Language of document : ECLI:EU:T:2013:126

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 mars 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative FARMASUL – Marque espagnole figurative antérieure MANASUL – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Caractère distinctif de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑553/10,

Biodes, SL, établie à Madrid (Espagne), représentée par Me E. Manresa Medina, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Manasul Internacional, SL, établie à Ponferrada (Espagne), représentée par Me M. I. Escudero Pérez, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 3 septembre 2010 (affaire R 1034/2009‑1), relative à une procédure d’opposition entre Manasul Internacional, SL et Biodes, SL,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, Mme M. Kancheva et M. E. Buttigieg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 novembre 2010,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 17 mars 2011,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 mars 2011,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 19 décembre 2006, la requérante, Biodes, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5, 30 et 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Thé médicinal, manzanilla, tilleul et cassie pour infusions et infusions médicinales en général ; eucalyptus (en feuilles) ; substances alimentaires à usage médical » ;

–        classe 30 : « Infusions de thé, manzanilla (fleur), tilleul, pouliot et autres plantes naturelles destinées à la consommation humaine ; café, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; moutarde ; vinaigre ; sauces (condiments) ; épices ; glaces à rafraîchir » ;

–        classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes; fruits et légumes frais ; semences, plantes et fleurs naturelles ; aliments pour animaux; malt ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 022/2007, du 4 juin 2007.

5        Le 14 août 2007, l’intervenante, Manasul Internacional, SL, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée notamment sur la marque espagnole figurative antérieure n° 2 622 466 (ci-après la « marque antérieure »), reproduite ci-après, enregistrée le 17 novembre 2004 :

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7        Les produits couverts par la marque antérieure relèvent des classes 5, 30 et 31 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits diététiques à caractère médicinal pour les enfants et les personnes malades ; thé médicinal ; plantes et infusions médicinales et tisanes de plantes médicinales destinées à un usage diététique » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales, pain, biscuits, galettes, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever, sel, moutarde, poivre, vinaigre, sauces (condiments), épices, glace à rafraîchir, plantes non médicinales, produits alimentaires diététiques ou de régime compris dans cette classe, sans vertu médicinale » ;

–        classe 31 : « Produits agricoles, horticoles, forestiers et graines, non compris dans d’autres classes ; animaux vivants ; fruits et légumes frais ; semences, plantes et fleurs naturelles ; aliments pour les animaux ; malt ».

8        L’opposition était fondée sur l’ensemble des produits compris dans les classes 5, 30 et 31 visés par la marque antérieure et était dirigée contre tous les produits compris dans les classes 5, 30 et 31 visés par la marque demandée.

9        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [devenus article 8, paragraphe 1, sous b), et article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009].

10      Le 8 juillet 2009, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité en indiquant que, en l’absence de similitude entre les signes en conflit, il ne pouvait y avoir de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, et l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 n’était pas applicable.

11      Pour des raisons d’efficacité de procédure, la division d’opposition a fondé son analyse de l’opposition sur la marque antérieure, dans la mesure où celle-ci se rapprochait le plus de la marque demandée et désignait la gamme la plus large de produits.

12      Le 3 septembre 2009, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 3 septembre 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et refusé l’enregistrement de la marque communautaire demandée. Pour des raisons d’efficacité procédurale, la chambre de recours a examiné la marque antérieure, dans la mesure où celle-ci se rapprochait le plus de la marque demandée, désignait la gamme la plus étendue de produits et ne requérait pas de preuve d’usage (point 31 de la décision attaquée). En particulier, la chambre de recours a considéré que le public pertinent était composé des consommateurs moyens en Espagne (point 32 de la décision attaquée). Concernant la comparaison des produits, la chambre de recours a entériné l’appréciation non contestée de la division d’opposition selon laquelle les produits couverts par les marques en conflit étaient identiques ou similaires (points 12 et 33 de la décision attaquée). Concernant la comparaison des signes, ceux-ci seraient similaires visuellement et phonétiquement et une comparaison conceptuelle entre ceux-ci ne serait pas possible. Les signes en cause présenteraient « un certain degré de similitude » (point 34 de la décision attaquée). Selon la chambre de recours, la marque antérieure aurait un caractère distinctif élevé acquis par l’usage, ce qui ressortirait des documents soumis par l’intervenante comme preuves de l’usage (points 35 à 44 de la décision attaquée). La chambre de recours a rejeté l’argument de l’intervenante relatif à la famille de marques (points 45 à 48 de la décision attaquée). La chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit (points 50 et 51 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        accueillir le recours en annulant la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’intervenante aux dépens.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Résumé des arguments des parties

17      À l’appui du recours, la requérante allègue une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

18      En substance, la requérante conteste l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit à laquelle la décision attaquée a conclu. Les signes en cause ne seraient pas similaires, malgré le suffixe commun « sul ». En outre, la requérante conteste en substance le caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque antérieure.

19      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Appréciation du Tribunal

 Sur la portée du recours

20      Au soutien du recours, la requérante a formellement allégué une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, ainsi qu’une violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

21      Or, la requérante n’a pas étayé le moyen issu d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. En effet, elle n’invoque aucun élément au soutien de ce moyen et ne se prononce pas sur la prétendue renommée de la marque antérieure. La requérante a uniquement soulevé la question de la « notoriété » de la marque antérieure dans le contexte de l’usage et du caractère élevé acquis par l’usage de la marque antérieure.

22      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête introductive d’instance doit indiquer, notamment, l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Il en va de même pour toute conclusion, qui doit être assortie de moyens et d’arguments permettant, tant à la partie défenderesse qu’au juge, d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même [arrêt de la Cour du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, Rec. p. I‑7057, point 37, et arrêt du Tribunal du 6 mai 2008, Redcats/OHMI – Revert & Cía (REVERIE), T‑246/06, non publié au Recueil, point 23]. Des exigences analogues sont requises lorsqu’un grief ou un argument est invoqué au soutien d’un moyen [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2010, Grain Millers/OHMI – Grain Millers (GRAIN MILLERS), T‑430/08, non publié au Recueil, point 38].

23      Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 est irrecevable. Partant, le Tribunal n’examinera sur le fond que le moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

 Remarques préliminaires

24      Le Tribunal rappelle que, aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

25      Ainsi qu’il a été reconnu par une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence qui y est citée].

26      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence qui y est citée].

 Sur le public pertinent

27      Ainsi que la jurisprudence l’a reconnu, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence qui y est citée].

28      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, dès lors que les produits relevant des classes 5, 30 et 31 étaient destinés au grand public et que la marque antérieure était une marque nationale espagnole, le public pertinent était composé des consommateurs moyens en Espagne (point 32 de la décision attaquée). Cette appréciation de la chambre de recours n’est pas contestée par les parties. En l’absence d’indication contraire ressortant du dossier, il convient de confirmer cette appréciation de la chambre de recours.

 Sur la comparaison des produits

29      Ainsi que cela a été reconnu par une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence qui y est citée].

30      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a entériné la décision de la division d’opposition concernant la comparaison des produits couverts par les signes en conflit, selon laquelle ceux-ci étaient en partie identiques et en partie similaires (point 33 de la décision attaquée). Cette appréciation de la chambre de recours n’est pas contestée par les parties. En l’absence d’indication contraire ressortant du dossier, il convient de confirmer cette appréciation.

31      À cet égard, il y a lieu de noter que la requérante indique que l’intervenante « elle-même, dans son mémoire du 17 mars 2009, déclare que la seule concordance entre ces marques concerne les produits diététiques, c’est-à-dire que l’opposante limite volontairement la portée de son opposition auxdits produits, point qui est totalement ignoré par la décision de la chambre de recours qui aurait également dû indiquer que l’identité du domaine d’application est un critère secondaire et subsidiaire ».

32      À cet égard, il y a également lieu de rappeler les exigences de clarté et de précision requises d’une requête en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, rappelées au point 22 ci-dessus.

33      En outre, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit qui doivent figurer dans la requête elle-même. Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher dans le dossier de la procédure devant l’OHMI les arguments auxquels la requérante pourrait faire référence, ni de les examiner, de tels arguments étant irrecevables [arrêt du Tribunal du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (BoomerangTV), T‑420/03, Rec. p. II‑837, points 92 et 93].

34      Or, en l’espèce, la formulation de l’argument de la requérante concernant la comparaison des produits n’est pas claire. Cet argument est donc irrecevable. Par ailleurs, la requérante renvoie à un document non identifié et non annexé, à savoir le « mémoire du 17 mars 2009 ». Il s’ensuit que son allégation, selon laquelle l’intervenante aurait, dans ledit document non identifié, déclaré que les signes en conflit coïncideraient uniquement concernant les produits diététiques ou que l’intervenante aurait limité son opposition à ces produits, n’est pas recevable. En outre, l’allégation de la requérante selon laquelle la chambre de recours « aurait dû également indiquer que l’identité du domaine d’application est un critère secondaire et subsidiaire » est incompréhensible et donc également irrecevable.

 Sur la comparaison des signes

–       Cadre d’appréciation

35      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence qui y est citée).

36      Il a été reconnu par la jurisprudence que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une identité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30, confirmé par ordonnance de la Cour du 28 avril 2004, Matratzen Concord/OHMI, C‑3/03 P, Rec. p. I‑3657]. À cet égard, sont pertinents les aspects visuel, phonétique et conceptuel (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 25).

37      Ainsi que l’a reconnu la jurisprudence, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe ou composée et à la comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe ou composée puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêt OHMI/Shaker, point 35 supra, point 41, et la jurisprudence qui y est citée).

38      Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, point 35 supra, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

39      Lors de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Cabrera Sánchez/OHMI – Industrias Cárnicas Valle (el charcutero artesano), T‑242/06, non publié au Recueil, point 47].

40      Dans le cas d’espèce, il s’agit de la comparaison de deux signes figuratifs, comportant des éléments verbaux. La marque antérieure est constituée du terme « manasul » écrit en lettres blanches sur fond noir, encadré d’une forme ovale. La marque demandée est constituée du terme « farmasul » écrit en lettres noires sur fond blanc.

–       Sur la comparaison visuelle des signes en conflit

41      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires visuellement. Les éléments verbaux domineraient les signes en conflit. Lesdits signes auraient des différences en ce qui concerne leurs éléments figuratifs, la marque antérieure étant écrite en lettres blanches sur un fond noir entouré d’un liseré blanc délimité par une ligne noire, et la marque demandée étant écrite en lettres noires sans autre élément figuratif. Néanmoins, les signes partageraient la séquence de voyelles « a », « a », « u » et le suffixe commun « sul » et comporteraient tous les deux trois syllabes. Le suffixe « sul », non descriptif, bien qu’en position finale, serait l’élément dominant de l’élément verbal des signes (point 34 de la décision attaquée).

42      La requérante conteste toute similitude, notamment visuelle, entre les signes en conflit. En outre, la requérante allègue que l’OHMI, tant au niveau de la division d’opposition que de la chambre de recours, aurait considéré que les signes en conflit étaient « graphiquement différents ».

43      L’OHMI conteste les allégations de la requérante et soutient que la chambre de recours a conclu à raison à une similitude visuelle entre les signes en conflit. L’OHMI soutient que le suffixe « sul », à la différence du préfixe « farma » de la marque demandée, ne serait pas descriptif et serait, dès lors, plus distinctif et, partant, l’élément dominant de ce signe. L’intervenante considère également que les signes sont visuellement similaires en raison de la présence du suffixe identique « sul» et de la même typographie.

44      Le Tribunal constate tout d’abord que, contrairement aux allégations de la requérante, la chambre de recours n’a pas considéré les signes en conflit comme étant « graphiquement différents ». Au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours a reconnu des différences sur le plan figuratif entre les signes, mais a conclu à une similitude visuelle entre ceux-ci.

45      Il y a lieu de rappeler que, tel qu’il a également été reconnu par la jurisprudence, lorsqu’un signe consiste à la fois en des éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux produits en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [arrêt du Tribunal du 22 mai 2008, NewSoft Technology/OHMI – Soft (Presto! Bizcard Reader), T‑205/06, non publié au Recueil, point 54].

46      La marque demandée consiste en une typographie courante du terme « farmasul » écrit en lettres majuscules de couleur noire sur un fond blanc. La marque antérieure est composée du terme « manasul » écrit également en typographie standard en lettres majuscules de couleur blanche sur un fond noir entouré d’un liseré blanc délimité par une ligne noire. À cet égard, le Tribunal note que la typographie standard d’écriture des éléments verbaux des signes en conflit est identique ou du moins très similaire.

47      Dans le cas d’espèce, au vu de l’importance réduite des éléments figuratifs, les signes en conflit sont dominés par leurs éléments verbaux, et non par leurs éléments figuratifs. Le Tribunal considère que la chambre de recours était en droit de trouver que les éléments verbaux des signes en conflit étaient plus importants que leurs éléments figuratifs. Cette appréciation n’a par ailleurs pas été contestée par la requérante.

48      Pour la comparaison visuelle des signes en conflit, il y a donc lieu de tenir compte prioritairement des éléments verbaux qui dominent par rapport aux éléments figuratifs.

49      Il y a lieu de noter que les signes en conflit sont composés de trois syllabes, respectivement « far », « ma », « sul » et « ma », « na », « sul ». En outre, lesdits signes partagent la séquence de voyelles « a », « a », « u », le même suffixe « sul » et la terminaison « asul ». Il en ressort que les signes en conflit coïncident dans leur structure. En outre, le Tribunal remarque que la première et la dernière syllabe de la marque antérieure, à savoir « ma » et « sul » sont contenues entièrement dans la marque demandée, formant la deuxième et la troisième syllabe de celle-ci.

50      Il en résulte que c’est sans commettre d’erreur, malgré les différences des premières deux syllabes des éléments verbaux des signes en conflit, que la chambre de recours a conclu à un degré moyen de similitude visuelle entre les signes en conflit.

–       Sur la comparaison phonétique des signes en conflit

51      Sur la plan phonétique, la chambre de recours a considéré que les signes en conflit avaient un degré moyen de similitude (point 34, troisième tiret, de la décision attaquée). Les éléments verbaux desdits signes auraient tous les deux trois syllabes, à savoir « ma », « na », « sul » et « far », « ma », « sul », la même séquence de voyelles « a », « a », « u », la même intonation et la même syllabe tonique finale « sul ». Cependant la première partie des signes, à savoir « mana » et « farma », serait différente et se prononcerait différemment.

52      À cet égard, la requérante allègue que les signes en conflit se différencient par les deux syllabes initiales. La syllabe finale commune « sul » aurait moins d’importance.

53      L’OHMI et l’intervenante contestent ces allégations de la requérante.

54      Le Tribunal constate que, phonétiquement, seuls les éléments verbaux des signes en conflit doivent être pris en compte, étant donné que ce sont les seuls éléments pouvant être prononcés. Les signes en conflit se distinguent phonétiquement quant au début de leurs éléments verbaux, composés respectivement des syllabes « ma », « na » et « far », « ma ». Néanmoins, compte tenu du fait que ces éléments verbaux comportent tous les deux trois syllabes, ont la même structure, partagent la même séquence vocale « a », « a », « u », la même syllabe finale « sul » et la même sonorité finale « asul », le Tribunal considère que la chambre de recours était en droit de trouver une similitude phonétique moyenne entre ces signes.

–       Sur la comparaison conceptuelle des signes en conflit

55      La chambre de recours a considéré qu’une comparaison conceptuelle était impossible. Le terme « manasul » de la marque antérieure serait dépourvu de signification. Le terme « farma » de la marque demandée évoquerait « la pharmacie, les produits pharmaceutiques, la pharmacopée », mais le suffixe « sul » serait dépourvu de signification (point 34 de la décision attaquée).

56      Concernant la comparaison conceptuelle, la requérante conteste l’absence de signification du préfixe « mana » de la marque antérieure et fait valoir qu’il y aurait une relation avec le mot espagnol « manantial » signifiant « source ».

57      L’OHMI défend la décision attaquée quant à l’impossibilité d’une comparaison conceptuelle entre les signes en conflit. L’OHMI précise que le caractère descriptif du terme « farma » vaut autant pour les produits désignés par la marque demandée relevant de la classe 5 que pour ceux relevant des classes 30 et 31. Par ailleurs, le terme « mana » n’évoquerait pas de concept précis. L’intervenante soutient que les termes « farma » et « mana » évoquent la santé ou le bien-être.

58      Le Tribunal rappelle qu’une comparaison conceptuelle entre deux signes n’est possible que si au moins un des signes a une signification conceptuelle ou transmet un concept. Or, tel que l’a relevé la chambre de recours, ni la marque antérieure ni la marque demandée n’ont de signification en langue espagnole. Concernant la marque demandée comportant le terme « farmasul », le Tribunal relève que malgré l’existence d’un concept associé avec le terme « farma », faisant allusion à la pharmacie ou à des produits pharmaceutiques, ce signe, par son suffixe « sul » dépourvu de toute signification, n’a pas de signification comme un tout. Quant à la marque antérieure, contrairement aux allégations de la requérante, le Tribunal considère que le public pertinent ne percevra pas le terme « manasul », et notamment le terme « mana », comme une référence au concept et à l’idée d’une source et comme l’abréviation du mot « manantial » s’y référant. Il en découle que la marque antérieure est également dépourvue de signification. Le Tribunal conclut que, au vu de l’absence de signification claire des signes en conflit, la chambre de recours était en droit de conclure à l’impossibilité d’une comparaison conceptuelle entre ces signes. Ainsi, aucune différence conceptuelle ne peut être relevée entre les deux signes.

59      Il résulte de tout ce qui précède que les signes en conflit sont, tel que l’a établi la chambre de recours dans la décision attaquée, visuellement et phonétiquement similaires, et qu’une comparaison conceptuelle entre eux n’est pas possible.

 Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

60      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement n° 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts de la Cour SABEL, point 36 supra, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 18, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 36 supra, point 20).

61      L’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Il ne saurait être indiqué d’une façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance qu’a le public de la marque dans les milieux concernés, qu’une marque a un caractère distinctif élevé. Néanmoins, il y a lieu de reconnaître une certaine interdépendance entre la connaissance qu’a le public d’une marque et le caractère distinctif de celle-ci en ce sens que, plus la marque est connue du public ciblé, plus le caractère distinctif de cette marque est renforcé. Pour examiner si une marque jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [voir arrêt du Tribunal du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, Rec. p. II‑2211, points 34 et 35, et la jurisprudence qui y est citée].

62      En l’espèce, dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure avait « acquis un caractère distinctif élevé sur le marché espagnol pour des infusions et du thé, à travers son usage ou sa renommée », ce qui augmenterait le risque de confusion entre les signes en conflit (point 44 de la décision attaquée). À cet égard, elle se base sur les documents soumis par l’intervenante comme preuves de l’usage de la marque antérieure devant l’OHMI, notamment des extraits de pages de sites Internet, des études de marché en 2003 et un catalogue de produits commercialisés par l’intervenante (points 35 à 43 de la décision attaquée).

63      Ainsi, il ressortirait des extraits de pages de sites Internet que la marque antérieure est présente sur le marché espagnol des infusions et des thés au moins depuis 1982 (point 37 de la décision attaquée). L’étude de marché réalisée en 2003 démontrerait la connaissance importante de la marque antérieure en Espagne (point 40 de la décision attaquée). Par contre, le « Test sur l’image » réalisé ne serait pas représentatif de l’ensemble des consommateurs en Espagne (point 41 de la décision attaquée). La chambre de recours a indiqué que ces documents, datant de fin 2003, seraient suffisamment récents aux fins de l’évaluation de la renommée (point 42 de la décision attaquée). Le catalogue des produits commercialisés par l’intervenante, qui présente d’autres produits couverts par une marque ayant pour élément dominant le suffixe « sul », montrerait que la marque antérieure est la marque « la plus populaire ». Ce catalogue, même s’il n’est pas daté, analysé conjointement avec les autres preuves, attesterait de la renommée de la marque antérieure pour les « produits considérés » (point 43 de la décision attaquée).

64      La requérante conteste la « notoriété » de la marque antérieure, dont l’analyse serait inutile, en raison de l’absence de similitude entre les signes en conflit. À cet égard, la requérante allègue que le laboratoire de l’intervenante aurait été fermé à la suite de la révocation de l’autorisation de fabrication après une inspection. Elle se réfère à des documents concernant des faits, qu’elle soumet pour la première fois au Tribunal. Quant aux études de marché présentées par l’intervenante devant l’OHMI, celle relative à la marque antérieure ne démontrerait pas sa « notoriété », vu que seulement 21 personnes sur 1 000, donc 2,1 %, connaîtraient la marque antérieure. En outre, la requérante conteste la crédibilité de ces études. Enfin, le catalogue soumis devant l’OHMI ne comporterait pas de date permettant de prouver sa distribution, l’étendue et l’intensité de celle-ci, ni son importance sur le marché et ne saurait servir de preuve de l’usage de la marque antérieure.

65      L’OHMI soutient que la chambre de recours était en droit de conclure à un caractère distinctif élevé de la marque antérieure. Les documents produits par la requérante pour la première fois devant le Tribunal seraient irrecevables. Concernant l’étude de marché sur la marque antérieure, 10 % des 1 000 personnes interrogées, et non 2,1 % comme allégué par la requérante, connaîtraient la marque antérieure.

66      L’intervenante soutient également que la marque antérieure présente un caractère distinctif élevé. Les documents qu’elle a soumis dans la procédure devant l’OHMI prouveraient la renommée et le caractère distinctif élevé de la marque antérieure. En outre, l’intervenante avance de nouveaux faits, selon lesquels la requérante aurait une licence pour la marque antérieure. La commercialisation de la marque antérieure se ferait par des licenciés. À l’appui de ces nouvelles allégations devant le Tribunal, l’intervenante produit de nouveaux documents. L’intervenante invoque la « notoriété », la « reconnaissance » et la « réputation » de la marque antérieure et fait valoir que le caractère distinctif élevé qui en découlerait renforce la protection de celle-ci.

67      Le Tribunal estime approprié d’analyser les documents soumis par l’intervenante devant l’OHMI comme preuves d’usage et de l’acquisition d’un caractère distinctif de la marque antérieure par l’usage.

68      Concernant les extraits de pages de sites Internet prétendument en relation avec la marque antérieure, il y a tout d’abord lieu de noter que ces extraits datent du 28 décembre 2007, et qu’ils sont donc postérieurs à la date de dépôt de la demande de marque, le 19 décembre 2006. Or, le caractère distinctif élevé acquis par l’usage doit être établi à la date de dépôt de la demande de marque. Ainsi, ces extraits ne sont en principe pas pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure à la date dudit dépôt. Cela vaut pour les extraits du site www.pharmadus.com ainsi que pour ceux du site farmaciahispana.com. Concernant ce dernier, il y a également lieu de noter que la page en cause s’adresse à un public situé aux Etats-Unis, vu que les prix pour les produits, parmi lesquels des paquets de thé sur lesquels apparaît la marque antérieure, sont indiqués en dollars américains. Par ailleurs, si l’extrait du site Internet du bureau d’ingénieurs Ortiz Ingenieros indique l’existence d’un édifice, dont la construction a été finalisée en 1982 et dont le propriétaire est l’intervenante, il ne donne aucune information sur la marque antérieure ou sur son utilisation. Quant à l’extrait de la page du site Internet de l’Escuela Universitaria de Ingenería agrícola (INEA) concernant la visite d’étudiants à l’usine du « groupe Manasul » de l’intervenante, le 20 mai 2006, cette information apparaît sur la page du site Internet d’un tiers, à savoir une école universitaire, et se réfère à un évènement antérieur à la date de l’impression de cet extrait. Cet extrait est donc admissible et a valeur probante. Néanmoins, il n’en ressort aucune référence à la marque antérieure ou à son utilisation.

69      Concernant le catalogue soumis par l’intervenante, celui-ci n’est pas daté et ne contient aucune indication quant à sa distribution au public pertinent, ni aucune indication sur l’importance d’une distribution éventuelle. Or, il y a lieu de rappeler que la seule présentation de catalogues, sans indications, ni preuve, concernant leur distribution auprès du public ou l’importance de leur distribution éventuelle, n’est pas suffisante pour démontrer l’usage d’une marque [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, Vitakraft‑Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, Rec. p. II‑3445, point 34].

70      Quant aux études de marché réalisées en 2003 par l’entreprise LINK+Partner, il y a lieu de noter que celles-ci datent de septembre et de novembre 2003, alors que la demande de marque date du 19 décembre 2006, et qu’elles étaient donc de plus de trois ans antérieures à la demande de marque. Or, l’intervenante n’a présenté aucune preuve quant à la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour les promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits comme provenant de l’entreprise concernée grâce à la marque antérieure, ni aucune déclaration des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 61 ci-dessus. Il n’y a donc pas non plus de preuve de l’usage pour la période postérieure à la réalisation des études soumises par l’intervenante à l’appui de ses allégations concernant la marque antérieure. Il ne saurait être exclu a priori qu’une étude établie un certain temps avant ou après la date de dépôt de la demande de marque ou, le cas échéant, à la date de priorité invoquée à l’appui de cette demande, puisse contenir des indications utiles, même si sa valeur probante est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt ou la date de priorité de la demande de marque en cause (arrêt VITACOAT, point 61 supra, point 38). Le Tribunal considère que la durée de plus de trois ans entre l’élaboration des études de marché et la date de dépôt de la demande de marque est trop longue pour conférer une quelconque valeur probante à ces études. En effet, même à supposer qu’un caractère distinctif élevé avait été acquis par l’usage antérieurement à ces études de marché, des preuves du maintien de ce caractère distinctif ou, du moins, de l’usage de la marque antérieure, dans ce long laps de temps, à savoir entre 2003 et 2006, auraient été nécessaires pour conférer, en l’espèce, une valeur probante auxdites études. Il s’ensuit que ces études ne constituent pas des preuves d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage de la marque antérieure.

71      En outre et à titre surabondant, le Tribunal note que l’échantillon sur lequel l’étude sur l’image de la marque antérieure était basée était constitué de deux groupes de chacun trois femmes et qu’il n’était donc pas représentatif de l’ensemble du public pertinent, à savoir le grand public en Espagne. Quant à l’étude sur la marque antérieure, la représentativité de l’échantillon de 1 000 personnes interrogées par téléphone est également douteuse. En outre, le Tribunal relève qu’une connaissance de la marque antérieure par uniquement 10 % des personnes interrogées ne démontre pas un caractère distinctif élevé par l’usage de celle-ci.

72      Le Tribunal considère que les éléments de preuve soumis par l’intervenante devant l’OHMI à l’appui de son allégation d’un caractère distinctif élevé acquis par l’usage ne permettent pas d’établir le caractère distinctif élevé de la marque antérieure. Cela vaut tant pour chaque élément de preuve que pour tous les éléments de preuve pris ensemble (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié au Recueil, points 36 et 37).

73      Concernant les documents soumis par l’intervenante, en tant que preuves supplémentaires du caractère distinctif de la marque antérieure, pour la première fois devant le Tribunal, ils ne peuvent pas être pris en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence qui y est citée]. Il en va de même des allégations de l’intervenante relatives à l’existence des licences, qui sont soulevées pour la première fois devant le Tribunal et ce de manière incompréhensible.

74      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que l’intervenante n’a pas démontré que la marque antérieure avait acquis un caractère distinctif élevé, ni, par ailleurs et à plus forte raison, qu’elle était une marque renommée. Le Tribunal conclut, contrairement à la chambre de recours, que la marque antérieure n’a pas acquis un caractère distinctif élevé.

 Sur le risque de confusion

75      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt Canon, point 36 supra, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

76      Il convient de rappeler que, ainsi que l’a reconnu la jurisprudence, comme le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 36 supra, point 20, et la jurisprudence qui y est citée). À l’inverse, il en résulte que, lorsque le caractère distinctif d’une marque est faible, le risque de confusion est moins élevé et la marque antérieure jouit d’une protection plus restreinte que celles dont le caractère distinctif est plus élevé.

77      Aux fins de l’appréciation globale du risque de confusion, il y a lieu, tout d’abord, de rappeler que le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Cependant, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il en a gardée en mémoire. Il y a lieu, également, de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, point 36 supra, point 26).

78      Ensuite, il convient de relever que, dans le cadre de cette appréciation globale, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et il importe alors d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 57]. Ainsi, l’importance des éléments de similitude ou de différence entre les signes en conflit peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que ceux-ci désignent (arrêt el charcutero artesano, point 39 supra, point 79).

79      Dans la décision attaquée, la chambre de recours, au vu de l’identité ou de la similitude des produits couverts par les signes en conflit, des similitudes visuelles et phonétiques entre ceux-ci, de l’absence de possibilité de comparaison conceptuelle entre ceux-ci et du caractère distinctif élevé acquis par la renommée de la marque antérieure, a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit (point 51 de la décision attaquée). En particulier, la chambre de recours a conclu que les éléments verbaux primeraient sur les éléments figuratifs et seraient donc les éléments dominants desdits signes. Les signes seraient perçus et mémorisés par le public pertinent par leurs éléments verbaux. En outre, le suffixe « sul » de la marque demandée serait son élément dominant, son préfixe « farma » étant descriptif des produits désignés (point 34 de la décision attaquée).

80      La requérante allègue en substance qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les signes en conflit. Dans ce contexte, elle conteste la conclusion de la chambre de recours relative au faible caractère distinctif du terme « farma » qui serait descriptif, ainsi que la conclusion relative au caractère distinctif élevé du suffixe « sul ». Selon la requérante, ce suffixe n’a qu’un faible caractère distinctif, puisqu’il est d’usage courant. À cet égard, elle allègue l’existence de marques contenant le suffixe « sul ».

81      L’OHMI estime qu’il existe un risque de confusion entre les signes en conflit, les produits couverts par lesdits signes étant identiques ou très similaires, les signes étant similaires visuellement et phonétiquement et la marque antérieure ayant acquis un caractère distinctif élevé en Espagne. Le suffixe « sul » serait l’élément dominant et distinctif de la marque demandée. Concernant le caractère distinctif du suffixe « sul », l’OHMI fait valoir que la requérante n’aurait pas établi l’utilisation généralisée de marques contenant ce suffixe sur le marché pertinent, à savoir en Espagne. L’intervenante allègue également l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit.

82      Le Tribunal constate, tel qu’il a été établi précédemment, aux points 35 à 59 ci-dessus, que les signes en conflit sont similaires, tant visuellement que phonétiquement. En outre, les produits désignés par lesdits signes sont en partie identiques et en partie similaires (voir point 30 ci-dessus).

83      Le Tribunal considère que le terme « farma » au début de la marque demandée, évoquant la pharmacie et les produits pharmaceutiques, peut être perçu comme étant descriptif des produits visés par ce signe. En effet, les produits visés, notamment les thés médicinaux relevant de la classe 5, les infusions relevant de la classe 30 et les produits relevant de la classe 31, peuvent être perçus comme des produits pour la santé et pharmaceutiques. En général, le public ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme étant l’élément distinctif et dominant dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 27 novembre 2007, Gateway/OHMI – Fujitsu Siemens Computers (ACTIVY Media Gateway), T‑434/05, non publié au Recueil, point 47]. Il en résulte que ce n’est pas le terme « farma », mais le suffixe « sul », non descriptif et distinctif, qui domine l’élément verbal de la marque demandée, qui, à son tour, domine la marque demandée.

84      L’allégation de la requérante avancée déjà devant l’OHMI, selon laquelle le suffixe « sul » serait d’usage commun sur le marché n’est pas étayée à suffisance. À cet égard, il y a lieu de noter que la référence de la requérante à des « copies de pages web » n’est aucunement précisée. En effet, il ressort du dossier administratif devant l’OHMI que ces extraits de pages de sites Internet ont été soumis comme « Annexe 2 » à la réponse de la requérante à l’opposition de l’intervenante devant l’OHMI. Or, ces extraits ne permettent pas de déterminer l’existence de marques antérieures. En effet, il ne ressort pas de ces documents, que les mots y figurant et contenant le suffixe « sul », sont enregistrés et protégés en tant que marques. En outre, ces extraits ne permettent pas de déterminer sur quel marché des produits visés par ces termes sont offerts ou présents. En particulier, il ne ressort pas desdits documents que les signes y figurant sont effectivement présents sur le marché de l’Union européenne. Dès lors, le Tribunal estime que l’usage commun du suffixe « sul » n’est pas démontré.

85      Il y a donc lieu de comparer les signes en conflit, tout en tenant compte du fait que l’élément dominant de la marque demandée est le suffixe « sul » de son élément verbal. Au vu du caractère moins distinctif du préfixe « farma » de la marque demandée, son suffixe « sul » a un caractère distinctif plus élevé. Or, les signes en conflit coïncident quant à cette terminaison.

86      Concernant l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, il faut également prendre en compte le public pertinent, qui, comme il a été établi auparavant aux points 27 et 28 ci-dessus, est constitué du grand public en Espagne, d’un degré d’attention moyen, au vu des produits en cause. En effet, les produits concernés sont de produits de consommation courante, tels que notamment des thés, des infusions, et d’autres produits alimentaires. Cette appréciation vaut également pour les thés médicinaux et les produits diététiques relevant de la classe 5, étant donné que ceux-ci sont également adressés au consommateur moyen.

87      Par conséquent, malgré l’absence d’un caractère distinctif acquis par l’usage de la marque antérieure, le Tribunal conclut que, au vu des similitudes importantes entre les signes en conflit et de l’identité ou de la similitude entre les produits désignés par ceux-ci, la chambre de recours était en droit de conclure à l’existence d’un risque de confusion entre eux.

88      Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Biodes, SL, est condamnée aux dépens.

Azizi

Kancheva

Buttigieg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mars 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.