ainsi que concernant son activité d’assistante d’un député au Parlement.

25     S’agissant des activités professionnelles que la requérante a effectuées au service de la Sodena, de la Sodexna et du gouvernement de Navarre à Bruxelles, elle soutient que ces activités doivent être considérées comme des « services effectués pour un autre État », en l’occurrence, l’État espagnol et que, partant, elle a droit à l’indemnité de dépaysement. Par conséquent, ces périodes de travail devraient être « neutralisées » par l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut.

26     En premier lieu, la requérante prétend que la jurisprudence de la Cour a établi une notion communautaire d’État qui respecte partiellement le concept d’État, tel qu’il est prévu dans l’ordre juridique interne de chaque État membre. Ainsi, la Cour aurait considéré que les autorités publiques intégrant la notion d’État seraient tant le gouvernement central que les autorités juridictionnelles et législatives, les entités décentralisées et même certains organismes considérés comme des émanations de l’État (arrêts de la Cour du 26 février 1986, Marshall, 152/84, Rec. p. 723, et du 10 mars 1987, Commission/Italie, 199/85, Rec. p. 1039). En outre, la Cour aurait précisé que l’État remplit aussi bien des fonctions traditionnelles de souveraineté ou d’autorité que des fonctions d’interventionnisme économique, qui seraient exercées tant par les autorités publiques que par des organismes de droit public ou de droit privé (arrêts de la Cour du 17 décembre 1980, Commission/Belgique, 149/79, Rec. p. 3881, et du 30 janvier 1985, Commission/France, 290/83, Rec. p. 439).

27     En deuxième lieu, la requérante formule des considérations relatives à la notion d’État dans l’ordre juridique espagnol. Ainsi, elle rappelle que la Constitution espagnole a établi un ordre juridique profondément décentralisé, dénommé « État des Autonomies », qui se caractérise par une répartition des compétences entre l’administration centrale et les communautés autonomes. Au niveau des compétences en matière de droit communautaire, le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle espagnole) aurait considéré que l’Union européenne n’était pas un espace international et que les questions ayant trait à l’ordre juridique communautaire devaient être assimilées à des questions d’ordre interne. En particulier, le Tribunal Constitucional aurait affirmé dans sa décision nº 165/1994, du 26 mai 1994, que, à la différence des relations internationales dont la compétence exclusive appartiendrait au gouvernement central, « les communautés autonomes seraient directement intéressées à l’activité des Communautés européennes ». Partant, la répartition des compétences obligerait les communautés autonomes à suivre le développement des activités législatives des institutions européennes, puisqu’elles seraient, dans plusieurs cas, les autorités chargées de transposer la législation communautaire subissant au surplus ses effets directs, ce qui justifierait la présence des bureaux de représentation des communautés autonomes auprès de l’Union européenne.

28     En outre, la requérante expose les divers instruments qui ont été créés en vue de faciliter la gestion des affaires européennes par le gouvernement central espagnol et les communautés autonomes, tels que la « Conferencia para los asuntos relativos a las Comunidades Europeas (CARCE) » (conférence pour les affaires relatives aux Communautés européennes), qui aurait été instaurée en 1992 dans le but d’accroître la coopération entre le gouvernement central et les communautés autonomes dans les matières communautaires. En vertu des accords adoptés dans ce cadre, les communautés autonomes participeraient depuis 1998 aux réunions des comités consultatifs présidés par la Commission et, en outre, le personnel des communautés autonomes et de la représentation permanente du Royaume d’Espagne procéderaient à des réunions sectorielles techniques en vue d’assurer le suivi des travaux du Conseil et des initiatives législatives communautaires. De plus, le personnel travaillant pour les délégations des communautés autonomes serait assujetti au même régime d’assurance maladie (accès à la sécurité sociale espagnole moyennant les formulaires E 111 et E 106) et au même régime fiscal (article 19 de la convention conclue en 1970 entre le Royaume d’Espagne et le Royaume de Belgique afin d’éviter la double imposition sur les revenus, ci-après la « convention relative à la double imposition ») que le personnel diplomatique de la représentation permanente du Royaume d’Espagne.

29     En troisième lieu, la requérante expose que, dans le cas de la communauté autonome de Navarre, le bureau de ladite communauté autonome à Bruxelles est une institution de droit public établie par le gouvernement de Navarre, financée par des ressources publiques (également pendant sa gestion par les sociétés publiques Sodena et Sodexna), qui suit et participe à l’évolution législative communautaire à Bruxelles, en défendant les intérêts et en canalisant les inquiétudes et attentes de cette communauté autonome. Ce bureau ferait donc partie intégrante de l’administration de la communauté autonome de Navarre et, partant, de l’État espagnol, raison pour laquelle les services que la requérante aurait fournis au sein dudit bureau au service de la Sodena, de la Sodexna et du gouvernement de Navarre auraient le caractère de services effectués pour l’État espagnol.

30     La requérante ajoute que, s’il est vrai que la notion d’État doit faire l’objet d’une interprétation autonome, une notion autonome d’État fondée sur les ordres juridiques internes ne dénature pas l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut ni ne conduit à affirmer que toute entité municipale fournirait des services pour l’État, puisque, à la différence de ces entités locales, les compétences des communautés autonomes n’auraient pas été transférées par l’État, mais qu’il s’agirait de compétences propres, prévues directement dans la Constitution espagnole.

31     S’agissant du travail que la requérante a effectué en tant qu’assistante d’un député au Parlement, elle soutient que ce travail doit être considéré comme des « services effectués pour une organisation internationale », au sens de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut.

32     La requérante prétend qu’elle a été recrutée directement par un membre du Parlement en vue de l’assister dans ses activités parlementaires. Sa situation serait donc totalement différente des faits ayant donné lieu à l’arrêt du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement (T‑43/93, RecFP p. I‑A‑57 et II‑189), sur lequel se fonderait la Commission pour refuser d’appliquer l’exception tirée de l’article 4 de l’annexe VII du statut au cas d’espèce. Dans ladite affaire, le Tribunal avait rejeté l’argument selon lequel l’intéressé travaillait pour une organisation internationale au motif que, en réalité, il fournissait ses services à deux entreprises sous-traitantes ayant contracté avec le Parlement. En revanche, la relation existant entre la requérante et le député au Parlement ne serait pas une relation à caractère privé, puisqu’elle aurait été engagée pour assister celui-ci dans ses tâches parlementaires, en contribuant à l’élaboration de rapports et au suivi de l’activité des commissions parlementaires. En outre, les députés au Parlement disposeraient d’une série d’indemnités d’assistance et de secrétariat financées par le budget communautaire, destinées à couvrir les frais liés à l’emploi d’assistants et, dans certains cas, ce serait le Parlement lui-même qui, moyennant certaines modalités administratives, verserait directement ces rétributions aux assistants. Par ailleurs, le régime administratif des assistants serait identique à celui de toute autre personne travaillant pour l’institution parlementaire. Enfin, au moment de l’introduction du recours, une proposition de réforme du règlement (CEE) nº 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2), aurait visé à faire profiter les assistants du Parlement de l’assurance communautaire, dans la mesure de leur absence de couverture sociale dans l’exercice de leurs fonctions.

33     La Commission conteste les arguments de la requérante comme étant dépourvus de tout fondement.

34     En premier lieu, la Commission considère que les activités professionnelles de la requérante au service du gouvernement de Navarre et de la Sodexna ne peuvent être considérées comme des « services effectués pour un autre État » au sens de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut. Concernant l’activité de la requérante en tant que déléguée du gouvernement de Navarre à Bruxelles (du 1er avril 1999 au 15 avril 2001), la Commission estime que, s’il est vrai que les communautés autonomes espagnoles sont titulaires d’une série de compétences propres qui leur ont été transférées directement par la Constitution espagnole, cela ne signifie pas que lesdites communautés autonomes soient des États, au sens de l’exception prévue audit article 4. Concernant le travail effectué au service de la Sodexna (du 1er mars 1997 au 31 mars 1999), le caractère public conféré à cette entité par la législation nationale ne pourrait être nié mais les activités réalisées au sein de cette entreprise publique, liée à l’administration régionale par une convention, ne sauraient, à plus forte raison, être considérées comme des services effectués pour un autre État. De surcroît, la requérante n’aurait pas eu de liens juridiques directs avec l’administration de la Navarre pendant cette période, ainsi que l’attesteraient les contrats de travail signés avec la Sodexna.

35     En deuxième lieu, la Commission soutient que le travail de la requérante en qualité d’assistante au Parlement européen ne peut pas, non plus, être tenu pour un service effectué pour une organisation internationale au sens de l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut.

–       Appréciation du Tribunal

36     Selon une jurisprudence constante, la raison d’être de l’indemnité de dépaysement est de compenser les charges et les désavantages particuliers résultant de l’exercice permanent de fonctions dans un pays avec lequel le fonctionnaire n’a pas établi de liens durables avant son entrée en fonctions (arrêts du Tribunal du 30 mars 1993, Vardakas/Commission, T‑4/92, Rec. p. II‑357, point 39 ; du 14 décembre 1995, Diamantaras/Commission, T‑72/94, RecFP p. I‑A‑285 et II‑865, point 48, et du 28 septembre 1999, J/Commission, T‑28/98, RecFP p. I‑A‑185 et II‑973, point 32). Pour que de tels liens durables puissent s’établir et ainsi faire perdre au fonctionnaire le bénéfice de l’indemnité de dépaysement, le législateur exige que le fonctionnaire ait eu sa résidence habituelle ou ait exercé son activité professionnelle principale pendant une période de cinq ans dans le pays de son lieu d’affectation (arrêt Diamantaras/Commission, précité, point 48).

37     Il y a également lieu de rappeler qu’une exception est prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut en faveur des personnes ayant effectué des services pour un autre État ou une organisation internationale pendant la période de référence de cinq années expirant six mois avant leur entrée en fonctions. Cette exception trouve sa raison d’être dans le fait que, dans de telles conditions, ces personnes ne peuvent pas être considérées comme ayant établi des liens durables avec le pays d’affectation en raison du caractère temporaire de leur détachement dans ce pays (arrêts de la Cour du 15 janvier 1981, Vutera/Commission, 1322/79, Rec. p. 127, point 8, et du 2 mai 1985, De Angelis/Commission, 246/83, Rec. p. 1253, point 13).

38     La requérante est entrée en fonctions à la Commission le 16 avril 2001 et, par conséquent, la période de référence à prendre en considération pour l’application de l’article 4 de l’annexe VII du statut est celle comprise entre le 16 octobre 1995 et le 15 octobre 2000. Il est constant que, pendant la plus grande partie de cette période de référence, la requérante a exercé son activité professionnelle principale à Bruxelles, d’une part, au service de la Sodexna, société chargée du développement économique et de la gestion des intérêts de la communauté autonome de Navarre à Bruxelles ainsi que directement au service du gouvernement de cette communauté autonome à Bruxelles et, d’autre part, en tant qu’assistante d’un député au Parlement.

39     La première question qui se pose en l’espèce est donc de déterminer si le travail effectué par la requérante à Bruxelles pour la Sodexna ainsi que pour le gouvernement de la communauté autonome de Navarre doit être considéré, ainsi que le prétend la requérante, comme des services effectués pour un État, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut.

40     Il est de jurisprudence constante qu’il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit communautaire que du principe d’égalité que les termes d’une disposition de droit communautaire qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver dans toute la Communauté une interprétation autonome et uniforme, qui doit être recherchée en tenant compte du contexte de la disposition et de l’objectif poursuivi par la réglementation en cause. En l’absence d’un renvoi exprès, l’application du droit communautaire peut toutefois impliquer, le cas échéant, une référence au droit des États membres lorsque le juge communautaire ne peut déceler dans le droit communautaire ou dans les principes généraux du droit communautaire les éléments lui permettant d’en préciser le contenu et la portée par une interprétation autonome (voir arrêt de la Cour du 18 janvier 1984, Ekro, 327/82, Rec. p. 107, point 11 ; arrêt du Tribunal du 18 décembre 1992, Díaz García/Parlement, T‑43/90, Rec. p. II‑2619, point 36, du 28 janvier 1999, D/Conseil, T‑264/97, RecFP p. I‑A‑1 et II‑1, points 26 et 27, confirmé par l’arrêt de la Cour du 31 mai 2001, D et Suède/Conseil, C‑122/99 P et C‑125/99 P, Rec. p. I‑4319).

41     En l’occurrence, le droit communautaire et, notamment, le statut fournissent des indications suffisantes permettant de préciser la portée de l’article 4 de l’annexe VII du statut et, partant, d’établir une interprétation autonome de la notion d’État par rapport aux différents droits nationaux, comme les parties elles-mêmes l’ont admis dans leurs mémoires.

42     En premier lieu, la Cour a jugé qu’il ressort clairement de l’économie générale du traité que la notion d’État membre, au sens des dispositions institutionnelles, ne vise que les seules autorités gouvernementales des États membres et ne saurait être étendue aux gouvernements des régions ou des communautés autonomes, quelle que soit l’étendue des compétences qui leur sont reconnues. Admettre le contraire conduirait à porter atteinte à l’équilibre institutionnel prévu par les traités, qui déterminent notamment les conditions dans lesquelles les États membres, c’est-à-dire les États parties aux traités institutifs et aux traités d’adhésion, participent au fonctionnement des institutions communautaires (ordonnances de la Cour du 21 mars 1997, Région wallonne/Commission, C‑95/97, Rec. p. I‑1787, point 6, et du 1er octobre 1997, Regione Toscana/Commission, C‑180/97, Rec. p. I‑5245, point 6).

43     En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, les dispositions du statut, qui ont pour seule finalité de réglementer les relations juridiques entre les institutions et les fonctionnaires en établissant des droits et des obligations réciproques, comportent une terminologie précise dont l’extension par analogie à des cas non visés de façon explicite est exclue (arrêts de la Cour du 16 mars 1971, Bernardi/Parlement, 48/70, Rec. p. 175, points 11 et 12, et du 20 juin 1985, Klein/Commission, 123/84, Rec. p. 1907, point 23 ; arrêt du Tribunal du 19 juillet 1999, Mammarella/Commission, T‑74/98, RecFP p. I‑A‑151 et II‑797, point 38).

44     Dans l’article 4 de l’annexe VII du statut, le législateur a choisi le terme « État » alors qu’il existait déjà, à l’époque où le statut a été adopté, des États membres à structure fédérale ou régionale, tels que la République fédérale d’Allemagne, et non uniquement des États dotés d’une structure interne de nature centralisée. Dès lors, si le législateur communautaire avait voulu introduire les subdivisions politiques ou les collectivités locales dans ledit article, il l’aurait fait expressément. Il pourrait être considéré que les auteurs du statut n’ont pas eu l’intention d’inclure les subdivisions politiques d’un État, telles que les gouvernements des régions, des communautés autonomes ou d’autres entités locales dans l’expression « services effectués pour un autre État » figurant dans le même article.

45     Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la notion d’« État » prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut ne vise que l’État, en tant que personne juridique et sujet unitaire du droit international et ses organes de gouvernement. Une interprétation telle que celle proposée par la requérante pourrait conduire, ainsi que le soutient la Commission, à considérer comme des États toutes les entités publiques dotées d’une personnalité juridique propre auxquelles le gouvernement central aurait transféré des compétences internes, y inclus les municipalités ou toute entité à laquelle une administration aurait délégué des fonctions.

46     Dès lors, il y a lieu d’interpréter l’expression « services effectués pour un autre État », visée à l’article 4 de l’annexe VII du statut, comme ne se référant pas aux services fournis pour les gouvernements des subdivisions politiques des États.

47     De plus, il convient de relever que, dans les cas comme celui en l’espèce, où la requérante a travaillé au service de sociétés à capitaux publics relevant de l’une des catégories de sociétés commerciales, cette activité professionnelle ne peut, à plus forte raison, être considérée comme des services effectués pour un État. En effet, de telles sociétés publiques commerciales, anonymes ou à responsabilité limitée, ne font pas partie, par leur nature même, des organes de l’administration de l’État, même si elles ont la capacité de gérer et de représenter certains intérêts publics ou se voient confier des missions d’intérêt public.

48     Il découle de ce qui précède que les services que la requérante a fournis pour la Sodexna ainsi que pour le gouvernement de la communauté autonome de Navarre à Bruxelles ne sauraient être considérés comme des services effectués pour un État au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

49     Cette appréciation ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante tiré de l’existence d’une notion autonome d’État en droit communautaire qui engloberait les entités décentralisées. S’il est clair que, conformément à la jurisprudence évoquée par la requérante en matière de constatation de manquement d’État, il y a lieu de considérer que les autorités d’un État auxquelles il incombe d’assurer le respect des règles du droit communautaire sont tant les autorités du pouvoir central, les autorités d’un État fédéré que les autorités territoriales ou décentralisées dudit État dans le cadre de leurs compétences respectives, il convient également de rappeler que le recours par lequel la Cour peut constater qu’un État membre a manqué à l’une des obligations lui incombant ne vise que le gouvernement de ce dernier, quand bien même le manquement résulterait de l’action ou de l’inaction des autorités d’un État fédéré, d’une région ou d’une communauté autonome (ordonnances Région wallonne/Commission, précitée, point 7, et Regione Toscana/Commission, précitée, point 7). Cette jurisprudence ne saurait donc être valablement invoquée au soutien de la thèse de l’interprétation large de la notion d’« État » prônée par la requérante.

50     De même, les arguments avancés par la requérante tirés des compétences propres des communautés autonomes dans l’ordre juridique espagnol ainsi que des termes de la décision du Tribunal Constitucional espagnol doivent être rejetés. Il est vrai que les communautés autonomes ont des compétences propres qui leur ont été attribuées conformément à la Constitution espagnole et que la décision du Tribunal Constitucional du 26 mai 1994, précitée, expose que, en vertu de ces compétences, elles ont un intérêt à suivre et à s’informer de l’activité des institutions communautaires et peuvent avoir des bureaux à Bruxelles pour ce faire. Néanmoins, il faut relever que la décision du Tribunal Constitucional règle un problème de droit interne espagnol sur la base de la Constitution espagnole et que, dans cette perspective, elle rappelle clairement que les traités constitutifs prévoient la participation des seuls États membres à l’activité communautaire et que cela exclut l’existence de relations entre des entités infraétatiques, telles que les communautés autonomes, et les institutions communautaires, susceptibles d’engager d’une façon quelconque la responsabilité de l’État espagnol. D’ailleurs, selon le Tribunal Constitucional, de telles relations ne sont pas possibles, compte tenu de la structure même de l’Union européenne. En tout état de cause, l’interprétation du droit communautaire revient, en dernier lieu, aux juridictions communautaires, en vertu de l’article 220 CE.

51     De surcroît, il convient de remarquer que les délégations des communautés autonomes espagnoles à Bruxelles ont pour mission la gestion des intérêts des administrations qu’elles représentent, intérêts qui ne coïncident pas nécessairement avec les intérêts des autres communautés autonomes et avec ceux du Royaume d’Espagne, en tant qu’État.

52     La requérante ne saurait se prévaloir, non plus, du fait qu’elle était assujettie au même régime d’assurance maladie et au même régime fiscal que le personnel travaillant à la représentation permanente du Royaume d’Espagne à Bruxelles.

53     Il y a lieu de rappeler, d’une part, que la convention relative à la double imposition, adoptée quelques années après le statut, prévoit dans son article 19, paragraphe 1, que « les rémunérations, y compris les pensions, versées par un État contractant ou par l’une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales […] à une personne physique au titre de services rendus à cet État ou à l’une de ses subdivisions politiques ou collectivités locales, ne sont imposables que dans ledit État ». Cette convention distingue donc entre les services rendus à un État et les services rendus à une subdivision politique d’un État, distinction que ne fait pas l’article 4 de l’annexe VII du statut.

54     D’autre part, s’agissant du régime d’assurance maladie, les formulaires E 106 et E 111 ne font qu’attester le droit d’une personne à bénéficier de soins de santé dans un pays autre que celui où elle est normalement assurée ou a été assurée auparavant. Concernant le formulaire E 106, il y a lieu de noter, de plus, qu’il est délivré non seulement aux diplomates et aux autres membres de la représentation permanente du Royaume d’Espagne auprès de l’Union européenne, mais aussi à de nombreuses autres catégories de personnes travaillant en dehors du territoire espagnol.

55     Enfin, concernant l’argument de la requérante tiré de la participation des représentants des communautés autonomes aux comités consultatifs de la Commission, il y a lieu d’observer que l’exception figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut ne peut être limitée aux seules personnes ayant fait partie du personnel d’un autre État ou d’une organisation internationale, puisqu’elle vise toutes « les situations résultant de services effectués pour un autre État ou une organisation internationale » (arrêts du Tribunal Diamantaras/Commission, précité, point 52, et du 3 mai 2001, Liaskou/Conseil, T‑60/00, RecFP p. I‑A‑107 et II‑489, point 49). Le bénéfice de l’exception prévue audit article 4 exige, néanmoins, que l’intéressé ait eu des liens juridiques directs avec l’État ou l’organisation internationale en cause, ce qui est conforme à l’autonomie dont jouissent les États et les institutions dans l’organisation interne de leurs services, qui les habilite à inviter des personnes tierces n’appartenant pas à leur structure hiérarchique à proposer leurs services afin d’assurer l’exécution de travaux bien précis (arrêts du Tribunal du 22 mars 1995, Lo Giudice/Parlement, T‑43/93, RecFP p. I‑A‑57 et II‑189, point 36, et du 11 septembre 2002, Nevin/Commission, T‑127/00, RecFP p. I‑A‑149 et II‑781, point 51).

56     À cet égard, il suffit de constater que la requérante a explicitement reconnu lors de l’audience qu’elle n’a jamais intégré ni fait partie de la délégation espagnole participant aux réunions des organes du Conseil et de la Commission qui ont eu lieu au cours de la période de référence qui lui était applicable. La requérante n’a pas invoqué, non plus, qu’elle aurait éventuellement maintenu un quelconque lien juridique direct avec le gouvernement central de l’État espagnol permettant de considérer qu’elle a effectué des services pour l’État espagnol pendant ladite période.

57     Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que la requérante a fourni des services pour un État au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut.

58     En ce qui concerne, ensuite, la question de savoir si l’activité de la requérante en tant qu’assistante d’un député au Parlement doit être considérée comme des services effectués pour une organisation internationale au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut, il n’est pas nécessaire d’y répondre pour les raisons exposées ci-après aux points 88 et 89.

59     Au vu de ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’erreur d’appréciation des faits

–       Arguments des parties

60     La requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur d’appréciation des faits, car sa résidence habituelle et son centre d’intérêts, pendant la période de référence prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, se sont toujours trouvés en Espagne et non en Belgique. Sa résidence à Bruxelles pendant l’exercice de ses différentes activités professionnelles n’aurait été que provisoire et secondaire, de sorte que la requérante aurait droit à l’indemnité de dépaysement prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut. À l’appui de cette prétention, la requérante invoque les éléments suivants qui prouveraient que son centre d’intérêts aurait toujours été à Pampelune (Espagne):

–       résidence principale à Pampelune, au domicile de sa famille, et domiciliation à l’administration communale de Pampelune, où elle serait inscrite sur les registres électoraux, exercerait ses droits d’électeur et renouvellerait son passeport et sa carte d’identité ;

–       contrats de travail de droit espagnol, signés en Espagne et régis par la législation espagnole en matière de droit fiscal et social; en effet, le contrat d’assistante du député au Parlement aurait été officialisé en Espagne, les contrats de services avec les sociétés Sodena et Sodexna auraient été conclus en Espagne et la nomination en qualité de déléguée du gouvernement de Navarre à Bruxelles aurait également été décidée en Espagne ;

–       paiement d’impôts en Espagne, où elle présenterait sa déclaration fiscale annuelle en tant que travailleur salarié espagnol assujetti à l’article 19 de la convention relative à la double imposition ;

–       assurance maladie régie par le droit espagnol sur la base du formulaire E 111 puis du formulaire E 106, en tant que personnel détaché à Bruxelles ;

–       voiture particulière immatriculée en Navarre, où elle continuerait à payer la taxe de circulation annuelle ;

–       compte bancaire ouvert et fonds de placement géré à Pampelune.

61     Concernant la période de référence (du 16 octobre 1995 au 15 octobre 2000), la requérante expose une série d’éléments additionnels qui confirmeraient le caractère secondaire et provisoire de sa résidence à Bruxelles. Ainsi, ses fonctions d’assistante au Parlement européen (du 1er septembre 1995 au 30 juin 1996) auraient été exercées à Pampelune, Bruxelles et Strasbourg, puisque son travail pour le député au Parlement M. Z., originaire de Navarre, exigeait un niveau de mobilité élevé entre ces trois villes. Ensuite, son activité de coopérante pour une ONG au Pérou (au cours des mois de juillet et d’août 1996) se serait déroulée en dehors du territoire communautaire. En outre, selon la requérante, son travail de consultant au sein de l’entreprise ECO à la Commission (du 2 septembre 1996 au 28 février 1997) ne l’obligeait pas à résider en Belgique, puisque, selon le contrat de fourniture de services qu’elle avait signé, la durée de ses prestations était établie en fonctions de ses jours de travail. En fait, elle aurait exercé cette activité sous le régime de travailleur autonome soumis au droit espagnol, en déposant ses déclarations de revenus et de taxe à la valeur ajoutée (TVA) auprès des autorités espagnoles.

62     Quant à ses fonctions au service de la Sodexna (du 1er mars 1997 au 31 mars 1999), la requérante prétend que cette activité l’obligeait à se déplacer constamment entre Bruxelles et Pampelune, sans que ses séjours à Bruxelles aient eu un caractère régulier. Sa résidence habituelle, aux fins fiscales, administratives et de sécurité sociale, aurait donc continué à se situer à Pampelune et non à Bruxelles, où elle n’aurait loué que des appartements meublés et pour de courtes périodes. Enfin, quant à son activité de déléguée du gouvernement de Navarre à Bruxelles (du 1er avril 1999 au 15 avril 2001), elle aurait exercé des fonctions semblables à celles, antérieures, de directrice et, partant, elle aurait continué à faire régulièrement le voyage entre Pampelune et Bruxelles, en maintenant sa résidence fiscale et administrative à Pampelune et en louant des appartements pour de brèves durées à Bruxelles.

63     S’agissant de la période précédant la période de référence (du mois de septembre 1991 au mois d’octobre 1995), la requérante soutient que son séjour à Bruxelles se caractérisait également par un caractère provisoire, discontinu et variable, inhérent à ses qualités d’étudiante et de stagiaire. Elle ne se serait pas inscrite au consulat général du Royaume d’Espagne à Bruxelles ni au bureau de recensement des électeurs résidents et les contrats de location qu’elle aurait signés l’auraient tous été pour de brèves durées et pour des appartements meublés. Quant aux fonctions exercées pour la Sodena pendant cette période, elles auraient obligé la requérante à se déplacer constamment entre Pampelune et Bruxelles. Il n’y aurait donc pas lieu de tenir compte, en l’espèce, des situations antérieures à la période de référence et d’appliquer les conclusions de l’arrêt de la Cour du 10 octobre 1989, Atala-Palmerini/Commission (201/88, Rec. p. 3109) qui concernait une personne qui avait suivi toutes ses études en Belgique, qui avait épousé un ressortissant belge et qui avait sa résidence principale en Belgique depuis douze ans avant le début de la période de référence.

64     La requérante ajoute que le fait que les contrats conclus avec la Sodena et la Sodexna prévoyaient un complément mensuel pour le coût plus élevé de la vie impliqué par sa résidence à Bruxelles n’avait d’autre finalité que de permettre à la requérante de financer le voyage entre Pampelune et Bruxelles et que le décret la nommant en qualité de déléguée du gouvernement de Navarre ne prévoyait ni n’exigeait la résidence à Bruxelles. Par ailleurs, les affirmations de la Commission relatives à son mariage seraient déplacées et hors de propos. Enfin, concernant le certificat d’inscription dans une commune de Bruxelles, elle aurait demandé à se faire radier du registre de cette commune au cours de l’été 1995, ce qui n’aurait vraisemblablement pas été fait. En tout état de cause, ce certificat exposerait sans équivoque qu’entre les mois d’août 1996 et d’avril 2001, elle résidait en Espagne.

65     La Commission considère que le grief doit être rejeté comme non fondé, car la requérante a, de manière habituelle, habité et exercé son activité professionnelle principale à Bruxelles depuis 1991 et pendant toute la période de référence prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, sans que les éléments invoqués par celle-ci ne soient de nature à démontrer le contraire.

66     Selon la Commission, les éléments invoqués par la requérante seraient simplement des liens habituels que toute personne maintient avec son pays d’origine, ne permettant pas d’établir que le centre permanent de ses intérêts se soit situé en Espagne. En outre, la Commission conteste les éléments invoqués par la requérante pour démontrer que, pendant la période de référence, sa résidence à Bruxelles était provisoire, en ajoutant une série d’éléments qui démontreraient qu’elle résidait et exerçait son activité professionnelle principale à Bruxelles. Ainsi, la requérante aurait été inscrite sur les registres d’une commune de Bruxelles (Saint-Gilles) entre le mois de février 1993 et le mois d’août 1996 et elle se serait mariée en juillet 1999 avec un ressortissant néerlandais résidant à Bruxelles. Ce dernier élément ne serait pas hors de propos, car il ressortirait de la jurisprudence que l’existence d’un mariage serait un élément de fait important pour établir la résidence habituelle d’un fonctionnaire avant sa nomination et déterminer ainsi son degré d’intégration dans le lieu d’affectation (arrêt Atala-Palmerini/Commission, précité). Par ailleurs, concernant la période antérieure à la période de référence, selon la jurisprudence, un intéressé n’aurait pas droit à l’indemnité de dépaysement s’il avait déjà établi des liens durables avec le pays d’affectation en y ayant habité et travaillé auparavant, comme ce serait le cas en l’espèce.

–       Appréciation du Tribunal

67     L’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut dispose que l’indemnité de dépaysement est accordée au fonctionnaire qui n’a pas et n’a jamais eu la nationalité de l’État sur le territoire duquel est situé le lieu de son affectation et qui n’a pas, de façon habituelle, pendant la période de cinq années expirant six mois avant son entrée en fonctions, habité ou exercé son activité professionnelle principale sur le territoire dudit État.

68     En vue de déterminer de telles situations, la jurisprudence a affirmé que l’article 4 de l’annexe VII du statut doit être interprété comme retenant pour critère primordial, quant à l’octroi de l’indemnité de dépaysement, la résidence habituelle du fonctionnaire, antérieurement à son entrée en fonctions. En outre, la notion de dépaysement dépend également de la situation subjective du fonctionnaire, à savoir son degré d’intégration dans son nouveau milieu, lequel peut être établi, par exemple, par sa résidence habituelle ou par l’exercice antérieur d’une activité professionnelle principale (arrêt De Angelis/Commission, précité, point 13 ; arrêt du Tribunal du 8 avril 1992, Costacurta Gelabert/Commission, T‑18/91, Rec. p. II‑1655, point 42; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 9 octobre 1984, Witte/Parlement, 188/83, Rec. p. 3465, point 8).

69     La résidence habituelle est le lieu où l’intéressé a fixé, avec la volonté de lui conférer un caractère stable, le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Aux fins de la détermination de la résidence habituelle, il importe de tenir compte de tous les éléments de fait constitutifs de celle-ci et notamment, de la résidence effective de l’intéressé (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, Magdalena Fernández/Commission, C‑452/93 P, Rec. p. I‑4295, point 22 ; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1992, Benzler/Commission, T‑63/91, Rec. p. II‑2095, point 17, et du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, T‑90/92, Rec. p. II‑971, point 27).

70     La période de référence à prendre en considération pour l’application de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII se situe entre le 16 octobre 1995 et le 15 octobre 2000, la requérante étant entrée en fonctions six mois après cette dernière date, soit le 16 avril 2001. Etant donné que la Commission soutient que la requérante a, de manière habituelle, travaillé et résidé à Bruxelles depuis 1991, il convient de procéder à la détermination du lieu de résidence habituelle de la requérante à partir de l’année 1991.

71     Pendant la période comprise entre les mois de septembre 1991 et de juillet 1992, la requérante a poursuivi des études à Bruxelles et, ensuite, entre les mois d’octobre 1992 et de février 1993, elle a fait un stage à la Commission. Il importe d’observer qu’à l’époque actuelle, où une formation universitaire comporte ou est fréquemment suivie d’une période de formation additionnelle ou de stage à l’étranger, le seul fait de résider dans un pays étranger en tant qu’étudiant et/ou stagiaire ne permet pas de présumer l’existence d’une volonté de cette personne de déplacer le centre permanent ou habituel de ses intérêts. Partant, il ne saurait être déduit de cette situation que la requérante avait la volonté de fixer, pendant ces mois d’études et de stage, le centre permanent de ses intérêts et ainsi sa résidence habituelle à Bruxelles.

72     Il y a lieu de relever, ensuite, que lorsqu’une telle période de stage est suivie d’une période d’emploi au même endroit, la présence continue de l’intéressé à l’étranger peut créer la présomption d’une éventuelle volonté dans le chef de celui-ci de déplacer le centre permanent ou habituel de ses intérêts et ainsi sa résidence habituelle. Toutefois, cette présomption est susceptible d’être renversée lorsque d’autres éléments tirés des circonstances professionnelles ou personnelles relatives à l’intéressé montrent que celui-ci a conservé le centre permanent ou habituel de ses intérêts dans son pays d’origine.

73     Il convient donc d’examiner en l’espèce s’il résulte des éléments du dossier la volonté de la requérante de fixer, après cette période de formation et de stage, son centre d’intérêts et ainsi sa résidence habituelle en Belgique ou de les conserver en Espagne.

74     S’agissant de la période comprise entre les mois d’octobre 1993 et d’août 1995, il y a lieu de relever qu’il ressort du certificat de résidence émis par l’administration communale de la commune de Saint-Gilles de Bruxelles en date du 14 octobre 2002, que la requérante a été inscrite comme résidente à Bruxelles entre le 17 décembre 1993 et le 19 août 1996. Cette inscription constitue un élément important pour déterminer la volonté de la requérante d’établir sa résidence à Bruxelles. Pendant cette période, elle a travaillé pour le bureau de la communauté autonome de Navarre, soit directement soit par contrat avec la Sodena. Le contrat de 21 février 1995 signé avec la Sodena, prévoyait, en sa première clause, que « l’employée réalisera ses activités à Bruxelles (Belgique) » et, en sa quatrième clause, qu’elle « recevra [une prime de séjour à Bruxelles] destinée à compenser les frais plus élevés que comportent la résidence et l’exercice de son activité professionnelle dans cette ville ». Aucun élément du dossier ne prouve que la requérante devait effectuer à Pampelune des séjours de longue durée, mais, au contraire, qu’elle avait sa résidence habituelle à Bruxelles.

75     En ce qui concerne la période comprise entre le 1er septembre 1995 et le 30 juin 1996 pendant laquelle la requérante a travaillé en tant qu’assistante d’un député au Parlement, il y a lieu de considérer que, même si la requérante a exercé son activité professionnelle à Pampelune, Bruxelles et Strasbourg, il n’en reste pas moins que la mission des assistants est d’assister les députés au Parlement dans leurs tâches et d’assurer la continuité de leur activité parlementaire qui se déroule principalement à Bruxelles, en suivant les réunions en commission et en plenum, en contribuant à l’élaboration et à la présentation de rapports pour les commissions parlementaires et en accueillant les divers groupes de visiteurs au Parlement. Partant, le lieu de sa résidence habituelle devait nécessairement être Bruxelles.

76     S’agissant de la période de bénévolat au Pérou des mois de juillet et d’août 1996, il est de jurisprudence constante qu’une absence du pays d’affectation, sporadique et de brève durée, ne saurait être considérée comme suffisante pour faire perdre à la résidence son caractère habituel (arrêts Witte/Parlement, précité, point 11 ; du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, précité, point 29, et Diamantaras/Commission, précité, point 51). Il y a lieu de rappeler, en outre, que la conservation du caractère habituel de la résidence au lieu d’affectation a été reconnue, y compris pour des absences de plusieurs mois du pays d’affectation (arrêt du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, précité, points 29 et 30). En l’espèce, la requérante a exercé cette activité bénévole pendant une courte période d’un mois et demi au cours de la période annuelle de vacances et est rentrée ensuite en Belgique, où elle résidait auparavant. Dès lors, dans ces circonstances, cette période doit être considérée comme une absence sporadique et de brève durée du pays de résidence, au sens de la jurisprudence précitée, non susceptible d’interrompre sa résidence habituelle à Bruxelles.

77     En ce qui concerne la période allant du 2 septembre 1996 au 28 février 1997, pendant laquelle la requérante a travaillé comme consultante de l’entreprise privée ECO, il convient d’observer que le contrat de travail conclu entre la requérante et cette société le 17 juillet 1996 prévoyait, au point 1, qu’elle fournirait ses services d’assistance technique à la task-force « Aide aux nouveaux Länder » de la Commission européenne et qu’elle réaliserait une prestation de 220 jours répartis sur une période d’une année. Or, l’obligation de travailler 220 jours par an, soit une grande partie d’une année complète de travail, pour une unité de la Commission située à Bruxelles, prive de pertinence l’argument de la requérante selon lequel, pendant l’exécution de ce contrat, elle ne résidait pas à Bruxelles. Au surplus, l’attestation établie par le chef de ladite task-force indique que « [la requérante] était une collègue sympathique qui a réussi à ne pas perdre courage dans un environnement souvent stressant ». Il en découle qu’il est assurément exact que, comme le soutient la Commission, elle devait être régulièrement présente à son poste de travail à Bruxelles pendant la réalisation de ce travail. Il s’ensuit que la requérante habitait nécessairement à Bruxelles pendant cette période. 

78     Pour ce qui est de la période allant du 1er mars 1997 au 31 mars 1999 pendant laquelle la requérante a exercé son activité professionnelle au service de la Sodexna, les documents produits par la requérante elle-même confirment qu’elle a également travaillé et résidé à Bruxelles de manière habituelle.

79     Ainsi, le contrat de travail signé avec la Sodexna le 1er mars 1997 prévoyait que « l’employée réalisera[it] ses activités à Bruxelles (Belgique) », qu’elle « recevra[it] ‘une prime de séjour ou de résidence à Bruxelles’ destiné à compenser les frais plus élevés que comporte la résidence à Bruxelles » et que si la requérante devait quitter Bruxelles sur demande de son employeur ou pour les besoins de son travail, les frais de voyage lui seraient remboursés. Le contrat de travail signé le 1er avril 1998 avec la Sodexna qui était un contrat à durée indéterminée, lui attribuant les fonctions de directrice du bureau de cette société à Bruxelles, établissait qu’elle occuperait « le poste de directrice à Bruxelles (Belgique) », qu’elle développerait les fonctions propres du poste à Bruxelles, que le travail serait effectué « à Bruxelles (Belgique), où elle résidera[it] » et qu’elle recevrait un complément de salaire « pour compenser le coût plus élevé de la vie que comport[ait] son affectation à Bruxelles ».

80     Enfin, s’agissant de la période du 1er avril 1999 au 15 octobre 2000 pendant laquelle la requérante était déléguée du gouvernement de la communauté autonome de Navarre à Bruxelles, la requérante a soutenu en cours d’instance qu’elle exerçait des fonctions semblables à celles accomplies lorsqu’elle était directrice du bureau de la Sodexna à Bruxelles et qu’elle continuait à faire régulièrement la navette entre Pampelune et Bruxelles, en louant des appartements uniquement pour de courtes durées à Bruxelles. Cependant, la requérante n’a pas produit d’éléments de preuve de nature à étayer ces affirmations et, bien au contraire, son affirmation de la similitude des fonctions exercées ne fait que confirmer qu’elle travaillait et résidait de manière stable et permanente à Bruxelles.

81     Par ailleurs, les éléments avancés par la requérante en vue de démontrer que son centre d’intérêts était situé en Espagne et non en Belgique au cours de la période de référence ne sont pas de nature à étayer son affirmation. 

82     En effet, le fait de rester inscrite sur les registres de la municipalité de Pampelune et sur les listes électorales de cette ville, d’y exercer des droits politiques, d’y renouveler ses documents d’identité officiels, d’avoir une voiture immatriculée en Espagne, d’être domicilié fiscalement en Espagne, et de disposer de biens patrimoniaux dans ce pays, tels que le maintien d’un compte bancaire et de fonds de placement à Pampelune, ne permettent pas d’établir, à eux seuls, que le centre permanent de ses intérêts se situait encore dans ce pays (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 28 septembre 1993, Magdalena Fernández/Commission, précité, point 30 ; du 27 septembre 2000, Lemaître/Commission, T‑317/99, RecFP p. I‑A‑191 et II‑867, point 57, et Liaskou/Conseil, précité, point 63). En outre, l’accès aux soins de santé en Belgique moyennant les formulaires E 111 et E 106 ainsi que le versement des rémunérations et le paiement d’impôts en Espagne en application de l’article 19 de la convention relative à la double imposition, loin de démontrer, comme le prétend la requérante, que son centre d’intérêts était situé en Espagne pendant la période de référence, attestent précisément qu’elle s’était déplacée pour une longue période en dehors du territoire espagnol et, partant, qu’elle résidait et travaillait, de manière habituelle, dans un autre pays, en l’occurrence, la Belgique.

83     S’agissant des primes mensuelles de dépaysement ou d’expatriation, il suffit de constater qu’elles sont normalement octroyées afin de compenser les difficultés qu’implique nécessairement le fait de vivre et de travailler dans un pays autre que le sien ainsi que, dans certains pays, le coût plus élevé de la vie. De surcroît, le fait que les contrats du 21 février 1995 et du 1er mars 1997 prévoyaient, de plus, le remboursement des frais de voyage exposés par la requérante lors de ses déplacements en dehors de Bruxelles, confirme que son centre de travail et sa résidence habituelle se trouvaient dans cette ville.

84     Les arguments de la requérante tirés du fait que, pendant ces années, elle n’aurait loué des appartements que pour de brèves durées à Bruxelles ne sont pas pertinents. Il s’agit d’une simple affirmation sans preuve à l’appui.

85     Il découle de tout ce qui précède que la requérante a résidé et travaillé à Bruxelles du mois d’octobre 1993 au mois d’avril 2001, date à laquelle elle est entrée au service de la Commission. Il y a donc lieu de considérer que l’ensemble des éléments analysés atteste la volonté de la requérante d’établir le centre de ses intérêts et ainsi sa résidence habituelle à Bruxelles. En effet, le fait pour une personne d’exercer plusieurs emplois dans le même pays, pendant une période de temps longue et ininterrompue, en vertu de contrats différents, d’une durée variable et avec divers employeurs,comme cela a été le cas pour la requérante, montre, à suffisance, la volonté de celle-ci de fixer son centre d’intérêts et ainsi sa résidence habituelle dans ce pays.

86     À cet égard, il y a lieu de rappeler que, s’il est de jurisprudence constante que le fait d’avoir habité, avant la période de référence, sur le territoire de l’État où est situé son lieu d’affectation ne saurait jouer un rôle déterminant quant à la question de savoir si l’intéressé est en droit de bénéficier de l’indemnité de dépaysement (arrêt Costacurta Gelabert/Commission, précité, point 41), il n’en demeure pas moins que cette circonstance représente un élément de fait important qui doit être pris en considération avec d’autres faits pertinents. Dès lors, si les activités professionnelles et la résidence préalable à Bruxelles ne sauraient, à elles seules, conditionner le droit à l’indemnité de dépaysement de la requérante, il ressort de ces éléments de fait que la requérante était déjà établie à Bruxelles bien avant le début de la période de référence. 

87     Il résulte de tout ce qui précède que la requérante a, de manière habituelle, résidé et exercé son activité professionnelle principale à Bruxelles pendant la totalité de la période de référence, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut et que le centre de ses intérêts se trouvait à Bruxelles pendant cette période.

88     Cette conclusion ne serait pas infirmée dans l’hypothèse où la période allant du 1er septembre 1995 au 30 juin 1996, pendant laquelle la requérante a travaillé comme assistante d’un député au Parlement, devait être considérée comme des services effectués pour une organisation internationale au sens de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), second tiret, de l’annexe VII du statut et, partant, devrait être exclue de la période de référence. Il suffit de constater que, dans cette hypothèse, la période de référence débuterait le 16 décembre 1994 et qu’à ce moment-là, la requérante était déjà inscrite dans la commune de Saint-Gilles depuis le 17 décembre 1993 et travaillait depuis le 1er octobre 1993 pour le gouvernement de Navarre à Bruxelles. Ces éléments sont donc de nature à établir que la résidence habituelle de la requérante était située à Bruxelles depuis, au moins, le 16 décembre 1994.

89     Par conséquent, et sans avoir besoin de statuer sur la question de savoir si le travail d’assistant d’un député au Parlement doit être considéré comme des services effectués pour une organisation internationale au sens de l’article 4 de l’annexe VII du statut, il faut conclure que la Commission n’a commis aucune erreur d’appréciation des faits concernant la situation personnelle de la requérante et a correctement décidé que la requérante n’avait pas droit à l’indemnité de dépaysement.

90     Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

91     La requérante fait valoir que la motivation de la décision du 27 mars 2002 est manifestement insuffisante. La Commission n’aurait pas demandé d’informations supplémentaires et se serait retranchée derrière une clause de style qui ne permettrait pas de comprendre les raisons pour lesquelles les faits particuliers invoqués ne justifieraient pas l’octroi de l’indemnité de dépaysement.

92     La Commission prétend que le moyen doit être rejeté comme non fondé, car la décision du 27 mars 2002 expose clairement les raisons pour lesquelles l’indemnité de dépaysement, et les indemnités qui y sont associées, ont été refusées à la requérante.

–       Appréciation du Tribunal

93     Il doit être rappelé que l’obligation de motivation a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de la décision prise par l’administration et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonctions des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, points 31 et 32 ; du 9 mars 2000, Vicente Nuñez/Commission, T‑10/99, RecFP p. I‑A‑47 et II‑203, point 41, et du 31 janvier 2002, Hult/Commission, T‑206/00, RecFP p. I‑A‑19 et II‑81, point 27).

94     En l’espèce, il y a lieu de relever que la décision du 27 mars 2002 expose sans équivoque que la requérante n’a pas droit au bénéfice de l’indemnité de dépaysement, puisque les activités professionnelles principales exercées par la requérante pendant la période de référence – assistante parlementaire, employée auprès de la Sodexna et du gouvernement de Navarre – ne peuvent rentrer sous l’empire de l’exception relative aux « services effectués pour un autre État ou pour une organisation internationale » visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de l’annexe VII du statut, en indiquant les raisons spécifiques d’une telle appréciation. De plus, la décision du 27 mars 2002 indique de manière explicite que, vu l’absence de possibilité de neutralisation de la période de référence, le service compétent a correctement refusé le bénéfice de l’indemnité à la requérante, car celle-ci avait, pendant cette période de référence, habité et exercé ses activités professionnelles principales à Bruxelles. Les explications fournies par la Commission dans la décision du 27 mars 2002 répondent donc largement aux exigences de motivation requises.

95     De surcroît, la requérante admet dans sa réclamation et dans sa requête, qu’elle avait été informée, d’abord, par la note du 28 juin 2001, et ensuite, lors de son entretien du 28 novembre 2001 avec la DG « Personnel et administration » organisé afin d’examiner sa réclamation, du fait qu’elle n’avait pas exercé ses activités professionnelles auprès d’organisations internationales ni au service d’un État conformément à l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut, l’entretien susvisé ayant été centré sur le débat relatif à la notion d’État figurant dans cette disposition. 

96     Il s’ensuit que la requérante a eu pleinement connaissance des raisons pour lesquelles l’AIPN lui a refusé le bénéfice de l’indemnité de dépaysement.

97     Il en résulte que le moyen tiré d’une violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement

–       Arguments des parties

98     La requérante soutient qu’elle fait l’objet d’une discrimination par rapport à d’autres fonctionnaires qui ont travaillé, pendant la période de référence, auprès de délégations de représentation de régions d’autres États membres à Bruxelles ou en qualité d’assistants au Parlement européen et à qui la Commission a appliqué l’exception de « services effectués pour un autre État ou pour une organisation internationale » prévue à l’article 4, paragraphe 1, de l’annexe VII du statut.

99     La requérante expose, d’abord, que, même si ce moyen n’a pas été allégué dans la réclamation devant la Commission, il est étroitement rattaché aux chefs de contestation invoqués dans celle-ci (arrêt du Tribunal du 7 mai 1991, Jongen/Commission, T‑18/90, Rec.p. II‑187), et est dès lors recevable.

100   La requérante soutient, ensuite, que l’égalité de traitement est un principe général de droit communautaire dont la Cour et le Tribunal assurent le respect et qui aurait été doublement enfreint en l’espèce. Ainsi, sa situation personnelle aurait, d’une part, été traitée différemment de celle d’autres fonctionnaires ayant travaillé, avant leur entrée en service, au sein des délégations de représentation de régions d’autres États membres et pour lesquels l’exception tirée de l’article 4 de l’annexe VII du statut aurait été appliquée. La requérante cite le cas de M. W., qui aurait travaillé plus de cinq ans auprès de la délégation d’un Land allemand à Bruxelles et auquel la Commission aurait octroyé l’indemnité de dépaysement. D’autre part, la requérante prétend qu’elle aurait aussi été traitée différemment d’autres fonctionnaires qui auraient travaillé en tant qu’assistants au Parlement européen et pour lesquels cette expérience aurait été considérée comme un service effectué pour une organisation internationale au sens dudit article 4. La requérante cite le cas de Mme G., dont la dernière année de travail en qualité d’assistante n’aurait pas été prise en compte pour le calcul de la période de référence, de sorte que la Commission lui aurait accordé l’indemnité de dépaysement. La requérante invite le Tribunal à consulter les dossiers personnels des fonctionnaires susmentionnés.

101   La Commission considère que le moyen n’est pas recevable, car la requérante ne l’a pas invoqué dans sa réclamation. Par ailleurs, cet argument ne saurait être considéré comme ayant été implicitement allégué dans le cadre de la phase administrative, s’agissant d’un moyen entièrement nouveau, invoqué pour la première fois dans la requête.

102   La Commission prétend en outre que le moyen doit être rejeté comme non fondé. Elle n’aurait pas connaissance de cas dans lesquels l’indemnité de dépaysement aurait été octroyée sur la base des critères cités par la requérante. S’agissant des cas particuliers de M. W. et de Mme G., les faits exposés par la requérante seraient inexacts, car, contrairement à ce qu’elle soutiendrait, l’indemnité leur aurait été octroyée parce qu’ils n’avaient pas résidé et travaillé à Bruxelles pendant la totalité de la période de référence, et non parce que la période de travail au sein d’un Land allemand ou en tant qu’assistante au Parlement européen, aurait été neutralisée. La Commission reste à la disposition du Tribunal pour transmettre, s’il est jugé opportun, les documents pertinents de nature à justifier les affirmations effectuées.

103   En tout état de cause, la Commission rappelle que, selon la jurisprudence constante, nul ne peut invoquer en sa faveur une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêt Witte/Parlement, précité, point 15, et arrêt du Tribunal du 22 février 2000, Rose/Commission, T‑22/99, RecFP p. I‑A‑27 et II‑115, point 39).

–       Appréciation du Tribunal

104   Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la règle de la concordance entre la réclamation et le recours exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge communautaire l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître d’une façon suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9 ; arrêts du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T‑57/89, Rec. p. II‑143, point 8, et du 3 mars 1993, Booss et Fischer/Commission, T‑58/91, Rec. p. II‑147, point 83).

105   Il ressort également de la jurisprudence que si les conclusions présentées devant le Tribunal ne peuvent avoir que le même objet que celles exposées dans la réclamation et ne peuvent contenir que des « chefs de contestation » reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation, ces chefs de contestation peuvent cependant, devant le juge communautaire, être développés par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts de la Cour du 20 mai 1987, Geist/Commission, 242/85, Rec. p. 2181, point 9, et du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, point 10 ; arrêts du Tribunal Alexandrakis/Commission, précité, point 9, et du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, RecFP p. I‑A‑257 et II‑739, point 41).

106   En l’espèce, il convient de relever que la réclamation de la requérante ne contient aucune référence à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement qu’elle aurait subi par rapport à d’autres fonctionnaires se trouvant dans des situations similaires et qui auraient travaillé, avant leur entrée en service, au sein des délégations de représentation de régions d’autres États membres à Bruxelles ou en tant qu’assistants au Parlement européen et pour lesquels l’exception prévue à l’article 4 de l’annexe VII du statut aurait été appliquée. De même, il ne ressort pas du dossier que les courriers échangés entre la requérante et la Commission, avant la présentation de cette réclamation, comportent des indications relatives à une telle inégalité de traitement. 

107   En outre, le Tribunal constate que la réclamation ne contient aucun argument dont la Commission aurait pu déduire, même dans un esprit d’ouverture, que la requérante se prévalait d’une violation du principe d’égalité de traitement. En effet, la requérante ne s’est jamais référée dans sa réclamation à la situation des fonctionnaires ayant travaillé auparavant au service d’un député au Parlement ou dans les bureaux des Länder ou des entités régionales d’autres États membres. Elle a uniquement cité, en une occasion, la situation des États fédéraux pour indiquer que la structure interne de l’État espagnol serait semblable à celle de ces États. Dans ces conditions, il ne peut pas, non plus, être considéré, contrairement à ce que prétend la requérante, que ce moyen se rattache étroitement aux chefs de contestation invoqués dans sa réclamation.

108   Il s’ensuit que le quatrième moyen doit être déclaré irrecevable.

 Sur les indemnités associées à l’indemnité de dépaysement

109   La requérante demande l’application de la jurisprudence, en vertu de laquelle l’indemnité journalière et l’indemnité d’installation lui sont automatiquement dues en cas de reconnaissance de son droit à l’indemnité de dépaysement (arrêt de la Cour du 28 mai 1998, Commission/Lozano Palacios, C‑62/97 P, Rec. p. I-3273).

110   Le Tribunal ayant constaté que la requérante n’a pas le droit de percevoir l’indemnité de dépaysement, il y a lieu de rejeter cette demande. 

111   Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté comme non fondé dans son intégralité.

 Sur les dépens

112   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. La requérante ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Cooke

García-Valdecasas

Trstenjak


Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 octobre 2005.


Le greffier

 

       Le président



E. Coulon

 

       R. García-Valdecasas


* Langue de procédure : l’espagnol.