Language of document : ECLI:EU:C:2016:114

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

25 février 2016 (*)

«Renvoi préjudiciel – Libre circulation des personnes – Citoyenneté de l’Union – Égalité de traitement – Directive 2004/38/CE – Article 24, paragraphe 2 – Prestations d’assistance sociale – Règlement (CE) no 883/2004 – Articles 4 et 70 – Prestations spéciales en espèces à caractère non contributif – Exclusion des ressortissants d’un État membre pendant les trois premiers mois de séjour dans l’État membre d’accueil»

Dans l’affaire C‑299/14,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen (tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Allemagne), par décision du 22 mai 2014, parvenue à la Cour le 17 juin 2014, dans la procédure

Vestische Arbeit Jobcenter Kreis Recklinghausen

contre

Jovanna García-Nieto,

Joel Peña Cuevas,

Jovanlis Peña García,

Joel Luis Peña Cruz,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, vice-président de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. F. Biltgen, E. Levits, Mme M. Berger (rapporteur) et M. S. Rodin, juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: M. M. Aleksejev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 avril 2015,

considérant les observations présentées:

–        pour Mme García-Nieto, M. Peña Cuevas, Jovanlis Peña García et Joel Luis Peña Cruz, par Me M. Schmitz, Rechtsanwalt,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. T. Henze et J. Möller, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement français, par M. R. Coesme, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. M. Holt, en qualité d’agent, assisté de M. B. Kennelly, barrister,

–        pour la Commission européenne, par MM. D. Martin et M. Kellerbauer ainsi que par Mme C. Tufvesson, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 juin 2015,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 18 TFUE et 45, paragraphe 2, TFUE, des articles 4 et 70 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO L 166, p. 1 et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010 (JO L 338, p. 35, ci-après le «règlement no 883/2004»), ainsi que de l’article 24 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO L 158, p. 77, ainsi que rectificatifs JO 2004, L 229, p. 35, et JO 2005, L 197, p. 34).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant le Vestische Arbeit Jobcenter Kreis Recklinghausen (centre pour l’emploi de l’arrondissement de Recklinghausen, ci-après le «centre pour l’emploi») à M. Peña Cuevas et Mme García-Nieto ainsi que leur fille commune, Jovanlis Peña García, et le fils de M. Peña Cuevas, Joel Luis Peña Cruz (ci-après, ensemble, la «famille Peña‑García») au sujet du refus de ce centre d’octroyer des prestations de l’assurance de base («Grundsicherung») prévue par la législation allemande.

 Le cadre juridique

 Le droit international

3        L’article 1er de la convention européenne d’assistance sociale et médicale, signée à Paris le 11 décembre 1953 par les membres du Conseil de l’Europe et en vigueur depuis l’année 1956 en Allemagne (ci-après la «convention d’assistance»), énonce un principe de non-discrimination dans les termes suivants:

«Chacune des Parties contractantes s’engage à faire bénéficier les ressortissants des autres Parties contractantes, en séjour régulier sur toute partie de son territoire auquel s’applique la présente convention et qui sont privés de ressources suffisantes, à l’égal de ses propres ressortissants et aux mêmes conditions, de l’assistance sociale et médicale [...] prévue par la législation en vigueur dans la partie du territoire considéré.»

4        Aux termes de l’article 16, paragraphe b, de la convention d’assistance, «toute Partie contractante notifiera au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe toute nouvelle loi ou tout nouveau règlement non encore couvert par l’annexe I. Lors de cette notification, la Partie contractante pourra formuler des réserves concernant l’application de sa nouvelle législation ou réglementation aux ressortissants des autres Parties contractantes». La réserve émise par le gouvernement allemand, le 19 décembre 2011, au titre de cette disposition est libellée comme suit:

«Le Gouvernement de la République fédérale d’Allemagne ne s’engage pas à faire bénéficier les ressortissants des autres Parties contractantes, à l’égal de ses propres ressortissants et aux mêmes conditions, des prestations prévues dans le livre II du code social – Protection sociale de base pour les chercheurs d’emploi [(Sozialgesetzbuch Zweites Buch – Grundsicherung für Arbeitsuchende)], dans sa version en vigueur au moment de la demande [(ci-après le ‘livre II du code social’)].»

5        Conformément à l’article 16, paragraphe c, de la convention d’assistance, cette réserve a été communiquée aux autres parties à cette convention.

 Le droit de l’Union

 Le règlement no 883/2004

6        L’article 4 du règlement no 883/2004, intitulé «Égalité de traitement», dispose:

«À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout État membre, que les ressortissants de celui-ci.»

7        L’article 70 de ce règlement, intitulé «Dispositions générales», figure sous le titre III, chapitre 9, de celui-ci, visant les «[p]restations spéciales en espèces à caractère non contributif». Cet article prévoit:

«1.      Le présent article s’applique aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale visée à l’article 3, paragraphe 1, et d’une assistance sociale.

2.      Aux fins du présent chapitre, on entend par ‘prestations spéciales en espèces à caractère non contributif’ les prestations:

a)      qui sont destinées:

i)      soit à couvrir à titre complémentaire, subsidiaire ou de remplacement, les risques correspondant aux branches de sécurité sociale visées à l’article 3, paragraphe 1, et à garantir aux intéressés un revenu minimal de subsistance eu égard à l’environnement économique et social dans l’État membre concerné;

ii)      soit uniquement à assurer la protection spécifique des personnes handicapées, étroitement liées à l’environnement social de ces personnes dans l’État membre concerné,

et

b)      qui sont financées exclusivement par des contributions fiscales obligatoires destinées à couvrir des dépenses publiques générales et dont les conditions d’attribution et modalités de calcul ne sont pas fonction d’une quelconque contribution pour ce qui concerne leurs bénéficiaires. Les prestations versées à titre de complément d’une prestation contributive ne sont toutefois pas considérées, pour ce seul motif, comme des prestations contributives,

et

c)      qui sont énumérées à l’annexe X.

3.      L’article 7 et les autres chapitres du présent titre ne s’appliquent pas aux prestations visées au paragraphe 2 du présent article.

4.      Les prestations visées au paragraphe 2 sont octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à sa législation. Ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.»

8        L’annexe X du règlement no 883/2004, intitulée «Prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», prévoit, concernant la République fédérale d’Allemagne, les prestations suivantes:

«[...]

b)      Les prestations visant à garantir des moyens d’existence au titre de l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi, sauf si, en ce qui concerne ces prestations, les conditions d’obtention d’un complément temporaire à la suite de la perception d’une prestation de chômage (article 24, paragraphe 1, du livre II du code social) sont remplies.»

 La directive 2004/38

9        Aux termes des considérants 10, 16 et 21 de la directive 2004/38:

«(10)      Il convient cependant d’éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil pendant une première période de séjour. [...]

[...]

(16)      Les bénéficiaires du droit de séjour ne devraient pas faire l’objet de mesures d’éloignement aussi longtemps qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil. En conséquence, une mesure d’éloignement ne peut pas être la conséquence automatique du recours à l’assistance sociale. L’État membre d’accueil devrait examiner si, dans ce cas, il s’agit de difficultés d’ordre temporaire et prendre en compte la durée du séjour, la situation personnelle et le montant de l’aide accordée, afin de déterminer si le bénéficiaire constitue une charge déraisonnable pour son système d’assistance sociale et de procéder, le cas échéant à son éloignement. En aucun cas, une mesure d’éloignement ne devrait être arrêtée à l’encontre de travailleurs salariés, de non-salariés ou de demandeurs d’emploi tels que définis par la Cour de justice, si ce n’est pour des raisons d’ordre public et de sécurité publique.

[...]

(21)      Toutefois, l’État membre d’accueil devrait être libre de déterminer s’il entend accorder aux personnes autres que celles qui exercent une activité salariée ou non salariée, celles qui conservent ce statut et les membres de leur famille des prestations d’assistance sociale au cours des trois premiers mois de séjour, ou de périodes plus longues en faveur des demandeurs d’emploi, ou des bourses d’entretien pour les études, y compris la formation professionnelle, avant l’acquisition du droit de séjour permanent.»

10      L’article 6 de cette directive, intitulé «Droit de séjour jusqu'à trois mois», prévoit:

«1.      Les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d'être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité.

2.      Les dispositions du paragraphe 1 s’appliquent également aux membres de la famille munis d’un passeport en cours de validité qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui accompagnent ou rejoignent le citoyen de l’Union.»

11      L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive, intitulé «Droit de séjour de plus de trois mois», dispose:

«Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une durée de plus de trois mois:

a)      s’il est un travailleur salarié ou non-salarié dans l’État membre d’accueil, ou

b)      s’il dispose, pour lui et pour les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil au cours de son séjour, et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil, [...]

[...]»

12      Aux termes de l’article 14 de la même directive, intitulé «Maintien du droit de séjour»:

«1.      Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu à l’article 6 tant qu’ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil.

2.      Les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ont un droit de séjour tel que prévu aux articles 7, 12 et 13 tant qu’ils répondent aux conditions énoncées dans ces articles.

Dans certains cas spécifiques lorsqu’il est permis de douter qu’un citoyen de l’Union ou les membres de sa famille remplissent les conditions énoncées aux articles 7, 12 et 13, les États membres peuvent vérifier si c’est effectivement le cas. Cette vérification n’est pas systématique.

3.      Le recours au système d’assistance sociale par un citoyen de l’Union ou un membre de sa famille n’entraîne pas automatiquement une mesure d’éloignement.

4.      À titre de dérogation aux dispositions des paragraphes 1 et 2 et sans préjudice des dispositions du chapitre VI, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une mesure d’éloignement lorsque:

a)      les citoyens de l’Union concernés sont des salariés ou des non-salariés, ou

b)      les citoyens de l’Union concernés sont entrés sur le territoire de l’État membre d’accueil pour y chercher un emploi. Dans ce cas, les citoyens de l’Union et les membres de leur famille ne peuvent être éloignés tant que les citoyens de l’Union sont en mesure de faire la preuve qu’ils continuent à chercher un emploi et qu’ils ont des chances réelles d’être engagés.»

13      L’article 24 de la directive 2004/38, intitulé «Égalité de traitement», prévoit:

«1.      Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

2.      Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé d’accorder le droit à une prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour ou, le cas échéant, pendant la période plus longue prévue à l’article 14, paragraphe 4, point b), ni tenu, avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non-salariés, les personnes qui gardent ce statut, et les membres de leur famille.»

 Le droit allemand

 Le code social

14      L’article 19 bis, paragraphe 1, figurant dans le livre I du code social (Sozialgesetzbuch Erstes Buch) prévoit les deux principaux types de prestations de l’assurance de base bénéficiant aux demandeurs d’emploi dans les termes suivants:

«Peuvent être revendiquées au titre du droit à l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi:

1.      des prestations visant l’insertion dans le travail,

2.      des prestations visant à assurer la subsistance.»

15      L’article 1er du livre II du code social, intitulé «Fonction et objectif de l’assurance de base pour les demandeurs d’emploi», dispose, à ses paragraphes 1 et 3:

«(1)      L’assurance de base pour les demandeurs d’emploi vise à permettre à ses bénéficiaires de mener une vie conforme à la dignité humaine.

[...]

(3)      L’assurance de base pour les demandeurs d’emploi comprend des prestations

1.      visant à mettre fin à ou à réduire l’état d’indigence, en particulier moyennant l’insertion dans le travail et

2.      visant à assurer la subsistance.»

16      L’article 7 du livre II du code social, intitulé «Bénéficiaires», prévoit, à son paragraphe 1:

«Les prestations au titre du présent livre sont destinées aux personnes qui

1.      ont atteint l’âge de 15 ans et n’ont pas encore atteint la limite d’âge visée à l’article 7 bis,

2.      sont aptes à travailler,

3.      sont indigentes et

4.      séjournent habituellement en République fédérale d’Allemagne (bénéficiaires aptes à travailler).

Sont exclus

1.      les étrangères et étrangers qui ne sont pas travailleurs salariés ou travailleurs non-salariés en République fédérale d’Allemagne et qui ne jouissent pas du droit de libre circulation en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la loi sur la libre circulation des citoyens de l’Union [(Freizügigkeitsgesetz/EU, ci-après la ‘loi sur la libre circulation’)], et les membres de leur famille, pendant les trois premiers mois de leur séjour,

2.      les étrangères et étrangers dont le droit de séjour n’est justifié que par la recherche d’un emploi, et les membres de leur famille,

[...]

La deuxième phrase, point 1, ne s’applique pas aux étrangères et aux étrangers qui séjournent en République fédérale d’Allemagne conformément à un titre de séjour délivré en vertu du chapitre 2, section 5, de la loi sur le droit de séjour [(Aufenthaltgesetz)]. Les dispositions en matière de droit de séjour demeurent inchangées.»

17      Il résulte des paragraphes 2 et 3 dudit article 7 que des mineurs inaptes à travailler, vivant avec des bénéficiaires aptes à travailler et formant ainsi avec ces derniers une «communauté de besoin», ont un droit dérivé aux prestations prévues par le livre II du code social.

18      L’article 8, paragraphe 1, du livre II du code social, intitulé «Aptitude à travailler», est libellé comme suit:

«Est apte à travailler toute personne qui, dans un avenir prévisible, n’est pas incapable, en raison d’une maladie ou d’un handicap, d’exercer une activité professionnelle au moins trois heures par jour dans les conditions habituelles du marché du travail.»

19      L’article 9, paragraphe 1, du livre II du code social dispose:

«Est indigente toute personne qui ne peut assurer sa subsistance, ou l’assurer suffisamment, sur la base du revenu ou du patrimoine à prendre en considération et ne reçoit pas l’assistance nécessaire d’autres personnes, en particulier des membres de sa famille ou d’autres organismes de prestations sociales.»

20      L’article 20 du livre II du code social contient des dispositions complémentaires relatives aux besoins de subsistance de base. L’article 21 du livre II du code social prévoit des règles sur les besoins supplémentaires et l’article 22 dudit code concerne les besoins d’hébergement et de chauffage. Enfin, les articles 28 à 30 du livre II du code social traitent des prestations de formation et de participation.

21      L’article 1er du livre XII du code social, qui a trait à l’aide sociale, est rédigé dans les termes suivants:

«La fonction de l’aide sociale est de permettre à ses bénéficiaires de mener une vie conforme à la dignité humaine. [...]»

22      L’article 21 du livre XII du code social prévoit:

«Il n’est pas versé de prestations de subsistance aux personnes qui sont visées par les prestations au titre du livre II du code social en ce qu’elles sont aptes à travailler ou en raison de leur lien familial. [...]»

 La loi sur la libre circulation

23      Le champ d’application de la loi sur la libre circulation, dans sa version applicable aux faits au principal, est précisé à l’article 1er de cette loi:

«La présente loi régit l’entrée et le séjour des ressortissants des autres États membres de l’Union européenne (citoyens de l’Union) et des membres de leur famille.»

24      L’article 2 de ladite loi prévoit, en ce qui concerne le droit d’entrée et de séjour:

«(1)      Les citoyens de l’Union bénéficiant de la liberté de circulation et les membres de leur famille ont le droit d’entrer et de séjourner sur le territoire fédéral conformément aux dispositions de la présente loi.

(2)      Bénéficient de la liberté de circulation en vertu du droit de l’Union:

1.      Les citoyens de l’Union qui souhaitent séjourner en tant que travailleurs, afin de rechercher un emploi ou pour suivre une formation professionnelle.

[...]

5.      Les citoyens de l’Union n’ayant pas d’activité professionnelle, conformément aux conditions de l’article 4,

6.      Les membres de la famille, conformément aux conditions des articles 3 et 4,

[...]

(3)      Pour les travailleurs salariés ou indépendants le droit prévu au paragraphe 1 est sans préjudice

1.      d’une incapacité de travail provisoire à la suite d’une maladie ou d’un accident,

2.      du chômage involontaire confirmé par l’agence pour l’emploi compétente ou de la cessation d’une activité indépendante à la suite de circonstances indépendantes de la volonté du travailleur indépendant, après plus d’un an d’activité,

3.      de la formation professionnelle lorsqu’il existe un lien entre la formation et l’activité professionnelle antérieure; le lien n’est pas nécessaire si le citoyen de l’Union a perdu involontairement son emploi.

Le droit tiré du paragraphe 1 est sans préjudice durant une période de six mois du chômage involontaire confirmé par l’agence pour l’emploi compétente après une période d’emploi de moins d’un an.

[...]»

25      L’article 3 de la loi sur la libre circulation, relatif aux membres de la famille, dispose:

«(1)      Les membres de la famille des citoyens de l’Union visés à l’article 2, paragraphe 2, points 1 à 5, bénéficient du droit au titre de l’article 2, paragraphe 1, dès lors qu’ils accompagnent ledit citoyen de l’Union ou lorsqu’ils le rejoignent. Pour les membres de la famille des citoyens de l’Union visés à l’article 2, paragraphe 2, point 5, cela s’applique conformément aux conditions de l’article 4.

(2)      Sont des membres de la famille

1.      le conjoint et les parents en ligne descendante des personnes visées à l’article 2, paragraphe 2, points 1 à 5 et 7, ou de leurs conjoints, qui n’ont pas encore atteint l’âge de 21 ans,

2.      les parents en ligne ascendante ou descendante des personnes visées à l’article 2, paragraphe 2, points 1 à 5 et 7, ou de leurs conjoints, dont la subsistance est assurée par ces personnes ou leurs conjoints.

[...]»

26      L’article 5 de la loi sur la libre circulation, intitulé «Cartes de séjour et attestation relative au droit de séjour permanent», prévoit:

«(1)      Une attestation de droit de séjour est délivrée d’office et immédiatement aux citoyens de l’Union et aux membres de leur famille ayant la nationalité d’un État membre de l’Union européenne qui sont autorisés à circuler librement sur le territoire.

[...]

(3)      L’office des étrangers compétent peut exiger que les conditions du droit prévues à l’article 2, paragraphe 1, soient démontrées de façon crédible dans les trois mois qui suivent l’entrée sur le territoire fédéral. Les indications et preuves nécessaires à la justification peuvent être reçues, lors de l’enregistrement administratif, par l’autorité d’enregistrement compétente, laquelle transmet les indications et preuves à l’office des étrangers compétent. [...]

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

27      Les membres de la famille Peña-García sont tous des ressortissants espagnols. Mme García-Nieto et M. Peña Cuevas vivaient depuis plusieurs années en couple dans un foyer commun en Espagne et formaient une unité économique sans être mariés ou avoir contracté un partenariat enregistré, avec leur fille commune Jovanlis Peña García et le fils encore mineur de M. Peña Cuevas, Joel Luis Peña Cruz.

28      Au mois d’avril 2012, Mme García-Nieto est entrée en Allemagne avec sa fille Jovanlis et s’est inscrite, le 1er juin 2012, en tant que demandeuse d’emploi. À partir du 12 juin 2012, elle a exercé la profession d’aide cuisinière, pour laquelle elle a été affiliée, à compter du 1er juillet 2012, à titre obligatoire, à la sécurité sociale allemande et a perçu une rémunération mensuelle nette de 600 euros.

29      Le 23 juin 2012, M. Peña Cuevas et son fils ont rejoint Mme García‑Nieto et Jovanlis. Jusqu’au 1er novembre 2012, la famille Peña-García a résidé chez la mère de Mme García-Nieto et a tiré sa subsistance des revenus de Mme García‑Nieto. En outre, à partir du mois de juillet 2012, M. Peña Cuevas et Mme García‑Nieto ont perçu des allocations familiales pour leurs enfants Jovanlis et Joel Luis, lesquels sont scolarisés depuis le 22 août 2012.

30      Le 30 juillet 2012, la famille Peña-García a introduit une demande de prestations de subsistance au titre du livre II du code social auprès du centre pour l’emploi (ci-après les «prestations en cause»). Ce dernier a toutefois refusé d’octroyer ces prestations dans la mesure où elles concernent M. Peña Cuevas et son fils pour les mois d’août et de septembre 2012, lesdites prestations ayant été toutefois accordées à compter du mois d’octobre 2012.

31      La décision de refus d’octroi opposée par le centre pour l’emploi se fondait sur l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du livre II du code social, en raison du fait que, au moment de la demande, M. Peña Cuevas et son fils séjournaient depuis moins de trois mois en Allemagne et que M. Peña Cuevas n’avait, par ailleurs, pas la qualité de travailleur salarié ou non-salarié. Selon le centre pour l’emploi, l’exclusion du bénéfice des prestations en cause s’appliquait également au fils de M. Peña Cuevas. En effet, à la suite de la réserve émise le 19 décembre 2011 par le gouvernement allemand à l’égard de la convention d’assistance, cette dernière n’était plus susceptible de faire naître des droits.

32      Le recours formé par la famille Peña-García contre cette décision du centre pour l’emploi a été accueilli par le Sozialgericht Gelsenkirchen (tribunal du contentieux social de Gelsenkirchen), lequel a écarté les motifs d’exclusion visés à l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du livre II du code social pour des raisons liées à l’économie de la législation nationale. Le centre pour l’emploi a fait appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen (tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie).

33      La juridiction de renvoi exprime des doutes quant à la compatibilité de l’exclusion complète du bénéfice des prestations en cause avec le droit de l’Union dans les hypothèses prévues par l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du livre II du code social.

34      Dans ces conditions, le Landessozialgericht Nordrhein-Westfalen (tribunal supérieur du contentieux social de Rhénanie-du-Nord-Westphalie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le principe de non-discrimination prévu à l’article 4 du règlement no 883/2004 s’applique-t-il – à l’exception de l’exclusion de l’exportation des prestations prévue à l’article 70, paragraphe 4, dudit règlement – également aux prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, au sens de l’article 70, paragraphes 1 et 2, dudit règlement?

2)      En cas de réponse affirmative à la première question, des restrictions au principe de non-discrimination prévu à l’article 4 du règlement no 883/2004 par des dispositions de la législation nationale de transposition de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, en vertu desquelles l’accès auxdites prestations n’existe en aucun cas pendant les trois premiers mois du séjour lorsque des citoyens de l’Union n’ont en République fédérale d’Allemagne ni la qualité de travailleur salarié ou de travailleur non-salarié ni un droit à la libre circulation en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la loi sur la libre circulation sont-elles possibles et le cas échéant dans quelle mesure?

3)      En cas de réponse négative à la première question, des principes de non-discrimination énoncés par ailleurs par le droit primaire – en particulier par les dispositions combinées des articles 45, paragraphe 2, TFUE et 18 TFUE – font-ils obstacle à une disposition nationale qui refuse sans exception à des citoyens de l’Union, pendant les trois premiers mois de leur séjour, une prestation sociale qui sert à garantir des moyens de subsistance et qui, dans le même temps, facilite également l’accès au marché du travail, lorsque ces citoyens de l’Union n’ont certes en République fédérale d’Allemagne ni la qualité de travailleur salarié ou de travailleur non-salarié ni un droit à la libre circulation en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la loi sur la libre circulation, mais peuvent se prévaloir d’un lien réel avec l’État d’accueil et, en particulier, avec le marché du travail de l’État d’accueil?»

35      Par décision du 19 mars 2015, la juridiction de renvoi a toutefois décidé qu’il n’y avait pas lieu de répondre à la première question étant donné qu’une question, ayant le même contenu que celle-ci, était posée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358) et que la Cour y avait répondu positivement en décidant que «le règlement no 883/2004 doit être interprété en ce sens que les ‘prestations spéciales en espèces à caractère non contributif’, au sens des articles 3, paragraphe 3, et 70 de ce règlement, relèvent du champ d’application de l’article 4 dudit règlement».

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la deuxième question

36      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 24 de la directive 2004/38 et l’article 4 du règlement no 883/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation d’un État membre qui exclut du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, et qui sont également constitutives d’une «prestation d’assistance sociale», au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, les ressortissants d’autres États membres qui se trouvent dans une situation telle que celle visée à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive.

37      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans l’arrêt Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:597, points 44 à 46), la Cour a déjà jugé que des prestations telles que les prestations en cause ne sauraient être qualifiées de prestations de nature financière destinées à faciliter l’accès à l’emploi sur le marché du travail d’un État membre, mais doivent être considérées comme étant des «prestations d’assistance sociale», au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38.

38      Pour ce qui concerne l’accès à de telles prestations, un citoyen de l’Union ne peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l’État membre d’accueil en vertu de l’article 24, paragraphe 1, de la directive 2004/38 que si son séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil respecte les conditions de la directive 2004/38 (arrêts Dano, C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 69, et Alimanovic, C‑67/14, EU:C:2015:597, point 49).

39      En effet, admettre que des personnes qui ne bénéficient pas d’un droit de séjour en vertu de la directive 2004/38 puissent réclamer un droit à des prestations d’assistance sociale dans les mêmes conditions que celles qui sont applicables pour les ressortissants nationaux irait à l’encontre d’un objectif de ladite directive, énoncé à son considérant 10, qui vise à éviter que les citoyens de l’Union ressortissants d’autres États membres deviennent une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil (arrêts Dano, C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 74, et Alimanovic, C‑67/14, EU:C:2015:597, point 50).

40      Par conséquent, aux fins de déterminer si des prestations d’assistance sociale, telles que les prestations en cause, peuvent être refusées sur le fondement de la dérogation de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, il importe de vérifier, au préalable, l’applicabilité du principe d’égalité de traitement rappelé à l’article 24, paragraphe 1, de ladite directive et, partant, la légalité du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil du citoyen de l’Union concerné (arrêt Alimanovic, C‑67/14, EU:C:2015:597, point 51).

41      Il convient de constater, à cet égard, que, ainsi qu’il ressort du dossier soumis à la Cour, M. Peña Cuevas peut fonder un droit de séjour sur l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2004/38.

42      En effet, cette disposition prévoit que les citoyens de l’Union ont le droit de séjourner sur le territoire d’un autre État membre pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l’exigence d’être en possession d’une carte d’identité ou d’un passeport en cours de validité et l’article 14, paragraphe 1, de cette directive maintient ce droit tant que le citoyen de l’Union et les membres de sa famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale de l’État membre d’accueil (arrêts Ziolkowski et Szeja, C‑424/10 et C‑425/10, EU:C:2011:866, point 39, ainsi que Dano, C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 70).

43      Cela étant, il importe cependant de relever que, dans un tel cas, l’État membre d’accueil peut se prévaloir de la dérogation de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 pour refuser d’accorder audit citoyen la prestation d’assistance sociale réclamée (arrêt Dano, C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 70).

44      En effet, il ressort expressément du libellé de cette disposition que l’État membre d’accueil peut refuser d’accorder à une des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non-salariés ou celles qui gardent ce statut toute prestation d’assistance sociale pendant les trois premiers mois de séjour.

45      Or, comme l’a relevé M. l’avocat général au point 70 de ses conclusions, ladite disposition est conforme à l’objectif de préservation de l’équilibre financier du système d’assistance sociale des États membres poursuivi par la directive 2004/38, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 10 de celle-ci. Étant donné que les États membres ne peuvent exiger des citoyens de l’Union qu’ils possèdent des moyens de subsistance suffisants et une couverture médicale personnelle lorsqu’ils effectuent un séjour d’une durée maximale de trois mois sur leurs territoires respectifs, il est légitime de ne pas imposer auxdits États membres de prendre ces citoyens en charge durant cette période.

46      Dans ce contexte, il y a également lieu de préciser que, si la directive 2004/38 exige que l’État membre d’accueil prenne en compte la situation individuelle d’une personne intéressée lorsqu’il est sur le point d’adopter une mesure d’éloignement ou de constater que cette personne occasionne une charge déraisonnable pour le système national d’assistance sociale dans le cadre de son séjour (arrêt Brey, C‑140/12, EU:C:2013:565, points 64, 69 et 78), un tel examen individuel ne s’impose cependant pas dans un cas de figure tel que celui de l’affaire au principal.

47      En effet, dans l’arrêt Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:597, point 60), la Cour a déjà affirmé que la directive 2004/38, établissant un système graduel du maintien du statut de travailleur qui vise à sécuriser le droit de séjour et l’accès aux prestations sociales, prend elle-même en considération différents facteurs caractérisant la situation individuelle de chaque demandeur d’une prestation sociale et, notamment, la durée de l’exercice d’une activité économique.

48      Dès lors, si un tel examen n’est pas nécessaire dans le cas d’un citoyen à la recherche d’un emploi n’ayant plus le statut de travailleur, il en va a fortiori de même en ce qui concerne les personnes se trouvant dans une situation telle que celle de M. Peña Cuevas dans l’affaire au principal.

49      En effet, en permettant aux intéressés de connaître sans ambiguïté leurs droits et leurs obligations, l’exception visée à l’article 7, paragraphe 1, deuxième phrase, point 1, du livre II du code social, lu en combinaison avec l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, selon laquelle la République fédérale d’Allemagne n’est pas tenue d’accorder le droit à l’assistance sociale au cours des trois premiers mois de séjour d’un citoyen de l’Union sur son territoire, est de nature à garantir un niveau élevé de sécurité juridique et de transparence dans le cadre de l’octroi de prestations d’assistance sociale de l’assurance de base, tout en étant conforme au principe de proportionnalité (voir, par analogie, arrêt Alimanovic, C‑67/14, EU:C:2015:597, point 61).

50      En outre, s’agissant de l’examen individuel visant à procéder à une appréciation globale de la charge que représenterait concrètement l’octroi d’une prestation sur l’ensemble du système national d’assistance sociale en cause au principal, il convient de rappeler que l’aide accordée à un seul demandeur peut difficilement être qualifiée de «charge déraisonnable» pour un État membre, au sens de l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2004/38, en ce qu’elle serait susceptible de peser sur l’État membre concerné non pas après qu’il a été saisi d’une demande individuelle, mais nécessairement au terme d’une addition de l’ensemble des demandes individuelles qui lui seraient soumises (voir arrêt Alimanovic, C‑67/14, EU:C:2015:597, point 62).

51      Dans ces conditions, l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38 ne s’oppose pas à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, dans la mesure où celle-ci exclut du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, les ressortissants d’autres États membres qui se trouvent dans une situation telle que celle visée à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive.

52      La même conclusion s’impose en ce qui concerne l’interprétation de l’article 4 du règlement no 883/2004. En effet, les prestations en cause, qui constituent des «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», au sens de l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement, sont, en vertu du paragraphe 4 de ce même article, octroyées exclusivement dans l’État membre dans lequel l’intéressé réside et conformément à la législation de cet État. Il s’ensuit que rien ne s’oppose à ce que de telles prestations soient refusées à des ressortissants d’autres États membres n’ayant pas la qualité de travailleur salarié ou non-salarié ou des personnes qui gardent ce statut pendant les trois premiers mois de leur séjour dans l’État d’accueil (voir, en ce sens, arrêts Brey, C‑140/12, EU:C:2013:965, point 44, et Dano, C‑333/13, EU:C:2014:2358, point 83).

53      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la deuxième question que l’article 24 de la directive 2004/38 et l’article 4 du règlement no 883/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui exclut du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», au sens de l’article 70, paragraphe 2, du règlement no 883/2004, et qui sont également constitutives d’une «prestation d’assistance sociale», au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, les ressortissants d’autres États membres qui se trouvent dans la situation telle que celle visée à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive.

 Sur la troisième question

54      Étant donné que la troisième question a été posée dans l’hypothèse où il serait donné une réponse négative à la première question et que la Cour a apporté une réponse positive à une question ayant le même contenu posée dans les affaires qui ont donné lieu aux arrêts Dano (C‑333/13, EU:C:2014:2358) et Alimanovic (C‑67/14, EU:C:2015:597), il n’y a pas lieu de répondre à la troisième question préjudicielle.

 Sur les dépens

55      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit:

L’article 24 de la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE, et l’article 4 du règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (UE) no 1244/2010 de la Commission, du 9 décembre 2010, doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation d’un État membre qui exclut du bénéfice de certaines «prestations spéciales en espèces à caractère non contributif», au sens de l’article 70, paragraphe 2, dudit règlement no 883/2004, et qui sont également constitutives d’une «prestation d’assistance sociale», au sens de l’article 24, paragraphe 2, de la directive 2004/38, les ressortissants d’autres États membres qui se trouvent dans une situation telle que celle visée à l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive.

Signatures


* Langue de procédure: l’allemand.