Language of document : ECLI:EU:T:2006:351

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

16 novembre 2006 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Marque nationale verbale antérieure YUPI – Demande de marque communautaire verbale YUKI – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 – Conclusions de l’OHMI – Recevabilité »

Dans l’affaire T‑278/04,

Jabones Pardo, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée initialement par Me J. Astiz Suárez, puis par Me A. Tarí Lázaro, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Laporta Insa, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Quimi Romar, SL, établie à Moncada (Espagne), représentée par Mes A. Sanz-Bermell y Martínez et J. Carlos Heder, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 23 avril 2004 (affaires jointes R 547/2003‑1 et R 604/2003‑1), relative à une procédure d’opposition entre Jabones Pardo, SA et Quimi Romar, SL,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 juillet 2004,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 novembre 2004,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2004,

à la suite de l’audience du 31 janvier 2006,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 octobre 1999, Quimi Romar, SL a présenté, en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal YUKI.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 28 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; désinfectants ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » ;

–        classe 28 : « Surprises explosives et serpentins pour fêtes ».

4        Le 15 mai 2000, la demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 39/2000.

5        Le 20 juillet 2000, Jabones Pardo, SA a formé une opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94, à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée pour toutes les catégories de produits visés par cette dernière, en s’appuyant sur sa marque verbale antérieure YUPI, enregistrée en Espagne le 12 septembre 1952 sous le nº 246715, pour les produits suivants relevant de la classe 3 : « tout type de produits de parfumerie, cirage, essences et dentifrices ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient l’identité entre les signes et entre les produits et les services au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 et le risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

7        Sur demande de l’intervenante, la requérante a présenté des documents pour démontrer l’usage de la marque antérieure sur laquelle se fonde l’opposition.

8        Par décision du 13 août 2003, la division d’opposition de l’OHMI a estimé que la requérante avait uniquement démontré l’usage de la marque YUPI pour les « produits de parfumerie » et a accueilli en partie l’opposition en ce qu’elle visait les « savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3, et les « produits pharmaceutiques et hygiéniques », relevant de la classe 5, en raison des similitudes visuelle et phonétique que la marque antérieure présentait avec la marque demandée. En revanche, elle a rejeté l’opposition en ce qui concerne les autres produits couverts par la marque demandée, estimant que ces produits et ceux protégés par la marque antérieure n’étaient pas similaires.

9        Les deux parties ont formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 23 avril 2004 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a joint les deux recours, accueilli le recours de l’intervenante et rejeté celui de la requérante.

11      En substance, la chambre de recours a, tout d’abord, rejeté l’argument de l’intervenante concernant la forclusion par tolérance de l’action de la requérante au sens de l’article 53, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Ensuite, la chambre de recours a substitué son appréciation à celle de la division d’opposition en ce qui concerne la similitude de certains produits (« produits pharmaceutiques et hygiéniques »). En revanche, elle a notamment considéré, à l’instar de la division d’opposition, que les « produits de parfumerie » et les « savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3, étaient identiques ou similaires. Enfin, la chambre de recours a estimé que le fait que la marque antérieure revête une signification précise neutralisait dans une large mesure le faible degré de similitude visuelle et phonétique entre les marques opposées, de sorte qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé dans l’État membre concerné (Espagne).

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        modifier les conclusions de la décision attaquée relatives à la similitude des signes et des produits, faire droit à l’opposition et rejeter la demande d’enregistrement pour les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3, et les « produits pharmaceutiques et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, désinfectants », relevant de la classe 5 ;

–        à défaut, annuler la décision attaquée afin qu’il soit procédé à une nouvelle comparaison des signes et des produits en conflit tenant compte de l’extrême similitude visuelle et phonétique existant entre YUPI et YUKI ainsi que de l’identité ou de la quasi-identité de nombreux produits parmi ceux concernés.

13      L’OHMI s’en remet à la sagesse du Tribunal pour l’appréciation finale de la question de savoir s’il existe ou non un risque de confusion entre les marques en cause, de sorte que :

–        s’agissant des produits considérés comme identiques ou similaires (« savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3) :

–        si le Tribunal est d’avis que l’appréciation des faits réalisée par les autorités espagnoles n’est pas pertinente et que, conformément à l’analyse de la chambre de recours, YUPI revêt une signification suffisamment claire et précise pour neutraliser les similitudes visuelle et phonétique existant entre les marques, il devrait conclure qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en cause et, dans cette hypothèse, confirmer la décision attaquée en rejetant le recours et condamner la requérante aux dépens ;

–        si, en revanche, le Tribunal est d’avis que l’appréciation des faits réalisée par les autorités espagnoles est pertinente et/ou que le fait que le terme « yupi » apparaisse dans un dictionnaire ne suppose pas qu’il possède une signification claire et précise, il devrait conclure qu’il existe un risque de confusion et, dans cette hypothèse, annuler en partie la décision attaquée en faisant droit en partie au recours et condamner l’intervenante aux dépens, dans le cas où elle comparaît, ou déclarer que chaque partie supportera ses propres dépens ;

–        s’agissant des autres produits (ceux jugés différents et ceux dont la comparaison n’a pas été contestée), il conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        confirmer la décision attaquée et rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours présenté à l’encontre de la demande de marque communautaire ;

–        confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité des conclusions de l’OHMI

15      En vertu de l’article 113 du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci peut à tout moment, d’office, examiner les fins de non-recevoir d’ordre public.

16      Il convient de rappeler la jurisprudence selon laquelle rien ne s’oppose à ce que l’OHMI se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés pour éclairer le Tribunal (arrêts du Tribunal du 30 juin 2004, GE Betz/OHMI – Atofina Chemicals (BIOMATE), T‑107/02, Rec. p. II‑1845, point 36, et du 25 octobre 2005, Peek & Cloppenburg/OHMI (Cloppenburg), T‑379/03, non encore publié au Recueil, point 22). En revanche, il ne peut pas formuler de conclusions visant à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours sur un point non soulevé dans la requête ou présenter des moyens non soulevés dans la requête (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, Rec. p. I‑9573, point 34, et arrêt Cloppenburg, précité, point 22).

17      Il résulte de cette jurisprudence, qu’il y a lieu, dans le cas d’espèce, d’examiner la légalité de la décision attaquée au regard des moyens soulevés dans la requête, en tenant compte également des arguments mis en avant par l’OHMI.

 Sur la recevabilité des documents produits pour la première fois devant le Tribunal

18      Certains documents versés en annexe à la requête ont été produits pour la première fois devant le Tribunal.

19      Lesdits documents sont des décisions nationales qui n’ont pas été analysées par la chambre de recours, parmi lesquelles :

–        une décision de l’Oficina Española de Patentes y Marcas (office espagnol des brevets et des marques, ci-après l’« OEPM ») du 20 mars 2001 relative à l’enregistrement ES2322072 ;

–        une décision de l’unité de recours de l’OEPM du 13 mars 2002 relative à l’enregistrement ES2322072 ;

–        une décision de l’OEPM du 5 décembre 2001 relative à l’enregistrement ES2373018 ;

–        un extrait de la banque de données officielle de l’OEPM du 9 juillet 2004 relatif à l’enregistrement ES2373018, dont la dernière donnée date du 1er mai 2002 ;

–        un arrêt du Tribunal Superior de Justicia de la Comunidad Valenciana (Cour supérieure de justice de la communauté autonome de Valence, Espagne, ci-après le « Tribunal Superior de Justicia ») du 5 juillet 2004 relatif à l’enregistrement ES2322072, par lequel le Tribunal Superior de Justicia a notamment rejeté le recours de l’intervenante contre la décision de l’OEPM refusant l’enregistrement de la marque YUKI en raison d’un risque de confusion avec la marque antérieure YUPI.

20      Le Tribunal rappelle que le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national [arrêts du Tribunal du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T‑32/00, Rec. p. II‑3829, point 47, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, non encore publié au Recueil, point 70]. Dès lors, les décisions nationales invoquées par la requérante ne sauraient, en tout état de cause, remettre en cause la légalité de la décision attaquée, qui ne doit être appréciée que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. Par conséquent, il convient d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probatoire.

 Sur le fond

 Arguments des parties

21      La requérante se réfère à la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en matière de risque de confusion notamment en ce qui concerne l’exigence d’appréciation globale, l’interdépendance entre la comparaison des signes et celle des produits ou services, le critère de perception du consommateur moyen et le caractère distinctif de la marque antérieure, en tant que dernier facteur à prendre en compte. La requérante désigne l’Espagne comme territoire pertinent et le consommateur européen moyen comme public pertinent pour l’appréciation du risque de confusion.

22      En premier lieu, s’agissant de la forclusion par tolérance, la requérante conteste l’argument de l’intervenante, rejeté d’ailleurs par la division d’opposition et par la chambre de recours, selon lequel, d’une part, l’utilisation de la marque YUKI aurait été tolérée par le titulaire de la marque YUPI et, d’autre part, en vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, cette coexistence des deux marques sur le marché espagnol pendant plusieurs années interdirait à la requérante de s’opposer à la demande de marque communautaire. La requérante souligne la mauvaise foi de l’intervenante, qui, alors qu’elle avait antérieurement reconnu par écrit, dans une lettre du 23 septembre 1993 adressée à la requérante, qu’elle cessait d’utiliser la marque YUKI et que l’usage de celle-ci avait été marginal, avait soutenu l’inverse dans la procédure d’opposition. La requérante affirme qu’en tout état de cause l’usage allégué par l’intervenante a eu lieu à son insu et par conséquent qu’il n’a pas pu être réel et effectif.

23      En deuxième lieu, concernant la comparaison des produits, la requérante souscrit à l’analyse de la chambre de recours, selon laquelle les « savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3, et les produits couverts par la marque antérieure sont soit identiques soit similaires.

24      En revanche, la requérante ne partage pas l’avis de la chambre de recours en ce qui concerne certains autres produits relevant de la classe 3 (« préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer ») et de la classe 5 (« produits pharmaceutiques et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, désinfectants »), visés par la marque demandée. La requérante soutient notamment que ces produits et ceux protégés par la marque antérieure sont également identiques ou similaires.

25      À cet égard, elle se réfère au Diccionario de la lengua española de la Real Academia Española et à plusieurs pages Internet, pour soutenir que les « produits de parfumerie » protégés par la marque antérieure englobent l’ensemble des produits de l’industrie de la parfumerie, y compris les produits de beauté, d’hygiène et, dans une large mesure, de santé, notamment les « produits pharmaceutiques et hygiéniques » ainsi que les « substances diététiques à usage médical ». La requérante affirme qu’il existe un lien entre les « produits de parfumerie » et les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer », relevant de la classe 3, et les « désinfectants », relevant de la classe 5, puisque tous ces produits contiennent habituellement un parfum. Par conséquent, tous ces produits seraient identiques ou, à tout le moins, fortement similaires.

26      En troisième lieu, en ce qui concerne la comparaison des signes, la requérante soutient que les marques sont identiques ou du moins extrêmement similaires sur les plans visuel et phonétique et par conséquent dans leur ensemble.

27      Selon la requérante, la similitude visuelle entre les deux signes en conflit découle notamment du fait qu’ils sont composés de quatre lettres, placées dans le même ordre. La différence entre les lettres « k »et « p » ne serait pas frappante, d’autant plus que les deux signes commencent par la lettre « y », peu courante dans la langue espagnole. Une telle similitude visuelle trouverait son pendant sur le plan phonétique. À cet égard, la requérante invoque la jurisprudence selon laquelle il ne saurait être exclu que la seule similitude phonétique des marques puisse créer un risque de confusion.

28      En ce qui concerne la référence faite dans la décision attaquée à la jurisprudence du Tribunal établissant que l’existence de différences conceptuelles peut neutraliser la similitude phonétique entre les signes, la requérante avance que cette éventuelle différence conceptuelle, si tant est qu’elle existe, n’est pas suffisante en présence de similitudes visuelle et phonétique aussi fortes que celles relevées en l’espèce. L’impression globale produite par ces deux marques révèlerait ainsi l’existence d’un risque de confusion.

29      En quatrième lieu, la requérante souligne que, dans le territoire en cause, les autorités compétentes (l’OEPM, l’unité de recours de l’OEPM et le Tribunal Superior de Justicia) ont considéré que les marques YUKI et YUPI sont similaires et qu’elles ne peuvent dès lors coexister au regard du risque évident de confusion qu’elles présentent, puisqu’elles désignent les mêmes produits et ne diffèrent que d’une seule lettre.

30      L’OHMI estime que, dans l’hypothèse où l’intervenante alléguerait à nouveau l’argument de la forclusion par tolérance, c’est à bon droit que la division d’opposition et la chambre de recours l’ont rejeté, et ce pour plusieurs raisons. L’OHMI soutient, notamment, que cette exception ne s’applique pas aux procédures d’opposition au sens de l’article 42 du règlement n° 40/94. Ensuite, cette exception supposerait que la marque communautaire postérieure soit enregistrée, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce. Troisièmement, même si cette exception devait s’appliquer aux procédures d’opposition et aux marques communautaires postérieures non encore enregistrées, le délai de tolérance de cinq ans ne se serait pas encore expiré. Quatrièmement, il n’y aurait pas lieu de parler de « tolérance » alors qu’il aurait été démontré que la requérante (titulaire de la marque antérieure) a engagé plusieurs actions en justice en vue, précisément, d’empêcher l’usage éventuel et l’enregistrement des marques de l’intervenante.

31      Concernant le risque de confusion, l’OHMI résume succinctement la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en matière de risque de confusion, en insistant sur l’exigence générale d’appréciation globale et le critère de perception du consommateur moyen. L’OHMI considère qu’il découle de la jurisprudence que l’analyse de l’existence d’un risque de confusion se déroule en trois étapes : la comparaison des produits et des services, la comparaison des signes et l’appréciation globale du risque de confusion.

32      En ce qui concerne, tout d’abord, les produits, l’OHMI rejette les arguments de la requérante. De l’avis de l’OHMI, l’interprétation par la requérante de la notion de « produits de parfumerie », constitue une extension injustifiée de la liste des produits couverts par la marque antérieure. L’OHMI avance arguments au soutien de sa position : l’usage de la marque YUPI aurait été démontré, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, uniquement pour des « produits de parfumerie » ; la marque antérieure n’aurait jamais été enregistrée pour les autres produits prétendument identiques ou similaires et, en tout état de cause, conformément à la classification de Nice, les produits de parfumerie constitueraient une catégorie indépendante de celle des autres produits cités par la requérante.

33      L’OHMI estime, en outre, que, puisque la requérante ne conteste pas les considérations de la chambre de recours concernant certains produits qu’elle a considérés soit comme différents des produits désignés par la marque (notamment les « préparations pour polir, dégraisser et abraser » de la classe 3 ; les « produits vétérinaires, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » de la classe 5 et les « surprise explosives et serpentins pour fêtes » de la classe 28), soit comme identiques ou analogues à ceux-ci (notamment les « savons, produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices » de la classe 3), la décision de la chambre de recours devrait être maintenue à cet égard.

34      En ce qui concerne les produits dont la qualification est contestée par la requérante (notamment les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer » de la classe 3 et les « produits pharmaceutiques et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical, désinfectants » de la classe 5), l’OHMI considère que c’est à raison que la chambre de recours les a qualifiés de différents des produits désignés par la marque antérieure. L’OHMI soutient, notamment, la chambre de recours en ce qu’elle a considéré que la nature, la destination, la finalité et les canaux de distribution desdits produits diffèrent de ceux des produits revêtus de la marque antérieure, et que les rapports éventuels qui peuvent exister entre ces produits et les produits de la requérante ne suffisent pas à établir leur similitude.

35      Concernant, ensuite, les signes, après avoir donné leur description sur le plan visuel et phonétique, l’OHMI note qu’ils sont en grande partie similaires. Quant à la similitude conceptuelle, l’OHMI fait remarquer que, même s’il est vrai que le Diccionario del Español Actual mentionne que le mot « yupi » est une interjection familière exprimant la joie, on n’en trouve aucune référence dans d’autres dictionnaires ou encyclopédies. L’OHMI ne prend pas position sur la question de savoir si le fait que le mot « yupi » apparaisse dans un dictionnaire suffit pour considérer qu’il revêt une signification suffisamment claire et précise pour que le public pertinent, en l’espèce le consommateur moyen espagnol, puisse la saisir immédiatement de sorte que soient neutralisées les similitudes visuelles et phonétiques comme l’exige la jurisprudence du Tribunal.

36      L’OHMI s’appuie sur la jurisprudence de la Cour selon laquelle le risque de confusion, à l’égard du public ciblé, doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, pour soutenir qu’au degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle entre les signes et au degré de similitude entre les produits s’ajoute, dans le cas présent, l’existence d’un précédent sur le territoire en cause.

37      À cet égard l’OHMI observe que, même s’il ne s’estime pas lié par les décisions nationales prononcées dans les affaires de marques, il conviendrait toutefois de tenir compte de la motivation et de l’appréciation opérées par ces instances, en particulier lorsque la décision a été prise dans l’État membre concerné par la procédure en question, en raison, notamment, de la connaissance approfondie des caractéristiques spécifiques de leur État que les juges nationaux possèdent, ainsi que de la mise en conformité de la jurisprudence nationale avec la jurisprudence communautaire rendue en matière de marques vers laquelle tendent les instances nationales.

38      Selon l’OHMI, il existe, toutefois, plusieurs facteurs ne permettant pas de tirer des conclusions définitives des précédents nationaux invoqués sur la légalité de la décision de la chambre de recours. Premièrement, lorsque la chambre de recours a rendu sa décision (le 23 avril 2004), elle n’aurait pas eu accès à l’arrêt du Tribunal Superior de Justicia, qui a été prononcé le 3 août 2004, et n’aurait pas disposé ainsi de l’information nécessaire pour procéder à un examen complet du caractère pertinent ou non de cet arrêt. Deuxièmement, il n’aurait pas été démontré que cet arrêt est devenu définitif. Troisièmement, les faits du litige national différeraient de ceux de la présente affaire en ce que, pour plusieurs produits, la preuve de l’usage de la marque antérieure n’aurait été ni demandée ni démontrée. Quatrièmement, les critères appliqués par le Tribunal Superior de Justicia pour la comparaison des produits ne seraient pas connus et l’on ignorerait, par conséquent, s’ils sont identiques à ceux définis par la Cour.

39      Selon l’intervenante, le public pertinent auquel les produits sont destinés est le consommateur espagnol.

40      L’intervenante soutient que la requérante a toléré l’usage de la marque YUKI pendant sept ans et elle demande le rejet du recours sur le fondement de la forclusion par tolérance, par analogie avec l’article 9 de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1). L’intervenante fait observer, en outre, que la lettre du 23 septembre 1993 qu’elle a envoyée à la requérante ne figurant pas dans le dossier, elle n’affecte en rien la légalité de la décision attaquée et n’équivaut pas à la reconnaissance d’un prétendu risque de confusion entre les marques en conflit.

41      L’intervenante soutient implicitement les considérations de la chambre de recours sur la comparaison des produits en conflit en ce que celle-ci les a jugés, selon les cas, identiques, similaires ou différents, à l’exception des « dentifrices », qui, d’après l’intervenante, n’ont pas de rapport avec les produits couverts par la marque antérieure. L’intervenante réfute l’argument de la requérante selon lequel certains produits, que la chambre de recours a considéré comme différents des « produits de parfumerie », seraient en rapport avec ceux-ci.

42      Concernant la comparaison des signes, l’intervenante fait plusieurs références à la jurisprudence en matière de risque de confusion et soutient, à titre principal, que, puisque les signes en cause sont visuellement, phonétiquement et conceptuellement différents, aucun risque de confusion entre les marques en conflit ne saurait exister. Elle soutient notamment que, sur le plan visuel, la troisième lettre des deux marques peut d’autant plus clairement être distinguée que la lettre « k » n’est pas courante dans la langue espagnole. Les deux marques seraient également phonétiquement différentes, car, d’une part, leur dernière syllabe diffère et, d’autre part les consonnes « p» et « k » se distinguent, le « p » étant labial alors que le « k » est vélaire. À titre subsidiaire, l’intervenante soutient que les différences conceptuelles entre les deux signes, notamment le fait que la marque YUPI revête une signification claire et précise, sont suffisamment importantes pour neutraliser leurs éventuelles similitudes visuelle et phonétique.

43      En réponse à l’argument de la requérante selon lequel, en Espagne, l’enregistrement de la marque YUKI a été refusé par les instances de l’OEPM et par le Tribunal Superior de Justicia en raison du risque de confusion existant avec la marque antérieure YUPI, l’intervenante invoque la jurisprudence du Tribunal selon laquelle les décisions nationales ne lient pas l’OHMI et, le cas échéant, le juge communautaire.

 Appréciation du Tribunal

44      À titre liminaire, il convient d’observer que, pour autant que l’allégation de l’intervenante selon laquelle la requérante a toléré l’usage de la marque YUKI pendant sept ans doive être comprise comme un moyen autonome fondé sur l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, celui-ci est incompatible avec les propres conclusions de l’intervenante.

45      En effet, le moyen invoqué par l’intervenante, fondé sur la forclusion par tolérance, a été analysé et rejeté par la chambre de recours dans sa décision. Or, l’intervenante n’a pas conclu à l’annulation ou à la réformation de la décision attaquée en vertu de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure. Les premier et deuxième chefs de conclusions de l’intervenante se rejoignent en substance et tendent au rejet du recours. Dans ces conditions, le Tribunal considère, en l’espèce, que le moyen précité de l’intervenante ne vient pas au soutien de ses conclusions et qu’il y a lieu, partant, de le rejeter.

46      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, « en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée ; le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure ». Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 40/94, on entend par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

47      Il importe de souligner que le risque de confusion dans l’esprit du public, qui se définit comme le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement, doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce [arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, points 16 et 29, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, Rec. p. I‑3819, points 17 et 18 ; arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Oberhauser/OHMI – Petit Liberto (Fifties), T‑104/01, Rec. p. II‑4359, points 25 et 26].

48      Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts Canon, précité, point 17, Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 19, et Fifties, précité, point 27).

49      En outre, la perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale du risque de confusion. Or, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 23, et Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 25 ; arrêt Fifties, précité, point 28). Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen des produits concernés est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, il convient de tenir compte de la circonstance que le consommateur moyen n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire. Il y a lieu également de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

50      Pour apprécier la similitude entre les produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, précité, point 23).

51      En ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, l’appréciation globale du risque de confusion doit être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips‑Van Heusen/OHMI – Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

52      Étant donné que les produits en cause sont des articles de consommation courante et que la marque antérieure est enregistrée en Espagne, le public pertinent, par rapport auquel l’analyse du risque de confusion doit s’effectuer, est constitué par le consommateur moyen de cet État membre.

53      En premier lieu, quant à la comparaison des produits, il convient de rappeler, tout d’abord, que, en vertu de l’article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, dans le cas où l’opposant ne produit la preuve de l’usage de la marque antérieure que pour une partie des produits ou services pour lesquels elle est enregistrée, ladite marque n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services. En application de cette disposition, lors de la comparaison des produits visés par les marques en cause en l’espèce, il y a lieu de prendre uniquement en considération les produits couverts par la marque antérieure pour lesquels la chambre de recours a considéré que la preuve de l’usage a été produite, à savoir les « produits de parfumerie ».

54      Le Tribunal constate que la requérante ne conteste pas les considérations de la chambre de recours concernant certains produits visés par la demande de marque, que celle-ci a qualifiés de différents (« préparations pour polir, dégraisser et abraser », relevant de la classe 3 ; « produits vétérinaires, aliments pour bébés ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; produits pour la destruction des animaux nuisibles ; fongicides, herbicides », relevant de la classe 5, et « surprises explosives et serpentins pour fêtes », relevant de la classe 28), d’identiques ou de similaires (« savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3).

55      En revanche, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir assimilé aux « produits de parfumerie », protégés par la marque antérieure, les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer », relevant de la classe 3, et les « produits pharmaceutiques et hygiéniques ; substances diététiques à usage médical ; désinfectants », relevant de la classe 5.

56      Il y a lieu de relever que les « produits de parfumerie » couverts par la marque antérieure sont des produits de beauté et d’hygiène corporelle. En effet, ces produits sont généralement utilisés pour prendre soin du corps humain et l’embellir en lui donnant une odeur ou un aspect agréables. De nos jours, il est même courant que les « produits de parfumerie » aient plusieurs fonctions indissociables, ayant trait à la fois à l’hygiène, à l’esthétique et à l’agrément tactile ou olfactif.

57      Force est de constater, comme l’a fait la chambre de recours, que les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer » et les « produits pharmaceutiques ; substances diététiques à usage médical ; désinfectants » ne sauraient être assimilés à des « produits de parfumerie », parce qu’ils ont un caractère, une destination et un mode d’utilisation clairement différents de ceux décrits ci-dessus. Le fait que, comme l’avance la requérante, certains des produits désignés par la marque demandée contiennent habituellement un parfum, n’est pas suffisant pour les assimiler aux « produits de parfumerie », ni leur conférer un caractère concurrent ou complémentaire de ceux-ci. En outre, ces produits ne sont généralement pas vendus dans les mêmes rayons de magasins et pour certains d’entre eux, pas dans les mêmes magasins. Enfin, il y a lieu d’ajouter que n’importe quel rapport entre les produits ne suffit pas à établir leur similitude.

58      En revanche, le Tribunal ne partage pas la position de la chambre de recours en ce qui concerne les « produits hygiéniques », que celle-ci a considéré comme différents des « produits de parfumerie ». Comme il a été relevé au point 56 ci-dessus, certains « produits de parfumerie » peuvent également être utilisés à des fins d’hygiène corporelle, de même que certains « produits hygiéniques » peuvent avoir pour fonction à la fois de nettoyer, d’embellir et de parfumer le corps humain. De ce fait, il existe une certaine similitude entre les « produits de parfumerie » et les « produits hygiéniques ».

59      En outre, il y a lieu de relever que l’argument de l’intervenante concernant les « dentifrices » présente une incohérence avec ses conclusions formelles, en ce qu’il s’agit d’une critique à l’encontre de la décision de la chambre de recours. Or, comme il a été exposé au point 45 ci-dessus, l’intervenante n’a pas conclu à l’annulation ou à la réformation de la décision de la chambre de recours, mais au rejet du recours. Par conséquent, il convient d’écarter cet argument sans qu’il soit nécessaire d’examiner sa pertinence.

60      Il s’ensuit que les critiques de la requérante portant sur la comparaison des produits en question effectuée par la chambre de recours sont fondées, en ce qui concerne les « produits hygiéniques » que celle-ci a considérés, à tort, comme différents des « produits de parfumerie ».

61      En second lieu, concernant la comparaison des signes en conflit, il y a lieu de relever que les signes à comparer sont tous les deux des signes verbaux.

62      Sur le plan visuel, les signes en cause se composent de quatre lettres, dont les deux premières (« y » et « u ») et la dernière (« i ») sont identiques et occupent les mêmes positions dans le signe. Les signes diffèrent uniquement par leur troisième lettre (« p » dans le signe antérieur et « k » dans le signe demandé). Contrairement à l’analyse effectuée par la chambre de recours et par l’intervenante, et conformément à ce que soutient la requérante, la différence entre les lettres « p » et « k » n’est pas frappante, puisque celles-ci contiennent toutes les deux une hampe. Il s’ensuit que les signes en cause sont visuellement très similaires.

63      Sur le plan phonétique, le Tribunal constate que les deux marques se composent de deux syllabes (« yu » et « pi » et « yu » et « ki ») qui sont prononcées en accentuant de la même manière la première syllabe (« yu »). Les sons « y », « u » et « i » sont identiques et occupent la même position dans les deux marques. Le son produit par la troisième lettre de chaque signe est occlusif, même s’il existe de légères différences entre la lettre « p » qui est une consonne occlusive, labiale et sourde, et la lettre « k » qui est une consonne occlusive, vélaire et sourde. Il s’ensuit que les signes en conflit sont également très similaires phonétiquement.

64      Sur le plan conceptuel, le Tribunal constate que l’appréciation de la division d’opposition reprise par la chambre de recours dans sa décision selon laquelle, en espagnol, le mot « yupi » est une interjection familière exprimant la joie tandis que le terme « yuki » n’a pas de signification n’est pas contestée par les parties. Il s’ensuit qu’il convient de considérer qu’il existe une différence conceptuelle entre les deux signes.

65      À cet égard, il convient de rappeler que les différences conceptuelles peuvent être de nature à neutraliser dans une large mesure des similitudes visuelle et phonétique entre des marques en conflit si au moins une des marques en cause a, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement (arrêt BASS, précité, point 54).

66      Le Tribunal relève que la chambre de recours a constaté que le mot « yupi » revêt une signification en espagnol et qu’il est plus que probable que le consommateur moyen saisisse plus facilement cette expression que le néologisme « yuki ». Or, si la requérante ne conteste pas la constatation de la chambre de recours selon laquelle, contrairement au terme « yuki », le mot « yupi » revêt une certaine signification en espagnol, elle soutient que l’éventuelle différence conceptuelle entre les deux signes qui en découle n’est pas suffisante pour neutraliser les similitudes visuelle et phonétique et, partant, pour éliminer le risque de confusion dans la perspective du public espagnol.

67      Sur ce point, il convient de faire droit à la requérante. En effet, l’absence de risque de confusion que la chambre de recours tire de la comparaison des signes est fondée sur deux constatations erronées. D’une part, la qualification de faible, par la chambre de recours, de la similitude visuelle et phonétique entre les deux signes en cause ne saurait être retenue dans la mesure où, comme il a été constaté aux points 62 et 63 ci-dessus, les deux signes présentent de fortes similitudes visuelle et phonétique. D’autre part, la probabilité supposée que le consommateur moyen saisisse le sens de l’expression « yupi » plus facilement que celui du signe YUKI ne confère pas forcément à ce mot une signification suffisamment claire et déterminée au sens de la jurisprudence citée au point 65 ci-dessus, et ce plus particulièrement dans le contexte des produits désignés par les marques en cause. Par ailleurs, le mot « yupi » n’est présent que dans un seul dictionnaire espagnol, ce qui ne permet pas de s’assurer que le public pertinent puisse saisir immédiatement sa signification.

68      Dans ces circonstances, le Tribunal estime que, contrairement à la solution retenue dans la décision attaquée, du point de vue de l’impression globale, les similitudes visuelle et phonétique des deux marques sont très fortes dans la perspective du public espagnol et que, partant, la faible différence conceptuelle risque d’échapper à son attention. Le contenu conceptuel du signe antérieur n’étant pas ainsi de nature à neutraliser les fortes similitudes visuelle et phonétique relevées entre les signes en cause, il existe un degré de similitude élevé entre ceux-ci.

69      Dès lors, ce degré de similitude élevé entre les signes en cause ne permet pas d’écarter l’existence d’un risque de confusion dans la perception du public pertinent entre, d’une part, les « savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3, et les « produits hygiéniques », relevant de la classe 5, visés par la marque demandée et, d’autre part, les « produits de parfumerie » protégés par la marque antérieure. En revanche, ce risque de confusion n’existe pas en ce qui concerne les autres catégories de produits visés par la marque demandée, compte tenu des différences existant entre ces produits et les produits désignés par la marque antérieure.

70      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que le recours est partiellement fondé en ce que la chambre de recours a considéré, à tort, qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques YUPI et YUKI, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce qui concerne, d’une part, les produits considérés comme identiques ou similaires, à savoir les « savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3, et les « produits hygiéniques », relevant de la classe 5, visés par la marque demandée et, d’autre part, les « produits de parfumerie » protégés par la marque antérieure.

71      S’agissant de la conclusion de la requérante tendant à titre principal à la réformation de la décision attaquée, le Tribunal considère qu’il n’y a pas lieu de procéder à la réformation, puisque les intérêts de la requérante sont suffisamment sauvegardés par une annulation, même partielle, de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 72].

72      En effet, il incombe à l’OHMI de tirer les conséquences du dispositif et des motifs des arrêts du Tribunal [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T‑331/99, Rec. p. II‑433, point 33 ; du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, Rec. p. II‑683, point 12, et du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 22].

 Sur les dépens

73      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 87, paragraphe 4, troisième alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens.

74      À l’audience, la requérante a conclu à la condamnation de la partie défenderesse aux dépens.

75      Il ressort d’une jurisprudence constante que le fait que la partie qui a eu gain de cause n’ait conclu en ce sens qu’à l’audience ne s’oppose pas à ce que sa demande soit accueillie [arrêt de la Cour du 29 mars 1979, NTN Toyo Bearing e.a./Conseil, 113/77, Rec. p. 1185 ; arrêts du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p II‑367, point 79 ; du 17 mars 1993, Moat/Commission, T‑13/92, Rec. p. II‑287, point 50, et du 5 octobre 2005, Bunker & BKR/OHMI – Marine Stock (B.K.R.), T‑423/04, non encore publié au Recueil, point 84].

76      L’OHMI ayant succombé, dans la mesure où la décision attaquée est partiellement annulée, et la requérante n’ayant pas conclu à ce que l’intervenante soit condamnée aux dépens, il y a lieu d’ordonner que l’OHMI supportera, outre ses propres dépens, la moitié des dépens exposés par la requérante et que l’intervenante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 23 avril 2004 (affaires jointes R 547/2003‑1 et R 604/2003‑1) est annulée en ce qu’elle a fait droit au recours de l’intervenante en ce qui concerne les « savons ; produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices », relevant de la classe 3, et les « produits hygiéniques », relevant de la classe 5, visés par la demande de marque communautaire.

2)      L’OHMI supportera ses propres dépens ainsi que la moitié des dépens exposés par Jabones Pardo, SA.

3)      Quimi Romar, SL supportera ses propres dépens.


Vilaras

Martins Ribeiro

Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2006.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      M. Vilaras


* Langue de procédure : l’espagnol.