Language of document : ECLI:EU:T:2020:326

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

8 juillet 2020 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Exercice de promotion 2018 – Décision de non-promotion – Article 45 du statut – Obligation de motivation – Examen comparatif des mérites »

Dans l’affaire T‑605/19,

EP, représenté par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Lilamand et L. Vernier, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 13 novembre 2018 de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 9 au titre de l’exercice de promotion 2018,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius et L. Truchot (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige 

1        Le requérant, EP, est entré au service de la Commission européenne le 1er octobre 2008.

2        Depuis le 1er novembre 2012, le requérant est membre du comité central du personnel de la Commission (ci-après le « CCP »). Depuis le 1er janvier 2016, il est classé au grade AD 8.

3        L’exercice de promotion 2018, couvrant la période du 1er janvier au 31 décembre 2017, a été lancé le 3 avril 2018.

4        Aux fins de l’exercice de promotion en cause, les représentants du personnel, au nombre desquels se trouve le requérant, ont été considérés comme appartenant à une seule direction générale, en application du point 1 de l’annexe III de la décision C(2013) 8968 final de la Commission, du 16 décembre 2013, portant dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après les « DGE de l’article 45 du statut »). Conformément à cette disposition, laquelle renvoie au point 5.3 de l’annexe I de la décision C(2013) 8985 final de la Commission, du 16 décembre 2013, relative aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut et aux modalités d’application de l’article 44, premier alinéa, du statut, le directeur général de cette direction générale est le président d’un groupe ad hoc composé de seize membres, dont cinq désignés par le CCP et onze par les organisations syndicales représentatives.

5        Le 22 juin 2018, le requérant a pris connaissance de la liste des noms des fonctionnaires que le directeur général de sa direction générale d’affectation avait proposés à la promotion pour l’exercice 2018, en application de l’article 5, paragraphe 6, des DGE de l’article 45 du statut. Le nom du requérant n’y figurait pas. Celui-ci a contesté cet état de fait auprès du comité paritaire de promotion (ci-après le « CPP »), sur le fondement de l’article 5, paragraphe 7, des DGE de l’article 45 du statut.

6        Par avis du 3 octobre 2018, le CPP a recommandé à l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de promouvoir le requérant.

7        Le 13 novembre 2018, a été publiée la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice 2018 aux Informations administratives no 34-2018. Le nom du requérant n’y figurait pas (ci-après la « décision attaquée »).

8        Le 5 février 2019, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre la décision attaquée. Cette réclamation a été rejetée par l’AIPN par une décision du 29 mai 2019, notifiée au requérant le 3 juin 2019 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 septembre 2019, le requérant a introduit le présent recours.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 9 septembre 2019, en application de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat. Par décision du 21 octobre 2019, le Tribunal (septième chambre) a fait droit à cette demande.

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

13      Dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, une demande d’audience a été présentée, sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

14      Par courriers du 23 avril 2020, le Tribunal a invité les parties à indiquer si elles souhaitaient être entendues en leurs observations lors d’une audience de plaidoiries en dépit de la crise sanitaire.

15      Par courriers des 6 et 7 mai 2020, les parties ont renoncé à demander la tenue d’une audience.

16      Dans ces conditions, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, décidé de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

17      Le requérant soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une insuffisance de motivation de la décision de rejet de la réclamation, le deuxième, d’une violation de l’article 45 du statut et, le troisième, d’une discrimination fondée sur sa qualité de représentant du personnel.

18      Concernant le premier moyen, le requérant soutient que l’AIPN n’a pas motivé de manière suffisante la décision de ne pas le promouvoir malgré la recommandation contraire du CPP. Cette autorité se serait bornée à mentionner ladite recommandation, sans prendre explicitement position sur son bien-fondé.

19      L’AIPN se serait limitée à affirmer que l’ancienneté du requérant dans le grade AD 8 était très réduite et, en tout état de cause, inférieure à celle des autres fonctionnaires proposés à la promotion par le CPP. Or, le critère de l’ancienneté dans le grade ne serait qu’un critère subsidiaire qui ne pourrait être pris en compte qu’en cas d’égalité de mérites.

20      En outre, selon le requérant, pour contrôler la pertinence et le bien-fondé de la prise en compte de son ancienneté dans le grade, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites que l’AIPN aurait prétendument effectué, celle-ci aurait dû lui indiquer le nombre de fonctionnaires proposés par les directions générales qui auraient été promus avec une ancienneté dans le grade inférieure à la sienne.

21      Par ailleurs, le requérant fait observer que l’AIPN a considéré que les mérites de trois fonctionnaires promus étaient supérieurs aux siens, mais n’a pas tenu compte du fait que le CPP, qui avait connaissance du contenu de ses rapports de notation, avait conclu que ses mérites justifiaient une promotion. Dès lors, en se bornant à faire mention, dans la décision de rejet de la réclamation, d’extraits des rapports de notation de ces trois fonctionnaires, sur les 481 fonctionnaires promus, l’AIPN n’aurait pas motivé de manière suffisante la décision attaquée.

22      Le requérant expose que, dans ces conditions, il n’est pas en mesure d’apprécier le bien-fondé de cette décision, ni le Tribunal de vérifier qu’elle est exempte d’erreur manifeste d’appréciation, alors que de tels extraits de rapports de notation seraient rédigés dans des termes comparables à ceux utilisés dans les rapports le concernant.

23      Le requérant ajoute que, à défaut de motivation suffisante et en l’absence d’examen comparatif effectif de ses mérites, il est permis de conclure que la décision attaquée n’a été adoptée qu’en raison de ses fonctions de représentant du personnel.

24      La Commission conclut au rejet du moyen.

25      La Commission fait valoir que l’AIPN n’a eu recours au critère de l’ancienneté dans le grade qu’à titre subsidiaire, pour départager des fonctionnaires à égalité de mérites, et non à titre principal.

26      La Commission précise, ensuite, que le requérant, malgré l’avis favorable du CPP, n’a pas été promu, contrairement aux fonctionnaires à égalité de mérites avec lui, car il ne possédait que deux ans d’ancienneté dans le grade AD 8 au 1er janvier 2018, soit l’ancienneté minimale pour prétendre à la promotion. Elle ajoute que d’autres fonctionnaires de grade AD 8, disposant de la même ancienneté dans le grade que le requérant, mais dont les mérites ont été jugés supérieurs, ont été promus. Elle expose que les fonctionnaires recommandés à la promotion après avoir saisi le CPP étaient tous à égalité de mérites.

27      Enfin, la Commission fait valoir que, à supposer que la décision de rejet de la réclamation n’ait pas été suffisamment motivée, les précisions apportées dans le mémoire en défense sont de nature à remédier à une telle prétendue insuffisance, dès lors que ladite décision comporterait bien un début de motivation.

28      L’article 25, deuxième alinéa, du statut dispose ce qui suit :

« Toute décision individuelle prise en application du statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé. Toute décision faisant grief doit être motivée. »

29      L’obligation de motivation prescrite par cette disposition, qui reprend l’obligation générale édictée à l’article 296, second alinéa, TFUE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêt du 9 juillet 2019, VY/Commission, T‑253/18, non publié, EU:T:2019:488, point 48 et jurisprudence citée).

30      Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié en fonction des circonstances concrètes de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 9 juillet 2019, VY/Commission, T‑253/18, non publié, EU:T:2019:488, point 49 et jurisprudence citée).

31      En outre, l’institution concernée n’est pas tenue de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elle, et il lui suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C‑404/04 P, non publié, EU:C:2007:6, point 30). La motivation doit être logique, ne présentant notamment pas de contradiction interne (voir arrêt du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, EU:C:2008:392, point 169 et jurisprudence citée).

32      Il est par ailleurs de jurisprudence constante que si l’AIPN n’est tenue de motiver une décision de promotion ni à l’égard de son destinataire ni à l’égard des candidats non promus, elle a, en revanche, l’obligation de motiver sa décision portant rejet d’une réclamation introduite en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut par un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêts du 30 octobre 1974, Grassi/Conseil, 188/73, EU:C:1974:112, points 11 à 13 ; du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, EU:C:1990:49, point 13, et du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 37).

33      Selon une jurisprudence également constante, une motivation générale et stéréotypée, et qui ne comporte aucun élément d’information spécifique au cas de l’intéressé, équivaut, en réalité, à une absence totale de motivation (voir arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 34 et jurisprudence citée).

34      Par ailleurs, le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié au regard des éléments essentiels de l’argumentaire auquel l’institution répond (voir arrêt du 18 mai 2015, Pohjanmäki/Conseil, F‑44/14, EU:F:2015:46, point 80 et jurisprudence citée).

35      En outre, l’AIPN n’est pas tenue de révéler au fonctionnaire non promu l’appréciation comparative qu’elle a portée sur ses mérites et sur ceux des fonctionnaires retenus pour la promotion, ni d’exposer en détail la façon dont elle a estimé que les candidats promus méritaient la promotion. Il suffit que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN indique au fonctionnaire concerné le motif individuel et pertinent justifiant la décision de ne pas le promouvoir (voir arrêt du 23 novembre 2017, PF/Commission, T‑617/16, non publié, EU:T:2017:829, point 35 et jurisprudence citée).

36      Les promotions se faisant au choix, conformément à l’article 45 du statut, il suffit donc que la motivation du rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire (voir arrêt du 26 octobre 2017, Paraskevaidis/Cedefop, T‑601/16, EU:T:2017:757, point 39 et jurisprudence citée).

37      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 45, paragraphe 1, du statut dispose ce qui suit :

« La promotion […] se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f) et le niveau des responsabilités exercées. »

38      C’est à la lumière des dispositions précitées de l’article 25, deuxième alinéa, et de l’article 45, paragraphe 1, du statut, ainsi que de la jurisprudence précédemment rappelée, qu’il convient de déterminer si la motivation de la décision portant rejet de la réclamation peut être considérée comme suffisante.

39      Dans sa réclamation, le requérant a fait valoir que, compte tenu de la recommandation du CPP de le promouvoir, de l’excellence de ses rapports de notation et de ses fonctions de représentant du personnel, l’AIPN avait l’obligation de lui exposer les raisons de sa décision de ne pas le promouvoir en précisant les arguments concrets qui justifieraient qu’il soit considéré comme moins méritant pour être proposé à la promotion, ainsi que l’avait recommandé le CPP, que les fonctionnaires retenus.

40      Le requérant a également indiqué, dans sa réclamation, que l’AIPN n’avait pas procédé à un examen comparatif des mérites de l’ensemble des fonctionnaires promouvables. Il a précisé avoir été informé que son nom n’avait pas été inscrit sur la liste des fonctionnaires promus, nonobstant la recommandation contraire du CPP, aux motifs que sa direction générale n’avait pas bénéficié de quotas de promotion et qu’il n’avait que deux ans d’ancienneté dans le grade. S’agissant de l’absence de quotas de promotion, le requérant a fait valoir qu’il existait des quotas additionnels de promotion. Pour ce qui concerne le motif lié à son ancienneté dans le grade, le requérant a souligné que l’AIPN n’avait pas donné suite à la demande des membres du CPP désignés par le comité du personnel d’effectuer un examen comparatif des mérites de l’ensemble des fonctionnaires ayant deux ans d’ancienneté dans le grade. Dans ces conditions, en l’absence d’un tel examen et alors que des fonctionnaires ayant la même ancienneté dans le grade que le requérant avaient été promus, le CCP aurait conclu à un acte de discrimination.

41      Le requérant a conclu, dans sa réclamation, à la violation de l’article 45 du statut et des principes de vocation à la carrière, d’égalité de traitement et de non-discrimination, ainsi qu’à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation.

42      Dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN a d’abord indiqué que, après avoir examiné et comparé les mérites des fonctionnaires de grade AD 8 promouvables au titre de l’exercice de promotion 2018, l’AIPN compétente n’avait pas proposé la promotion du requérant. Elle a rappelé que le CPP avait recommandé de promouvoir le requérant, mais que la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice concerné ne comportait pas le nom de celui-ci.

43      Dans la deuxième partie de la décision de rejet de la réclamation, intitulée « En droit », l’AIPN a rappelé, dans une sous-partie intitulée « Dispositions applicables », les dispositions de droit applicables, notamment l’article 45, paragraphe 1, du statut et l’article 4 des dispositions générales d’exécution de cet article. Ensuite, dans la sous-partie intitulée « Analyse », l’AIPN, après avoir rappelé les arguments du requérant exposés dans sa réclamation, a procédé à leur examen.

44      L’AIPN a indiqué que le requérant avait soutenu que la décision de ne pas le promouvoir n’était pas motivée, que l’absence de quotas de promotion ne constituait pas une raison sérieuse de ne pas le promouvoir et qu’il avait fait l’objet d’une discrimination. L’AIPN a ajouté que le requérant contestait la réalité de l’examen comparatif des mérites.

45      L’AIPN a souligné, dans un premier temps, que la circonstance que la direction générale des ressources humaines n’avait pas accordé de quotas de promotion à la direction générale d’affectation du requérant n’était pas constitutive d’un acte faisant grief et que ladite direction générale n’avait pas utilisé la possibilité qui lui était ouverte, ainsi qu’à toute entité qui ne dispose pas de quotas de promotion, de former une demande exceptionnelle auprès du CPP. L’AIPN a estimé par ailleurs que les allégations du requérant relatives au grief tiré de l’absence de quotas ne suffisaient pas à démontrer le détournement de pouvoir dont il semblait soutenir que la décision de ne pas le promouvoir était entachée en exprimant dans sa réclamation un doute quant à l’impartialité de l’AIPN dans le respect de l’égalité de traitement entre les partenaires sociaux et les collègues des autres services.

46      L’AIPN a répondu, dans un second temps, au grief tiré de la contestation de la réalité de l’examen comparatif des mérites. Elle a d’abord affirmé que la comparaison des mérites avait effectivement été réalisée sur la base des critères de l’article 45, paragraphe 1, du statut et rappelé le nombre de fonctionnaires promouvables dans le grade du requérant au titre de l’année 2018, le nombre de fonctionnaires promus, le nombre de fonctionnaires qui avaient été proposés à la promotion par le CPP et, parmi ceux-ci, le nombre de fonctionnaires que l’AIPN avait retenus. Parmi ces derniers, l’AIPN a constaté que l’ancienneté la plus élevée était de 4,414 ans et la plus réduite de 3,081 ans. Elle a indiqué que l’ancienneté du requérant était de 2,997 ans.

47      L’AIPN a ensuite divisé sa réponse en trois chapitres, le premier sous la lettre « A », intitulé « Sur la comparaison des mérites », le deuxième, sous la lettre « B », intitulé « Sur l’utilisation des langues dans l’exercice des fonctions » et, le troisième, sous la lettre « C », intitulé « Sur le niveau des responsabilités exercées ».

48      Dans le chapitre relatif à la « comparaison des mérites », l’AIPN a repris des extraits du rapport d’évaluation du requérant pour 2017 relatifs à l’efficacité, aux compétences et à la conduite de celui-ci dans le service. Puis, elle a précisé qu’elle n’était pas tenue de révéler à un fonctionnaire non promu l’appréciation comparative portée sur lui et sur les fonctionnaires retenus pour la promotion, mais, invoquant un « souci de sollicitude », a cité les extraits de rapports d’évaluation concernant les mérites de trois fonctionnaires promus au grade AD 9, désignés de manière anonyme sous les lettres A, B et C, afin d’illustrer, selon elle, le niveau de leurs mérites respectifs.

49      Sous le chapitre relatif à l’« utilisation des langues dans l’exercice des fonctions », l’AIPN a cité un extrait du rapport d’évaluation du requérant pour l’année 2017 relatif à ce critère, puis des extraits des rapports d’évaluation pour l’année 2017 des fonctionnaires A, B et C, relatifs au même critère.

50      Sous le chapitre relatif au « niveau des responsabilités exercées », l’AIPN a notamment rappelé qu’elle disposait d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’importance respective qu’elle accordait à chacun des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut, puis mentionné un extrait du rapport d’évaluation pour l’année 2017 du requérant concernant l’appréciation du critère relatif au niveau des responsabilités exercées. Elle a ensuite indiqué que les fonctionnaires A, B et C avaient assumé des charges d’un haut niveau de technicité, soumises en outre à des contraintes de temps, et étendues, avant de reprendre quelques phrases extraites des rapports d’évaluation pour l’année 2017 des trois mêmes fonctionnaires, relatifs au critère concerné.

51      L’AIPN a conclu l’ensemble des développements qui précèdent en indiquant qu’aucune erreur manifeste ne pouvait être décelée dans la comparaison des mérites du requérant, dont l’ancienneté dans le grade était par ailleurs très réduite, avec ceux des fonctionnaires promus lors de l’exercice de promotion 2018 et a rejeté le grief tiré de l’absence de comparaison des mérites. Elle a ajouté que la décision de ne pas promouvoir le requérant au grade AD 9 au titre de l’exercice de promotion 2018 avait été adoptée conformément aux règles en vigueur et a rejeté la réclamation.

52      Il y a lieu d’examiner si l’ensemble de ces éléments constituent une motivation suffisante de la décision prise par l’AIPN de ne pas promouvoir le requérant.

53      En premier lieu, il convient de rappeler que, en application de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, la motivation d’une décision de non-promotion doit être appréciée en fonction des éléments essentiels de l’argumentaire exposé dans la réclamation. En l’espèce, le requérant avait fait valoir, dans sa réclamation, que, compte tenu de la recommandation du CPP de le promouvoir, l’AIPN avait l’obligation de lui exposer les motifs de sa décision de ne pas suivre cette recommandation en précisant les arguments qui avaient justifié qu’il soit considéré comme moins méritant, aux fins de la promotion, que les fonctionnaires retenus. Or, si l’AIPN a rappelé la recommandation du CPP de promouvoir le requérant dans la première partie de la décision de rejet de la réclamation, consacrée à la présentation des faits, elle n’a pas exposé les raisons pour lesquelles elle avait décidé de ne pas suivre cette recommandation.

54      Il ressort, en outre, de la décision de rejet de la réclamation que, en répondant au grief du requérant tiré de l’absence d’examen comparatif des mérites, l’AIPN s’est bornée, dans les chapitres A, B et C de son analyse, consacrés respectivement à la comparaison des mérites, à l’utilisation des langues dans l’exercice des fonctions et au niveau des responsabilités exercées, à reprendre des parties du rapport d’évaluation du requérant établi pour l’année 2017 sans préciser les éléments de ces parties qu’elle aurait retenus pour ne pas le promouvoir.

55      L’AIPN n’a donc pas exposé, même de manière sommaire, les raisons pour lesquelles elle estimait que les mérites du requérant ne justifiaient pas sa promotion au regard des trois critères prévus à l’article 45, paragraphe 1, du statut aux fins de l’examen comparatif des mérites.

56      Il convient d’observer que l’AIPN a cité, dans ces mêmes chapitres, des extraits de rapports d’évaluation de trois fonctionnaires promus. Ces extraits, qu’elle n’avait pas l’obligation de mentionner pour satisfaire à son obligation de motivation, conformément à la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, ne permettent pas de comprendre en quoi les éléments exposés dans la réponse à la réclamation du requérant ont été pris en compte dans l’application à sa situation desdits critères. Après avoir procédé à ces citations, l’AIPN s’est en effet limitée à conclure qu’aucune erreur manifeste d’appréciation n’avait pu être décelée, « à la lumière de ce qui précède », sans préciser les éléments qui avaient pu la conduire à cette appréciation.

57      L’AIPN a précisé, dans le chapitre C, concernant le niveau des responsabilités exercées, que les fonctionnaires A, B et C, qu’elle avait précédemment cités, avaient « assumé des charges d’un haut niveau de technicité, soumises en outre à des contraintes de temps, et étendues », formulant ainsi une appréciation sur les mérites desdits fonctionnaires sans déduire de cette appréciation une quelconque conclusion quant au niveau des responsabilités exercées par le requérant qui auraient été de nature à justifier la décision de ne pas le promouvoir.

58      L’AIPN s’étant bornée à citer des extraits de rapports d’évaluation du requérant et de trois autres fonctionnaires, sans faire état d’éléments rendant compte de l’appréciation qu’elle avait portée sur la situation individuelle du requérant au regard des conditions statutaires de promotion, la décision attaquée n’a pas permis au requérant d’être informé du raisonnement suivi, sur le fondement des éléments contenus dans les extraits de ces rapports d’évaluation, par l’AIPN, aux fins d’apprécier le bien-fondé de ladite décision.

59      La Commission ne saurait valablement soutenir que les précisions qu’elle a apportées en cours d’instance seraient de nature à remédier à cette insuffisance de motivation quant à l’application au requérant des critères prévus à l’article 45 du statut aux fins de l’examen comparatif des mérites.

60      Certes, il résulte d’une jurisprudence constante que, pour autant qu’un début de motivation ait été fourni par l’AIPN, des précisions complémentaires peuvent être apportées en cours d’instance (voir arrêt du 18 mai 2015, Pohjanmäki/Conseil, F‑44/14, EU:F:2015:46, point 83 et jurisprudence citée). Toutefois, la décision de rejet de la réclamation ne constitue pas, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée aux points 30 et 32 ci-dessus, un début de motivation quant à l’application au cas du requérant des trois critères d’évaluation prévus à l’article 45 du statut aux fins de l’examen comparatif des mérites, dès lors qu’il n’est pas de nature à permettre à ce dernier de comprendre les raisons qui ont justifié de ne pas le promouvoir, en l’absence d’éléments d’information spécifiques quant à l’application de ces trois critères à sa situation personnelle (voir, en ce sens, arrêt du 20 février 2002, Roman Parra/Commission, T‑117/01, EU:T:2002:35, points 29 à 32).

61      En second lieu, concernant le critère de l’ancienneté dans le grade, dont l’application au cas du requérant avait été contestée par celui-ci dans sa réclamation, il convient d’observer que, selon la jurisprudence, l’appréciation des mérites des fonctionnaires promouvables constitue le critère déterminant de toute promotion, tandis que ce n’est qu’à titre subsidiaire que l’AIPN peut prendre en considération l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service. En cas d’égalité de mérites des fonctionnaires promouvables, ces critères supplémentaires peuvent même constituer un facteur décisif dans le choix de l’AIPN (voir arrêt du 23 janvier 2007, Tsarnavas/Commission, T‑472/04, EU:T:2007:14, point 67 et jurisprudence citée).

62      Dans la décision de rejet de la réclamation, l’AIPN, après avoir constaté que l’ancienneté du requérant dans le grade AD 8 était de 2,997 années, s’est bornée à estimer, ainsi qu’il ressort du point 51 ci-dessus, que cette ancienneté était « par ailleurs très réduite », sans préciser quelle place occupait ce critère dans l’appréciation qu’elle avait portée sur les mérites du requérant, l’emploi de la locution « par ailleurs » suggérant simplement qu’un tel critère avait pu être appliqué de manière accessoire et surabondante.

63      Dans la mesure où les éléments figurant dans la décision de rejet de la réclamation concernant l’application à la situation individuelle du requérant du critère de l’ancienneté dans le grade constituent, sur ce point, un début de motivation, même sommaire, il convient de tenir compte, en vertu de la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus, des éléments complémentaires exposés par la Commission dans le mémoire en défense.

64      La Commission a ainsi expliqué, dans ce mémoire, que le critère de l’ancienneté dans le grade avait été utilisé à titre subsidiaire, à la suite de la constatation de l’existence d’une égalité de mérites. Elle a précisé que le requérant n’avait pas été promu par rapport aux fonctionnaires promouvables à égalité de mérites avec lui, malgré la recommandation du CPP de le promouvoir, en raison du fait que ce dernier ne disposait, au 1er janvier 2018, que de l’ancienneté minimale requise de deux ans dans le grade AD 8 pour pouvoir être promu. La Commission a ajouté que l’ancienneté dans le grade du requérant indiquée dans la décision de rejet de la réclamation de 2,997 années correspondait au calcul de l’ancienneté du requérant au 31 décembre 2018.

65      Il résulte de ce complément de motivation que l’ancienneté dans le grade a constitué le critère décisif du choix de l’AIPN de ne pas promouvoir le requérant.

66      L’AIPN, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus, peut, certes, à titre subsidiaire, en cas d’égalité de mérites entre les fonctionnaires promouvables à l’aune des trois critères visés expressément à l’article 45, paragraphe 1, du statut, prendre d’autres éléments en considération, tels que l’âge des fonctionnaires et leur ancienneté dans le grade ou le service, auquel cas de tels critères peuvent, ainsi que la Commission le fait valoir à bon droit, constituer un facteur décisif dans son choix (voir arrêt du 8 novembre 2018, RA/Cour des comptes, T‑874/16, non publié, EU:T:2018:757, point 40 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu’il ressort des points 53 à 58 ci-dessus, la motivation de la décision de rejet de la réclamation ne permet pas de conclure que l’AIPN aurait démontré, dans son appréciation comparative des mérites des fonctionnaires promouvables au regard des trois critères visés à l’article 45, paragraphe 1, du statut, que le requérant était à égalité de mérites avec ces mêmes fonctionnaires, en l’absence de tout élément d’appréciation de la situation individuelle du requérant. Dans ces conditions, le complément de motivation, rappelé au point 64 ci-dessus, ne permet pas au requérant de comprendre le raisonnement tenu par l’AIPN concernant l’application à sa situation individuelle du critère de l’ancienneté dans le grade ni, dès lors, les raisons pour lesquelles l’AIPN a décidé de ne pas le promouvoir.

67      Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que l’AIPN n’a pas exposé, de manière suffisamment claire et précise, les motifs individuels et pertinents pris en application des dispositions applicables qu’elle avait retenus pour justifier de ne pas promouvoir le requérant, de sorte que le requérant est fondé à soutenir que l’AIPN n’a pas satisfait à son obligation de motivation de sa décision de ne pas le promouvoir malgré l’avis contraire du CPP.

68      En conséquence, le premier moyen doit être accueilli.

69      Le premier moyen étant de nature à fonder l’annulation de la décision attaquée, le recours doit être accueilli, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les deux autres moyens.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 13 novembre 2018 de ne pas promouvoir EP au grade AD 9 au titre de l’exercice de promotion 2018 est annulée.

2)      La Commission est condamnée aux dépens.

da Silva Passos

Valančius

Truchot

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juillet 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.