Language of document : ECLI:EU:T:2012:423

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

13 septembre 2012 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire figurative représentant une main – Article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement (CE) n° 207/2009 – Existence d’un droit d’auteur antérieur protégé par le droit national – Charge de la preuve – Application du droit national par l’OHMI – Contrôle »

Dans l’affaire T‑404/10,

National Lottery Commission, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par M. B. Brandreth, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. G. Mannucci et J. Crespo Carrillo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

les autres parties à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Mediatek Italia Srl, établie à Naples (Italie),

Giuseppe De Gregorio, demeurant à Naples,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 9 juin 2010 (affaire R 1028/2009-1), relative à une procédure de nullité entre, d’une part, Mediatek Italia Srl et M. Giuseppe de Gregorio et, d’autre part, la National Lottery Commission,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mme I. Wiszniewska-Białecka et M. M. Prek (rapporteur), juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2011,

vu le mémoire en réplique déposé au greffe du Tribunal le 12 avril 2011,

vu le mémoire en duplique déposé au greffe du Tribunal le 31 mai 2011,

vu les mesures d’organisation de la procédure du 31 janvier 2012,

à la suite de l’audience du 3 mai 2012,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 octobre 2007, la requérante, la National Lottery Commission, a obtenu, auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) et en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)], l’enregistrement sous le numéro 4 800 399 de la marque communautaire figurative reproduite ci-après (ci-après la « marque contestée ») :

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2        Les produits et services pour lesquels la marque contestée a été enregistrée relèvent des classes 9, 16, 25, 28 et 41.

3        Le 20 novembre 2007, Mediatek Italia Srl et M. Giuseppe de Gregorio (ci-après les « demandeurs en nullité ») ont présenté une demande en nullité de la marque contestée, sur le fondement, notamment, de l’article 52, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 40/94 [devenu l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009] au regard du droit d’auteur, antérieur à la marque contestée, que posséderait M. Giuseppe de Gregorio sur le signe figuratif suivant (ci-après le « droit antérieur allégué » ou la « mano portafortuna »):

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4        Par décision du 16 juillet 2009, la division d’annulation de l’OHMI a fait droit à la demande en nullité de la marque contestée. En substance, la division d’annulation a considéré que les demandeurs en nullité avaient démontré l’existence d’une protection du droit d’auteur dans la législation italienne susceptible de s’appliquer à la mano portafortuna ainsi que l’antériorité de ce droit par rapport à la marque contestée. Dès lors, estimant que le droit d’auteur allégué et la marque contestée étaient quasi identiques, la division d’annulation a conclu à la nullité de la marque contestée en application de l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009.

5        Le 1er septembre 2009, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’annulation.

6        Par décision du 9 juin 2010 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que :

–        la représentation humoristique d’une main qui sourit était susceptible de relever de la protection accordée par les articles 2575 et suivants du Codice civile (code civil italien) ainsi que par la Legge sul diritto d’autore (loi italienne sur le droit d’auteur), en ce qu’elle présente une composante minimale de créativité ;

–        la présentation de la photocopie d’un contrat en date du 16 septembre 1986, par lequel un tiers se présentant comme l’auteur de la mano portafortuna cède, à l’un des demandeurs en nullité, ses droits de reproduction et d’utilisation sur cette œuvre ainsi que sur d’autres dessins figurant en annexe à ce contrat (ci-après le « contrat de 1986 »), suffisait a attester de l’existence d’un droit d’auteur ;

–        elle n’était compétente, en application de l’article 2702 du code civil italien, que pour apprécier le contenu de ce contrat et non la provenance des déclarations qu’il contenait ;

–        les anomalies relevées par la requérante (mention d’une date erronée quant à la durée maximum de la protection du droit d’auteur, erreur dans la date du cachet postal, qualité artistique différente de la mano portafortuna par rapport aux autres dessins figurant en annexe au contrat de 1986), ne permettraient pas de faire naître des doutes quant à la réalité du contenu de ce contrat ;

–        la marque contestée constituait, en application du droit italien, une reproduction non autorisée de la mano portafortuna et, partant, une violation du droit d’auteur.

–        les éléments de preuve fournis par la requérante ne permettraient pas de démontrer que la marque contestée avait été créée de manière indépendante ;

–        l’auteur du signe constituant la marque contesté avait seulement certifié que celui-ci est original pour « autant qu’il puisse en avoir raisonnablement connaissance » ;

–        dans la mesure où 400 T-shirts portant la mano portafortuna avaient été imprimés en 1988 dans la région de Naples (Italie), il était plus probable que les créateurs du signe constituant la marque contesté se soient plutôt inspirés de la mano portafortuna et non que la marque contestée soit le fruit d’une création indépendante ;

–        au titre des sanctions prévues par le droit italien, figurait l’interdiction de faire usage de l’œuvre objet de la violation.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’ordonner :

–        l’annulation de la décision attaquée ;

–        le renvoi de l’affaire devant la division d’annulation de l’OHMI en recommandant que cette dernière enquête de manière approfondie et complète sur les éléments de preuve fournis au soutien de l’existence d’un droit d’auteur antérieur à la marque contestée ;

–        la condamnation de l’OHMI aux dépens, y compris ceux exposés lors de la procédure devant la chambre de recours.

8        L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

9        Lors de l’audience, la requérante s’est désistée de son deuxième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte dans le procès verbal d’audience.

 En droit

10      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens, pris, respectivement, d’une violation de l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009, de l’illégalité du refus de la chambre de recours d’ouvrir une procédure orale ou de recourir à des mesures d’instruction, ainsi que d’une appréciation erronée par la chambre de recours de sa compétence pour examiner l’authenticité du contrat de 1986.

11      Par son premier moyen, la requérante expose, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009 en concluant que l’existence du droit antérieur allégué avait été démontrée par les demandeurs en nullité. Il convient d’examiner ce moyen conjointement avec le troisième moyen, par lequel la requérante soutient que la chambre de recours a, à tort, estimé qu’elle n’était pas compétente pour apprécier l’authenticité du contrat de 1986.

12      La requérante reproche, notamment, à la chambre de recours de s’être fondée sur le seul examen de la copie d’un contrat transférant la propriété de ce droit d’auteur en 1986 sans prendre en compte la probabilité des thèses défendues par les parties. Elle expose également que, dans la mesure où la chambre de recours est habilitée à statuer sur la validité d’une marque communautaire, elle doit nécessairement être en droit d’apprécier l’authenticité d’un document sur lequel reposent les prétentions d’une partie quand cette authenticité est contestée. En refusant de procéder à un tel examen, la chambre de recours n’aurait pas correctement apprécié l’étendue de sa compétence.

13      L’OHMI conclut au rejet de ce moyen. Il rappelle, notamment, que la chambre de recours était tenue de prendre sa décision conformément aux règles et principes du droit italien. Le contrat de 1986 constituerait un acte sous seing privé ayant fait l’objet d’une authentification par un notaire et, partant, présenterait la même valeur probante qu’un acte passé devant notaire. Ledit contrat ferait donc foi en ce qui concerne sa provenance. Il se déduirait des articles 2702 et 2703 du code civil italien qu’une autorité publique ne peut ignorer un acte faisant foi, à défaut de l’introduction d’une procédure d’inscription en faux devant les juridictions italiennes en application de l’article 221 du Codice di procedura civile (code de procédure civile italien). Dès lors, la chambre de recours aurait seulement été en droit d’examiner le contenu du contrat de 1986 aux fins d’apprécier s’il démontre l’existence du droit antérieur. L’OHMI en déduit qu’il appartenait à la requérante, plutôt que de demander à la chambre de recours d’ignorer les éléments de preuve avancés par les demandeurs en nullité, d’introduire une procédure d’inscription en faux devant les juridictions italiennes tout en sollicitant une suspension de la procédure d’annulation de la marque contestée. L’OHMI estime en outre que les « anomalies » auxquelles se réfère la requérante, soit n’en sont pas, soit ne suffisent pas à démontrer que le contrat de 1986 constitue, en totalité ou en partie, un faux.

14      En application de l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009 « [l]a marque contestée est également déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’[OHMI] ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si son usage peut être interdit en vertu d’un autre droit antérieur selon la législation communautaire ou le droit national qui en régit la protection, et notamment : […] d’un droit d’auteur ».

15      Il convient donc de vérifier si la chambre de recours a violé l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009 en concluant que les demandeurs en nullité avaient apporté la preuve de l’existence d’un droit d’auteur sur la mano portafortuna, antérieur à la marque contestée.

16      Il ressort du libellé de l’article 53, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 que celui-ci, lorsqu’il fait référence à la situation dans laquelle un droit antérieur permet d’interdire l’usage d’une marque communautaire, distingue clairement deux hypothèses, selon que le droit antérieur est protégé par la réglementation communautaire ou par le droit national.

17      S’agissant du régime procédural défini par le règlement d’application dans le cas d’une demande présentée au titre de l’article 53, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009, sur le fondement d’un droit antérieur protégé dans le cadre juridique national, la règle 37 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil sur la marque communautaire (JO L 303, p. 1), tel que modifié, prévoit dans une situation, telle que celle en l’espèce, qu’il incombe au demandeur de fournir des éléments démontrant qu’il est habilité, en vertu de la législation nationale applicable, à faire valoir ce droit.

18      Ainsi que la Cour a eu l’occasion de le rappeler, cette règle fait peser sur le demandeur la charge de présenter à l’OHMI non seulement les éléments démontrant qu’il remplit les conditions requises, conformément à la législation nationale dont il demande l’application, afin de pouvoir faire interdire l’usage d’une marque communautaire en vertu d’un droit antérieur, mais aussi les éléments établissant le contenu de cette législation (arrêt de la Cour du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, non encore publié au Recueil, point 50).

19      Dans le cas où, comme en l’espèce, une demande en nullité d’une marque communautaire est fondée sur un droit antérieur protégé par une règle de droit national, il incombe aux instances compétentes de l’OHMI d’apprécier l’autorité et la portée des éléments présentés par le demandeur afin d’établir le contenu de ladite règle. Le Tribunal exerce un contrôle entier sur cette appréciation (arrêt Edwin/OHMI, point 18 supra, points 51 et 52).

20      En outre, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que, dans les circonstances où l’OHMI peut être appelé à tenir compte, notamment, du droit national de l’État membre dans lequel un droit antérieur sur lequel est fondé la demande en nullité jouit d’une protection, il doit s’informer d’office, par les moyens qui lui paraissent utiles à cet effet, sur le droit national de l’État membre concerné au cas où de telles informations sont nécessaires à l’appréciation des conditions d’application d’une cause de nullité en cause et, notamment, de la matérialité des faits avancés ou de la force probante des pièces présentées. En effet, la limitation de la base factuelle de l’examen opéré par l’OHMI n’exclut pas que celui-ci prenne en considération, outre les faits avancés explicitement par les parties à la procédure en nullité, des faits notoires, c’est-à-dire des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, non encore publié au Recueil, point 67, et la jurisprudence citée].

21      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient, en premier lieu, de déterminer les règles et principes que la chambre de recours devait appliquer aux fins de vérifier si la preuve de l’existence du droit d’auteur alléguée avait été amenée.

22      La requérante se fonde sur la théorie de la balance des probabilités, en soutenant que la thèse qu’elle défend est plus probable que celle avancée par les demandeurs en nullité et que, partant, ceux-ci n’ont pas satisfait à la charge de la preuve qui leur incombait. Au contraire, la chambre de recours, ainsi que l’OHMI dans ses écritures, se réfèrent à l’autorité que le code civil italien attribue au contrat de 1986. Il résulterait de l’application de ces dispositions que le contrat de 1986 fait pleinement foi de la provenance des déclarations de ceux qui les ont souscrites jusqu’à l’introduction d’une procédure d’inscription en faux devant les juridictions italiennes en application de l’article 221 du code de procédure civile italien (point 30 de la décision attaquée). La chambre de recours en a conclu qu’elle était seulement en mesure d’examiner le contenu du contrat de 1986 et qu’il pouvait raisonnablement être déduit de celui-ci l’existence d’un droit d’auteur sur la mano portafortuna antérieur à la marque contestée.

23      En application de la jurisprudence citée aux points 18 à 20 ci-dessus, dans la mesure où la question que devait trancher la chambre de recours concerne le point de savoir si, en application du droit italien, les demandeurs en nullité sont effectivement titulaires d’un droit d’auteur, c’est à juste titre que la chambre de recours s’est fondée sur les règles de droit italien déterminant la force probante du contrat de 1986.

24      Il incombe cependant au Tribunal de vérifier, en second lieu, si la chambre de recours a suivi une correcte interprétation du droit italien pertinent, en concluant que, en application des articles 2702 et 2703 du code civil italien, le contrat de 1986 faisait pleinement foi de la provenance des déclarations de ceux qui les avaient souscrites jusqu’à l’introduction d’une procédure d’inscription en faux.

25      Selon l’article 2702 du code civil italien, l’acte sous seing privé vaut preuve, jusqu’à inscription en faux, de la provenance des déclarations qu’il contient de la personne qui l’a signé, si soit la personne contre laquelle il est invoqué reconnaît sa signature soit ladite signature est considérée comme légalement reconnue.

26      L’article 2703 de ce même code dispose qu’une signature qui a été authentifiée par un notaire ou par un autre officier public autorisé est traitée comme ayant été reconnue. L’authentification est définie comme consistant en la certification par l’officier public que la signature a été écrite en sa présence. Il est également souligné que l’officier public doit au préalable vérifier l’identité du signataire.

27      L’article 2704 du code civil italien précise que la date de l’acte sous seing privé pour lequel la signature n’a pas été authentifiée n’est pas certaine et n’est pas opposable aux tiers, à l’exception du jour qui suit l’enregistrement de l’acte sous seing privé ou la mort ou l’incapacité physique du ou des signataires ou du jour où le contenu de l’acte est reproduit dans des actes publics, ou, enfin, du jour où est vérifié un autre fait qui établit d’une manière également certaine l’antériorité de l’établissement de l’acte.

28      Au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le contrat de 1986 « [était] un acte sous seing privé et [faisait] donc pleinement foi de la provenance des déclarations de ceux qui les [avaient] souscrites jusqu’à inscription de faux conformément à l’article 2702 du code civil ».

29      Toutefois, force est de constater qu’il ressort de la lecture des articles 2702 à 2704 du code civil italien, qu’une telle affirmation ne sera exacte, dans les circonstances de l’espèce, que si la signature des parties au contrat peut être considérée comme légalement reconnue en ce qu’elle aurait été authentifiée en application de l’article 2703 du code civil italien, ou à la condition que l’une des exceptions envisagées par l’article 2704 de ce même code trouve à s’appliquer.

30      Or, il ne saurait valablement être considéré que la circonstance alléguée au point 5 de la décision attaquée, c’est-à-dire la signature devant un notaire le 4 août 2008 d’un « contrat confirmatif de cession » qui confirmerait les dispositions stipulées dans le contrat de 1986 est de nature à authentifier la signature des parties au contrat de 1986 au sens de l’article 2703 du code civil italien. En effet, une telle hypothèse, qui aboutirait à rendre opposable aux tiers un contrat signé en 1986, par l’intervention d’un notaire près de 22 ans après cette date, apparaît en directe contradiction avec les termes mêmes dudit article 2703 selon lequel l’authentification consiste en la certification par l’officier public que la signature a été écrite en sa présence.

31      En outre, en ce qui concerne l’application de l’article 2704 du code civil italien, il y a lieu de souligner que celui-ci permet de rendre opposable aux tiers un acte sous seing privé dont la signature n’a pas été authentifiée, à compter du jour suivant son enregistrement ou la survenance d’un fait qui établit d’une manière également certaine l’antériorité de l’établissement de l’acte.

32      En application de la jurisprudence de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation italienne), l’apposition sur un acte sous seing privé d’un cachet postal constitue un fait établissant la date certaine de cet acte au sens de l’article 2704 du code civil, dès lors que le cachet postal figure sur le corps du document lui-même (arrêt du 14 juin 2007, n° 13912). Il ressort également de cette jurisprudence que la preuve contraire de la véracité de la date d’un cachet postal peut être offerte sans qu’il soit besoin d’entamer la procédure d’inscription en faux.

33      En l’espèce, il convient de souligner que, si aucune référence n’est effectuée dans la décision attaquée à l’article 2704 du code civil italien, il y est mentionné la présence d’un cachet postal en date du 21 septembre 1986. Il ressort de l’examen du dossier de procédure devant l’OHMI que ledit cachet postal apparaît sur la première page du contrat, ainsi que sur l’annexe où figure le dessin de la mano portafortuna. Partant, il peut en être déduit que l’apposition dudit cachet postal répond aux conditions énoncées par la jurisprudence de la Cour de cassation italienne.

34      Ainsi, la présence de ce cachet postal est un élément permettant d’établir que le contrat de 1986 a date certaine à compter du 21 septembre 1986 et que, partant, en application de la lecture combinée des articles 2702 à 2704 du code civil, il fait foi de la provenance des déclarations qu’il contient, y compris à l’égard des tiers, depuis le 22 septembre 1986.

35      Toutefois, en application de la jurisprudence citée au point 32 ci-dessus, il était loisible à la requérante d’apporter la preuve que le contrat de 1986 avait été, en réalité, rédigé à une autre date que celle figurant sur le cachet postal, sans qu’il soit nécessaire qu’elle introduise une procédure d’inscription en faux.

36      Ainsi, la chambre de recours, en concluant au point 30 de la décision attaquée que le contrat de 1986 « [était] un acte sous seing privé et [faisait] donc pleinement foi de la provenance des déclarations de ceux qui les [avaient] souscrites jusqu’à inscription en faux conformément à l’article 2702 du code civil », alors que le déclenchement d’une telle procédure n’était pas nécessaire dans les circonstances de l’espèce, a suivi une interprétation erronée du droit national applicable en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009 et, partant, a mal apprécié l’étendue exacte de ses compétences.

37      En outre, il y a lieu de constater que la requérante a mis en exergue au cours de la procédure devant la chambre de recours certains éléments, qu’elle qualifie d’ « anomalies », et qui seraient de nature à démontrer le caractère improbable de la rédaction du contrat de 1986 à la date alléguée. Ces éléments sont notamment constitués par les circonstances que la date du cachet de la poste (le 21 septembre 1986) correspond à un jour de fermeture des bureaux de poste et que la durée de protection des droits d’auteur de 70 ans, inscrite dans le contrat correspond à celle applicable postérieurement à 1996, alors qu’elle n’était que de 50 ans à la date de rédaction alléguée du contrat de 1986.

38      Aux points 26 et 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a expliqué ces anomalies par d’éventuelles erreurs du préposé ayant apposé le cachet postal et du juriste ayant rédigé le contrat de 1986.

39      Sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien-fondé de ces appréciations de la chambre de recours, il suffit de souligner qu’elles ont pu être affectées par l’interprétation erronée du droit italien, soulignée au point 36 ci-dessus. Il peut, en effet, être considéré que la chambre de recours aurait accordé d’avantage d’importance à ces éléments dans l’éventualité où elle aurait estimé qu’il était loisible à la requérante de contester devant elle le caractère certain de la date figurant sur le cachet postal et que, dès lors, le contrat de 1986 ne faisait pas forcément foi de la provenance des déclarations qu’il contient.

40      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la chambre de recours a estimé que les demandeurs en nullité avaient démontré l’existence d’un droit antérieur sur la base d’une interprétation erronée du droit national régissant sa protection et que cette erreur a pu avoir une incidence sur le contenu de la décision attaquée.

41      Par conséquent, il convient d’accueillir le moyen tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 2, sous c), du règlement n° 207/2009 et d’annuler la décision attaquée, sans qu’il y ait lieu d’examiner le deuxième moyen.

 Sur les dépens

42      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

43      En l’espèce, l’OHMI ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens exposés par la requérante dans la procédure devant le Tribunal, conformément aux conclusions de cette dernière.

44      En outre, la requérante conclut à la condamnation de l’OHMI aux dépens qu’elle a exposés aux fins de la procédure devant la chambre de recours. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Partant, l’OHMI ayant succombé en ses conclusions, il y a également lieu de le condamner aux dépens exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 9 juin 2010 (affaire R 1028/2009-1) est annulée.

2)      L’OHMI est condamné aux dépens, y compris ceux exposés par la National Lottery Commission dans la procédure devant la chambre de recours.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Prek

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.