Language of document : ECLI:EU:T:2023:649

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

18 octobre 2023 (*)

« Environnement – Produits génétiquement modifiés – Soja génétiquement modifié contenant, consistant en ou produit à partir de MON 87751 × MON 87701 × MON 87708 × MON 89788 et ses sous-combinaisons – Rejet d’une demande de réexamen interne d’une décision d’autorisation de mise sur le marché – Erreur manifeste d’appréciation – Article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 – Articles 4 à 6 et 16 à 18 du règlement (CE) no 1829/2003 – Article 5 du règlement d’exécution (UE) no 503/2013 »

Dans l’affaire T‑606/21,

TestBioTech eV, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mme K. Smith, barrister,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes I. Galindo Martín et F. Castilla Contreras, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović (rapporteure) et M. W. Valasidis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, TestBioTech eV, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 8 juillet 2021 (ci-après la « décision attaquée ») rejetant les motifs exposés dans sa demande de réexamen interne introduite au titre de l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), à l’encontre de la décision d’exécution (UE) 2021/66 de la Commission, du 22 janvier 2021, autorisant la mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié MON 87751 × MON 87701 × MON 87708 × MON 89788, consistant en ce soja ou produits à partir de celui‑ci, en application du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (JO 2021, L 26, p. 44, ci-après la « décision d’autorisation »).

 Antécédents du litige

2        Le 17 décembre 2015, Monsanto Europe SA/NV, agissant au nom de Monsanto Company, États-Unis (ci-après « Monsanto »), a soumis à l’autorité compétente des Pays-Bas, conformément aux articles 5 et 17 du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (JO 2003, L 268, p. 1), une demande de mise sur le marché de produits contenant du soja génétiquement modifié MON 87751 × MON 87701 × MON 87708 × MON 89788, consistant en ce soja ou produits à partir de celui‑ci (ci-après le « soja modifié »), destinés à l’importation, à la transformation et à toutes les utilisations comme tout autre soja, à l’exclusion de la culture, dans l’Union européenne.

3        Le soja modifié est un organisme génétiquement modifié au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 1829/2003, lu conjointement avec l’article 2, sous 2), de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (JO 2001, L 106, p. 1). C’est un produit obtenu par croisement classique  qui combine le matériel génétique de certaines plantes génétiquement modifiées contenant des événements de transformation simples et qui expriment les protéines suivantes :

–        MON 89788 qui exprime la protéine 5-enolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase (CP4 EPSPS) ; une plante qui exprime la protéine CP4 EPSPS a une faible affinité pour le glyphosate, de sorte que la croissance d’une telle plante est préservée, lorsqu’elle est traitée avec des herbicides à base de glyphosate ; les plantes qui sont dépourvues du CP4 EPSPS (par exemple, les mauvaises herbes trouvées dans l’agriculture) meurent quand elles sont exposées à de tels herbicides ;

–        MON 87708 qui exprime la protéine DMO pour la tolérance aux herbicides contenant du dicamba ; le dicamba est la substance active de certains herbicides à usage agricole ; cet herbicide tue les plantes en se comportant comme les hormones végétales naturelles appelées auxines qui régulent de nombreux processus dans les plantes, dont la croissance cellulaire et la synthèse des protéines ; elle peut provoquer une croissance cellulaire rapide et limiter la transpiration et la photosynthèse de la plante ; cela entraîne une croissance irrégulière de la plante, la chute des feuilles et l’inanition ; les plantes exprimant la protéine DMO sont capables de dégrader le dicamba et y sont donc tolérantes ;

–        MON 87751 qui exprime les protéines Cry1A.105 et Cry2Ab2 ; les protéines dénommées « Cry » sont des toxines sécrétées par la bactérie Bacillus thuringiensis, qui est une bactérie vivant dans le sol ; communément appelées « toxines Bt », les toxines Cry confèrent une protection contre certains insectes nuisibles de l’ordre des lépidoptères ;

–        MON 87701 qui exprime la protéine insecticide Cry1Ac.

4        Ainsi, le soja modifié combine le caractère insecticide de MON 87751 et de MON 87701, ainsi que le caractère de tolérance aux herbicides de MON 89788 et de MON 87708. Étant donné qu’il combine les transgènes de parents qui sont des événements de transformation simples, le soja modifié est ce qui est convenu d’appeler un « événement empilé ».

5        Le 25 septembre 2019, le groupe scientifique sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) (ci‑après le « groupe scientifique OGM ») a rendu un avis sur la demande d’autorisation (ci-après l’« avis de l’EFSA du 25 septembre 2019 »), dont la conclusion était que, en ce qui concerne ses effets potentiels sur la santé humaine et animale et sur l’environnement, le soja modifié était aussi sûr que son homologue non génétiquement modifié et que les variétés commerciales de référence non génétiquement modifiées testées et qu’il leur était équivalent sur le plan nutritionnel.

6        Le 22 janvier 2021, ainsi qu’il ressort de l’article 2 de la décision d’autorisation, la Commission a autorisé, sous certaines conditions, aux fins de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1829/2003 :

a)      les denrées alimentaires et les ingrédients alimentaires contenant le soja modifié, consistant en ce soja ou produits à partir de celui-ci ;

b)      les aliments pour animaux contenant le soja modifié, consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci ;

c)      les produits contenant le soja génétiquement modifié ou consistant en ce soja, pour toute utilisation autre que celles prévues [sous] a) et b) [mentionnés ci-dessus], à l’exception de la culture.

7        Par une lettre du 27 août 2018, Monsanto Europe a informé la Commission qu’elle avait modifié sa forme juridique et changé sa dénomination sociale en Bayer Agriculture BVBA, Belgique. Par une lettre du 28 juillet 2020, elle a informé la Commission que, à partir du 1er août 2020, elle modifierait sa forme juridique et changerait sa dénomination sociale en Bayer Agriculture BV, Belgique. Par une lettre du 28 juillet 2020, elle a informé la Commission que, à partir du 1er août 2020, Monsanto modifierait, elle aussi, sa forme juridique et changerait sa dénomination sociale en Bayer CropScience LP, États-Unis.

8        Le 8 mars 2021, la requérante, qui est une association à but non lucratif visant à promouvoir la recherche dans le domaine de la biotechnologie, a introduit une demande de réexamen interne de la décision d’autorisation au titre de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 (ci-après la « demande de réexamen interne »). La Commission a demandé à l’EFSA d’apporter une assistance technique, en procédant à une analyse approfondie des aspects scientifiques de ladite demande.

9        Le 3 mai 2021, l’EFSA a publié un rapport technique sur les motifs scientifiques détaillés fournis par la requérante dans la demande de réexamen interne (ci-après le « rapport technique »). Dans ce rapport, qui s’intitule « Scientific assistance on the internal review under Regulation (EC) No 1367/2006 of the Commission Implementing Decisions on genetically modified soybean MON 87751 x MON 87701 x MON 87708 x MON 89788, maize MON 87427 x MON 87460 x MON 89034 x MIR162 x NK603 and subcombinations and maize MON 87427 x MON 89034 x MIR162 x MON 87411 and subcombinations », l’EFSA a conclu que ladite demande ne justifiait pas une réévaluation de l’avis de l’EFSA du 25 septembre 2019 et de ses recommandations en matière de gestion des risques concernant le soja modifié.

10      Le 8 juillet 2021, la Commission a répondu à la demande de réexamen interne par la décision attaquée. Dans cette décision, à laquelle était jointe, en tant qu’annexe I, une appréciation détaillée des motifs de réexamen invoqués, réalisée par la Commission (ci‑après l’« appréciation détaillée »), celle-ci a, en substance, considéré que les motifs invoqués par la requérante dans sa demande de réexamen interne, y compris le dossier technique détaillé fourni, ne justifiaient pas un réexamen des conclusions et des recommandations en matière de gestion des risques formulées par le groupe scientifique OGM sur le soja modifié.

 Conclusions

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui du présent recours, la requérante soulève un moyen unique. Avant d’y répondre, il y a lieu d’exposer certains éléments du cadre juridique pertinent.

 Observations préliminaires

14      Il ressort de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, dans la version en vigueur à la date de l’introduction de la demande de réexamen interne, soit le 8 mars 2021, que toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 de ce règlement est habilitée à introduire une demande de réexamen interne d’actes administratifs de portée individuelle, ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur, cette demande devant préciser les motifs de réexamen.

15      Afin de préciser les motifs de réexamen de la façon requise, un demandeur de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer les éléments de fait ou les arguments de droit substantiels susceptibles de fonder des doutes plausibles, à savoir substantiels ou sérieux, quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé dans la demande de réexamen (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 69 ; du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, points 67, 83 et 88, et du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, point 57).

16      Lorsque la Commission conclut que les éléments de preuve apportés par un demandeur de réexamen interne sont substantiels et susceptibles de susciter des doutes sérieux quant à la légalité externe ou interne de l’octroi de l’autorisation, elle est tenue d’examiner d’office toutes les informations pertinentes (arrêts du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 85, et du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, point 216). Au terme de son réexamen, la Commission peut retirer ou modifier la décision d’autorisation, en faisant ainsi droit entièrement ou partiellement à la demande de réexamen, ou laisser inchangée l’autorisation, en rejetant ladite demande.

17      Si la demande de réexamen interne est rejetée, comme en l’espèce, la partie qui a introduit cette demande peut, en vertu de l’article 12 du règlement no 1367/2006, lu conjointement avec l’article 10 dudit règlement, former un recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou détournement de pouvoir contre la décision rejetant comme non fondée ladite demande devant les juridictions de l’Union, conformément à l’article 263 TFUE (arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 38).

18      L’étendue du contrôle juridictionnel effectué par le juge de l’Union lors de son examen d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 12 du règlement no 1367/2006 à l’encontre d’une décision de la Commission sur une demande de réexamen interne adoptée en application de l’article 10 de ce même règlement ne diffère pas de l’étendue du contrôle juridictionnel que le Tribunal exerce sur le bien‑fondé des motifs des décisions attaquées directement sur le fondement de l’article 263, paragraphes 2 et 4, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 81).

19      À ce titre, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une institution de l’Union est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 77 et jurisprudence citée).

20      Afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision. Le moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste doit, dès lors, être rejeté si, en dépit des éléments avancés par le requérant, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable. Il en est particulièrement ainsi lorsque la décision en cause est entachée d’erreurs qui, fussent-elles prises dans leur ensemble, ne présentent qu’un caractère mineur insusceptible d’avoir déterminé l’administration (voir arrêt du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, point 246 et jurisprudence citée).

21      Par ailleurs, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 79 et jurisprudence citée).

22      Enfin, il convient de rappeler que, lorsque les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent, notamment, l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et le droit de l’administré de faire connaître son point de vue ainsi que de voir motiver la décision de façon suffisante (voir arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 80 et jurisprudence citée).

 Sur le moyen unique 

23      Dans la requête, la requérante invoque l’existence d’« erreurs manifestes d’appréciation » ressortant du fait d’avoir « confirmé » la décision d’autorisation sans avoir veillé à ce que Monsanto fournît, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de ladite décision, les données appropriées visées à l’article 5, paragraphe 3, sous f), à l’article 6, paragraphe 3, sous a), à l’article 17, paragraphe 3, sous f), à l’article 18, paragraphe 3, sous a), du règlement no 1829/2003 et à l’article 5 du règlement d’exécution (UE) no 503/2013 de la Commission, du 3 avril 2013, relatif aux demandes d’autorisation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés introduites en application du règlement no 1829/2003 et modifiant les règlements de la Commission (CE) no 641/2004 et (CE) no 1981/2006 (JO 2013, L 157, p. 1). De plus, la Commission n’aurait pas veillé à ce que l’EFSA effectuât une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible », en se focalisant notamment sur la question de savoir si l’empilement de gènes que présente le soja modifié a des effets potentiels sur l’expression génétique de cette plante lorsqu’il est exposé aux herbicides. De même, la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte du potentiel de toxicité et d’allergénicité du soja modifié en raison des synergies entre les protéines dont l’expression résulte de la modification génétique, des inhibiteurs de protéase naturellement présents dans le soja et de l’exposition aux herbicides ou aux résidus d’herbicides dans les récoltes. Enfin, la Commission aurait omis de demander que des études par administration orale du soja modifié à des animaux soient réalisées.

24      Or, formulés de cette manière, ces arguments sont, dans leur grande majorité, inopérants. En effet, la question qui peut se poser dans le cadre d’un recours tel que celui en cause n’est pas celle de savoir si la Commission était tenue de « veiller » à ce que le demandeur d’autorisation ou l’EFSA satisfissent aux obligations qui leur incombent en raison du règlement no 1829/2003 et du règlement d’exécution no 503/2013 dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision d’autorisation. De même, la question ne peut pas être celle de savoir si la Commission a omis de demander la réalisation de certaines études. Est pertinente, en revanche, dans un cas tel que celui en cause, la question de savoir si et comment la Commission a répondu aux éléments soulevés dans la demande de réexamen interne (voir point 15 ci‑dessus).

25      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la requérante a précisé que, par le moyen unique, elle invoquait en réalité une violation des exigences matérielles visées à l’article 4, paragraphe 1, sous a), et à l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, qui font partie aussi bien de l’ensemble des conditions auxquelles doit répondre une autorisation conformément à l’article 4, paragraphes 2, 3 et 5, et à l’article 16, paragraphes 2, 3, et 5, du règlement no 1367/2006, que de l’ensemble des conditions à la lumière desquelles doit être effectué l’examen permettant d’adopter une décision telle que la décision attaquée.

26      Une interprétation des griefs invoqués dans la requête à la lumière du droit à un recours effectif, garanti par l’article 47, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, impose, en effet, de les regarder comme avancés au soutien d’un moyen unique tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec certaines dispositions figurant à l’annexe II de ce règlement, telles que mentionnées dans la requête.

27      En l’espèce, l’impératif figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous a), et à l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006 et visant à ce que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux n’aient pas des effets négatifs sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement est le critère d’appréciation matériel fondamental selon lequel doit être mesurée tant une autorisation telle que celle en cause, conformément à l’article 4, paragraphes 2, 3 et 5, et à l’article 16, paragraphes 2, 3, et 5, du règlement no 1367/2006, qu’une décision fondée sur l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1367/2006, telle que la décision attaquée.

28      Le moyen unique a trait à deux contextes factuels distincts, à savoir d’une part, l’exposition à l’application d’herbicides et, d’autre part, l’évaluation de l’allergénicité et de la toxicité, qu’il convient d’aborder comme étant deux branches dudit moyen.

 Sur la première branche, concernant l’exposition à l’application d’herbicides

29      La requérante avance en substance que les réponses données par la Commission dans la décision attaquée par rapport aux éléments soulevés dans la demande de réexamen interne quant à la possibilité que la sécheresse ait une incidence négative sur l’expression génétique du soja modifié sont entachées de quatre erreurs manifestes d’appréciation dont l’existence équivaut à une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec les points 1.2.2.3 et 1.3.1 et le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

30      En premier lieu, serait erronée la réponse de la Commission selon laquelle, dans le cadre des essais au champ destinés à l’analyse comparative de plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides, les doses d’herbicide d’intérêt appliquées auraient dû être maintenues « au même niveau sur tous les sites » pour qu’elles puissent être comparées. Cette réponse démontrerait que les essais au champ conduits en l’espèce ne répondaient pas aux conditions requises par le règlement d’exécution no 503/2013. En effet, si la dose d’herbicide d’intérêt complémentaire appliquée dans les champs de plantes génétiquement modifiées était maintenue au même niveau que celle appliquée « dans les champs de plantes non modifiées », les conditions dans lesquelles les essais au champ ont été réalisés ne correspondraient en rien aux conditions de culture réelle. Dans le cadre des pratiques agricoles réelles, les doses d’herbicide d’intérêt « complémentaires » pulvérisées sur les plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides sont, selon la requérante, nettement plus élevées que celles pulvérisées sur les plantes non modifiées qui n’ont pas été rendues tolérantes à ces herbicides. En l’espèce, la prémisse aurait dû être celle selon laquelle, en pratique, les plantes seraient exposées à des doses élevées et répétées de glyphosate seul ou conjointement avec du dicamba. Or, lorsque le soja modifié est exposé à des doses d’herbicide plus élevées, la plante peut connaître une situation de stress, ce qui a une incidence sur l’expression des gènes et la composition des plantes ainsi que sur les caractéristiques biologiques du soja modifié.

31      En deuxième lieu, étant donné que la dose de glyphosate appliquée en l’espèce aurait été de seulement 0,87 kilogramme (kg) (équivalent acide) par hectare, ce serait à tort que, au point 1.2.2 de l’appréciation détaillée, la Commission aurait souscrit à la conclusion de l’EFSA selon laquelle la dose appliquée pour l’herbicide d’intérêt était conforme aux recommandations des fabricants. En l’espèce, la dose d’herbicide d’intérêt appliquée dans les essais au champ de Monsanto aurait été inférieure à la dose recommandée par le fabricant. En effet, d’une part, sur sa propre étiquette de produit « Roundup Ready Soybean », Monsanto recommanderait de pulvériser une dose maximale totale combinée de 5,3 quarts par acre, ce qui équivaut à environ 8,2 kg (substance active) par hectare. La dose maximale totale recommandée en culture serait de 64 onces liquides par acre par an, ce qui équivaudrait à environ 3,1 kg (substance active) de glyphosate par hectare.

32      En tout état de cause, en vertu du point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, les essais au champ devraient être réalisés en tenant compte des pratiques agricoles réelles et non pas simplement conformément aux recommandations d’un fabricant. Or, la dose d’herbicide d’intérêt appliquée dans les essais au champ de Monsanto aurait été considérablement inférieure à celle que l’on prévoirait en conditions réelles. En effet, une dose de 0,87 kg (équivalent acide) par hectare diffèrerait sensiblement des recommandations des fabricants. D’autre part, dans les conditions de cultures réelles propres aux États-Unis, il serait prévu d’appliquer en moyenne une dose de 6 à 7 kg au total par hectare, ainsi qu’il ressortirait notamment des études USDA (2019) et Miyazaki et al. (2019). L’application de doses encore plus élevées peut être prévue en Amérique du Sud, ainsi qu’il ressortirait de certaines études, comme les études Miyazaki et al. (2019), Avila-Vazquez et al. (2018).

33      De même, les données sur l’expression du soja modifié auraient été générées à partir de plantes traitées à l’herbicide d’intérêt « complémentaire ». Elles auraient ensuite été comparées à des données générées à partir de plantes parentales qui n’avaient pas été traitées à l’herbicide d’intérêt « complémentaire ». Or, cette manière de procéder constituerait une méconnaissance des exigences énoncées au point 1.3.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, selon lequel il convient d’exposer les plantes résistantes aux herbicides, à « l’herbicide d’intérêt » et de les comparer sur cette base.

34      Enfin, l’interprétation que ferait la Commission du règlement d’exécution 503/2013 permettrait des essais au champ de l’herbicide pertinent à des niveaux infimes (par exemple à 1 % du dosage à appliquer en pratique), ce qui serait toutefois absurde.

35      En troisième lieu, la requérante soutient que la Commission a, certes, admis que la littérature scientifique citée par la requérante dans la demande de réexamen interne, notamment l’étude Zanatta et al. (2020), était pertinente eu égard à la question de savoir si des doses d’herbicide élevées avaient une incidence sur l’expression génétique, mais celle-ci a néanmoins conclu que les données sur l’expression génétique, générées dans le cadre des essais au champ, étaient adéquates. À cet égard, la Commission aurait renvoyé au point 3.5.6 de l’avis de l’EFSA du 25 septembre 2019, sans toutefois fournir une quelconque motivation propre. Audit point 3.5.6 de l’avis de l’EFSA, cette dernière aurait exposé les données compositionnelles générées dans le cadre d’essais au champ mal conçus. Or, cela ne justifierait aucunement le fait de ne pas évaluer comme il se doit l’incidence de doses d’herbicide plus élevées.

36      En quatrième lieu, la Commission aurait écarté certaines publications citées par la requérante dans la demande de réexamen interne en considérant qu’elles n’étaient pas pertinentes parce que les données qui y étaient présentées avaient été générées en utilisant du matériel produit dans un environnement sans glyphosate ou en utilisant du matériel n’ayant pas été produit à partir d’un événement spécifique ou encore parce que les données présentées avaient été générées à partir de matériel qui n’était pas issu de graines ou de grains. Mais les publications citées par la requérante établiraient, premièrement, que l’application d’herbicides affecte la composition et le métabolisme des plantes résistantes aux herbicides et, deuxièmement, qu’il existe une corrélation évidente entre le niveau des doses de glyphosate appliquées (y compris un niveau élevé) et les performances agronomiques et la composition des plantes.

37      La Commission conteste les arguments de la requérante.

38      À titre liminaire, il y a lieu de constater que la requérante a omis d’identifier les points précis de la décision attaquée ou de l’appréciation détaillée qui sont, selon elle, entachés d’erreurs. Il convient de considérer toutefois que la requérante se réfère au point 1.2.2 de l’appréciation détaillée.

39      Par ses arguments, la requérante n’a, toutefois, pas privé les appréciations figurant au point 1.2.2 de l’appréciation détaillée de leur plausibilité. Il s’ensuit que la requérante ne démontre pas l’existence d’erreurs manifestes entachant la décision attaquée et ne peut être constatée une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec les points 1.2.2.3 et 1.3.1 et le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013. Cela peut être déduit des appréciations suivantes.

40      En premier lieu, par les arguments mentionnés au point 30 ci‑dessus, la requérante cherche à faire constater, premièrement, que les essais au champ réalisés par Monsanto ne reflétaient pas les conditions de culture « attendues » ou « réelles » du soja modifié, puisqu’ils n’auraient pas reflété les quantités d’herbicide d’intérêt qui est utilisé pour le soja modifié dans la pratique agronomique des pays dans lesquels cette plante sera cultivée (États-Unis, certains pays situés en Amérique du Sud, etc.). En outre, selon la requérante, c’est à tort que la Commission aurait fondé son évaluation sur des données issues d’essais au champ réalisés en appliquant une dose d’herbicide d’intérêt dans les champs de soja modifié qui était similaire ou au même niveau que la dose d’herbicide classique appliquée dans les champs de plantes non génétiquement modifiées. Ces arguments sont voués au rejet comme non fondés.

41      En effet, premièrement, la prémisse de la requérante selon laquelle le soja modifié pourra se voir exposé, en pratique, à des doses élevées de glyphosate et de dicamba, puisque les plantes parentales MON 89788 et MON 87708 expriment des protéines pour la tolérance aux herbicides contenant du glyphosate et du dicamba, respectivement, n’est, aucunement établie. Ainsi, la requérante n’a pas présenté des éléments indiquant clairement quelles pourraient être les « conditions de culture » attendues du soja modifié, au sens du point 1.2.2.3, sous e), et du point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, ou les pratiques agricoles attendues du soja modifié, au sens du point 1.3.1, quatrième alinéa, de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013. En particulier, il n’est pas démontré que l’application du glyphosate et du dicamba, à des doses élevées, correspond en pratique aux conditions de culture attendues pour le soja modifié, qui existeraient dans les pays où se situent les exportateurs de cette plante vers l’Union. Il n’est pas non plus démontré qu’une telle pratique sera nécessaire pour que les agriculteurs puissent tirer parti des propriétés résistantes aux herbicides du soja modifié, et que les cultivateurs de soja modifié ne peuvent pas tirer parti de la résistance du soja modifié aux herbicides s’ils utilisent des doses d’herbicide d’intérêt comprises dans la fourchette recommandée par le fabricant. La requérante ne soutient, d’ailleurs, pas que l’utilisation des doses de glyphosate recommandées par le fabricant se placerait en dehors des bonnes pratiques agricoles. Et la requérante ne démontre pas non plus que les cultivateurs ont besoin ou seront contraints de pulvériser l’herbicide d’intérêt à des volumes ou des fréquences plus élevés.

42      Dans la mesure où – dans d’autres parties de la requête – la requérante fait référence à certaines études [à savoir, les études USDA (2019), Miyazaki et al. (2019) et Avila-Vazquez et al. (2018)], il y a lieu de constater que, s’agissant des conditions de culture attendues du soja modifié, ces études n’ont aucune force probante aux fins de la présente affaire. En effet, non seulement le but de ces documents n’était pas de démontrer quelles sont les conditions de culture attendues du soja modifié aux États-Unis ou en Amérique du Sud, mais elles ne contiennent aucune analyse vérifiable sur cette question. Lesdites études partent, certes, de certaines prémisses en ce qui concerne certaines conditions de culture du soja modifié dans certains pays, mais elles ne démontrent pas ces prémisses.

43      Deuxièmement, dans les essais au champ effectués par Monsanto, le glyphosate n’a, certes, été appliqué que sur les sites contenant le soja modifié et non sur son équivalent non transgénique. Mais cette façon de procéder est conforme au quatrième alinéa du point 1.3.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013. Il ressort de cette disposition que l’herbicide d’intérêt est appliqué uniquement sur la plante génétiquement modifiée et non sur son équivalent non transgénique. Le quatrième alinéa du point 1.3.1 de la partie II de l’annexe II, du règlement d’exécution no 503/2013 n’exige pas que les doses d’herbicide d’intérêt pulvérisées sur les plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides soient appliquées à des doses plus élevées que les doses d’herbicide classiques pulvérisées sur les plantes non modifiées. Il ne saurait donc être déduit du point 1.3.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 qu’il était erroné, pour la Commission, de fonder l’évaluation sur des données obtenues d’essais au champ réalisés en appliquant une dose d’herbicide d’intérêt dans les champs de soja modifié qui était similaire ou de même niveau que celle appliquée dans les champs de plantes non génétiquement modifiées. Cette façon d’appliquer l’herbicide d’intérêt en question, à savoir le glyphosate, ne se heurte pas non plus au point 1.2.2.3 et au point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

44      En deuxième lieu, les arguments par lesquels la requérante cherche à faire constater que les essais au champ réalisés par Monsanto auraient été insuffisants, puisque les quantités d’herbicide d’intérêt appliquées n’auraient pas correspondu aux recommandations du fabricant (voir points 31 à 33 ci‑dessus) ne convainquent pas.

45      Le point 1.2.2.3, sous e), et le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, évoquent, certes, en substance, la nécessité que la plante génétiquement modifiée soit examinée dans le cadre d’essais au champ réalisés en tenant compte des conditions de culture attendues. Toutefois, ces dispositions ne contiennent aucune exigence en ce qui concerne les quantités de l’herbicide d’intérêt – tels que le glyphosate et le dicamba – qui doivent être appliquées concrètement sur les plantes génétiquement modifiées.

46      La requérante n’a fourni aucun élément prouvant que les quantités d’herbicide d’intérêt, appliquées en l’espèce, n’auraient pas correspondu aux conditions de culture du soja modifié. Le renvoi, opéré par la requérante, à l’étiquette de produit « Roundup Ready Soybean » n’est d’aucun secours dans ce contexte. Il est vrai que cette étiquette de produit contient des informations et recommandations du producteur concernant l’application du glyphosate pour certaines cultures agricoles. Néanmoins, il ne peut être présumé que toutes les recommandations figurant dans ce document reflètent effectivement les conditions de culture attendues du soja modifié. Ce document démontre, tout au plus, quelles sont les quantités recommandées par le producteur du glyphosate pour les plantes génétiquement modifiées, répertoriées sur ladite étiquette de produit. Le fait que l’étiquette de produit n’ait aucune force probante en ce qui concerne les conditions de cultures attendues du soja modifié résulte de son propre contenu. En effet, les recommandations y figurant sont assorties d’une clause de non-responsabilité, qui prévoit notamment que « [l’]État ou la localité peut demander des précautions et des instructions supplémentaires pour l’utilisation de ce produit qui ne figurent pas ici », que « [l]es informations figurant sur cette étiquette peuvent différer des informations figurant sur l’étiquette du produit » et que l’utilisateur est tenu de suivre « [l]es précautions et les instructions d’emploi figurant sur l’étiquette du pesticide qu’[il] utilise ». Il s’ensuit que les conditions de culture attendues du soja modifié sont tributaires de certaines consignes de sécurité additionnelles et de certaines instructions qui sont décrites sur les étiquettes de produit attachées directement aux conteneurs de glyphosate. Ces consignes et instructions s’ajoutent aux recommandations de l’industrie et font partie desdites conditions de culture attendues. La requérante n’indique pas quelles pourraient être ces consignes et instructions additionnelles. En l’absence d’informations précises sur lesdites consignes et instructions additionnelles et, partant, en fin de compte, sur les conditions de culture du soja modifié, toute tentative de comparer la dose d’herbicide d’intérêt appliquée dans les essais au champ effectués en l’espèce, d’une part, avec la dose d’herbicide d’intérêt qui pourrait s’appliquer dans des conditions de culture attendues, d’autre part, est impossible. Il ne peut donc être constaté que les quantités de glyphosate appliquées dans les essais au champ auraient été considérablement inférieures à celles prévues dans la pratique attendue.

47      En outre, la requérante ne démontre pas non plus que les quantités d’herbicide d’intérêt appliquées dans les essais au champ de Monsanto auraient été inférieures à la dose recommandée par le fabricant pour l’utilisation des herbicides d’intérêt en cause, à savoir le glyphosate et le dicamba. En ce qui concerne le glyphosate, l’interprétation que donne la requérante aux recommandations figurant sur l’étiquette de produit « Roundup Ready Soybean », en ce qui concerne les conditions de culture attendues du soja modifié, ne saurait être retenue. La valeur de 5,3 quarts par acre, qui équivaut à environ 8,2 kg (substance active) par hectare, mentionnée par la requérante, et qui correspond à 6,7 kg (équivalent acide) par hectare, concerne une application combinée sur le soja durant une année entière et inclut la quantité d’herbicide appliquée lors des traitements dans diverses phases de la culture, à savoir notamment en pré-semis, en culture et en pré-récolte. Toutefois, il résulte de l’étiquette de produit « Roundup Ready Soybean » que la dose recommandée, à un certain stade de croissance donné du soja, est comprise entre 22 et 44 onces liquides par acre, ce qui équivaut à une fourchette comprise entre 0,86 et 1,7 kg (équivalent acide) par hectare. Il s’ensuit que la quantité de 0,87 kg (équivalent acide) par hectare, appliquée « en culture » dans le cadre des essais au champ, pour le soja modifié, se situe dans la fourchette recommandée par le fabricant. Dès lors, aucune erreur ne saurait être retenue, à l’encontre de la Commission, sous l’angle de l’application du point 1.2.2.3, sous e), et du point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

48      N’est pas non plus démontrée l’allégation de la requérante selon laquelle, dans les conditions de culture du soja modifié, propres aux États‑Unis ou à l’Amérique du Sud, il serait prévu d’appliquer en moyenne une dose de 6 à 7 kg au total par hectare. Les études USDA (2019), Miyazaki et al. (2019) et Avila-Vazquez et al. (2018), mentionnées par la requérante à l’appui de cette affirmation, ont, certes, été réalisées à partir de certaines quantités de glyphosate appliquées à certains stades de croissance de certaines plantes, mais les quantités visées dans ces études constituent juste une prémisse de travail scientifique. Ainsi, lesdites études ne constituent, quant à elles, pas un élément de preuve pour la question de savoir quelles seront les quantités effectivement appliquées dans la pratique agronomique existant aux États‑Unis ou en Amérique du Sud. À l’instar de ce qui a été relevé au point 42 ci‑dessus, s’agissant des quantités d’herbicide d’intérêt utilisées dans les conditions de culture « réelles » ou « attendues » du soja modifié, ces études n’ont simplement aucune force probante aux fins de la présente affaire.

49      Par ailleurs, s’agissant du grief de la requérante selon lequel des données sur l’expression du soja modifié générées à partir de plantes traitées à l’herbicide d’intérêt auraient été simplement comparées à des données générées à partir de plantes parentales qui n’avaient pas été traitées à l’herbicide d’intérêt, aucune violation du point 1.3.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 (voir point 33 ci‑dessus) ne peut être constatée.

50      En effet, d’une part, la requérante semble tirer son argument concernant la comparaison entre les plantes traitées à l’herbicide d’intérêt avec les plantes parentales non traitées à l’herbicide d’intérêt d’un document que Monsanto avait joint à sa demande d’autorisation. Ce document, qui est intitulé « Application for authorisation, Part II “Scientific Information” EFSA-GMO-NL-2016-128 », fait partie du dossier du Tribunal en tant qu’annexe 2 à la requête. Pourtant, à défaut d’une indication expresse et précise qui se trouverait dans le corps de la requête elle‑même, le Tribunal n’est pas en mesure de vérifier dans quelle partie de ce document – qui compte, par ailleurs, environ 200 pages – se trouve la comparaison que critique la requérante. Il n’est donc pas possible de comprendre la manière dont les données visées par la requérante avaient été comparées ni, en fin de compte, l’incidence qu’a pu avoir ladite comparaison sur l’évaluation que devait faire la Commission par rapport aux caractéristiques du soja modifié. Par conséquent, l’affirmation mentionnée au point 33 ci‑dessus doit être écartée comme étant nullement étayée.

51      D’autre part, le point 1.3.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 précise, certes, certaines procédures qui doivent être remplies pour la réalisation de l’analyse comparative. Mais cette disposition n’exclut pas que des données issues de procédures et d’essais au champ, autres que ceux prévus dans cette même disposition, puissent être prises en compte lors de l’analyse comparative. Même si elle n’est pas expressément requise par une disposition de ce règlement d’exécution, le fait de procéder à la comparaison des données sur l’expression d’une plante génétiquement modifiée, générées à partir de plantes traitées à l’herbicide d’intérêt, avec des données générées à partir de plantes parentales qui n’avaient pas été traitées à l’herbicide d’intérêt, est une mesure utile qui ne se heurte pas, en tant que telle, à la lettre du règlement d’exécution no 503/2013. Les données tirées d’une telle comparaison peuvent être considérées comme étant un complément aux données obtenues selon les procédures requises par le règlement d’exécution no 503/2013 lui-même, sans pour autant que leur utilisation aux fins de l’analyse comparative visée dans ce règlement soit constitutive d’une violation du point 1.3.1 de la partie II de son annexe II.

52      Du reste, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que l’interprétation que ferait la Commission du règlement d’exécution no 503/2013 permettrait des essais au champ de l’herbicide pertinent à des niveaux « infimes » (voir point 34 ci‑dessus), il suffit de relever que les doses de glyphosate appliquées, en l’espèce, n’ont pas été infimes. Cet argument de la requérante repose donc sur une prémisse spéculative et doit, par conséquent, être rejeté pour ce motif.

53      En troisième lieu, le grief de la requérante selon lequel, en substance, la Commission n’aurait pas dûment pris en compte les données issues de l’étude Zanatta et al. (2020), ne peut être, lui aussi, que rejeté comme non fondé.

54      En effet, il est constant que les auteurs de l’étude Zanatta et al. (2020) avaient analysé l’incidence du glyphosate sur le métabolisme des plantes et que les données obtenues de cette étude étaient pertinentes en ce qui concerne l’incidence de doses élevées de glyphosate sur l’expression génétique du soja modifié. Toutefois, ainsi qu’il ressort des points 3.5.6 et 3.5.7 de l’avis de l’EFSA du 25 septembre 2019, dans le cadre d’une analyse globale des différences significatives entre le soja modifié et le comparateur non génétiquement modifié, qui tenait compte de l’incidence potentielle sur le métabolisme des plantes et de la variabilité naturelle observée pour l’ensemble des variétés de référence non génétiquement modifiées, le groupe scientifique OGM avait conclu que, compte tenu de la variabilité naturelle  observée pour l’ensemble des variétés de référence non génétiquement modifiées, aucune des différences relevées au niveau des caractéristiques agronomiques et phénotypiques testées entre le soja modifié et le comparateur non génétiquement modifié ne nécessitait une évaluation plus approfondie de leur incidence potentielle sur l’environnement.

55      Lorsqu’elle fait valoir en substance que la Commission n’a pas dûment pris en compte les données issues de l’étude Zanatta et al. (2020), la requérante omet de relier cette étude à l’analyse globale des données dont il est question aux points 3.5.6 et 3.5.7 de l’avis de l’EFSA du 25 septembre 2019. Il n’est, de ce fait, pas évident de déterminer dans quelle mesure les données issues de cette étude spécifique étaient de nature à modifier les données obtenues dans d’autres études visées par le groupe scientifique OGM dans son analyse globale. Dans ces conditions, il n’est aucunement possible de comprendre dans quelle mesure l’étude Zanetta et al. (2020) aurait pu impacter la conclusion exprimée par ledit groupe scientifique au point 3.5.7 de l’avis de l’EFSA du 25 septembre 2019.

56      Qui plus est, il convient de rappeler que, ainsi que l’a fait valoir, à juste titre, la Commission, aux fins de la réalisation de l’étude Zanatta et al. (2020), le glyphosate avait été appliqué à des jeunes feuilles de plantes. Mais les jeunes feuilles des plantes ne sont nullement représentatives de ce qui est utilisé pour l’alimentation humaine ou animale. En invoquant l’étude Zanatta et al. (2020), la requérante exprime des soucis qui ont, tout au plus, un rapport avec les caractéristiques que le soja modifié pourrait posséder à un stade de croissance qui se place, dans le temps, en amont du stade de croissance qui est d’intérêt dans le cadre de l’application des règlements nos 1829/2003 et 530/2013, à savoir le moment de l’utilisation d’un OGM pour l’alimentation humaine ou animale.

57      En outre, l’argument de la requérante, tiré de ce que les auteurs de l’étude Zanatta et al. (2020) n’auraient accordé aucune importance au fait que l’herbicide d’intérêt avait été appliqué à des jeunes feuilles des plantes et qu’aucune explication plausible ne permettait d’expliquer pourquoi ce facteur a une incidence quelconque sur la pertinence de l’étude ne peut qu’être rejeté. En effet, le simple fait que les auteurs de ladite étude n’ont pas expliqué davantage l’incidence du matériel choisi pour la réalisation de ladite étude ne pouvait empêcher l’EFSA et, par la suite, la Commission, de déterminer, de leur propre chef, dans quelle mesure les conclusions de cette étude étaient pertinentes pour le soja modifié.

58      Par ailleurs et enfin, dans la mesure où la requérante suggère que la Commission aurait eu tort de se borner à renvoyer à des avis de l’EFSA, sans toutefois formuler des appréciations propres, il y a lieu de relever que la Commission n’est pas empêchée de faire siennes, en partie ou entièrement, les appréciations exprimées dans un avis de l’EFSA, et ce, en outre, sans qu’elle doive les reproduire ou les substituer à chaque fois à sa propre motivation. Lorsqu’il n’existe pas d’information qui jette un doute sérieux sur les avis de l’EFSA, l’analyse scientifique figurant dans un tel avis peut, en principe, être suffisante pour permettre à la Commission d’adopter une décision, et ce, sans même que des examens scientifiques supplémentaires de la part de la Commission soient nécessaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 mars 2019, Suède/Commission, T‑837/16, EU:T:2019:144, point 67).

59      En quatrième lieu, lorsque la requérante avance que la Commission aurait écarté certaines publications citées dans la demande de réexamen interne et que cela aurait été injustifié, puisque ces publications auraient clairement établi qu’il existait une corrélation entre le niveau des doses de glyphosate appliquées (y compris un niveau élevé), les performances agronomiques et la composition des plantes, force est de constater qu’il est impossible, pour le Tribunal, de savoir à quelles publications la requérante se réfère effectivement. L’exactitude des affirmations de la requérante ne peut donc nullement être vérifiée.

60      En effet, certes, il peut être déduit des éléments du dossier que ces affirmations de la requérante ont trait au cinquième paragraphe de la page 7 de l’appréciation détaillée, lequel est, à son tour, également fort imprécis et se lit comme suit :

« En ce qui concerne les autres publications que vous citez, les données expérimentales mentionnées dans ces publications sont considérées comme étant des éléments de preuve importants de l’incidence potentielle du traitement à l’herbicide sur le métabolisme des plantes. Toutefois, elles ne sont pas directement pertinentes pour ce soja génétiquement modifié empilé parce qu’elles ont été générées en utilisant des matériaux produits dans un environnement exempt de glyphosate ou à l’aide de matériaux qui n’ont pas été produits à partir d’un événement spécifique, ou parce qu’elles ont été générées à partir de matières non produites à partir de semences/graines. »

61      Mais la requérante ne conteste pas, de manière étayée, les motifs indiqués par la Commission dans ledit cinquième paragraphe. La requête ne contient aucun argument spécifique visant à remettre en cause spécifiquement la constatation selon laquelle les données contenues dans ces publications n’étaient pas « directement pertinentes pour ce soja génétiquement modifié empilé parce qu’elles ont été générées à l’aide de matériel produit dans un environnement sans glyphosate ou à l’aide de matériel non produit à partir d’un événement spécifique ou elles ont été générées à partir de matériel non produit à partir de graines/grains ».

62      Au vu de ce qui précède, c’est‑à‑dire, en l’absence d’une démonstration, par la requérante, d’une erreur manifeste d’appréciation ou encore d’une erreur de droit de la part de la Commission, sous l’angle de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec les points 1.2.2.3 et 1.3.1 et le point 1.3.2.1, sous b), de l’annexe II, partie II, du règlement d’exécution no 503/2013, la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant non fondée.

 Sur la seconde branche, concernant l’évaluation de l’allergénicité et de la toxicité

63      La requérante avance en substance que les réponses qu’a données la Commission dans l’appréciation détaillée par rapport aux soucis exprimés dans la demande de réexamen interne en ce qui concerne l’évaluation de la toxicité et de l’allergénicité du soja modifié sont entachées d’erreurs manifestes d’appréciation et constitutives d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec le point 1.4, sous a) et c), le point 1.4.1, sous a), et les points 1.4.4.1 et 1.5 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013. La Commission aurait accepté des données issues d’essais au champ conduits qui n’auraient pas été du tout adaptés pour évaluer les éventuels effets immunogènes et toxiques des composants du soja modifié sur les êtres humains dans le cadre d’une consommation normale. Ce faisant, la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte du potentiel de toxicité ou d’allergénicité du soja modifié.

64      Ainsi, en premier lieu et plus précisément, la Commission aurait violé le point 1.4 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, qui concerne l’étude de la toxicité des changements découlant de la modification génétique de la plante génétiquement modifiée recherchée.

65      Premièrement, contrairement à ce qui ressort du point 1.4.1, sous a), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, la Commission se serait bornée à analyser chaque protéine nouvellement exprimée par la plante génétiquement modifiée recherchée isolément. De fait, la Commission aurait dû déterminer d’un point de vue global, à savoir conjointement avec d’autres composants du soja modifié, si les protéines nouvellement exprimées présentaient un risque spécifique, qu’il soit allergénique ou lié à une activité adjuvante, ou un risque non spécifique, par exemple, d’inflammation chronique, pour le système immunitaire.

66      S’agissant de l’analyse des risques spécifiques, la Commission aurait examiné l’innocuité des différentes toxines Bt, en particulier des toxines Cry1Ac et Cry1A.105, séparément les unes des autres et isolément de l’incidence de certains composés présents dans la plante, tels que des inhibiteurs de protéase. Or, cette manière de procéder serait erronée. En effet, il existerait un potentiel évident de synergies entre les inhibiteurs de protéase, que le soja produit naturellement, d’une part, et les toxines Bt, dont l’expression résulte de la modification génétique du soja modifié (les toxines Cry1Ac et Cry1A.105), d’autre part. La combinaison de ces deux éléments serait susceptible d’entraîner un retard dans la dégradation des toxines Bt dans l’intestin après consommation. Ce retard dans la dégradation prolongerait l’exposition du système immunitaire intestinal aux toxines Bt, et cette exposition prolongée pourrait déclencher ou renforcer les effets toxiques des toxines Bt et déclencher ou aggraver des inflammations chroniques ou d’autres réactions immunitaires. Pour réfuter les soucis liés à cette problématique qui avait été soulevés dans la demande de réexamen interne, la Commission aurait renvoyé aux conclusions de l’EFSA, laquelle aurait pourtant également commis des erreurs d’ordre scientifique. L’EFSA aurait considéré en substance que le soja modifié ne posait pas de problème de sécurité chez l’homme en ce qui concerne les toxines Bt. De fait, les données sur lesquelles l’EFSA se serait appuyé pour évaluer la toxicité aiguë des toxines Bt auraient été des données obtenues d’études qui ne tenaient pas compte des synergies au sein de l’empilement, à savoir des études par administration orale avec les toxines isolées chez la souris. Au surplus, ces études auraient examiné les effets toxiques potentiels des toxines Bt en l’absence d’inhibiteurs de protéase. En l’espèce, seules des expériences permettant de saisir l’interaction (les synergies) entre les toxines Bt et les inhibiteurs de protéase auraient pu démontrer si, et dans quelle mesure, la santé humaine peut être affectée par la consommation du soja modifié.

67      Enfin, la Commission aurait totalement ignoré le fait que les interactions entre les caractères du soja modifié puissent déclencher des réactions immunitaires non spécifiques, telles que les inflammations chroniques. Or, la Commission aurait dû analyser également le potentiel d’inflammation chronique de manière détaillée.

68      Deuxièmement, selon la requérante, il faut s’attendre à ce que le soja modifié soit exposé de manière répétitive à des doses plus élevées de glyphosate, ce qui pourrait entraîner une augmentation de la quantité de résidus de glyphosate ou des métabolites du glyphosate dans les récoltes. Or, les résidus des herbicides dans les récoltes auraient des effets potentiels sur le microbiome. Une exposition chronique à des denrées alimentaires ou à des aliments pour animaux produits à partir de plantes sur lesquelles des quantités élevées de glyphosate ont été appliquées pourrait provoquer des changements importants dans la flore bactérienne intestinale. Ces changements pourraient avoir également une incidence sur l’immunogénicité des toxines Bt. Mais la Commission n’aurait pas demandé que des études par administration orale à des animaux soient réalisées pour vérifier les effets des résidus du glyphosate ou des métabolites du glyphosate sur le microbiome. Il s’ensuivrait que la Commission aurait enfreint le point 1.4, sous a), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

69      Troisièmement, en concluant au point 1.3.1 de l’appréciation détaillée qu’aucune hypothèse n’avait été retenue qui nécessitait la réalisation d’une étude par administration orale concernant le soja modifié, la Commission aurait mal appliqué le deuxième alinéa du point 1.4.4.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013. En effet, les études par administration orale de 90 jours qui ont été réalisées avec les plantes parentales n’auraient pas été suffisamment ciblées pour permettre de vérifier la validité des hypothèses de toxicité ou d’immunogénicité avancées par la requérante et qui auraient dû être examinées dans le cadre de l’évaluation du soja modifié. La requérante soutient avoir établi les hypothèses nécessaires en ce qui concerne les synergies pouvant résulter de la combinaison des événements de transformation empilés, des inhibiteurs de protéase d’origine naturelle et de l’exposition à des quantités importantes d’herbicide. Les synergies potentielles dans le soja modifié seraient tellement évidentes que, pour conclure à l’innocuité de l’empilement, la Commission aurait dû demander la réalisation d’études par administration orale du soja modifié à des animaux qui permettraient de comprendre les effets combinatoires, synergiques ou cumulatifs de l’empilement des caractères que comprend le soja modifié.

70      Quatrièmement, la requérante rappelle le point 1.4, sous c), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, selon lequel le demandeur doit « déceler les effets néfastes éventuels des nouveaux constituants et de déterminer la dose sans effets néfastes la plus élevée ». Or, la « dose la plus élevée » ne saurait être déterminée en évaluant les protéines Bt isolément par rapport aux autres constituants du soja modifié. La Commission aurait donc violé également ledit point 1.4, sous c), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

71      En second lieu, l’analyse de la Commission portant sur l’allergénité du soja modifié serait également erronée, ce qui équivaudrait à une violation du point 1.5 de l’annexe II de la partie II du règlement d’exécution 503/2013.

72      Premièrement, la Commission aurait commis une erreur dans son appréciation d’une publication mentionnée dans la demande de réexamen interne, à savoir l’article Santos-Vigil et al. (2018). Cette publication aurait rendu compte des effets allergéniques des toxines Bt lorsqu’elles sont ingérées. Certes, à l’appui de son point de vue, la Commission aurait invoqué un rapport externe sur l’immunogénicité qui a été commandé par l’EFSA, à savoir l’étude Parenti et al. (2019). Mais la conclusion que tire la Commission dudit rapport externe serait erronée. En réalité, loin de redresser les erreurs commises par la Commission et l’EFSA, ce rapport externe étayerait plutôt l’hypothèse invoquée par la requérante selon laquelle les toxines Bt peuvent déclencher des réactions immunitaires.

73      En effet, d’une part, l’étude Parenti et al. (2019) conclurait, certes, que le dosage des toxines Bt exprimées dans les plantes alimentaires est trop faible pour déclencher ces effets allergéniques chez l’homme lorsqu’elles sont consommées. Néanmoins, l’étude Parenti et al. (2019) ne tiendrait pas compte de l’effet amplificateur que les inhibiteurs de protéase pourraient avoir sur les toxines Bt.

74      D’autre part, l’étude Parenti et al. (2019) soulignerait que le microbiome peut influencer l’immunogénicité des toxines Bt après ingestion. Compte tenu du fait que le glyphosate a une activité antibiotique impactant la composition du microbiome, il serait permis de conclure que les changements provoqués par le glyphosate dans la flore bactérienne intestinale peuvent également avoir une incidence sur l’immunogénicité des toxines Bt. La seule façon d’évaluer correctement l’incidence des toxines, conjointement avec l’incidence des « protéines PI » et avec l’un ou l’autre des effets de l’exposition au glyphosate sur le microbiome, aurait été, en l’espèce, de simuler l’ingestion de l’événement empilé dans son ensemble, c’est-à-dire au moyen d’études par administration orale du soja modifié à des animaux.

75      Deuxièmement, la Commission aurait laissé entendre que l’EFSA aurait évalué l’allergénicité du soja modifié dans son ensemble et que rien n’indiquait que la modification génétique était susceptible de modifier substantiellement l’allergénicité globale du soja modifié par rapport à ses comparateurs non génétiquement modifiés et aux variétés de référence non génétiquement modifiées qui ont été testées. Mais cette allégation serait péremptoire. La requérante souligne en effet avoir indiqué que ni l’EFSA ni la Commission n’auraient fait en sorte de pouvoir dûment conclure à l’innocuité des protéines nouvellement exprimées lorsqu’elles sont combinées les unes avec les autres ou avec les autres composants du soja modifié, dont les inhibiteurs de protéase.

76      La Commission conteste les arguments de la requérante.

77      Lorsque la requérante conteste les considérations de la Commission portant sur la toxicité, il convient de considérer qu’elle se réfère au point 1.3 de l’appréciation détaillée. Elle se réfère, en revanche, nécessairement, au point 1.4 de ladite appréciation détaillée quand elle remet en cause les observations de la Commission portant sur l’allégernicité.

78      En premier lieu, les arguments de la requérante concernant la toxicité du soja modifié ne convainquent pas.

79      Premièrement, par ses objections, la requérante suggère que la Commission a examiné les protéines nouvellement exprimées dans le soja modifié isolément des autres composants (naturels) de cette plante, notamment séparément des inhibiteurs de protéase, et que cette institution n’a pas analysé les risques non spécifiques desdites protéines nouvellement exprimées, en violant ainsi la troisième phrase du point 1.4.1, sous a), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013. Selon cette disposition, le demandeur d’autorisation « doit […] évaluer les interactions éventuelles [des protéines nouvellement exprimées] avec d’autres constituants de la plante ».

80      C’est au point 1.3.2 de l’appréciation détaillée que la Commission a répondu aux doutes soulevés dans la demande de réexamen interne quant à l’absence d’un examen des « interactions éventuelles » entre les protéines nouvellement exprimées du soja modifié et les composants naturels de cette plante, tels que les inhibiteurs de protéase. Il ressort de ce point 1.3.2 que l’EFSA avait d’ores et déjà évalué les publications mentionnées par la requérante dans sa demande de réexamen interne. Il résulte également dudit point 1.3.2 que les résultats de cette évaluation de l’EFSA avaient été résumés dans le document du groupe de travail du groupe scientifique OGM qui s’intitule « Scientific advice on the internal review under Regulation (EC) N1367/2006 of the Commission’s decision authorising the placing on the market of genetically modified maize MON 87427 x MON 89034 x 1507 x MON 88017 x 59122 and subcombinations ». Selon les auteurs de ce document, les conclusions des études citées par la requérante, dans sa demande de réexamen interne, à l’appui de la thèse concernant l’existence d’une toxicité accrue des protéines Bt, liée à la présence d’inhibiteurs de protéase dans le soja, n’avaient pas suscité de préoccupations pour la santé humaine et animale. De plus, il résulte du procès-verbal de la 122e réunion du groupe de travail du groupe scientifique OGM que ce dernier avait rejeté les données issues des études MacIntosh et al. (1990) et Mesén-Porras (2020) pour la simple raison qu’elles ne pouvaient être « extrapolées pour en déduire des effets néfastes potentiels d’un soja génétiquement modifié spécifique exprimant des protéines [C]ry sur des espèces autres que les insectes ». En effet, selon le groupe de travail du groupe scientifique OGM, les « protéines Bt agissent sur l’intestin moyen des larves d’espèces d’insectes sensibles par un mode d’action présumé qui n’est pas pertinent pour les êtres humains et les animaux  (autres que les insectes) » et « [l]e tractus gastro-intestinal des mammifères, y compris de l’homme, est exempt de récepteurs présentant une haute affinité spécifique pour ces protéines, et aucun problème de sécurité lié à la toxicité ou à l’allergénicité des plantes génétiquement modifiées exprimant des protéines Bt n’a été décelé dans les plantes génétiquement modifiées évaluées par le groupe scientifique OGM ». C’est sur le fondement de ces appréciations que le même groupe de travail a enfin considéré que les études MacIntosh et al. (1990) et Mesén-Porras (2020) ne suscitaient pas de préoccupations pour la santé humaine et animale.

81      Dans la requête, la requérante n’aborde aucunement ce raisonnement. Elle ne fait aucune référence aux observations figurant au point 1.3.2 de l’appréciation détaillée en tant que telles. En effet, les arguments présentés dans la requête sur ladite interaction ne sont qu’une répétition des arguments avancés dans la demande de réexamen interne, lesquels avaient pour but de jeter le doute sur le contenu de la décision d’autorisation.

82      Il s’ensuit que les arguments mentionnés aux points 65 et 66 ci‑dessus sont irrecevables. En effet, les arguments et moyens qui sont dirigés contre l’acte administratif dont le réexamen interne a été demandé sont irrecevables. Tel est le cas puisque la requérante ne dispose pas d’un droit propre, au titre de l’article 263, paragraphes 2 et 4, TFUE, pour remettre directement en cause une décision d’autorisation devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, points 26 à 28).

83      Les arguments de la requérante mentionnés aux points 65 et 66 ci‑dessus sont, en tout état de cause, également non fondés. En effet, la requérante ne démontre pas d’erreur manifeste d’appréciation qui entacherait la décision attaquée. Elle ne tente même pas d’expliquer en quoi la conclusion selon laquelle l’examen des études comme les études MacIntosh et al. (1990) et Mesén-Porras (2020) n’avaient pas suscité de doutes substantiels, en l’espèce, puisque le mode d’action des protéines Bt sur l’appareil digestif des insectes n’est pas pertinent pour l’homme et les animaux autres que les insectes, serait insuffisante ou inexacte. En particulier, elle n’explicite pas comment le mode d’action des protéines Bt peut avoir un impact sur le tractus gastro-intestinal de l’homme et des animaux autres que les insectes si l’on part du principe – non contesté, d’ailleurs, par la requérante, de manière étayée et preuves à l’appui –, que l’homme et des animaux ne sont pas (ou pas suffisamment) munis de récepteurs présentant une haute affinité spécifique pour lesdites protéines.

84      Il en résulte que les arguments de la requérante concernant la violation du point 1.4.1, sous a), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, en raison de l’absence d’examen, par la Commission, des risques spécifiques que pose le soja modifié sous l’angle des « interactions éventuelles » entre les protéines nouvellement exprimées et les inhibiteurs de protéase naturellement présents dans le soja, doivent être rejetés.

85      Ensuite, selon la requérante, la Commission a ignoré le fait que les interactions entre les caractères du soja modifié puissent déclencher des réactions immunitaires non spécifiques, telles que les inflammations chroniques et n’a pas analysé le potentiel d’inflammation chronique de manière détaillée (voir point 67 ci‑dessus). Il n’y a pas besoin de déterminer si cet argument a trait à la toxicité et a donc un rapport suffisamment direct avec le point 1.4 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, si celui-ci a un rapport avec l’allergénicité et, partant, avec le point 1.5 du premier alinéa de la partie II de l’annexe II dudit règlement ou si celui-ci porte tant sur la toxicité que sur l’allergénicité, ainsi que l’a fait valoir la requérante en réponse à une question du Tribunal.

86      De toute façon, l’argument de la requérante visé au point 85 ci-dessus est dépourvu de fondement. En effet, la requérante n’est pas parvenue à prouver que l’examen mené par la Commission a été insuffisant pour ce qui est du potentiel d’inflammation chronique du soja modifié. En outre, force est de constater que l’analyse présentée par l’EFSA dans le rapport technique, notamment en son point 2.3.3, et sur laquelle se fonde l’examen de la Commission, n’est, de fait, pas insuffisante. En effet, il est constant que l’étude Parenti et al. (2019) conclut que le dosage des toxines Bt exprimées dans les plantes alimentaires est trop faible pour déclencher des effets allergéniques chez l’homme. Certes, les auteurs de cette étude ne semblent pas avoir tenu compte de l’effet amplificateur que les inhibiteurs de protéase pourraient avoir sur les toxines Bt. Mais l’EFSA a, de son côté, analysé ces toxines, à tout le moins sous l’angle de l’inhibiteur de la protéase trypsin du type Kunitz, sans qu’elle ait pu constater l’existence d’effets néfastes pour la santé humaine ou des animaux. Au vu de ces éléments, le fait d’invoquer simplement le potentiel d’inflammation chronique du soja modifié ne prive pas de plausibilité les considérations d’ordre scientifique de l’EFSA, de sorte qu’aucune erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission ne saurait être constatée.

87      Deuxièmement, la requérante avance en substance que la Commission a violé le point 1.4, sous a), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, en ne demandant pas que des études par administration orale à des animaux soient réalisées pour vérifier les effets des résidus du glyphosate ou des métabolites du glyphosate sur le microbiome, malgré le fait qu’il faut s’attendre à ce que le soja modifié soit exposé à des doses plus élevées de glyphosate et que les résidus des herbicides dans les récoltes aient des effets potentiels sur la flore bactérienne intestinale (voir point 68 ci‑dessus).

88      Toutefois, ainsi que le rappelle la Commission, la procédure d’autorisation des denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés, prévue aux articles 4 et 16 du règlement no 1829/2003, ne couvre pas l’évaluation des effets potentiels des résidus de pesticides sur la santé humaine, y compris des éventuels effets cumulatifs. Cette conclusion est, par ailleurs, reflétée dans les points 106 et 107 de l’arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission (C‑82/17 P, EU:C:2019:719). L’évaluation réclamée par la requérante ne relève pas du champ d’application du règlement n1829/2003 et du règlement d’exécution no 503/2013, mais de celui du règlement (CE) no 396/2005 du Parlement européen et du Conseil, du 23 février 2005, concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d’origine végétale et animale et modifiant la directive 91/414/CEE du Conseil (JO 2005, L 70, p. 1).

89      Il s’ensuit qu’une violation du point 1.4 sous a), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 ne saurait être constatée et que l’argument de la requérante mentionné au point 68 ci‑dessus doit être rejeté comme étant non fondé.

90      Troisièmement, la requérante reproche à la Commission de s’être contentée de se fier à des études concernant l’administration orale des plantes parentales sur des animaux pendant 90 jours, sans toutefois demander la présentation de données obtenues d’études par administration orale du soja modifié lui‑même et ce, malgré le fait qu’il existerait des synergies potentielles évidentes dans le soja modifié (voir point 69 ci-dessus).

91      À cet égard, il y a lieu de relever que, selon le premier alinéa du point 1.4.4.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, l’obligation de réalisation d’études par administration orale de l’aliment entier génétiquement modifié à des rongeurs pendant 90 jours n’existe que pour l’évaluation des aliments (denrée alimentaire ou aliment pour animaux) contenant des plantes génétiquement modifiées à événement de transformation simple ou à événements empilés non obtenus par croisement classique de plantes génétiquement modifiées à événement simple.

92      Or, le soja modifié est un produit qui a été obtenu par croisement classique de plantes génétiquement modifiées contenant des événements de transformation simples (voir points 3 et 4 ci‑dessus). Le soja modifié ne relève donc pas du champ d’application du premier alinéa du point 1.4.4.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, ce qui signifie que cette disposition n’a pas pu être violée par la Commission.

93      En tout état de cause, compte tenu du fait que le soja modifié est un organisme génétiquement modifié au sens de la deuxième phrase du deuxième alinéa du point 1.4.4.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, l’EFSA avait, dans son avis du 25 septembre 2019, indiqué en substance que la caractérisation moléculaire, l’analyse comparative et l’évaluation toxicologique des plantes parentales (les quatre événements simples) MON 87751, MON 87701, MON 87708, MON 89788 n’avaient pas mené à des conclusions pertinentes concernant la stabilité et l’expression des inserts ou l’interaction entre les événements de transformation. Des préoccupations toxicologiques pertinentes n’avaient pas non plus été recensées. L’EFSA n’a tiré cette conclusion qu’après une demande adressée à Monsanto visant la présentation d’études supplémentaires en ce qui concerne les plantes parentales MON 87708, MON 87701 et MON 89788.

94      La requérante n’explicite pas en quoi des études supplémentaires sur les rongeurs, concernant le soja modifié dans son ensemble, étaient encore nécessaires à la date de l’adoption de la décision attaquée, alors qu’il avait, d’ores et déjà, été constaté qu’il n’y avait pas eu d’éléments pertinents en ce qui concerne la stabilité, l’expression des inserts et l’interaction entre les événements de transformation. L’argument de la requérante mentionné au point 69 ci‑dessus doit donc être rejeté comme étant non fondé.

95      Quatrièmement, le reproche de la requérante selon lequel, en substance, le demandeur d’autorisation n’aurait pu déterminer la « dose sans effets néfastes la plus élevée » des nouveaux constituants du soja modifié, puisque les protéines Bt auraient été évaluées isolément des autres constituants de cette plante (voir point 70 ci-dessus), ne saurait non plus prospérer.

96      En effet, des arguments visant à imputer des erreurs au demandeur d’autorisation dans sa demande sont irrecevables. Il a été jugé que, dans le cas d’un recours dirigé contre une décision sur une demande de réexamen, seuls les arguments et moyens visant à démontrer d’éventuelles erreurs de droit ou d’appréciation commises par la Commission dans la décision sur la demande de réexamen interne, telle que la décision attaquée, sont recevables, par opposition aux arguments concernant d’éventuelles erreurs commises par le demandeur dans la demande d’autorisation qui sont en revanche irrecevables (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2021, ClientEarth/Commission, C‑458/19 P, EU:C:2021:802, point 49, et du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, points 53, 233 et 235). Une violation du point 1.4, sous c), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 ne peut donc être constatée en l’espèce.

97      L’argument de la requérante, mentionné au point 70 ci‑dessus, est, en tout état de cause, non fondé. En effet, la référence au point 1.4, sous c), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 est avancé à l’appui de la thèse de la requérante selon lequel l’EFSA et la Commission auraient dû exiger la réalisation d’études supplémentaires de 90 jours sur les animaux avec le soja modifié en raison des interactions potentielles entre les protéines Bt et d’autres composants végétaux. Selon la deuxième phrase du deuxième alinéa du point 1.4.4.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, des études supplémentaires par administration orale de l’aliment génétiquement modifié à des rongeurs pendant 90 jours ne doivent toutefois être réalisés que « lorsque l’évaluation, primo, de la stabilité des inserts, secundo, de l’expression de ceux-ci, et tertio, des effets (synergies ou antagonismes) potentiels découlant de la combinaison des événements de transformation indique la possibilité d’effets néfastes ». Or, au terme de son analyse scientifique fondée notamment sur les informations fournies par Monsanto, l’EFSA n’avait pas identifié des problèmes en ce qui concerne la stabilité des inserts. De plus, il ressort du point 3.6.3.4 de l’avis de l’EFSA du 25 septembre 2019 que Monsanto avait fourni quatre études concernant l’administration orale de l’aliment génétiquement modifié à des rongeurs pendant 90 jours pour chacun des événements de transformation simples (MON 87751, MON 87701, MON 87708 et MON 89788), ce qui est parfaitement en phase avec le deuxième alinéa du point 1.4.4 de la partie II de l’annexe II du règlement no 503/2013. Il s’agit des études répertoriées dans le tableau 1 figurant à la page 8 de l’avis de l’EFSA du 25 septembre 2019. Selon l’EFSA, aucun effet néfaste n’aurait été établi pour aucun de ces quatre événements. L’EFSA a, de plus, évalué une série d’informations supplémentaires demandées à Monsanto sur les études de 90 jours sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés MON 87708 et MON 87701 et une nouvelle étude sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés issus du MON 89788, ainsi qu’il ressort également dudit point 3.6.3.4 de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019. Au terme de cette évaluation, l’EFSA a conclu que l’administration de la dose la plus élevée testée ne comprenait pas d’effets néfastes. La requérante ne relie pas son argument concernant l’absence d’identification de la « dose la plus élevée sans effets néfastes » à cette évaluation scientifique complexe de l’EFSA que la Commission a fait sienne. Elle ne prive donc pas de plausibilité les appréciations de la Commission à cet égard et, partant, une erreur manifeste d’appréciation n’est pas démontrée.

98      En second lieu, il convient de rejeter les arguments de la requérante concernant l’allégernicité du soja modifié, par lesquels elle fait valoir, en substance, une violation du point 1.5 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013. Les réponses qu’a données la Commission aux interrogations soulevées dans la demande de réexamen interne quant à cette problématique figurent au point 1.4 de l’appréciation détaillée.

99      Au point 1.4 de l’appréciation détaillée, la Commission a, en substance, rappelé que, dans la demande de réexamen interne, la requérante avait critiqué le fait que l’allérgénicité de la protéine Bt Cry1Ac, c’est-à-dire la source de la protéine Cry1A.105, présente dans le soja modifié, n’aurait pas été analysée en détail. À l’appui de son raisonnement, la requérante avait fait référence à l’étude Santos‑Virgil et al. (2018), selon laquelle la protéine Cry1Ac est considérée comme étant allergène. La Commission a répondu à cette critique de la requérante en faisant référence à l’étude Parenti et al. (2019). Les auteurs de cette étude avaient été chargés par l’EFSA d’évaluer les propriétés d’adjuvant et l’immunogénicité de certaines protéines en cause. Il ressort, selon la Commission, de cette dernière étude que l’immunogénicité des protéines Cry était plausible. Toutefois, il en aurait également résulté que l’effet allergénique ne posait pas de problème, puisque le dosage des toxines Bt, exprimées dans les plantes alimentaires, aurait été trop faible.

100    La requérante conteste ces appréciations en soulignant que l’étude Parenti et al. (2019) n’avait pas pris en compte l’effet amplificateur que les inhibiteurs de protéase pourraient avoir sur les toxines Bt. Ce faisant, elle ne démontre toutefois pas l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation qui entacherait la décision attaquée, puisqu’elle ne place pas l’argumentation de la Commission dans le bon contexte, à savoir le contexte qui a entouré l’évaluation mentionnée dans l’étude Santos‑Virgil et al. (2018).

101    En effet, l’étude Parenti et al. (2019), qui a servi de base à la réponse de la Commission et qui figure dans l’annexe A.19 de la requête, ne semble, certes, pas se référer effectivement aux inhibiteurs de protéase, même si, dans la seconde phrase du cinquième paragraphe du point 3.1.2 de cette publication, il est indiqué ce qui suit :

« D’autres aspects de la structure des protéines susceptibles d’être pertinents pour l’adjuvanticité et l’immunogénicité sont la solubilité, la stabilité, la taille et la compacité du pli global. Ces aspects reflètent la dépendance de l’allergénicité vis-à-vis du transport à travers les barrières muqueuses et la sensibilité aux protéases. Même si la plupart des allergènes peuvent être regroupés en un petit nombre de classes structurelles, un repliement spécifique caractérisant la protéine allergène n’a pas été identifié, et peu de caractéristiques structurelles, voire aucune, ne sont actuellement connues pour être communes aux allergènes, ce qui montre plutôt une grande variété de structures secondaires et un repliement. »

102    Il n’empêche toutefois que les résultats de l’étude Parenti et al. (2019) et les inhibiteurs de protéase ont fait l’objet d’une évaluation par l’EFSA. En effet, il résulte de la ligne 71 du rapport technique que :

« En ce qui concerne les effets immunogènes potentiels des protéines Bt, l’EFSA a précédemment publié des rapports scientifiques complets portant sur des questions similaires sur l’évaluation par l’EFSA des [bonnes pratiques de fabrication] et les effets potentiels des protéines Bt sur le système immunitaire (par exemple, le [groupe scientifique OGM], 2017b ; EFSA, 2018b ; Parenti et al., 2019). En résumé, le [groupe scientifique OGM] ne trouve aucune indication selon laquelle les protéines Bt dans le maïs [génétiquement modifié] empilé et le soja [génétiquement modifié] empilé évalués par [ledit] groupe scientifique pourraient agir en tant qu’adjuvants susceptibles d’améliorer une réponse spécifique à l’immunoglobuline E (IgE) et de favoriser le développement d’une réaction allergique. En outre, étant donné qu’aucune des protéines nouvellement exprimées dans les plantes génétiquement modifiées évaluées n’a montré de potentiel allergénique, compte tenu des connaissances actuelles, aucune raison de préoccupation n’est attendue quant à la présence simultanée de ces protéines nouvellement exprimées dans le maïs [génétiquement modifié] empilé et le soja [génétiquement modifié] empilé. »

103    Les auteurs du rapport technique ont également pris en compte certains inhibiteurs de protéase. Ainsi, il est indiqué dans ledit rapport que :

« Finalement, l’évaluation de l’allergénicité de l’ensemble des plantes génétiquement modifiées a également été prise en considération. Les inhibiteurs de protéase sont des composés naturellement présents dans des cultures spécifiques. À cet égard, il convient de noter que la composition de la plante génétiquement modifiée a également été analysée et qu’elle comprenait une analyse de l’inhibiteur de la trypsine de Kunitz dans le cas du soja. Compte tenu de toutes les informations disponibles, le groupe scientifique OGM considère qu’il n’existe aucune preuve que la modification génétique pourrait modifier substantiellement l’allergénicité globale du maïs [génétiquement modifié] empilé et du soja [génétiquement modifié] empilé évalués par rapport aux comparateurs non génétiquement modifiés et aux variétés de référence non génétiquement modifiées testées. »

104    Or, il convient de rappeler que le rapport technique est au cœur de l’appréciation détaillée et de la décision attaquée, ainsi qu’il ressort de cette dernière. Par conséquent, contrairement à ce que suggère la requérante, lorsqu’elle a rejeté la pertinence des résultats de l’étude Santos-Virgil et al. (2018), la Commission ne s’est donc nullement cantonnée à la simple prise en compte de l’étude Parenti et al. (2019). Dans les faits, elle avait également fait siennes les considérations figurant dans ledit rapport, selon lesquelles, en substance, l’allergénicité du soja modifé avait bel et bien été analysé sous l’angle des inhibiteurs de protéase, notamment et à tout le moins, sous l’angle de l’inhibiteur de la protéase trypsin du type Kunitz.

105    La requérante n’aborde pas les résultats des études Santos-Virgil et al. (2018) et Parenti et al. (2019) dans le contexte des conclusions exprimées par l’EFSA dans le rapport technique, mentionnées au point 102 ci‑dessus. En particulier, elle omet d’aborder la problématique de l’allergénicité du soja modifié en tenant compte des données concernant l’inhibiteur de la protéase trypsin du type Kunitz. Il s’ensuit que la requérante ne considère pas la problématique de l’effet de ces inhibiteurs de protéase sur les toxines Bt à la lumière de la totalité des informations qui ont servi de base pour l’élaboration de l’appréciation détaillée de la Commission. Elle ne parvient donc pas à priver de plausibilité les appréciations contenues dans l’appréciation détaillée à cet égard, raison pour laquelle elle ne parvient pas à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la Commission. Il y a donc lieu de rejeter ses arguments comme étant non fondés.

106    Enfin, dans la mesure où, dans le contexte de l’allégernicité, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir demandé à Monsanto la présentation d’études par administration orale du soja modifié, cet argument ne saurait non plus prospérer.

107    D’une part, c’est uniquement dans le contexte de la toxicité que de telles études peuvent être demandées au demandeur d’autorisation, ainsi qu’il résulte notamment des dispositions figurant au point 1.4.4.1 de la partie II de l’annexe I, au point 1.4, deuxième paragraphe, sous d), au point 1.4.1, troisième paragraphe, sous e), ainsi qu’aux points 1.4.3, 1.4.4 et 1.4.4.1 du règlement d’exécution no 503/2013.

108    D’autre part et en tout état de cause, la requérante n’explicite pas en quoi des études supplémentaires concernant l’administration orale du soja modifié dans son ensemble à des rongeurs auraient été encore nécessaires, alors que l’EFSA avait d’ores et déjà constaté dans le rapport technique qu’« il n’y a[vait] aucune preuve que la modification génétique pût modifier substantiellement l’allergénicité globale du maïs [génétiquement modifié] empilé et du soja [génétiquement modifié] empilé évalués ».

109    Par ailleurs, la requérante doute du fait que la Commission ait évalué l’allergénicité du soja modifié dans son ensemble et qu’il y ait eu suffisamment d’éléments permettant de conclure à l’innocuité des protéines nouvellement exprimées lorsqu’elles sont combinées les unes avec les autres ou avec les autres composants du soja modifié, dont les inhibiteurs de protéase ; les allégations y relatives qui figurent dans l’appréciation détaillée seraient péremptoires (voir point 75 ci‑dessus).

110    Ces doutes, qui n’ont pas été formulés comme un reproche spécifique, mais qui se lisent comme une conclusion globale, sont non fondés. Dans l’annexe A du rapport technique, l’EFSA a procédé à une analyse scientifique approfondie des arguments soulevés dans la demande de réexamen interne en ce qui concerne l’allergénicité du soja modifié, y compris en ce qui concerne l’incidence des inhibiteurs de protéase. Au vu de cette analyse, à laquelle la Commission s’est entièrement ralliée, la conclusion de cette institution ne saurait être qualifiée de « péremptoire ».

111    Compte tenu de ce qui précède, la seconde branche du moyen unique doit être rejetée dans son intégralité, tout comme ce moyen en tant que tel.

112    Il s’ensuit que le présent recours doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TestBioTech eV supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Marcoulli

Tomljenović

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions

En droit

Observations préliminaires

Sur le moyen unique

Sur la première branche, concernant l’exposition à l’application d’herbicides

Sur la seconde branche, concernant l’évaluation de l’allergénicité et de la toxicité

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.