Language of document : ECLI:EU:C:2022:613

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

1er août 2022 (*) 

« Renvoi préjudiciel – Agriculture – Organisation commune des marchés – Règlement (CE) no 1234/2007 – Fruits et légumes frais emballés – Règlement d’exécution (UE) no 543/2011 – Contrôle de conformité – Transport vers un point de vente appartenant à la même société de commercialisation – Document d’accompagnement – Indication du pays d’origine »

Dans l’affaire C‑319/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte d’appello di Venezia (cour d’appel de Venise, Italie), par décision du 27 avril 2021, parvenue à la Cour le 21 mai 2021, dans la procédure

Agecontrol SpA

contre

ZR,

Lidl Italia Srl,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Jääskinen, président de chambre, MM. M. Safjan et M. Gavalec (rapporteur), juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour Agecontrol SpA, par Mes M. L. Madera, F. Russo et A. Tallarida, avvocati,

–        pour Lidl Italia Srl, par Mes F. Capelli et M. Valcada, avvocati,

–        pour la Commission européenne, par Mmes M. Morales Puerta et F. Moro, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 113 et 113 bis du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO 2007, L 299, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008 (JO 2008, L 121, p. 1) (ci-après le « règlement no 1234/2007), ainsi que des articles 5 et 8 du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement no 1234/2007 en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO 2011, L 157, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Agecontrol SpA à ZR et à Lidl Italia Srl au sujet de la sanction administrative pécuniaire infligée par Agecontrol en raison de l’indication erronée du pays d’origine de fruits et légumes commercialisés par ZR et Lidl Italia figurant sur deux documents d’accompagnement de ces produits.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 1234/2007

3        L’article 113 du règlement no 1234/2007, intitulé « Normes de commercialisation », disposait :

« 1.      La Commission [européenne] peut prévoir des normes de commercialisation pour l’un ou plusieurs des produits relevant des secteurs suivants :

[...]

b)      fruits et légumes ;

[...]

2.      Les normes visées au paragraphe 1 :

a)      sont établies compte tenu, notamment :

i)      des spécificités des produits concernés ;

[...]

b)      peuvent porter notamment sur la qualité, le classement en catégories, le poids, la taille, le conditionnement, l’emballage, le stockage, le transport, la présentation, la commercialisation, l’origine et l’étiquetage.

3.      Sauf si la Commission en dispose autrement, conformément aux critères visés au paragraphe 2, point a), les produits pour lesquels des normes de commercialisation ont été établies ne peuvent être commercialisés dans [l’Union européenne] que s’ils satisfont à ces normes.

Sans préjudice de toutes dispositions spécifiques que pourrait adopter la Commission en application de l’article 194, les États membres vérifient la conformité des produits concernés avec les normes établies et, le cas échéant, prennent les sanctions qui s’imposent. »

4        L’article 113 bis de ce règlement, intitulé « Exigences supplémentaires pour la commercialisation des produits du secteur des fruits et légumes », prévoyait :

« 1.      Les produits appartenant au secteur des fruits et légumes qui sont destinés à être vendus à l’état frais au consommateur, ne peuvent être commercialisés que s’ils sont de qualité saine, loyale et marchande et si le pays d’origine est indiqué.

2.      Les normes de commercialisation visées au paragraphe 1 du présent article et à l’article 113, paragraphe 1, points b) et c), sont applicables à tous les stades de commercialisation, y compris aux stades de l’importation et de l’exportation, sauf dispositions contraires arrêtées par la Commission.

3.      Le détenteur de produits des secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés couverts par les normes de commercialisation ne peut exposer ces produits, les mettre en vente, les livrer ou les commercialiser à l’intérieur de [l’Union] d’une manière qui ne soit pas conforme à ces normes et il est responsable du respect de cette conformité.

4.      En complément de l’article 113, paragraphe 3, deuxième alinéa, et sans préjudice de toutes dispositions spécifiques que pourrait adopter la Commission en application de l’article 194, notamment pour ce qui est de l’application cohérente dans les États membres des contrôles de conformité dans les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes frais transformés, les États membres vérifient sélectivement, sur la base d’une analyse des risque[s], la conformité des produits concernés avec les normes de commercialisation respectives. Ce contrôle doit s’effectuer essentiellement au stade qui précède le moment où la marchandise est expédiée des régions de production, lors de son conditionnement ou de son chargement. Les produits en provenance de pays tiers font l’objet d’un contrôle avant leur mise en libre pratique. »

 Le règlement d’exécution no 543/2011

5        Le considérant 10 du règlement d’exécution no 543/2011 énonce :

« Afin de garantir que les contrôles soient effectués de manière correcte et efficace, il convient que les factures et documents d’accompagnement qui ne sont pas destinés au consommateur contiennent certaines informations élémentaires prévues dans les normes de commercialisation. »

6        L’article 4 de ce règlement d’exécution, intitulé « Exceptions et dérogations à l’application des normes de commercialisation », dispose, à son paragraphe 2 :

« Par dérogation aux dispositions de l’article 113 bis, paragraphe 3, du règlement [no 1234/2007], ne sont pas soumis à l’obligation de conformité avec les normes de commercialisation à l’intérieur d’une région de production donnée :

a)      les produits vendus ou livrés par le producteur à des stations de conditionnement et d’emballage ou à des stations d’entreposage ou acheminés de l’exploitation du producteur vers ces stations, et

b)      les produits acheminés des stations d’entreposage vers les stations de conditionnement et d’emballage. »

7        Aux termes de l’article 5 dudit règlement d’exécution, intitulé « Mentions prévues » :

« 1.      Les mentions requises au titre du présent chapitre sont indiquées de manière lisible, visible et indélébile sur l’un des côtés de l’emballage, soit par impression directe, soit au moyen d’une étiquette intégrée ou fixée au colis.

2.      Pour les marchandises expédiées en vrac, chargées directement sur un moyen de transport, les mentions visées au paragraphe 1 doivent figurer sur un document accompagnant les marchandises ou sur une fiche placée visiblement à l’intérieur du moyen de transport.

[...]

4.      Les factures et documents d’accompagnement, à l’exception des reçus destinés au consommateur, indiquent la désignation et le pays d’origine des produits, ainsi que, le cas échéant, la catégorie, la variété ou le type commercial si cela est exigé dans une norme de commercialisation spécifique, ou le fait que le produit est destiné à la transformation. »

8        L’article 8 du règlement d’exécution no 543/2011, intitulé « Champ d’application », dispose :

« Le présent chapitre fixe les règles relatives aux contrôles de conformité, c’est‑à‑dire aux contrôles effectués sur les fruits et légumes à tous les stades de la commercialisation, en vue de vérifier leur conformité avec les normes de commercialisation et avec les autres dispositions du présent titre ainsi que des articles 113 et 113 bis du règlement [no 1234/2007]. »

9        L’article 11 de ce règlement d’exécution, intitulé « Contrôles de conformité », énonce, à ses paragraphes 1 et 4 :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les contrôles de conformité soient effectués de façon sélective, sur la base d’une analyse des risques et avec une périodicité appropriée, de manière à garantir le respect des normes de commercialisation, ainsi que des autres dispositions du présent titre et des articles 113 et 113 bis du règlement [no 1234/2007].

[...]

4.      Les opérateurs communiquent aux organismes de contrôle toutes les informations que ces derniers jugent nécessaires à l’organisation et à l’exécution des contrôles de conformité. »

10      L’article 17 dudit règlement d’exécution, intitulé « Méthodes de contrôle », comporte un paragraphe 1 qui énonce :

« Les contrôles de conformité prévus au présent chapitre, à l’exception de ceux menés au stade de la vente au détail au consommateur final, s’effectuent selon les méthodes de contrôle figurant à l’annexe V, sauf dispositions contraires prévues par le présent règlement.

[...] »

11      L’annexe V du règlement d’exécution no 543/2011, intitulée « Méthodes de contrôle visées à l’article 17, paragraphe 1 », définit, à son point 1.4, la notion d’« envoi » comme suit :

« Quantité de produit destinée à être commercialisée par un même opérateur, présente au moment du contrôle et définie par un document. Un envoi peut contenir un ou plusieurs types de produits et être constitué d’un ou de plusieurs lots de fruits et légumes frais, secs ou séchés. »

12      Cette annexe contient également une partie consacrée à la « Mise en œuvre du contrôle de conformité » qui prévoit :

« 2.1.            Remarque générale

Le contrôle de conformité s’effectue au moyen de l’évaluation d’échantillons prélevés de façon aléatoire en différents points du lot à contrôler. Il s’appuie sur le principe selon lequel la qualité des échantillons est présumée représentative de la qualité de tout le lot.

2.2.      Lieu du contrôle

Des contrôles de conformité peuvent être menés au cours des opérations de conditionnement, au point d’expédition, au cours du transport, au point de réception des marchandises, ainsi qu’au niveau de la vente en gros et au détail.

[...]

2.3.      Identification des lots et/ou vue d’ensemble de l’envoi

L’identification des lots s’effectue en fonction de leur marquage ou d’autres critères tels que les mentions établies en vertu de la directive 89/396/CEE du Conseil[, du 14 juin 1989, relative aux mentions ou marques permettant d’identifier le lot auquel appartient une denrée alimentaire (JO 1989, L 186, p. 21)]. Dans le cas des envois constitués de plusieurs lots, le contrôleur doit se donner une vue d’ensemble de l’envoi en consultant les documents d’accompagnement ou les déclarations relatives aux envois ; il détermine alors le degré de conformité des lots avec les indications figurant dans ces documents.

Si les produits doivent être ou ont été chargés sur un moyen de transport, le numéro d’immatriculation de ce dernier est utilisé aux fins de l’identification de l’envoi. »

 Le droit italien

13      L’article 4 du decreto legislativo n. 306 – Disposizioni sanzionatorie in attuazione del regolamento (CE) n. 1148/2001 relativo ai controlli di conformità alle norme di commercializzazione applicabili nel settore degli ortofrutticoli freschi, a norma dell’articolo 3 della legge 1 marzo 2002, n. 39. (décret législatif no 306, portant dispositions de sanction en application du règlement (CE) no 1148/2001 concernant les contrôles du respect des normes de commercialisation applicables dans le secteur des fruits et légumes frais, conformément à l’article 3 de la loi du 1er mars 2002, no 39), du 10 décembre 2002 (GURI no 25, du 31 janvier 2003), prévoit, à son paragraphe 1 :

« À moins que les faits ne constituent un délit, quiconque enfreint les règles relatives aux fruits et légumes frais adoptées par la Commission [...], en application des articles 113 et 113 bis du règlement [no 1234/2007], tel que modifié, est passible d’une sanction administrative pécuniaire de 550 à 15 500 euros. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

14      Agecontrol est l’agence nationale chargée, en Italie, du contrôle de la conformité des fruits et légumes aux normes de commercialisation. Lors d’un contrôle effectué le 25 septembre 2013, les inspecteurs de cette agence ont constaté que deux documents datés des 3 juin et 29 juillet 2013, accompagnant deux envois de fruits et légumes en provenance de la plateforme de distribution de Lidl Italia et à destination d’un point de vente appartenant à cette dernière, comportaient une indication erronée du pays d’origine d’un lot de fraises et d’un lot de tomates en grappe. Alors que les emballages de ces produits indiquaient le pays d’origine de ceux-ci, à savoir respectivement l’Espagne et l’Italie, les documents d’accompagnement desdits produits mentionnaient d’autres pays d’origine, à savoir respectivement les Pays-Bas et la Belgique.

15      Estimant que l’indication erronée du pays d’origine de ces produits sur ces documents d’accompagnement était contraire aux exigences des articles 5 et 8 du règlement d’exécution no 543/2011, Agecontrol a infligé, par une ordonnance d’injonction du 30 avril 2018, une sanction administrative pécuniaire au titre de l’article 4, paragraphe 1, du décret législatif no 306, du 10 décembre 2002, mentionné au point 13 du présent arrêt.

16      Lidl Italia et ZR, son représentant légal, ont formé opposition contre cette ordonnance d’injonction devant le Tribunale di Treviso (tribunal de Trévise, Italie), qui y a fait droit et qui a annulé ladite ordonnance.

17      Agecontrol a interjeté appel du jugement de cette juridiction devant la juridiction de renvoi, la Corte d’appello di Venezia (cour d’appel de Venise, Italie), en soutenant que les documents d’accompagnement relatifs au transport des produits du secteur des fruits et légumes à partir de la plateforme de distribution jusqu’au point de vente appartenant à une même entreprise commerciale doivent indiquer le pays d’origine des produits transportés. Il résulterait en effet des articles 5 et 8 du règlement d’exécution no 543/2011 que les documents d’accompagnement de ces produits doivent comporter une telle indication à tous les stades de la commercialisation desdits produits, y compris au stade du transport interne entre la plateforme de distribution et le supermarché appartenant au même opérateur économique dans lequel ils sont vendus au consommateur.

18      ZR et Lidl Italia font valoir que, dans le cas particulier des marchandises préemballées ou placées dans un emballage, le droit de l’Union n’exige pas que les documents d’accompagnement portent la mention du pays d’origine de ces marchandises dès lors que cette mention figure déjà sur l’emballage ou sur l’étiquette intégrée à l’emballage ou fixée au colis. Cela vaudrait a fortiori pour les produits transportés à partir d’une plateforme de distribution jusqu’au point de vente appartenant à un même opérateur économique.

19      La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant au point de savoir si le droit de l’Union exige du détenteur de produits frais appartenant au secteur des fruits et légumes qu’il dispose d’un document d’accompagnement de ces produits mentionnant leur pays d’origine lorsque, premièrement, lesdits produits sont expédiés dans les emballages d’origine portant la mention externe du pays d’origine (par impression indélébile ou au moyen d’une étiquette), deuxièmement, que le transport de ces mêmes produits s’effectue entre un point de départ et un point d’arrivée appartenant au même opérateur économique, et, troisièmement, que la mention du pays d’origine figure sur un panneau d’affichage placé visiblement à l’intérieur du moyen de transport ainsi que sur les factures émises par les fournisseurs tiers.

20      Selon la juridiction de renvoi, l’article 5, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011 ne prévoit pas les cas dans lesquels le document d’accompagnement mentionnant le pays d’origine des produits concernés doit être émis. Par conséquent, elle estime que cette disposition peut faire l’objet d’interprétations divergentes. Selon une première interprétation, il n’y aurait d’obligation d’émettre un tel document que dans le cas d’échange de marchandises avec des fournisseurs tiers, comme l’aurait admis la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), ou dans le cas de marchandises expédiées en vrac comme le soutiennent ZR et Lidl Italia. Selon une seconde interprétation, soutenue par Agecontrol, il résulterait de cette disposition une obligation généralisée d’émettre un document d’accompagnement portant la mention du pays d’origine des produits concernés à tous les stades du transport effectué en vue de la mise sur le marché de ces produits, y compris dans le cas où lesdits produits sont transportés entre des entités relevant d’un même opérateur économique.

21      Dans ces conditions, la Corte d’appello di Venezia (cour d’appel de Venise) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article 5, paragraphe 4, du règlement [d’exécution no 543/2011], lu en combinaison avec l’article 5, paragraphe 1, et l’article 8 du même règlement et avec les articles 113 et 113 bis du règlement [no 1234/2007], doit-il être interprété en ce sens qu’il impose l’établissement d’un document d’accompagnement mentionnant le nom et le pays d’origine des produits frais du secteur des fruits et légumes expédiés préemballés ou dans les emballages d’origine préparés par le producteur, durant leur transport depuis une plateforme de distribution d’une société de commercialisation vers un point de vente de la même société, indépendamment de la circonstance que les mentions externes prévues au chapitre I du [règlement d’exécution no 543/2011] (parmi lesquelles celles relatives au nom et au pays d’origine des produits) sont indiquées de manière visible et indélébile sur l’un des côtés de l’emballage, soit par impression directe, soit au moyen d’une étiquette intégrée ou fixée au colis et que ces mentions figurent également sur les factures émises par le fournisseur auprès duquel la société qui commercialise le produit l’a acquis et conservées dans les locaux de la comptabilité de cette dernière ainsi que sur une fiche placée visiblement à l’intérieur du moyen de transport avec lequel est transporté le produit ? »

 Sur la question préjudicielle

22      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 5, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, lu à la lumière de l’article 8 de ce règlement et des articles 113 et 113 bis du règlement no 1234/2007, doit être interprété en ce sens que le contrôle de conformité aux normes de commercialisation de produits relevant du secteur des fruits et légumes exige du détenteur de ces produits qu’il émette un document d’accompagnement, à tous les stades de leur commercialisation, mentionnant la désignation et le pays d’origine desdits produits, y compris lorsque ces mêmes produits sont emballés, et que les mentions externes requises par le règlement d’exécution no 543/2011, à savoir la désignation et le pays d’origine des produits concernés, figurent de manière visible et indélébile sur l’un des côtés des emballages de ceux‑ci, sur un panneau d’affichage placé visiblement à l’intérieur du moyen de transport avec lequel ils sont transportés ainsi que sur les factures émises par le fournisseur de ces produits.

23      Il convient de rappeler, tout d’abord, que l’article 5 du règlement d’exécution no 543/2011, intitulé « Mentions prévues », dispose, à son paragraphe 1, que, au titre des normes de commercialisation, les mentions requises, parmi lesquelles figure conformément à l’annexe I, partie B, de ce règlement la mention du pays d’origine des produits concernés, doivent être indiquées de manière visible, lisible et indélébile sur un emballage soit par impression directe soit au moyen d’une étiquette intégrée ou fixée au colis. Le paragraphe 2 de cet article prévoit, pour le cas spécifique de marchandises expédiées en vrac qui sont chargées directement sur un moyen de transport, que ces mentions figurent sur un document ou sur une fiche placée visiblement à l’intérieur du moyen de transport. Le paragraphe 4 dudit article se limite, quant à lui, à exiger que la désignation et la mention du pays d’origine des produits figurent sur les factures et les documents d’accompagnement.

24      Ainsi, il ressort du libellé de l’article 5 du règlement d’exécution no 543/2011, pris dans son ensemble, que cet article a pour objet non pas d’exiger l’émission d’un document d’accompagnement sur lequel doit figurer la mention du pays d’origine de produits appartenant au secteur des fruits et légumes, mais seulement d’exiger que cette mention figure sur certains supports qui accompagnent ces produits dès lors que ces supports sont émis.

25      Ensuite, il y a lieu de relever que l’article 8 dudit règlement d’exécution se borne à rappeler que les contrôles de conformité sont effectués sur les fruits et légumes à tous les stades de leur commercialisation et renvoie aux articles 113 et 113 bis du règlement no 1234/2007, sans faire référence à un quelconque document d’accompagnement ni à une quelconque obligation d’émettre un tel document.

26      En outre, l’article 113 bis du règlement no 1234/2007, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011, se limite à poser les règles générales relatives aux normes de commercialisation ainsi qu’au contrôle de conformité à celles-ci, sans exiger l’émission d’un document d’accompagnement.

27      Enfin, l’article 113, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1234/2007, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, prévoit en substance que la Commission peut adopter des normes de commercialisation spécifiques pour des produits relevant du secteur des fruits et légumes tels que les fraises et les tomates. Ces normes peuvent porter sur certaines caractéristiques de ces produits, telles que leur emballage, leur transport, leur présentation, leur commercialisation, leur origine ou encore leur étiquetage, et sont respectivement prévues, pour les fraises et les tomates, aux parties 7 et 10 de la partie B de l’annexe I du règlement d’exécution no 543/2011. Conformément à l’article 113, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, il incombe aux États membres de procéder aux contrôles de conformité de ces produits auxdites normes. Or, aucune de ces dispositions ne prévoit, à la charge de l’opérateur économique concerné, d’obligation d’émettre un document d’accompagnement.

28      Dès lors, ni les articles 5 et 8 du règlement d’exécution no 543/2011 ni les articles 113 et 113 bis du règlement no 1234/2007 ne sauraient être interprétés comme imposant à un opérateur économique d’émettre un document d’accompagnement sur lequel doit figurer la mention du pays d’origine des produits qu’il commercialise.

29      Cela étant, comme la Commission le relève dans ses observations écrites, si un document d’accompagnement est émis, il doit mentionner le pays d’origine, et cette obligation s’applique indépendamment du fait que la mention du pays d’origine figure déjà sur les emballages, les factures ou la fiche placée à l’intérieur du moyen de transport.

30      À cet égard, il convient de préciser que l’exigence tenant à la mention du pays d’origine d’un produit sur les factures et les documents d’accompagnement, énoncée à l’article 5, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, doit être lue à la lumière du considérant 10 de ce règlement, en tant qu’elle vise à faciliter la réalisation des contrôles de conformité en fournissant au contrôleur certaines informations élémentaires sur des documents qui ne sont pas destinés au consommateur.

31      Conformément à l’article 17, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011, les contrôles de conformité sont effectués selon les méthodes énoncées au point 2 de l’annexe V de ce règlement, au moyen de l’évaluation d’échantillons prélevés de façon aléatoire en différents points du lot à contrôler. À cet égard, il ressort de ce point de l’annexe V que ce contrôle est réalisé en plusieurs étapes successives, consistant, en substance, en une première étape d’identification des lots à contrôler ou, pour le cas d’un envoi composé de plusieurs lots, d’établissement d’une vue d’ensemble de l’envoi, en une deuxième étape de présentation des produits à contrôler et en une troisième et dernière étape de contrôle physique de ces produits.

32      Pour le cas d’un envoi constitué de plusieurs lots, le point 2.3 de l’annexe V dudit règlement précise, d’une part, que le contrôleur doit se donner une vue d’ensemble de l’envoi en consultant les documents d’accompagnement ou les déclarations relatives aux envois et, d’autre part, que ce contrôleur détermine, en conséquence, le degré de conformité des lots aux indications figurant dans ces documents.

33      Ainsi, dès lors que le document d’accompagnement constitue l’un des deux documents de référence sur la base duquel le contrôleur se forge une vue d’ensemble des lots à contrôler, toute indication du pays d’origine figurant dans ces documents qui diffère de celle figurant sur les emballages des produits composant les lots à contrôler est susceptible d’entacher cette vue d’ensemble et, partant, de nuire à l’efficience du contrôle de conformité.

34      En outre, il convient de relever que, conformément à l’article 11, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, il incombe aux opérateurs économiques de communiquer aux organismes de contrôle toutes les informations que ces derniers jugent nécessaires à l’organisation et à l’exécution des contrôles de conformité.

35      Dans ce contexte, bien que le document d’accompagnement ou les déclarations relatives aux envois constituent les documents de référence qui doivent refléter fidèlement les mentions figurant sur les emballages des lots à contrôler, il n’en demeure pas moins que ni l’article 17, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011, ni l’article 11, paragraphe 4, de ce règlement, ni le point 2.3 de l’annexe V de celui-ci ne restreignent les modes de preuve auxquels l’opérateur économique peut avoir recours en vue de permettre au contrôleur d’établir une vue d’ensemble de l’envoi concerné.

36      Ainsi, s’il est crucial que le document d’accompagnement soit exempt d’erreur et que l’opérateur économique fournisse des informations correctes au contrôleur afin que celui-ci procède à l’identification correcte des lots à contrôler, cet opérateur demeure, en principe, libre quant aux éléments de preuve à fournir à ce contrôleur en vue de lui permettre de se donner une vue d’ensemble fidèle de l’envoi et des lots qui le composent.

37      Il s’ensuit que, si un document d’accompagnement comporte une indication erronée du pays d’origine d’un produit, il incombe à l’opérateur économique détenteur de ce produit de dissiper, par tout moyen, les doutes que peut avoir le contrôleur, dans les meilleurs délais, sur l’origine exacte de ce produit.

38      Dans ce contexte, il incombe à la juridiction de renvoi de déterminer, en l’occurrence, si des circonstances telles que la présence de la mention du pays d’origine sur les emballages des produits, sur les factures ainsi que sur un panneau d’affichage placé visiblement à l’intérieur du moyen de transport sont de nature à dissiper les doutes que le contrôleur a pu nourrir lors du contrôle et, partant, si elles sont susceptibles d’atténuer l’éventuelle déformation de la vue d’ensemble de l’envoi que s’est donné le contrôleur.

39      S’agissant de la question de savoir si un document d’accompagnement doit comporter la mention du pays d’origine du produit même lorsque ce produit est transporté entre des entités relevant d’un même opérateur économique, notamment entre une plateforme de distribution et un point de vente, il ressort clairement du libellé de l’article 8 du règlement d’exécution no 543/2011 ainsi que de l’article 113 bis, paragraphe 2, du règlement no 1234/2007 que les normes de commercialisation sont applicables « à tous les stades de la commercialisation ». Le paragraphe 3 de l’article 113 bis de ce dernier règlement précise encore, d’une part, que le détenteur de produits relevant du secteur des fruits et légumes couverts par des normes de commercialisation ne peut exposer ces produits, les mettre en vente, les livrer ou les commercialiser à l’intérieur de l’Union d’une manière qui ne soit pas conforme à ces normes et, d’autre part, qu’il est responsable du respect de cette conformité.

40      À cet égard, il suffit de constater que l’expression « à tous les stades de la commercialisation », qui n’est accompagnée d’aucune limitation, doit se comprendre de manière large. Dès lors que les contrôles de conformité ont pour objet de vérifier que les produits commercialisés sont conformes aux normes de commercialisation prescrites, ces contrôles ont vocation à être effectués, en principe, à tous les stades de la commercialisation de ces produits, c’est-à-dire à tout moment de la période qui s’étend de la production desdits produits à leur vente au détail, ce qui couvre le transport de ces mêmes produits entre la plateforme de distribution et le point de vente au détail.

41      Cette interprétation est au demeurant corroborée par la logique du système mis en place par le règlement d’exécution no 543/2011. D’une part, l’article 4, intitulé « Exceptions et dérogations à l’application des normes de commercialisation », énumère, de manière limitative, les cas dans lesquels les produits ne sont pas soumis à l’obligation de conformité aux normes de commercialisation. Or, il suffit de constater que le transport de produits entre la plateforme de distribution et le point de vente au détail ne figure pas parmi les cas énumérés à cette disposition. Aussi, la circonstance qu’une plateforme de distribution et le point de vente au détail appartiennent à la même entreprise ou à deux entités économiques distinctes est indifférente.

42      D’autre part, il importe de relever que le point 2.2 de l’annexe V du règlement d’exécution no 543/2011 précise que des contrôles de conformité peuvent être effectués au cours des opérations de conditionnement, au point d’expédition, au cours du transport, au point de réception des marchandises ainsi qu’au niveau de la vente en gros et au détail. Partant, force est de constater que la réalisation de ces contrôles n’est pas limitée au seul cas du déplacement de produits entre des personnes juridiques distinctes ni subordonnée aux seules hypothèses de transfert de propriété des produits. Ce qui importe, comme le prévoit l’article 113 bis, paragraphe 3, du règlement no 1234/2007, c’est que le détenteur des produits, qui est défini à l’article 3, paragraphe 3, du règlement d’exécution no 543/2011 comme étant la personne détenant matériellement les produits, soit responsable du respect de la conformité de ces produits. Dès lors, la circonstance qu’un produit soit contrôlé lors d’un transport interne entre deux entités relevant d’un même opérateur économique est indifférente.

43      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 5, paragraphe 4, du règlement d’exécution no 543/2011, lu à la lumière de l’article 8 de ce règlement et des articles 113 et 113 bis du règlement no 1234/2007, doit être interprété en ce sens que le contrôle de conformité aux normes de commercialisation de produits relevant du secteur des fruits et légumes n’exige pas du détenteur de ces produits qu’il émette un document d’accompagnement. Toutefois, lorsque ce détenteur émet un tel document, il doit, à tous les stades de la commercialisation desdits produits, mentionner la désignation et le pays d’origine des mêmes produits, indépendamment de la circonstance que les mentions externes requises par le règlement d’exécution no 543/2011 figurent déjà de manière visible et indélébile sur l’un des côtés des emballages de ceux‑ci, sur un panneau d’affichage placé visiblement à l’intérieur du moyen de transport avec lequel ils sont transportés ainsi que sur les factures émises par le fournisseur de ces produits.

 Sur les dépens

44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

L’article 5, paragraphe 4, du règlement d’exécution (UE) no 543/2011 de la Commission, du 7 juin 2011, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés, lu à la lumière de l’article 8 de ce règlement et des articles 113 et 113 bis du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique »), tel que modifié par le règlement (CE) no 361/2008 du Conseil, du 14 avril 2008, doit être interprété en ce sens que le contrôle de conformité aux normes de commercialisation de produits relevant du secteur des fruits et légumes n’exige pas du détenteur de ces produits qu’il émette un document d’accompagnement. Toutefois, lorsque ce détenteur émet un tel document, il doit, à tous les stades de la commercialisation desdits produits, mentionner la désignation et le pays d’origine des mêmes produits, indépendamment de la circonstance que les mentions externes requises par le règlement d’exécution no 543/2011 figurent déjà de manière visible et indélébile sur l’un des côtés des emballages de ceux-ci, sur un panneau d’affichage placé visiblement à l’intérieur du moyen de transport avec lequel ils sont transportés ainsi que sur les factures émises par le fournisseur de ces produits.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.