Language of document : ECLI:EU:F:2015:19

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE
(deuxième chambre)

23 mars 2015

Affaire F‑6/14

Julia Borghans

contre

Commission européenne

« Fonction publique – Rémunération – Pension de survie – Article 27, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut – Conjoint divorcé d’un fonctionnaire décédé – Existence d’une pension alimentaire à la date du décès du fonctionnaire – Article 42 de l’annexe VIII du statut – Délai d’introduction d’une demande de liquidation des droits à pension »

Objet :      Recours, introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis, par lequel Mme Borghans demande l’annulation de la décision par laquelle la Commission européenne a refusé de lui accorder une pension de survie.

Décision :      La décision du 3 juin 2013 par laquelle la Commission européenne a refusé d’accorder une pension de survie à Mme Borghans est annulée. La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par Mme Borghans.

Sommaire

1.      Recours des fonctionnaires – Demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut – Décision implicite de refus – Notion – Existence d’une demande préalable

(Statut des fonctionnaires, art. 90, § 1)

2.      Fonctionnaires – Pensions – Pension de survie – Pension alimentaire fixée par convention entre les anciens époux – Notion – Appréciation au regard du droit national

(Statut des fonctionnaires, annexe VIII, art. 27, al. 1)

3.      Fonctionnaires – Pensions – Ayants droit du titulaire – Délais d’introduction de la demande de liquidation des droits à pension – Champ d’application – Demande suite à la reconnaissance des droits à pension par une décision de justice nationale rendue après le décès – Exclusion – Application d’un délai raisonnable

(Statut des fonctionnaires, annexe VIII, art. 42)

1.      L’article 90, paragraphe 1, du statut prévoit que toute personne visée audit statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision et que, à l’expiration d’un délai de quatre mois à partir du jour d’introduction de la demande, le défaut de réponse à celle-ci vaut décision implicite de rejet. Il résulte d’une telle disposition que, en principe, une décision refusant implicitement un droit à un fonctionnaire ne peut intervenir qu’à la condition que le fonctionnaire a préalablement saisi l’administration d’une demande tendant à ce que lui soit octroyé ce droit.

(voir point 29)

2.      La notion d’obligation alimentaire convenue entre d’anciens conjoints en raison de leur divorce relève des conséquences patrimoniales découlant du jugement de divorce prononcé sur le fondement des règles du droit civil applicable. Par conséquent, pour déterminer si le conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire justifie avoir droit pour son propre compte, au décès de son ex-conjoint, à une pension alimentaire à charge dudit ex-conjoint et fixée par convention intervenue entre les anciens époux, il convient de se référer à la loi qui régit les effets du divorce. À cet égard, lorsque, en droit national, l’annulation, par le juge d’appel, d’une décision ayant supprimé une pension alimentaire rendue en premier ressort a pour effet de faire disparaître cette décision rétroactivement, et, partant, de faire revivre rétroactivement la pension alimentaire en faveur de l’ex-conjoint d’un fonctionnaire décédé, celui-ci doit nécessairement être regardé comme justifiant, à compter de ce jugement d’appel, avoir droit pour son propre compte à une pension alimentaire à la charge du fonctionnaire.

L’objectif poursuivi par l’article 27 de l’annexe VIII du statut est de permettre au conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire qui bénéficiait, lors du décès de celui-ci, d’une pension alimentaire à la charge de ce dernier de continuer à percevoir, après ledit décès, des ressources lui assurant sa subsistance. Or, rien ne justifierait que le conjoint divorcé d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire soit privé du bénéfice d’une pension de survie, et donc des ressources lui assurant sa subsistance, au seul motif, indépendant de sa volonté, que la pension alimentaire qu’il percevait sur la base du droit national a été supprimée avant le décès du fonctionnaire ou de l’ancien fonctionnaire, puis rétablie rétroactivement après ledit décès.

(voir points 58 à 61 et 67)

Référence à :

Tribunal de première instance : arrêt M/Cour de justice, T‑172/01, EU:T:2004:108, point 72

3.      Il résulte des termes mêmes de l’article 42 de l’annexe VIII du statut que le délai de déchéance qu’il prévoit, à savoir une année à compter du décès, ne s’applique qu’au cas des ayants droit d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire décédé qui disposent, à la date du décès, de droits à pension ou à allocation. Par voie de conséquence, ne relève pas du champ d’application dudit article le cas des ayants droit qui ne sont pas titulaires, à la date du décès du fonctionnaire, de droits à pension ou à allocation mais se les voient reconnaître postérieurement audit décès et rétroactivement, du fait de l’adoption d’une décision de justice nationale.

Toutefois, le principe de sécurité juridique fait obligation aux ayants droit d’un fonctionnaire ou d’un ancien fonctionnaire décédé qui se trouvent dans le cas précité, de demander la liquidation de leurs droits à pension ou allocation dans un délai raisonnable, ce délai commençant à courir à compter de la date de signification de la décision juridictionnelle nationale sur la base de laquelle les droits à pension ou allocation leur sont reconnus rétroactivement.

(voir points 69, 70 et 76)