Language of document : ECLI:EU:T:2019:892

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

19 décembre 2019 (*)

« Médicaments à usage humain – Demande d’autorisation de mise sur le marché du médicament Fanaptum – ilopéridone – Décision de refus de la Commission – Règlement (CE) no 726/2004 – Évaluation scientifique des risques et bénéfices d’un médicament – Obligation de motivation – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑211/18,

Vanda Pharmaceuticals Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes M. Meulenbelt, B. Natens, A.-S. Melin et C. Muttin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Haasbeek et M. A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision d’exécution C(2018) 252 final de la Commission, du 15 janvier 2018, portant refus d’accorder une autorisation de mise sur le marché, conformément au règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), pour le médicament à usage humain Fanaptum – ilopéridone, et, d’autre part, de l’avis ainsi que du rapport d’évaluation du comité des médicaments à usage humain de l’Agence européenne des médicaments (EMA) du 9 novembre 2017,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), faisant fonction de président, Z. Csehi et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 juillet 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Vanda Pharmaceuticals Ltd, est titulaire, aux États-Unis, d’une autorisation de mise sur le marché (ci-après l’« AMM ») pour le médicament Fanaptum, qui contient la substance active ilopéridone (ci-après l’« ilopéridone »).

2        Le médicament Fanaptum, indiqué pour le traitement des symptômes de la schizophrénie chez l’adulte, a un profil correspondant à un antipsychotique dit de « deuxième génération ». Il est commercialisé aux États-Unis depuis 2010, ainsi qu’en Israël et au Mexique depuis 2012.

3        Le 4 décembre 2015, la requérante a, en application de l’article 4 du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures communautaires pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1), tel que modifié, présenté à l’Agence européenne des médicaments (EMA) une demande d’AMM du médicament Fanaptum.

4        Cette demande, présentée en vertu de l’article 3, paragraphe 2, sous a), du règlement no 726/2004, s’appuyait sur un dossier composé d’informations administratives, de données qualitatives exhaustives, de données cliniques et non cliniques fondées sur les propres essais et études menés par la requérante et de références bibliographiques remplaçant et appuyant certains essais ou études.

5        Le 5 mai 2017, l’EMA a constitué un groupe scientifique consultatif chargé de traiter les questions soulevées par le comité des médicaments à usage humain (ci-après le « CHMP »). Dans ce cadre, la requérante a diffusé une note d’information et effectué une présentation.

6        Le 17 mai 2017, la requérante a donné une explication orale devant le CHMP. Elle a traité les questions en suspens au moyen d’une présentation.

7        Le 20 juillet 2017, le CHMP a rendu un avis négatif et adopté un rapport d’évaluation, recommandant un refus d’AMM pour le médicament Fanaptum.

8        Le 27 juillet 2017, la requérante a demandé à l’EMA de réexaminer l’avis négatif du CHMP du 20 juillet 2017. Le 26 septembre 2017, la requérante a présenté des motifs détaillés à l’appui de cette demande de réexamen.

9        Le 30 octobre 2017, un autre groupe scientifique consultatif a été constitué afin de traiter les questions soulevées par le CHMP au cours de la procédure de réexamen concernant l’ilopéridone. Dans ce cadre, la requérante a effectué une présentation.

10      Le 5 novembre 2017, le dernier rapport d’évaluation conjoint a été diffusé à tous les membres du CHMP. Le 6 novembre 2017, la requérante a reçu le « rapport d’évaluation conjoint actualisé des co-rapporteurs sur les motifs invoqués à l’appui de la procédure de réexamen », qui était daté du 11 octobre 2017.

11      Le 6 novembre 2017, la requérante a reçu le procès‑verbal de la réunion du groupe scientifique consultatif d’octobre 2017. La requérante a présenté ses observations sur ce procès‑verbal le jour même.

12      Le 7 novembre 2017, la requérante a donné à une explication orale devant le CHMP.

13      Au cours de cette audition, le CHMP et la requérante ont examiné les motifs détaillés du réexamen. La requérante a expliqué sa demande de réexamen au moyen d’une présentation.

14      Le 9 novembre 2017, un document intitulé « Conclusions scientifiques et motifs du refus » contenant l’avis de l’EMA formulé par le CHMP (ci-après l’« avis du CHMP ») ainsi que le rapport d’évaluation scientifique du CHMP (ci-après le « rapport d’évaluation du CHMP ») ont été communiqués à la requérante.

15      Le 15 janvier 2018, la Commission européenne a adopté la décision d’exécution C(2018) 252 final refusant d’octroyer une AMM au titre du règlement no 726/2004 pour le « Fanaptum – ilopéridone », un médicament à usage humain (ci-après la « décision d’exécution »), qui a été notifiée à la requérante le 16 janvier 2018.

16      L’annexe I de la décision d’exécution, intitulée « Conclusions scientifiques et motifs de refus présentés par l’EMA », qui correspond à l’avis du CHMP, indique en particulier ce qui suit :

« Compte tenu de toutes les données cliniques et non cliniques disponibles (y compris l’étude complète consacrée à l’intervalle QTc, le programme clinique global et les cas de décès cardiaques/soudains inexpliqués lors des essais cliniques et après la mise sur le marché), l’ilopéridone possède un potentiel arythmogène considérable en fonction de l’exposition. On considère que les [mesures de minimisation des risques] proposées ne permettraient pas de faire face au risque identifié dans ce cas spécifique de manière appropriée. Par conséquent, la sécurité de l’ilopéridone n’a pas été démontrée de façon suffisante.

Par ailleurs, l’efficacité de l’ilopéridone est modérée. En outre, le médicament a montré un délai d’action lent, ce qui constitue une préoccupation majeure pour le traitement d’une exacerbation aiguë de la schizophrénie. Par conséquent, et en tenant compte de la sécurité globale et du profil d’efficacité de l’ilopéridone, il est impossible d’identifier la population de patients pour laquelle le bénéfice du traitement serait considéré comme supérieur aux problèmes de sécurité majeurs.

Compte tenu des éléments qui précèdent, le rapport bénéfice‑risque de l’ilopéridone est considéré comme négatif. »

 Procédure et conclusions des parties

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal 26 mars 2018, la requérante a introduit le présent recours.

18      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 mai 2018, la requérante a présenté une demande motivée, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal, visant à obtenir que certaines données contenues en annexe à la requête ne soient pas mentionnées dans les documents afférents à la présente affaire auxquels le public pourrait avoir accès. Compte tenu des précisions fournies par la requérante, il a été décidé de donner une suite favorable à cette demande.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 juillet 2018, la Commission a déposé un mémoire en défense.

20      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2018.

21      Le 30 octobre 2018, la Commission a déposé au greffe du Tribunal une duplique, à la suite de quoi la phase écrite de la procédure a été close.

22      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 novembre 2018, la requérante a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

23      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et a adressé aux parties, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, une question pour réponse écrite. Les parties ont déféré à ces mesures dans le délai imparti.

24      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 juillet 2019.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler, d’une part, la décision d’exécution et, d’autre part, l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP du 9 novembre 2017 ;

–        à titre subsidiaire, annuler uniquement la décision d’exécution ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme partiellement irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

27      La Commission excipe de l’irrecevabilité du présent recours en annulation dans la mesure où il est dirigé contre l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP. Elle avance que si, conformément à une jurisprudence constante, ces deux actes font partie intégrante de la décision d’exécution, il n’en demeure pas moins qu’ils constituent des mesures préparatoires de cette décision. Dans sa duplique, la Commission précise que, si la requérante semble affirmer dans la réplique n’avoir jamais eu l’intention de demander l’annulation de l’avis et du rapport d’évaluation du CHMP de manière indépendante, une telle intention ne ressort pas clairement des conclusions présentées dans la requête.

28      La requérante fait observer que la Commission ne conteste pas la recevabilité du présent recours en ce qu’il est dirigé contre la décision d’exécution. Elle estime, en outre, que, contrairement à ce que la Commission laisserait sous-entendre, elle ne soutient pas que l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP doivent « faire l’objet d’un recours en annulation distinct et indépendant ». Dès lors que, conformément à la jurisprudence, l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP font partie intégrante de la décision d’exécution, l’acte attaqué serait composé de ces trois actes.

29      En vertu d’une jurisprudence bien établie, ne constituent des actes attaquables en vertu de l’article 263 TFUE que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des « mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale » (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 10 ; voir, également, arrêts du 26 janvier 2010, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑362/08 P, EU:C:2010:40, point 52 et jurisprudence citée, et du 15 mars 2017, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑415/15 P, EU:C:2017:216, point 44 et jurisprudence citée).

30      Il ressort également de la jurisprudence que, dans le cadre de la procédure d’examen d’une demande d’AMM, l’avis scientifique final – en l’occurrence l’avis du CHMP – constitue une mesure intermédiaire dont l’objectif est de préparer la décision se prononçant sur cette demande. Il s’agit d’un acte préparatoire qui ne fixe pas définitivement la position de la Commission et qui n’est donc pas un acte attaquable au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2003, Olivieri/Commission et EMEA, T‑326/99, EU:T:2003:351, point 53).

31      Ces considérations s’appliquent mutatis mutandis au rapport d’évaluation du CHMP qui fait lui-même partie de l’avis du CHMP. Un avis ou un rapport d’évaluation du CHMP ne saurait être considéré comme étant l’acte définitif, dès lors qu’il n’a pas d’autre but que de préparer le projet de décision de la Commission, conformément à l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 726/2004 et la décision définitive de la Commission, qui doit être adoptée sur le fondement de l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 726/2004.

32      En outre, il découle de la jurisprudence que, dans la mesure où une décision confirme purement et simplement l’avis de l’EMA, le contenu de cet avis, comme d’ailleurs celui du rapport d’évaluation qui le fonde, fait partie intégrante de la motivation de cette décision, s’agissant notamment de l’évaluation scientifique du médicament en cause (arrêt du 11 juin 2015, Laboratoires CTRS/Commission, T‑452/14, non publié, EU:T:2015:373, point 60 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2003, Olivieri/Commission et EMEA, T‑326/99, EU:T:2003:351, point 55).

33      Dès lors, ni l’avis du CHMP ni son rapport d’évaluation, qui sont rattachables à la décision d’exécution, ne peuvent faire l’objet d’un recours en annulation distinct et indépendant. En effet, les conclusions en annulation de l’avis et du rapport du CHMP sont dépourvues de contenu autonome et se confondent, en réalité, avec celles dirigées contre la décision d’exécution.

34      Partant, et bien que la requérante ait indiqué à l’audience qu’elle ne visait pas, par le présent recours, à demander, « de manière séparée », l’annulation de l’avis et du rapport d’évaluation du CHMP, le recours en annulation doit être déclaré irrecevable dans la mesure où il est dirigé contre l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP. En revanche, le présent recours est recevable en ce qu’il est dirigé contre la décision d’exécution (ci-après la « décision attaquée »).

35      Cela étant précisé, il y aura lieu de tenir compte, dans l’appréciation de la motivation et du bien-fondé de la décision attaquée, de l’avis et du rapport d’évaluation du CHMP. En effet, dans la mesure où cette décision confirme purement et simplement l’avis de l’EMA, le contenu de cet avis, comme d’ailleurs celui du rapport d’évaluation qui le fonde, fait partie intégrante de la motivation de cette décision, s’agissant notamment de l’évaluation scientifique du médicament en cause.

36      Quant à la version exacte du rapport d’évaluation qui doit être prise en compte, question qui fait débat entre les parties, il s’agit bien du rapport du CHMP du 9 novembre 2017.

37      En effet, dès lors que, ainsi que l’énonce le considérant 23 du règlement no 726/2004, « [l]a responsabilité exclusive de la préparation des avis de l’[EMA] sur toute question relative aux médicaments à usage humain devrait être confiée à un comité des médicaments à usage humain » et non aux différents membres de ce comité, il ne saurait en principe être tenu compte du « rapport d’évaluation conjoint actualisé des co-rapporteurs sur les motifs invoqués aux fins des procédures de réexamen » du 11 octobre 2017, qui, ainsi que le soutient la requérante, aurait été diffusé à tous les membres du CHMP le 5 novembre 2017 en tant que « dernier rapport d’évaluation ».

38      Comme la Commission l’a, à juste titre, relevé, ce rapport est un document qui fait état des points de vue des co-rapporteurs et qui a été préparé afin de faciliter le débat scientifique avec la requérante et au sein de l’organe collégial du CHMP. Ce document ne reflète en aucun cas les avis définitifs du CHMP, dans la mesure où celui-ci s’exprime par le biais d’avis ou de recommandations scientifiques adoptés par consensus ou à la majorité absolue de ses membres.

39      Cependant, si les rapports d’évaluation intermédiaires élaborés dans le cadre de la procédure d’évaluation, parmi lesquels figurent les documents élaborés par les co-rapporteurs tels que, en l’espèce, le « rapport d’évaluation conjoint actualisé » du 11 octobre 2017 élaboré dans le cadre de la procédure de réexamen, doivent être distingués du rapport d’évaluation définitif du CHMP, il ne peut être d’emblée exclu que ces documents intermédiaires soient en mesure d’éclairer le Tribunal sur certains aspects. Ces documents peuvent en particulier être pris en compte aux fins de déterminer si les conclusions scientifiques retenues en définitive par le CHMP dans le cadre de la procédure d’examen de la demande d’AMM visée en l’espèce ne sont pas entachées d’un défaut de motivation ou d’erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur le fond

40      À l’appui de son recours, la requérante soulève cinq moyens. Le premier moyen est tiré de ce que l’évaluation des risques d’arythmie que pourrait entraîner l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement. Le deuxième moyen est tiré de ce que l’évaluation des mesures de minimisation des risques (ci-après les « MMR ») proposées pour l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE, et du principe d’égalité de traitement. Le troisième moyen est tiré de ce que l’évaluation des conséquences du délai d’action lent de l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation et d’une violation du principe de proportionnalité. Le quatrième moyen est tiré de ce que l’obligation d’identifier une population pour laquelle l’ilopéridone donnerait de meilleurs résultats que d’autres produits viole les principes d’attribution et de proportionnalité (énoncés à l’article 5, paragraphes 1 à 3, TUE), l’article 12 et l’article 81, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 ainsi que le principe d’égalité de traitement. Le cinquième et dernier moyen est tiré de ce que l’évaluation globale du rapport bénéfice-risque de l’ilopéridone est entachée d’une insuffisance de motivation et est, en tout état de cause, manifestement erronée.

 Considérations liminaires sur la nature et la portée du contrôle juridictionnel

41      En l’occurrence, il apparaît opportun de formuler, à titre liminaire, un certain nombre de considérations générales au sujet, premièrement, de la procédure centralisée d’AMM des médicaments à usage humain (telle qu’elle est notamment régie par le règlement no 726/2004) et, deuxièmement, de la nature ainsi que de la portée du contrôle que le Tribunal est invité à effectuer lorsqu’un demandeur d’AMM conteste les conclusions scientifiques qui ont conduit les organes compétents à proposer de refuser l’AMM.

–       Rappels sur les caractéristiques majeures de la procédure centralisée d’AMM des médicaments telle qu’elle est régie par le règlement no 726/2004

42      Il ressort de l’exposé des motifs du règlement no 726/2004 (voir notamment le considérant 19) que la procédure centralisée d’autorisation des médicaments qu’il prévoit repose sur une évaluation scientifique menée par l’EMA du plus haut niveau possible de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité des médicaments. En effet, l’un des objectifs principaux du régime d’autorisation prévu par cette réglementation est de veiller à ce que les patients ne se voient pas administrer des médicaments dont le rapport bénéfice-risque est négatif. À cet égard, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 novembre 2001, instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain (JO 2001, L 311, p. 67), telle que modifiée par la directive 2012/26/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, modifiant la directive 2001/83 en ce qui concerne la pharmacovigilance (JO 2012, L 299, p. 1), « aucun médicament ne peut être mis sur le marché d’un État membre sans qu’une autorisation de mise sur le marché ait été délivrée par l’autorité compétente de cet État membre, conformément à [cette] directive, ou qu’une autorisation ait été délivrée conformément aux dispositions du règlement […] no 726/2004, lues en combinaison avec le règlement (CE) no 1901/2006 [du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relatif aux médicaments à usage pédiatrique, modifiant le règlement (CEE) n° 1768/92, les directives 2001/20/CE et 2001/83/CE ainsi que le règlement (CE) n° 726/2004 (JO 2006, L 378, p. 1)] ».

43      Il résulte d’une lecture combinée de l’article 1er, point 28 bis, et de l’article 26 de la directive 2001/83 ainsi que de l’article 12 du règlement no 726/2004, lu à la lumière du considérant 14 dudit règlement, que l’AMM est refusée lorsque, après vérification des renseignements et des documents pertinents, il apparaît, notamment, que le rapport bénéfice-risque du médicament en cause n’est pas considéré comme étant favorable. À cet égard, il s’agit d’évaluer les effets thérapeutiques positifs du médicament concerné au regard des risques liés à son utilisation, c’est-à-dire tout risque pour la santé du patient ou pour la santé publique lié à la qualité, à la sécurité ou à l’efficacité du médicament (voir article 1er, point 28, de la directive 2001/83).

44      Dans ce contexte, la charge de la preuve de ce que les conditions d’autorisation d’un médicament sont réunies incombe au demandeur qui doit notamment fournir des données scientifiques en vue d’établir l’innocuité et l’efficacité du médicament (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, points 187 et 188). À cet égard, l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 726/2004 prévoit expressément que l’AMM est refusée si, après vérification des renseignements et documents soumis conformément à l’article 6 dudit règlement, il apparaît que le demandeur n’a pas démontré de façon adéquate ou suffisante la qualité, la sécurité ou l’efficacité du médicament à usage humain. En d’autres termes, ce n’est pas à l’autorité chargée de l’examen de l’AMM de prouver qu’un produit n’est pas sûr, mais bien au demandeur d’AMM d’établir que le médicament en question présente un rapport bénéfice-risque favorable.

45      En outre, la décision d’accorder ou non une AMM, qui doit reposer sur un standard élevé de protection de la santé publique, doit être prise au regard des seuls critères de sécurité, d’efficacité et d’innocuité découlant des dispositions du droit de l’Union européenne applicables. S’il ne saurait être exclu que le demandeur d’une AMM puisse s’appuyer sur des données pré et postcommercialisation relatives à des pays tiers, il ne saurait, dans l’absolu, être tiré argument de la circonstance qu’une AMM a été accordée dans ces pays (voir, par analogie, s’agissant de l’obtention du statut de médicament orphelin, arrêt du 9 septembre 2010, Now Pharm/Commission, T‑74/08, EU:T:2010:376, point 57).

46      À cet égard, il importe de souligner que, à l’instar des conditions matérielles de suspension ou de retrait d’une AMM, les conditions d’octroi d’une AMM doivent être interprétées conformément au principe général dégagé par la jurisprudence selon lequel la protection de la santé publique doit incontestablement se voir reconnaître une importance prépondérante par rapport aux considérations économiques (voir arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99 et jurisprudence citée). En outre, le principe de précaution, qui constitue un principe général du droit de l’Union, habilite notamment la Commission à se limiter à établir qu’il existe des indices sérieux et concluants, qui permettent raisonnablement de douter de l’innocuité du médicament concerné ou encore de l’existence d’un rapport bénéfice-risque favorable (voir, par analogie, s’agissant des décisions de suspension, de retrait ou de modification d’une AMM, arrêt du 3 décembre 2015, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, C‑82/15 P, non publié, EU:C:2015:796, point 23 et jurisprudence citée).

47      Concrètement et ainsi que les parties s’accordent à le reconnaître, le processus d’évaluation de toute demande d’AMM est fondé sur plusieurs étapes d’appréciations et de débats scientifiques avec le demandeur de l’AMM. En effet, dans un premier temps, les données présentées dans la demande sont évaluées en parallèle par deux équipes indépendantes (les équipes de co-rapporteurs), qui font part de leurs premières conclusions et recommandations. Ces dernières font l’objet d’une première évaluation scientifique par le CHMP. À la suite de cette première évaluation, le CHMP entame, dans un deuxième temps, une discussion avec le demandeur au sujet de l’évaluation générale, en soulignant les éventuelles lacunes des données et de l’analyse présentées et, le cas échéant, en recourant à une ou plusieurs demandes de renseignements avant de formuler une conclusion définitive. La conclusion définitive relative à une demande d’AMM n’est ainsi adoptée qu’après plusieurs cycles de discussions, au cours desquelles plusieurs documents intermédiaires sont élaborés, parmi lesquels peuvent figurer les rapports émanant de certains rapporteurs. Ces documents intermédiaires ne reflètent que l’état d’avancement de l’évaluation à un stade donné. Une fois que le CHMP est satisfait de l’évaluation, ces rapports font l’objet d’un examen critique par des pairs évaluateurs au niveau du comité et sont modifiés en fonction des résultats des débats du comité.

48      Dans le cadre de ce processus d’évaluation, la « responsabilité exclusive » de la préparation des avis de l’EMA sur toute question relative aux médicaments à usage humain est confiée au CHMP (voir considérant 23 et article 5, paragraphe 2, du règlement no 726/2004). Par voie de conséquence, les documents éventuellement rédigés par les co-rapporteurs – en l’occurrence notamment le rapport d’évaluation conjoint du 11 octobre 2017 (diffusé à l’ensemble des membres du CHMP le 5 novembre suivant) auquel la requérante entend, en partie, se référer – doivent être distingués du rapport d’évaluation final du CHMP sur lequel se fonde la décision attaquée.

–       Sur l’étendue et la portée du contrôle juridictionnel

49      Des précisions s’imposent également quant à l’étendue et à la portée du contrôle juridictionnel qui font en l’occurrence débat entre les parties. La requérante avance en effet, dans sa réplique, que la Commission tente, en proposant une interprétation excessivement restrictive de l’étendue du contrôle juridictionnel, « une stratégie d’opacification » destinée à convaincre le Tribunal de ne pas examiner le bien-fondé des moyens invoqués et d’empêcher celui-ci d’aborder plusieurs questions fondamentales relatives à la compatibilité de la décision attaquée avec le droit de l’Union. Or, il ressortirait de la jurisprudence que le juge de l’Union est en mesure d’apprécier la légalité de l’évaluation scientifique faite par le CHMP (voir, en ce sens, arrêt du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 92 et jurisprudence citée) et, le cas échéant, de vérifier si l’irrégularité de cette évaluation est constitutive d’une violation des formes substantielles entachant la légalité de la décision de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 197).

50      À cet égard, selon la jurisprudence, il convient, en principe, de distinguer le contrôle que le juge de l’Union peut être appelé à effectuer, d’une part, sur la légalité externe de l’avis scientifique du CHMP et, d’autre part, sur l’exercice par la Commission de son pouvoir d’appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 92, et du 11 décembre 2014, PP Nature-Balance Lizenz/Commission, T‑189/13, non publié, EU:T:2014:1056, point 33 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 199).

51      Pour ce qui est de l’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’appréciation, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie que, dès lors que les autorités de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant à l’appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes pour déterminer la nature et l’étendue des mesures qu’elles adoptent, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à examiner si l’exercice d’un tel pouvoir n’est pas entaché d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou encore si ces autorités n’ont pas manifestement dépassé les limites de leur pouvoir d’appréciation. Dans un tel contexte, le juge de l’Union ne peut, en effet, substituer son appréciation des éléments factuels d’ordre scientifique et technique à celle des autorités de l’Union auxquelles, seules, le traité FUE a conféré cette tâche (voir, en ce sens, arrêts du 21 juillet 2011, Etimine, C‑15/10, EU:C:2011:504, point 60 ; du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 52, et du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 163).

52      Il convient de préciser que la marge d’appréciation des autorités de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de son exercice, ne concerne pas exclusivement la nature et la portée des dispositions à prendre, mais s’applique aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base. Toutefois, un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les autorités de l’Union, auteurs de l’acte en cause, soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir (voir arrêt du 8 juillet 2010, Afton Chemical, C‑343/09, EU:C:2010:419, points 33 et 34 et jurisprudence citée ; arrêts du 30 avril 2015, Polynt et Sitre/ECHA, T‑134/13, non publié, EU:T:2015:254, point 53, et du 11 mai 2017, Deza/ECHA, T‑115/15, EU:T:2017:329, point 164).

53      S’agissant du contrôle juridictionnel de l’avis du CHMP – et par extension du rapport d’évaluation de celui-ci –, le Tribunal ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du CHMP. En effet, le contrôle juridictionnel s’exerce seulement sur la régularité du fonctionnement du comité ainsi que sur la cohérence interne et la motivation de son avis. Sous ce dernier aspect, il consiste à vérifier si ces actes contiennent une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles ils sont fondés et s’ils établissent un lien compréhensible entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’ils comportent (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2013, Acino/Commission, T‑539/10, non publié, EU:T:2013:110, point 93, et du 5 décembre 2018, Bristol-Myers Squibb Pharma/Commission et EMA, T‑329/16, non publié, EU:T:2018:878, point 99 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 novembre 2002, Artegodan e.a./Commission, T‑74/00, T‑76/00, T‑83/00 à T‑85/00, T‑132/00, T‑137/00 et T‑141/00, EU:T:2002:283, point 200).

54      Toutefois, il convient de constater que, en l’espèce, la Commission ne s’est pas écartée de l’avis du CHMP, le contenu de cet avis, comme celui du rapport d’évaluation qui le fonde, faisant partie intégrante de la motivation de cette décision, s’agissant notamment de l’évaluation scientifique du médicament en cause (voir points 16 et 35 ci-dessus). La Commission a ainsi fait siennes les constatations exprimées dans cet avis. Partant, il y a lieu de considérer que le contrôle juridictionnel incombant au Tribunal, en particulier celui de l’erreur manifeste d’appréciation, doit s’exercer sur l’ensemble des considérations contenues dans cet avis et dans le rapport d’évaluation susmentionné (voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2018, Bristol-Myers Squibb Pharma/Commission et EMA, T‑329/16, non publié, EU:T:2018:878, point 98).

 Sur le premier moyen, tiré de ce que l’évaluation des risques d’arythmie que pourrait entraîner l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement 

55      Par son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que la décision attaquée est entachée d’un défaut de motivation, d’erreurs manifestes d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement en ce qui concerne l’évaluation des risques liés au potentiel arythmogène de l’ilopéridone provenant de l’allongement de l’intervalle QT, une altération de l’activité électrique du cœur (ci-après l’« intervalle QT »), susceptible de provoquer un rythme cardiaque anormal de nature à engager, dans certaines circonstances, le pronostic vital.

56      En premier lieu, la requérante avance que l’évaluation des risques d’arythmie effectuée en l’espèce s’écarterait des lignes directrices en vigueur, notamment des orientations fournies dans l’évaluation clinique du risque d’allongement de l’intervalle QT/QTc et d’effet pro-arythmique associé aux médicaments non anti-arythmiques (CHMP/ICH/2/04, note for guidance on the clinical evaluation of QT/QTc interval prolongation and proarrhythmic potential for non-antiarrhytmic drugs, ci-après les « orientations QT »), qui définissent les paramètres pertinents aux fins de l’évaluation des risques associés aux médicaments susceptibles de provoquer un allongement de l’intervalle QT. En particulier, tout en s’écartant des conclusions du rapport d’évaluation conjoint du 11 octobre 2017, le CHMP aurait omis, d’une part, d’expliquer en quoi les données et calculs fournis par la requérante avaient été jugés non pertinents et, d’autre part, de tenir compte de l’expérience acquise après la mise sur le marché de l’ilopéridone.

57      En deuxième lieu, la requérante estime que cette évaluation des risques n’est pas conforme à la pratique actuelle de l’EMA et, par voie de conséquence, viole le principe d’égalité de traitement. La requérante fait notamment valoir que, contrairement à l’approche retenue dans le cadre de l’évaluation d’autres produits également destinés au traitement de la schizophrénie, à savoir la lurasidone et le cisapride, le CHMP a refusé de prendre en considération les nombreuses données postérieures à la mise sur le marché qu’elle avait fournies et en particulier les expériences positives acquises pour l’ilopéridone sur d’autres marchés, même en tenant compte d’un important taux de « sous-signalement ».

58      En troisième lieu, la requérante fait valoir que, dès lors que le CHMP a omis d’indiquer les raisons pour lesquelles il s’était écarté des données présentées par la requérante sur les deux aspects mentionnés au point 56 ci-dessus, les conclusions du CHMP devraient être considérées comme étant insuffisamment motivées et, en tout état de cause, comme étant manifestement erronées. Dans ce contexte, la requérante précise que, en l’absence de motivation convaincante, elle ne peut que présumer que la décision de refus en cause en l’espèce a été motivée, d’une part, par l’allégation non étayée du groupe scientifique consultatif d’octobre 2017, basée sur l’avis personnel d’un de ses membres, selon laquelle l’ilopéridone a provoqué un nombre « très élevé » de décès soudains et inattendus et, d’autre part, par la participation à ce groupe d’un expert qui exerçait les fonctions de consultant pour un produit concurrent de l’ilopéridone.

59      La Commission conclut au rejet du premier moyen, qui, selon elle, tend davantage à faire état d’un désaccord avec les conclusions scientifiques qui fondent la décision attaquée qu’à mettre en cause un défaut de motivation.

–       Sur le respect de l’obligation de motivation

60      Selon une jurisprudence bien établie, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêts du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée, et du 28 mars 2017, Rosneft, C‑72/15, EU:C:2017:236, point 122 et jurisprudence citée).

61      S’agissant plus particulièrement des décisions se prononçant sur une AMM, l’article 81, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, en vertu duquel toute décision octroyant, refusant, modifiant, suspendant ou retirant une AMM doit indiquer de façon précise les motifs sur lesquels elle se fonde, ne fait que rappeler explicitement l’obligation générale de motivation prévue à l’article 296, deuxième alinéa, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Acino/Commission, C‑269/13 P, EU:C:2014:255, points 121 et 122).

62      En l’espèce, le refus d’octroyer l’AMM litigieuse a été décidé sur la base du rapport d’évaluation du CHMP et de l’avis du CHMP (ce dernier étant repris en annexe I à la décision attaquée sous le titre « Conclusions scientifiques et motifs de refus présentées par l’EMA »), qui, comme cela a été rappelé dans les développements liminaires repris ci-dessus (voir notamment point 32 ci-dessus), font partie intégrante de cette décision.

63      Or, il ressort de ces actes qu’ont été clairement exposées les raisons scientifiques, telles qu’elles sont examinées sur plusieurs dizaines de pages, pour lesquelles il a été considéré que l’ilopéridone présentait, eu égard notamment à son potentiel arythmogène, des risques pour la sécurité des patients. Le CHMP a notamment conclu dans son rapport d’évaluation qu’il ressortait des données qui lui avaient été soumises que, en dépit des MMR proposées, ce médicament entraînait un allongement de l’intervalle QT, qui pouvait, dans certaines situations, s’avérer fatal pour le patient.

64      L’avis du CHMP indique quant à lui, parmi les motifs de refus de l’AMM, ce qui suit :

« Compte tenu de toutes les données cliniques et non cliniques disponibles (y compris l’étude complète consacrée à l’intervalle QTc, le programme clinique global et les cas de décès cardiaques/soudains inexpliqués lors des essais cliniques et après la mise sur le marché), l’ilopéridone possède un potentiel arythmogène considérable en fonction de l’exposition. On considère que les [MMR] proposées ne permettraient pas de faire face au risque identifié dans ce cas spécifique de manière appropriée. Par conséquent, la sécurité de l’ilopéridone n’a pas été démontrée de façon suffisante. »

65      De façon plus globale, l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP indiquent de façon précise les motifs sur lesquels la décision attaquée se fonde. Ils font notamment apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle. Force est d’ailleurs de constater que la question du potentiel arythmogène de l’ilopéridone a, en l’espèce, été au centre des préoccupations exprimées par le CHMP quant à la sécurité de cette substance, tant dans son premier avis daté du 20 juillet 2017 que dans son rapport d’évaluation final du 9 novembre suivant (élaboré dans le cadre de la procédure de réexamen faisant suite à la demande de la requérante). Le CHMP a notamment considéré que, en dépit des MMR proposées, y compris celles présentées au stade du réexamen de la demande d’AMM, le risque d’allongement de l’intervalle QT demeurait significatif. Le CHMP avait, en particulier, jugé préoccupant le fait que ladite substance fût dégradée dans l’organisme par des enzymes hépatiques dont l’activité pouvait être réduite chez certains patients ou par la prise d’autres médicaments. L’importance de ce risque ayant été jugée supérieur au bénéfice escompté, le CHMP a confirmé son avis négatif à l’AMM de l’ilopéridone.

66      Partant, il doit être considéré que l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP sur lesquels se fonde la décision attaquée ne sont pas entachés d’un défaut de motivation, en ce qu’ils ont permis aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle.

67      Il apparaît donc que, par son argumentation, la requérante entend en réalité dénoncer le fait que les conclusions scientifiques retenues par le CHMP sont manifestement erronées et qu’elles violent le principe d’égalité de traitement.

68      C’est à la lumière de ces précisions liminaires qu’il convient d’examiner les différents griefs de la requérante.

–       Sur l’allégation selon laquelle l’évaluation des risques présentés par l’ilopéridone n’est pas conforme aux lignes directrices relatives à l’allongement de l’intervalle QT/QTc

69      La requérante fait valoir que le CHMP n’a pas respecté les lignes directrices applicables, et plus particulièrement les orientations QT, lors de l’évaluation de la sécurité de l’ilopéridone.

70      À titre préalable, il importe de relever que les organes chargés notamment du traitement des demandes d’AMM, parmi lesquels figure l’EMA, peuvent être appelés à élaborer des orientations destinées non seulement à guider ce traitement, mais également à informer, dans un souci de transparence et de prévisibilité, les demandeurs des paramètres dont il sera tenu compte en vue de l’évaluation des données scientifiques et techniques qu’ils sont appelés à fournir à l’appui de leur demande.

71      Si ces « orientations » ou « lignes directrices » ne sont pas juridiquement contraignantes, elles peuvent être prises en compte dans une certaine mesure dans l’appréciation du rapport bénéfice-risque d’un médicament à titre d’éléments complémentaires (voir, par analogie, arrêt du 16 octobre 2003, AstraZeneca, C‑223/01, EU:C:2003:546, point 28). Tel est particulièrement le cas lorsque, comme dans la présente affaire, des questions techniquement ou scientifiquement complexes sont en jeu.

72      S’agissant des orientations QT, dont il est précisément question en l’espèce, leur raison d’être réside dans le constat, rappelé en introduction de celles-ci, selon lequel certains médicaments ont pour effet indésirable de retarder la repolarisation cardiaque – phénomène qui peut être observé par un allongement de ce qui est communément désigné comme l’intervalle QT sur l’électrocardiogramme de surface (ci-après l’« ECG ») – et, en définitive, de créer des conditions propices à des phénomènes de mort subite.

73      Il n’est pas contesté en l’espèce que le potentiel arythmogène d’une substance, qui peut être décelé en raison d’un allongement important de l’intervalle QT/QTc, constitue un risque d’une gravité évidente, qui doit se voir accorder une importance particulière dans l’évaluation des médicaments préalablement à leur mise sur le marché. Le point 5.1 des orientations QT précise, en ce sens, qu’« [u]n allongement important de l’intervalle QT/QTc, avec ou sans arythmies documentées, pourrait justifier la non-approbation d’un médicament ou l’arrêt de son développement clinique, en particulier lorsque le médicament n’apporte aucun avantage évident par rapport à un autre traitement disponible et lorsque ce traitement semble convenir à la plupart des patients ».

74      En l’occurrence, par son argumentation, la requérante entend, en substance, critiquer la non-prise en compte des orientations QT en ce qui concerne trois aspects, à savoir la définition du scénario le plus défavorable, la prise en compte des données pertinentes et les seuils qui doivent être retenus dans le cadre de l’évaluation de la sécurité des médicaments.

75      En premier lieu, s’agissant de la prise en compte en l’espèce du « scénario le plus défavorable » (worst case scenario), les orientations QT précisent notamment qu’« il est important de définir le “scénario le plus défavorable” pour les médicaments ayant manifesté des effets sur l’intervalle QT/QTc dans le cadre d’une évaluation des risques (c’est-à-dire l’intervalle QT/QTc mesuré chez la population de patients cible au moment de l’effet maximum du médicament et dans les conditions des taux sanguins les plus élevés pouvant être atteints pendant la thérapie) ».

76      Or, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le CHMP a retenu que, dans le cadre de l’évaluation des risques présentés par l’ilopéridone, le scénario le plus défavorable concernait les patients qui s’étaient également vu prescrire des médicaments inhibant légèrement les principales voies métaboliques de l’ilopéridone. Ainsi que l’a expliqué la Commission dans ses écritures, il est acquis que le potentiel arythmogène de l’ilopéridone augmente en fonction du taux de concentration dans le sang de cette substance. En d’autres termes, plus le taux de métabolisation de l’ilopéridone est lent, plus l’exposition du patient à cette substance est élevée et, partant, plus le risque encouru est important.

77      Contrairement à ce que la requérante avance, pour parvenir à cette conclusion, le CHMP ne s’est pas limité à raisonner de manière théorique, mais a tenu compte de l’ensemble des données qui avaient été portées à sa connaissance, et notamment des données scientifiques cliniques et non cliniques qui lui avaient été présentées (voir points 81 à 88 ci-après).

78      En outre et en tout état de cause, bien que la définition du scénario le plus défavorable revêt, aux termes des orientations QT, une certaine importance dans l’évaluation des risques présentés par les médicaments entraînant un allongement de l’intervalle QT, il apparaît, en l’occurrence, que le CHMP a conclu que le rapport bénéfice-risque de l’ilopéridone était négatif quelle que fût la population considérée, dans la mesure où il était, sur le plan scientifique, délicat d’identifier a priori une population pour laquelle la métabolisation de l’ilopéridone était réduite.

79      Invitée lors de l’audience à fournir des explications sur l’importance et la portée de la définition du « scénario le plus défavorable », la Commission a ainsi expliqué, sans être contredite sur ce point, qu’il était particulièrement difficile – sinon impossible – de définir a priori les facteurs inhibiteurs de la métabolisation de l’ilopéridone tant ils étaient nombreux et imprévisibles. Elle a notamment indiqué que la prise concomitante de produits de consommation courante ou répandue (tels que par exemple la camomille, la réglisse ou encore la vitamine D) pouvait être de nature à ralentir la métabolisation de l’ilopéridone – et ainsi exposer les personnes concernées aux risques que présente cette substance sur le plan cardiaque – même pour des patients qui étaient en principe, eu égard à leur profil génétique, capables de métaboliser rapidement cette substance.

80      Il en découle que non seulement la définition de la sous-population pour laquelle le risque présenté par l’ilopéridone serait accru n’est pas entachée d’erreur manifeste d’appréciation, mais qu’en outre, et en tout état de cause, le CHMP a retenu que ledit risque existait quels que soient la population ou le scénario envisagé.

81      En deuxième lieu, s’agissant des éléments dont le CHMP a tenu compte, pour conclure au potentiel arythmogène de l’ilopéridone, ils consistent, ainsi que le mentionne l’avis du CHMP, en quatre sources de données. Le CHMP s’est en effet référé à « toutes les données cliniques et non cliniques disponibles (y compris l’étude complète consacrée à l’intervalle QTc, [au] programme clinique global et [aux] cas de décès cardiaques/soudains inexpliqués lors des essais cliniques et après la mise sur le marché) ».

82      Tout d’abord, en ce qui concerne les données précliniques, le CHMP a relevé ce qui suit :

« L’ilopéridone et le métabolite P88 ont présenté une affinité plus élevée pour le canal hERG que les autres agents antipsychotiques, ainsi qu’une durée potentielle d’action prolongée, en fonction de la concentration, dans les fibres de Purkinje de chien. Bien qu’aucun effet sur l’ECG n’ait été observé dans les études sur le chien, l’ilopéridone est considérée comme présentant des risques élevés d’entraîner des torsades de pointes, ce qui représente un risque de sécurité majeur pour les patients. »

83      Ensuite, s’agissant de l’étude complète consacrée à l’intervalle QTc, le rapport d’évaluation du CHMP précise ce qui suit :

« L’étude complète 2328 consacrée à l’intervalle QTc est réputée démontrer l’existence d’un allongement considérable de l’intervalle QT. Des patients ont été sélectionnés de manière aléatoire afin de recevoir de l’ilopéridone (ILO) 8 mg deux fois par jour, de l’ILO 12 mg deux fois par jour (la dose thérapeutique maximale recommandée), de l’ILO 24 mg une fois par jour, de la ziprasidone 80 mg deux fois par jour (témoin positif) ou de la quétiapine 375 mg deux fois par jour (témoin négatif) en l’absence (période 1) et en présence d’une inhibition métabolique simple (période 2) et double (2D 6 & 3A 4 – période 3). Le fait qu’aucun sujet de cette étude n’ait présenté de valeur de l’intervalle QT ou QTc supérieure à 500 ms n’est pas nécessairement rassurant, étant donné qu’il s’agit d’un groupe de sujets qui n’ont aucun facteur de risque et qui affichaient un intervalle QT normal à la base et que le nombre de sujets ayant participé à l’essai (environ 30 personnes par groupe) était faible. L’observation d’une modification de la valeur de l’intervalle QTc de plus de 60 ms à Tmax chez sept sujets des groupes de traitement à l’ilopéridone prouve l’existence d’un risque potentiel majeur pour la sécurité. Il importe également de noter, s’agissant de la même étude, que sur 94 patients exposés à l’ilopéridone à différentes doses sans inhibition métabolique (période 1 du traitement) dans la population de l’intervalle QTc secondaire, respectivement 43 et 2 patients ont développé un allongement de l’intervalle QTcF de plus de 30 et 60 ms. »

84      En outre, s’agissant du programme clinique global, le rapport d’évaluation du CHMP fait état des constats suivants :

« En ce qui concerne les données cliniques sur la sécurité, groupe “sécurité” 1, 4,5 % des patients traités à l’ilopéridone, indépendamment de la dose (4-24 mg/jour), ont présenté un allongement de plus de 60 ms à un moment donné des essais cliniques. Dans le groupe “ziprasidone” (160 mg/jour), ce taux était de 1,6 %.

3 patients ont présenté à un moment donné un intervalle QTcF de plus de 500 ms (groupe ayant reçu 10-16 mg/jour d’ilopéridone). Ce résultat n’a pas été observé dans le groupe “ziprasidone”, bien que moins de patients aient été exposés à ce médicament.

[…]

Plus de décès sont survenus dans le groupe “ilopéridone” que dans tous les autres groupes ; en outre, 6 de ces décès pourraient être liés à un allongement de l’intervalle QT (arythmie, arrêt cardiaque soudain et mort subite). Étant donné que 4 423 patients ont été exposés à l’ilopéridone au cours du programme d’essais cliniques, 0,14 % de l’ensemble des patients ont été victimes de mort subite ou de décès lié à un événement cardiaque, soit un nombre exprimant les dommages de 714. Autrement dit, sur 714 patients traités à l’ilopéridone, un sera victime de mort subite ou de décès d’origine cardiaque. »

85      Il résulte de l’ensemble de ces données que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il avait été établi que l’ilopéridone pouvait entraîner un risque d’allongement de l’intervalle QT de plus de 30 ms – et non d’un niveau moyen compris entre 5 et 30 ms –, ce qui était de nature à exposer les patients à des risques de torsades de pointes et de décès soudains.

86      Enfin, en ce qui concerne les données postcommercialisation, et notamment les cas de décès cardiaques ou soudains inexpliqués qui avaient été recensés aux États-Unis, il importe de rappeler que le rapport d’évaluation du CHMP indique ce qui suit :

« Au 24 août 2016, 33 décès au total avaient été enregistrés dans la base de données globale américaine Vanda de surveillance postcommercialisation. 3 patients sont morts dans leur sommeil, 6 ont été victimes de mort subite, 6 sont décédés en raison de problèmes cardiaques. Les autres décès sont dus à un suicide (6), à des raisons inconnues (7), à d’autres raisons (2) et à une embolie pulmonaire (3). » 

87      À supposer même, quod non, ainsi que le soutient la requérante dans sa réplique, que le nombre de décès cardiaques recensés aux États-Unis ne puisse être considéré comme « alarmant », le CHMP pouvait, sans outrepasser les limites de la marge d’appréciation qui lui est conférée dans l’évaluation des données scientifiques qui lui étaient soumises, considérer que celui-ci constituait un indice du potentiel pro-arythmique de l’ilopéridone et ainsi du risque que présentait cette substance en matière de sécurité.

88      Le fait que le risque identifié soit « potentiel » justifie que le CHMP soit amené à formuler un avis négatif. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être exigé du CHMP qu’il établisse l’existence d’un « risque réel significatif » comme une augmentation notable de la mortalité cardiaque.

89      Eu égard à l’ensemble de ces données et considérations, appréhendées dans leur globalité, il apparaît que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, et en cohérence avec les constatations médicales et scientifiques qu’il avait faites, que le CHMP est parvenu à la conclusion qu’il existait une population de patients qu’un traitement à l’ilopéridone exposerait à des risques de sécurité réels et inacceptables.

90      En troisième lieu, s’agissant du bien-fondé de l’affirmation de la requérante selon laquelle les risques d’allongement de l’intervalle QT associé à l’ilopéridone n’atteignaient pas « les seuils de préoccupation » définis dans les orientations QT, il y a lieu de relever que ces orientations disposent que, « [s]i des allongements de l’intervalle QT/QTc de plus de 500 ms ou de plus de 60 ms par rapport à la valeur de référence sont fréquemment utilisés comme seuils pour l’arrêt potentiel d’un médicament, les critères exacts choisis pour un essai donné dépendent du niveau de tolérance des risques jugé approprié pour l’indication et le groupe de patients dont il est question ».

91      Il en découle que les orientations QT ne définissent pas un seuil qui serait, dans l’absolu, représentatif d’un risque de nature à conclure à l’absence de sécurité d’un médicament et encore moins un seuil dont seul le dépassement serait à même de justifier un refus d’AMM. Dès lors, si, ainsi que l’a, au demeurant, relevé le CHMP, « un allongement de plus de 60 ms par rapport à la valeur de référence lors d’un traitement médicamenteux est préoccupant et entraînerait généralement l’arrêt du médicament », rien ne permet d’exclure qu’un médicament entraînant un allongement de l’intervalle QT inférieur à ce chiffre puisse, dans certaines circonstances, présenter un risque en matière de sécurité.

92      En outre et en tout état de cause, le CHMP a, dans son avis, fait notamment mention de la conclusion suivante :

« Lors de l’examen des résultats de l’étude complète consacrée à l’intervalle QTc, sur les 94 patients exposés à l’ilopéridone à des doses différentes sans inhibition métabolique dans la population secondaire de l’intervalle QTc, 43 et 2 patients, respectivement, ont développé un allongement de l’intervalle QTcF de plus de 30 et 60 ms. »

93      Cette conclusion s’appuie sur un certain nombre de données cliniques, mentionnées dans le rapport d’évaluation du CHMP, de la manière suivante :

« En ce qui concerne les données cliniques sur la sécurité, groupe sécurité 1, durant les essais cliniques, une augmentation supérieure à 60 ms a été observée à un moment donné chez 4,5 % des patients traités par ilopéridone, indépendamment de la dose reçue (4 à 24 mg/jour). Dans le groupe ziprasidone (160 mg/jour), ce taux était de 1,6 %.

3 patients ont présenté à un moment donné un intervalle QTcF de plus de 500 ms (groupe traité à l’ilopéridone 10-16 mg/jour). Ce résultat n’a pas été observé dans le groupe “ziprasidone”, bien que moins de patients aient été exposés à ce médicament. »

94      Il ressort de ces développements que tant l’avis que le rapport du CHMP mentionnent clairement et en conformité avec les orientations QT pour quelles raisons des résultats des études cliniques présentées, qui incluaient différentes méthodes de calcul et de présentation, indiquaient que la prise d’ilopéridone restait associée à un risque réel d’arythmie cardiaque (torsades de pointes) susceptible de provoquer une mort subite.

–       Sur l’allégation selon laquelle le rapport d’évaluation du CHMP n’est pas conforme à la pratique actuelle de l’EMA en ce qu’il n’a pas été tenu compte de l’expérience positive postérieurement à la commercialisation de l’ilopéridone

95      La requérante fait valoir que le CHMP a refusé de tenir compte des données postcommercialisation relatives à l’ilopéridone, et en particulier des données recueillies aux États-Unis postérieurement à la mise sur le marché de cette substance. Ce refus serait non seulement contraire à la pratique actuelle de l’EMA, mais enfreindrait, en outre, le principe d’égalité de traitement, étant donné que le CHMP a tenu compte, par le passé, des telles données aux fins de l’autorisation d’autres médicaments.

96      Cette argumentation ne saurait prospérer.

97      En premier lieu, l’affirmation de la requérante selon laquelle l’EMA aurait en l’occurrence omis de tenir compte des données postcommercialisation ne peut être retenue. En effet, il ressort du dossier que le CHMP a effectivement tenu compte de l’expérience acquise après la mise sur le marché de l’ilopéridone notamment sur le marché américain, mais qu’elle l’a jugée non concluante.

98      Ainsi, le point 2.6 du rapport d’évaluation du CHMP mentionne, sous le sous-titre « Expérience postcommercialisation » (Post marketing experience), ce qui suit :

« [A]u 24 août 2016, 33 décès au total avaient été enregistrés dans la base de données globale américaine Vanda de surveillance postcommercialisation. 3 patients sont morts dans leur sommeil, 6 ont été victimes de mort subite, 6 sont décédés en raison de problèmes cardiaques. Les autres décès sont dus à un suicide (6), à des raisons inconnues (7), à d’autres raisons (2) et à une embolie pulmonaire (3). »

99      Ce rapport précise toutefois que n’ont pas été jugées fiables les données postcommercialisation fournies par la requérante dans les termes suivants :

« S’agissant de l’expérience acquise après la mise sur le marché, il est difficile de tirer des conclusions du calcul effectué par la requérante concernant la surmortalité, et ce en raison des difficultés rencontrées pour évaluer le taux de correspondance et le taux de sous-déclaration supposé. D’un point de vue qualitatif, de l’avis de l’évaluateur, et compte tenu de l’âge du patient, du délai écoulé depuis le début du traitement et des circonstances du décès, 15 cas pourraient être considérés comme très probablement liés à l’ilopéridone. Au moins un cas mortel pourrait avoir été précédé d’une arythmie ventriculaire et de torsades de pointes. »

100    Comme la Commission l’a expliqué dans ses écritures et explicité lors de l’audience de plaidoiries, le CHMP a, préalablement à l’examen qualitatif des données relatives à la période postérieure à la commercialisation de l’ilopéridone, évalué l’analyse quantitative de ces mêmes données qui avait été présentée par la requérante.

101    Il a toutefois été considéré que cette analyse quantitative était peu fiable, en raison de deux lacunes méthodologiques.

102    La première lacune identifiée avait trait à la circonstance selon laquelle la comparaison présentée par la requérante en vue de démontrer l’absence de surmortalité portait sur des populations non comparables. Le rapport d’évaluation du CHMP précise en ce sens :

« Les données disponibles et l’absence d’interchangeabilité (et dans une certaine mesure de comparabilité) entre les populations comparées ne permet pas d’exclure, de confirmer ou de quantifier une augmentation de la mortalité cardiaque dans le programme de développement clinique. »

103    La seconde lacune dont l’analyse quantitative présentée par la requérante était entachée, selon le CHMP, résidait dans la circonstance que le choix du niveau de sous-déclaration effectué par la requérante était arbitraire et ne pouvait être pris en considération. Le rapport d’évaluation du CHMP indique à cet égard ce qui suit :

« De même, il semble impossible d’estimer l’ampleur de la sous-déclaration des cas de décès associés à l’ilopéridone. Les données notifiées spontanément après la mise sur le marché ne sont pas considérées comme fournissant des assurances considérables en ce qui concerne l’innocuité cardiaque. Il existe diverses raisons pour lesquelles une sous-déclaration très significative des décès liés à l’ilopéridone peut être supposée. Il est généralement impossible de démontrer avec certitude qu’un décès cardiaque soudain est le résultat d’un allongement iatrogène de l’intervalle QT et d’une arythmie ventriculaire, vu l’absence de marqueur post mortem. Même lorsque l’on suspecte qu’il s’agit d’une cause probable du décès, un éventuel lien causal avec le traitement ne peut être déclaré, vu que l’allongement de l’intervalle QT est un effet bien connu de l’ilopéridone. »

104    Il importe de souligner que, compte tenu de la marge d’appréciation dont disposent les organes chargés de l’examen des données scientifiques fournies à l’appui d’une demande d’AMM, les conclusions et appréciations du CHMP ne pourraient être censurées que s’il était établi que celles-ci étaient, eu égard au dossier, sans lien avec les constatations médicales et scientifiques. Or, la requérante est restée en défaut de démontrer pour quels motifs il devrait être conclu que tel était en l’occurrence le cas. Elle n’a ainsi pas été en mesure d’expliquer pour quels motifs les données quantitatives qu’elle avait communiquées à l’appui de sa demande d’AMM était de nature à mettre en cause l’appréciation selon laquelle l’ilopéridone était doté d’un potentiel arythmogène et, ainsi, l’existence du risque identifié par le CHMP.

105    Dans ce contexte, il importe de rappeler que l’impératif de sécurité qui s’impose en matière de santé publique (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99 et jurisprudence citée) implique logiquement que les organes puissent, en présence de doutes sur la fiabilité des informations fournies à l’appui d’une demande d’AMM, pencher en faveur d’un refus d’AMM.

106    Or, en l’espèce, la requérante n’a pas été en mesure d’établir que les conclusions auxquelles le CHMP était parvenu s’agissant des données postcommercialisation recensées dans des pays tiers, notamment aux États-Unis, étaient incohérentes ou entachées d’une erreur d’analyse. Sur ce point, le rapport d’évaluation du CHMP contient une motivation permettant d’apprécier les considérations sur lesquelles l’avis du CHMP est fondé et établit un lien compréhensible entre les constatations scientifiques pertinentes et les conclusions retenues.

107    En second lieu, la requérante n’a pas été en mesure d’établir que la Commission s’était départie de la pratique suivie jusqu’alors dans la prise en compte des données postcommercialisation fournies à l’appui des demandes d’AMM de certains médicaments, en particulier la lurasidone et le cisapride. En jugeant peu convaincantes les données postcommercialisation fournies par la requérante, le CHMP n’a pas opposé à cette dernière un refus de principe à la prise en compte de telles données en vue de l’évaluation de l’innocuité de l’ilopéridone, mais s’est attaché à en vérifier la fiabilité sur le plan scientifique.

–       Sur l’allégation selon laquelle le CHMP a été indûment influencé par les observations du groupe d’experts ad hoc du 30 octobre 2017

108    La requérante soutient, en substance, que, étant donné que le CHMP n’a pas motivé sa décision de refus d’AMM, elle ne peut que « présumer » que la décision attaquée s’explique par deux éléments, à savoir, premièrement, l’allégation non étayée du groupe scientifique consultatif d’octobre 2017, elle-même basée sur l’avis personnel d’un de ses membres, selon laquelle l’ilopéridone a provoqué un nombre « très élevé » de décès soudains et inattendus et, deuxièmement, la participation à ce groupe d’un expert qui était consultant pour une entreprise produisant un médicament concurrent de celui qui contient l’ilopéridone.

109    Cette argumentation ne saurait prospérer.

110    En premier lieu, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle le CHMP aurait été indûment influencé par le groupe scientifique consultatif d’octobre 2017, celle-ci n’est pas étayée.

111    À cet égard, il y a lieu de rappeler que ce groupe a été convoqué à la suite d’une demande en ce sens faite par la requérante, conformément à l’article 62, paragraphe 1, du règlement no 726/2004, dans le cadre de la procédure de réexamen.

112    Comme l’a rappelé la Commission, il n’avait pas été établi que ce groupe d’experts scientifiques, qui avait un rôle purement consultatif et dont les rapports ne liaient donc pas le CHMP, avait eu une influence indue dans l’élaboration du rapport d’évaluation du CHMP.

113    En second lieu, il y a lieu de se prononcer sur l’allégation selon laquelle un des membres du groupe scientifique consultatif d’octobre 2017 avait exercé les fonctions de consultant pour un produit concurrent, alors même que l’ilopéridone était en cours d’évaluation. Ainsi que la Commission l’a souligné, selon la politique de l’EMA en matière de gestion des intérêts concurrents, les experts qui déclarent fournir actuellement des services de conseil pour un produit spécifique sont autorisés à participer aux réunions d’un groupe scientifique consultatif ou d’un groupe d’experts ad hoc, avec la restriction qu’ils ne peuvent participer au groupe lorsque celui-ci est consulté sur le produit spécifique déclaré. Or, en l’occurrence, les deux groupes d’experts ad hoc concernaient l’ilopéridone et non le produit inclus dans la déclaration d’intérêts de l’expert (à savoir la cariprazine). Dès lors, après évaluation des documents de déclaration d’intérêts conformément aux procédures établies, il a été conclu à l’absence de conflit d’intérêts en ce qui concernait l’expert en question et celui-ci a été autorisé à participer pleinement aux deux groupes d’experts ad hoc.

114    Cependant, la requérante a indiqué, dans sa réplique, qu’elle n’entendait pas formuler une allégation positive relative à un « conflit d’intérêts », mais uniquement une tentative d’explication pour comprendre le raisonnement suivi par le CHMP en l’absence, selon elle, de motivation convaincante dans la décision attaquée.

115    Invitée lors de l’audience à préciser la portée exacte de ses allégations, la requérante a confirmé qu’elle ne visait pas à mettre en cause une violation du principe d’impartialité ou un quelconque conflit d’intérêts, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de l’audience, mais qu’elle plaçait son argumentation sous l’angle du défaut de motivation.

116    Partant, il convient de rejeter à la fois l’allégation relative à l’influence indue du groupe consultatif scientifique d’octobre 2017 sur le CHMP et l’allégation relative à l’influence éventuellement indue qu’aurait pu avoir un expert ayant participé à ce groupe comme étant non fondées.

117    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il convient de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’évaluation des MMR proposées pour l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE, et du principe d’égalité de traitement

118    Par son deuxième moyen, la requérante critique, en substance, l’affirmation selon laquelle les « MMR proposées ne permettraient pas de faire face au risque identifié […] de manière appropriée » et qui a, en définitive, conduit l’EMA à conclure en l’occurrence à l’existence d’un rapport bénéfice-risque négatif. La requérante conteste ainsi l’évaluation des MMR proposées pour l’ilopéridone, parmi lesquelles figurait la possibilité de limiter l’AMM pour ce médicament au traitement de deuxième intention. Elle soutient que cette évaluation est non seulement entachée d’un défaut de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation (premier grief), mais qu’elle méconnaît, en outre, les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement (second grief).

119    La Commission réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du présent moyen.

120    Avant d’examiner les différents griefs avancés par la requérante dans le cadre du présent moyen, il importe de préciser que les MMR visent, de manière générale, à prévenir ou à réduire l’occurrence de réactions indésirables, somme toute inévitables, associées à l’exposition à un médicament, ou à réduire leur gravité ou leur impact sur le patient en cas de réactions indésirables. Ces MMR visent à optimiser l’utilisation sûre et efficace d’un produit pharmaceutique tout au long de son cycle de vie. Il est communément admis, par les acteurs du domaine de la pharmacovigilance, que tant la planification et la mise en œuvre de MMR que l’évaluation de leur efficacité sont des éléments clés de la gestion des risques. Le caractère suffisant ou non des MMR présentées peut donc s’avérer crucial dans toute décision relative à l’AMM d’un médicament.

121    En l’occurrence, les MMR proposées consistaient non seulement en des mesures « de routine », à savoir des indications et des mises en garde classiques dans la notice d’utilisation et le résumé des caractéristiques du produit, mais également en des mesures médicales d’accompagnement plus poussées tels le recours au génotypage et au suivi par ECG. En complément de l’ensemble des mesures proposées, la requérante a également fait valoir que le recours à l’ilopéridone en deuxième intention devait être envisagé.

–       Sur le grief selon lequel l’évaluation des MMR serait entachée d’une violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation

122    La requérante soutient que l’évaluation des MMR qu’elle a présentées à l’appui de sa demande d’AMM est entachée d’un défaut de motivation et qu’elle est, en tout état de cause, manifestement erronée. Selon elle, le CHMP n’aurait pas fourni, dans son rapport d’évaluation, des raisons plausibles pour lesquelles les MMR proposées, parmi lesquelles figurerait la possibilité de limiter l’AMM à un traitement de deuxième intention (c’est-à-dire pour les cas ou d’autres produits ne sont pas efficaces ou ne sont pas tolérés par les patients), n’ont pas été jugées suffisantes pour gérer les risques de sécurité présentés par l’ilopéridone.

123    La requérante souligne que, afin de gérer les risques d’allongement de l’intervalle QT, elle a présenté quatre types de MMR fréquemment employées sur le marché de l’Union, en particulier pour les produits destinés au traitement de la schizophrénie. Premièrement, elle allègue avoir, comme cela est couramment fait, inséré dans le résumé des caractéristiques du produit et dans la notice d’utilisation destinée aux patients des mises en garde strictes et des précautions d’emploi spécifiques indiquant que le produit pouvait provoquer un allongement de l’intervalle QT et avoir des effets indésirables et mentionnant que des cas de décès soudains avaient été signalés Deuxièmement, elle indique avoir, conformément à une pratique courante et suivant sur ce point les recommandations du CHMP, mentionné des précautions d’emploi, voire des contre-indications, pour empêcher l’administration d’ilopéridone à des patients présentant un risque relativement élevé, c’est‑à‑dire à des patients qui étaient intrinsèquement exposés au risque de subir les effets indésirables théoriquement associés à un allongement de l’intervalle QT. Troisièmement, elle aurait proposé, toujours en conformité avec les recommandations du CHMP, d’indiquer dans le résumé des caractéristiques du produit que le génotypage devait être effectué pour tous les patients avant le début du traitement de façon à identifier les patients présentant un certain génotype pour lesquels l’ilopéridone devait être contre-indiquée. Quatrièmement, elle aurait accepté et proposé de limiter le lancement du traitement par ilopéridone aux environnements dans lesquels un cardiologue est disponible et d’exiger que la surveillance par ECG soit effectuée avant et pendant le traitement par ilopéridone.

124    La requérante soutient que la combinaison de ces quatre MMR ainsi que la proposition consistant à limiter le traitement par ilopéridone en « deuxième intention », qu’elle a, comme cela est suggéré par le groupe scientifique consultatif constitué en mai 2017, présentée dans le cadre de sa demande de réexamen au moyen d’un algorithme de traitement complexe, aurait dû conduire le CHMP à conclure que les risques présentés étaient adéquatement gérés, ce qu’il a omis de faire. Les conclusions du CHMP, qui n’établiraient aucun lien compréhensible entre les constatations scientifiques, seraient ainsi entachées d’un défaut de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation notamment quant à l’examen des mesures de génotypage et au recours à l’ECG  ainsi qu’en ce qui concerne la proposition d’utilisation en deuxième intention.

125    En l’occurrence, il y a lieu de rappeler que le CHMP a estimé que les MMR proposées n’étaient pas suffisantes pour gérer de manière appropriée le risque détecté, à savoir le potentiel arythmogène considérable de l’ilopéridone.

126    L’avis du CHMP, repris en annexe I à la décision attaquée, énonce, de manière synthétique, ce qui suit :

« Compte tenu du lien de causalité complexe entre l’exposition à l’ilopéridone et des événements tels que des torsades de pointes, y compris des éléments inconnus et aléatoires et des éléments susceptibles de varier de manière imprévisible, on estime que les [MMR] proposées ne permettraient pas de faire face au risque identifié dans la pratique clinique. Par exemple, la proposition consistant à effectuer des ECG au Tmax estimé pourrait ne pas permettre de déterminer le Tmax réel en raison de facteurs intrinsèques ou extrinsèques, entraînant une sous-estimation de l’allongement de l’intervalle QTcF.

En outre, la faisabilité de la bonne mise en œuvre de l’ensemble complet des mesures dans tous les environnements cliniques est discutable pour des raisons pratiques (par exemple, la disponibilité de cardiologues suffisamment qualifiés), comme cela a été mentionné par les experts lors de la réunion ad hoc. »

127    Le rapport d’évaluation du CHMP explicite quant à lui les motifs pour lesquels les MMR proposées ont été jugées insuffisantes.

128    Il en ressort notamment que, au stade du premier examen de la demande d’AMM en cause en l’espèce, le CHMP a indiqué ce qui suit :

« Compte tenu de toutes les données cliniques et non cliniques disponibles (y compris l’étude complète consacrée à l’intervalle QTc, le programme clinique global et les cas de décès cardiaques/soudains inexpliqués lors des essais cliniques et après la mise sur le marché), l’ilopéridone possède un potentiel arythmogène considérable en fonction de l’exposition. Le fait que le métabolisme de l’ilopéridone dépende largement du CYP3A 4 et du CYP2D 6 accroît les risques d’interactions entre médicaments et rend le métabolisme du médicament extrêmement sensible aux polymorphismes génétiques. Les MMR telles que le génotypage du CYP2D 6 ou une surveillance ECG poussée ne sont pas jugées suffisantes pour minimiser ce risque. »

129    Il ressort également du rapport d’évaluation du CHMP que celui-ci a, au stade du réexamen de la demande d’AMM, maintenu sa conclusion selon laquelle les MMR proposées n’étaient pas suffisantes pour les motifs suivants :

« Il est admis que, pour un produit de niche destiné à être utilisé chez un nombre limité de patients, les [MMR] proposées semblent faisables dans certains environnements cliniques de l’UE, mais probablement pas dans tous. Toutefois, la capacité des mesures proposées à répondre de manière adéquate aux risques est contestée en présence de sources de variabilité connues et inconnues. Quelques exemples de ces dernières peuvent être fournis, mais il est impossible, par définition, d’en établir une liste exhaustive :

–        la recommandation consistant à effectuer des ECG à Tmax pourrait être rendue impossible par des facteurs intrinsèques ou extrinsèques ;

–        l’augmentation de l’exposition avec des inhibiteurs non contre-indiqués du métabolisme de l’ilopéridone pourrait considérablement varier en présence d’une faible marge de sécurité.

De même, la proposition visant à abaisser le seuil de contre-indication de [l’ilopéridone] en prenant pour référence l’intervalle QT à la base ne peut être acceptée, en raison de la variabilité de cette mesure chez un même sujet au sein de la population concernée. »

130    Dans la partie intitulée « Conclusion et évaluation actualisée du rapport bénéfice/risque », reprise sous le point 4 du rapport d’évaluation du CHMP, ce dernier a conclu ce qui suit :

« Compte tenu de toutes les données cliniques et non cliniques disponibles (y compris l’étude complète consacrée à l’intervalle QTc, le programme clinique global et les cas de décès cardiaques/soudains inexpliqués lors des essais cliniques et après la mise sur le marché), l’ilopéridone possède un potentiel arythmogène considérable en fonction de l’exposition. On considère que les MMR proposées ne permettraient pas de faire face au risque identifié dans ce cas spécifique de manière appropriée. Par conséquent, la sécurité de l’ilopéridone n’a pas été démontrée de façon suffisante. »

131    Il convient de relever que, d’une part, l’avis et le rapport d’évaluation du CHMP sur lesquels se fonde la décision attaquée ne sont pas entachés d’une insuffisance de motivation en ce qui concerne les MMR et que, d’autre part, le CHMP a, dans son rapport d’évaluation, formulé, comme l’exige la jurisprudence, une série de motifs plausibles à l’appui de sa conclusion selon laquelle les MMR proposées n’étaient pas à même de pallier les effets potentiellement indésirables de l’ilopéridone.

132    En premier lieu, s’agissant des deux premières catégories de MMR proposées, dites de « routine », que sont les indications et les mises en garde figurant dans le résumé des caractéristiques du produit et la notice, ainsi que la Commission l’a précisé dans le mémoire en défense, il ressort de l’ensemble de ces indications, que, compte tenu de la gravité du risque identifié, la pertinence de MMR « simples », telles que des mises en garde dans le résumé des caractéristiques du produit et la notice d’utilisation, a été exclue.

133    En deuxième lieu, en ce qui concerne la MMR consistant dans le  recours au génotypage, il apparaît que, en substance, le CHMP l’a considérée comme étant insuffisante pour deux raisons majeures.

134    Premièrement, le CHMP a conclu que le génotypage ne pouvait contrôler qu’en partie les risques engendrés par l’exposition à l’ilopéridone. Ainsi que la Commission l’a expliqué dans ses écritures, dans la mesure où il est acquis que cette substance possède un potentiel arythmogène croissant en fonction de l’exposition, il est apparu que, plus le taux de présence dans le sang de ladite substance était élevé, plus le patient était exposé à un risque d’arythmie cardiaque pouvant lui être fatal. À l’inverse, plus l’ilopéridone est métabolisée rapidement, plus ce risque est faible. Or, il ressort des données portées à la connaissance du CHMP que l’ilopéridone est essentiellement métabolisée par deux enzymes, à savoir le cytochrome P450 3A 4 (CYP3A 4) et le cytochrome P450 2D 6 (CYP2D 6), qui peuvent être inhibés dans le cas de la prise de médicaments. Or, dans un tel cas, le génotypage ne permet pas de déceler de manière suffisamment fiable les patients pour lesquels la prise d’ilopéridone est génératrice de risques importants.

135    Cette analyse est clairement exposée par le CHMP, dans son rapport d’évaluation, dans les termes suivants :

« Les multiplications de la Cmax par un facteur pouvant aller jusqu’à 2,3 observées avec l’inhibition métabolique ne sont pas négligeables et, surtout, constituent une valeur moyenne ; elles ne décrivent pas la mesure dans laquelle certains individus pourraient présenter une augmentation beaucoup plus forte de la Cmax d’ilopéridone en présence de puissants inhibiteurs du CYP3A 4 et du CYP2D 6. Cela dépend de l’activité des voies métaboliques mineures de l’ilopéridone, qui pourrait très bien être extrêmement variable. Dans le cadre de l’évaluation des risques de [torsades de pointes] dues à un médicament, l’effet moyen sur la population est moins pertinent que le scénario le plus défavorable. Il n’existe aucune donnée permettant de déterminer l’effet probable sur les concentrations de médicaments chez les patients ayant une faible activité des voies métaboliques mineures pour l’ilopéridone en présence de légers inhibiteurs du CYP3A 4 et du CYP2D 6. »

136    Deuxièmement, et à supposer même que l’exposition à l’ilopéridone puisse être contrôlée de manière satisfaisante par le recours au génotypage, il ressort du rapport d’évaluation du CHMP qu’il a été considéré que, bien qu’il existait, a priori, un lien évident entre l’allongement de l’intervalle QT (et donc le potentiel arythmogène) et cette exposition, cette dernière n’était pas le seul facteur lié à l’utilisation de l’ilopéridone susceptible d’entraîner des effets tels que des torsades de pointes pouvant entraîner le décès du patient. En d’autres termes, il a été considéré que le fait de contrôler, au moyen notamment du génotypage, l’exposition à l’ilopéridone n’était pas à même d’atténuer adéquatement les risques associés à la prise de ce médicament.

137    Le CHMP a ainsi expliqué, dans le rapport d’évaluation, ce qui suit :

« Les experts ont observé que le lien de causalité entre l’exposition à l’ilopéridone et des événements tels que des torsades de pointes était complexe et faisait intervenir certains éléments inconnus ou aléatoires qui, par définition, seraient très difficiles à contrôler dans le cadre de n’importe quel plan de minimisation des risques à mettre en œuvre en milieu clinique. »

138    En troisième lieu, s’agissant de l’évaluation de la MMR consistant dans le recours à l’ECG, les conclusions retenues s’agissant du recours au génotypage s’appliquent mutatis mutandis.

139    En effet, le recours à cette MMR à « Tmax », qui consiste en une estimation du temps écoulé jusqu’à l’obtention de la concentration plasmique maximale, a été considéré comme n’étant pas suffisamment efficace compte tenu d’un certain nombre de facteurs intrinsèques (liés à chaque patient) et extrinsèques (liés à la disponibilité dans les milieux cliniques concernés d’un praticien cardiologue pour assurer le suivi de patients atteints de schizophrénie).

140    Quant au recours à l’ECG au stade initial, c’est-à-dire au stade où il est envisagé de prescrire l’ilopéridone, le CHMP a relevé que celui-ci ne permettait pas nécessairement d’obtenir des informations fiables sur l’intervalle QT du patient. Le rapport d’évaluation du CHMP mentionne ainsi que « la proposition visant à abaisser le seuil de contre-indication de [l’ilopéridone] en prenant pour référence l’intervalle QT au stade initial ne peut être acceptée, en raison de la variabilité de cette mesure chez un même sujet au sein de la population concernée ».

141    En d’autres termes, selon le CHMP, dès lors que les valeurs recueillies au moyen d’un ECG sont très variables d’un individu à l’autre et donc imprévisibles, le recours au suivi par ECG n’apparaît pas comme étant une mesure pleinement satisfaisante pour contrôler les effets de la prise d’ilopéridone. Il n’apparaît donc pas possible de définir une valeur qui pourrait servir d’alerte aux professionnels concernés. En définitive, selon le CHMP, il y avait donc lieu de douter de la fiabilité du recours à cet instrument comme moyen de contrôle des risques présentés par l’ilopéridone.

142    En quatrième lieu, concernant la proposition d’utilisation de l’ilopéridone en « deuxième intention »,  à savoir pour le cas où le traitement du patient par un autre médicament n’a pas donné satisfaction, il y a lieu, dans le prolongement des développements précédents, d’examiner s’il existe un lien compréhensible entre les constatations scientifiques portées à la connaissance de l’EMA et la recommandation négative en cause en l’espèce.

143    À cet égard, il ressort du dossier soumis au Tribunal que c’est à la suite de l’avis négatif rendu par le CHMP le 20 juillet 2017 et à l’appui de sa demande de réexamen que la requérante a proposé que l’ilopéridone soit « indiquée pour le traitement de deuxième intention de la schizophrénie chez l’adulte ».

144    Dans cette perspective, la requérante avait distingué deux sous-catégories de la population globale pour lesquelles elle entendait démontrer un rapport bénéfice-risque positif de l’ilopéridone, à savoir, premièrement, les patients atteints de schizophrénie qui s’étaient stabilisés et, deuxièmement, les patients qui se trouvaient dans un épisode de crise aiguë et qui ne pouvaient être entièrement stabilisés par un autre médicament en raison d’un problème de tolérance.

145    Or, le rapport bénéfice-risque a été jugé négatif compte tenu des problèmes de sécurité majeurs qui se posaient pour ces deux sous-populations (de la même manière qu’ils se posaient pour la population globale). Le rapport d’évaluation du CHMP établit, à cet égard, un lien compréhensible entre les constatations médicales ou scientifiques et les conclusions qu’il comporte en ce qui concerne l’utilisation de l’ilopéridone en deuxième intention.

146    Si, ainsi que les parties s’accordent à le reconnaître, il existe toujours, à ce jour, des besoins médicaux non satisfaits chez les patients atteints de schizophrénie, notamment pour ceux souffrant d’akathisie, cela concerne, selon les données fournies lors de la procédure de réexamen visée en l’espèce, les patients qui auraient besoin d’avoir accès à un médicament ayant une propension nulle ou quasi nulle à provoquer un tel trouble. Or, tel n’est pas le cas de l’ilopéridone, qui, comme l’a indiqué le CHMP dans son rapport d’évaluation, présente « une propension faible, mais pas extrêmement faible, à provoquer des symptômes extrapyramidaux au sens large ».

147    En cinquième et dernier lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle le CHMP n’aurait pas avancé de raisons expliquant pourquoi les MMR proposées, considérées dans leur ensemble et non séparément, ne suffiraient pas à gérer les risques de sécurité posés par l’ilopéridone, elle est dénuée de fondement.

148    À cet égard, il importe de rappeler que l’avis du CHMP indique que, « [c]ompte tenu du lien de causalité complexe entre l’exposition à l’ilopéridone et des événements tels que des torsades de pointes, y compris des éléments inconnus et aléatoires et des éléments susceptibles de varier de manière imprévisible, on estime que les [MMR] proposées ne permettraient pas de faire face de manière appropriée au risque identifié dans la pratique clinique 

149    Ainsi que cela ressort également de la position du groupe ad hoc du 30 octobre 2017, il a été conclu que, quelle que fût la manière dont les MMR seraient combinées, un certain nombre de patients seraient exposés à un risque de sécurité important associé notamment au développement de torsades de pointes. Ce groupe a, entre autres considérations, relevé ce qui suit :

« [L]es experts ont observé que le lien de causalité entre l’exposition à l’ilopéridone et des événements tels que des torsades de pointes était complexe et faisait intervenir des éléments inconnus ou aléatoires qui, par définition, seraient très difficiles à contrôler dans le cadre de n’importe quel plan de minimisation des risques à mettre en œuvre en milieu clinique. Compte tenu de ces considérations et des données disponibles, les experts ont conclu à la majorité qu’il était impossible de concevoir un ensemble de [MMR] qui permettraient de faire face de manière appropriée aux risques recensés et que les mesures proposées finiraient par produire une fausse impression de sécurité. »

150    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de considérer que la conclusion selon laquelle les MMR proposées par la requérante en vue de l’octroi d’une AMM pour l’ilopéridone sont insuffisantes n’est pas entachée d’un défaut de motivation ou d’erreurs manifestes d’appréciation.

–       Sur le grief pris d’une violation du principe de proportionnalité

151    La requérante avance que l’évaluation des MMR proposées est contraire au principe de proportionnalité. Elle soutient que le rejet en bloc de ces MMR – et, partant, le refus d’octroyer une AMM – va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’équilibre entre les risques et les bénéfices. Ce rejet ne constituerait pas la mesure la moins contraignante pour minimiser suffisamment les risques associés à l’ilopéridone. De l’avis de la requérante, le CHMP aurait pu imposer les MMR réalisables pour faire en sorte que l’ilopéridone soit prescrite et administrée de façon à gérer les risques et à garantir un niveau acceptable de sécurité.  

152    Selon une jurisprudence établie, le principe de proportionnalité, désormais énoncé à l’article 5 TUE, exige que les actes des institutions de l’Union soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause et ne dépassent pas les limites de ce qui est nécessaire à la réalisation de ces objectifs, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 48 et jurisprudence citée).

153    Dans un domaine tel que celui en cause dans la présente affaire, dans lequel l’autorité publique concernée est appelée à effectuer des appréciations complexes, seul le caractère manifestement inapproprié d’une mesure arrêtée en ce domaine, par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre, peut affecter la légalité d’une telle mesure (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 49 et jurisprudence citée, et du 16 mars 2016, Dextro Energy/Commission, T‑100/15, EU:T:2016:150, point 80 et jurisprudence citée).

154    Pour apprécier le respect du principe de proportionnalité dans le champ de la santé publique, il convient de tenir compte du fait que la santé et la vie des personnes occupent le premier rang parmi les biens et intérêts protégés par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 19 avril 2012, Artegodan/Commission, C‑221/10 P, EU:C:2012:216, point 99 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, s’agissant du respect par les États membres de ce principe dans le domaine de la santé publique, arrêt du 8 juin 2017, Medisanus, C‑296/15, EU:C:2017:431, point 82 et jurisprudence citée).

155    Le Tribunal a jugé que, compte tenu précisément du caractère exclusif des critères de sécurité, d’efficacité et de qualité consacrés dans le cadre du système de l’Union d’harmonisation de l’octroi et de la gestion des AMM de médicaments, c’était uniquement au regard de ces critères que le caractère proportionné d’une mesure de suspension ou de retrait d’une AMM s’appréciait. Il s’ensuit que les intérêts pertinents dans le cadre du contrôle de proportionnalité s’identifient aux intérêts liés à la protection de la santé publique, pris en considération lors de l’application de la réglementation pertinente (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2010, Artegodan/Commission, T‑429/05, EU:T:2010:60, point 128).

156    En l’occurrence, il apparaît que l’argumentation développée par la requérante se confond, en substance, avec celle, examinée aux points 125 à 150 ci-dessus dans le cadre des développements consacrés à l’examen du premier grief du deuxième moyen, selon laquelle le CHMP aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation dans l’examen des MMR proposées pour faire face aux problèmes de sécurité associés à l’ilopéridone.

157    Dès lors qu’il a été considéré que ces MMR, prises isolément ou combinées les unes aux autres, ne suffisaient pas à conclure à l’existence d’un rapport bénéfice-risque positif, le CHMP était inévitablement conduit à prononcer un avis défavorable à l’AMM de ce médicament. En d’autres termes, dans la mesure où, en présence d’un médicament présentant un rapport bénéfice-risque négatif, il n’existe pas d’alternative moins contraignante que de donner une suite défavorable à une demande d’AMM pour ce médicament, il ne saurait être soutenu que le refus d’AMM, contenu dans la décision attaquée, est manifestement disproportionné.

–       Sur le grief pris d’une violation du principe d’égalité de traitement

158    La requérante estime que le CHMP a violé le principe d’égalité de traitement dans la mesure où il a appliqué aux MMR proposées pour l’ilopéridone un traitement différent de celui réservé à l’analyse des MMR proposées pour d’autres médicaments destinés au traitement de la schizophrénie. S’agissant, en particulier, du sertindole, la surveillance par ECG et le traitement de deuxième intention auraient été acceptés en tant que MMR. De même, au lieu de refuser l’octroi d’une AMM pour la cariprazine, le CHMP aurait accepté que les problèmes de sécurité identifiés pour ce médicament soient pris en compte dans les informations relatives au produit et dans les spécifications de celui-ci.

159    À cet égard, il est bien établi que le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’une différenciation ne soit objectivement justifiée (voir arrêts du 29 avril 2004, Novartis Pharmaceuticals, C‑106/01, EU:C:2004:245, point 69 et jurisprudence citée ; du 4 mai 2016, Pillbox 38, C‑477/14, EU:C:2016:324, point 35 et jurisprudence citée, et du 9 septembre 2010, CSL Behring/Commission et EMA, T‑264/07, EU:T:2010:371, point 113 et jurisprudence citée).

160    Or, en l’occurrence, dès lors que les données scientifiques relatives à la sécurité des médicaments sont différentes, il ne saurait être question de situations comparables.

161    S’agissant plus précisément des données relatives à l’allongement de l’intervalle QT et, partant, au potentiel arythmogène de l’ilopéridone, qui ont revêtu un caractère central dans l’évaluation du rapport bénéfice-risque visée en l’espèce, il ressort des données communiquées par la Commission, données qui n’ont pas été sérieusement contestées par la requérante, que les conclusions scientifiques divergent de celles retenues pour la cariprazine et le sertindole. En ce qui concerne notamment le sertindole, la Commission a précisé que les données qui avaient été présentées avaient permis d’exclure l’existence d’indicateurs de torsades de pointes, ce qui n’était pas le cas lors de l’évaluation de l’ilopéridone. Quant à la comparabilité des évaluations scientifiques portant respectivement sur la cariprazine et sur l’ilopéridone, la Commission a indiqué pour quelles raisons il existait des différences objectives quant aux résultats des analyses portant sur l’allongement de l’intervalle QT eu égard aux seuils de sécurité définis dans les orientations QT.

162    En effet, ainsi que cela ressort du rapport d’évaluation du CHMP, les experts consultés semblent s’être accordés à reconnaître l’existence d’un potentiel arythmogène significatif pour l’ilopéridone en raison de l’allongement de l’intervalle QT, alors que tel n’a pas été le cas pour la cariprazine et le sertindole.

163    En outre, en réponse à la question écrite posée par le Tribunal au titre des mesures d’organisation de la procédure, la Commission a précisé que le sertindole, dont le rapport bénéfice-risque n’a, à la suite de la suspension de l’AMM le concernant, pas été réévalué depuis 2002, ne se retrouve dans aucun des médicaments autorisés selon la procédure centralisée depuis cette date. En réponse à une question posée lors de l’audience, il a été confirmé que les paramètres dont il avait été par le passé tenu compte dans l’évaluation du potentiel arythmogène de certaines substances étaient moins exigeants que ceux actuellement applicables et que le contexte réglementaire applicable dans ce domaine avait évolué depuis 1997.

164    Il découle de l’ensemble de ces considérations que l’allégation de la requérante relative à la prétendue violation du principe d’égalité de traitement est dénuée de fondement et doit être rejetée.

165    En conséquence, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen.

 Sur le troisième moyen, pris de ce que l’évaluation des conséquences du délai d’action lent de l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation et d’une violation du principe de proportionnalité énoncé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE

166    La requérante soutient que l’évaluation des conséquences du délai d’action lent de l’ilopéridone, qui serait intrinsèquement incohérente, est entachée d’un défaut de motivation et d’une violation du principe de proportionnalité. Elle avance que, en considérant que ce délai d’action lent constituait une « préoccupation majeure » pour le traitement d’une exacerbation aiguë de la schizophrénie et, en conséquence, un motif complémentaire de refuser une AMM pour ce médicament, le CHMP a omis de tenir compte de trois circonstances essentielles. Premièrement, il ressortirait des lignes directrices relatives à l’investigation clinique des médicaments, y compris les préparations à libération prolongée dans le traitement de la schizophrénie (guideline on clinical investigation of medicinal products, including depot preparations in the treatment of schizophrenia), publiées par l’EMA le 20 septembre 2012 (EMA/CHMP/40072/2010 Rev. 1), qui indiquent que l’efficacité à court terme d’un médicament peut être établie au moyen d’un essai clinique de six semaines, qu’une efficacité immédiate ne doit pas nécessairement être démontrée pour attester de l’efficacité des produits destinés au traitement de cette maladie. Deuxièmement, s’agissant de traiter une maladie chronique, le délai d’action du médicament destiné à la traiter ne devrait pas jouer un rôle déterminant, surtout lorsque celui-ci est prescrit en deuxième intention, c’est-à-dire lorsque le recours à d’autres produits s’est avéré inefficace ou qu’il n’a pas été toléré. Troisièmement, le CHMP aurait lui-même admis, dans son rapport d’évaluation, que le délai d’action lent « ne serait pas considéré, en soi, comme un obstacle » à l’approbation de l’ilopéridone. Le CHMP aurait ainsi estimé que ce délai limiterait uniquement les situations cliniques dans lesquelles le recours à ce médicament pourrait être envisagé.

167    Le Tribunal rappelle que, ainsi que cela ressort de l’avis du CHMP (voir point 16 ci-dessus), ce dernier a conclu que le délai d’action lent de l’ilopéridone constituait « une préoccupation majeure pour le traitement d’une exacerbation aiguë de la schizophrénie ».

168    En premier lieu, s’agissant de l’allégation selon laquelle ces conclusions seraient empreintes de contradiction et, dès lors, entachées d’un défaut de motivation, elle repose sur une lecture biaisée de l’avis et du rapport d’évaluation du CHMP.

169    Certes, le CHMP a relevé, dans son rapport d’évaluation, que « [l]e délai d’action lent reconnu ne serait pas considéré en soi comme un obstacle à l’approbation de l’ilopéridone ».

170     Cela ne signifie pas pour autant que ce délai d’action n’est pas de nature à avoir un impact sur le rapport bénéfice-risque présenté par un médicament donné.

171    En l’occurrence, le CHMP a considéré, dans son rapport d’évaluation, que le délai d’action lent de l’ilopéridone pourrait avoir une importance clinique dans le traitement d’exacerbations aiguës de la schizophrénie, c’est-à-dire dans le traitement des patients de la deuxième sous-population identifiée. Ce constat était, dans les circonstances de l’espèce, de nature à confirmer l’existence d’un rapport bénéfice-risque négatif.

172    Le CHMP, dans son rapport d’évaluation, a ainsi fait observer ce qui suit :

« [L]’efficacité de l’ilopéridone est modérée. En outre, le médicament a montré un délai d’action lent, ce qui constitue une préoccupation majeure pour le traitement d’une exacerbation aiguë de la schizophrénie. Par conséquent, et en tenant compte de la sécurité globale et du profil d’efficacité de l’ilopéridone, il est impossible d’identifier la population de patients pour laquelle le bénéfice du traitement serait considéré comme supérieur aux problèmes de sécurité majeurs. »

173    En second lieu, l’affirmation selon laquelle le CHMP aurait violé le principe de proportionnalité, dans la mesure où il n’a pas autorisé – ni même envisagé – une indication limitée pour l’ilopéridone, ne convainc pas davantage.

174    À cet égard, il doit être rappelé que le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante, et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir jurisprudence rappelée au point 152 ci-dessus).

175    S’agissant plus précisément de la question de savoir s’il y a lieu ou non de donner une suite favorable à une demande d’AMM d’un médicament, le bilan bénéfice-risque de ce médicament effectué par les autorités chargées de l’examen de cette demande occupe une place centrale. Dès lors qu’il est conclu à l’existence d’un rapport bénéfice-risque négatif, la demande d’AMM doit être rejetée. Ainsi que la Commission l’a indiqué, la prescription d’un tel médicament doit être empêchée et ne saurait donc être laissée à la discrétion des professionnels de santé.

176    En conséquence, dans la mesure où le CHMP a émis un avis défavorable quant au rapport bénéfice-risque de l’ilopéridone, il ne saurait valablement lui être reproché d’avoir enfreint le principe de proportionnalité en refusant d’accorder une AMM « limitée » pour ce médicament, cette dernière ne constituant pas une mesure « moins contraignante » et « appropriée » envisageable en vue de la réalisation des objectifs poursuivis.

177    Il résulte de l’ensemble de ces considérations que les conclusions retenues quant aux conséquences du délai d’action de l’ilopéridone ne sont ni entachées d’un défaut de motivation ni contraires au principe de proportionnalité.

178    Partant, le troisième moyen ne saurait prospérer et doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce que l’obligation d’identifier une population pour laquelle l’ilopéridone donnerait de meilleurs résultats que d’autres produits viole les principes d’attribution et de proportionnalité (énoncés à l’article 5, paragraphes 1 à 3, TUE), l’article 12 et l’article 81, paragraphe 2, du règlement no 726/2004 ainsi que le principe d’égalité de traitement

179    La requérante  soutient, en substance, que, en exigeant d’elle la démonstration de la « supériorité » de l’ilopéridone par rapport aux autres médicaments de deuxième intention contre la schizophrénie, la décision attaquée enfreint le principe d’attribution, le principe de subsidiarité, le principe d’égalité de traitement ainsi que l’article 12 et l’article 81, paragraphe 2, du règlement no 726/2004, ces dernières dispositions établissant les motifs précis pour lesquels une demande d’AMM peut être refusée.

180    Premièrement, la requérante soutient que, en exigeant d’elle une telle démonstration – notamment par « l’identification d’une population » pour laquelle l’ilopéridone présente des avantages uniques par rapport à d’autres produits destinés au traitement de la schizophrénie, et même par rapport aux produits actuellement disponibles  pris dans leur ensemble –, le CHMP a posé et appliqué une condition supplémentaire d’approbation. La requérante avance que, bien qu’elle ait signalé, au cours de la procédure de réexamen, que cette condition était contraire au droit de l’Union, le CHMP l’aurait maintenue et appliquée dans son rapport d’évaluation. Par voie de conséquence, ce dernier aurait méconnu les principes d’attribution et de subsidiarité ainsi que les dispositions de l’article 12, paragraphe 1, et de l’article 81, paragraphe 2, du règlement no 726/2004, selon lesquelles une AMM ne peut être refusée que si le demandeur n’a pas démontré de façon adéquate ou suffisante la qualité, la sécurité ou l’efficacité du médicament.

181    Deuxièmement, la requérante considère que, en imposant, de manière inédite, dans le domaine des produits de deuxième génération destinés au traitement de la schizophrénie, des exigences supplémentaires aux fins de l’octroi de l’AMM pour l’ilopéridone, la décision attaquée viole le principe d’égalité de traitement. De l’avis de la requérante, le CHMP n’aurait, jusqu’alors, jamais exigé, dans l’évaluation de tels produits, que ceux-ci produisent de meilleurs résultats sur le plan notamment de la tolérance et de l’efficacité thérapeutique.

182    La Commission  conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du moyen.

183    En l’occurrence, il y a lieu de constater que l’argumentation avancée par la requérante à l’appui du présent moyen repose sur la prémisse erronée selon laquelle le CHMP lui aurait imposé une condition non prévue par le droit applicable aux fins de l’octroi de l’AMM, à savoir la démonstration de la supériorité de l’ilopéridone par rapport aux autres médicaments destinés au traitement des symptômes de la schizophrénie.

184    En effet, une lecture attentive des motifs qui sous-tendent la décision attaquée, en particulier du rapport d’évaluation du CHMP, fait clairement apparaître que c’est en réponse à l’argumentation de la requérante selon laquelle l’ilopéridone répondait à un « besoin médical non satisfait » – en ce que ce médicament s’adresse à des personnes atteintes d’une affection pour laquelle il n’existe pas de méthode de traitement totalement satisfaisante – que le CHMP a été conduit à procéder à un examen comparatif des bénéfices que présentaient sur le plan thérapeutique ce médicament par rapport à d’autres médicaments destinés aux traitement des symptômes de la schizophrénie de deuxième génération actuellement sur le marché. En particulier, le CHMP était invité à préciser si et dans quelle mesure l’ilopéridone présentait un risque moins élevé que d’autres médicaments actuellement disponibles de provoquer des effets extrapyramidaux, parmi lesquels l’akathisie.

185    Partant, tant les griefs pris d’une violation des principes d’attribution et de subsidiarité que ceux tirés d’une méconnaissance des dispositions du règlement no 726/2004 sont dénués de fondement. Comme l’a, à juste titre, relevé la Commission, la raison pour laquelle l’AMM de l’ilopéridone n’a pas été recommandée par le CHMP résidait dans son rapport bénéfice-risque négatif et non, comme le sous-entend la requérante, dans le résultat d’une comparaison opérée entre cette substance et des médicaments autorisés.

186    S’agissant de l’allégation selon laquelle l’évaluation de l’ilopéridone à laquelle a procédé le CHMP s’est avérée, en méconnaissance du principe d’égalité de traitement, beaucoup plus exigeante que celles portant sur d’autres médicaments destinés au traitement de la schizophrénie, elle n’apparaît pas davantage convaincante.

187    À cet égard, il y a lieu de souligner, dans le prolongement de ce qui a été indiqué dans le cadre de l’examen du troisième moyen (voir point 160 ci-dessus), que, dès lors que les données scientifiques relatives à la sécurité des médicaments sont différentes, il ne saurait être question de situations comparables.

188    Il en est d’autant plus ainsi que les médicaments visés appartiennent à des classes thérapeutiques différentes, étant donné que les considérations scientifiques pertinentes en vue d’en apprécier la sécurité et l’efficacité varient par définition d’un groupe de maladies à l’autre. En particulier, ainsi que la Commission l’a indiqué, sans être contredite par la requérante, l’ilopéridone et le cisapride appartiennent à des classes thérapeutiques différentes. L’ilopéridone est un antipsychotique qui relève du domaine thérapeutique des affections du système nerveux. En revanche, le cisapride est un médicament destiné à des affections du tube digestif et du métabolisme.

189    En tout état de cause, et à supposer même que les organes chargés de l’évaluation du rapport bénéfice-risque d’un médicament dans le cadre d’une demande d’AMM introduite selon la procédure centralisée se soient montrés moins stricts dans l’identification des risques présentés par d’autres médicaments, il ne saurait en être tiré argument pour justifier l’octroi d’une AMM. En effet, l’évaluation de l’efficacité, de la sécurité et de l’innocuité d’un médicament doit se fonder sur un examen objectif des analyses scientifiques présentées à l’appui d’une demande d’AMM et non sur un examen comparatif des évaluations effectuées par ces organes. Par ailleurs, il importe que soit établi que le médicament en question présente des avantages en matière d’efficacité et de sécurité tels qu’il justifie d’un rapport bénéfice-risque positif.

190    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen comme non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de ce que l’évaluation globale du rapport bénéfice-risque de l’ilopéridone est insuffisamment motivée et est, en tout état de cause, manifestement erronée

191    La requérante soutient, en substance, que l’évaluation globale du rapport bénéfice-risque de l’ilopéridone réalisée par le CHMP n’est pas suffisamment motivée et est, en tout état de cause, manifestement erronée. En effet, même si les erreurs et les défauts de motivation qu’elle a identifiés dans le cadre des quatre premiers moyens du présent recours ne pouvaient être considérés isolément comme étant manifestes, ils auraient abouti, pris ensemble, à surestimer les risques et à sous-estimer les bénéfices indéniables présentés par l’ilopéridone (à savoir une faible akathisie et une réduction du taux de rechute) et, dès lors, à conclure à un rapport bénéfice-risque négatif. La requérante fait valoir que, outre ces bénéfices, le CHMP semble avoir perdu de vue le fait que la schizophrénie est une maladie grave et l’importance des besoins non satisfaits des patients concernés.

192    La Commission conclut au rejet du moyen.

193    Il y a lieu de relever que, par le présent moyen, la requérante n’ajoute, en substance, rien de nouveau à ce qui été avancé dans le cadre des quatre premiers moyens. La requérante se limite en effet à avancer que le CHMP semble avoir perdu de vue la gravité de la maladie que constitue la schizophrénie, l’importance des besoins non satisfaits et les bénéfices que présente l’ilopéridone pour en traiter les symptômes (à savoir une faible akathisie et une réduction importante du taux de rechute). Elle en déduit que ces éléments auraient raisonnablement dû conduire le CHMP à formuler une recommandation positive à l’AMM de ce médicament.

194    À cet égard, il importe de rappeler que la décision d’autoriser ou non la mise sur le marché d’un médicament doit se fonder sur un examen exigeant de la qualité, de la sécurité et de l’efficacité de celui-ci, examen qui, en principe, doit reposer sur une évaluation objective de ses effets probables eu égard aux données scientifiques présentées par les demandeurs d’AMM. En effet, il est acquis que les impératifs de santé publique doivent se voir reconnaître une importance primordiale (voir notamment points 45 et 46 ci-dessus).

195    Dans le cas d’espèce, s’il est, certes constant qu’un important besoin médical subsiste dans les traitements pharmacologiques actuellement disponibles pour traiter les symptômes de la schizophrénie, cela ne saurait conduire les organes chargés de l’examen des demandes d’AMM qui leur sont soumises à se montrer, dans l’examen du rapport bénéfice-risque présenté par le médicament concerné, moins exigeantes s’agissant des paramètres dont il doit être tenu compte dans l’évaluation de la sécurité de ce médicament.

196    Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

197    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vanda Pharmaceuticals Ltd est condamnée aux dépens.

Spielmann

Csehi

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 décembre 2019.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur la recevabilité

Sur le fond

Considérations liminaires sur la nature et la portée du contrôle juridictionnel

– Rappels sur les caractéristiques majeures de la procédure centralisée d’AMM des médicaments telle qu’elle est régie par le règlement no 726/2004

– Sur l’étendue et la portée du contrôle juridictionnel

Sur le premier moyen, tiré de ce que l’évaluation des risques d’arythmie que pourrait entraîner l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation du principe d’égalité de traitement

– Sur le respect de l’obligation de motivation

– Sur l’allégation selon laquelle l’évaluation des risques présentés par l’ilopéridone n’est pas conforme aux lignes directrices relatives à l’allongement de l’intervalle QT/QTc

– Sur l’allégation selon laquelle le rapport d’évaluation du CHMP n’est pas conforme à la pratique actuelle de l’EMA en ce qu’il n’a pas été tenu compte de l’expérience positive postérieurement à la commercialisation de l’ilopéridone

– Sur l’allégation selon laquelle le CHMP a été indûment influencé par les observations du groupe d’experts ad hoc du 30 octobre 2017

Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’évaluation des MMR proposées pour l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation, d’une erreur manifeste d’appréciation ainsi que d’une violation du principe de proportionnalité, énoncé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE, et du principe d’égalité de traitement

– Sur le grief selon lequel l’évaluation des MMR serait entachée d’une violation de l’obligation de motivation et d’erreurs manifestes d’appréciation

– Sur le grief pris d’une violation du principe de proportionnalité

– Sur le grief pris d’une violation du principe d’égalité de traitement

Sur le troisième moyen, pris de ce que l’évaluation des conséquences du délai d’action lent de l’ilopéridone est entachée d’un défaut de motivation et d’une violation du principe de proportionnalité énoncé à l’article 5, paragraphes 1 et 4, TUE

Sur le quatrième moyen, tiré de ce que l’obligation d’identifier une population pour laquelle l’ilopéridone donnerait de meilleurs résultats que d’autres produits viole les principes d’attribution et de proportionnalité (énoncés à l’article 5, paragraphes 1 à 3, TUE), l’article 12 et l’article 81, paragraphe 2, du règlement n o 726/2004 ainsi que le principe d’égalité de traitement

Sur le cinquième moyen, tiré de ce que l’évaluation globale du rapport bénéfice-risque de l’ilopéridone est insuffisamment motivée et est, en tout état de cause, manifestement erronée

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.