Language of document : ECLI:EU:T:2016:59

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

4 février 2016(*)

« Aides d’État – Législation fiscale allemande concernant le report des pertes sur les années fiscales futures (Sanierungsklausel) – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur – Recours en annulation – Affectation individuelle – Recevabilité – Notion d’aide d’État – Caractère sélectif – Nature et économie du système fiscal – Ressources publiques – Obligation de motivation – Confiance légitime »

Dans l’affaire T‑620/11,

GFKL Financial Services AG, établie à Essen (Allemagne), représentée initialement par Mes M. Schweda, S. Schultes‑Schnitzlein, J. Eggers et M. Knebelsberger, puis par Mes Schweda, Eggers, Knebelsberger et F. Loose, avocats,

partie requérante,

soutenue par

République fédérale d’Allemagne, représentée par M. T. Henze et Mme K. Petersen, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par MM. T. Maxian Rusche, M. Adam et R. Lyal, puis par MM. Maxian Rusche, Lyal et M. Noll‑Ehlers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2011/527/UE de la Commission, du 26 janvier 2011, concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel ») (JO L 235, p. 26),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 9 juillet 2015,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique national

 Règle du report des pertes

1        En Allemagne, en vertu de l’article 10d, paragraphe 2, de l’Einkommensteuergesetz (loi sur l’impôt sur le revenu), les pertes réalisées au cours d’un exercice fiscal peuvent être reportées sur des exercices fiscaux ultérieurs, ce qui signifie que les pertes en question peuvent être soustraites des revenus imposables des années suivantes (ci‑après la « règle du report des pertes »).

2        En vertu de l’article 8, paragraphe 1, du Körperschaftsteuergesetz (loi relative à l’impôt sur les sociétés, ci‑après le « KStG »), la règle du report des pertes s’applique également aux entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés.

 Règle de la mise en non‑valeur des pertes

3        La possibilité de report des pertes conduisait à l’acquisition, aux seules fins d’économie d’impôt, de « sociétés coquilles vides », c’est‑à‑dire d’entreprises qui avaient cessé toute activité commerciale depuis un certain temps, mais qui disposaient encore de reports de pertes (opérations dites de « Mantelkauf »).

4        En 1997, afin d’empêcher l’acquisition de « sociétés coquilles vides », le législateur allemand a introduit l’article 8, paragraphe 4, du KStG (ci‑après l’« ancienne règle de la mise en non‑valeur des pertes »). Cette disposition limitait le report des pertes aux entreprises qui étaient juridiquement et économiquement identiques à celles ayant réalisé des pertes. Selon cette disposition, les sociétés n’étaient pas considérées comme identiques dès lors que plus de la moitié des parts d’une société de capitaux était transférée et que la société de capitaux continuait ou reprenait ses activités sur la base d’un capital d’exploitation principalement nouveau.

5        L’ancienne règle de la mise en non‑valeur des pertes prévoyait toutefois une exception, mentionnée à l’article 8, paragraphe 4, troisième phrase, du KStG, selon laquelle une identité économique existait, de sorte que la mise en non‑valeur des pertes ne s’appliquait pas en cas d’« assainissement » de la société qui faisait l’objet de l’acquisition. Cela était le cas dans deux situations : d’une part, lorsque le nouveau capital d’exploitation investi servait uniquement au redressement de l’entreprise à l’origine de la déduction résiduelle des pertes et que l’entité poursuivait les activités de cette entreprise pendant cinq ans à une échelle comparable à celle caractérisant l’image globale de sa situation économique ; d’autre part, lorsque, au lieu d’effectuer un investissement dans le capital d’exploitation, l’acquéreur compensait les pertes enregistrées par l’entreprise déficitaire.

6        En 2008, l’Unternehmensteuerreformgesetz (loi portant réforme de la fiscalité des entreprises) a abrogé l’ancienne règle de la mise en non‑valeur des pertes et a inséré un nouvel article 8c, paragraphe 1, dans le KStG (ci‑après la « règle de la mise en non‑valeur des pertes »). Cette disposition limite la possibilité de report des pertes dans le cas d’acquisition de 25 % ou plus des parts de sociétés (ci‑après la « prise de participation préjudiciable »). Plus précisément, la nouvelle disposition prévoit que, premièrement, en cas de transfert de 25 % à 50 % du capital souscrit, des droits des associés, des droits de participation ou des droits de vote détenus dans une société dans les cinq ans qui suivent le transfert, les pertes non utilisées tombent en non‑valeur proportionnellement à la modification opérée, exprimée en pourcentage, et que, deuxièmement, les pertes non utilisées ne sont plus déductibles en cas de transfert à un acquéreur de plus de 50 % du capital souscrit, des droits des associés, des droits de participation ou des droits de vote détenus dans une société.

7        La nouvelle règle de la mise en non‑valeur des pertes ne prévoyait à l’origine aucune exception. Toutefois, les autorités fiscales pouvaient, dans une situation de prise de participation préjudiciable visant à l’assainissement d’entreprises en difficulté, accorder des exonérations d’impôt en équité, en application du décret d’assainissement du ministère des Finances allemand, du 27 mars 2003 (ci‑après le « décret d’assainissement »).

 Clause d’assainissement

8        En septembre 2007, le gouvernement allemand a présenté au Bundestag (chambre basse du parlement fédéral) un projet de loi, dite « loi MoRaKG », relative à la modernisation des conditions générales régissant les investissements en capitaux, qui prévoyait notamment une dérogation à la règle de la mise en non‑valeur des pertes.

9        À la suite de la notification du projet de loi en cause au titre de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, la Commission européenne a interdit la dérogation envisagée en la qualifiant d’aide d’État incompatible avec le marché intérieur, par la décision 2010/13/CE, du 30 septembre 2009, relative au régime d’aide C 2/09 (ex N 221/08 et N 413/08) que l’Allemagne souhaite mettre en œuvre pour moderniser les conditions générales régissant les investissements en capitaux (JO 2010, L 6, p. 32, ci‑après la « décision relative à la loi MoRaKG »).

10      En juin 2009, le Bürgerentlastungsgesetz Krankenversicherung (loi sur l’assurance maladie relative à l’allégement fiscal au profit des citoyens) a inséré l’article 8c, paragraphe 1a, du KStG (ci‑après la « clause d’assainissement » ou la « mesure litigieuse »), selon lequel un report de pertes continue à être possible lorsque l’acquisition d’une entreprise en difficulté a lieu à des fins d’assainissement. En vertu de cette clause, une entité peut procéder à un report des pertes également dans le cas d’une prise de participation préjudiciable, dans les conditions suivantes :

a)      l’acquisition des parts vise à l’assainissement de la société ;

b)      au moment de l’acquisition, l’entreprise est insolvable ou surendettée ou menacée de le devenir ;

c)      les structures essentielles de l’entreprise sont conservées, ce qui présuppose :

–        que l’entité respecte une convention interne comportant une règle relative au maintien des emplois,

–        ou que 80 % des emplois (mesurés sur la base de la somme des salaires annuels moyens) soient conservés au cours des cinq premières années suivant l’acquisition de la participation,

–        ou que, dans les douze mois suivant l’acquisition, un apport substantiel soit effectué dans le capital d’exploitation ou que des dettes encore recouvrables soient remises ; un apport substantiel est réputé effectué lorsque le nouveau capital d’exploitation correspond au moins à 25 % de l’actif de l’exercice économique précédent ; toute prestation effectuée par la société de capitaux dans les trois ans suivant l’apport en nouveau capital d’exploitation diminue la valeur du nouveau capital d’exploitation ;

d)      aucun changement de secteur économique n’a lieu dans les cinq années qui suivent l’acquisition de la participation ;

e)      au moment de l’acquisition de la participation, l’entreprise n’avait pas cessé ses activités.

11      La clause d’assainissement est entrée en vigueur le 10 juillet 2009, avec effet rétroactif au 1er janvier 2008, c’est‑à‑dire à la même date d’entrée en vigueur que la règle de la mise en non‑valeur des pertes.

 Clauses sur les réserves latentes et sur les groupes d’entreprises

12      En décembre 2009, le Wachstumsbeschleunigungsgesetz (loi sur l’accélération de la croissance économique) a introduit, avec effet au 1er janvier 2010, deux nouvelles exceptions à la règle de la mise en non‑valeur des pertes, à savoir, d’une part, l’article 8c, paragraphe 1, cinquième phrase, du KStG (ci‑après la « clause sur les groupes d’entreprises ») et, d’autre part, l’article 8c, paragraphe 1, sixième phrase, du KStG (ci‑après la « clause sur les réserves latentes »).

13      La clause sur les groupes d’entreprises prévoit que les reports de pertes sont maintenus pour toutes les restructurations réalisées exclusivement à l’intérieur d’un groupe d’entreprises à la tête duquel se trouve une seule personne ou une seule société détenant 100 % des actions.

14      La clause sur les réserves latentes prévoit que les reports de pertes sont maintenus dans la mesure où, lors de la prise de participation préjudiciable, ces pertes correspondent à des réserves latentes du capital d’exploitation de la société, en entendant par « réserves latentes » le montant constitué de la différence entre, d’une part, le capital propre tel qu’il résulte, dans son ensemble, du calcul fiscal des bénéfices et, d’autre part, la valeur des actions de la société correspondant à ce capital propre.

 Faits à l’origine du litige

15      La requérante, GFKL Financial Services AG, est une société de services financiers qui, en 2009, se trouvait en situation de risque d’insolvabilité et nécessitait un assainissement.

16      Le 14 décembre 2009, un investisseur a racheté près de 80 % des actions de la requérante et, le 4 décembre 2010, le nouvel actionnaire majoritaire a procédé à l’injection de plus de 50 millions d’euros par le biais d’une augmentation de capital, ce qui a permis d’éviter l’état d’insolvabilité.

17      À la date de la cession des actions, la requérante remplissait les conditions permettant de bénéficier de la clause d’assainissement, ainsi qu’il ressort du renseignement contraignant du Finanzamt Essen‑NordOst (administration fiscale d’Essen‑NordOst) du 3 septembre 2009 (ci‑après le « renseignement contraignant »).

18      À la suite de la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen (voir point 21 ci‑après), le ministère des Finances allemand a, par lettre du 30 avril 2010, ordonné à l’administration fiscale de ne plus appliquer la clause d’assainissement.

19      L’administration fiscale a donc annulé le renseignement contraignant et a adressé à la requérante un avis d’imposition relatif à l’impôt sur les sociétés pour l’exercice fiscal de l’année 2009 et qui ne faisait pas application de la clause d’assainissement.

20      Le 22 juillet 2011, la République fédérale d’Allemagne a communiqué à la Commission, conformément aux prescriptions de la décision attaquée (voir point 31 ci‑après), la liste des entreprises qui avaient bénéficié de la mesure litigieuse. Le nom de la requérante y figure parmi les entreprises pour lesquelles des renseignements contraignants concernant l’application de la clause d’assainissement avaient été annulés.

 Procédure administrative

21      Par lettres du 5 août et du 30 septembre 2009, la Commission a demandé à la République fédérale d’Allemagne des renseignements sur l’article 8c du KStG. Les autorités allemandes ont répondu à cette demande par lettres du 20 août et du 5 novembre 2009. Par décision du 24 février 2010 (JO C 90, p. 8, ci‑après la « décision d’ouverture »), la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant l’aide d’État C 7/10 (ex NN 5/10).

22      À la suite de la publication de la décision d’ouverture au Journal officiel de l’Union européenne le 8 avril 2010, les parties intéressées ont été invitées à présenter leurs observations. Les autorités allemandes ont répondu à cette invitation par lettre du 9 avril 2010.

23      Le 9 avril et le 3 juin 2010, deux réunions ont eu lieu entre les services de la Commission et les représentants de la République fédérale d’Allemagne. Le 2 juillet 2010, cette dernière a transmis des renseignements supplémentaires. La Commission n’a reçu aucune observation de la part de tiers intéressés.

 Décision attaquée

24      Le 26 janvier 2011, la Commission a adopté la décision 2011/527/UE concernant l’aide d’État de l’Allemagne C 7/10 (ex CP 250/09 et NN 5/10) au titre de la clause d’assainissement prévue par la loi relative à l’impôt sur les sociétés (« KStG, Sanierungsklausel ») (JO L 235, p. 26, ci‑après la « décision attaquée »).

25      En premier lieu, la Commission a qualifié la clause d’assainissement d’aide d’État.

26      Premièrement, la Commission a relevé que la possibilité accordée par le gouvernement allemand à certaines entreprises de réduire leur charge fiscale par un report des pertes conduisait à une perte de recettes publiques et était donc accordée à partir de ressources d’État. Elle a ajouté que l’aide était accordée sur la base d’une loi et qu’elle était donc imputable à l’État.

27      Deuxièmement, la Commission a estimé que la clause d’assainissement instaurait une exception à la règle générale, qui établissait la mise en non‑valeur des pertes non utilisées des sociétés dont l’actionnariat avait été modifié. Ladite clause était par conséquent susceptible de conférer un avantage sélectif aux entreprises qui réunissaient les conditions pour en bénéficier, avantage qui ne se justifiait pas par la nature ou l’économie générale du système. En effet, selon la Commission, la clause d’assainissement visait à lutter contre les problèmes dus à la crise économique et financière, ce qui constituait un objectif extérieur au système fiscal.

28      Troisièmement, la Commission a constaté que la clause d’assainissement s’appliquait à toutes les branches de l’économie allemande et que celles‑ci étaient presque toutes représentées sur les marchés où régnait la concurrence et où des échanges avaient lieu entre les États membres. Par conséquent, la mesure pouvait être propre à affecter les échanges entre les États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence. De plus, toutes les entreprises bénéficiaires potentielles étant des entreprises en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté (JO 2004, C 244, p. 2), aucune d’elles n’était visée au sens du règlement (CE) no 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l’application des articles 87 et 88 [CE] aux aides de minimis (JO L 379, p. 5).

29      En deuxième lieu, la Commission a examiné si la mesure pouvait être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur et a conclu que les aides en faveur de certains bénéficiaires pouvaient être autorisées sous la forme d’un montant d’aide limité compatible avec le marché intérieur, dans la mesure où elles remplissaient toutes les conditions d’un régime d’aides allemand qu’elle avait approuvé au sens du cadre communautaire temporaire pour les aides d’État destinées à favoriser l’accès au financement dans le contexte de la crise économique et financière actuelle (JO 2009, C 83, p. 1). En revanche, la Commission a exclu que la clause d’assainissement fût compatible avec le marché intérieur sur le fondement des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté, des lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007‑2013 (JO 2006, C 54, p. 13) et des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement (JO 2008, C 82, p. 1), ainsi qu’au regard de l’article 107, paragraphe 3, TFUE.

30      En troisième lieu, la Commission a enjoint à la République fédérale d’Allemagne de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide octroyée illégalement auprès des bénéficiaires. En outre, la République fédérale d’Allemagne devait établir une liste des entreprises qui avaient bénéficié de l’aide depuis le 1er janvier 2008. La Commission a également précisé que l’échéance annuelle pour l’acquittement de l’impôt sur les sociétés constituait la date pertinente à laquelle l’aide concernée était mise à la disposition des bénéficiaires et que le montant de l’aide à récupérer devait être calculé en se fondant sur les déclarations d’impôts des entreprises concernées. Le montant de l’aide correspondait, selon la Commission, à la différence entre le montant de l’impôt qui aurait dû être payé si la clause d’assainissement n’avait pas été appliquée et celui qui avait été effectivement versé en application de celle‑ci.

31      Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

L’aide d’État que l’Allemagne a octroyée illégalement sur le fondement de l’article 8c, paragraphe 1a, [du KStG] en violation de l’article 108, paragraphe 3, […] TFUE n’est pas compatible avec le marché intérieur.

Article 2

Les aides individuelles octroyées dans le cadre de la réglementation précitée à l’article 1er sont compatibles avec le marché intérieur sur la base de l’article 107, paragraphe 3, point b), du TFUE, tel qu’il est interprété dans le cadre communautaire temporaire, à condition que le montant de l’aide ne dépasse pas 500 000 EUR, qu[e,] au 1er juillet 2008, le bénéficiaire ne fût pas une entreprise en difficulté et pour autant que toutes les autres conditions prévues au point 4.2.2 du cadre communautaire temporaire et dans la décision d’autorisation du régime d’aide[s] allemand soient réunies.

Article 3

Les aides individuelles octroyées dans le cadre de la réglementation précitée à l’article 1er qui, à la date à laquelle elles ont été octroyées, satisfaisaient aux conditions d’un régime d’aide[s] ayant été autorisé par la Commission sur une base juridique autre que celle constituée par le [règlement (CE) no 800/2008 de la Commission, du 6 août 2008, déclarant certaines catégories d’aide compatibles avec le marché commun en application des articles 87 [CE] et 88 [CE] (Règlement général d’exemption par catégorie) (JO L 214, p. 3)], les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale, ou l’encadrement communautaire des aides d’État à la recherche, au développement et à l’innovation [(JO 2006, C 323, p. 1)] et qui n’exclut pas les entreprises en difficulté en tant que bénéficiaires potentiels, sont compatibles avec le marché intérieur jusqu’à concurrence des intensités d’aide maximales applicables à ce genre d’aide.

Article 4

1.      L’Allemagne est tenue d’annuler l’aide visée à l’article 1er.

2.      L’Allemagne récupère auprès des bénéficiaires les aides incompatibles qui ont été octroyées dans le cadre de la réglementation visée à l’article 1er.

[…]

Article 6

1.      Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Allemagne communique à la Commission les informations suivantes :

a)      la liste des bénéficiaires qui ont reçu une aide en vertu de la réglementation visée à l’article 1er, ainsi que le montant total reçu par chaque bénéficiaire en vertu de cette réglementation ;

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 décembre 2011, la requérante a introduit le présent recours.

33      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 mars 2012, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991. La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 2 mai 2012.

34      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 29 février 2012, la République fédérale d’Allemagne a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la requérante. Par ordonnance du 2 mai 2012, le président de la huitième chambre du Tribunal a admis cette intervention. La République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention, limité à la recevabilité, et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui‑ci dans les délais impartis.

35      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

36      Par ordonnance du Tribunal (neuvième chambre), du 17 juillet 2014, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond, conformément à l’article 114, paragraphe 4, du règlement de procédure du 2 mai 1991.

37      Le 2 septembre 2014, la Commission a produit le mémoire en défense. La réplique et la duplique ont été déposées respectivement le 27 octobre 2014, par la requérante, et le 16 janvier 2015, par la Commission.

38      Le 27 octobre 2014, la République fédérale d’Allemagne a déposé son mémoire en intervention et les autres parties ont déposé leurs observations sur celui‑ci dans les délais impartis.

39      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, prévues à l’article 64 du règlement de procédure du 2 mai 1991, le Tribunal (neuvième chambre) a posé le 19 mai 2015 des questions écrites aux parties, qui ont répondu dans le délai imparti.

40      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 9 juillet 2015.

41      La requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

42      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité du recours

43      À l’appui de son exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que le présent recours est irrecevable au motif que la requérante n’a démontré ni que les conditions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE étaient réunies, ni qu’elle avait un intérêt à agir.

 Sur la qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

44      En premier lieu, la Commission conteste la qualité pour agir de la requérante dans la mesure où celle‑ci ne serait pas individuellement concernée par la décision attaquée.

45      La Commission fait valoir que la requérante n’est pas un bénéficiaire effectif d’aides individuelles octroyées en vertu de la clause d’assainissement et dont elle a ordonné la récupération. En effet, la dette fiscale ne serait établie de façon juridiquement contraignante qu’au moyen de l’avis d’imposition, conformément à l’article 155, paragraphe 1, du code fiscal allemand.

46      En l’occurrence, la seule réalisation du changement d’actionnariat, à savoir l’opération qui donnerait lieu à l’application de la clause d’assainissement, ne comportait pas l’octroi juridiquement contraignant de l’aide, de sorte que, au moment de la prise de participation, il n’était pas encore établi si et quand la requérante enregistrerait à nouveau un bénéfice afin que le report des pertes donne effectivement lieu à la réduction fiscale. La requérante ne saurait davantage fonder son affectation individuelle sur le renseignement contraignant. Ce dernier n’accorderait pas, en lui‑même, un droit à un avantage fiscal et aurait perdu son effet obligatoire avant l’établissement d’un avis d’imposition qui aurait tenu compte de la clause d’assainissement.

47      Dans ces circonstances, la décision attaquée n’ordonnerait pas le remboursement d’une aide déjà accordée à la requérante, mais laisserait à l’administration nationale le soin de tirer les conséquences de l’incompatibilité du régime d’aides avec le marché intérieur par des avis d’imposition.

48      En second lieu, la Commission souligne que le recours n’est pas davantage recevable au titre de la troisième hypothèse visée à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la décision attaquée comportant des mesures d’exécution, à savoir l’établissement d’un avis d’imposition.

49      La requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que le recours est recevable.

50      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution ».

51      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la requérante n’est pas la destinataire de la décision attaquée, qui a pour unique destinataire la République fédérale d’Allemagne.

52      Il convient également de relever que, dans la mesure où l’article 4 de la décision attaquée oblige la République fédérale d’Allemagne à annuler et à récupérer auprès de ses bénéficiaires l’aide visée à l’article 1er de ladite décision, la requérante doit être considérée comme étant directement concernée par cette décision. En effet, les deux critères de l’affectation directe dégagés par la jurisprudence, à savoir, premièrement, le fait que l’acte en cause doit produire directement des effets sur la situation juridique de la requérante et, deuxièmement, le fait que ledit acte ne doit laisser aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires chargés de sa mise en œuvre, sont en l’espèce réunis (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2009, Commission/Koninklijke FrieslandCampina, C‑519/07 P, Rec, EU:C:2009:556, point 48 et jurisprudence citée). La Commission ne soulève, au demeurant, aucune objection à cet égard.

53      L’affectation directe de la requérante étant établie, il convient de vérifier si la requérante est également individuellement concernée par la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire, dans l’affirmative, de vérifier si la décision attaquée constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

54      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être concernés individuellement que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, Rec, EU:C:2011:368, point 52, et du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, Rec, EU:C:2013:852, point 46).

55      Partant, une entreprise ne saurait, en principe, être recevable à introduire un recours en annulation d’une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présente, à l’égard de cette entreprise, comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir arrêts du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑298/00 P, Rec, EU:C:2004:240, point 37 et jurisprudence citée, et du 11 juin 2009, Acegas/Commission, T‑309/02, Rec, EU:T:2009:192, point 47 et jurisprudence citée). À cet égard, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (arrêt Telefónica/Commission, point 54 supra, EU:C:2013:852, point 47).

56      En revanche, lorsqu’une décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêts du 17 janvier 1985, Piraiki‑Patraiki e.a./Commission, 11/82, Rec, EU:C:1985:18, point 31 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec, EU:C:2006:416, point 60, et Commission/Koninklijke FrieslandCampina, point 52 supra, EU:C:2009:556, points 54 à 57).

57      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il y a lieu de vérifier si, eu égard à sa situation factuelle et juridique, la requérante doit être considérée comme individuellement concernée par la décision attaquée.

58      À titre liminaire, contrairement aux arguments de la requérante, il y a lieu d’exclure que la qualité de personne « intéressée » au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE puisse faire bénéficier la requérante d’un statut particulier de nature à caractériser son affectation individuelle, d’autant plus qu’elle n’a pas fait usage des droits procéduraux qui en découlent, en particulier celui de présenter ses observations lors de la procédure formelle d’examen (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, Rec, EU:C:2005:761, point 37).

59      S’agissant de l’affectation individuelle au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, point 54 supra (EU:C:1963:17), il convient de relever que la situation factuelle et juridique dans laquelle se trouve la requérante est caractérisée par les éléments ci‑après.

60      Premièrement, au moment de la clôture de l’exercice fiscal de l’année 2009 et donc avant l’ouverture de la procédure engagée par la Commission, la requérante disposait d’un droit de reporter ses pertes en vertu de la réglementation allemande, du fait que les conditions prévues par la clause d’assainissement étaient réunies. En outre, la requérante avait inscrit les reports des pertes existantes au 31 décembre 2009 dans sa comptabilité à titre d’impôts différés actifs.

61      Deuxièmement, au cours de l’année 2009, la requérante avait réalisé des bénéfices imposables dont elle aurait déduit les pertes reportées au titre de la clause d’assainissement.

62      Ces circonstances avaient été certifiées par l’administration fiscale allemande par le biais du renseignement contraignant, qui prenait en considération les pertes reportées au titre de la clause d’assainissement (voir point 17 ci‑dessus). En outre, le fait d’avoir reçu le renseignement contraignant a comporté, par la suite, l’inscription du nom de la requérante sur la liste communiquée par les autorités allemandes à la Commission en vertu de de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la décision attaquée.

63      Partant, en application de la réglementation allemande, il était certain que, au moment de la clôture de l’exercice fiscal de l’année 2009, la requérante aurait réalisé une économie d’impôt, qu’elle était d’ailleurs en mesure de quantifier avec précision. En effet, les autorités allemandes ne disposant d’aucune marge d’appréciation à l’égard de l’application de la mesure litigieuse, la réalisation de ladite économie d’impôt, par le biais du paiement d’un impôt réduit, n’était qu’une question de temps, en vertu des modalités d’application du régime fiscal. La requérante disposait donc d’un droit acquis, certifié par les autorités allemandes avant l’adoption de la décision d’ouverture puis de la décision attaquée, à l’application de cette économie d’impôt, qui, en l’absence de ces décisions, se serait concrétisé par l’émission d’un avis d’imposition autorisant le report des pertes et l’inscription conséquente de celui‑ci à son bilan. Elle était, de ce fait, facilement identifiable par les autorités fiscales allemandes et par la Commission.

64      Par conséquent, la requérante ne saurait être uniquement considérée comme une entreprise concernée par la décision attaquée en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel, mais elle doit au contraire être considérée comme faisant partie d’un cercle fermé d’opérateurs économiques, lesquels étaient identifiés, ou au moins facilement identifiables au moment de l’adoption de la décision attaquée, au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, point 54 supra (EU:C:1963:17) (voir également, par analogie, arrêts Belgique et Forum 187/Commission, point 56 supra, EU:C:2006:416, point 63 ; Commission/Koninklijke FrieslandCampina, point 52 supra, EU:C:2009:556, point 57 ; Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, point 54 supra, EU:C:2011:368, point 56 ; du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, Rec, EU:C:2014:100, points 59 à 61, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, C‑133/12 P, Rec, EU:C:2014:105, points 46 à 48).

65      Cette conclusion n’est pas remise en cause par le fait que, à la suite de la décision d’ouverture puis de la décision attaquée, les autorités allemandes ont adopté des mesures visant à laisser la clause d’assainissement inappliquée, dont, notamment, l’annulation du renseignement contraignant et l’adoption d’un avis d’imposition relatif à l’impôt sur les sociétés pour l’exercice 2009 qui ne tenait plus compte des pertes reportées au titre de la clause d’assainissement (voir point 19 ci‑dessus).

66      En effet, les autorités allemandes ont décidé de suspendre l’application de la clause d’assainissement, sans toutefois l’abroger, et d’émettre un avis d’imposition sans appliquer cette clause, précisément afin de se conformer à la décision d’ouverture et à la décision attaquée. Dès lors, dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours visant à remettre en cause la décision attaquée, par laquelle la Commission a conclu que la mesure litigieuse constituait une aide d’État et a constaté son incompatibilité avec le marché intérieur, la Commission ne saurait tirer avantage du fait que les autorités allemandes ont immédiatement pris toutes les mesures nécessaires afin de s’assurer d’être en conformité avec cette décision, en attendant l’issue d’un recours éventuel contre celle‑ci.

67      Cette même conclusion ne saurait davantage être remise en cause par la jurisprudence invoquée par la Commission dans ses écritures et lors de l’audience, et notamment par les arrêts Telefónica/Commission, point 54 supra (EU:C:2013:852), du 11 juin 2009, AMGA/Commission (T‑300/02, Rec, EU:T:2009:190), Acegas/Commission, point 55 supra (EU:T:2009:192), et du 8 mars 2012, Iberdrola/Commission (T‑221/10, Rec, EU:T:2012:112).

68      En effet, les circonstances factuelles dans ces affaires ne sont pas comparables à celles en cause dans la présente affaire où il a été constaté que, en raison des spécificités de la législation fiscale allemande, la requérante bénéficiait d’un droit acquis à une économie d’impôt, certifié par les autorités fiscales allemandes (voir point 63 ci‑dessus), cette circonstance la différenciant par rapport à d’autres opérateurs qui ne sont concernés qu’en tant que bénéficiaires potentiels de la mesure litigieuse (voir, en ce sens, arrêt Commission/Koninklijke FrieslandCampina, point 52 supra, EU:C:2009:556, point 55).

69      La conclusion au point 64 ci‑dessus n’est pas davantage remise en cause par l’argument de la Commission selon lequel seul un avantage octroyé au moyen de ressources étatiques pourrait étayer l’affectation individuelle de la requérante et selon lequel il n’y aurait eu de charge financière pour l’État qu’au moment où la réduction d’impôt aurait été constatée par l’avis d’imposition.

70      En effet, il convient de rappeler que les éléments sur lesquels la jurisprudence fonde l’affectation individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir points 54 à 56 ci‑dessus) ne coïncident pas nécessairement avec les éléments constitutifs d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, par analogie, arrêt Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, point 54 supra, EU:C:2011:368, points 56, 63 et 64). Au sens de l’arrêt Plaumann/Commission, point 54 supra (EU:C:1963:17, p. 223), un sujet autre que le destinataire d’une décision est concerné individuellement par une décision si celle‑ci l’atteint en raison de certaines qualités particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et s’il fait, dès lors, partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques.

71      Or, en l’espèce, il convient de rappeler que, en application de la réglementation nationale, la requérante disposait, avant l’adoption de la décision d’ouverture puis de la décision attaquée, d’un droit acquis, certifié par les autorités fiscales allemandes, à réaliser une économie d’impôt pour l’exercice fiscal de l’année 2009. Du reste, la Commission a elle‑même précisé, au considérant 50 de la décision attaquée, que la seule possibilité accordée par le gouvernement allemand à certaines entreprises de réduire leur charge fiscale par un report des pertes conduisait à une perte de recettes publiques et constituait une aide d’État.

72      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que, dans les circonstances de l’espèce, la requérante est directement et individuellement concernée par la décision attaquée.

73      La requérante a donc qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

 Sur l’intérêt à agir

74      La Commission fait valoir que la requérante n’est pas la bénéficiaire d’une aide et ne saurait donc tirer aucun avantage d’une éventuelle annulation de la décision attaquée par le Tribunal. La République fédérale d’Allemagne ne serait pas tenue, à la suite de l’adoption de la décision attaquée, de récupérer l’aide auprès de la requérante et, indépendamment d’une éventuelle annulation de la décision attaquée, les autorités allemandes pourraient décider à tout moment d’abroger entièrement la mesure litigieuse.

75      La requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, conteste ces arguments.

76      Il ressort d’une jurisprudence constante qu’un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle‑même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (arrêts Commission/Koninklijke FrieslandCampina, point 52 supra, EU:C:2009:556, point 63 ; Stichting Woonpunt e.a./Commission, point 64 supra, EU:C:2014:100, points 50 à 54, et Stichting Woonlinie e.a./Commission, point 64 supra, EU:C:2014:105, point 54).

77      Les conditions de recevabilité du recours s’apprécient, sous réserve de la question différente de la perte de l’intérêt à agir, au moment de l’introduction du recours (voir arrêt du 21 mars 2002, Shaw et Falla/Commission, T‑131/99, Rec, EU:T:2002:83, point 29 et jurisprudence citée).

78      En l’occurrence, la requérante satisfaisait aux conditions pour bénéficier de l’application de la clause d’assainissement et avait acquis un avantage émanant de cette clause, comme cela ressort des points 59 à 61 ci‑dessus.

79      Bien que l’application de la clause d’assainissement ait été suspendue à la suite de l’adoption de la décision attaquée, en vertu de l’article 34, paragraphe 6, du KStG, en cas d’annulation de celle‑ci, la clause d’assainissement serait à nouveau applicable, avec effet rétroactif, à toutes les entreprises dont l’avis d’imposition n’est pas encore devenu définitif, y compris la requérante, de sorte que l’annulation de la décision attaquée présente un bénéfice pour celle‑ci, car elle aura droit à revendiquer l’application de la clause d’assainissement, à tout le moins en ce qui concerne l’imposition des revenus de 2009.

80      Par conséquent, la requérante dispose d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision attaquée.

81      Le recours est donc recevable.

 Sur le fond

82      À l’appui du recours, la requérante invoque quatre moyens, tirés, le premier, de l’absence de caractère sélectif de la mesure litigieuse, le deuxième, de l’absence d’utilisation de ressources d’État, le troisième, d’un défaut de motivation et, le quatrième, de la violation du principe de protection de la confiance légitime.

83      Le Tribunal estime opportun de traiter, tout d’abord, le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation, et, ensuite, les autres moyens dans l’ordre dans lequel ils ont été invoqués.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation

84      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir en substance que la Commission n’a pas motivé à suffisance de droit son appréciation selon laquelle la règle de la mise en non‑valeur des pertes constitue le système de référence et la clause d’assainissement l’exception audit système. En particulier, au considérant 67 de la décision attaquée, la Commission aurait simplement renvoyé aux motifs déjà invoqués dans la décision relative à la loi MoRaKG.

85      En outre, la Commission aurait considéré à tort que la soustraction des reports de pertes était plafonnée à un million d’euros au total et aurait également méconnu plusieurs faits. Il s’agit en particulier des circonstances suivantes : l’ancienne clause de mise en non‑valeur s’appliquerait parallèlement à la règle de la mise en non‑valeur des pertes jusqu’à la fin de l’année 2012 ; les pertes non utilisées ne seraient supprimées que lorsqu’une acquisition est réalisée par une personne ou un groupe de personnes liées entre elles, au cours d’une période de cinq ans ; la clause d’assainissement s’appliquerait également au report des intérêts et prévoirait trois types de situations différentes ; l’introduction rétroactive de la clause d’assainissement serait simplement destinée à corriger l’erreur commise par le législateur en considérant à tort que le décret d’assainissement pouvait compenser de manière appropriée la mise en non‑valeur des reports de pertes.

86      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de façon à permettre, d’une part, au juge de l’Union européenne d’exercer son contrôle de légalité et, d’autre part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est bien fondée. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi au regard de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, Rec, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée, et du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein‑Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, Rec, EU:T:2003:57, points 278 et 279 et jurisprudence citée). En particulier, la Commission n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle par les intéressés. Il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir arrêt Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein‑Westfalen/Commission, précité, EU:T:2003:57, point 280 et jurisprudence citée).

87      S’agissant, plus particulièrement, de la qualification d’une mesure d’aide d’État, l’obligation de motivation exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 13 juin 2000, EPAC/Commission, T‑204/97 et T‑270/97, Rec, EU:T:2000:148, point 36).

88      Il convient également de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien‑fondé de la motivation, celui‑ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, Rec, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée).

89      Dans la décision attaquée, la Commission rappelle tout d’abord le contexte législatif pertinent. En particulier, le considérant 5 fait mention du principe de report des pertes et les considérants 10 et 14 reproduisent le contenu de la règle de la mise en non‑valeur des pertes et de la clause d’assainissement.

90      La Commission consacre ensuite les considérants 64 à 102 de la décision attaquée à l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse. Plus particulièrement, aux considérants 66 et 67 de la décision attaquée, elle fournit une définition du cadre de référence.

91      Au considérant 66 de la décision attaquée, la Commission explique que « le cadre de référence est constitué par le système fiscal allemand relatif à l’impôt sur les sociétés dans sa version actuellement applicable, et en particulier par les dispositions prévues à l’article 8c, paragraphe 1, [du] KStG ». Elle poursuit en rappelant le contenu de cette disposition et en concluant que « la mise en non‑valeur des pertes constitue la règle générale, c’est‑à‑dire le cadre de référence applicable en cas de modification de l’actionnariat ».

92      Au considérant 67 de la décision attaquée, la Commission ajoute que, dans l’affaire qui a fait l’objet de la décision relative à la loi MoRaKG, la Commission avait considéré que l’article 8c, paragraphe 1, du KStG constituait le cadre de référence applicable, en jugeant qu’une exception à l’article précité au titre de laquelle, en dépit d’une modification de l’actionnariat, un report de pertes était autorisé pour les entreprises reprises par des sociétés de capital‑risque était incompatible avec le marché intérieur. Elle précise que « [l]es motifs de cette décision s’appliquent également à l’affaire en cause en l’espèce ».

93      Il y a lieu de constater que, aux considérants susmentionnés de la décision attaquée, la Commission a clairement défini le cadre de référence qu’elle considère applicable aux fins d’apprécier l’existence d’un avantage sélectif, conformément à son obligation de motivation.

94      En particulier, elle a tenu compte du principe général de report des pertes et du cadre législatif pertinent et a expliqué qu’elle estimait que la mise en non‑valeur des pertes constituait le cadre législatif de référence en l’espèce.

95      Dans ce contexte, force est de constater que la référence à la décision relative à la loi MoRaKG, au considérant 67 de la décision attaquée, constitue une explication supplémentaire qui n’était pas indispensable en ce qui concerne la définition du cadre de référence.

96      En outre, les prétendues erreurs commises par la Commission dans l’examen du régime pertinent (voir point 85 ci‑dessus) n’ont pas d’incidence sur le caractère suffisant de la motivation. Ces arguments pourraient relever, le cas échéant, de l’appréciation du bien‑fondé de la décision attaquée et seront examinés dans le cadre de ce moyen (voir point 125 ci‑après).

97      Il y a donc lieu de rejeter le troisième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de l’absence de caractère sélectif prima facie de la mesure litigieuse

98      Le premier moyen vise, en substance, les considérations de la Commission concernant le caractère sélectif de la mesure litigieuse.

99      Dans ce contexte, à titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE interdit les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », c’est‑à‑dire les aides sélectives.

100    Selon une jurisprudence constante, dans un premier temps, la qualification d’une mesure fiscale nationale de « sélective » suppose l’identification et l’examen préalables du régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné. Dans un deuxième temps, c’est par rapport à ce régime fiscal commun ou « normal » qu’il convient d’apprécier et d’établir l’éventuel caractère sélectif de l’avantage octroyé par la mesure fiscale en cause en démontrant que celle‑ci déroge audit système commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, Rec, EU:C:2011:550, points 50 et 54, et du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume‑Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, Rec, EU:C:2011:732, point 75). À l’issue de ces deux premières étapes de l’examen, une mesure peut être qualifiée de sélective prima facie.

101    Toutefois, ne remplit pas cette condition de sélectivité une mesure qui, quoique constitutive d’un avantage pour un bénéficiaire, se justifie par la nature ou l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrit (voir, en ce sens, arrêts du 8 novembre 2001, Adria‑Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, C‑143/99, Rec, EU:C:2001:598, point 42, et Paint Graphos e.a., point 100 supra, EU:C:2011:550, point 64). À l’issue de cette éventuelle troisième étape de l’examen, une mesure est qualifiée de sélective.

102    Il convient de rappeler que, afin de prouver que la mesure en cause s’applique de manière sélective à certaines entreprises ou à certaines productions, il incombe à la Commission de démontrer que celle‑ci introduit des différenciations entre des entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par le régime en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable, tandis qu’il incombe à l’État membre qui a introduit une telle différenciation entre entreprises en matière de charges de démontrer qu’elle est effectivement justifiée par la nature et l’économie du système en cause (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays‑Bas, C‑279/08 P, Rec, EU:C:2011:551, point 62 et jurisprudence citée).

103    C’est à la lumière de cette analyse en trois étapes, telle qu’elle résulte de la jurisprudence, qu’il convient d’examiner le premier moyen avancé par la requérante.

–       Sur la première branche, tirée d’une erreur dans la définition du cadre de référence

104    Dans la décision attaquée, aux fins de l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse, la Commission a tenu compte, premièrement, de l’existence de la règle, d’application générale, du report des pertes, deuxièmement, de la règle de la mise en non‑valeur des pertes, qui déroge à la première dans les cas de prises de participation préjudiciables, et, troisièmement, de la clause d’assainissement, qui permet de déroger à la deuxième règle et d’appliquer la première règle dans certains situations spécifiques.

105    À partir de ces éléments, au considérant 66 de la décision attaquée, la Commission a conclu que, dans le contexte du système fiscal allemand relatif à l’impôt sur les sociétés, la mise en non‑valeur des pertes constituait le cadre de référence, c’est‑à‑dire la règle générale applicable dans tous les cas de modification de l’actionnariat, et que la clause d’assainissement constituait une exception à cette règle.

106    La requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, fait valoir que la Commission a commis une erreur dans la détermination du système de référence aux fins de l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse. La Commission aurait considéré à tort que la règle de la mise en non‑valeur des pertes constituait la règle générale et que la clause d’assainissement était une exception à cette règle.

107    Selon la requérante, le système de référence est constitué par la règle du report des pertes en tant que corollaire du principe constitutionnel d’imposition en fonction de la capacité contributive. La règle de la mise en non‑valeur des pertes constituerait une exception audit principe et ne saurait être considérée comme le système de référence, tandis que la clause d’assainissement, introduisant une exception à cette exception, se limiterait à rétablir la règle générale, à savoir la règle du report des pertes, à l’instar d’autres exceptions, telles que la clause sur les groupes d’entreprises et celle sur les réserves latentes.

108    La Commission excipe, à titre préalable, de l’irrecevabilité de la première branche du premier moyen, en ce qu’il est fondé sur des faits nouveaux qui n’ont pas été invoqués dans la procédure administrative. Elle rappelle avoir défini la règle de la mise en non‑valeur des pertes comme étant la disposition de référence, dans la décision d’ouverture et dans la décision relative à la loi MoRaKG, sans que la requérante, la République fédérale d’Allemagne ou d’autres tiers intéressés aient contesté cette définition lors de la procédure administrative. Elle précise également que le droit fiscal national constitue, du point de vue du droit de l’Union, un élément de fait, dont elle n’avait pas pleine connaissance au moment de l’adoption de la décision attaquée et sur lequel elle n’était pas tenue d’enquêter d’office.

109    Sur le fond, la Commission conteste les arguments de la requérante.

110    Il y a lieu, au préalable, de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission. En effet, il ressort de la jurisprudence même invoquée par la Commission au soutien de son argument que l’appréciation de la légalité d’une décision en fonction des éléments d’information dont la Commission dispose au moment où elle arrête la décision relève, en réalité, du bien‑fondé et non pas de la recevabilité du moyen en question (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 1996, France/Commission, C‑241/94, Rec, EU:C:1996:353, point 33 ; du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec, EU:C:2002:524, point 168 ; du 14 janvier 2004, Fleuren Compost/Commission, T‑109/01, Rec, EU:T:2004:4, point 49 ; du 6 avril 2006, Schmitz‑Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑17/03, Rec, EU:T:2006:109, point 54, et du 7 décembre 2010, Frucona Košice/Commission, T‑11/07, Rec, EU:T:2010:498, point 49).

111    S’agissant du bien‑fondé des arguments avancés par la requérante, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a défini, en substance, la règle de la mise en non‑valeur des pertes comme étant la règle générale au regard de laquelle il convenait d’examiner si les entreprises se situant dans une situation factuelle et juridique comparable étaient différenciées, tandis que la requérante se rapporte à la règle plus générale du report des pertes, qui s’applique à toute imposition.

112    À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que la règle du report des pertes constitue une faculté dont bénéficient toutes les sociétés lors de l’application de l’impôt sur les sociétés et, d’autre part, que la règle de la mise en non‑valeur des pertes limite ladite faculté lors de l’acquisition d’une participation égale ou supérieure à 25 % du capital et la supprime lors de l’acquisition d’une participation supérieure à 50 % du capital. Cette dernière règle s’applique, dès lors, systématiquement à tous les cas de figure de modification de l’actionnariat égale ou supérieure à 25 % du capital, sans distinguer selon la nature ou les caractéristiques des entreprises concernées.

113    En outre, la clause d’assainissement est libellée sous forme d’exception à la règle de la mise en non‑valeur des pertes et ne s’applique qu’aux situations, bien définies, qui sont sujettes à cette dernière règle.

114    Partant, force est de constater que la règle de la mise en non‑valeur des pertes, à l’instar de la règle du report des pertes, fait partie du cadre législatif dans lequel s’inscrit la mesure litigieuse. En d’autres termes, le cadre législatif pertinent en l’espèce est composé par la règle générale du report de pertes, telle que limitée par la règle de la mise en non‑valeur des pertes, et c’est précisément dans ce cadre qu’il convient de vérifier si la mesure litigieuse introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au sens de la jurisprudence citée au point 100 ci‑dessus, cette question étant exposée dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen.

115    Il y a donc lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsque, tout en constatant l’existence d’une règle plus générale, à savoir celle du report des pertes, elle a établi que le cadre législatif de référence mis en place afin d’apprécier le caractère sélectif de la mesure litigieuse était constitué par la règle de la mise en non‑valeur des pertes.

116    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments spécifiques avancés par la requérante.

117    Premièrement, dans la mesure où la requérante entendrait invoquer un défaut de motivation, tiré de ce que, au soutien de sa position, la Commission se serait limitée à évoquer la décision relative à la loi MoRaKG, force est de constater que ce grief a été rejeté dans le cadre du troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation (voir points 84 à 97 ci‑dessus). Par ailleurs, le fait que les autorités allemandes aient ou non admis au cours de la procédure administrative ayant donné lieu à la décision relative à la loi MoRaKG que la mesure litigieuse était sélective est inopérant en l’espèce, car il n’a aucun impact sur l’appréciation, effectuée aux points qui précèdent, du cadre législatif de référence tel que défini par la Commission.

118    Deuxièmement, le fait que le principe de report des pertes relève des principes fondamentaux du droit fiscal allemand est également inopérant. À supposer que la règle du report de pertes relève de ces principes fondamentaux et que la mise en non‑valeur des pertes constitue une exception à cette règle, il n’en demeure pas moins que cette dernière fait partie du cadre législatif de référence dans lequel s’inscrit la mesure litigieuse et au regard duquel il convient d’apprécier le caractère sélectif de celle‑ci.

119    Troisièmement, s’agissant de l’argument selon lequel, d’une part, le droit au report de pertes, en tant qu’application de principes fondamentaux, ne pourrait être restreint par le législateur que s’il existe des motifs sérieux et, d’autre part, un changement d’actionnariat n’affecterait aucunement l’imposition de la société, la sphère des actionnaires et celle de la société étant bien distinctes, un tel argument n’a aucune incidence sur la définition du cadre de référence aux fins de l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse. Ce qui importe est qu’il existe une disposition dérogatoire au principe de report des pertes qui, à l’instar de ce principe, fait partie du cadre de référence dans lequel s’inscrit la mesure litigieuse.

120    Quatrièmement, l’argument selon lequel la règle de la mise en non‑valeur des pertes n’a pas entraîné un changement de système et vise, comme la règle précédente, à prévenir le recours abusif au report des pertes est également inopérant. En effet, l’objectif de la lutte contre les abus relève de la question de savoir si la mesure litigieuse introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable, ce qui fait l’objet de la deuxième branche du présent moyen. Par ailleurs, le fait que la Commission ait ou non contesté la légalité de l’ancienne clause d’assainissement n’a aucune pertinence en ce qui concerne l’appréciation de la nouvelle clause.

121    Cinquièmement, force est de constater que l’existence d’autres dérogations à la règle de la mise en non‑valeur des pertes ne suffit pas, à elle seule, à démontrer que cette dernière ne fait pas partie du cadre de référence pertinent aux fins de l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse.

122    Sixièmement, il en va de même pour l’argument tiré des doutes des juridictions nationales quant à la constitutionnalité de la règle de la mise en non‑valeur des pertes. Cela n’empêche pas de conclure que, tant qu’elle n’est pas abrogée, cette règle fait partie du système de référence.

123    Septièmement, la conclusion, mentionnée au point 115 ci‑dessus, n’est pas davantage remise en cause par les arguments avancés par la requérante dans la réplique et visant à démontrer le caractère dérogatoire de la règle de la mise en non‑valeur des pertes, à savoir le fait que cette règle se caractériserait par un grand nombre d’éléments constitutifs restreignant son champ d’application, ainsi que par des conséquences de droit nuancées et nécessitant une interprétation, et qu’un tel caractère dérogatoire serait en outre confirmé par le contexte et la technique législatifs.

124    Ces arguments sont inopérants dans la mesure où la qualification de ladite règle d’exception à une règle supérieure de droit n’empêche pas qu’elle fasse partie du cadre de référence dans lequel s’inscrit la mesure litigieuse.

125    Enfin, l’affirmation erronée, figurant au considérant 5 de la décision attaquée, selon laquelle le report de pertes était limité à un montant total d’un million d’euros n’a pas eu de répercussions sur l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse. Il en va de même en ce qui concerne l’erreur commise par la Commission lorsqu’elle a considéré que l’ancienne clause de la mise en non‑valeur des pertes avait été abrogée avec effet au 1er janvier 2008, alors qu’elle s’appliquait au moins jusqu’en 2012.

126    En conclusion, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur dans la définition du cadre de référence.

127    Il y a donc lieu de rejeter la première branche du premier moyen.

–       Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur dans l’appréciation de la situation juridique et factuelle des entreprises nécessitant un assainissement et de la qualification de la clause d’assainissement de mesure générale

128    Dans la décision attaquée, la Commission a retenu que la règle de la mise en non‑valeur des pertes avait un champ d’application plus étendu que celui de l’ancienne règle (considérant 10), que la règle ne prévoyait à l’origine aucune exception (considérant 11) et que, ainsi qu’il ressort de l’exposé des motifs de la loi portant réforme de la fiscalité des entreprises de 2008 (voir point 6 ci‑dessus), la règle avait un double objectif : d’une part, celui de simplifier la réglementation et, d’autre part, celui de lutter de manière ciblée contre les abus (considérant 12). Elle a également souligné que l’absence d’une exception explicite visant à permettre le report des pertes en cas d’assainissement était compensée par la possibilité, pour les autorités fiscales, de renoncer en équité à des créances d’impôts sur la base du décret d’assainissement (considérant 12 ; voir point 7 ci‑dessus).

129    À partir de ces éléments, aux considérants 68 à 79 de la décision attaquée, tout d’abord, la Commission a retenu que la finalité du système d’imposition sur les sociétés était de générer des recettes destinées au budget et que la finalité de la règle de la mise en non‑valeur des pertes était d’empêcher que les entreprises dont l’actionnariat avait été modifié reportent leurs pertes. Ensuite, elle a considéré que, au regard de cette finalité, toutes les entreprises dont l’actionnariat avait subi une modification à hauteur de 25 % ou plus des parts se trouvaient dans une situation factuelle et juridique comparable. Enfin, elle a constaté que la clause d’assainissement opérait une distinction, à l’intérieur de cette catégorie, entre, d’une part, les entreprises qui, bien que réalisant des pertes, restaient saines et, d’autre part, les entreprises qui, selon les conditions établies par la clause d’assainissement, étaient insolvables ou surendettées, ou sur le point de le devenir.

130    En premier lieu, la requérante fait valoir que la clause d’assainissement n’introduit pas de distinction entre des opérateurs économiques qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable, mais constitue une mesure générale de politique fiscale qui relève de la souveraineté fiscale des États membres, laquelle s’applique selon les mêmes conditions à toutes les sociétés pour lesquelles il existe un risque imminent de cessation de paiement ou de surendettement, et que ladite clause ne relève pas davantage du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives.

131    Elle précise que les entreprises nécessitant un assainissement et les entreprises saines ne se trouvent pas dans la même situation factuelle et juridique. La règle de la mise en non‑valeur des pertes exclurait le report des pertes lorsque le nouvel actionnaire peut exercer une influence déterminante sur le devenir de la société et a donc en principe la pleine maîtrise du contrôle de l’utilisation des pertes, alors que la clause d’assainissement, de par ses conditions strictes, s’appliquerait dans une situation où le nouvel actionnaire n’a pas la possibilité de contrôler les pertes.

132    En second lieu, la requérante invoque un vice de motivation, car la Commission aurait omis de vérifier si la clause d’assainissement constituait une mesure générale.

133    Le cadre de référence ayant été identifié comme étant constitué par la règle de la mise en non‑valeur des pertes, en premier lieu il convient de vérifier si, au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal pertinent, les entreprises qui bénéficient de la clause d’assainissement se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des autres entreprises qui sont sujettes à la règle de la mise en non‑valeur des pertes, ce qu’il incombe à la Commission de démontrer au sens de la jurisprudence citée au point 102 ci‑dessus.

134    En substance, selon la Commission, l’objectif du régime fiscal pertinent en l’espèce étant d’empêcher que les entreprises dont l’actionnariat a été modifié reportent leurs pertes, toutes les entreprises dont l’actionnariat a subi une modification se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable, qu’elles bénéficient de la clause d’assainissement ou non. La mesure litigieuse serait donc sélective prima facie, puisqu’elle ne bénéficie qu’aux seules entreprises qui remplissent les conditions de ladite clause.

135    En revanche, selon la requérante, l’objectif du régime en cause étant d’éviter les abus de reports de pertes, seules les entreprises qui remplissent les conditions de la clause d’assainissement se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable, car elles ne sont pas en mesure d’abuser des reports de pertes.

136    Ainsi que cela est énoncé au point 114 ci‑dessus, le cadre législatif pertinent en l’espèce est composé par la règle générale du report des pertes, telle que limitée par la règle de la mise en non‑valeur des pertes. Il convient donc de considérer, ainsi qu’il ressort du considérant 71 de la décision attaquée, que la finalité pertinente du système fiscal de référence est d’empêcher que les entreprises dont l’actionnariat a été modifié reportent leurs pertes. En d’autres termes, la possibilité de reporter des pertes est restreinte ou supprimée dans les cas où, à la suite d’une prise de participation égale ou supérieure à 25 % de ses parts, l’entreprise qui a accumulé les pertes modifie son actionnariat de façon substantielle.

137    Il s’ensuit que toutes les entreprises dont l’actionnariat a subi une telle modification se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable, indépendamment de la question de savoir si elles se trouvent dans une situation de difficulté ou non au sens de la clause d’assainissement.

138    En revanche, la mesure litigieuse ne vise pas toutes les entreprises dont l’actionnariat a été modifié de façon substantielle, mais s’applique à une catégorie bien déterminée d’entreprises, à savoir aux entreprises qui, selon le libellé de la clause d’assainissement, au moment de l’acquisition sont « insolvable[s] ou surendettée[s] ou menacée[s] de le devenir » (ci‑après les « entreprises en difficulté »).

139    Force est de constater que cette catégorie ne couvre pas toutes les entreprises qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif du régime fiscal en cause.

140    Même à supposer, ainsi que le fait valoir la requérante, que l’objectif pertinent du système fiscal soit de prévenir les abus de reports de pertes en évitant l’achat de « sociétés coquilles vides », il n’en demeure pas moins que la mesure litigieuse ne s’applique qu’aux entreprises qui remplissent certaines conditions, notamment les entreprises en difficulté.

141    Tout en supposant que, dans les situations qui font l’objet de la mesure litigieuse, il n’y ait pas de risque d’abus, conformément à l’objectif considéré, force est de constater que ladite mesure ne permet pas le report des pertes à l’occasion d’une modification importante de l’actionnariat de la société concernée, lorsque cette modification ne concerne pas des entreprises en difficulté, même si ladite modification d’actionnariat ne vise pas l’achat de « sociétés coquilles vides » et ne crée donc pas de risque d’abus. Le report des pertes est interdit même si les autres conditions de la clause d’assainissement, relatives notamment au maintien des structures essentielles de la société, à savoir les conditions figurant sous c) à e) de la clause d’assainissement, sont remplies. En d’autres termes, les conditions figurant sous a) et b) de la clause d’assainissement ne sont pas liées à l’objectif de prévenir les abus. Elles ont donc pour effet de favoriser les entreprises en difficulté.

142    Il y a donc lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a estimé que la mesure litigieuse introduisait des différentiations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif assigné au système fiscal, dans une situation factuelle et juridique comparable, au sens de la jurisprudence citée au point 100 ci‑dessus.

143    En second lieu, l’argument de la requérante et de l’intervenante selon lequel la mesure litigieuse est une mesure générale, en ce qu’elle bénéficie à toute entreprise en difficulté, ne saurait davantage prospérer.

144    En effet, d’une part, la question de savoir si la mesure revêt ou non un caractère général, dans le contexte de l’examen de la sélectivité d’une mesure fiscale, repose sur la question de savoir si, par rapport au régime fiscal commun ou normal, la mesure en question introduit des différenciations entre opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. Or, ainsi que cela est énoncé aux points qui précèdent, dans la décision attaquée, la Commission considère à juste titre que la mesure litigieuse introduit une distinction entre des entreprises, à savoir les entreprises qui remplissent les conditions posées par la mesure en cause et les autres entreprises, qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par le régime en question. Même à supposer que cet objectif, ainsi que le fait valoir la requérante, soit de prévenir les abus de reports de pertes, force est de constater que la mesure litigieuse, prise seule ou avec les deux autres exceptions susvisées, ne vise pas toutes les entreprises qui font l’objet d’une prise de participation préjudiciable ne créant pas un tel risque d’abus.

145    D’autre part, il y a lieu de constater que, contrairement aux arguments de la requérante, la mesure litigieuse n’est pas une mesure générale, en ce qu’elle serait potentiellement accessible à toutes les entreprises au sens de l’arrêt du 7 novembre 2014, Autogrill España/Commission (T‑219/10, Rec, sous pourvoi, EU:T:2014:939, points 44 et 45). En effet, la mesure litigieuse définit son champ d’application ratione personae. Elle ne vise qu’une catégorie d’entreprises qui se trouvent dans une situation spécifique, à savoir les entreprises en difficulté. De ce fait, elle est sélective prima facie.

146    Par ailleurs, les différences invoquées par la requérante entre les entreprises nécessitant un assainissement et les entreprises saines en ce qui concerne l’accès aux capitaux et la disponibilité des réserves latentes ne sont pas pertinentes au regard de l’objectif poursuivi par le système fiscal, même en tenant compte de l’objectif de prévenir les abus de reports de pertes. De telles différences ne seraient pertinentes qu’au regard de l’objectif de favoriser l’assainissement des entreprises qui bénéficient de la mesure litigieuse. Toutefois, cet objectif n’est pas pertinent en l’espèce, la requérante ne le prétendant d’ailleurs pas.

147    Enfin, s’agissant de l’argument selon lequel la clause d’assainissement serait un mécanisme d’application automatique et de l’argument selon lequel les objectifs poursuivis par la législation en matière d’impôt sur les sociétés ne sont pas uniquement d’ordre fiscal, mais également d’ordre politique, il suffit de relever que de tels arguments sont inopérants, puisque, à les supposer fondés, ils ne sauraient affecter le caractère sélectif de la mesure litigieuse.

148    Il y a donc lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen.

–       Sur la troisième branche, tirée de la justification de la mesure litigieuse par la nature et l’économie du système fiscal allemand

149    En premier lieu, la requérante avance que la clause d’assainissement, combinée à la clause sur les groupes d’entreprises et à la clause sur les réserves latentes, contribue à l’application de principes fondamentaux inhérents au système allemand en matière d’impôt sur les sociétés, notamment le principe de soustraction interpériodique des pertes, qui découle des principes directeurs de la situation nette objective et de l’imposition en fonction de la capacité contributive, ainsi que du principe de séparation, selon lequel, dans le cadre du système de référence applicable en droit allemand en matière d’impôt sur les sociétés, l’imposition d’une société ne dépend pas de ses actionnaires.

150    En deuxième lieu, la requérante observe que la limitation de l’application de la clause d’assainissement aux entreprises nécessitant un assainissement est également justifiée au regard de l’intérêt fiscal, c’est‑à‑dire au regard de l’objectif, inhérent au droit fiscal, de collecter des recettes destinées à financer les dépenses de l’État. En effet, en ne posant aucun obstacle fiscal aux assainissements, le législateur allemand permettrait aux entreprises nécessitant un assainissement de redresser leur situation économique, ce qui augmenterait les revenus fiscaux futurs.

151    En troisième lieu, la requérante soutient que la restriction aux entreprises nécessitant un assainissement repose également sur des différences objectives entre, d’une part, les entreprises saines, qui enregistrent des pertes de manière passagère et sont en mesure de se procurer des capitaux sur le marché sans dépendre d’une modification d’actionnariat, et, d’autre part, les entreprises nécessitant un assainissement, qui ne sont souvent plus en mesure de recourir à cette possibilité. La République fédérale d’Allemagne ajoute, d’une part, que, en cas d’acquisition de participations aux fins d’assainissement, l’acquéreur n’a pas la maîtrise des pertes et, d’autre part, que les entreprises nécessitant un assainissement, ne disposant pas de réserves latentes, ne peuvent pas bénéficier de la clause relative à celles‑ci.

152    Il importe de rappeler que, selon la jurisprudence citée au point 101 ci‑dessus, ne remplit pas la condition de sélectivité une mesure qui, tout en introduisant des différenciations entre opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal pertinent, se justifie par la nature ou l’économie générale du système dans lequel elle s’inscrit.

153    À cet égard, une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs assignés à un régime fiscal particulier et qui lui sont extérieurs et, d’autre part, les mécanismes inhérents au système fiscal lui‑même qui sont nécessaires à la réalisation de tels objectifs, ces objectifs et mécanismes, en tant que principes fondateurs ou directeurs du système fiscal en cause, pouvant étayer une telle justification, ce qu’il incombe à l’État membre de démontrer (voir arrêts Paint Graphos e.a., point 100 supra, EU:C:2011:550, point 65 et jurisprudence citée, et du 7 mars 2012, British Aggregates/Commission, T‑210/02 RENV, Rec, EU:T:2012:110, point 84 et jurisprudence citée). Par conséquent, des exonérations fiscales qui résulteraient d’un objectif étranger au système d’imposition dans lequel elles s’inscrivent ne sauraient échapper aux exigences découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt Paint Graphos e.a., point 100 supra, EU:C:2011:550, point 70).

154    Il convient également de rappeler qu’une mesure nationale ne peut être justifiée par la nature ou l’économie générale du système fiscal en cause que si, d’une part, elle est cohérente non seulement avec les caractéristiques inhérentes au système fiscal en cause, mais aussi avec la mise en œuvre de ce système et, d’autre part, elle est conforme au principe de proportionnalité et n’excède pas les limites de ce qui est nécessaire, en ce sens que l’objectif légitime poursuivi ne pourrait pas être atteint par des mesures de moindre ampleur (voir, en ce sens, arrêt Paint Graphos e.a., point 100 supra, EU:C:2011:550, points 73 à 75).

155    Dans la décision attaquée, la Commission a établi une distinction entre, d’une part, l’objectif de la règle de la mise en non‑valeur des pertes et, d’autre part, l’objectif de la clause d’assainissement.

156    S’agissant de l’objectif de la règle de la mise en non‑valeur des pertes, bien que, au cours de la procédure administrative, les autorités allemandes aient invoqué l’objectif d’« exclure, par des opérations de Mantelkauf, les montages abusifs visant à exploiter les reports de pertes » (considérant 85 de la décision attaquée), la Commission a considéré, ainsi qu’il ressort des modifications apportées à l’ancienne règle de la mise en non‑valeur des pertes par la nouvelle règle, que l’objectif était de « financer la réduction du taux des impôts sur les sociétés de 25 % à 15 % » (considérant 86 de la décision attaquée).

157    En revanche, l’objectif de la clause d’assainissement était, selon la Commission, de lutter contre les problèmes dus à la crise économique et financière et d’aider les entreprises en difficulté dans le contexte de cette crise (considérants 87 et 88 de la décision attaquée). Elle a conclu que l’objectif de cette clause était extérieur au système fiscal (considérant 89 de la décision attaquée).

158    Il doit être constaté qu’il ressort clairement du libellé de la mesure litigieuse que son objectif est celui de favoriser l’assainissement des entreprises en difficulté. Si tel n’était pas le cas, l’on ne pourrait pas expliquer pourquoi, parmi les conditions de leur application, l’article 8c, paragraphe 1a, sous a), du KStG et l’article 8c, paragraphe 1a, sous b), du KStG (voir point 10 ci‑dessus) requièrent respectivement que l’acquisition des parts vise à l’assainissement de la société et que, au moment de l’acquisition, l’entreprise soit insolvable ou surendettée ou menacée de le devenir. D’ailleurs, la requérante reconnaît elle‑même que, par le biais de la mesure litigieuse, le législateur poursuit également le but de permettre à des sociétés secouées par la crise et se trouvant en situation d’insolvabilité de redevenir saines.

159    Il est donc évident que l’objectif, ou à tout le moins l’objectif principal, de la mesure litigieuse est de faciliter l’assainissement des entreprises en difficulté.

160    À cet égard, il y a lieu de constater que l’objectif susvisé ne relève pas des principes fondateurs ou directeurs du système fiscal et n’est donc pas interne, mais externe à celui‑ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, Rec, EU:C:2006:511, point 82, et du 18 juillet 2013, P, C‑6/12, Rec, EU:C:2013:525, point 30), sans qu’il soit nécessaire de vérifier si la mesure litigieuse est proportionnée à l’objectif poursuivi.

161    En tout état de cause, la mesure litigieuse n’est pas davantage justifiée à la lumière des arguments avancés par la requérante et l’intervenante.

162    Tout d’abord, la mesure ne saurait être justifiée en vertu du principe d’imposition selon la capacité contributive.

163    Indépendamment du fait que cette justification ne ressort pas de l’exposé des motifs de la loi en cause, elle semble se rattacher à l’objectif, propre à la règle de la mise en non‑valeur des pertes, de lutter contre les abus en matière de reports de pertes. En substance, selon cette argumentation, étant donné que, d’une part, la règle de la mise en non‑valeur des pertes vise à prévenir les abus et que, d’autre part, en cas d’assainissement, il n’y aurait pas d’abus, il s’ensuivrait que l’application de la clause d’assainissement est justifiée par la même logique qui sous‑tend l’application de la règle de la mise en non‑valeur des pertes et se limiterait à restaurer l’application du principe général de report des pertes en tant qu’expression du principe d’imposition selon la capacité contributive.

164    Toutefois, à supposer que cette interprétation soit correcte, force est de constater que la mesure litigieuse ne se révèle pas cohérente avec l’objectif poursuivi. En effet, ainsi que cela est expliqué dans le cadre du premier moyen, la mesure litigieuse ne s’applique qu’aux entreprises en difficulté. Dans ces circonstances, on ne voit pas pourquoi le principe d’imposition selon la capacité contributive exigerait qu’une entreprise en difficulté bénéficie du report des pertes, alors que ce report est refusé à une entreprise saine qui a réalisé des pertes et qui remplit les autres conditions prévues par la clause d’assainissement.

165    Ensuite, la mesure litigieuse n’est pas davantage justifiée, d’une part, par des différences entre les prises de participation préjudiciables et les prises de participation aux fins d’assainissement et, d’autre part, par des différences objectives entre contribuables. Selon la requérante, soutenue par la République fédérale d’Allemagne, en cas de prise de participation aux fins d’assainissement, le nouvel actionnaire n’aurait pas la pleine maîtrise du contrôle de l’utilisation des pertes. En outre, les entreprises nécessitant un assainissement, à la différence des entreprises saines, n’auraient pas la possibilité de se financer sur le marché des capitaux ou de chercher un repreneur. Elles n’auraient pas davantage la possibilité de conserver leurs pertes en vertu de la clause sur les réserves latentes.

166    À cet égard, d’une part, force est de constater que l’argument tiré de l’absence de maîtrise du contrôle de l’utilisation des pertes n’est pas cohérent. En effet, d’autres entreprises ne remplissant pas les conditions de la clause d’assainissement peuvent aussi rencontrer des difficultés économiques et ne pas être en mesure de maîtriser l’utilisation des pertes, tout en étant exclues de l’application de la clause d’assainissement. D’autre part, la différence de situation entre entreprises nécessitant un assainissement et entreprises saines en ce qui concerne l’accès aux capitaux et la disponibilité des réserves latentes n’est pas pertinente en l’espèce. Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre au considérant 91 de la décision attaquée, l’éventuel objectif de favoriser l’accès aux capitaux des sociétés en difficulté n’est pas inhérent au système fiscal.

167    Il en est de même en ce qui concerne l’argument invoqué par la requérante, selon lequel il est dans l’intérêt de l’administration fiscale allemande de permettre aux entreprises pouvant être assainies de redresser leur situation économique, afin de limiter le risque qu’elles ne deviennent insolvables et d’augmenter les chances des autorités fiscales d’obtenir, voire d’augmenter les revenus fiscaux.

168    Cet argument reprend celui invoqué par la République fédérale d’Allemagne au cours de la procédure administrative et écarté par la Commission aux considérants 57 à 63 de la décision attaquée, selon lequel la clause d’assainissement est compatible avec le principe dit « du créancier privé en économie de marché », dans la mesure où elle correspond au comportement d’un créancier avisé avec lequel le débiteur entretient une relation contractuelle durable.

169    Toutefois, force est de constater que l’avantage en question est octroyé automatiquement et sans aucun examen visant à déterminer concrètement, à l’instar de ce que ferait un créancier privé, d’une part, quel est le risque que le bénéficiaire ne soit plus en mesure de poursuivre ses activités économiques et doive donc cesser tout paiement envers ses créanciers et, d’autre part, dans quelle mesure ledit bénéficiaire sera capable, un fois sa dette fiscale réduite, d’exercer ses activités d’une manière rentable afin de pouvoir faire face à ses obligations futures. Ainsi que la Commission le souligne à juste titre au considérant 60 de la décision attaquée, une renonciation à une créance fiscale sans aucune appréciation sur les perspectives futures du débiteur et l’importance stratégique de ce dernier n’est pas conforme à un comportement avisé.

170    Partant, il y a lieu de conclure que ni la requérante ni la République fédérale d’Allemagne n’ont apporté d’éléments permettant de justifier la mesure litigieuse conformément à la jurisprudence citée aux points 152 à 154 ci‑dessus.

171    En conclusion, il y a lieu de rejeter la troisième branche et, donc, le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’utilisation de ressources d’État

172    Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la clause d’assainissement ne consiste pas à accorder un avantage financier à une entreprise, mais seulement à ne pas priver cette dernière d’une situation financière déjà existante. Étant donné que le maintien des reports de pertes correspondrait au principe de report illimité des pertes, ancré dans le droit constitutionnel allemand, les reports de pertes constitueraient, en principe, des actifs appartenant aux entreprises assujetties à l’impôt.

173    Par conséquent, la République fédérale d’Allemagne n’aurait à aucun moment disposé de recettes fiscales provenant de revenus positifs, correspondant à des pertes équivalentes provenant de la même période d’imposition ou des périodes d’imposition antérieures.

174    Il convient de rappeler que, au considérant 50 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la possibilité accordée à certaines entreprises par le gouvernement allemand de réduire leur charge fiscale par un report de pertes conduisait à une perte de recettes publiques et constituait une aide d’État.

175    Selon une jurisprudence constante, la notion d’aide est plus générale que celle de subvention, étant donné qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles‑mêmes, mais également des interventions d’État qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt Adria‑Wien Pipeline et Wietersdorfer & Peggauer Zementwerke, point 101 supra, EU:C:2001:598, point 38 ; voir, également, arrêt Paint Graphos e.a., point 100 supra, EU:C:2011:550, point 45 et jurisprudence citée).

176    Il en découle qu’une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. En revanche, des avantages résultant d’une mesure générale applicable sans distinction à tous les opérateurs économiques ne constituent pas des aides d’État au sens de l’article 107 TFUE (voir arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume‑Uni, point 100 supra, EU:C:2011:732, points 72 et 73 et jurisprudence citée).

177    En l’espèce, il y a lieu de constater que l’avantage accordé aux entreprises visées par la clause d’assainissement trouve son origine dans la renonciation par un État membre aux recettes fiscales qu’il aurait normalement perçues, dans la mesure où c’est cette renonciation qui a donné aux bénéficiaires la possibilité de prendre des participations dommageables à des conditions fiscalement plus avantageuses (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, Rec, EU:C:2000:467, point 26).

178    Il y a également lieu de rejeter l’argument de la requérante tiré, en substance, de ce que, le maintien des reports de pertes correspondant au principe constitutionnel de report illimité des pertes, les recettes qui ne sont pas perçues, du fait de l’application de la règle du report des pertes, constituent des actifs qui n’ont jamais appartenu à l’État.

179    Il convient de rappeler, à cet égard, la jurisprudence constante selon laquelle l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir, en ce sens, arrêt Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume‑Uni, point 100 supra, EU:C:2011:732, point 87 et jurisprudence citée).

180    En effet, ainsi que cela a été relevé lors de l’appréciation du caractère sélectif de la mesure litigieuse, la Commission a établi à juste titre que la règle de la mise en non‑valeur des pertes faisait partie du cadre de référence. Elle fait partie intégrante de la législation de la République fédérale d’Allemagne et est donc sujette à une présomption de légalité. En vertu de cette règle, les ressources fiscales perçues du fait de la non‑application de la règle du report des pertes sont des ressources destinées, en principe, au budget de l’État.

181    Par ailleurs, la règle de la mise en non‑valeur des pertes ne prévoyait, au moment de son introduction, aucune exception. La clause d’assainissement ainsi que les autres exceptions à la règle de la mise en non‑valeur des pertes ont été introduites postérieurement à celle‑ci, même si la clause d’assainissement s’applique rétroactivement à la même date d’entrée en vigueur que la règle de la mise en non‑valeur des pertes. Cela démontre que la légalité constitutionnelle de l’introduction de la règle de la mise en non‑valeur des pertes n’était subordonnée, selon le législateur allemand, à la présence d’aucune exception.

182    En tout état de cause, même si la légalité de la règle de la mise en non‑valeur des pertes était remise en cause, le fait même que cette règle ait été appliquée pendant une certaine période suffirait pour établir l’engagement de ressources d’État du fait de l’application de la clause d’assainissement pendant la même période. En effet, la notion d’aide d’État est une notion objective qui doit être examinée au regard des effets anticoncurrentiels causés par la mesure d’aide en cause, et non au regard d’autres éléments tels que la légalité de la mesure par laquelle l’aide est octroyée (voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, Rec, EU:C:2008:757, point 85 et jurisprudence citée, et du 7 octobre 2010, DHL Aviation et DHL Hub Leipzig/Commission, T‑452/08, EU:T:2010:427, point 40).

183    Il convient donc de conclure que, en constatant dans la décision attaquée que la mesure litigieuse était octroyée au moyen de ressources d’État car elle était susceptible d’entraîner une diminution des recettes fiscales, la Commission n’a commis aucune erreur de droit.

184    Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

185    Par son quatrième moyen, la requérante invoque en substance l’existence d’une confiance légitime fondée, d’une part, sur le renseignement contraignant reçu de l’administration fiscale nationale et, d’autre part, sur la difficulté, voire l’impossibilité, dans les circonstances de l’espèce, de percevoir la clause d’assainissement comme une aide d’État et de vérifier si la procédure prévue par l’article 108 TFUE avait été respectée ou aurait dû être suivie, cette difficulté ayant été accrue par l’existence dans d’autres États membres de dispositions similaires qui n’avaient pas été notifiées ou contestées sous l’angle de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

186    En vertu de l’article 14, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 [CE] (JO L 83, p. 1), la Commission n’exige pas la récupération de l’aide, si, ce faisant, elle va à l’encontre d’un principe général du droit de l’Union.

187    Conformément à une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants (voir arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, Rec, EU:C:2010:769, point 63 et jurisprudence citée).

188    Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les entreprises bénéficiaires d’une aide ne sauraient avoir, en principe, une confiance légitime dans la régularité de l’aide que si celle‑ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue par le traité FUE. En effet, un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que cette procédure a été respectée (voir arrêt du 20 mars 1997, Alcan Deutschland, C‑24/95, Rec, EU:C:1997:163, point 25 et jurisprudence citée).

189    En l’espèce, tout d’abord, force est de constater que, la mesure n’ayant pas été notifiée à la Commission au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, les doutes ou les difficultés d’interprétation sur la nature d’aide d’État de la mesure litigieuse ne peuvent pas, à eux seuls, justifier une confiance légitime chez la requérante.

190    Ensuite, dans la mesure où la requérante appuie sa confiance légitime sur le renseignement contraignant, il convient de rappeler que, certes, la possibilité pour le bénéficiaire d’une aide illégale d’invoquer des circonstances exceptionnelles, qui ont légitimement pu fonder sa confiance dans le caractère régulier de cette aide, et de s’opposer par conséquent à son remboursement ne saurait être exclue. Il appartient toutefois à ce bénéficiaire de faire valoir ces circonstances devant les autorités nationales ou le juge national, en contestant la décision nationale de récupération par laquelle ces autorités transposent la décision de la Commission. Dans ce cadre, il appartient au juge national éventuellement saisi d’apprécier, le cas échéant, après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles d’interprétation, les circonstances en cause (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, Rec, EU:C:2002:143, point 103 ; du 27 janvier 1998, Ladbroke Racing/Commission, T‑67/94, Rec, EU:T:1998:7, points 182 et 183, et Fleuren Compost/Commission, point 110 supra, EU:T:2004:4, points 136 et 137). En application de cette jurisprudence, la requérante ne peut donc invoquer l’existence d’un renseignement contraignant, en faisant valoir que la décision attaquée va à l’encontre du principe de protection de la confiance légitime (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2014, Zweckverband Tierkörperbeseitigung/Commission, T‑309/12, EU:T:2014:676, point 237).

191    Il convient également de rappeler que le comportement d’une autorité nationale chargée d’appliquer le droit de l’Union, qui est en contradiction avec ce dernier, ne saurait fonder, pour un opérateur économique, une confiance légitime à bénéficier d’un traitement contraire au droit de l’Union (voir arrêt du 4 octobre 2007, Commission/Italie, C‑217/06, EU:C:2007:580, point 23 et jurisprudence citée) et que l’obligation du bénéficiaire de s’assurer que la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE a été respectée ne saurait en effet dépendre du comportement de l’autorité étatique, même si cette dernière était à ce point responsable de l’illégalité de la décision que son retrait apparaît comme contraire à la bonne foi (voir, en ce sens, arrêt Alcan Deutschland, point 188 supra, EU:C:1997:163, point 41).

192    Enfin, la requérante ne saurait tirer aucun argument de l’existence des mesures prétendument similaires dans d’autres États membres. Force est de constater, tout d’abord, qu’il s’agit de mesures qui se situent dans des cadres législatifs différents, ensuite, qu’aucun élément dans le dossier ne permet d’affirmer que la Commission aurait donné des assurances en ce qui concerne la légalité de ces mesures au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et, enfin, qu’une telle circonstance ne saurait être valablement invoquée par la requérante, dès lors que, en tout état de cause, le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (arrêts du 14 mai 1998, SCA Holding/Commission, T‑327/94, Rec, EU:T:1998:96, point 160 ; Mayr‑Melnhof/Commission, T‑347/94, Rec, EU:T:1998:101, point 334, et du 20 mars 2002, LR AF 1998/Commission, T‑23/99, Rec, EU:T:2002:75, point 367).

193    Il en est de même en ce qui concerne la référence à l’ancienne règle de la mise en non‑valeur des pertes, qui était un régime différent et qui n’a jamais été soumise au contrôle de la Commission, sous l’angle du respect des règles du traité concernant les aides d’État.

194    Il y a donc lieu de rejeter le quatrième moyen et, par conséquent, le recours dans son entièreté.

 Sur les dépens

195    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du même règlement, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs et si cela apparaît justifié au vu des circonstances de l’espèce, le Tribunal peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie.

196    En l’espèce, il y a lieu de constater qu’il y a lieu de rejeter, d’une part, l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission au titre de l’article 114 du règlement de procédure du 2 mai 1991 et, d’autre part, le recours dans son entièreté comme non fondé.

197    Au vu de ces circonstances, il y a lieu de condamner la requérante à supporter, outre ses propres dépens, les deux tiers des dépens de la Commission et de condamner cette dernière à supporter un tiers de ses propres dépens.

198    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus à un litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que la République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’exception d’irrecevabilité est rejetée.

2)      Le recours est rejeté comme non fondé.

3)      GFKL Financial Services AG supportera ses propres dépens ainsi que les deux tiers de ceux exposés par la Commission européenne. La Commission supportera un tiers de ses propres dépens.

4)      La République fédérale d’Allemagne supportera ses propres dépens.

Berardis

Czúcz

Popescu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 février 2016.

Signatures


Table des matières

Cadre juridique national

Règle du report des pertes

Règle de la mise en non valeur des pertes

Clause d’assainissement

Clauses sur les réserves latentes et sur les groupes d’entreprises

Faits à l’origine du litige

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité du recours

Sur la qualité pour agir au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

Sur l’intérêt à agir

Sur le fond

Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation

Sur le premier moyen, tiré de l’absence de caractère sélectif prima facie de la mesure litigieuse

– Sur la première branche, tirée d’une erreur dans la définition du cadre de référence

– Sur la deuxième branche, tirée d’une erreur dans l’appréciation de la situation juridique et factuelle des entreprises nécessitant un assainissement et de la qualification de la clause d’assainissement de mesure générale

– Sur la troisième branche, tirée de la justification de la mesure litigieuse par la nature et l’économie du système fiscal allemand

Sur le deuxième moyen, tiré de l’absence d’utilisation de ressources d’État

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

Sur les dépens


* Langue de procédure : l’allemand.