Language of document : ECLI:EU:T:2019:152

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

12 mars 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale SMARTSURFACE – Motif absolu de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑463/18,

Novartis AG, établie à Bâle (Suisse), représentée par Me L. Junquera Lara, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Bonne et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 25 mai 2018 (affaire R 1765/2017-2), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal SMARTSURFACE comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. V. Valančius (rapporteur) et U. Öberg, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juillet 2018,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 novembre 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 mars 2017, la requérante, Novartis AG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SMARTSURFACE.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 9 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Lentilles de contact ».

4        Par décision du 27 juillet 2017, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de la marque SMARTSURFACE pour les produits en cause, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], au motif qu’elle était descriptive, et de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif.

5        Le 9 août 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 60 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 68 du règlement 2017/1001), contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 25 mai 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Statuant, en premier lieu, sur le caractère descriptif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, de la marque demandée, elle a relevé que le public pertinent était anglophone, composé du grand public et de professionnels, tels que les ophtalmologistes et les chercheurs. Elle a considéré que ce public percevrait instinctivement et sans aucun effort d’interprétation la marque demandée comme faisant référence à une surface de lentilles de contact présentant des caractéristiques complexes, comme la réactivité à l’environnement ou l’adaptation aux changements de lumière ou à l’humidité de l’environnement, c’est-à-dire, dans le contexte des lentilles de contact, comme une référence descriptive à l’une des principales caractéristiques desdites lentilles. Elle en a déduit que la marque demandée était descriptive. Elle a également rejeté les arguments de la requérante relatifs à l’existence d’une famille de marques comprenant le mot « smart » et aux enregistrements antérieurs comprenant ce mot. Statuant, en second lieu, sur le caractère distinctif, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, de la marque demandée, elle a considéré que le public pertinent percevrait cette marque comme un simple message informatif indiquant, de manière claire et directe, une caractéristique essentielle des produits en cause. Elle a ajouté que ladite marque consistait dans la simple juxtaposition de deux mots fréquemment utilisés et que ladite juxtaposition n’introduisait pas d’élément intrigant ou surprenant, ni n’exigeait un effort cognitif ou d’interprétation particulier. Elle a également constaté que cette marque ne constituait pas un jeu de mots et ne formait pas une rime. Elle en a déduit que la marque demandée était dénuée de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        déclarer que l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001 ne fait pas obstacle à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits en cause ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

 Sur la recevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante

9        Il convient de relever que la requérante, par son deuxième chef de conclusions, vise à obtenir du Tribunal un jugement déclaratoire.

10      Or, il résulte de l’article 72, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001 que le recours ouvert devant le Tribunal vise à examiner la légalité des décisions des chambres de recours et à obtenir, le cas échéant, l’annulation ou la réformation de celles-ci, de sorte qu’il ne saurait avoir pour objet d’obtenir, au regard de telles décisions, des jugements confirmatifs ou déclaratoires [arrêts du 10 juin 2008, Gabel Industria Tessile/OHMI – Creaciones Garel (GABEL), T‑85/07, EU:T:2008:186, point 17, et du 15 juin 2010, Actega Terra/OHMI (TERRAEFFEKT matt & gloss), T‑118/08, non publié, EU:T:2010:234, point 10].

11      Par conséquent, le deuxième chef de conclusions de la requérante doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le renvoi aux mémoires déposés devant l’EUIPO

12      La requérante renvoie aux mémoires qu’elle a déposés devant l’examinateur et devant la chambre de recours et affirme qu’ils doivent être considérés comme étant intégrés à sa requête.

13      Il doit être rappelé que, en vertu de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués.

14      En outre, selon une jurisprudence bien établie, si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, doivent figurer dans la requête elle-même [arrêt du 14 septembre 2004, Applied Molecular Evolution/OHMI (APPLIED MOLECULAR EVOLUTION), T‑183/03, EU:T:2004:263, point 11 ; voir, également, arrêt du 5 février 2016, Kicktipp/OHMI – Italiana Calzature (kicktipp), T‑135/14, EU:T:2016:69, point 21 (non publié) et jurisprudence citée].

15      En effet, il n’incombe pas au Tribunal de se substituer aux parties en essayant de rechercher les éléments pertinents dans les documents auxquels elles se réfèrent [voir arrêt du 5 février 2016, kicktipp, T‑135/14, EU:T:2016:69, point 22 (non publié) et jurisprudence citée].

16      Partant, c’est au regard de la seule argumentation présentée dans la requête que celle-ci sera examinée, toute autre argumentation n’y figurant pas devant être déclarée irrecevable.

 Sur le fond

17      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, de ce même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001

18      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 7, paragraphe 1, sous c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001, en ayant considéré que la marque demandée présentait un caractère descriptif.

19      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. L’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement énonce que son paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

20      Selon la jurisprudence, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience se révèle positive ou de faire un autre choix si elle se révèle négative [arrêt du 2 mai 2012, Universal Display/OHMI (UniversalPHOLED), T‑435/11, non publié, EU:T:2012:210, point 15 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30].

21      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits ou des services en cause ou de l’une de leurs caractéristiques [voir arrêt du 16 octobre 2014, Larrañaga Otaño/OHMI (GRAPHENE), T‑458/13, EU:T:2014:891, point 16 et jurisprudence citée].

22      Selon la jurisprudence, une marque constituée d’un néologisme ou d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sauf s’il existe un écart perceptible entre le néologisme ou le mot et la simple somme des éléments qui le composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison par rapport auxdits produits ou services, le néologisme ou le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments. À cet égard, l’analyse du terme en cause au vu des règles lexicales et grammaticales appropriées est également pertinente [voir, en ce sens, arrêts du 25 février 2010, Lancôme/OHMI, C‑408/08 P, EU:C:2010:92, point 62 et jurisprudence citée, et du 18 octobre 2016, Raimund Schmitt Verpachtungsgesellschaft/EUIPO (Brauwelt), T‑56/15, EU:T:2016:618, point 34 et jurisprudence citée].

23      L’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la perception d’un public ciblé, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services [arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 38, et du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 55].

–       Sur les définitions prises en compte par la chambre de recours

24      La chambre de recours a relevé que la marque demandée, SMARTSURFACE, découlait de la juxtaposition des mots anglais « smart » et « surface », dont elle a reproduit dans la décision attaquée les définitions données par le dictionnaire Oxford English Dictionary. La définition du mot « smart » reproduite est la suivante : « s’agissant d’un appareil ou d’une machine : qui semble posséder un certain degré d’intelligence ; capable de réagir ou de répondre à des exigences différentes ». La définition du mot « surface » reproduite est la suivante : « la partie la plus extérieure d’un objet solide en ce qui concerne sa forme, sa texture ou […] ses proportions ; revêtement extérieur d’un objet ou finition particulière ».

25      En premier lieu, la requérante soutient que la chambre de recours a introduit une définition du mot « smart » qui n’avait pas été retenue par l’examinateur et qu’elle n’avait pas eu l’opportunité de commenter. Il en résulterait que les procédures d’examen et de recours sont entachées de partialité manifeste. En outre, elle affirme à la fois que, pris individuellement, les mots « smart » et « surface » peuvent être compris dans le sens des définitions retenues par la chambre de recours et qu’elle n’accepte pas ces définitions.

26      L’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 dispose que les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position.

27      À cet égard, ainsi qu’il ressort de la décision de l’examinateur, ce dernier a donné la définition suivante du néologisme « smartsurface » : « surface brillante ou intelligente d’un objet pouvant utiliser la technologie numérique de communication pour assurer de nombreuses fonctions d’un ordinateur ». Il a retenu, plus particulièrement, que ce mot pouvait désigner la « surface brillante ou intelligente d’un objet ». Il en a déduit que la marque demandée serait aisément comprise par le public pertinent comme étant une référence au fait que les produits en cause étaient des lentilles de contact dont la surface comportait des éléments spéciaux ou un revêtement qui rendaient les lentilles plus fonctionnelles ou plus confortables.

28      Pour vérifier si cette appréciation était correcte, la chambre de recours devait examiner la signification du mot « smart » et celle du mot « surface ». S’agissant, en particulier, du mot « smart », elle en a, à cette fin, reproduit la définition donnée par le dictionnaire Oxford English Dictionary, reproduite au point 24 ci-dessus. Agissant de même avec le mot « surface », les définitions de ces mots lui ont permis de confirmer l’appréciation de l’examinateur selon laquelle la marque demandée présentait un caractère descriptif.

29      Dans ces circonstances, l’utilisation par la chambre de recours des définitions des dictionnaires destinées à préciser la signification du terme « smart » ne peut pas être considérée comme un motif au sujet duquel la requérante aurait dû pouvoir prendre position, au sens de l’article 94 du règlement 2017/1001. La référence dans la décision attaquée à la définition du terme « smart » contenue dans un dictionnaire non mentionné dans la décision de l’examinateur n’a donc pas violé cette disposition [voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2010, Micro Shaping/OHMI (packaging), T‑64/09, non publié, EU:T:2010:360, point 17 et jurisprudence citée].

30      Il s’ensuit que la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours de ne pas l’avoir invitée à présenter ses observations sur la définition évoquée ci-dessus. Dès lors, ses allégations relatives à la partialité des procédures devant l’EUIPO sont dénuées de tout fondement.

31      En second lieu, la requérante soutient n’avoir pas pu vérifier l’exactitude de la définition du mot « smart » retenue par la chambre de recours, car le lien hypertexte figurant dans la décision attaquée, d’une part, ne fonctionnait pas et, d’autre part, renvoyait vers un site Internet dont l’accès était subordonné à une inscription. En outre, ce site Internet renverrait vers un autre site Internet où figurerait une définition du mot « smart » différente de celle dont la chambre de recours a tenu compte.

32      Certes, comme le soutient la requérante, la version en ligne du dictionnaire Oxford English Dictionary, que la chambre de recours mentionne au point 18 de la décision attaquée, n’est pas accessible à tous les utilisateurs d’Internet et certaines données doivent être saisies pour y accéder.

33      Toutefois, d’une part, la signification du mot « smart », en tant qu’elle fait référence à l’intelligence, se retrouve facilement dans des sources généralement accessibles, et, d’autre part, ainsi qu’il ressort du point 25 ci-dessus, la requérante n’avance pas d’argument aux fins de contester la définition du terme « smart » donnée par la chambre de recours dans la décision attaquée.

34      Par conséquent, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours d’avoir commis une erreur de droit en ayant fondé la décision attaquée sur les définitions des mots « smart » et « surface » reproduites dans celle-ci.

–       Sur l’appréciation du caractère descriptif de la marque demandée

35      En l’espèce, la chambre de recours a relevé que les produits en cause, à savoir les lentilles de contact, étaient destinés à un public de professionnels, tels que les ophtalmologistes ou les chercheurs, ainsi qu’au grand public. Elle a également constaté que le signe SMARTSURFACE se composait de mots anglais, de sorte que devait être prise en considération la perception du public anglophone de l’Union. La requérante ne conteste pas ces constatations.

36      La chambre de recours a relevé que la marque demandée découlait de la juxtaposition des mots anglais « smart » et « surface », dont elle a reproduit les définitions reprises au point 24 ci-dessus. Au vu de ces définitions, elle a considéré que, au regard des produits en cause, les consommateurs percevraient instinctivement et sans aucun effort d’interprétation le signe SMARTSURFACE comme désignant une surface de lentilles de contact présentant des caractéristiques complexes, comme la réactivité à l’environnement ou l’adaptation aux changements de lumière ou d’humidité de l’environnement. Elle a ajouté que la signification attribuée par l’examinateur à la marque demandée serait reconnue par le public pertinent dans le contexte des lentilles de contact, en tant que référence descriptive à l’une des principales caractéristiques desdites lentilles.

37      La requérante conteste que le public pertinent puisse établir entre la marque demandée et les produits en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à lui permettre de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description desdits produits ou de l’une de leurs caractéristiques. Toutefois, aucun des arguments invoqués par la requérante n’est susceptible de remettre en cause la conclusion de la chambre de recours à cet égard.

38      Premièrement, la requérante fait valoir que l’EUIPO a relevé que l’intitulé « lentilles de contact » pouvait « inclure toutes sortes de lentilles de contact ». Ce faisant, il aurait, à tort, élargi l’étendue des produits en cause en y incluant des produits intégrant des technologies numériques. En outre, l’EUIPO aurait, à tort, conclu que le mot « smart » était descriptif des produits en cause parce qu’il signifiait « brillant ou intelligent », alors qu’il s’agirait de qualités ne pouvant être attribuées qu’à des personnes et non à des objets, sauf à avoir l’intention d’attribuer à des objets une intelligence à caractère humain.

39      Il y a lieu de constater que ces griefs sont, en réalité, dirigés contre des motifs qui ne figurent pas dans la décision attaquée, mais dans la décision de l’examinateur du 27 juillet 2017, voire dans la communication des motifs du refus d’enregistrement de la marque demandée, adressée à la requérante le 29 mars 2017.

40      Or, en vertu de l’article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le recours devant le juge de l’Union n’est ouvert qu’à l’encontre des seules décisions des chambres de recours, de sorte que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que des moyens dirigés contre la décision de la chambre de recours même [voir arrêt du 2 février 2016, Benelli Q. J./OHMI – Demharter (MOTOBI B PESARO), T‑171/13, EU:T:2016:54, point 23 et jurisprudence citée].

41      Partant, les griefs de la requérante rappelés au point 38 ci-dessus doivent être écartés comme irrecevables.

42      Deuxièmement, la requérante fait valoir que les lentilles de contact ne contiennent aucune technologie numérique ou informatique.

43      En l’espèce, force est de constater que la décision attaquée ne contient aucun motif fondé sur la présence de telles technologies dans les lentilles de contact. Au contraire, la chambre de recours a expressément écarté un argument semblable de la requérante soutenu devant elle, en affirmant que le public pertinent ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que les surfaces de lentilles de contact soient intelligentes au même titre qu’un ordiphone, qu’un téléviseur intelligent, qu’un livre électronique ou que des produits de haute technologie similaires.

44      Dès lors, l’argument de la requérante est dénué de pertinence aux fins de contester la légalité de la décision attaquée.

45      Au demeurant, c’est à bon droit que la chambre de recours a relevé que, même si les lentilles de contact n’avaient pas de caractéristiques comparables à celles des ordinateurs, elles faisaient appel à des technologies sophistiquées leur permettant de s’adapter à diverses conditions, notamment d’humidité de l’œil ou de l’environnement.

46      Troisièmement, la requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas établi de quelle manière le consommateur penserait immédiatement à des lentilles de contact en présence de la marque demandée. Elle soutient que rien dans les mots « smart » et « surface », ni dans la combinaison de ces mots, n’informe immédiatement les consommateurs sur les caractéristiques des lentilles de contact. Dès lors, l’association entre la marque demandée et les lentilles de contact ne serait pas immédiate et plusieurs étapes de réflexion seraient nécessaires pour la réaliser. Elle supposerait un effort cognitif que n’effectueraient pas les consommateurs.

47      Il convient de relever que le signe SMARTSURFACE est un néologisme résultant de la juxtaposition de deux mots anglais courants, « smart » et « surface », dans un ordre conforme aux règles lexicales et grammaticales de la langue anglaise.

48      En outre, il convient de rappeler que, dès lors que la requérante affirme à la fois, d’une part, ne pas accepter les définitions des mots « smart » et « surface » retenues par la chambre de recours, sans toutefois développer d’argument à cet égard, et, d’autre part, ne pas contester la signification donnée à ces mots par la chambre de recours, il n’y a pas lieu de remettre en cause lesdites définitions.

49      Partant, en l’absence de la démonstration, par la requérante, d’une erreur commise par la chambre de recours, il convient de considérer, comme cette dernière, que, au sens de la jurisprudence rappelée au point 21 ci-dessus, le consommateur anglophone établira immédiatement entre la marque demandée et les lentilles de contact un rapport suffisamment direct et concret de nature à lui permettre de percevoir immédiatement et sans autre réflexion une description d’une qualité des produits en cause, à savoir, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, le caractère réactif, adaptatif ou sophistiqué de la surface des lentilles de contact en fonction de l’environnement.

50      Quatrièmement, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas examiné certains de ses arguments dirigés contre le raisonnement de l’examinateur.

51      Force est de constater que la requérante n’identifie pas les arguments qu’elle reproche à la chambre de recours de n’avoir pas examinés. Dès lors, son allégation doit être écartée comme irrecevable.

52      Cinquièmement, la requérante fait valoir que de nombreuses marques de l’Union européenne enregistrées contiennent le mot « smart » et que certaines de ces marques sont utilisées pour désigner des lentilles de contact, de sorte que le public pertinent serait habitué à voir de tels produits commercialisés sous une marque composée du mot « smart » et d’un autre mot. Elle ajoute que la marque demandée sera perçue comme faisant partie d’une série d’enregistrements de marques de l’Union européenne, dont elle est titulaire, qui constituerait une famille de marques comprenant le mot « smart » désignant des lentilles de contact.

53      Il y a lieu de relever, d’emblée, que le concept de la famille de marque ne relève pas des motifs absolus de refus, mais uniquement des motifs relatifs de refus, de sorte que la chambre de recours devait apprécier le caractère distinctif de la marque demandée au regard de ses caractéristiques propres, sans prendre en considération les autres marques prétendument similaires dont était titulaire la requérante [voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2015, Intervog/OHMI (meet me), T‑190/15, non publié, EU:T:2015:874, point 36].

54      En outre, selon une jurisprudence constante, les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, relèvent d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique antérieure de l’EUIPO [arrêts du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, EU:T:2002:43, point 66 ; du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, EU:T:2008:268, point 45, et du 18 novembre 2015, Instituto dos Vinhos do Douro e do Porto/OHMI – Bruichladdich Distillery (PORT CHARLOTTE), T‑659/14, EU:T:2015:863, point 78).

55      Certes, il ressort également de la jurisprudence que, eu égard au principe d’égalité de traitement, lequel exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié, et au principe de bonne administration, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 74).

56      Toutefois, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 à 77).

57      En l’espèce, ainsi qu’il a été relevé au point 49 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que le consommateur anglophone établirait immédiatement entre la marque demandée et les lentilles de contact un rapport suffisamment direct et concret de nature à lui permettre de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion une description d’une qualité des produits en cause.

58      Partant, c’est également à juste titre qu’elle a conclu que la marque demandée était descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et que son enregistrement se heurtait au motif de refus prévu par cette disposition. L’invocation par la requérante de décisions antérieures concernant l’enregistrement d’autres marques n’est, par conséquent, pas susceptible d’infirmer cette conclusion.

59      Au demeurant, la chambre de recours a motivé les raisons pour lesquelles elle a estimé que l’invocation des marques citées par la requérante composées du mot « smart » et d’un autre mot n’était pas pertinente dans le cadre du recours de cette dernière. À cet égard, elle a relevé que, si des marques composées de cette manière avaient été enregistrées, de nombreuses autres avaient été refusées à l’enregistrement et que les autres marques désignant les lentilles de contact dont la requérante était titulaire ne pouvaient pas être associées étroitement à ces produits, contrairement à la marque demandée.

60      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté comme non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001

61      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

62      À cet égard, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il suffit qu’un des motifs absolus de refus énumérés s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne [arrêts du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29, et du 7 octobre 2015, Chypre/OHMI (XAΛΛOYMI et HALLOUMI), T‑292/14 et T‑293/14, EU:T:2015:752, point 74].

63      Par conséquent, dès lors que, pour les produits en cause, il résulte de l’examen du premier moyen que le signe présenté à l’enregistrement revêt un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et que ce motif justifie à lui seul le refus d’enregistrement de la marque demandée, il n’est pas nécessaire, en tout état de cause, d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, dudit règlement.

64      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

  Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Novartis AG est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Valančius

Öberg

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mars 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.