Language of document : ECLI:EU:T:2021:360

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

16 juin 2021 (*)

« Environnement – Règlement (UE) no 517/2014 – Gaz à effet de serre fluorés – Allocation de quotas pour la mise sur le marché d’hydrofluorocarbones – Exception d’illégalité – Article 16 et annexes V et VI du règlement no 517/2014 – Principe de non-discrimination – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑126/19,

Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji, établie à Varsovie (Pologne), représentée par Me A. Galos, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland, Mmes A. Becker, K. Herrmann et M. Jáuregui Gómez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio, A. Tamás et W. Kuzmienko, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes K. Michoel et I. Tchórzewska, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 11 décembre 2018 allouant à la requérante un quota de 4 096 tonnes équivalent CO2 d’hydrofluorocarbones pour l’année 2019,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme O. Porchia, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

 Antécédents du litige

1        Le règlement (UE) no 517/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, relatif aux gaz à effet de serre fluorés et abrogeant le règlement (CE) no 842/2006 (JO 2014, L 150, p. 195), a été adopté dans le cadre de la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

2        Selon le considérant 1 du règlement no 517/2014, les pays développés devraient réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % par rapport aux niveaux de 1990 d’ici à 2050, pour limiter les changements climatiques mondiaux à une augmentation de la température de 2 °C et éviter ainsi des effets indésirables sur le climat.

3        Les hydrofluorocarbones (HFC) sont une catégorie de gaz à effet de serre fluorés dont le potentiel de réchauffement est beaucoup plus élevé que celui du dioxyde de carbone (CO2) et sont utilisés, notamment, dans les systèmes de réfrigération et de climatisation, les aérosols et la fabrication de mousses isolantes.

4        Selon le considérant 13 du règlement no 517/2014, la réduction progressive des quantités de HFC qui peuvent être mises sur le marché a été jugée comme le moyen le plus efficace et présentant le meilleur rapport coût-efficacité pour réduire les émissions de ces substances à long terme.

5        Pour mettre en œuvre cette réduction progressive, le règlement no 517/2014 prévoit que la Commission européenne doit notamment déterminer, chaque année, une quantité maximale de HFC pouvant être mise sur le marché de l’Union européenne ainsi que les quotas de HFC, exprimés en « tonne(s) équivalent CO2 », que les producteurs ou importateurs sont autorisés à mettre sur le marché.

6        Dans ce contexte, la Commission a également établi, conformément à l’article 17 dudit règlement, un registre électronique des quotas de mise sur le marché de HFC (ci-après le « registre HFC ») dont elle assure le fonctionnement. Les producteurs et les importateurs actifs sur le marché des HFC doivent s’enregistrer dans ce registre.

7        La requérante, Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji, est une entreprise polonaise enregistrée depuis le 1er juillet 2014 dans le registre HFC en tant que « nouvel acteur du marché », c’est-à-dire une entreprise n’ayant pas déclaré avoir mis des HFC sur le marché pendant la période comprise entre 2009 et 2012, visée par l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, pour laquelle l’allocation de quotas de HFC est fondée exclusivement sur les déclarations annuelles qu’elle présente à la Commission conformément à cette disposition.

8        Pour l’année 2015, la requérante a déclaré avoir besoin de 298 059 tonnes équivalent CO2 de HFC et un quota de 65 004 tonnes équivalent CO2 lui a été alloué. Néanmoins, elle n’a pas mis de HFC sur le marché en 2015.

9        Pour l’année 2016, la requérante a déclaré avoir besoin de 320 945 tonnes équivalent CO2 de HFC et un quota de 47 690 tonnes équivalent CO2 lui a été alloué. Néanmoins, elle n’a pas mis de HFC sur le marché en 2016.

10      Pour l’année 2017, la requérante a déclaré avoir besoin de 221 320 tonnes équivalent CO2 de HFC et, selon les informations qu’elle a fournies, un quota de 34 690 tonnes équivalent CO2 lui a été alloué. En revanche, selon les informations fournies par la Commission, un quota de 34 060 tonnes équivalent CO2 lui a été alloué. La requérante a mis 34 047 tonnes équivalent CO2 sur le marché en 2017.

11      Pour l’année 2018, la requérante a déclaré avoir besoin de 218 915 tonnes équivalent CO2 de HFC et un quota de 11 650 tonnes équivalent CO2 lui a été alloué. Selon les données provisoires, elle a mis 15 884 tonnes équivalent CO2 sur le marché en 2018.

12      Pour l’année 2019, la requérante a déclaré avoir besoin de 207 433 tonnes équivalent CO2 de HFC.

13      Par la décision de la Commission du 11 décembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), un quota de 4 096 tonnes équivalent CO2 de HFC a été alloué à la requérante pour l’année 2019. Elle en a été informée par courriel le 12 décembre 2018.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2019, la requérante a introduit le présent recours.

15      Le 29 mai 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.

16      Le 31 juillet 2019, la requérante a déposé la réplique.

17      Le 19 septembre 2019, la Commission a déposé la duplique.

18      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, ayant été admis à intervenir au soutien de la Commission, ont déposé leurs mémoires en intervention le 30 septembre 2019.

19      La Commission a indiqué, le 14 octobre 2019, ne pas avoir d’observations à présenter sur les mémoires en intervention. La requérante, quant à elle, a pris position sur lesdits mémoires le 25 octobre 2019.

20      Le 25 mai 2020, le Tribunal (première chambre) a, dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure au titre de l’article 89 de son règlement de procédure, posé des questions aux parties principales et aux parties intervenantes.

21      Le 10 juillet 2020, les parties principales et les parties intervenantes ont répondu aux questions posées par le Tribunal.

22      Le 27 juillet 2020, la Commission a pris position sur la réponse de la requérante.

23      Le 6 août 2020, la requérante a pris position sur les réponses de la Commission.

24      Le 26 octobre 2020, le Tribunal (première chambre) a, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure au titre de l’article 89 du règlement de procédure, posé une nouvelle question à la Commission, à laquelle celle-ci a répondu le 9 novembre 2020.

25      Invitée par le Tribunal à prendre position sur la réponse de la Commission, la requérante n’a pas déposé d’observations.

26      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « annuler l’article 16 du [...] règlement no 517/2014 [...] sur lequel est fondée la décision attaquée et constater, par conséquent, l’irrégularité de la décision attaquée à cet égard » ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      Les parties intervenantes concluent au rejet du recours.

29      Les parties n’ayant pas demandé la tenue d’une audience, le Tribunal (première chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

 Sur l’objet du recours

30      Par son recours, la requérante demande au Tribunal, selon le libellé de ses conclusions, d’« annuler l’article 16 du règlement [...] no 517/2014 [...] sur lequel est fondée la décision attaquée et [de] constater, par conséquent, l’irrégularité de la décision attaquée à cet égard ».

31      Toutefois, il ressort du texte de la requête qu’il y a lieu de comprendre cette demande, comme en convient la Commission dans le mémoire en défense, comme visant l’annulation de la décision attaquée et comme faisant valoir, à cette fin, une exception d’illégalité, au titre de l’article 277 TFUE, portant sur l’article 16 du règlement no 517/2014.

 Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité

32      La Commission fait valoir que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante n’est pas recevable. À cet égard, elle soutient, premièrement, que la requérante n’a pas suffisamment précisé les dispositions spécifiques visées par cette exception d’illégalité, deuxièmement, que celle-ci excipe pour la première fois, et partant tardivement, de l’illégalité de l’article 16, paragraphe 5, et de l’annexe V du règlement no 517/2014 dans le cadre de sa réponse à la question posée par le Tribunal, troisièmement, que le lien juridique entre la décision attaquée et les dispositions visées par ladite exception d’illégalité n’est pas établi et, quatrièmement, que l’intérêt à agir de la requérante, en tant qu’elle vise, par son exception d’illégalité, les paragraphes 2 et 3 de l’article 16 du règlement no 517/2014, fait défaut.

33      Selon une jurisprudence constante, une exception d’illégalité, soulevée de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE à l’occasion de la contestation au principal de la légalité d’un acte tiers, n’est recevable que dès lors qu’il existe un lien de connexité entre cet acte et la norme dont l’illégalité prétendue est excipée. Dans la mesure où l’article 277 TFUE n’a pas pour but de permettre à une partie de contester l’applicabilité de quelque acte de caractère général que ce soit à la faveur d’un recours quelconque, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre la décision individuelle attaquée et l’acte général en question (voir arrêt du 30 avril 2019, Wattiau/Parlement, T‑737/17, EU:T:2019:273, point 56 et jurisprudence citée).

34      Toutefois, il ressort également d’une jurisprudence constante que l’article 277 TFUE doit être interprété d’une manière suffisamment large pour que soit assuré un contrôle de légalité effectif des actes des institutions de caractère général en faveur des personnes exclues du recours direct contre de tels actes. Ainsi, le champ d’application de l’article 277 TFUE doit s’étendre aux actes des institutions qui ont été pertinents pour l’adoption de la décision qui fait l’objet du recours en annulation, en ce sens que ladite décision repose essentiellement sur ceux-ci, même s’ils n’en constituaient pas formellement la base juridique (voir arrêt du 30 avril 2019, Wattiau/Parlement, T‑737/17, EU:T:2019:273, point 57 et jurisprudence citée). En outre, aux fins de l’examen d’une exception d’illégalité, les règles d’un seul et même régime ne sauraient être scindées artificiellement (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2020, Commission et Conseil/Carreras Sequeros e.a., C‑119/19 P et C‑126/19 P, EU:C:2020:676, point 76).

35      À cet égard, premièrement, il convient de constater que la requérante a identifié de manière suffisamment claire les dispositions dont l’illégalité est excipée.

36      En effet, comme cela ressort du premier chef de conclusions de la requérante, celle-ci vise, par son exception d’illégalité, l’article 16 du règlement no 517/2014. En outre, il convient de relever que l’article 16 du règlement no 517/2014 renvoie à son annexe V et que ses annexes V et VI font, quant à elles, référence à son article 16, de sorte qu’il convient de comprendre l’exception d’illégalité comme étant dirigée contre l’article 16 dudit règlement lu en combinaison avec ses annexes V et VI. Enfin, il ressort de manière claire de la requête que la requérante allègue que le système de répartition des quotas de HFC est illégal, notamment, en raison d’une discrimination à l’encontre des entreprises n’ayant pas déclaré avoir mis des HFC sur le marché pendant la période comprise entre 2009 et 2012 (ci-après les « nouveaux entrants ») par rapport aux entreprises ayant déclaré avoir mis des HFC sur le marché pendant cette période (ci-après les « entreprises historiques »). Ce faisant, la requérante vise l’ensemble du régime constitué par l’article 16 du règlement no 517/2014 lu en combinaison avec ses annexes V et VI.

37      Il s’ensuit également que l’allégation de la Commission selon laquelle la requérante n’a excipé de l’illégalité de certaines dispositions du régime en cause qu’à un stade avancé de la procédure, et donc tardivement, manque en fait.

38      Deuxièmement, s’agissant de la prétendue absence de lien de connexité entre les dispositions visées par l’exception d’illégalité et la décision attaquée, il y a lieu de constater, d’une part, que la décision attaquée a été prise sur le fondement de l’article 16, paragraphe 5, du règlement no 517/2014, sur la base d’une déclaration effectuée par la requérante au titre de l’article 16, paragraphe 2, de ce règlement. D’autre part, le quota alloué à la requérante par cette décision est fonction à la fois du nombre de nouveaux entrants, du volume des quotas demandés par ces derniers ainsi que du volume des quotas alloués, respectivement, aux entreprises historiques et aux nouveaux entrants s’étant déjà vu établir une valeur de référence à la date d’adoption de la décision attaquée (voir point 57 ci-dessous), de sorte que la décision attaquée repose nécessairement, directement ou indirectement, sur l’ensemble des règles de répartition des quotas visées à l’article 16 dudit règlement et aux annexes auxquelles cet article renvoie.

39      Au demeurant, dans les circonstances du cas d’espèce, où le régime visé par l’exception d’illégalité est constitué par une combinaison de règles édictées à l’article 16 et aux annexes V et VI du règlement no 517/2014, il serait artificiel, pour le Tribunal, de scinder ce régime entre ses différentes dispositions aux fins de l’examen de l’exception d’illégalité.

40      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le lien de connexité requis entre les dispositions dont l’illégalité est excipée et la décision attaquée est établi.

41      Troisièmement, s’agissant de la prétendue absence d’intérêt à agir de la requérante, l’argumentation de la Commission part de la prémisse selon laquelle les paragraphes 2 et 3 de l’article 16 du règlement no 517/2014 peuvent être dissociés, aux fins de l’examen de l’exception d’illégalité, du reste des dispositions de cet article et des annexes auxquelles il renvoie. Or, il suffit de constater que cette prémisse est, en l’espèce, erronée, ainsi que cela ressort des points 38 et 39 ci-dessus.

42      Au demeurant, si l’argumentation de la Commission relative à l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 devait être suivie, cela priverait l’article 277 TFUE de tout effet utile. En effet, la Commission affirme qu’aucun quota ne pourrait être alloué à la requérante dans l’hypothèse où la disposition en cause disparaîtrait de l’ordonnancement juridique, privant ainsi cette dernière d’un intérêt à exciper de son illégalité. Or, une telle position revient à dénier à un justiciable la possibilité de contester la légalité des conditions auxquelles une disposition soumet l’octroi d’un droit.

43      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante est recevable.

 Sur le fond

44      Par son recours, la requérante demande l’annulation de la décision attaquée. À cet égard, elle soulève une exception d’illégalité relative au système d’allocation de quotas instauré par le règlement no 517/2014.

45      Au soutien de cette exception d’illégalité, la requérante invoque deux griefs tirés, le premier, de la violation du principe de non-discrimination et, le second, d’une insuffisance de motivation.

 Sur le grief tiré de la violation du principe de non-discrimination

46      Par son premier grief, la requérante fait valoir que les règles de répartition des quotas instaurées par le règlement no 517/2014 sont contraires au principe de non-discrimination en ce qu’elles créent une différence de traitement non justifiée entre les nouveaux entrants et les entreprises historiques. La Commission, soutenue par le Conseil et le Parlement, conteste l’argumentation de la requérante.

47      Conformément à une jurisprudence constante, le principe général de non-discrimination ou d’égalité de traitement impose que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 23 et jurisprudence citée).

48      Ainsi, il convient d’examiner, tout d’abord, si le traitement différencié dont la requérante fait état s’applique à des situations comparables, ensuite, si ce traitement différencié engendre des désavantages et, enfin, si ledit traitement différencié est objectivement justifié.

–       Sur l’existence d’un traitement différencié de situations comparables

49      S’agissant de l’allégation de la requérante relative à un traitement discriminatoire des nouveaux entrants par rapport aux entreprises historiques, il y a lieu de rappeler que la violation du principe d’égalité de traitement du fait d’un traitement différencié présuppose que les situations visées sont comparables eu égard à l’ensemble des éléments qui les caractérisent (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 25).

50      Conformément à la jurisprudence, les éléments qui caractérisent différentes situations et, ainsi, leur caractère comparable doivent notamment être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent, en outre, être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 26 et jurisprudence citée).

51      En l’espèce, il convient, en premier lieu, de rappeler le fonctionnement du système de répartition des quotas de HFC instauré par le règlement no 517/2014.

52      La Commission alloue aux entreprises leurs quotas pour la mise sur le marché de HFC chaque année, conformément à l’article 16, paragraphe 5, du règlement no 517/2014, lu en combinaison avec son annexe VI.

53      Dans le cadre de la détermination des quotas à allouer aux entreprises, le règlement no 517/2014 fait une distinction, à son annexe VI, entre les entreprises disposant d’une valeur de référence et celles qui n’en disposent pas.

54      Chaque entreprise pour laquelle une valeur de référence a été établie reçoit, conformément à l’annexe VI, point 1, du règlement no 517/2014, un quota correspondant à 89 % de la valeur de référence multipliée par le pourcentage indiqué à l’annexe V dudit règlement pour l’année concernée.

55      En revanche, les entreprises pour lesquelles aucune valeur de référence n’a été établie et qui ont présenté une déclaration en vertu de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 reçoivent, conformément à l’annexe VI, point 2, dudit règlement, un quota déterminé selon un calcul effectué en plusieurs étapes.

56      Tout d’abord, la quantité totale de HFC pouvant être allouée à ces entreprises est déterminée. À cette fin, la somme des quotas alloués aux entreprises disposant d’une valeur de référence est déduite de la quantité maximale disponible pour l’année en question, indiquée à l’annexe V du règlement no 517/2014. Ensuite, chaque entreprise reçoit un quota déterminé en fonction de la quantité demandée, de la quantité encore disponible et du nombre et de l’importance des autres déclarations effectuées au titre de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014.

57      En deuxième lieu, il doit être relevé que toute entreprise peut, en principe, se voir établir une valeur de référence. En effet, la valeur de référence est basée sur la quantité de HFC qu’une entreprise a mise légalement sur le marché de l’Union dans le passé, pendant une certaine période, et est fixée par la Commission, par acte d’exécution, pour une période de trois ans.

58      Or, durant une première phase de l’application du règlement no 517/2014, seules les entreprises historiques se sont vu établir une valeur de référence, basée, conformément à l’article 16, paragraphe 1, dudit règlement, sur la moyenne annuelle des quantités de HFC que celles-ci avaient déclaré avoir mises sur le marché entre 2009 et 2012.

59      À cet égard, le 31 octobre 2014, la Commission a adopté la décision d’exécution 2014/774/UE, établissant, conformément au règlement no 517/2014, les valeurs de référence pour la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017 pour chaque producteur ou importateur ayant notifié la mise sur le marché de HFC conformément au règlement (CE) no 842/2006 du Parlement européen et du Conseil (JO 2014, L 318, p. 28, ci-après la « décision d’exécution du 31 octobre 2014 »), par laquelle elle n’a établi de valeurs de référence que pour les entreprises historiques.

60      Conformément à l’article 16, paragraphe 3, du règlement no 517/2014, la Commission détermine depuis lors, tous les trois ans, les valeurs de référence des entreprises concernées, sur la base de la moyenne annuelle des quantités de HFC mises légalement sur le marché.

61      Ainsi, le 24 octobre 2017, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2017/1984, établissant, conformément au règlement no 517/2014, les valeurs de référence pour la période allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020 pour chaque producteur ou importateur ayant légalement mis sur le marché des HFC à partir du 1er janvier 2015 selon les données communiquées en vertu dudit règlement (JO 2017, L 287, p. 4, ci-après la « décision d’exécution du 24 octobre 2017 »).

62      Si, par la décision d’exécution du 31 octobre 2014, une valeur de référence n’a été établie que pour les entreprises historiques, la décision d’exécution du 24 octobre 2017 a établi une valeur de référence tant pour les entreprises historiques que pour les nouveaux entrants ayant effectué des déclarations conformément à l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014 et ayant mis des HFC sur le marché pendant la période concernée.

63      En troisième lieu, il convient de relever qu’il résulte de ce qui précède que les entreprises historiques et les nouveaux entrants sont traités de manière différente.

64      À cet égard, d’une part, il importe de rappeler que, en vertu de l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 517/2014, lu en combinaison avec ses annexes V et VI, point 1, l’ensemble des entreprises historiques a disposé, pendant la première période triennale, de quotas représentant 89 % de la quantité maximale de HFC pouvant être mise sur le marché de l’Union chaque année, tandis que l’ensemble des nouveaux entrants n’ont disposé pendant cette période que de 11 % de ladite quantité.

65      D’autre part, si les nouveaux entrants peuvent acquérir une valeur de référence lors de la fixation triennale des nouvelles valeurs de référence, il n’en demeure pas moins que, nonobstant cette faculté, la différence de traitement persiste dans le temps, comme cela ressort des données fournies par la Commission et de la simulation effectuée par cette dernière en réponse aux questions du Tribunal.

66      En effet, sur l’ensemble des quantités allouées en 2015 (183,1 millions de tonnes équivalent CO2), 162,9 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux entreprises historiques et 20,1 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux nouveaux entrants. Sur l’ensemble des quantités allouées en 2016 (170,3 millions de tonnes équivalent CO2), 151,6 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux entreprises historiques et 18,7 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux nouveaux entrants. Sur l’ensemble des quantités allouées en 2017 (170,3 millions de tonnes équivalent CO2), 151,4 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux entreprises historiques et 18,9 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux nouveaux entrants ne disposant pas encore de valeur de référence. Sur l’ensemble des quantités allouées en 2018 (101,5 millions de tonnes équivalent CO2), 93,5 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées à l’ensemble des entreprises disposant d’une valeur de référence (dont 78,2 millions de tonnes équivalent CO2 aux entreprises historiques) et 7,9 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux nouveaux entrants ne disposant pas encore de valeur de référence. Enfin, sur l’ensemble des quantités allouées en 2019 (100,3 millions de tonnes équivalent CO2), 91,1 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées à l’ensemble des entreprises disposant d’une valeur de référence (dont 78 millions de tonnes équivalent CO2 aux entreprises historiques) et 9,1 millions de tonnes équivalent CO2 ont été allouées aux nouveaux entrants ne disposant pas encore de valeur de référence. En outre, une partie non négligeable de l’ensemble des quantités disponibles reste réservée aux entreprises historiques au fil des années, représentant encore environ 30 % pour l’année 2030.

67      En quatrième lieu, contrairement à ce que soutiennent la Commission, le Conseil et le Parlement, les entreprises historiques et les nouveaux entrants se trouvent dans une situation comparable au regard de l’objet du règlement no 517/2014.

68      En effet, l’objet du règlement no 517/2014 est l’instauration d’un système de quotas pour la mise sur le marché de HFC.

69      Selon son considérant 13, le règlement no 517/2014 a pour objectif de réduire les émissions de HFC à long terme en réduisant de manière progressive les quantités de HFC qui peuvent être mises sur le marché.

70      Cet objectif s’insère dans la politique de l’Union visant à limiter les changements climatiques mondiaux à une augmentation de la température de 2 °C et éviter ainsi des effets indésirables sur le climat, comme cela résulte du considérant 1 du règlement no 517/2014.

71      Au regard de ces éléments, les entreprises historiques et les nouveaux entrants se trouvent dans une situation comparable.

72      En effet, tant les entreprises historiques que les nouveaux entrants ont besoin de quotas pour la mise sur le marché de HFC.

73      En outre, l’effet des émissions de gaz à effet de serre sur le climat est le même, indépendamment du fait que celles-ci résultent d’une mise sur le marché de HFC par une entreprise historique ou par un nouvel entrant.

74      L’argument de la Commission tiré du fait que les entreprises historiques se trouveraient dans une situation différente en raison de leurs investissements et de leurs attentes légitimes n’est pas pertinent pour l’examen de la comparabilité des situations au regard de l’objet du règlement no 517/2014.

75      Cela vaut également pour l’argument de la Commission tiré du fait que, au regard de l’objectif visant à réduire progressivement les émissions de HFC, les nouveaux entrants se trouveraient dans une situation différente de celle des entreprises historiques en ce qu’il s’agirait, pour les premiers, d’entreprendre une nouvelle activité et, pour les secondes, de continuer une activité déjà exercée par le passé.

76      En effet, la différence de situations avancée par la Commission n’est pas pertinente pour déterminer la comparabilité desdites situations. L’objet du règlement no 517/2014 consiste à instaurer un système de quotas de mise sur le marché de HFC afin d’atteindre l’objectif d’une réduction progressive des émissions de HFC. Or, au regard de la quantité maximale disponible et de sa réduction progressive, les entreprises historiques et les nouveaux entrants se trouvent dans une situation comparable.

77      Partant, il convient de conclure que les entreprises historiques et les nouveaux entrants se trouvent, aux fins de l’examen des règles de répartition des quotas au regard du principe d’égalité de traitement, dans une situation comparable tout en étant traités de manière différente.

78      En revanche, s’agissant, en particulier, des petites et moyennes entreprises (PME) des États membres d’Europe centrale ou d’Europe de l’Est, la requérante n’apporte pas d’élément permettant de conclure que le système d’allocation de quotas en cause instaure une discrimination indirecte à leur égard.

79      Enfin, dans la mesure où la requérante fait valoir une différence de traitement entre non pas deux mais trois catégories d’opérateurs, à savoir les entreprises historiques, les nouveaux entrants pour lesquels une valeur de référence a été établie pour les années 2018 à 2020 et les nouveaux entrants ne disposant pas encore de valeur de référence, il convient de relever qu’elle se réfère, en même temps, à l’instauration, par le règlement no 517/2014, de « deux voies de réglementation » et qu’elle oppose la situation des entreprises historiques à celle des nouveaux entrants, qu’une valeur de référence ait été ou non établie à leur égard. Il y a donc lieu de comprendre son argumentation comme visant la seule discrimination prétendument opérée entre entreprises historiques et nouveaux entrants.

80      Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que les entreprises historiques et les nouveaux entrants, nonobstant le fait qu’ils se trouvent dans des situations comparables au regard de l’objet et de l’objectif du règlement no 517/2014, sont traités de manière différente.

–       Sur l’existence d’un désavantage résultant d’un traitement différencié de situations comparables

81      Selon la jurisprudence, pour qu’il puisse être reproché au législateur de l’Union d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, il faut qu’il ait traité d’une façon différente des situations comparables entraînant un désavantage pour certaines personnes par rapport à d’autres (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 39 et jurisprudence citée).

82      En l’espèce, la Commission ne conteste pas que le traitement différencié des nouveaux entrants par rapport aux entreprises historiques entraîne des désavantages pour les premiers. En tout état de cause, il suffit de renvoyer, pour établir l’existence de tels désavantages, aux éléments repris aux points 63 à 66 ci-dessus.

83      Dans ces conditions, il convient de conclure que le traitement différencié des entreprises historiques et des nouveaux entrants entraîne des désavantages pour ces derniers.

–       Sur la justification du traitement différencié de situations comparables

84      Selon la requérante, le traitement différencié des entreprises historiques et des nouveaux entrants est arbitraire et n’est aucunement justifié. Dans ce contexte, elle reproche notamment au législateur d’avoir arrêté la clé de répartition des quotas sans avoir fait une analyse suffisante des données ou, en tout état de cause, de ne pas avoir exposé les données en cause. En pratique, le système instauré aboutirait à une « énorme disproportion » dans l’allocation des quotas. La discrimination serait en outre aggravée par l’augmentation du nombre des nouveaux entrants, du fait que les entreprises historiques pourraient tirer des revenus importants de la vente de leurs quotas et également obtenir des quotas à partir de la réserve.

85      La Commission, soutenue par le Conseil et le Parlement, conteste l’argumentation de la requérante.

86      Une différence de traitement est justifiée dès lors qu’elle est fondée sur un critère objectif et raisonnable, c’est-à-dire lorsqu’elle est en rapport avec un but légalement admissible poursuivi par la législation en cause et que cette différence est proportionnée au but poursuivi par le traitement concerné (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 47 et jurisprudence citée).

87      Dès lors qu’il s’agit en l’espèce d’un acte législatif, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au législateur de l’Union d’établir l’existence de critères objectifs avancés à titre de justification et d’apporter au juge de l’Union les éléments nécessaires à la vérification par celui‑ci de l’existence desdits critères (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 48 et jurisprudence citée).

88      La jurisprudence reconnaît au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation lorsque son action implique des choix de nature politique, économique et sociale et lorsqu’il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. En outre, lorsqu’il est appelé à restructurer ou à créer un système complexe, il lui est loisible de recourir à une approche par étapes et de procéder notamment en fonction de l’expérience acquise (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 57 et jurisprudence citée).

89      Toutefois, même en présence d’un tel pouvoir, le législateur de l’Union est tenu de baser son choix sur des critères objectifs et appropriés par rapport au but poursuivi par la législation en cause, en tenant compte de tous les éléments factuels ainsi que des données techniques et scientifiques disponibles au moment de l’adoption de l’acte en question (voir arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 58 et jurisprudence citée).

90      À cet égard, il convient de préciser que le large pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union, impliquant un contrôle juridictionnel limité de son exercice, s’applique non pas exclusivement à la nature et à la portée des dispositions à prendre, mais aussi, dans une certaine mesure, à la constatation des données de base (voir arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 78 et jurisprudence citée).

91      Un tel contrôle juridictionnel, même s’il a une portée limitée, requiert que les institutions de l’Union auteurs de l’acte en cause soient en mesure d’établir devant le juge de l’Union que l’acte a été adopté moyennant un exercice effectif de leur pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir. Il en résulte que ces institutions doivent, à tout le moins, pouvoir produire et exposer de façon claire et non équivoque les données de base ayant dû être prises en compte pour fonder les mesures contestées de cet acte et dont dépendait l’exercice de leur pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 81 et jurisprudence citée).

92      Enfin, en exerçant son pouvoir d’appréciation, le législateur de l’Union doit, en plus de l’objectif principal, tenir pleinement compte des intérêts en présence. Dans le cadre de l’examen de contraintes liées à différentes mesures possibles, il y a lieu de considérer que, si l’importance des objectifs poursuivis est de nature à justifier des conséquences économiques négatives, mêmes considérables, pour certains opérateurs, l’exercice du pouvoir d’appréciation du législateur de l’Union ne saurait produire des résultats manifestement moins adéquats que ceux résultant d’autres mesures également appropriées à ces objectifs (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C‑127/07, EU:C:2008:728, point 59 et jurisprudence citée).

93      Par conséquent, aux fins de l’examen de la justification du traitement différencié constaté en l’espèce, il convient d’examiner, en premier lieu, si l’appréciation du législateur de l’Union repose sur une prise en considération des données pertinentes et si le traitement différencié entre les entreprises historiques et les nouveaux entrants est fondé sur des critères objectifs et appropriés par rapport au but poursuivi par la législation en cause.

94      À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 16, paragraphe 1, du règlement no 517/2014, le critère sur lequel est fondé le traitement différencié est le fait que l’entreprise ait ou non communiqué des informations au titre de l’article 6 du règlement (CE) no 842/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2006, relatif à certains gaz à effet de serre fluorés (JO 2006, L 161, p. 1), concernant la mise sur le marché de HFC entre 2009 et 2012. Selon le cas, l’entreprise dépend du système prévu à l’article 16, paragraphe 1, ou à l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014.

95      Les éléments sur lesquels le législateur s’est appuyé et les considérations l’ayant conduit aux choix effectués ressortent de la genèse du règlement no 517/2014.

96      Il ressort en effet de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 7 novembre 2012, relatif aux gaz à effet de serre fluorés [COM/2012/643 final – 2012/0305 (COD), ci-après la « proposition de règlement »], que la Commission s’est appuyée sur le document de travail du 7 novembre 2012 établi par ses services (Impact Assessment – Review of Regulation [EC] No 842/2006 on certain fluorinated greenhouse gases [Analyse d’impact – Révision du règlement (CE) no 842/2006] SWD[2012] 364 final, ci-après l’« analyse d’impact ») qui accompagnait ladite proposition.

97      Comme cela est exposé au point 2 de l’analyse d’impact et rappelé au point 2 de la proposition de règlement, la Commission a réuni une grande quantité d’informations techniques provenant d’un grand nombre d’études spécialisées, et notamment d’une étude préparatoire détaillée en vue du réexamen du règlement no 842/2006. Un groupe d’experts composé de 47 membres représentant divers secteurs industriels, des États membres et des organisations non gouvernementales (ONG) a été invité à fournir des orientations et des informations techniques pour cette étude. Le Centre commun de recherche a également procédé à une analyse macroéconomique des options stratégiques.

98      En outre, il en ressort que la Commission a entrepris une large consultation des parties prenantes, notamment sous la forme d’une consultation publique en ligne menée pendant trois mois, du 26 septembre au 19 décembre 2011. Parmi les 261 parties prenantes ayant répondu à cette consultation, 164 provenaient d’organisations dont 75 % étaient liées à l’industrie. Par ailleurs, au moins 47 parties prenantes sur les 161 consultées représentaient les points de vue des PME.

99      Enfin, il en ressort que la Commission a procédé, le 13 février 2012, à une audience publique à Bruxelles (Belgique) qui a réuni plus de 130 participants représentant l’industrie, les États membres, des ONG et le Parlement. Cette réunion a permis à ces participants de donner un retour d’information et d’exprimer leurs points de vue sur les différentes options.

100    Les raisons qui ont amené le législateur à allouer, par principe, les quotas en fonction de la quantité de HFC mise sur le marché dans le passé ressortent notamment des pages 164 à 166 de l’analyse d’impact.

101    Il en résulte, tout d’abord, que le législateur, ayant examiné les options d’une vente aux enchères de quotas ou d’une attribution gratuite, a opté pour la seconde option.

102    D’une part, il a estimé qu’une vente aux enchères était disproportionnée par rapport à la taille du marché. D’autre part, il a considéré que le fait que le marché en cause soit hautement concentré risquait de nuire au bon fonctionnement d’un système de vente aux enchères.

103    S’agissant, ensuite, des choix du législateur, il ressort en outre de l’analyse d’impact que celui-ci, ayant examiné les options d’une allocation de quotas sur la base de demandes et d’une allocation de quotas en fonction des émissions historiques, a opté pour appliquer, en principe, la seconde option.

104    À cet égard, le législateur s’est référé, comme cela ressort également de l’analyse d’impact, à l’expérience acquise dans le cadre du système de quotas mis en place pour les substances appauvrissant la couche d’ozone. En effet, il en résultait que quelques entreprises tendaient à exagérer leurs besoins dans leurs déclarations, au détriment de celles qui faisaient des déclarations plus réalistes. Ainsi, il a été considéré qu’une « pratique généralisée de surdéclaration » risquait de perturber le bon fonctionnement du système d’allocation des quotas.

105    S’agissant, enfin, de la clé de répartition des quotas, il ressort du considérant 15 du règlement no 517/2014 que le traitement différencié résulte du choix de principe du législateur d’allouer les quotas en fonction de la quantité de HFC mise sur le marché pendant la période de référence, à savoir entre 2009 et 2012, tout en mettant à la disposition des nouveaux entrants une réserve de 11 % de la limite quantitative globale, « afin de ne pas exclure les petites entreprises […] qui n’ont pas mis sur le marché une tonne ou plus de gaz à effet de serre fluorés au cours de la période de référence ».

106    À cet égard, la Commission, sur la base des données relatives à la période comprise entre 2007 et 2011 qui lui ont été communiquées par les entreprises actives sur le marché des HFC, conformément au règlement no 842/2006, a conclu, comme cela ressort de l’analyse d’impact, que, compte tenu de la maturité du marché des HFC en vrac, une part de 5 % de la valeur historique de référence devait suffire à répondre aux besoins des nouveaux entrants.

107    La clé de répartition des quotas proposée par la Commission a fait l’objet de discussions lors du processus législatif. En effet, au cours de la procédure législative, les États membres ont discuté, au Conseil, du volume de la réserve pour les nouveaux entrants et ont examiné son augmentation jusqu’à 15 à 20 % de la quantité totale de HFC. Dans ce contexte, une réunion du groupe de travail « Environnement » a eu lieu le 13 septembre 2013, avec pour objectif d’encourager les États membres à se prononcer, notamment, sur le niveau adéquat de la réserve pour les nouveaux entrants. À l’issue de ces discussions, un accord a été trouvé en faveur de la clé de répartition des quotas arrêtée par le règlement no 517/2014.

108    Au regard de ce qui précède, les arguments de la requérante ne sauraient prospérer.

109    En effet, d’une part, l’affirmation de la requérante selon laquelle le législateur aurait dû suivre le système du marché des droits d’émission de CO2, ce qui aurait empêché les dérives actuelles alléguées du marché des HFC, n’est pas étayée.

110    D’autre part, la critique de la requérante selon laquelle la clé de répartition des quotas est arbitraire et a été fixée par le législateur sans avoir fait les analyses nécessaires ou sans s’être basé sur les données pertinentes manque en fait, comme cela ressort des points 105 à 107 ci-dessus. En outre, il y a lieu de constater que la fixation de cette clé de répartition reflète des choix de nature politique, en l’espèce la prévision de la proportion de quotas nécessaire pour permettre un accès suffisant des nouveaux entrants sur le marché des HFC, à l’égard desquels la jurisprudence reconnaît au législateur un large pouvoir d’appréciation.

111    Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure que le choix du législateur d’opérer une différenciation entre les entreprises historiques et les nouveaux entrants repose sur une prise en considération des données pertinentes et que le traitement différencié est fondé sur des critères objectifs et appropriés en vue d’assurer le bon fonctionnement du système d’allocation des quotas et de garantir un accès au marché suffisant pour les nouveaux entrants.

112    En second lieu, aux fins de l’examen de la justification du traitement différencié, il convient d’examiner, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 86 et 92 ci-dessus, si la différence de traitement est proportionnée au but poursuivi et si, donc, le législateur n’a pas outrepassé sa marge d’appréciation en ne tenant pas compte des intérêts en présence ou en adoptant des mesures produisant des résultats manifestement moins adéquats que ceux résultant d’autres mesures également appropriées pour atteindre les objectifs poursuivis.

113    À cet égard, il y a lieu de constater que le législateur a tenu compte des intérêts des nouveaux entrants en leur aménageant une réserve fixée, pour la première période triennale d’allocation des quotas, à 11 % des quantités de HFC disponibles.

114    Toutefois, la requérante estime que le traitement différencié des entreprises historiques et des nouveaux entrants n’est pas proportionné, le législateur ayant outrepassé sa marge d’appréciation en cumulant les désavantages pour les nouveaux entrants.

115    En effet, selon la requérante, les nouveaux entrants sont désavantagés à plusieurs égards.

116    Premièrement, le nombre de nouveaux entrants serait en croissance continuelle, ce qui aurait pour conséquence que la quantité disponible pour chaque nouvel entrant diminue de façon proportionnelle. En revanche, les quantités disponibles pour les entreprises historiques ne seraient pas affectées par le nombre croissant d’entreprises actives sur le marché.

117    Deuxièmement, les nouveaux entrants ne pourraient pas prévoir la quantité devant faire l’objet des allocations futures de quotas, ce qui rendrait très difficile la planification de leurs activités. En revanche, les entreprises historiques connaîtraient avec précision la quantité de HFC qu’elles pourraient mettre sur le marché jusqu’en 2030.

118    Troisièmement, les entreprises historiques tireraient des revenus importants de la « vente » de leurs quotas au détriment des nouveaux entrants, ce qui démontrerait, par ailleurs, le caractère surdimensionné des quantités allouées aux entreprises historiques.

119    Quatrièmement, contrairement au considérant 15 du règlement no 517/2014, les entreprises historiques pourraient se procurer des quotas provenant de la réserve, aggravant davantage la discrimination à l’encontre des nouveaux entrants.

120    Enfin, cinquièmement, le traitement différencié serait d’autant plus grave que les nouveaux entrants ne pourraient pas utiliser effectivement les quotas qui leurs sont alloués. En effet, l’importation de HFC en deçà de la capacité totale d’un conteneur serait pratiquement impossible. Or, la faible quantité de HFC qui leur est allouée ne suffirait pas pour importer des HFC en quantité suffisante pour remplir un conteneur.

121    Ces arguments ne sauraient aboutir.

122    En effet, tout d’abord, il convient de relever que, conformément à l’article 16, paragraphe 3, du règlement no 517/2014, les nouveaux entrants se voient établir des valeurs de référence sur la base des quantités de HFC mises légalement sur le marché de l’Union lors de la période de référence.

123    Ainsi, ces entreprises ne sont plus limitées à se voir allouer des quotas pour le futur en vertu d’une demande effectuée au titre de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 517/2014, mais perçoivent des quotas en fonction de la valeur de référence établie pour chacune d’elles. Ainsi, les inconvénients allégués par la requérante ne sont que passagers. Par ailleurs, la requérante elle-même aurait pu se voir établir une valeur de référence par la décision d’exécution du 24 octobre 2017 si elle avait mis des HFC sur le marché conformément aux quotas qui lui avaient été attribués pour les années 2015 et 2016.

124    Ensuite, il y a lieu de souligner la trajectoire de l’évolution de la répartition des quotas. À cet égard, il ressort des données, non contestées par la requérante, résultant de la simulation fournie par la Commission en réponse à une question du Tribunal que la proportion des quotas allouée à partir de la réserve continue à augmenter au fil des années. Ainsi, en 2030, 40 à 55 % de l’ensemble des quantités disponibles pour toutes les entreprises seront allouées à partir de la réserve. En parallèle, la proportion des quantités réservées aux entreprises historiques diminue continuellement, devant passer de 89 % en 2015 à environ 33 % en 2030.

125    En outre, il est erroné de reprocher au législateur le fait que le système de répartition des quotas mis en œuvre par le règlement no 517/2014 ne respecte pas son considérant 15.

126    En effet, il convient de rappeler que, conformément au considérant 15 du règlement no 517/2014, 11 % de la limite quantitative globale devaient être réservés aux nouveaux entrants « dans un premier temps ». Or, il ressort de l’annexe VI, point 3, de ce règlement que les demandes figurant dans les déclarations des entreprises historiques effectuées conformément à l’article 16, paragraphe 2, dudit règlement ne seraient honorées, pendant la période comprise entre 2015 et 2017, qu’après l’allocation des quotas aux nouveaux entrants, ce qui implique précisément que, pendant la première période triennale, la réserve de 11 % était intégralement à la disposition des nouveaux entrants.

127    De plus, s’agissant de l’argument tiré des revenus générés par la « vente » de quotas, il est constant qu’il résulte des chiffres fournis par la Commission en réponse à une question du Tribunal que, chaque année, les entreprises historiques ont transféré un pourcentage très important des quotas qui leur ont été alloués. À titre d’exemple, en 2017, 151,4 millions de tonnes équivalent CO2 de HFC ont été allouées aux entreprises historiques et celles-ci ont transféré 63,1 millions de tonnes équivalent CO2.

128    Toutefois, la Commission soutient, sans être contredite sur ce point par la requérante, que la large majorité desdits transferts a eu lieu entre des entreprises d’un même groupe et que seule une fraction minime de ces transferts a concerné des entreprises nouvelles.

129    Dans ces conditions, la thèse de la requérante selon laquelle le groupe des entreprises historiques profiterait, contrairement au groupe des nouveaux entrants, de revenus importants générés par la « vente » de quotas ne saurait prospérer.

130    De même, l’argument tiré de la prétendue difficulté pratique de remplir des conteneurs en raison des trop faibles quotas alloués aux nouveaux entrants ne saurait être retenu.

131    En effet, d’une part, l’éventualité qu’un quota alloué ne soit pas assez important pour pouvoir procéder à l’importation de HFC en quantité suffisante pour remplir un conteneur revêt un caractère à la fois hypothétique et fortement aléatoire, dont il ne saurait être reproché au législateur de ne pas avoir tenu compte. D’autre part, et en tout état de cause, la Commission soutient, sans être contredite sur ce point par la requérante, qu’il est possible pour plusieurs entreprises disposant de quotas faibles en volume de regrouper ces faibles volumes pour atteindre le volume minimal techniquement requis pour remplir un conteneur.

132    S’agissant, enfin, du nombre de nouveaux entrants, il est vrai qu’il a fortement augmenté, ce qui a eu pour effet que les quantités de HFC disponibles pour chaque nouvel entrant ont diminué proportionnellement, tandis que les quantités disponibles pour les entreprises historiques n’ont pas été affectées par le nombre croissant de nouveaux entrants.

133    Toutefois, contrairement à ce que fait valoir la requérante, cet effet n’implique pas que le législateur ait outrepassé sa large marge d’appréciation.

134    À cet égard, il convient de relever, premièrement, que, conformément aux principes rappelés au point 92 ci-dessus, l’importance de l’objectif de protection de l’environnement et, en particulier, de réduction graduelle des émissions de HFC peut justifier des conséquences économiques négatives pour certaines catégories d’entreprises.

135    Deuxièmement, l’importance de la réduction des quantités de HFC disponibles pour les nouveaux entrants en fonction de leur nombre est atténuée par deux éléments.

136    D’une part, comme cela est rappelé au point 57 ci-dessus, les nouveaux entrants peuvent acquérir une valeur de référence et recevoir ainsi une allocation de quotas qui n’est, dès lors, plus déterminée en fonction du nombre croissant de nouveaux entrants.

137    D’autre part, comme cela est constaté au point 124 ci-dessus, la proportion des quantités de HFC à allouer à partir de la réserve, et donc disponible pour les nouveaux entrants, continue à augmenter au fil des années, tandis que la proportion des quantités à allouer aux entreprises historiques diminue continuellement.

138    Troisièmement, conformément à la jurisprudence rappelée au point 89 ci-dessus, le législateur doit tenir compte de tous les éléments factuels ainsi que des données techniques et scientifiques disponibles au moment de l’adoption de l’acte en question.

139    Or, la requérante n’a pas avancé que le législateur, au moment de l’adoption du règlement no 517/2014, savait ou aurait dû savoir que le nombre de nouveaux entrants augmenterait de façon considérable.

140    Quatrièmement, dans la mesure où la quantité de HFC disponible dans la réserve est plafonnée, l’augmentation du nombre de nouveaux entrants a nécessairement pour effet que la quantité disponible pour chaque nouvel entrant diminue en fonction du nombre croissant de nouveaux entrants.

141    Or, d’une part, comme cela ressort du point 111 ci-dessus, la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause le fait que le système d’allocation des quotas instauré par le règlement no 517/2014 résulte d’un choix du législateur qui repose sur des critères objectifs et appropriés.

142    D’autre part, la requérante, outre son affirmation non étayée selon laquelle le législateur aurait dû établir un système identique à celui du marché des droits d’émission de CO2, n’a pas cherché à démontrer que le législateur aurait disposé de la faculté d’adopter des mesures alternatives moins contraignantes mais aussi efficaces, afin d’établir que celui-ci aurait outrepassé sa large marge d’appréciation.

143    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que les conséquences négatives découlant, pour les nouveaux entrants, de l’augmentation de leur nombre n’impliquent pas que le législateur a outrepassé sa large marge d’appréciation.

144    Eu égard à ce qui précède, l’examen des différents arguments soulevés par la requérante ne permet pas de conclure que le législateur aurait outrepassé sa large marge d’appréciation en adoptant des mesures produisant des résultats manifestement moins adéquats que ceux qui auraient résulté d’autres mesures également appropriées pour atteindre les objectifs poursuivis.

145    Dans ces conditions, il convient de conclure que le traitement différencié des entreprises historiques par rapport aux nouveaux entrants est proportionné et justifié. En conséquence, le premier grief doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le grief tiré de la violation de l’obligation de motivation

146    Par son second grief, la requérante soutient que législateur n’a pas dûment motivé les règles d’allocation des quotas de HFC.

147    Ce grief, qui n’est aucunement étayé, ne saurait prospérer.

148    Conformément à une jurisprudence constante, la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 28 et jurisprudence citée).

149    De même, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement du libellé de cet acte, mais aussi du contexte de celui-ci ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 12 septembre 2017, Anagnostakis/Commission, C‑589/15 P, EU:C:2017:663, point 29 et jurisprudence citée).

150    Il ressort en outre d’une jurisprudence constante que la portée de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et, s’agissant d’actes de portée générale, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Dans ce contexte, la Cour a déjà jugé, notamment, qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution [voir arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C‑611/17, EU:C:2019:332, point 42 et jurisprudence citée].

151    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que les éléments contenus dans une analyse d’impact peuvent être pris en compte en vue d’apprécier si l’auteur de l’acte a rempli son devoir de motivation (voir, en ce sens, arrêts du 4 mai 2016, Pologne/Parlement et Conseil, C‑358/14, EU:C:2016:323, points 123 et 124, et du 22 novembre 2018, Swedish Match, C‑151/17, EU:C:2018:938, point 80).

152    En revanche, il convient de rappeler que, lorsque les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation et, en particulier, lorsqu’elles sont amenées à opérer des choix de nature, notamment, politique et des appréciations complexes, le contrôle juridictionnel des appréciations sous-tendant l’exercice de ce pouvoir doit consister à vérifier l’absence d’erreur manifeste (voir arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 95 et jurisprudence citée).

153    Si, ainsi, le large pouvoir d’appréciation des institutions fait l’objet d’un contrôle juridictionnel restreint, visant à vérifier, notamment, le caractère suffisant de la motivation et l’absence d’erreur manifeste d’appréciation (arrêt du 19 décembre 2019, Puppinck e.a./Commission, C‑418/18 P, EU:C:2019:1113, point 96), ce contrôle restreint de la motivation doit néanmoins être effectif.

154    En l’espèce, s’agissant du traitement différencié des opérateurs économiques en ce qui concerne l’allocation des quotas, il convient de relever que tant les motifs qui ont amené le législateur à établir l’allocation des quotas de HFC en fonction des émissions historiques que ceux relatifs à la clé de répartition des quantités disponibles ressortent des considérants 15 et 16 du règlement no 517/2014 et de l’analyse d’impact. En effet, comme cela est rappelé aux points 100 à 107 ci-dessus, les pages 164 à 166 de l’analyse d’impact exposent les raisons qui ont amené le législateur à choisir un système basé sur l’allocation de quotas en fonction des émissions historiques, complétée par une allocation de quotas sur demande pour les nouveaux entrants.

155    Certes, l’analyse d’impact exposait que, eu égard à la maturité du marché des HFC en vrac, il suffisait de réserver 5 % des quantités disponibles aux nouveaux entrants, alors que la clé de répartition des quotas entre les entreprises historiques et les nouveaux entrants finalement adoptée est respectivement de 89 % et de 11 % et que les motifs qui ont amené le législateur à arrêter cette clé de répartition ne sont pas énoncés dans le règlement no 517/2014.

156    Toutefois, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 150 ci-dessus qu’il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour les différents choix techniques opérés si l’acte contesté fait ressortir l’essentiel de l’objectif poursuivi par l’institution.

157    Enfin, il convient de constater que, en tout état de cause et comme le démontre l’examen du premier grief, la motivation retenue a permis à la requérante de connaître les justifications de la mesure critiquée et au Tribunal d’exercer son contrôle.

158    Dans ces conditions, le second grief doit être rejeté comme non fondé, de même, par conséquent, que l’exception d’illégalité soulevée par la requérante.

159    Eu égard à tout ce qui précède, et dès lors que le recours n’est fondé que sur ladite exception d’illégalité soulevée, au titre de l’article 277 TFUE, à l’encontre du règlement no 517/2014, il convient de rejeter le recours.

 Sur les dépens

160    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, dudit règlement, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

161    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière. Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Krajowa Izba Gospodarcza Chłodnictwa i Klimatyzacji supportera ses propres dépens et ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen supporteront leurs propres dépens.

Kanninen

Jaeger

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.