Language of document : ECLI:EU:T:2023:426

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale VEGE STORY – Marque de l’Union européenne verbale antérieure végé’ – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑434/22,

Topas GmbH, établie à Mössingen (Allemagne), représentée par Mes S. Hofmann et W. Göpfert, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. T. Frydendahl, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Tarczyński S.A., établie à Trzebnica (Pologne), représentée par Me E. Gryc-Zerych, avocate,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, V. Valančius et Mme M. Brkan, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Topas GmbH, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 mai 2022 (affaire R 1977/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 23 mars 2020, l’intervenante, Tarczyński S.A., a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal VEGE STORY.

3        La marque demandée désignait les produits relevant des classes 29 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Kabanos végétariens ; charcuteries végétariennes ; succédanés de viande ; protéines végétales formées texturées utilisées comme substitut de viande ; saucisses végétariennes ; terrine de légumes ; plats préparés principalement composés de substituts de viande ; succédanés de la volaille ; en-cas à base de fruits à coque ; en-cas à base de soja ; en-cas à base de tofu ; en-cas à base de légumes ; plats principaux à base de légumes ; mousses de légumes ; salades de légumes ; hoummos [pâte de pois chiches] ; tofu ; steaks de soja pour hamburgers ; steaks végétaux ; produits végétaux préparés ; steaks de soja pour hamburgers ; steaks de tofu ; plats préparés surgelés principalement à base de légumes ; succédanés de la viande à base de légumes ; légumes surgelés ; conserves de légumes coupés ; concentrés de soupe ; cubes de bouillon ; mélanges pour faire des soupes ; pâtes pour potages ; bouillons ; bouillon de légumes ; consommés ; matières grasses pour la fabrication de graisses comestibles ; graisses comestibles ; huile de mélange pour l’alimentation ; huiles à usage alimentaire ; en-cas à base de lait ; en-cas à base de fromage ; salades de légumineuses ; légumineuses transformées ; légumineuses en conserve ; légumes secs ; légumes secs en boîte ; pâtes à tartiner à base de légumineuses ; huiles végétales à usage alimentaire ; graisses végétales à usage alimentaire ; légumes salés ; légumes coupés ; fruits, champignons et légumes préparés incluant noix et légumineuses ; légumes transformés ; pâtes de légumes ; plats préparés à base de légumes ; plats préparés essentiellement à base de légumes » ;

–        classe 30 : « Baguettes fourrées ; pain fourré ; sandwiches ; céréales en forme de chips, wrap [sandwich roulé] ; pâtés en croûte ; tourtes aux légumes ; crêpes [alimentation] ; biscuits salés [crackers] aux arômes de légumes ; poudings ; ravioli ; pizzas ; calzones ; lasagnes ; pâtes alimentaires farcies ; pâtes alimentaires farcies ; pâte levée fourrée d’une farce à base de légumes ; pâtisserie surgelée farcie de légumes ; bretzels mous ; plats cuisinés déshydratés ou liquides, essentiellement à base de riz ; muesli ; additifs de gluten à usage culinaire ; marinades ; sauces [condiments] ; pesto [sauce] ; préparations pour faire des sauces ; en-cas à base de céréales ; pâtisseries salées ; tourtes sans viande ; épaississants végétaux ; chair de légumes [sauces – aliments] ; produits de boulangerie aux légumes ».

4        Le 28 mai 2020, la requérante a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure végé’ enregistrée le 31 août 2020, désignant les produits relevant des classes 29 et 30 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 29 : « Produits alternatifs végétariens et vegan remplaçant la viande, les produits à base de viande, les saucisses, la charcuterie et les plats préparés essentiellement à base de viande ou de saucisses ; succédanés de viande, à savoir saucisses végétariennes, produits végétariens ou vegan imitant la viande, notamment les saucisses et la charcuterie, produits imitant les saucisses et la viande, y compris rôtis ; succédanés végétaux de viande, poisson, gibier et volaille ainsi que produits à base de ces produits sous forme fraîche, surgelée, fumée et partiellement préparée, en particulier succédanés de viande à base de protéines de plantes ; lupins et protéines de lupin ; seitan [succédané de viande] ; préparations à base de protéines de soja et de blé (gluten) comme alternatives à la viande ; produits laitiers et leurs succédanés, notamment produits alternatifs remplaçant le fromage et succédanés de fromage non à base de produits laitiers, fromages vegan, préparations fromagères vegan et additifs pour fromages vegan ; plats préparés et semi-préparés principalement composés de succédanés de viande » ;

–        classe 30 : « Préparations alimentaires à base de protéines de plantes, notamment à base de céréales, et à base de légumineuses ou de fruits à coques ; céréales transformées et amidons pour aliments, et produits à base de ces matières ; protéines végétales transformées en aliments, notamment à base de céréales et à base de légumineuses ou de fruits à coque ; seitan et produits à base de seitan ; repas prêts-à-manger végétaux et en-cas salés, notamment à base de protéines végétales ; en-cas à base de farine de céréales ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 29 septembre 2021, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition dans la mesure où elle a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour une partie des produits en cause.

8        Le 26 novembre 2021, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté l’opposition dans son intégralité. Premièrement, elle a considéré que les produits en cause étaient identiques pour la majorité des produits visés et, pour certains produits, similaires à un degré moyen ou faible. Deuxièmement, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré que celui-ci était composé de professionnels et du grand public de l’Union européenne, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Troisièmement, elle a estimé que les marques en conflit présentaient un degré de similitude faible sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. Quatrièmement, elle a considéré que la marque antérieure présentait un caractère distinctif très faible pour les aliments, en particulier pour les aliments végétariens. La chambre de recours a conclu que, compte tenu notamment des différences dues au mot « story », il n’existait pas de risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle a donc annulé la décision attaquée devant elle, rejetant ainsi l’opposition dans son intégralité.

 Conclusions des parties 

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’intervenante aux dépens de la procédure de recours et d’opposition.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

12      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

 En droit 

 Sur la recevabilité de documents produits pour la première fois dans le cadre de la présente procédure

13      L’EUIPO fait valoir que les annexes K11 et K12 jointes à la requête n’ont pas été produites durant la procédure devant l’EUIPO. Ces documents, produits pour la première fois devant le Tribunal, seraient, dès lors, irrecevables.

14      En l’espèce, il ressort de l’examen du dossier que les documents produits en annexe K11 et K12 de la requête, qui sont des extraits de Wikipédia mentionnant le terme « story » en différentes langues, ne faisaient pas partie du dossier administratif présenté par la requérante devant la chambre de recours de l’EUIPO.

15      Or, un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée].

16      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

17      Par conséquent, les documents produits aux annexes K11 et K12 à la requête doivent être écartés comme étant irrecevables.

 Sur le fond

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En particulier, elle soutient que les termes « végé » et « vege » revêtent un caractère distinctif moyen et non faible, que le terme « story » présente un caractère distinctif très faible et est secondaire dans la marque contestée. Au vu des similitudes des produits et des marques en cause, il existerait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

19      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

20      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

21      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

22      Lorsque la protection de la marque antérieure s’étend à l’ensemble de l’Union, il y a lieu de prendre en compte la perception des marques en conflit par le consommateur des produits et des services en cause sur ce territoire. Toutefois, il convient de rappeler que, pour refuser l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, il suffit qu’un motif relatif de refus au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 existe dans une partie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 76 et jurisprudence citée].

23      En l’espèce, la requérante ne conteste pas les conclusions de la chambre de recours selon lesquelles, d’une part, le public pertinent est composé de professionnels et du grand public de l’Union, dont le niveau d’attention est moyen et, d’autre part, les produits en cause sont identiques ou similaires, au moins à un faible degré.

24      En revanche, la requérante conteste les conclusions de la chambre de recours relatives, d’une part, à la comparaison des signes en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel et, d’autre part, à l’appréciation globale du risque de confusion.

 Sur la comparaison des signes 

25      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

–       Sur le degré de caractère distinctif des éléments des marques en cause

26      D’une part, la chambre de recours a considéré que les termes « végé’» et « vege » ne jouissaient que d’un caractère distinctif intrinsèque très limité pour les produits en cause, en particulier pour les aliments végétariens. En effet, il ressort de la décision attaquée qu’il est notoire que les producteurs d’aliments végétariens utilisent des abréviations de ces mots et que les consommateurs se sont habitués à des abréviations comme « V », « Veg. » ou « Veggie », l’apostrophe dans la marque antérieure renforçant cette perception d’abréviation. Ces termes seront donc perçus comme une abréviation de « végétarien » dans la plupart des langues européennes. D’autre part, la chambre de recours a constaté que le terme « story » utilisé dans la marque contestée possédait un degré moyen de caractère distinctif intrinsèque pour les produits alimentaires et qu’il était donc l’élément le plus distinctif de la marque contestée.

27      Premièrement, la requérante conteste l’appréciation, effectuée par la chambre de recours, du caractère distinctif prétendument limité du terme « végé » suivi d’une apostrophe et du terme « vege ». Selon elle, il est peu probable que ces termes soient compris comme une abréviation du terme « végétarien » dans les différentes langues de l’Union. Il s’agirait au contraire de termes fantaisistes, en particulier pour les consommateurs germanophones, et qui ne figurent pas dans les dictionnaires. Leur caractère distinctif serait donc moyen et non faible.

28      Deuxièmement, elle soutient que le mot « story » fait partie du vocabulaire anglais élémentaire, connu du public de l’Union, et doit donc être considéré comme un élément présentant un caractère distinctif faible.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

30      Selon la jurisprudence, pour déterminer le caractère distinctif d’un élément composant une marque, il y a lieu d’apprécier l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits ou les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 77].

31      Premièrement, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que l’élément « végé » dans la marque antérieure et l’élément « vege » dans la marque contestée seraient perçus par le public pertinent comme une abréviation du terme « végétarien ».

32      En effet, comme l’indique l’EUIPO, et ainsi que cela résulte des nombreux exemples d’emballages de produits présentés par l’intervenante dans le cadre de la procédure administrative qui utilisent les termes « veg », « veggie » et « vege », ces abréviations sont utilisées dans le contexte d’aliments végétariens et sont révélatrices de pratiques commerciales notoires dans ce domaine, mentionnées dans la décision attaquée. L’apostrophe ajoutée après le terme « végé » dans la marque antérieure confirme qu’il s’agit d’une abréviation. En outre, comme l’a indiqué la chambre de recours, des termes équivalents au terme « végétarien » et ayant la même signification existent dans de nombreuses langues de l’Union. Enfin, la présence des accents aigus dans la marque antérieure n’en fait pas, comme la requérante le soutient, un terme totalement fantaisiste et n’empêchera pas le public pertinent de percevoir la signification de ces quatre lettres et leur association avec la nature végétarienne des produits en cause.

33      Dès lors, le constat de la chambre de recours selon lequel les éléments « végé » et « vege » des marques en cause revêtent un caractère distinctif faible pour les produits en cause doit être approuvé.

34      Les autres arguments de la requérante n’infirment pas ce constat.

35      En effet, elle soutient que le terme « végé » n’est pas cité dans les dictionnaires et qu’il doit en être déduit qu’il revêt un caractère distinctif moyen et non faible. Toutefois, il suffit de constater que le fait que l’élément verbal de la marque antérieure n’est pas cité dans les dictionnaires ne permet pas en tant que tel d’en tirer quelque conclusion que ce soit concernant le degré de caractère distinctif au regard des produits en cause en l’espèce.

36      L’argument de la requérante tiré d’autres décisions de l’EUIPO de 2003, dont il ressort que les marques VÉGÉ et VéGé auraient un caractère distinctif moyen, doit également être écarté. En effet, comme le soulignent l’EUIPO et l’intervenante, les marchés des produits en cause ont évolué et ont connu une forte expansion d’options végétariennes, ce qui résulte d’ailleurs de décisions plus récentes de l’EUIPO (voir, en ce sens, décision du 12 septembre 2017, R 2364/2016-4, VEGEA/Vegeta, points 25 et 26).

37      De même, l’argument selon lequel les éléments « végé » et « vege » ne seraient pas des abréviations courantes de « vegetarisch » pour les consommateurs germanophones, à le supposer exact, n’infirme pas le constat de la chambre de recours concernant le caractère distinctif faible de ces éléments des marques en cause pour le public pertinent, indépendamment du fait de savoir s’il s’agit en tant que tels d’abréviations.

38      Il s’ensuit que c’est à juste titre que les éléments « végé » et « vege » des marques en cause ont été considérés, par la chambre de recours, comme revêtant un caractère distinctif faible pour les produits en cause.

39      Deuxièmement, la requérante soutient que l’élément « story » fait partie du vocabulaire anglais élémentaire et sera compris par une partie importante du public pertinent. Il aurait donc un caractère distinctif très faible et non moyen comme l’a constaté la chambre de recours.

40      À cet égard, il y a lieu de rappeler que la connaissance d’une langue étrangère ne peut pas, en général, être présumée [arrêts du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, EU:T:2010:399, point 83, et du 14 juillet 2021, Cole Haan/EUIPO – Samsøe & Samsøe Holding (Ø), T‑399/20, EU:T:2021:442, point 39]. Dès lors, en dépit de l’utilisation courante du terme « story » dans les réseaux sociaux ainsi que dans les domaines littéraires et autres, il ne saurait être exclu qu’une partie non anglophone du public pertinent ne comprendra pas ce mot. Par ailleurs, à l’égard de la partie du public pertinent qui comprendra ce mot comme signifiant « histoire, récit » en anglais, il y a lieu de relever, à l’instar de l’EUIPO, que les produits alimentaires en cause ne fonctionnent pas comme un support pour reproduire un message ou véhiculer une histoire. Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au regard des produits en cause, l’existence d’un caractère distinctif moyen de l’élément « story » dans la marque contestée, qui en constitue donc l’élément le plus distinctif.

41      L’argument de la requérante, qui soutient que l’élément « story » serait purement descriptif et qui renvoie à des décisions de l’EUIPO de 2008 et 2012, doit être écarté, dès lors que, comme l’ont souligné l’EUIPO et l’intervenante, lesdites décisions concernaient d’autres produits, à savoir des supports de médias ou des livres audio.

42      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que l’élément « story » présentait un caractère distinctif moyen et qu’il était l’élément le plus distinctif de la marque contestée, nonobstant le fait qu’il ne figure pas au début de ladite marque.

–       Sur la comparaison des marques en conflit sur les plans visuel, phonétique et conceptuel

43      La chambre de recours a estimé que les marques en cause présentaient un faible degré de similitude visuelle sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, en raison notamment de la présence de l’élément « story » dans la marque contestée et du fait que leur degré de similitude globale étaient donc faible.

44      La requérante soutient que les marques en cause sont visuellement et phonétiquement similaires à un degré moyen. Elle ajoute que les éléments « végé » et « vege » produisent une impression visuelle très similaire et une impression phonétique identique. Les marques en cause seraient également similaires sur le plan conceptuel, dès lors qu’elles ne diffèrent que par l’élément « story », qui serait perçu comme un simple complément de l’élément « vege ».

45      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

46      Il convient de relever que, comme l’a souligné la chambre de recours, les marques en conflit coïncident en ce qui concerne le groupe de lettres « vege », quoique ce terme contienne deux accents et une apostrophe dans la marque antérieure. Toutefois, les marques en cause se différencient par la présence, dans la marque contestée, du mot « story ». Il s’ensuit que les deux marques n’ont ni la même structure ni la même longueur sur le plan visuel. Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les marques ne présentaient qu’un faible degré de similitude visuelle, en dépit du fait que l’élément « vege » soit positionné au début de la marque contestée, le mot « story » étant l’élément le plus distinctif de ladite marque.

47      De même, sur le plan phonétique, si les éléments « vege » et « végé » sont prononcés d’une façon globalement similaire dans toutes les langues pertinentes, le terme « story » n’a pas d’équivalent dans la marque antérieure, ce qui produit une longueur et un rythme différents et justifie de considérer, à l’instar de la chambre de recours, que les marques en cause ne sont que faiblement similaires sur le plan phonétique.

48      Sur le plan conceptuel, si les marques en cause ont toutes deux l’élément « vege » en commun, qui sera associé à un aliment végétarien, elles ne sont similaires qu’à un faible degré sur le plan conceptuel en raison du faible caractère distinctif des éléments « végé » et « vege » ainsi que de la présence de l’élément distinctif « story » dans la marque contestée. En effet, d’une part, pour la partie du public pertinent qui ne comprendra pas ce mot, il apparaîtra comme étant un terme inventé dépourvu de toute signification et sera, par conséquent, distinctif. D’autre part, pour la partie anglophone du public qui comprendra ce mot, il s’agira d’un substantif qualifiant le terme « vege » (histoire végétarienne), ce qui ajoute un sens particulier à la marque contestée, qui diffère ainsi de la signification de la marque antérieure végé’.

49      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours, prenant en compte notamment le caractère distinctif faible des éléments presque identiques « végé » et « vege », a conclu que les marques en conflit n’étaient similaires qu’à un faible degré sur le plan conceptuel.

50      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure, à l’instar de la chambre de recours, que les marques en conflit présentent une similitude globale faible.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

51      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, VENADO avec cadre e.a., T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74).

52      Le degré du caractère distinctif de la marque antérieure, qui détermine l’étendue de la protection conférée par celle-ci, figure parmi les facteurs pertinents du cas d’espèce. Lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est important, une telle circonstance est de nature à augmenter le risque de confusion. Cela étant, l’existence d’un risque de confusion n’est pas exclue lorsque le caractère distinctif de la marque antérieure est faible [arrêts du 5 mars 2020, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO, C‑766/18 P, EU:C:2020:170, point 70, et du 1er février 2023, Foundation for the Protection of the Traditional Cheese of Cyprus named Halloumi/EUIPO – Papouis Dairies (Papouis Halloumi), T‑565/21, non publié, EU:T:2023:28, point 60].

53      En outre, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celles-ci sur le marché, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre [arrêt du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI, C‑108/07 P, non publié, EU:C:2008:234, point 32 ; voir, également arrêt du 12 mai 2021, Metamorfoza/EUIPO – Tiesios kreivės (MUSEUM OF ILLUSIONS), T‑70/20, non publié, EU:T:2021:253, point 92 et jurisprudence citée].

54      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, en substance, que, au vu de l’ensemble des facteurs pertinents, il n’existait pas de risque de confusion, même pour des produits identiques, en raison notamment de la présence de l’élément distinctif « story » dans la marque contestée.

55      La requérante soutient que, dès lors que les produits sont identiques ou similaires, la marque contestée devrait se différencier amplement de la marque antérieure. En outre, la constatation d’un caractère distinctif moindre de la marque antérieure n’exclurait pas le risque de confusion, notamment en raison d’un degré élevé de similitude entre les signes et les produits concernés. Elle en conclut que l’impression d’ensemble produite est similaire et que, même si l’élément commun doit être considéré comme ayant un faible caractère distinctif, l’élément additionnel « story » faiblement distinctif n’est pas suffisant pour produire une différence telle qu’elle exclue le risque de confusion.

56      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

57      Il y a lieu de relever que, ainsi que cela a été établi précédemment (voir points 38 et 42 ci-dessus), le caractère distinctif des termes « végé » et « vege », présents dans les marques en cause, est faible. Contrairement à ce que la requérante soutient, le terme « story » possède, quant à lui, un caractère distinctif moyen et constitue l’élément le plus distinctif de la marque contestée. En outre, les marques en conflit présentent une similitude globale faible (voir point 50 ci-dessus), qui découle des éléments « végé » et « vege », eux-mêmes faiblement distinctifs et qui n’attireront donc que faiblement l’attention du public pertinent.

58      S’agissant du caractère distinctif de la marque antérieure, la requérante soutient qu’il ne saurait être qualifié de très faible, notamment au regard de la partie germanophone du public pertinent, au motif que « végé » ne serait pas une abréviation courante et habituelle des termes allemands « Gemüse ; vegetarisch ».

59      En l’espèce, il y a lieu de constater que la requérante ne conteste pas la faiblesse du caractère distinctif de la marque antérieure mais uniquement son degré de faiblesse. En outre, son argument selon lequel la marque antérieure ne serait pas une abréviation courante et habituelle des termes allemands « Gemüse ; vegetarisch » (légume ; végétarien) doit être rejeté. En effet, le raisonnement de la chambre de recours est fondé sur le fait que le public pertinent, y compris germanophone, percevra le terme « végé » comme une allusion à la caractéristique végétarienne des produits en cause, les informant ce faisant que lesdits produits ne contiennent ni viande ni poisson. L’existence d’une apostrophe qui suit le terme « végé » ne modifie pas ce constat.

60      L’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure revêt un caractère distinctif très faible compte tenu des produits concernés doit donc être approuvée.

61      Enfin, même si, comme l’indique la requérante, ce constat n’exclut pas en soi le risque de confusion, il reste que, en application de la jurisprudence citée au point 53 ci-dessus, la protection de la marque antérieure est, partant, moins étendue.

62      Dès lors, en dépit du fait que les produits en cause sont identiques ou similaires, au moins à un faible degré (point 23 ci-dessus), c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré que les différences dues au mot « story » l’emportaient sur les similitudes causées par l’élément faiblement distinctif « végé » et l’élément « vege » et que, au vu de l’ensemble des facteurs et au terme d’une appréciation globale, il n’existait pas de risque de confusion.

63      Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient d’écarter le moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, et, en conséquence, de rejeter le recours.

 Sur les dépens

64      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

65      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une telle audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Topas GmbH supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Tarczyński S.A.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Spielmann

Valančius

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.