Language of document : ECLI:EU:T:2019:414

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 juin 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Innocenti – Marque nationale figurative antérieure i INNOCENTI – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑392/18,

Innocenti SA, établie à Lugano (Suisse), représentée par Me N. Ferretti, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Filippo Gemelli, demeurant à Turin (Italie), représenté initialement par Mes C. Renna, puis par F. Canu, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 19 avril 2018 (affaire R 2336/2010‑5), relative à une procédure d’opposition entre M. Gemelli et Innocenti,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mmes V. Tomljenović, président, A. Marcoulli (rapporteur) et M. A. Kornezov, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 28 juin 2018,

vu la demande de suspension de la procédure déposée au greffe du Tribunal par la requérante le 28 juin 2018,

vu les observations de l’EUIPO et de l’intervenant sur la demande de suspension de la procédure déposées au greffe du Tribunal le 6 septembre 2018,

vu la décision du 25 septembre 2018 rejetant la demande de suspension de la procédure introduite par la requérante,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’intervenant déposé au greffe du Tribunal le 5 octobre 2018,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 janvier 2009, la requérante, Innocenti SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Innocenti.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 9, 12, 14, 16, 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, notamment, pour les classes 12 et 25, à la description suivante :

–        classe 12 : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2009/7, du 20 février 2009.

5        Le 18 mai 2009, l’intervenant, M. Filippo Gemelli, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits relevant des classes 12 et 25 visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque italienne figurative antérieure déposée le 18 mai 2007 et enregistrée le 3 juin 2010 sous le numéro 1301743, reproduite ci-après :

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7        Les produits pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée relèvent des classes 12 et 25 et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 12 : « Véhicules ; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ».

8        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

9        Le 29 septembre 2010, la division d’opposition a fait droit à l’opposition, au motif qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause.

10      Le 25 novembre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition.

11      Le 31 janvier 2011, la requérante a demandé la suspension de la procédure de recours, en raison d’une action en nullité qu’elle avait introduite devant le Tribunale di Torino (tribunal de Turin, Italie) contre la marque antérieure, sur le fondement d’un autre enregistrement italien antérieur de la requérante. Le 14 juillet 2011, la chambre de recours de l’EUIPO a suspendu la procédure de recours. Le 15 septembre 2016, la chambre de recours a demandé à l’intervenant des renseignements concernant l’état du litige devant le Tribunale di Torino (tribunal de Turin). Le 10 novembre 2017, l’intervenant a informé la chambre de recours que la marque antérieure ne faisait plus l’objet de ladite action en nullité, dès lors que le Tribunale di Torino (tribunal de Turin) avait accueilli sa demande reconventionnelle en déchéance pour non-usage introduite à l’encontre de l’enregistrement italien antérieur fondant ladite action en nullité et que ce jugement avait été confirmé à tous les degrés de recours et rendu définitif par arrêt de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie).

12      Le 13 décembre 2017, la chambre de recours a repris la procédure de recours.

13      Le 17 janvier 2018, la requérante a demandé une nouvelle suspension de la procédure de recours, en raison d’une action en déchéance pour non-usage qu’elle avait introduite, le 24 octobre 2017, devant le Tribunale di Torino (tribunal de Turin) contre la marque antérieure. Le 15 février 2018, la chambre de recours a invité, d’une part, la requérante à produire des documents à l’appui de la demande de suspension et, d’autre part, l’intervenant à présenter des observations sur ladite demande. La requérante n’a pas répondu à la demande de documents. Le 15 mars 2018, l’intervenant a présenté des observations concluant au rejet de la demande de suspension.

14      Par décision du 19 avril 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours a rejeté le recours, au motif qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause, ainsi que la demande de suspension.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        suspendre la présente procédure dans l’attente de la décision du Tribunale di Torino (tribunal de Turin) dans l’affaire portant le numéro R.G. 23850/2017 ;

–        reformer, en l’annulant, la décision attaquée et rejeter l’opposition.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      L’intervenant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, rejeter la demande de reformation et d’annulation de la décision attaquée et, partant, confirmer la décision attaquée ;

–        rejeter la demande visant au rejet de l’opposition et, partant, rejeter la marque demandée ;

–        condamner la requérante aux dépens de la présente procédure et des phases précédentes.

 En droit

18      À titre liminaire, s’agissant, d’une part, du premier chef de conclusions de la requérante, dès lors qu’il doit être regardé comme une demande de suspension de la procédure au titre de l’article 69 du règlement de procédure du Tribunal, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 70, paragraphe 1, dudit règlement, le président de la septième chambre du Tribunal a décidé, le 25 septembre 2018, de ne pas suspendre la présente procédure. À cet égard, il convient de rappeler que la décision de suspendre ou non une procédure relève de la compétence discrétionnaire du Tribunal [ordonnances du 20 octobre 2011, DTL/OHMI, C‑67/11 P, non publiée, EU:C:2011:683, point 33, et du 17 janvier 2018, Josel/EUIPO, C‑536/17 P, non publiée, EU:C:2018:14, point 5]. Au demeurant, il convient de relever que, en l’espèce, les autres parties à la présente procédure n’ont pas donné leur accord sur la suspension demandée et que, en tout état de cause, la demande contenue dans la requête n’était étayée par aucun développement permettant de considérer qu’une bonne administration de la justice aurait exigé une telle suspension.

19      D’autre part, étant donné que « confirmer la décision attaquée » et « rejeter la demande visant au rejet de l’opposition et […] la marque demandée » équivalent à rejeter le recours, il y a lieu de regarder les premier et deuxième chefs de conclusions de l’intervenant comme tendant, dans leur ensemble, en substance, au rejet du recours [voir, par analogie, arrêt du 13 décembre 2016, Apax Partners/EUIPO – Apax Partners Midmarket (APAX), T‑58/16, non publié, EU:T:2016:724, point 15 et jurisprudence citée].

20      À l’appui du recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, visant, le premier, l’absence de suspension de la procédure de recours et, le second, le prétendu risque de confusion entre les signes en conflit.

 Sur le premier moyen, visant l’absence de suspension de la procédure de recours

21      La requérante invoque, en substance, deux branches à l’appui de son moyen.

22      Par une première branche, intitulée « non-respect du délai applicable au dépôt des documents attestant l’action en déchéance pour non-usage devant le [Tribunale di Torino (tribunal de Turin)] », la requérante fait valoir que le délai pour présenter les documents à l’appui de la demande de suspension n’a pas été respecté parce que son représentant de l’époque ne l’a pas informée dudit délai, à cause d’un oubli. Elle ajoute que l’intervenant avait connaissance des documents fondant la procédure en déchéance, étant donné qu’il est le défendeur dans cette procédure, et que, cependant, il n’a pas informé la chambre de recours qu’une action judiciaire qui aurait dû entraîner la suspension de la procédure de recours était effectivement en cours.

23      Par une seconde branche, la requérante fait valoir que les directives relatives à l’examen pratiqué à l’EUIPO sur les marques de l’Union européenne prévoient un certain nombre de circonstances dans lesquelles l’EUIPO peut suspendre la procédure, dont le cas dans lequel le droit antérieur est menacé. Selon la requérante, « [i]l y a lieu de tenir compte du droit antérieur menacé, lequel est essentiel aux fins de la décision ». Ainsi, il serait évident que, si une procédure de recours parvenait à une conclusion différente de celle d’une instance judiciaire nationale, cela aurait pour conséquence, outre une véritable divergence entre les décisions, que les effets pratiques des deux décisions seraient contradictoires. Par conséquent, à chaque fois que la nullité (ou la déchéance) d’un titre de propriété intellectuelle fait l’objet d’un recours en justice, il y aurait lieu de suspendre toutes les procédures dont la cause en dépend.

24      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

25      À titre liminaire, il y a lieu de relever que l’article 71, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements (CE) no°2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1) [devenu article 71, paragraphe 1, du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], dispose que la chambre de recours peut suspendre la procédure de sa propre initiative, lorsque les circonstances de l’espèce justifient une telle suspension, ou à la demande motivée de l’une des parties dans les procédures inter partes, lorsque les circonstances de l’espèce justifient une suspension et en prenant en considération les intérêts des parties et le stade de la procédure.

26      Selon la jurisprudence, la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour suspendre ou non la procédure de recours. La suspension demeure une faculté pour la chambre de recours, qui ne la prononce que lorsqu’elle l’estime justifiée. La procédure devant la chambre de recours n’est donc pas automatiquement suspendue à la suite d’une demande en ce sens par une partie devant ladite chambre [arrêts du 25 novembre 2014, Royalton Overseas/OHMI – S. C. Romarose Invest (KAISERHOFF), T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 30, et du 21 octobre 2015, Petco Animal Supplies Stores/OHMI – Gutiérrez Ariza (PETCO), T‑664/13, EU:T:2015:791, point 31].

27      La circonstance que la chambre de recours dispose d’un large pouvoir d’appréciation afin de suspendre la procédure en cours devant elle ne soustrait pas son appréciation au contrôle du juge de l’Union européenne. Cette circonstance restreint cependant ledit contrôle quant au fond à la vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir (voir arrêts du 25 novembre 2014, KAISERHOFF, T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 31 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 32 et jurisprudence citée).

28      À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, lors de l’exercice de son pouvoir d’appréciation relatif à la suspension de la procédure, la chambre de recours doit respecter les principes généraux régissant une procédure équitable au sein d’une communauté de droit. Par conséquent, lors dudit exercice, elle doit non seulement tenir compte de l’intérêt de la partie dont la marque ou la demande de marque de l’Union européenne est contestée, mais également de celui des autres parties. La décision de suspendre ou de ne pas suspendre la procédure doit être le résultat d’une mise en balance des intérêts en cause (voir arrêts du 25 novembre 2014, KAISERHOFF, T‑556/12, non publié, EU:T:2014:985, point 33 et jurisprudence citée, et du 21 octobre 2015, PETCO, T‑664/13, EU:T:2015:791, point 33 et jurisprudence citée).

29      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les deux branches du premier moyen de la requérante.

30      S’agissant de la première branche, il y a lieu de relever que la requérante ne fait pas valoir qu’un délai qui lui aurait été applicable n’aurait pas été respecté par la chambre de recours, mais uniquement qu’elle-même n’a pas répondu à la chambre de recours en raison d’un oubli de son représentant de l’époque qui ne l’a pas informée dudit délai et que l’intervenant n’a pas communiqué les documents en cause à la chambre de recours, alors qu’il en avait connaissance. Or, compte tenu du fait que, par ces arguments, la requérante n’adresse aucun reproche à la chambre de recours et ne fait valoir aucun type d’erreur ou de violation que la chambre de recours aurait commise, la première branche du premier moyen doit être écartée comme étant inopérante ou, en tout état de cause, comme étant non fondée. Au demeurant, il est constant que la requérante n’a pas déposé de documents à l’appui de sa demande de suspension du 17 janvier 2018 et n’a pas répondu à la lettre de la chambre de recours du 15 février 2018.

31      À supposer même que l’argument de la requérante tiré d’un oubli de son représentant de l’époque doit être compris comme se rattachant à l’invocation d’un cas fortuit ou de force majeure ou bien d’une erreur excusable, un tel argument ne saurait non plus être retenu. En effet, selon une jurisprudence constante, il ne peut être dérogé à l’application des réglementations de l’Union concernant les délais de procédure que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles, étant donné que l’application stricte de ces règles répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice. Que de telles circonstances soient qualifiées de cas fortuit ou de force majeure ou bien d’erreur excusable, elles comportent, en tout état de cause, un élément subjectif tenant à l’obligation, pour le justiciable de bonne foi, de faire preuve de toute la vigilance et de toute la diligence requises d’un opérateur normalement averti afin de surveiller le déroulement de la procédure et de respecter les délais prévus [voir arrêt du 21 mai 2014, Melt Water/OHMI (NUEVA), T‑61/13, EU:T:2014:265, point 38 et jurisprudence citée].

32      Or, en l’espèce, dans la mesure où la requérante énonce que « le délai pour présenter les documents à l’appui de la demande de suspension n’a pas été respecté parce que le représentant de la requérante [de l’époque] ne l’a pas informée dudit délai » (point 18 de la requête), à « cause d’un oubli » (point 34 de la requête), il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence qu’une partie requérante ne peut se prévaloir ni d’un fonctionnement défectueux de son organisation interne ni de la méconnaissance de ses propres directives internes pour tenter de démontrer le caractère excusable de l’erreur commise par elle ou par ses salariés, ou l’existence d’un cas fortuit ou de force majeure, ni d’un fonctionnement défectueux de l’organisation interne du cabinet d’avocats la représentant [voir ordonnances du 28 avril 2008, PubliCare Marketing Communications/OHMI (Publicare), T‑358/07, non publiée, EU:T:2008:130, point 17 et jurisprudence citée, et du 28 mai 2013, Honnefelder/Commission, T‑130/13 P, EU:T:2013:276, point 20].

33      S’agissant de la seconde branche, il y a lieu de commencer par constater qu’il ressort de la décision attaquée que, dans le cadre de son appréciation de la demande de suspension, la chambre de recours a pris en compte plusieurs éléments. Tout d’abord, elle s’est appuyée sur le fait que la requérante n’avait déposé aucun document à l’appui de la demande (points 61, 62 et 64 de la décision attaquée). Ensuite, elle s’est appuyée sur le fait que la procédure d’opposition avait déjà été suspendue, sur demande de la requérante, en substance, du 14 juillet 2011 au 13 décembre 2017 (point 62 de la décision attaquée). Enfin, elle s’est appuyée sur le fait qu’une action en déchéance pour non-usage de la marque antérieure aurait pu être introduite par la requérante dès le 3 juin 2015, c’est-à-dire cinq ans après la date d’enregistrement de cette marque (point 63 de la décision attaquée). Sur la base de ces éléments, la chambre de recours a conclu qu’une autre suspension aurait indûment prolongé la procédure et porté atteinte aux intérêts de l’intervenant et que, par conséquent, afin de garantir le respect du principe de bonne administration, la demande de suspension devait être rejetée (points 62 et 64 de la décision attaquée).

34      Or, force est de constater qu’aucun argument n’a été avancé par la requérante afin de remettre en cause une telle appréciation concrète des circonstances spécifiques de la présente affaire, s’agissant notamment de la mise en balance des intérêts en cause et de la prise en compte du stade de la procédure. Au demeurant, compte tenu des différents éléments rappelés au point 33 ci-dessus, inhérents à l’absence de pièces produites par la requérante, à la précédente suspension accordée pour plus de six ans et à l’absence d’engagement de la procédure en déchéance nationale dès qu’il était possible, une telle appréciation ne saurait être considérée comme étant entachée d’erreur manifeste.

35      En effet, la requérante se borne à indiquer que, par principe, dès lors qu’elle avait introduit une action en déchéance à l’encontre de la marque antérieure devant une juridiction nationale, la procédure de recours aurait dû être suspendue, afin d’éviter le risque de décisions contradictoires. Toutefois, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, la chambre de recours n’est pas tenue de suspendre automatiquement la procédure de recours en présence d’une demande de déchéance de la marque antérieure, dès lors que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 26 à 28 ci-dessus, la suspension demeure une faculté pour la chambre de recours et qu’elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard. En effet, il découle de ladite jurisprudence, ainsi que du libellé de l’article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2017/1430 [devenu article 71, paragraphe 1, sous b), du règlement délégué 2018/625], que la décision de suspendre ou de ne pas suspendre la procédure est le résultat d’une mise en balance des intérêts en cause eu égard également au stade de la procédure.

36      Ainsi, le fait qu’une action en déchéance mettant en cause la marque antérieure sur laquelle se fonde l’opposition est pendante ne suffit pas, à lui seul, à qualifier d’erreur manifeste d’appréciation le refus, par la chambre de recours, de suspendre la procédure. En effet, la chambre de recours peut considérer qu’une mise en balance des intérêts en cause appelle, nonobstant l’existence d’une action en déchéance, le rejet de la demande de suspension [voir arrêt du 14 février 2019, Beko/EUIPO – Acer (ALTUS), T‑162/18, non publié, EU:T:2019:87, points 38 et 39 et jurisprudence citée].

37      Il s’ensuit que la seconde branche du premier moyen doit également être écartée comme étant non fondée.

38      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le second moyen, visant le prétendu risque de confusion entre les signes en conflit

39      La requérante fait valoir, en substance, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit, dès lors que le public pertinent fait preuve d’un niveau d’attention élevé, que lesdites marques sont différentes sur le plan visuel, que la similitude phonétique est dépourvue de pertinence et que la similitude conceptuelle est neutralisée par les différences existantes entre les marques.

40      L’EUIPO et l’intervenant contestent les arguments de la requérante.

41      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

42      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

43      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14 , point 42 et jurisprudence citée].

 Sur le public pertinent

44      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

45      À titre liminaire, il y a lieu relever que, au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le territoire pertinent était l’Italie, puisque la marque antérieure était un enregistrement italien bénéficiant de la protection sur ce territoire. Cette appréciation n’est pas contestée par la requérante.

46      En outre, au point 26 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les produits visés par la marque demandée s’adressaient tant au grand public qu’à un public ayant des compétences spécifiques et que, par conséquent, le niveau d’attention du public pertinent variait de normal à élevé. Par suite, au point 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé la jurisprudence selon laquelle, lorsque le public pertinent inclut des groupes de consommateurs ayant un niveau d’attention différent, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en compte.

47      La requérante indique qu’elle n’est pas d’accord avec l’appréciation de la chambre de recours sur le niveau d’attention du public pertinent. Elle fait valoir que les produits en cause compris dans les classes 12 et 25 sont vendus à un prix très élevé et que, donc, le niveau d’attention du public est élevé. En d’autres termes, le niveau d’attention du public ne varierait pas de normal à élevé, mais serait uniquement élevé.

48      À cet égard, il convient de relever que l’argument de la requérante non seulement se base sur l’affirmation non étayée selon laquelle les produits en cause seraient vendus à « un prix très élevé », mais il est également non fondé. En effet, s’il est certes possible que certains desdits produits, et en particulier des véhicules ou des appareils de locomotion relevant de la classe 12, ou que même des vêtements, des chaussures ou des produits de chapellerie relevant de la classe 25, soient effectivement vendus à des prix élevés, cela n’est pas nécessairement toujours le cas. Il est aussi possible que des vêtements, des chaussures ou des produits de chapellerie relevant de la classe 25 soient vendus à des prix qui ne sont pas élevés, voire même à des prix bas ou très bas. Il ne saurait non plus être exclu que certains appareils de locomotion relevant de la classe 12 puissent être vendus à des prix qui ne sont pas élevés. Ainsi, l’invocation par la requérante du prix élevé des produits en cause compris dans les classes 12 et 25 ne concerne, en tout état de cause, que certains de ces produits. Or, les catégories de produits en cause, telles que visées par la demande de marque et couvertes par la marque antérieure, ne se limitent pas à ces produits aux prix élevés, mais comprennent également d’autres produits, et il appartient à l’EUIPO de prendre en compte le consommateur moyen desdites catégories et non un type spécifique de consommateurs de certains produits au sein d’une catégorie plus large de produits [voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2017, Stock Polska/EUIPO – Lass & Steffen (LUBELSKA), T‑701/15, non publié, EU:T:2017:16, point 24 et jurisprudence citée]. Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que, dans l’ensemble, le niveau d’attention du public pertinent pour les produits en cause variait de normal à élevé et que, lorsque le public pertinent incluait des groupes de consommateurs ayant un niveau d’attention différent, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé devait être pris en compte.

 Sur la comparaison des produits

49      Au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté, à juste titre, que, ainsi qu’il ressort des points 3 et 7 ci-dessus, les produits en cause étaient identiques.

 Sur la comparaison des signes

50      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

51      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

52      En l’espèce, au point 38 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, d’une part, que la marque demandée était une marque verbale constituée par le mot « innocenti » et, d’autre part, que la marque antérieure était une marque figurative constituée par l’élément verbal « innocenti » situé à la base du signe dans un rectangle de couleur blanche et par un élément figuratif composé de la lettre « i » en caractère minuscule – suivant une forme stylisée qui, pour une partie du public, lui conférait l’aspect de la lettre « n » légèrement inclinée – inséré dans un élément figuratif circulaire de couleur blanche placé à l’intérieur d’une figure rectangulaire de couleur noire.

53      Dans ce cadre, tout d’abord, aux points 40 à 43 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient visuellement similaires à un degré « moyen-faible », compte tenu du fait que les lettres « i », « n », « n », « o », « c », « e », « n », « t » et « i » coïncidaient, que les éléments figuratifs figurant dans la marque antérieure, y compris la lettre « i » stylisée, ne trouvaient pas de correspondance dans la marque demandée et que lesdits éléments figuratifs ne présentaient aucune originalité particulière et ne possédaient pas un impact visuel susceptible de détourner l’attention du public des éléments verbaux de la marque.

54      Ensuite, aux points 44 et 45 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit avaient un degré de similitude élevé sur plan phonétique, dès lors qu’elles présentaient une identité phonétique en raison du son produit par la prononciation du mot « innocenti », et une différence consistant dans la lettre initiale « i » de la marque antérieure.

55      Enfin, aux points 46 à 48 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit étaient presque identiques sur le plan conceptuel, compte tenu du fait qu’elles se référaient au même concept d’innocence, évoqué par l’élément verbal « innocenti » qui correspondait au pluriel de l’adjectif italien « innocente », et que les signes pouvaient être perçus comme une référence à un nom de famille italien.

56      Sur la base de tous ces éléments, au point 49 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu que les marques présentaient un degré de similitude « assez élevé », compte tenu des fortes similitudes phonétiques et conceptuelles, qui dominent les différences visuelles.

57      La requérante fait valoir que la chambre de recours a procédé à une comparaison des signes en cause qui n’est pas suffisamment approfondie. À titre liminaire, elle indique que la marque demandée est une marque verbale, tandis que la marque antérieure est une marque mixte. Elle conteste la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques sont similaires sur le plan visuel. Selon la requérante, les marques sont différentes. En particulier, il serait évident que la marque antérieure « est une marque mixte où domine nettement l’élément figuratif, sous lequel la mention “innocenti” est quasiment invisible ». Dès lors que le « véritable élément dominant » de la marque antérieure est l’élément figuratif, ladite marque serait « bien différente » de la marque verbale demandée. Elle ajoute que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que l’élément figuratif de la marque antérieure ne présentait aucune originalité, dès lors que, outre le fait qu’il peut être considéré comme la simple voyelle « i », ledit élément figuratif apparaît « comme la position stylisée d’un corps humain en position gymnique ». Ensuite, la requérante fait valoir que, compte tenu du fait que les produits visés par la marque antérieure sont exposés en magasin et sont à la vue du client qui peut donc observer et choisir l’article qui lui plaît le plus, l’aspect phonétique est dépourvu de pertinence, et ce a fortiori lorsque les marques sont de nature différente. Enfin, la requérante fait valoir que les différences relevées sur le plan graphique, visuel et phonétique permettent de neutraliser la prétendue similitude sur le plan conceptuel.

58      S’agissant, en premier lieu, des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence aux services en cause en citant le nom de la marque qu’en décrivant l’élément figuratif de celle-ci [arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 39 ; voir, également, arrêt du 25 mai 2016, Ice Mountain Ibiza/EUIPO – Marbella Atlantic Ocean Club (ocean ibiza), T‑6/15, non publié, EU:T:2016:310, point 45 et jurisprudence citée].

59      En l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, les éléments figuratifs ne dominent pas l’image de la marque antérieure de sorte que l’élément verbal « innocenti » serait quasiment invisible. En effet, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, lesdits éléments figuratifs ne présentent pas d’originalité particulière et ne possèdent pas d’impact visuel susceptible de détourner l’attention du public des éléments verbaux. D’une part, le rectangle noir et le cercle blanc constituent des formes géométriques simples et basiques. D’autre part, la lettre « i » stylisée située dans lesdites formes géométriques, malgré sa taille, ne détourne pas l’attention du public de l’élément verbal « innocenti » situé sous la base du rectangle noir. Elle apparaît même mettre davantage en exergue cet élément verbal, dans la mesure où elle est susceptible d’être perçue comme étant une représentation stylisée de la première et de la dernière lettre dudit élément verbal. À supposer même que ladite lettre stylisée puisse être perçue, par une partie du public, comme étant une représentation stylisée de la lettre « n » légèrement inclinée, tel que l’indique la chambre de recours, ou comme étant une représentation stylisée d’un corps humain en position gymnique, tel que l’indique la requérante, en tout état de cause, ledit élément figuratif ne dominerait pas davantage la marque antérieure et ne rendrait pas l’élément verbal négligeable aux yeux du public pertinent, d’autant plus que cet élément verbal est situé en dehors et à la base du rectangle noir comprenant l’élément figuratif, qu’il occupe toute la largeur du signe et qu’il est écrit en caractères majuscules d’une dimension telle que, malgré le fait qu’il est proportionnellement plus petit que l’élément figuratif, il est clairement lisible et ne saurait passer inaperçu.

60      Par conséquent, dès lors que les éléments figuratifs compris dans la marque antérieure ne sauraient être considérés comme étant dominants et que l’élément verbal compris dans cette marque ne saurait être considéré comme étant négligeable, c’est à juste titre que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 51 ci-dessus, la chambre de recours a pris en compte, dans la comparaison des signes, la marque antérieure dans son ensemble.

61      S’agissant, en deuxième lieu, de la comparaison des signes en conflit sur le plan visuel, il convient d’abord de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

62      En l’espèce, d’emblée, il y a lieu d’écarter l’allégation de la requérante selon laquelle les signes en conflit ne sont pas similaires sur le plan visuel, mais différents. En effet, dans la mesure où l’élément verbal contenu dans la marque antérieure ne saurait être négligé, force est de constater que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, le groupe de lettres constituant ledit élément verbal coïncide avec le groupe de lettres constituant la marque verbale demandée. En d’autres termes, le signe verbal constituant la marque demandée est entièrement compris dans la marque antérieure. Dans ces circonstances, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu considérer que les signes en conflit étaient visuellement similaires et que, en raison des éléments figuratifs compris dans la marque antérieure qui n’ont pas d’équivalent dans la marque demandée, une telle similitude était, en substance, d’un degré faible ou, tout au plus, moyen.

63      Partant, les arguments de la requérante inhérents à la comparaison des signes sur le plan visuel doivent être écartés comme étant non fondés.

64      S’agissant, en troisième lieu, de la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique, force est de constater que la requérante ne remet pas en cause le fait que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les signes en conflit sont phonétiquement similaires à un degré élevé, dès lors qu’ils coïncident dans la prononciation du groupe de lettres « innocenti » et ne différent que pour l’éventuelle prononciation de l’élément inscrit dans le cercle blanc de la marque antérieure, qu’il soit prononcé comme la lettre « i » ou comme la lettre « n ». La requérante fait seulement valoir que, en l’espèce, compte tenu des modalités d’achats des produits visés par les marques en cause, cette similitude est dépourvue de pertinence, d’autant plus que les marques seraient de nature différente.

65      Or, d’une part, dans la mesure où la requérante conteste la pertinence de la similitude phonétique des signes en conflit eu égard aux modalités d’achat des produits en cause, il y a lieu de relever qu’un tel argument porte sur les éléments à prendre en compte dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion et non, en tant que tel, pour la comparaison des signes en conflit sur le plan phonétique. D’autre part, dans la mesure où l’argument de la requérante s’appuie sur la « nature différente » des signes en conflit, c’est-à-dire sur le fait que l’un constitue une marque verbale et l’autre une marque figurative, il y a lieu de relever que rien ne s’oppose à ce qu’une similitude phonétique soit constatée, en l’espèce, entre lesdits signes, dès lors que, si les éléments figuratifs compris dans la marque antérieure ne peuvent pas être prononcés, en revanche, les éléments verbaux compris dans cette marque peuvent l’être.

66      Partant, les arguments de la requérante inhérents à la comparaison des signes sur le plan phonétique doivent être écartés comme étant, en partie, inopérants et, en partie, non fondés.

67      S’agissant, en quatrième lieu, de la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel, force est de constater que la requérante ne remet pas non plus en cause le fait que, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les signes en conflit sont « presque identiques » sur le plan conceptuel dès lors qu’ils se réfèrent au même concept d’innocence. La requérante fait seulement valoir qu’une telle « prétendue similitude sur le plan conceptuel » est neutralisée par les différences relevées sur les plans graphique, visuel et phonétique.

68      À cet égard, d’une part, il y a lieu de relever que la jurisprudence à laquelle la requérante se réfère pour étayer une telle neutralisation, à savoir l’arrêt du 23 mars 2006, Mülhens/OHMI (C‑206/04 P, EU:C:2006:194, point 35), concerne le cas où deux signes présentent des différences conceptuelles susceptibles de neutraliser des similitudes visuelles et phonétiques, pour autant qu’au moins l’un de ces signes a, pour le public pertinent, une signification claire et déterminée, de telle sorte que ce public est susceptible de la saisir directement (voir arrêt du 5 octobre 2017, Wolf Oil/EUIPO, C‑437/16 P, non publié, EU:C:2017:737, point 43 et jurisprudence citée) et que l’autre marque n’a pas une telle signification ou qu’elle a une signification entièrement différente [voir arrêt du 7 novembre 2017, Mundipharma/EUIPO – Multipharma (MULTIPHARMA), T‑144/16, non publié, EU:T:2017:783, point 54 et jurisprudence citée]. En effet, ladite jurisprudence porte sur l’appréciation du degré des différences conceptuelles susceptibles de conduire à la neutralisation des similitudes visuelles et phonétiques et cette analyse doit être précédée de la constatation des différences conceptuelles entre les signes en conflit (voir arrêt du 5 octobre 2017, Wolf Oil/EUIPO, C‑437/16 P, non publié, EU:C:2017:737, point 44 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, les signes en conflit ne présentent aucune différence conceptuelle, mais ils sont « presque identiques » sur ce plan, ce qui, au demeurant, n’est pas contesté. D’autre part, en tout état de cause, force est de constater que, contrairement à ce qui est suggéré par la requérante, les signes en conflit ne présentent pas non plus des différences visuelles et phonétiques susceptibles de neutraliser leur similitude conceptuelle, puisque, au contraire, ils présentent des similitudes tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique.

69      Partant, les arguments de la requérante inhérents à la neutralisation de la similitude sur le plan conceptuel doivent être écartés comme étant non fondés.

70      Dans ces circonstances, compte tenu de la similitude visuelle faible ou, tout au plus, moyenne, de la similitude phonétique élevée et de la quasi identité conceptuelle, c’est à juste titre que la chambre de recours a pu conclure que les signes en conflit étaient dans l’ensemble similaires et que cette similitude était, en substance, plutôt élevée.

 Sur le risque de confusion

71      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

72      En l’espèce, aux points 53 à 57 de la décision attaquée, la chambre de recours, tout d’abord, a relevé que la marque antérieure disposait d’un caractère distinctif intrinsèque normal, ce qui n’est pas contesté. Ensuite, elle a relevé que les produits litigieux étaient identiques et que les signes en conflit étaient, dans l’ensemble, similaires. Enfin, elle a indiqué que l’identité des produits était apte à compenser les éventuelles différences entre les signes que le public pourrait percevoir. Sur la base de ces éléments, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion, et ce même pour le consommateur des produits en cause le plus attentif.

73      La requérante soutient, en substance, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les signes en conflit. Elle s’appuie sur le fait que les signes en conflit sont « de nature différente », puisque la marque demandée est une marque verbale et que la marque antérieure est une marque figurative. En outre, tel que relevé aux points 64 et 65 ci-dessus, elle soutient que l’aspect phonétique est « totalement dépourvu de pertinence » et que le risque de confusion est donc écarté.

74      Or, ces arguments ne sont pas fondés. D’une part, s’agissant de l’argument tiré de la nature différente des signes en conflit, il y a lieu de relever que rien n’exclut, par principe, qu’une marque verbale et une marque figurative soient similaires, y compris sur le plan visuel, et que, par conséquent, pourvu que les produits ou les services visés par les deux marques soient également similaires, un risque de confusion puisse exister entre les deux types de marques. D’autre part, s’agissant de l’argument tiré de l’absence de pertinence de l’aspect phonétique, s’il est, certes, exact que le degré de similitude phonétique entre deux marques est d’une importance réduite dans le cas de produits qui sont commercialisés de telle manière que, habituellement, le public pertinent, lors de l’achat, perçoit la marque les désignant également de façon visuelle [voir arrêt du 11 décembre 2013, Eckes-Granini/OHMI – Panini (PANINI), T‑487/12, non publié, EU:T:2013:637, point 64 et jurisprudence citée], cela ne signifie pas pour autant, à supposer même que ladite jurisprudence soit applicable en l’espèce, qu’une telle similitude phonétique soit totalement dépourvue de pertinence et que, de ce seul fait, un risque de confusion puisse être exclu.

75      Au demeurant, à supposer même que les arguments de la requérante doivent être compris en ce sens que les signes en conflit présentent de telles différences qu’il ne saurait exister un risque de confusion entre eux, un tel argument ne serait pas fondé. En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours dans son appréciation du risque de confusion, les signes en conflit sont dans l’ensemble similaires, compte tenu de leur quasi-identité conceptuelle et de leur similitude visuelle, et ce même en attribuant une importance réduite à leur similitude phonétique élevée. Par conséquent, compte tenu du fait que les marques en cause sont similaires dans leur ensemble et que les produits en cause sont identiques, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a pu conclure à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit, eu égard également au caractère distinctif intrinsèque normal de la marque antérieure, qui n’est pas contesté, et au niveau d’attention normal du public pertinent.

76      Par ailleurs, à ce dernier égard, ainsi que l’a indiqué la chambre de recours dans la décision attaquée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé doit être pris en considération [voir arrêt du 19 janvier 2017, Morgan & Morgan/EUIPO – Grupo Morgan & Morgan (Morgan & Morgan), T‑399/15, non publié, EU:T:2017:17, point 30 et jurisprudence citée]. Ainsi, il n’est pas nécessaire d’examiner le risque de confusion dans l’esprit de la partie du public pertinent faisant preuve d’un degré élevé d’attention [arrêts du 14 décembre 2017, RRTec/EUIPO – Mobotec (RROFA), T‑912/16, non publié, EU:T:2017:905, point 56, et du 14 février 2019, Torro Entertainment/EUIPO – Grupo Osborne (TORRO Grande MEAT IN STYLE), T‑63/18, non publié, EU:T:2019:89, point 65].

77      En tout état de cause, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, ledit risque de confusion subsisterait également pour la partie du public pertinent faisant preuve d’un niveau d’attention élevé, dès lors que même les membres de ce public n’ont que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doivent se fier à l’image imparfaite qu’ils en ont gardée en mémoire, et que, par conséquent, même lesdits consommateurs pourraient croire que les produits en cause, qui sont identiques, proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement, compte tenu de la similitude des marques en cause dans leur ensemble.

78      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés dans le cadre de la présente procédure, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenant.

80      En outre, l’intervenant a conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’il a exposés lors des phases précédentes, c’est-à-dire dans le cadre de la procédure devant l’EUIPO.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition [arrêt du 26 octobre 2017, Sulayr Global Service/EUIPO – Sulayr Calidad (sulayr GLOBAL SERVICE), T‑685/15, non publié, EU:T:2017:761, point 53].

82      En tout état de cause, force est de constater que, en l’espèce, dans la décision attaquée, la requérante a été condamnée, par la chambre de recours, à payer à l’intervenant des dépens au titre des frais que celui-ci avait exposés dans le cadre des procédures d’opposition et de recours. Partant, dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de cette dernière qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêts du 10 octobre 2017, Cofra/EUIPO – Armand Thiery (1841), T‑233/15, non publié, EU:T:2017:714, point 127, et du 19 octobre 2017, Aldi/EUIPO – Sky (SKYLITe), T‑736/15, non publié, EU:T:2017:729, point 131].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Innocenti SA est condamnée à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés, dans le cadre de la présente procédure, par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par M. Filippo Gemelli.

Tomljenović

Marcoulli

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.