Language of document : ECLI:EU:T:2014:674

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

16 juillet 2014 (*)

  « Marque communautaire – Procédure de nullité – Demande de marque communautaire figurative ‘ la nana ’ – Marque nationale verbale antérieure NANA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement (CE) n° 207/2009 – Absence d’usage sérieux de la marque antérieure – Article 57, paragraphe 2 et paragraphe 3, du règlement n° 207/2009 » 

Dans l’affaire T‑196/13,

Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG, établie à Brême (Allemagne), représentée par Me T. Boddien, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Pohlmann, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Lina M. Stal-Florez Botero, établie à Maarssen (Pays-Bas),

ayant pour objet un recours contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 29 janvier 2013 (affaire R 300/2012-1), relative à une procédure de nullité entre Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG et Lina M. Stal-Florez Botero,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. A. Dittrich, président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 avril 2013,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 juillet 2013,

à la suite de l’audience du 2 avril 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 18 juillet 2006, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours, Lina M. Stal-Florez Botero, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 16, 20 et 24 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 16 : « Papier, carton et produits en ces matières, non compris dans d’autres classes » ;

–        classe 20 : « Meubles, glaces (miroirs), cadres, produits non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau, jonc, osier, corne, os, ivoire, baleine, écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques » ;

–        classe 24 : « Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes ; couvertures de lit et de table ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 8/2007, du 26 février 2007, et la marque a été enregistrée le 26 mai 2010.

5        Le 14 décembre 2010, la requérante, Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG, a introduit une demande en nullité dirigée contre l’intégralité de la marque en cause, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, lu en combinaison avec l’article 53, paragraphe 1, sous a), dudit règlement.

6        La demande en nullité était fondée sur la marque allemande verbale antérieure NANA, déposée le 28 janvier 1998, enregistrée le 5 juin 1998 sous le numéro 39804075 et désignant les produits relevant des classes 4, 6, 8, 11, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 26, 28, 30 et 34. La demande en nullité visait les produits suivants :

–        classe 16 : « Papier et produits en papier, carton et produits en carton (compris dans la classe 16) ; papeterie, cartes postales, cartes à rabat, papier mâché, affiches, calendriers, brochures, journaux ; matériel pour les artistes, à savoir boîtes de peinture, pinceaux, crayons ; images ; jeux de cartes » ;

–        classe 20 : « Produits (compris dans la classe 20) en liège, roseau, jonc, osier, autres plantes destinées au tressage, corne, os, ivoire, écaille, ambre, nacre, écume de mer, roseau, à savoir meubles en roseau, produits en osier, à savoir corbeilles à papier, paniers à linge, paniers à pain, étagères, meubles, cages pour transporter des animaux, meubles de poupées, paniers décoratifs, articles de décoration, petits meubles et étagères en bois, fleurs en bois, boîtes en bois, glaces (miroirs), cadres, présentoirs pour journaux » ;

–        classe 24 : « Jetés de lit, tapis de table, produits textiles, à savoir matières textiles vendues au mètre, oreillers ».

7        Le 30 mars 2011, le titulaire de la marque communautaire a invité la requérante à prouver l’usage de la marque antérieure.

8        Le 13 décembre 2011, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité au motif que l’usage sérieux de la marque antérieure, au sens de l’article 57, paragraphe 2 et 3, du règlement n° 207/2009, n’avait pas été prouvé.

9        Le 9 février 2012, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 29 janvier 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que le recours n’était pas fondé, dans la mesure où les preuves de l’usage de la marque antérieure qui avaient été produites, à savoir des déclarations sous serment ainsi que des photos, ne permettaient pas de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure pour les catégories spécifiques de produits qu’elle désignait. Elle a estimé que les déclarations sous serment et les photos produites par la requérante ne permettaient pas de démontrer la durée et l’importance de l’usage de la marque pour les produits représentés. De plus, elle a considéré que les déclarations sous serment ne constituaient pas des preuves concluantes, car elles ne permettaient pas à la chambre de recours de tirer, avec certitude, des conclusions quant à la durée et à l’importance de l’usage de la marque antérieure pour les catégories spécifiques de produits comprises dans les classes concernées.

11      Par ailleurs, elle a observé que, en ce qui concerne la nature de l’usage, si les photos produites démontraient que le terme « nana » figurait sur les étiquettes des produits et sur des étiquettes autocollantes apposées sur les produits, il n’était pas certain que cela pût constituer une apposition du signe sur les produits afin de démontrer l’usage « pour des produits » au sens de la jurisprudence. Plus spécifiquement, la chambre de recours a considéré que ce n’était pas absolument certain que le public pertinent qui serait confronté aux étiquettes de produits et aux étiquettes autocollantes dans un magasin Nanu-Nana les percevrait effectivement comme une marque désignant un produit spécifique, et non comme la dénomination de l’entreprise ou du magasin.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante soulève un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009.

15      À cet égard, il y a lieu de constater tout d’abord que la requérante a confirmé, lors de l’audience, que son recours n’était pas fondé sur des moyens tirés d’une violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), de l’article 8, paragraphe 1, sous b), ou de l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009, contrairement à ce qui pourrait être suggéré par ses écritures.

16      La requérante soutient, d’une part, en ce qui concerne les preuves relatives à la durée, au lieu, à la nature et à l’importance de l’usage de la marque antérieure, que les déclarations sous serment constituent des preuves suffisantes selon l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009. En estimant que des chiffres d’affaires indiqués dans les déclarations sous serment ne permettaient pas de tirer des conclusions quant à la durée et à l’importance de l’usage de la marque antérieure pour les produits en cause, la chambre de recours aurait été « trop exigeante » quant aux conditions de la preuve d’un tel usage. En tout état de cause, les photos qu’elle a produites auraient corroboré les déclarations sous serment quant à la nature de l’usage de la marque antérieure. Par ailleurs, elle n’aurait pas été en mesure de fournir d’autres preuves telles que des factures, qui n’existaient pas en raison de son système de distribution. Dans ces circonstances, exiger du titulaire d’une marque de soumettre des documents qu’il n’est pas obligé d’utiliser reviendrait à formuler des règles d’usage d’une marque qui vont au-delà des prévisions du règlement n° 207/2009 et serait également contraire à la jurisprudence telle qu’elle découle de l’arrêt du Tribunal du 16 décembre 2008, Deichmann-Schuhe/OHMI – Design for Woman (DEITECH) (T‑86/07, non publié au Recueil, points 61 et 62).

17      La requérante soutient, d’autre part, en ce qui concerne l’utilisation de la marque « pour des produits », que c’est à tort que la chambre de recours a conclu que le consommateur moyen percevrait la marque antérieure comme une dénomination sociale ou une enseigne, car, premièrement, la marque n’est pas identique à sa dénomination sociale ou à son enseigne, à savoir Nanu-Nana, mais seulement à la deuxième partie de ce nom. Deuxièmement, la marque antérieure serait toujours apposée sur les produits, ce qui suffirait pour démontrer l’usage « pour des produits », selon la jurisprudence. Troisièmement, et en dernier lieu, la marque est généralement suivie du symbole « ® », ce qui soulignerait davantage le fait que le signe NANA est une marque enregistrée.

18      Or, ainsi qu’il découle du considérant 10 du règlement n° 207/2009, le législateur a considéré que la protection d’une marque antérieure n’était justifiée que dans la mesure où celle-ci avait effectivement été utilisée. En conformité avec ce considérant, l’article 57, paragraphes 2 et 3, dudit règlement prévoit que le demandeur d’une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent le dépôt de la demande en nullité ainsi que pour la période de cinq ans qui précède la publication de la demande de marque communautaire.

19      En vertu de la règle 22, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303 p. 1), la preuve de l’usage doit porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque antérieure [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Sunrider/OHMI – Espadafor Caba (VITAFRUIT), T‑203/02, Rec. p. II‑2811, point 37].

20      Selon une jurisprudence constante, il ressort de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009, lu à la lumière du considérant 10 dudit règlement, que la ratio legis de l’exigence selon laquelle la marque antérieure doit avoir fait l’objet d’un usage sérieux consiste à limiter les conflits entre deux marques, à moins qu’il n’existe un juste motif économique pour l’absence d’usage sérieux de la marque antérieure découlant d’une fonction effective de celle-ci sur le marché [voir en ce sens et par analogie arrêt du Tribunal du 12 mars 2003, Goulbourn/OHMI – Redcats (Silk Cocoon), T‑174/01, Rec. p. II‑789, point 38]. En revanche, lesdites dispositions ne visent ni à évaluer la réussite commerciale ni à contrôler la stratégie économique d’une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (voir en ce sens et par analogie arrêt VITAFRUIT, point 19 supra, point 38).

21      Une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité de l’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 mars 2003, Ansul, C‑40/01, Rec. p. I‑2439, point 43).

22      L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l’étendue et la fréquence de l’usage de la marque (arrêt VITAFRUIT, point 19 supra, point 40 ; voir également, par analogie, arrêt Ansul, point 21 supra, point 43).

23      Quant à l’importance de l’usage qui a été fait de la marque antérieure, il convient de tenir compte, notamment, du volume commercial de l’ensemble des actes d’usage, d’une part, et de la durée de la période pendant laquelle des actes d’usage ont été accomplis ainsi que de la fréquence de ces actes, d’autre part [arrêts du Tribunal VITAFRUIT, point 19 supra, point 41, et du 8 juillet 2004, MFE Marienfelde/OHMI – Vétoquinol (HIPOVITON), T‑334/01, Rec. p. II‑2787, point 35].

24      Pour examiner, dans un cas d’espèce, le caractère sérieux de l’usage d’une marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêts VITAFRUIT, point 19 supra, point 42, et HIPOVITON, point 23 supra, point 36).

25      L’usage sérieux d’une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, Kabushiki Kaisha Fernandes/OHMI – Harrison (HIWATT), T‑39/01, Rec. p. II‑5233, point 47, et du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 28].

26      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure n’avait pas été rapportée en l’espèce.

27      À titre liminaire, il convient de rappeler que la demande en nullité a été introduite le 14 décembre 2010 et que, à cette date, la marque antérieure était enregistrée depuis plus de cinq ans, à savoir depuis le 5 juin 1998. En outre, à la date de publication de la demande de marque communautaire, à savoir le 26 février 2007, la marque antérieure était également enregistrée depuis plus de cinq ans. Dès lors, en vertu de l’article 57, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, la requérante était tenue d’apporter la preuve de l’usage sérieux pour la période de cinq ans précédant la date de dépôt de la demande en nullité, qui s’étend du 14 décembre 2005 au 13 décembre 2010, ainsi que pour la période de cinq ans précédant la date à laquelle la demande d’enregistrement a été publiée, qui s’étend du 26 février 2002 au 25 février 2007.

28      Aux fins de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, la requérante a produit une déclaration sous serment, signée le 6 juin 2011 par le responsable du département des importations et gestionnaire de la qualité de Nanu-Nana Einkaufs- und Verwaltungs GmbH. Cette dernière appartenait au même groupe que la requérante et utilisait la marque antérieure sous licence. Devant la première chambre de recours, la requérante a produit une seconde déclaration sous serment, signée le 11 avril 2012, avec un contenu identique à celle du 6 juin 2011, mais qui mentionnait également les chiffres d’affaires pour les années 2005 et 2006, quelques précisions quant aux chiffres d’affaires, ainsi que les raisons pour lesquelles la requérante ne serait pas en mesure de fournir des factures pour compléter les informations contenues dans les déclarations sous serment quant à l’usage de la marque antérieure.

29      La requérante a également produit des photos, dont une de la devanture d’un magasin Nanu-Nana, et d’autres, non datées, de divers produits, tels que des boîtes en papier pliables, des albums, des calendriers, des autocollants, des bloc-notes, du matériel pour les artistes, des cartes et autres produits en papier, des serviettes, des livres de recettes, des meubles et des articles de décoration intérieure. Les produits représentés sont tous revêtus des étiquettes et des étiquettes autocollantes avec la marque antérieure apposée sur l’emballage.

30      S’agissant des déclarations sous serment, le Tribunal rappelle que la règle 22 du règlement n° 2868/95, relative aux pièces justificatives pouvant être produites aux fins de prouver l’usage de la marque, mentionne notamment les déclarations écrites faites sous serment ou solennellement, visées à l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009. En outre, selon la jurisprudence, des déclarations sous serment ayant un caractère probant en vertu de la législation nationale constituent, en principe, des moyens de preuve recevables dans le cadre de la procédure d’opposition [arrêt du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, points 40 et 41 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Gagliardi/OHMI – Norma Lebensmittelfilialbetrieb (MANŪ MANU MANU), T‑392/04, non publié au Recueil, point 88]. La recevabilité de ces déclarations solennelles comme éléments de preuve n’a d’ailleurs pas été contestée par l’OHMI en l’espèce.

31      Pour apprécier la valeur probante des déclarations sous serment, comme c’est le cas pour tout document, il faut d’abord vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. À cet égard, il faut tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêts du Tribunal Salvita, point 30 supra, point 42, et du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 78, et la jurisprudence citée].

32      En l’espèce, premièrement, il convient de relever que les déclarations sous serment ont été établies par un employé d’une société appartenant au même groupe que la requérante. Il y a lieu d’observer que, en général, les déclarations sous serment qui émanent d’une personne qui a des liens étroits avec la partie concernée sont d’une valeur probante de moindre importance que celles des tiers et ne peuvent dès lors, à elles seules, constituer une preuve suffisante de l’usage de la marque [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Forme d’un briquet à pierre, point 31 supra, point 79 ; du 18 janvier 2011, Advance Magazine Publishers/OHMI – Capela & Irmãos (VOGUE), T‑382/08, non publié au Recueil, point 44, et du 25 octobre 2013, Biotronik SE/OHMI – Cardios Sistemas (CARDIO MANAGER), T‑416/11, non publié au Recueil, point 41].

33      Deuxièmement, à aucun moment de la procédure devant l’OHMI la requérante n’a apporté d’autres éléments permettant de compléter, notamment, les chiffres d’affaires avancés dans les déclarations sous serment. Les seuls éléments complémentaires produits par la requérante étaient des photographies de quelques produits parmi les produits concernés ne portant aucune date. À supposer que ces photographies aient démontré la « nature » et éventuellement le « lieu » de l’usage de la marque antérieure, elles n’apportaient en tout état de cause aucun élément permettant de compléter les informations contenues dans les déclarations sous serment quant à la durée et à l’importance de cet usage.

34      Troisièmement, le contenu des déclarations sous serment n’était pas suffisamment spécifique pour permettre de tirer des conclusions quant à la durée et à l’importance de l’usage de la marque antérieure pour les produits visés par la marque antérieure. En fait, les déclarations en question indiquaient simplement que la marque antérieure était utilisée depuis 1997 pour des milliers de produits, y compris « pour les produits relevant des classes 16, 20 et 24 », ainsi que, pour les années 2005 à 2010, la quantité approximative des catégories de produits par classe, la quantité approximative de produits vendus par classe et le chiffre d’affaires approximatif annuel par classe, pour les classes 16, 20 et 24. Par exemple, en 2007, il y est indiqué pour la classe 16 que la requérante aurait vendu 287 catégories de produits et environ 9 millions de produits, avec un chiffre d’affaires total d’environ 17 millions d’euros. À part les indications quantitatives, les déclarations sous serment ne portaient aucune précision supplémentaire quant aux produits ou catégories de produits vendus.

35      Or, comme la chambre de recours l’a relevé à bon droit, pour apprécier la similitude des produits et le risque de confusion dans le cadre de l’article 8, paragraphe 1, point b), du règlement n° 207/2009, il est essentiel de déterminer les catégories spécifiques de produits pour lesquelles la marque antérieure a effectivement fait l’objet d’un usage sérieux.

36      En effet, il ressort de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 que, si la marque antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de la demande en nullité, que pour cette partie des produits ou services. Par conséquent, dans le cas où une marque a été enregistrée pour une catégorie de produits ou de services suffisamment large pour que puissent être distinguées, en son sein, plusieurs sous-catégories susceptibles d’être envisagées de manière autonome, la preuve de l’usage sérieux de la marque pour une partie de ces produits ou de ces services n’emporte protection que pour la ou les sous-catégories dont relèvent les produits ou les services pour lesquels la marque a été effectivement utilisée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 14 juillet 2005, Reckitt Benckiser (España)/OHMI – Aladin (ALADIN), T‑126/03, Rec. p. II‑2861, point 45, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 23].

37      Il s’ensuit que les constats dans les déclarations sous serment relatifs au chiffre d’affaires pour les classes 16, 20 et 24 ne permettaient pas de déterminer pour quels produits ou quelle partie des produits relevant de ces classes la marque antérieure avait été utilisée. Or, cela était d’autant plus important que les catégories des produits pour lesquels la marque antérieure avait été enregistrée étaient très larges : la classe 16 comprend le « papier et produits en papier », la classe 20 comprend, notamment, les « produits en liège, roseau, jonc, osier, autres plantes destinées au tressage, corne, os, ivoire, écaille, ambre, nacre, écume de mer, roseau, à savoir meubles en roseau, produits en osier, à savoir, articles de décoration, petits meubles et étagères en bois », et la classe 24 comprend les « jetés de lit, tapis de table, produits textiles, à savoir matières textiles vendues au mètre, oreillers » (voir point 6 ci-dessus).

38      Par ailleurs, les photos représentant certains produits relevant des trois classes concernées qui ont été produites ne permettent pas de tirer de conclusions quant à l’importance et à la durée de l’usage pour les produits qui y sont présentés. À cet égard, les photos ne sont pas datées et, à la suite d’une question posée lors de l’audience, le représentant de la requérante ne pouvait pas donner la date à laquelle les photos en question avaient été prises. Dès lors, à supposer que les produits représentés dans les photos aient fait l’objet d’une commercialisation, rien ne permet de déterminer, à partir de ces photos, la date ou la période de la commercialisation de ces produits.

39      Quatrièmement, et en dernier lieu, les éléments complémentaires qui auraient pu permettre de compléter les indications contenues dans les déclarations sous serment, par exemple, des factures, des catalogues ou des annonces dans les journaux, ne sont pas d’une nature telle qu’il aurait été difficile pour la requérante de les obtenir. De tels documents, mentionnant la catégorie de produits, auraient pu démontrer les types de produits commercialisés, ainsi que l’importance et la durée de cette commercialisation.

40      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage de la marque antérieure n’avait pas été apportée en l’espèce.

41      Les arguments avancés par la requérante ne sauraient infirmer cette conclusion.

42      Tout d’abord, l’argument selon lequel l’article 78, paragraphe 1, sous f), du règlement n° 207/2009 énoncerait que les déclarations sous serment constituent des preuves suffisantes pour démontrer l’usage sérieux d’une marque antérieure est non fondé. Ledit article ne fait qu’énumérer les mesures d’instruction pouvant être prises dans la procédure devant l’OHMI. En revanche, la règle 22 du règlement n° 2868/95 prévoit simplement que les déclarations écrites faites sous serment constituent des preuves admissibles (voir point 30 ci-dessus).

43      Ensuite, l’argument selon lequel la chambre de recours aurait été « trop exigeante » quant aux conditions de la preuve de l’usage, en estimant que des chiffres d’affaires indiqués dans les déclarations sous serment ne permettaient pas de tirer des conclusions quant à la durée et à l’importance de l’usage de la marque antérieure pour les produits en cause et qu’il n’était pas justifié de mettre en doute la valeur probante d’une déclaration sous serment tant qu’aucun élément n’alimentait le moindre doute, ne saurait être accueilli. La chambre de recours a procédé à une analyse de la valeur probante des déclarations sous serment et de la mesure dans laquelle elles étaient complétées par les autres éléments de preuve. Elle a conclu que les déclarations sous serment n’étaient pas concluantes ni en elles-mêmes ni en combinaison avec les autres éléments de preuve (voir point 10 ci-dessus). En procédant ainsi, la chambre de recours n’a fait qu’appliquer la jurisprudence constante, citée au point 31 ci-dessus, selon laquelle il faut apprécier la valeur probante des documents ainsi que vérifier la vraisemblance et la véracité de l’information qui y est contenue. Cela était d’autant plus justifié en l’espèce vu les liens étroits existant entre l’auteur des déclarations sous serment et la requérante (voir point 32 ci-dessus).

44      En outre, l’argument soulevé par la requérante, lors de l’audience, selon lequel l’absence de détails plus spécifiques dans les déclarations sous serment quant aux produits commercialisés s’explique par le fait que la gamme de produits vendue par elle variait constamment, ne saurait la dispenser de l’obligation de fournir la preuve de l’usage de la marque antérieure pour les produits ou une partie des produits pour lesquels elle a été enregistrée au titre de l’article 57, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 207/2009 (voir point 36 ci-dessus).

45      En outre, dans la mesure où l’argument avancé par la requérante aux points 31 et 32 de la requête doit être compris dans le sens que le Tribunal a posé comme principe dans l’arrêt DEITECH, point 16 supra, que les déclarations sous serment suffisent à elles seules à démontrer l’usage sérieux d’une marque antérieure, il ne saurait être accueilli. Au contraire, au point 47 de l’arrêt DEITECH, point 16 supra, le Tribunal a rappelé la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus selon laquelle il faut apprécier la valeur probante des documents et, au point 50 de cet arrêt, le Tribunal a constaté que les déclarations constituaient des indices nécessitant d’être corroborés par d’autres éléments. Or, premièrement, il y a lieu de constater que les déclarations sous serment en question n’étaient pas comparables à celles du cas d’espèce, car les produits pour lesquels la marque avait été utilisée, à savoir des chaussures, étaient indiqués de manière précise dans les déclarations sous serment, tel qu’indiqué par le Tribunal au point 49 de l’arrêt DEITECH, point 16 supra.

46      Deuxièmement, il ressort du point 54 de l’arrêt DEITECH, point 16 supra, que les brochures produites corroboraient les déclarations en ce qui concerne le lieu de l’usage, la durée et la nature de l’usage pour les produits concernés et, au point 61, le Tribunal a conclu que, dans les circonstances particulières de l’espèce, les déclarations étaient suffisantes seulement pour démontrer l’importance de l’usage des marques antérieures. Par conséquent, les circonstances de l’espèce ne sont pas comparables dans la mesure où les déclarations sous serment ne sont pas corroborées par d’autres éléments de preuve quant à la durée et à l’importance de cet usage de la marque.

47      Par ailleurs, concernant l’argument selon lequel les photos produites témoigneraient de la nature de l’usage de la marque, la chambre de recours a émis des doutes sur le point de savoir si la nature de l’usage, telle que représentée dans les photos, constituait un usage de marque « pour des produits » au sens de la jurisprudence. En tout état de cause, cet argument doit être rejeté comme inopérant, car la preuve de l’usage doit impérativement porter sur le lieu, la durée, l’importance et la nature de l’usage (voir point 19 ci-dessus). Par conséquent, la simple preuve de la nature de l’usage de la marque ne saurait remédier à l’absence de preuve de la durée et de l’importance de l’usage de la marque antérieure (voir les points 28 à 39 ci-dessus).

48      Enfin, concernant la prétendue incapacité de la part de la requérante de fournir d’autres preuves, le fait que les tickets de caisse fournis aux consommateurs et bons de livraison émis par les fabricants et fournisseurs des produits n’auraient pas mentionné la marque antérieure ne saurait exclure, par exemple, la possibilité de fournir de tels documents afin de démontrer, à tout le moins, les types de produits commercialisés, ainsi que l’importance et la durée de cette commercialisation. À cet égard, il y a également lieu de relever que, contrairement à ce que prétend la requérante, les circonstances du cas d’espèce ne sont pas comparables à celles en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt DEITECH, point 16 supra. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt DEITECH, point 16 supra, la requérante invoquait l’impossibilité de produire des factures et des bons de livraison à des détaillants, car elle était à la fois le fabricant et le détaillant de ses chaussures qu’elle distribuait par le biais de ses propres filiales (arrêt DEITECH, point 16 supra, point 59), d’où l’impossibilité de fournir des bons de livraison. Cela n’est pas le cas en l’espèce.

49      Le moyen unique soulevé par la requérante n’étant pas fondé, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nanu-Nana Joachim Hoepp GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Dittrich

Schwarcz

Tomljenović

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juillet 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.