Language of document : ECLI:EU:T:2013:574

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 novembre 2013 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative X – Marque communautaire figurative antérieure X – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Similitude des signes – Caractère distinctif de la marque antérieure – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑378/12,

Capitalizaciones Mercantiles Ltda, établie à Bogota (Colombie), représentée par Mes J. Devaureix et L. Montoya Terán, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant le chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Leineweber GmbH & Co. KG, établie à Herford (Allemagne), représentée par Mes S. Jackermeier et D. Wiedemann, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI, du 15 mai 2012 (affaire R 1524/2011-1), relative à une procédure d’opposition entre Leineweber GmbH & Co. KG et Capitalizaciones Mercantiles Ltda,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, F. Dehousse et J. Schwarcz (rapporteur), juges,

greffier : Mme T. Weiler, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 14 août 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 5 mars 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 mars 2013,

à la suite de l’audience du 11 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 décembre 2008, la requérante, Capitalizaciones Mercantiles Ltda, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vêtements, chaussures et chapellerie ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 35/2009, du 14 septembre 2009.

5        Le 14 décembre 2009, l’intervenante, Leineweber GmbH & Co. KG, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, pour tous les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire figurative suivante, enregistrée le 27 juin 2008, sous le numéro 4 736 609, désignant des produits de la classe 25 correspondant à la description suivante : « Vêtements, en particulier pantalons pour dames et hommes, vêtements de sport, ceintures, chapellerie » :

Image not found

7        L’opposition était fondée sur tous les produits couverts par la marque antérieure.

8        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

9        Par décision du 25 mai 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition. Elle a considéré que les produits étaient partiellement identiques et partiellement similaires, et que les signes en conflit étaient similaires jusqu’à un certain point, mais a toutefois estimé que, puisque la marque antérieure était composée d’une lettre, la protection accordée à un tel signe était limitée à sa représentation graphique. Au vu des différences de graphisme des signes en conflit, la division d’opposition a exclu tout risque de confusion.

10      Le 25 juillet 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 15 mai 2012, la première chambre de recours de l’OHMI a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande de marque communautaire présentée par la requérante (ci-après la « décision attaquée »).

12      Dans l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, la chambre de recours a considéré, premièrement, que le public pertinent était le consommateur moyen de l’Union européenne, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Deuxièmement, la chambre de recours a repris la conclusion de la division d’opposition quant à l’identité ou à la similitude des produits couverts par les signes en conflit. Troisièmement, la chambre de recours a relevé que les signes en conflit étaient indubitablement perçus comme une représentation de la lettre « x », malgré des graphismes différents qui n’excluaient pas des similitudes. Elle a considéré que les signes en conflit étaient visuellement similaires. Dès lors, la même conclusion s’imposait sur le plan phonétique. Quant au plan conceptuel, la chambre de recours était d’avis qu’aucun des signes n’avait de signification dans une langue de l’Union, mais que, la lettre « x » étant utilisée en mathématiques et dans l’argot de l’internet, les signes en conflit présentaient une certaine similitude conceptuelle.

13      S’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, la chambre de recours a rejeté la conclusion de la division d’opposition quant à la protection de la seule représentation graphique des marques constituées d’une lettre. Selon elle, le règlement n° 207/2009 a expressément inclus les signes composés d’une seule lettre dans la liste des signes pouvant constituer une marque communautaire et ne prévoit pas de règle spécifique pour de tels signes. Dès lors, l’appréciation du risque de confusion suivrait les mêmes règles que celles applicables à tout autre signe. La chambre de recours a conclu sur ce point que, la marque antérieure n’ayant aucune signification au regard des produits en cause, elle devait être considérée comme moyennement distinctive.

14      Dans l’appréciation globale du risque de confusion, la chambre de recours a relevé la circonstance que, dans le secteur de l’habillement, une même marque pouvait se présenter de différentes façons selon le type de produit qu’elle désigne et qu’il était d’usage qu’un même producteur utilise plusieurs sous-marques dérivant d’une marque principale, et elle a répondu aux arguments de la requérante, tirés de la coexistence sur le marché et de l’existence de nombreuses marques communautaires composées représentées par la lettre « x ». La chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit et a accueilli le recours.

15      Quant à l’argument tiré de la coexistence pacifique de marques composées de la lettre « x », la chambre de recours a relevé qu’il n’était pas démontré de quelle manière le consommateur avait été mis en présence de ces marques sur le marché et pour quels produits ou services, l’absence de risque de confusion n’étant pas non plus démontrée.

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 août 2012, la requérante a introduit le présent recours. L’OHMI et l’intervenante ont déposé leurs mémoires en réponse au greffe du Tribunal, respectivement, les 5 et 11 mars 2013.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        confirmer la décision de la division d’opposition du 25 mai 2011, par laquelle l’enregistrement de son signe figuratif a été accepté pour des produits relevant de la classe 25 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

18      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

19      La demande présentée par l’intervenante de modification de la langue de procédure a été rejetée par une décision du président de la deuxième chambre du Tribunal du 7 novembre 2012.

20      La requérante a demandé, en application de l’article 135 bis du règlement de procédure, à être entendue lors d’une audience et que le Tribunal statue à l’issue de la procédure orale. Le Tribunal a fait droit à cette demande.

 En droit

21      À l’encontre de la décision attaquée, la requérante soulève deux moyens. Le premier est tiré de l’inapplicabilité des dispositions de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Le second est tiré de la coexistence pacifique des marques composées uniquement de la lettre « x ».

22      À l’audience, la requérante a soulevé un moyen nouveau, tiré d’un abus de droit prétendument commis par l’intervenante, en présentant, dans la procédure administrative dans la présente espèce, une argumentation totalement contraire à celle qu’elle aurait tenue dans une autre procédure d’opposition devant l’OHMI.

 Sur l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

23      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, « en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ».

24      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, point 17). Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 et 31, et la jurisprudence citée].

25      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêt de la Cour du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, point 48, et arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, point 24 supra, point 32).

26      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p.  II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

27      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

28      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a rejeté la demande de marque communautaire présentée par la requérante au motif qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur le public pertinent

29      La requérante ne conteste pas la définition du public pertinent, retenue par la chambre de recours dans la décision attaquée, selon laquelle ce public est composé de consommateurs moyens de l’Union, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés. Néanmoins, elle fait valoir que, eu égard aux produits en cause, si les consommateurs peuvent se faire assister par des vendeurs, le choix du vêtement se fait en général de manière visuelle et que, dès lors, les différences visuelles entre les signes en conflit revêtent une importance particulière pour l’appréciation du risque de confusion.

30      Une telle constatation n’a cependant aucune influence sur la composition du public pertinent ou sur son degré d’attention, puisqu’il ne s’agit que de constater l’importance de l’aspect visuel de la marque lors de l’opération d’achat. Dès lors et eu égard aux produits en cause, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que le public pertinent était composé de consommateurs moyens de l’Union.

 Sur l’identité et la similitude des produits

31      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits désignés par la marque antérieure et ceux visés par la marque demandée étaient soit identiques soit similaires, les deux marques portant notamment sur les « vêtements » et la « chapellerie ». La requérante admet que les deux marques visent des produits similaires.

32      Il convient de constater que, s’agissant des « vêtements », des « chaussures » et de la « chapellerie » visés par la marque demandée et des « vêtements, en particulier des pantalons pour les femmes et les hommes », des « ceintures » et de la « chapellerie » désignés par la marque antérieure, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu soit à l’identité soit à la similitude des produits couverts par les marques en conflit.

 Sur les signes en conflit

33      Pour la requérante, un tel risque de confusion entre les signes en conflits n’existe pas, puisque, selon la jurisprudence, des marques composées d’une seule lettre peuvent coexister lorsque elles présentent de légères différences visuelles. Tel serait le cas en l’espèce, les signes en conflit étant stylisés de manière totalement différente et ne présentant ainsi pas suffisamment de similitude entre eux. Elle soutient également que la jurisprudence de l’Union et celle des tribunaux des États membres, plus particulièrement celle de l’Espagne, ainsi que les décisions de l’OHMI ne permettent pas que des lettres soient monopolisées comme signes distinctifs, sauf si elles sont accompagnées d’un élément figuratif leur conférant un caractère distinctif, l’élément graphique devant être seul protégé, puisqu’il est l’élément dominant de la marque.

34      La requérante considère que la comparaison des signes en conflit devrait être fondée sur l’impression d’ensemble produite par eux, en tenant, éventuellement, compte de leurs éléments distinctifs et dominants. Or, ces signes ne posséderaient pas d’éléments pouvant être considérés comme étant clairement plus distinctifs ou dominants par rapport à d’autres. La requérante estime que le caractère distinctif de la marque antérieure réside dans sa représentation graphique, qui lui conférerait un caractère distinctif normal. Elle souligne que, dans une marque composée uniquement d’une lettre, ce sont les éléments graphiques accompagnant la lettre qui seraient dominants, constituant par là une composante autonome de la marque.

35      Par ailleurs et comme il ressort du point 33 ci-dessus, l’argumentation de la requérante porte sur l’absence de caractère distinctif de marques antérieures composées uniquement d’une lettre, laquelle ne pourrait être l’élément dominant, sauf si ces marques sont accompagnées d’éléments figuratifs leur conférant un tel caractère distinctif. Elle se fonde tout particulièrement sur la jurisprudence de l’Union et sur la jurisprudence espagnole ainsi que sur les décisions de l’OHMI.

36      Il convient de répondre d’abord à l’argumentation tirée de l’absence de caractère distinctif de marques antérieures composées uniquement d’une lettre.

–       Sur le caractère distinctif de la marque antérieure

37      Sur ce point, il convient de constater, à l’instar de l’OHMI, que la thèse de la requérante est contraire à la jurisprudence de l’Union et que, pour ce motif, elle doit être écartée, quand bien même elle trouverait appui dans la jurisprudence espagnole ou dans certaines décisions de l’OHMI.

38      En effet, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 4 du règlement n° 207/2009, les lettres comptent parmi les catégories de signes qui peuvent constituer des marques communautaires à condition qu’elles soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 9 septembre 2010, OHMI/BORCO-Marken-Import Matthiesen, C‑265/09 P, Rec. p. I‑8265, point 28).

39      Il résulte de la jurisprudence que le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises (voir, par analogie, arrêt OHMI/BORCO-Marken-Import Matthiesen, point 38 supra, point 31, et la jurisprudence citée).

40      Or, il est de jurisprudence constante que ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception que le public pertinent en a (voir arrêt OHMI/BORCO-Marken-Import Matthiesen, point 38 supra, point 32, et la jurisprudence citée).

41      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour concernant l’article 3 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1), dont les termes sont identiques à ceux de l’article 7 du règlement n° 207/2009, que le caractère distinctif d’une marque doit toujours être apprécié in concreto par rapport aux produits ou aux services visés, une telle exigence permettant de concilier le motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 avec la reconnaissance, par l’article 4 dudit règlement, de l’aptitude générale d’un signe à constituer une marque (voir, en ce sens et par analogie, arrêt OHMI/BORCO-Marken-Import Matthiesen, point 38 supra, points 35 et 36, et la jurisprudence citée).

42      À cet égard, il importe de signaler que, même s’il ressort de la jurisprudence citée que la Cour a reconnu qu’il existait certaines catégories de signes qui pourraient plus difficilement avoir un caractère distinctif ab initio, elle n’a pas pour autant dispensé les offices des marques des États membres de procéder à un examen in concreto de leur caractère distinctif (arrêt OHMI/BORCO-Marken-Import Matthiesen, point 38 supra, point 37).

43      Il s’ensuit que, d’autant plus que l’établissement du caractère distinctif peut s’avérer plus difficile pour une marque consistant en une lettre unique que pour d’autres marques verbales, l’OHMI est tenu de procéder à une appréciation de l’aptitude du signe en cause à distinguer les différents produits ou services dans le cadre d’un examen concret envisageant ces produits ou ces services (arrêt OHMI/BORCO-Marken-Import Matthiesen, point 38 supra, point 39).

44      Une telle analyse, conduite pour l’application des dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, vaut également lorsque l’OHMI est saisi d’une d’opposition à une marque demandée.

45      Force est, d’ailleurs, de constater que les arrêts du Tribunal mentionnés par la requérante s’inscrivent dans la même logique que celle de l’arrêt OHMI/BORCO-Marken-Import Matthiesen (point 38 supra).

46      Il en est ainsi de l’arrêt du Tribunal du 13 juin 2007, IVG Immobilien/OHMI (I) (T‑441/05, Rec. p. II‑1937), portant sur un motif absolu de refus d’enregistrement pour défaut de caractère distinctif de la marque. Le Tribunal a condamné la pratique de l’OHMI, qui s’était borné à constater l’absence de spécificités graphiques notables du signe demandé pour lui dénier tout caractère distinctif et, donc, à considérer, qu’un symbole d’imprimerie appartenant à une police de caractère standardisée ne présentait pas en lui-même un caractère distinctif minimal, le Tribunal estimant qu’une telle pratique violait l’article 4 du règlement n° 207/2009 (arrêt I, précité, points 41 à 48).

47      Il en est de même de l’arrêt du Tribunal du 24 janvier 2012, El Corte Ingés/OHMI – Ruan (B) (T‑593/10, non publié au Recueil), portant sur la légalité d’une décision rejetant l’opposition à l’enregistrement d’une marque. Dans cette affaire, le Tribunal a concrètement procédé à la comparaison visuelle de marques de couleurs différentes et composées de plusieurs éléments pour conclure que les différences visuelles l’emportaient sur les ressemblances entre les signes en conflit, après avoir pris en considération leurs éléments tant verbaux que figuratifs et sans avoir écarté de son analyse l’élément verbal constitué de la lettre « B » comme insuffisamment distinctif (arrêt B, précité, points 27 à 32).

48      C’est dans le même sens que le Tribunal s’est prononcé dans l’arrêt du 10 mai 2011, Emram/OHMI – Guccio Gucci (G) (T‑187/10, non publié au Recueil), portant sur la légalité d’une décision refusant l’enregistrement d’une marque. Dans cet arrêt, le Tribunal s’est livré à une comparaison visuelle des marques alors en conflit pour relever que les différences graphiques existant entre les signes en conflit étaient d’importance mineure par rapport aux similitudes entre eux et ne parvenaient pas à dissiper l’impression de similitude qui ressortait de la comparaison visuelle d’ensemble (arrêt G, précité, points 65 et 66).

49      S’agissant de la jurisprudence rendue par différentes juridictions espagnoles, citée par la requérante et dont il ressort que les lettres de l’alphabet ne peuvent pas être revendiquées face à des tiers, puisqu’il ne s’agirait pas d’éléments d’usage courant à moins que ne soient ajoutés une représentation graphique particulière, un signe fantaisiste ou une disposition particulière servant de signe distinctif, il convient de constater, tout comme l’OHMI, que cette interprétation du droit est contraire à la jurisprudence de l’Union. Or, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. L’OHMI et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés par une décision de justice intervenue au niveau d’un État membre n’admettant pas le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale.

50      Quant aux décisions de l’OHMI, citées par la requérante et reprenant la même interprétation du droit que celles des juridictions espagnoles, il convient de rappeler que les décisions concernant l’enregistrement d'un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours de l’OHMI sont amenées à prendre, en vertu du règlement n° 207/2009, relèvent d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d'un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non pas sur la base d’une pratique antérieure de l’OHMI [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 25 mars 2009, Kaul/OHMI – Bayer (ARCOL), T‑402/07, Rec. p. II‑753, point 98].

51      Il résulte des points 37 à 50 ci-dessus que c’est à juste titre que la chambre de recours a écarté l’argumentation susmentionnée de la requérante et a considéré, en l’absence d’autres arguments de la requérante sur ce point, que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif moyen avant de procéder à l’analyse de la similitude des signes en conflit.

–       Sur la similitude visuelle

52      L’argumentation de la requérante présentée au point 33 ci-dessus est pour le moins contradictoire. D’une part, elle prétend que les signes en conflit ne possèdent pas d’éléments pouvant être considérés comme clairement plus distinctifs ou plus dominants que d’autres. D’autre part, en lien avec l’argument tiré de l’absence de caractère distinctif d’une marque composée uniquement d’une lettre, elle soutient que, dans une marque ainsi composée, ce sont les éléments graphiques accompagnant la lettre qui seraient dominants.

53      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35).

54      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [arrêt du Tribunal du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, Rec. p. II‑5405, point 32].

55      La chambre de recours s’est livrée, en l’espèce, à une comparaison des marques en conflit, considérées chacune dans leur ensemble, sans chercher à déterminer si l’une ou l’autre comportait un élément susceptible de dominer l’impression produite dans la mémoire du public pertinent.

56      Il convient de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a procédé de la sorte, puisque, contrairement à ce que laisse entendre l’argumentation de la requérante devant le Tribunal, aucune des marques en conflit ne constitue une marque complexe, seule catégorie de marques pouvant comporter, parmi les éléments de nature différente qui la composent, un élément susceptible de dominer l’image de la marque que le public pertinent garde en mémoire. En effet, les marques en conflit sont constituées d’un seul élément, la lettre « x », représenté dans les deux cas dans un graphisme particulier.

57      Lors de la comparaison visuelle des marques en conflit, la chambre de recours a considéré que les deux marques seraient perçues comme la lettre « x », eu égard à la circonstance que le public pertinent aurait une mémoire imparfaite des marques qu’il rencontrerait, et ce en dépit des différences de graphisme entre elles, plus particulièrement s’agissant de la « jambe gauche » de la lettre dans la marque demandée. Elle a noté également que le graphisme des marques en conflit présentait quelques similitudes s’agissant de l’espace entre les lignes diagonales de la lettre « x ». Ainsi, pour la chambre de recours, les marques en conflit sont similaires sur le plan visuel.

58      L’argumentation de la requérante doit donc être écartée, les signes en conflit ne présentant pas, contrairement à ce qu’elle soutient également, de grandes différences visuelles. Faute de tout autre élément présenté par la requérante qui démontrerait l’erreur qu’aurait commise la chambre de recours, c’est à juste titre que celle-ci a conclu à l’existence d’une similitude visuelle entre les marques en conflit.

–       Sur la similitude phonétique et la similitude conceptuelle

59      Ce n’est que dans la mesure où l’argumentation de la requérante présentée au point 33 ci-dessus s’interpréterait comme débordant la seule similitude visuelle qu’elle concernerait tant la similitude phonétique que la similitude conceptuelle des marques en conflit.

60      Sur le plan phonétique, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que la conclusion tirée sur le plan de la similitude visuelle s’appliquait. En effet, force est de constater que, lorsqu’elles seront prononcées, les marques en conflit le seront de façon quasi identique.

61      Sur le plan conceptuel, la chambre de recours a constaté, également à juste titre, qu’aucun des signes n’avait de signification dans l’une des langues de l’Union, mais que, la lettre « x » étant utilisée en mathématiques et dans l’argot de l’internet, lesdits signes partageaient une certaine similitude conceptuelle.

62      Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les signes en conflit étaient similaires.

 Sur le risque de confusion

63      Pour retenir l’existence d’un risque de confusion, la chambre de recours a tenu compte, premièrement, de l’identité ou de la similitude des produits couverts par les marques en conflit, deuxièmement, de la similitude visuelle, de l’identité phonétique et d’une certaine similitude conceptuelle des marques en conflit et, troisièmement, de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite de celles-ci qu’il a gardée en mémoire (point 26 de la décision attaquée).

64      La chambre de recours a également pris en considération le fait que, dans le secteur de l’habillement, il était fréquent que la même marque présente différentes configurations selon le type de produits qu’elle désigne et que la même entreprise de confection utilise des sous-marques, à savoir des signes dérivant d’une marque principale et partageant avec elle un élément dominant commun, pour distinguer ses différentes lignes de production [arrêt du Tribunal du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T-117/03 à T-119/03 et T-171/03, Rec. p. II-3471, point 51] (point 27 de la décision attaquée).

65      Enfin, la chambre de recours a mentionné la jurisprudence citée au point 50 ci-dessus pour rappeler que le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne devait être apprécié que sur la base du règlement n° 207/2009, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non pas sur la base d’une pratique antérieure de l'OHMI (point 29 de la décision attaquée).

66      Au vu de ce qui a déjà été dit aux points 29 à 62 ci-dessus sur le public pertinent composé de consommateurs moyens de l’Union, sur l’identité ou la similitude des produits couverts par les marques en conflit, sur le caractère moyennement distinctif de la marque antérieure, sur la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit, il convient de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu, au point 30 de la décision attaquée, qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la circonstance que des marques composées uniquement de la lettre « x » coexisteraient pacifiquement

67      La requérante soutient qu’il existerait des douzaines de marques communautaires consistant en la lettre « x » et qu’un certain nombre est enregistré pour des produits de la classe 25. Au regard de la jurisprudence espagnole et des décisions de l’OHMI, la coexistence pacifique de ces marques sur le marché pendant un certain nombre d’années exclurait tout risque de confusion.

68      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, il n’est pas entièrement exclu que, dans certains cas, la coexistence de marques antérieures sur le marché puisse éventuellement amoindrir le risque de confusion constaté par les instances de l’OHMI entre deux marques en conflit. Néanmoins, une telle éventualité ne saurait être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’OHMI, le demandeur de la marque communautaire a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition et sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques [arrêt du Tribunal du 11 mai 2005, Grupo Sada/OHMI – Sadia (GRUPO SADA), T-31/03, Rec. p. II-1667, point 86].

69      En l’espèce, il convient de noter, tout comme l’OHMI, que la requérante se borne à alléguer que des marques composées uniquement de la lettre « x » coexistent dans le registre des marques communautaires, en présentant, pour étayer son raisonnement, un arrêt rendu par une juridiction espagnole et une décision d’une chambre de recours de l’OHMI portant sur des marques différentes des marques en conflit, puisque elles ne sont pas composées de la seule lettre « x », et énonçant que, pour amoindrir le risque de confusion, la coexistence pacifique entre des marques doit être constatée sur le marché.

70      La requérante n’ayant pas apporté, devant les instances de l’OHMI, d’autres éléments qui auraient été susceptibles de démontrer la coexistence sur le marché de marques composées uniquement de la lettre « x », il convient d’écarter le deuxième moyen du recours.

 Sur le moyen, soulevé à l’audience, tiré de l’abus de droit constitué par l’argumentation de l’intervenante au cours de la procédure administrative

71      La requérante soutient que, au vu d’un courrier du 22 janvier 2008, émanant de l’intervenante et déposé dans le cadre d’une procédure d’opposition entre celle-ci et un autre opérateur économique, l’intervenante commettrait un abus de droit, en soutenant, dans la présente espèce, une argumentation totalement contraire à celle qu’elle avait alors présentée.

72      S’agissant d’un moyen avancé par la requérante lors de l’audience, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ou qu’ils ne constituent une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et présentant un lien étroit avec celui-ci [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 mai 2010, Beifa Group/OHMI – Schwan-Stabilo Schwanhäußer (Instrument d’écriture), T‑148/08, Rec. p. II‑1681, points 102 et 103].

73      Dès lors qu’il n’a pas été allégué et encore moins démontré que le présent moyen était fondé sur des éléments de droit et de fait qui se seraient révélés pendant la procédure ou qu’il constituerait une ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, il convient de le rejeter comme irrecevable.

74      Par conséquent, il convient de rejeter le recours, sans qu’il soit dès lors besoin de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions visant à la confirmation de la décision de la division d’opposition, mise en cause par l’OHMI.

 Sur les dépens

75      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Capitalizaciones Mercantiles Ltda est condamnée aux dépens.

Forwood

Dehousse

Schwarcz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 novembre 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.