Language of document : ECLI:EU:T:2023:648

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

18 octobre 2023 (*)

« Environnement – Produits génétiquement modifiés – Maïs génétiquement modifié contenant, consistant en ou produit à partir de MON 87427 × MON 87460 × MON 89034 × MIR162 × NK603 et ses sous-combinaisons – Rejet d’une demande de réexamen interne d’une décision d’autorisation de mise sur le marché – Erreur manifeste d’appréciation – Article 10 du règlement (CE) no 1367/2006 – Articles 4 à 6 et 16 à 18 du règlement (CE) no 1829/2003 – Article 5 du règlement d’exécution (UE) no 503/2013 »

Dans l’affaire T‑605/21,

TestBioTech eV, établie à Munich (Allemagne), représentée par Mme K. Smith, barrister,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes I. Galindo Martín et F. Castilla Contreras, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes A. Marcoulli, présidente, V. Tomljenović (rapporteure) et M. W. Valasidis, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, TestBioTech eV, demande l’annulation de la décision de la Commission européenne du 8 juillet 2021 (ci-après la « décision attaquée ») rejetant les motifs exposés dans sa demande de réexamen interne introduite au titre de l’article 10, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), à l’encontre de la décision d’exécution (UE) 2021/61 de la Commission, du 22 janvier 2021, autorisant la mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié MON 87427 × MON 87460 × MON 89034 × MIR162 × NK603 et du maïs génétiquement modifié combinant deux, trois ou quatre des événements simples MON 87427, MON 87460, MON 89034, MIR162 et NK603, consistant en ces maïs ou produits à partir de ceux-ci, en application du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil (JO 2021, L 26, p. 12, ci-après la « décision d’autorisation »).

 Antécédents du litige

2        Le 28 octobre 2016, Monsanto Europe S.A./N.V., agissant au nom de Monsanto Company, États-Unis (ci-après « Monsanto »), a soumis à l’autorité compétente des Pays-Bas, conformément aux articles 5 et 17 du règlement (CE) no 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (JO 2003, L 268, p. 1), une demande de mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié MON 87427 × MON 87460 × MON 89034 × MIR162 × NK603 et du maïs génétiquement modifié combinant deux, trois ou quatre des événements simples MON 87427, MON 87460, MON 89034, MIR162 et NK603, consistant en ces maïs ou produits à partir de ceux-ci (ci-après le « maïs modifié »), destinés à l’importation, à la transformation et à toutes les utilisations comme tout autre maïs, à l’exclusion de la culture, dans l’Union européenne.

3        Le maïs modifié est un organisme génétiquement modifié au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 1829/2003, lu conjointement avec l’article 2, sous 2), de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil (JO 2001, L 106, p. 1). C’est un produit hybride qui combine le matériel génétique de certaines plantes parentales qui expriment les protéines suivantes :

–        MON 87427 qui exprime la protéine 5-enolpyruvylshikimate-3-phosphate synthase (CP4 EPSPS) ; une plante qui exprime la protéine CP4 EPSPS a une faible affinité pour le glyphosate, de sorte que la croissance d’une telle plante est préservée, lorsqu’elle est traitée avec des herbicides à base de glyphosate ; les plantes qui sont dépourvues du CP4 EPSPS (par exemple, les mauvaises herbes trouvées dans l’agriculture) meurent quand elles sont exposées à de tels herbicides ;

–        MON 87460 qui présente une résistance à la sécheresse et exprime notamment la protéine dite « protéine de choc froid » (CspB), qui est associée à une meilleure tolérance au stress abiotique chez les bactéries ;

–        MON 89034 qui exprime les protéines insecticides Cry1A.105 et Cry2Ab2 ; les protéines dénommées « Cry » sont des toxines sécrétées par la bactérie Bacillus thuringiensis qui est une bactérie vivant dans le sol ; les toxines Cry peuvent être extraites et utilisées comme pesticide biologique ; ces toxines sont communément appelées « toxines Bt » ;

–        MIR 162 qui exprime les protéines insecticides Vip3Aa20 et la phosphomannose isomérase (PMI) ; les protéines Vip3Aa20 peuvent être utilisées comme insecticide ; la PMI est une enzyme utilisée comme marqueur de sélection, c’est‑à‑dire comme un gène permettant d’identifier les cellules qui ont été transformées au cours du processus de génie génétique grâce à l’expression de ce gène ; la PMI contribue au métabolisme du mannose qui inhibe généralement la croissance, la respiration et la germination des racines ;

–        NK 603 qui exprime deux variantes de la protéine CP4 EPSPS  pour la tolérance aux herbicides contenant du glyphosate.

4        Ainsi, le maïs modifié combine le caractère de tolérance aux herbicides de MON 87427, le caractère de résistance à la sécheresse de MON 87460 et le caractère insecticide de MON 89034 et de MIR 162. Étant donné qu’il incorpore plus d’un événement de transformation simple, c’est-à-dire plus d’une modification génétique, le maïs modifié est une plante génétiquement modifiée contenant des événements de transformation empilés. Le maïs modifié est donc un « événement empilé » et compte, en outre, 25 sous‑combinaisons possibles.

5        Le 3 juillet 2019, le groupe scientifique sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) (ci‑après le « groupe scientifique OGM ») a rendu un avis sur la demande d’autorisation (ci‑après l’« avis de l’EFSA du 3 juillet 2019 »), dont la conclusion était que, en ce qui concerne leurs effets potentiels sur la santé humaine et animale et sur l’environnement, le maïs modifié et ses sous‑combinaisons étaient aussi sûrs que leur comparateur non génétiquement modifié et les variétés non génétiquement modifiées testées.

6        Le 22 janvier 2021, ainsi qu’il ressort de l’article 2 de la décision d’autorisation, la Commission a autorisé, sous certaines conditions, aux fins de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 16, paragraphe 2, du règlement no 1829/2003 :

a)      les denrées alimentaires et les ingrédients alimentaires contenant le maïs modifié, consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci ;

b)      les aliments pour animaux contenant le maïs modifié, consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci ;

c)      les produits contenant le maïs modifié ou consistant en ce maïs, pour toute utilisation autre que celles prévues [sous] a) et b) [mentionnés ci-dessus], à l’exception de la culture.

7        Par une lettre du 27 août 2018, Monsanto Europe a informé la Commission qu’elle avait modifié sa forme juridique et changé sa dénomination sociale en Bayer Agriculture BVBA, Belgique. Par une lettre du 28 juillet 2020, elle a informé la Commission que, à partir du 1er août 2020, elle modifierait sa forme juridique et changerait sa dénomination sociale en Bayer Agriculture BV, Belgique. Par une lettre du 28 juillet 2020, elle a informé la Commission que, à partir du 1er août 2020, Monsanto modifierait, elle aussi, sa forme juridique et changerait sa dénomination sociale en Bayer CropScience LP, États-Unis.

8        Le 8 mars 2021, la requérante, qui est une association à but non lucratif visant à promouvoir la recherche dans le domaine de la biotechnologie, a introduit une demande de réexamen interne de la décision d’autorisation au titre de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 (ci-après la « demande de réexamen interne »). La Commission a demandé à l’EFSA d’apporter une assistance technique, en procédant à une analyse approfondie des aspects scientifiques de ladite demande.

9        Le 3 mai 2021, l’EFSA a publié un rapport technique sur les motifs scientifiques détaillés fournis par la requérante dans la demande de réexamen interne (ci-après le « rapport technique »). Dans ce rapport, qui s’intitule « Scientific assistance on the internal review under Regulation (EC) No 1367/2006 of the Commission Implementing Decisions on genetically modified soybean MON 87751 x MON 87701 x MON 87708 x MON 89788, maize MON 87427 x MON 87460 x MON 89034 x MIR162 x NK603 and subcombinations and maize MON 87427 x MON 89034 x MIR162 x MON 87411 and subcombinations », l’EFSA a conclu que ladite demande ne justifiait pas une réévaluation de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019 et de ses recommandations en matière de gestion des risques concernant le maïs modifié.

10      Le 8 juillet 2021, la Commission a répondu à la demande de réexamen interne par la décision attaquée. Dans cette décision, à laquelle était jointe, en tant qu’annexe II, une appréciation détaillée des motifs de réexamen invoqués, réalisée par la Commission (ci‑après l’« appréciation détaillée »), celle-ci a, en substance, relevé que les motifs invoqués par la requérante dans sa demande de réexamen interne, y compris le dossier technique détaillé fourni à l’appui, ne justifiaient pas un réexamen des conclusions et des recommandations en matière de gestion des risques, formulées par le groupe scientifique OGM sur le maïs modifié.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      À l’appui du présent recours, la requérante soulève un moyen unique. Avant d’y répondre, il y a lieu d’exposer certains éléments du cadre juridique pertinent.

 Observations préliminaires

14      Il ressort de l’article 10, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006, dans la version en vigueur à la date de l’introduction de la demande de réexamen interne, soit le 8 mars 2021, que toute organisation non gouvernementale satisfaisant aux critères prévus à l’article 11 de ce règlement est habilitée à introduire une demande de réexamen interne d’actes administratifs de portée individuelle, ayant un effet juridiquement contraignant et extérieur, cette demande devant préciser les motifs de réexamen.

15      Afin de préciser les motifs de réexamen de la façon requise, un demandeur de réexamen interne d’un acte administratif au titre du droit de l’environnement est tenu d’indiquer les éléments de fait ou les arguments de droit substantiels susceptibles de fonder des doutes plausibles, à savoir substantiels ou sérieux, quant à l’appréciation portée par l’institution ou l’organe de l’Union dans l’acte visé dans la demande de réexamen (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 69 ; du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, points 67, 83 et 88 et du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, point 57).

16      Lorsque la Commission conclut que les éléments de preuve apportés par un demandeur de réexamen interne sont substantiels et susceptibles de susciter des doutes sérieux quant à la légalité externe ou interne de l’octroi de l’autorisation, elle est tenue d’examiner d’office toutes les informations pertinentes (arrêts du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 85, et du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, point 216). Au terme de son réexamen, la Commission peut retirer ou modifier la décision d’autorisation, en faisant ainsi droit entièrement ou partiellement à la demande de réexamen, ou laisser inchangée l’autorisation, en rejetant ladite demande.

17      Si la demande de réexamen interne est rejetée, comme en l’espèce, la partie qui a introduit cette demande peut, en vertu de l’article 12 du règlement no 1367/2006, lu conjointement avec l’article 10 dudit règlement, former un recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou détournement de pouvoir contre la décision rejetant comme non fondée ladite demande devant les juridictions de l’Union, conformément à l’article 263 TFUE (arrêt du 12 septembre 2019, TestBioTech e.a./Commission, C‑82/17 P, EU:C:2019:719, point 38).

18      L’étendue du contrôle juridictionnel effectué par le juge de l’Union lors de son examen d’un recours en annulation introduit en vertu de l’article 12 du règlement no 1367/2006 à l’encontre d’une décision de la Commission sur une demande de réexamen interne adoptée en application de l’article 10 de ce même règlement ne diffère pas de l’étendue du contrôle juridictionnel que le Tribunal exerce sur le bien‑fondé des motifs des décisions attaquées directement sur le fondement de l’article 263, paragraphes 2 et 4, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 81).

19      À ce titre, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une institution de l’Union est appelée à effectuer des évaluations complexes, elle dispose d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice est soumis à un contrôle juridictionnel se limitant à vérifier si la mesure en cause n’est pas entachée d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir ou si l’autorité compétente n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 77 et jurisprudence citée).

20      Afin d’établir qu’une institution a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation d’un acte, les éléments de preuve apportés par le requérant doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de cette décision. Le moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste doit, dès lors, être rejeté si, en dépit des éléments avancés par le requérant, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable. Il en est particulièrement ainsi lorsque la décision en cause est entachée d’erreurs qui, fussent-elles prises dans leur ensemble, ne présentent qu’un caractère mineur insusceptible d’avoir déterminé l’administration (voir arrêt du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, point 246 et jurisprudence citée).

21      Par ailleurs, la limitation du contrôle du juge de l’Union n’affecte pas le devoir de celui-ci de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence ainsi que de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 79 et jurisprudence citée).

22      Enfin, il convient de rappeler que, lorsque les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent, notamment, l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce et le droit de l’administré de faire connaître son point de vue ainsi que de voir motiver la décision de façon suffisante (voir arrêt du 15 décembre 2016, TestBioTech e.a./Commission, T‑177/13, non publié, EU:T:2016:736, point 80 et jurisprudence citée).

 Sur le moyen unique 

23      Dans la requête, la requérante invoque l’existence d’« erreurs manifestes d’appréciation » ressortant du fait d’avoir « confirmé » la décision d’autorisation sans avoir veillé à ce que Monsanto fournît, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision d’autorisation, les données appropriées visées à l’article 5, paragraphe 3, sous f), à l’article 6, paragraphe 3, sous a), à l’article 17, paragraphe 3, sous f), à l’article 18, paragraphe 3, sous a), du règlement no 1829/2003 et à l’article 5 du règlement d’exécution (UE) no 503/2013 de la Commission, du 3 avril 2013, relatif aux demandes d’autorisation de denrées alimentaires et d’aliments pour animaux génétiquement modifiés introduites en application du règlement no 1829/2003 et modifiant les règlements de la Commission (CE) no 641/2004 et (CE) no 1981/2006 (JO 2013, L 157, p.1). La Commission n’aurait pas veillé à ce que l’EFSA effectuât une évaluation des risques adéquate du « plus haut niveau possible », en se focalisant notamment sur la question de savoir si l’empilement de gènes que présente le maïs modifié a des effets potentiels sur l’expression génétique de cette plante modifiée lorsqu’il est exposé à la sécheresse et aux herbicides, pris isolément ou conjointement.

24      Or, formulés de cette manière, ces arguments sont inopérants. En effet, la question qui peut se poser dans le cadre d’un recours tel que celui en cause n’est pas celle de savoir si la Commission était tenue de « veiller » à ce que le demandeur d’autorisation ou l’EFSA satisfissent aux obligations qui leur incombent en raison du règlement no 1829/2003 et du règlement d’exécution no 503/2013 dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision d’autorisation. Est pertinente, en revanche, dans un cas tel que celui en cause, la question de savoir si et comment la Commission a répondu aux éléments soulevés dans la demande de réexamen interne (voir point 15 ci‑dessus).

25      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure, la requérante a précisé que, par le moyen unique, elle invoquait en réalité une violation des exigences matérielles prévues à l’article 4, paragraphe 1, sous a), et à l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, qui font partie aussi bien de l’ensemble des conditions auxquelles doit répondre une autorisation conformément à l’article 4, paragraphes 2, 3 et 5, et à l’article 16, paragraphes 2, 3, et 5, du règlement no 1367/2006, que de l’ensemble des conditions à la lumière desquelles doit être effectué l’examen permettant d’adopter une décision telle que la décision attaquée.

26      Une interprétation des griefs invoqués dans la requête à la lumière du droit à un recours effectif, garanti par l’article 47, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, impose en effet, de les regarder comme avancés au soutien d’un moyen unique tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec certaines dispositions figurant à l’annexe II de ce règlement, telles que mentionnées dans la requête.

27      En l’espèce, l’impératif figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous a), et à l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006 et visant à ce que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux n’aient pas des effets négatifs sur la santé humaine, la santé animale ou l’environnement est le critère d’appréciation matériel fondamental selon lequel doit être mesurée tant une autorisation telle que celle en cause, conformément à l’article 4, paragraphes 2, 3 et 5, et à l’article 16, paragraphes 2, 3, et 5, du règlement no 1367/2006, qu’une décision fondée sur l’article 10, paragraphe 2, du règlement no 1367/2006, telle que la décision attaquée.

28      Le moyen unique a trait à trois aspects distincts, à savoir, premièrement, l’exposition à des conditions de sécheresse, deuxièmement, l’exposition à l’application d’herbicides et, troisièmement, l’exposition à une combinaison de conditions de sécheresse et d’application d’herbicides, qu’il convient d’aborder comme étant trois différentes branches dudit moyen.

 Sur la première branche, concernant l’exposition de cette plante à des conditions de sécheresse

29      La requérante avance en substance que les réponses données par la Commission dans la décision attaquée aux critiques formulées dans la demande de réexamen interne quant à la possibilité que la sécheresse ait une incidence négative sur l’expression génétique du maïs modifié sont entachées de cinq erreurs manifestes d’appréciation, dont l’existence permet de conclure que cette institution a violé en particulier l’article 4, paragraphe 1, sous a), et l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec le point 1.2.2.3 et le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II dudit règlement d’exécution.

30      En premier lieu, la Commission aurait eu tort de considérer qu’il n’y avait pas lieu de demander la conduite d’essais au champ en conditions de sécheresse pour le maïs modifié, en se fondant sur la conclusion exprimée au point 3.4.2.4 de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019, selon laquelle les conditions de culture et les conditions météorologiques et agronomiques dans lesquelles le maïs modifié avait été testé, telles qu’exposées dans la documentation fournie par Monsanto, reproduisaient de manière adéquate la diversité des conditions environnementales et agronomiques dans lesquelles le maïs modifié serait cultivé en pratique. De même, la Commission aurait eu tort de considérer qu’il n’y avait pas lieu de demander la conduite d’essais au champ en conditions de sécheresse pour le maïs modifié du simple fait que l’analyse comparative en conditions de stress hydrique et de stress d’autre nature de la plante parentale MON 87460, à savoir l’événement conférant une tolérance accrue à la sécheresse, avait été spécialement réalisée pour cet événement et que rien n’aurait indiqué l’existence d’interactions entre les événements.

31      Ainsi, premièrement, contrairement aux exigences visées au point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, la diversité des sites utilisés pour les essais au champ fournis par Monsanto dans sa documentation n’aurait pas été suffisamment grande pour permettre de tirer des conclusions fiables quant à la manière dont le maïs modifié réagira aux différents milieux dans lesquels il sera cultivé. De plus, contrairement à l’exigence visée au point 1.2.2.3 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, la Commission n’aurait pas suffisamment évalué de données sur l’expression de protéines obtenues à partir des essais au champ et « mises en relation avec les conditions de culture » pertinentes en cause. En effet, seuls quatre échantillons provenant de cinq sites américains (situés dans cinq États américains) proches les uns des autres auraient été utilisés en 2014 pour générer les données sur l’expression génétique. Or, tout d’abord, les conditions climatiques des pays qui sont les principaux exportateurs de maïs vers l’Union (par exemple, le Brésil) présenteraient de grandes différences. Ensuite, non seulement les sites choisis pour réaliser les essais au champ n’auraient pas été représentatifs des conditions climatiques des principaux pays exportateurs de maïs vers l’Union, mais ils n’auraient été représentatifs que d’un nombre très limité de conditions climatiques et environnementales par rapport à celles qui existent dans les principales régions productrices de maïs. Enfin, les données météorologiques de 2014 mentionnées dans la documentation de Monsanto auraient montré qu’il y a eu plus de précipitations qu’habituellement sur les sites situés dans l’Illinois (États-Unis), ainsi que cela ressortirait, en particulier, des explications exposées dans le dossier technique joint à la demande de réexamen interne.

32      Deuxièmement, il aurait été également erroné de la part de la Commission de se rallier à la conclusion exprimée par l’EFSA dans la note en bas de page no 14 insérée au point 3.4.2.4 de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019, selon laquelle il n’y avait pas eu lieu de demander la conduite d’essais au champ en conditions de sécheresse pour le maïs modifié, puisque le parent en cause, à savoir le maïs modifié MON 87460, aurait déjà été évalué en conditions de « stress hydrique » et puisque rien n’aurait indiqué l’existence d’interactions entre les événements. Même s’il doit être admis qu’il existe des données sur l’expression génétique, obtenues à partir de la plante parentale en cause cultivée dans des conditions de sécheresse, toujours est‑il que ces données ne seraient aucunement probantes en ce qui concerne l’innocuité du maïs modifié. Tel serait le cas, puisque la combinaison d’événements en un événement empilé, comme l’est le maïs modifié, peut entraîner des synergies qui peuvent ne pas être présentes si l’on considère l’un ou l’autre des facteurs pris isolément (tels que la plante parentale).

33      Selon la requérante, en raison de la concentration plus élevée des protéines EPSPS dans le maïs modifié par rapport à la plante parentale MON 87460 et de l’ajout d’autres protéines ou de toxines Bt, les essais au champ avec le maïs génétiquement modifié MON 87460 étaient insuffisants pour déterminer comment les différentes protéines du maïs modifié réagiraient aux conditions de sécheresse. Toujours selon la requérante, la Commission aurait, de fait, dû examiner comment chacune de ces protéines réagit dans des conditions de sécheresse en effectuant des essais au champ dans des conditions de sécheresse sur les plantes parentales concernées.

34      En deuxième lieu, serait également erronée la réponse de la Commission quant à la pertinence d’une étude invoquée par la requérante dans la demande de réexamen interne, à savoir l’étude Trtikova et al. (2015) [Trtikova M, Wikmark OG, Zemp N, Widmer A and Hilbeck A – Transgene expression and Bt protein content in transgenic Bt maize (MON 810) under optimal and stressful environmental conditions. PLoS ONE, 10(4): e0123011, April 8, 2015]. Plus précisément, au point 1.2.1 de l’appréciation détaillée, la Commission aurait estimé en substance que les résultats constatés par Trtikova et al. (2015) avaient déjà été évalués par l’EFSA, que ces résultats concernaient uniquement le maïs génétiquement modifié MON 810 et que les conclusions de l’EFSA sur les résultats de Trtikova et al. (2015) concernant le MON 810 étaient valides et applicables au maïs modifié en cause en l’espèce. Or, cette réponse serait insuffisante. En effet, les résultats de Trtikova et al. (2015) ne sauraient être examinés uniquement au regard de l’événement spécifique en cause, à savoir MON 810, ou des plantes exprimant la protéine Cry1Ab. En revanche, l’étude de Trtikova et al. (2015) aurait dû être considérée comme faisant partie d’un vaste et solide corpus de recherches qui indique que l’expression des gènes, en particulier, la teneur en protéines Bt et en Vip3Aa20, est influencée par les milieux environnementaux ou variétaux. La requérante soutient que, face à ce corpus de recherches, qui inclut huit autres études mentionnées au point 26 de la réplique, la Commission aurait dû se lancer dans un nouvel examen avec l’aide de l’EFSA pour comprendre le rôle que jouent les milieux environnementaux et variétaux dans l’expression génétique du maïs modifié.

35      En troisième lieu, serait constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation le fait que la Commission n’a pas tenu compte d’autres publications scientifiques mentionnées dans la demande de réexamen interne qui faisait état d’une incidence éventuelle imprévisible sur le niveau d’expression des protéines. Au mépris du fait que, selon l’EFSA elle‑même, les publications mentionnées dans la demande de réexamen interne permettaient de retenir que le niveau d’expression des protéines pouvait être influencé par des conditions de stress, la Commission aurait, au point 1.2.1 de l’appréciation détaillée, simplement conclu que l’incidence éventuelle sur le niveau d’expression des protéines était imprévisible et pouvait se traduire tant par une augmentation que par une diminution du niveau d’expression des protéines. Or, compte tenu du principe de précaution, loin de permettre à la Commission de s’arrêter dans son examen, la constatation selon laquelle les effets potentiels  des facteurs de stress sur le niveau d’expression des gènes étaient « imprévisibles », aurait dû conduire à ce que la Commission évalue avec encore plus d’attention et de méticulosité l’expression des gènes du maïs modifié dans les bonnes conditions de culture. Il y aurait eu lieu de rechercher notamment si et dans quelle mesure l’expression des protéines supplémentaires est affectée par les facteurs de stress environnementaux tels que la sécheresse.

36      En quatrième lieu, selon la requérante, c’est à tort que la Commission n’a pas tenu compte des conclusions d’un certain nombre d’études spécifiques invoquées dans la demande de réexamen interne pour démontrer la nécessité d’effectuer des essais au champ supplémentaires portant sur l’éventuel impact de conditions climatiques plus extrêmes et de facteurs de stress tels que la sécheresse sur le maïs modifié, pour la simple raison que les études citées par elle ne concernaient pas le maïs. Elle soutient que l’approche de la Commission qui ressort du point 1.2.1 de l’appréciation détaillée et qui vise à écarter l’analyse scientifique présentée par la requérante à l’appui de conclusions des études Wang et al. (2014), Yang et al. (2017), Fang et al. (2018), Beres et al. (2018) et Beres (2019), au simple motif que ces effets auraient été observés dans le riz, dans Arabidopsis thaliana et dans Conyza canadensis, mais non dans le maïs, est erronée. En effet, des effets pléiotropiques auraient déjà été démontrés dans des espèces des deux catégories de plantes à fleurs, à savoir les monocotylédones, tels que le riz et le maïs, et les dicotylédones, tels que Arabidopsis thaliana. Cette dernière serait, ainsi qu’il ressortirait de certaines études, « la plante de référence usuelle pour l’ensemble de la biologie ». Or, l’émergence d’effets pléiotropiques dans les plantes Arabidopsis thaliana, qui ont été génétiquement modifiées avec le gène EPSPS, serait la preuve éclatante de la circonstance, plus générale, qu’une modification génétique avec le gène EPSPS peut entraîner une altération de l’expression génétique des plantes soumises à ladite modification génétique. L’argument selon lequel les conclusions ne sont pertinentes que pour Arabidopsis thaliana serait contredit par les recherches scientifiques sous-jacentes. Par exemple, les auteurs des études Beres et al. (2018) et Beres (2019) indiqueraient qu’il n’est pas improbable que de tels effets existent également dans d’autres espèces végétales. En effet, l’étude Beres et al (2018) serait partie d’observations faites sur plus de 10 mauvaises herbes pour lesquelles les chercheurs auraient découvert que, lorsqu’elles étaient exposées à des quantités élevées de glyphosate, les plantes acquéraient une résistance au glyphosate de manière autonome en surproduisant le gène EPSPS, de sorte qu’elles fabriquaient jusqu’à 100 copies supplémentaires du gène EPSPS pour répondre à des niveaux élevés de glyphosate. Partant, les effets pléiotropiques trouvés dans Arabidopsis thaliana seraient clairement pertinents pour toutes les plantes dans lesquelles des gènes EPSPS supplémentaires ont été insérés, telles que le maïs modifié, à moins que le contraire ait été démontré pour cette même plante. Or, la Commission n’aurait pas produit d’élément démontrant que ces effets n’existent pas dans le maïs.

37      En cinquième lieu, la Commission n’aurait pas été fondée à déclarer, ainsi qu’elle l’aurait fait au point 1.2.1 de l’appréciation détaillée, qu’il serait impossible d’évaluer les événements de modification génétique « dans tous les milieux récepteurs possibles ». Selon la requérante, la Commission n’a pas répondu à son allégation selon laquelle la diversité des milieux récepteurs devrait être suffisante pour saisir la diversité des conditions météorologiques et agronomiques auxquelles la plante est susceptible d’être exposée. Or, les essais au champ avec le maïs modifié qui ont été menés, en l’espèce, n’auraient pas été réalisés en conformité avec la condition liée à la diversité des milieux récepteurs.

38      La Commission conteste les arguments de la requérante.

39      Il convient de relever que, par ses allégations mentionnées aux points 30 à 37 ci‑dessus, qui concernent en substance la réalisation de toute une série d’essais sur certaines plantes, la requérante ne fournit aucun élément qui priverait de plausibilité les appréciations des faits, retenus dans la décision attaquée, en ce qui concerne les effets que pourraient avoir les conditions de sécheresse sur l’expression génétique du maïs modifié. Il s’ensuit que la requérante ne démontre pas l’existence d’erreurs manifestes entachant la décision attaquée et, dès lors, une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec le point 1.2.2.3 et le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 ne peut être constatée. Toutes ces allégations doivent, dès lors, être écartées, quoique pour des motifs différents.

40      En premier lieu, les arguments de la requérante selon lesquels, en substance, c’est à tort que la Commission n’a pas demandé la réalisation d’essais au champ permettant de vérifier quel serait l’impact de la sécheresse sur l’expression génétique du maïs modifié (voir points 30 à 32 ci-dessus) sont dépourvus de fondement.

41      En effet, au troisième alinéa du point 3.2 (à la page 9) du rapport technique, l’EFSA avait énoncé le standard de preuve scientifique duquel elle entendait faire dépendre son évaluation, qui est différent du standard invoqué par la requérante. Selon les appréciations de l’EFSA, « [i]l n’est pas obligatoire de mener des essais au champ dans des conditions météorologiques extrêmes ». Ainsi qu’il ressort du même point, « [s]i les plantes génétiquement modifiées présentent des caractères spécifiquement destinés à réduire la sensibilité de la plante à un facteur de stress abiotique déterminé, des essais au champ substantiels sont nécessaires dans le cadre d’une évaluation des risques beaucoup plus vaste ». Il suffit pourtant, pour de tels essais, qu’ils soient réalisés sur tous les sites « sur un gradient naturel du facteur de stress ou au moyen d’une manipulation locale de l’environnement ». En outre, l’EFSA ajoute dans ledit rapport que « [l]’absence de signalement d’événements extrêmes ne signifie pas que les plantes n’ont pas été exposées à des facteurs de stress abiotiques et biotiques : ceux-ci se manifestent de manière naturelle pendant la culture dans des conditions environnementales typiques ». La Commission a, en substance, fait siennes ces appréciations au point 1.2.1 de l’appréciation détaillée.

42      Le standard de preuve appliqué en l’espèce par l’EFSA permet en particulier la prise en compte des facteurs de stress abiotiques et biotiques sur un gradient naturel, étant rappelé que l’absence de signalement d’événements extrêmes ne signifie pas que les plantes n’ont pas été exposées à des facteurs de stress abiotiques et biotiques. La requérante ne remet pas en cause, de manière étayée et preuves à l’appui, le bien‑fondé du niveau de preuve scientifique choisi par l’EFSA pour fonder son évaluation. Elle invoque, certes, la nécessité que le maïs modifié soit effectivement exposé à des conditions de sécheresse naturelles ou artificielles, ce qui équivaut à l’existence d’un standard de preuve différent, mais elle n’explicite pas pourquoi ce standard de preuve serait mieux adapté que celui choisi par l’EFSA aux fins de l’interprétation, en l’espèce, des expressions « conditions de culture », « conditions météorologiques et agronomiques de culture » et « représentativité des différents environnements récepteurs supposés dans lesquels la plante est destinée à être cultivée » qui figurent au point 1.3.2.1, sous b), premier à troisième alinéas, de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution n503/2013. Tant que le bien‑fondé du standard de preuve de l’EFSA n’a pas été remis en cause en tant que tel, il ne saurait être valablement reproché à la Commission de ne pas avoir demandé que le maïs modifié soit exposé à des conditions de sécheresse pour vérifier l’impact de telles conditions sur l’expression génétique dudit OGM.

43      Enfin, force est de constater que, à la page 21 de la demande de réexamen interne, la requérante a admis que, dans la documentation accompagnant sa demande d’autorisation, Monsanto avait signalé des cas de sécheresse, de chaleur, de froid et d’inondations, ainsi que de gel, durant les essais au champ. Ces éléments semblent avoir été portés à la connaissance de l’EFSA pour tenir compte de la règle figurant, notamment, au troisième alinéa du point 3.2 (à la page 9) du rapport technique, et selon laquelle « l’apparition de conditions météorologiques extrêmes doit être signalée, afin d’établir un lien entre ces événements et les données recueillies lors des essais sur le terrain ». La requérante n’explicite pas pourquoi les résultats concernant les cas de sécheresse signalés par Monsanto à l’EFSA ne suffisaient pas pour répondre au standard de preuve scientifique qu’elle s’est donnée elle-même. Elle ne relie pas non plus les cas de sécheresse signalés par Monsanto au standard de preuve utilisé par l’EFSA portant sur des facteurs de stress abiotiques et biotiques sur un gradient naturel, afin de démontrer une mauvaise application de ce standard.

44      Pour ces motifs, la première erreur de la Commission alléguée par la requérante (voir point 30 ci‑dessus) ne peut être constatée. Une violation du point 1.3.2.1, sous b), premier à troisième alinéas, de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013 n’est donc pas démontrée.

45      Ne peuvent pas non plus prospérer, par ailleurs, les autres griefs invoqués pour démontrer la première erreur de la Commission alléguée par la requérante, à savoir, d’une part, l’argument lié au caractère prétendument « extrêmement limité » de la diversité des milieux récepteurs dans lesquels les essais au champ pour l’expression génétique avaient été conduits (voir point 30 ci‑dessus) et, d’autre part, l’argument tiré de l’insuffisance des réponses de la Commission à la question de savoir si l’analyse comparative en conditions de stress hydrique et de stress d’autre nature de la plante parentale MON 87460 pouvait suffire (voir point 30 ci‑dessus).

46      D’une part, il ressort du point 1.2.3 de l’appréciation détaillée qui accompagne la décision attaquée, que, étant donné que les milieux récepteurs sont très variés et dynamiques au fil du temps, il avait été « jugé impossible, en pratique, d’évaluer les événements de modification génétique dans tous les milieux de récepteurs possibles ». La requérante ne fournit aucun élément de preuve démontrant en quoi cette explication de la Commission serait inexacte ni en quoi le dispositif expérimental et le matériel d’essai utilisé pour examiner le maïs modifié auraient été incompatibles avec le point 1.3.2.1, sous b), premier à troisième alinéas, de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

47      De plus, force est de constater que le reproche visant à considérer que la diversité des sites américains choisis pour la réalisation des essais en champ aurait été « extrêmement limitée » manque en fait. En effet, ainsi qu’il résulte de la demande d’autorisation de Monsanto et de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019, il est constant que les essais au champ incluaient plusieurs sites dans plusieurs États américains différents, dans les principales régions productrices de maïs des États-Unis. En outre, au point 3.4.2.4 de son avis, l’EFSA a conclu, dans le cadre d’une analyse globale, que les emplacements géographiques, les caractéristiques du sol et les conditions météorologiques des sites en cause étaient typiques des milieux récepteurs où les matériels d’essai pouvaient être cultivés. Or, aucune preuve du contraire n’est apportée par la requérante.

48      La requérante allègue que les conditions des essais n’étaient pas représentatives des conditions climatiques des pays qui sont les principaux exportateurs de maïs vers l’Union européenne et cite l’exemple du Brésil. Cependant, elle n’étaye pas cet argument par un quelconque élément factuel, ni pour le Brésil ni pour d’autres grands exportateurs de maïs vers l’Union. Elle affirme, certes, dans ce contexte, que d’autres régions productrices « peuvent » avoir des taux de précipitation ou une température moyenne considérablement plus élevés ou plus bas. Toutefois, elle ne démontre pas quel taux de précipitation ni quelle température moyenne existent en général dans lesdits pays pour les périodes de récolte pertinentes en l’espèce.

49      Enfin, pour autant que la requérante avance que les données météorologiques existant en 2014 aux États-Unis, telles que mentionnées dans la documentation de Monsanto, ont montré qu’il y avait eu plus de précipitations qu’habituellement sur les sites situés dans l’Illinois et dans la mesure où, à l’appui de cet argument, elle fait référence aux diagrammes et aux cartes de l’État de l’Illinois figurant dans l’annexe A.10 à la requête, il y a lieu de constater que lesdits diagrammes et cartes concernent les années 2020 et 2021. Or, ces éléments ne sauraient nullement suffire pour démontrer l’état de précipitations en Illinois en 2014, qui était l’année au cours de laquelle les essais au champ en cause ont été réalisés. Par ailleurs, dans la mesure où la requérante renvoie, dans ce contexte, aux explications formulées dans le dossier technique joint à la demande de réexamen interne, il y a lieu de constater que ces explications ne sont, elles aussi, que de simples assertions non démontrées. Les quatre notes en bas de page qui figurent à la page 23 dudit dossier technique contiennent de simples références à certains sites Internet, mais une simple référence à un site Internet est insuffisante comme élément de preuve dans la présente procédure. En effet, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher sur des sites Internet, qui peuvent, d’ailleurs, changer, voire disparaître, à tout moment, des éléments de preuve qui pourraient être utilisés à l’appui du recours.

50      D’autre part, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, en substance, même s’il existe des données sur l’expression génétique obtenues à partir de la plante parentale MON 87460 cultivée dans des conditions de sécheresse, la prise en compte de ces données n’aurait pu aucunement suffire, puisque, dans la combinaison d’événements, spécifique au maïs modifié en cause, il existe des « synergies »  qui sont absentes dans ladite plante parentale (voir point 32 ci‑dessus).

51      En effet, la requérante ne remet pas en cause de manière étayée les explications figurant au point 3.4.1.4 de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019 qui visaient notamment et également la problématique liée aux « synergies » potentiellement présentes dans le maïs modifié (mais absentes dans la plante parentale MON 87460). Selon ces explications, lors des essais au champ, les événements MON 87427 × MON 87460 × MON 89034 × MIR162 × NK603 avaient été retenus dans leur intégrité et, s’agissant des analyses sur l’expression des protéines du maïs génétiquement modifié MON 87460, « rien n’indiqu[ait] qu’il exist[ait] des interactions susceptibles d’affecter l’intégrité des événements ou le niveau des protéines nouvellement exprimées dans l’empilement ». Ces constats avaient permis à l’EFSA de conclure qu’aucun problème de sécurité ne se posait en ce qui concerne l’événement empilé que constitue le maïs modifié. Ce faisant, l’EFSA a, de fait, extrapolé les résultats constatés chez les plantes parentales MON 87427 × MON 87460 × MON 89034 × MIR162 × NK603 et MON 87460 au maïs modifié, en donnant ainsi une réponse négative à la question de savoir si le maïs modifié présentait des « effets négatifs sur la santé humaine [ou] la santé animale » au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1829/2003. La requérante ne relie pas son argument tiré de l’existence de potentielles « synergies » affectant le maïs modifié (mais non la plante parentale MON 87460) à ces explications de l’EFSA. En effet, non seulement elle ne démontre pas une quelconque erreur qui entacherait la prémisse de l’EFSA selon laquelle aucune des plantes parentales en question (MON 87427 × MON 87460 × MON 89034 × MIR 162 × NK 603 ou encore MON 87460) n’avait posé problème sous l’angle de la stabilité des événements ou encore sous l’angle du niveau des protéines nouvellement exprimées dans l’empilement, mais elle n’évoque aucun élément qui pourrait faire douter du bien‑fondé de l’extrapolation qui a été effectuée par l’EFSA pour conclure que le maïs modifié ne présenterait pas d’« effets néfastes », au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1829/2003.

52      En outre, l’argument de la requérante mentionné au point 33 ci‑dessus doit être rejeté comme étant irrecevable conformément à l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, puisque, d’une part, il n’a été avancé ni dans la demande de réexamen interne ni dans la requête, mais uniquement au stade de la réplique et, d’autre part, il ne se fonde pas sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés lors de la procédure. En effet, au point 2.1.3 de ladite demande et aux points 68 à 73 de la requête, la requérante a affirmé que le maïs modifié aurait dû être testé en conditions de sécheresse, et non que chacune des plantes parentales autres que MON 87460 aurait dû être testée dans de telles conditions. En tout état de cause, le même argument est également dénué de fondement. En effet, la requérante n’avance aucune hypothèse de travail scientifique claire qui permettrait de conclure qu’il était nécessaire d’effectuer des essais en champ sur les plantes parentales concernées autres que MON 87460.

53      En deuxième lieu, les griefs de la requérante concernant l’étude Trtikova et al. (2015) ainsi que l’incidence de cette étude sur l’évaluation du maïs modifié ne sauraient non plus prospérer.

54      En résumé, la requérante avance que l’étude Trtikova et al. (2015) aurait dû « être considérée comme faisant partie d’un vaste et solide corpus de recherches qui indique que l’expression des gènes en général et la teneur en protéines Bt et en Vip3Aa20 en particulier sont influencées par les milieux environnementaux ou variétaux » et que le « corpus de recherches » résidant dans ladite étude aurait dû conduire à ce que l’EFSA procède à un « nouvel examen de l’EFSA au regard des particularités du maïs modifié, en particulier compte tenu de l’empilement de gènes beaucoup plus complexe et [du fait] qu’il comprend des conditions agronomiques dans lesquelles le maïs modifié est susceptible d’être cultivé ».

55      Mais cette thèse de la requérante ne convainc pas. En effet, il ressort de la page 2 de l’étude Trtikova et al. (2015) en substance que, l’objectif de cette étude était « d’explorer la relation entre l’expression du transgène Bt et la teneur en protéines Bt dans deux variétés [du] maïs [modifié MON 810], et de tester expérimentalement si les conditions de stress environnemental abiotique influencent la relation entre l’expression du transgène et la teneur en protéines ». En guise de conclusion, à la page 8 de ladite étude, ses auteurs ont indiqué qu’ils avaient « trouvé une grande variation dans l’expression transgénique [du maïs génétiquement modifié MON 810 et des plantes exprimant la protéine Cry1Ab] et la teneur en protéines Bt causée par le patrimoine génétique des plantes et les conditions environnementales » et que « toute évaluation des plantes transgéniques Bt sera[it] incomplète sans mesurer l’expression transgénique en conjonction avec la teneur en protéine Bt et son efficacité ». Les « conditions de stress environnemental abiotique » auxquels le maïs modifié MON 810 avait été exposé semblent avoir inclus également des conditions de culture de sécheresse.

56      L’EFSA et la Commission ont abordé l’étude Trtikova et al. (2015), respectivement, dans le rapport technique de l’EFSA du 21 octobre 2015 (annexe B 5 au mémoire en défense) et dans l’appréciation détaillée. Les termes employés par l’EFSA pour exprimer son point de vue quant à ladite étude ont été particulièrement clairs. Ainsi, aux pages 3 et 8 dudit rapport, l’EFSA a relevé que « [p]rises ensemble, les conclusions de l’étude Trtikova et al. (2015) ne présent[ai]ent aucune nouvelle information scientifique de nature à invalider les conclusions antérieures du groupe scientifique OGM relatives à l’évaluation des risques et aux recommandations concernant la gestion des risques présentés par le maïs MON 810 ou tout autre événement du maïs Bt exprimant Cry1Ab pour lequel il a émis un avis scientifique [...] ». Tel était, selon l’EFSA, le cas, puisque « [à] l’heure actuelle, [elle] n’a[vait] pas connaissance de [l’existence de] signaux d’alerte indiquant une augmentation de la tolérance au maïs Bt exprimant CrylAb dans les populations [des pyrales d’Europe ou encore des pyrales méditerranéennes ; l]es évaluations annuelles de la sensibilité [des pyrales d’Europe ou encore des pyrales méditerranéennes] à la protéine BtCrylAb aux États-Unis et dans l’[Union] n’[avaient] pas révélé de changement significatif de la sensibilité ni identifié de populations qui survivent sur des plants de maïs Bt exprimant CrylAb (après plus de 10 ans d’exposition à la protéine Bt CrylAb aux États-Unis) ». Pour fonder son avis, qui se fonde à l’évidence sur une expérience qui s’étale sur dix ans de culture, l’EFSA a renvoyé aux études suivantes : Farinos et al. (2004, 2011), Stodola et al. (2006), Andreadis et al. (2007), Siegfried et al. (2007), Crespo et al. (2009, 2010), EFSA (2011b, 2012, 2013, 2014, 2015), Siegfried et Hellmich (2012). Ce n’est qu’au terme d’une analyse de ces facteurs et de ces études que l’EFSA a estimé que les conclusions figurant dans l’étude Trtikova et al. (2015) n’avaient pas d’incidence sur les conclusions antérieures relatives à l’évaluation des risques ni sur les recommandations antérieures en matière de gestion des risques concernant le maïs MON 810 et tous les autres événements du maïs Bt exprimant la protéine Cry1Ab. Ce n’est également qu’au terme de l’analyse desdits facteurs et desdites études que l’EFSA a laissé entendre que les conclusions antérieures concernant l’évaluation des risques présentés par le maïs MON 810 resteraient valables et applicables. La Commission a fait siennes ces appréciations de l’EFSA au point 1.2.1 de l’appréciation détaillée.

57      La requérante n’explicite pas en quoi cette analyse de l’EFSA serait injustifiée ou insuffisante. Lorsqu’elle affirme que les conclusions figurant dans l’étude Trtikova et al. (2015) sont pertinentes de manière plus vaste – et pas uniquement pour le maïs MON 810 ou la variabilité du niveau des protéines Bt et Cry1Ab –, elle omet d’expliciter le point de départ scientifique qui permettrait de procéder à la démarche d’extrapolation qu’elle suggère. Cela aurait toutefois été nécessaire, puisque cette étude est consacrée à une évaluation des caractéristiques du maïs MON 810 et non à l’évaluation de la totalité des plantes parentales étant à la base du maïs modifié et encore moins de cette plante en tant que telle. La requérante n’aborde pas non plus l’analyse faite par l’EFSA en reliant ladite étude Trtikova et al. (2015) avec les études Farinos et al. (2004, 2011), Stodola et al. (2006), Andreadis et al. (2007), Siegfried et al. (2007), Crespo et al. (2009, 2010), EFSA (2011b, 2012, 2013, 2014, 2015), Siegfried et Hellmich (2012). Elle reste ainsi en défaut d’apporter des éléments permettant de conclure que la Commission a commis une erreur manifeste sur ce point. Les arguments de la requérante mentionnés au point 34 ci‑dessus ne peuvent donc qu’être écartés comme étant non fondés.

58      Enfin, dans le rapport technique, l’EFSA a évalué également une série de publications scientifiques citées par la requérante dans la réplique et qui semblent constituer le « vaste et solide corpus » de recherches mentionné par la requérante dans la requête. L’EFSA a, notamment sur la base d’autres études, conclu que les publications scientifiques mentionnées par la requérante n’avaient pas d’incidence sur ses conclusions et recommandations antérieures en matière de risques, y compris pour le maïs modifié. En effet, selon l’EFSA, « il existe[, certes,] des preuves dans les publications scientifiques évaluées par des pairs suggérant que des conditions stressantes pourraient dans certains cas être un facteur influençant l’expression des protéines », mais « les éventuelles conséquences sur la teneur en protéines sont imprévisibles et peuvent indiquer des niveaux de protéines plus élevés ou réduits ». La requérante n’aborde pas cette conclusion de l’EFSA dans ses écritures.

59      En troisième lieu, doit être rejeté l’argument de la requérante selon lequel, compte tenu du principe de précaution, la Commission aurait dû évaluer avec encore plus de méticulosité l’expression des gènes du maïs modifié, puisque les enzymes EPSPS sont présentes dans le maïs modifié « dans des concentrations plus élevées que dans les plantes parentales » et qu’il existe des publications scientifiques qui font état d’une incidence d’effets indésirables sur les plantes qui héritent des enzymes EPSPS supplémentaires sous l’angle de leur niveau d’expression des protéines (voir point 35 ci‑dessus).

60      Certes, le principe de précaution, qui constitue un principe général du droit de l’Union, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour, implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée des risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (arrêt du 9 septembre 2003, Monsanto Agricoltura Italia e.a., C‑236/01, EU:C:2003:431, point 111).

61      Néanmoins, si le principe de précaution s’applique dans des situations d’incertitude scientifique, la jurisprudence a exclu une « approche purement hypothétique du risque, fondée sur de simples suppositions scientifiquement non encore vérifiées » (arrêt du 17 mai 2018, Bayer CropScience e.a./Commission, T‑429/13 et T‑451/13, EU:T:2018:280, point 116). Or, tel est le cas en l’espèce. La requérante invoque des risques hypothétiques quant à l’incidence que pourrait avoir l’exposition du maïs modifié à certaines conditions de stress. Selon les éléments du dossier, la double constatation, figurant dans le rapport technique, non contestée, d’ailleurs, par les parties, selon laquelle certaines conditions de stress pourraient, dans certains cas, être un facteur influençant le niveau d’expression des protéines dans certaines plantes autres que le maïs modifié, d’une part, et selon laquelle les « conséquences possibles pour la teneur en protéines sont imprévisibles et peuvent entraîner un niveau de protéines plus élevé ou réduit », d’autre part, ne peut pas être assimilée à une situation d’« incertitude » quant « à l’existence ou à la portée des risques pour la santé des personnes » au sens de la définition du principe de précaution mentionnée au point 60 ci‑dessus. En effet, tant que la requérante ne remet pas en cause, de manière étayée, la conclusion exposée au point 3.4.1.4 de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019, selon laquelle « rien n’indiqu[ait] qu’il exist[ait] une interaction susceptible d’affecter l’intégrité des événements ou les niveaux des protéines nouvellement exprimées dans cet empilement » par rapport au maïs modifié, aucune véritable incertitude – au sens de la définition du principe de précaution – ne saurait être valablement déduite en rapport avec cette plante. Cela vaut également et en particulier pour la protéine CP4 EPSPS, présente également dans le maïs modifié à haut niveau. En effet, la conclusion concernant la stabilité des événements empilés, qui a été formulée par l’EFSA audit point 3.4.1.4 de l’avis de l’EFSA du 3 juillet 2019, couvre à l’évidence également l’émergence de cette protéine.

62      Il s’ensuit que la requérante ne démontre aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste d’appréciation entachant la décision attaquée, motif pour lequel ses arguments mentionnés au point 35 ci-dessus doivent être considérés comme étant non fondés.

63      En quatrième lieu, tel est le sort à réserver aux arguments de la requérante présentés au point 36 ci‑dessus. Pour rappel, par ses arguments, la requérante avance, en substance, que la Commission a eu tort de ne pas avoir demandé la présentation de données issues d’essais au champ supplémentaires pour le maïs modifié, puisque des effets de la surexpression de la protéine EPSPS dans certaines conditions de stress auraient été observés dans le riz, dans Arabidopsis thaliana et dans Conyza canadensis [selon les études Wang et al. (2014), Yang et al. (2017), Fang et al. (2018), Beres et al. (2018) et Beres (2019)], mais non dans le maïs.

64      Certes, dans l’absolu, il n’est pas exclu, d’un point de vue scientifique, que les résultats obtenus d’essais au champ sur des plantes autres qu’une certaine plante recherchée puissent, motifs et preuves à l’appui, être extrapolés à la plante recherchée.

65      En l’espèce, toutefois, les résultats des études Wang et al. (2014), Yang et al. (2017), Fang et al. (2018), Beres et al. (2018) et Beres (2019), qui recensent certaines données sur les effets de la surexpression de la protéine EPSPS sur les caractères de résistance du riz, de l’Arabidopsis thaliana et de la Conyza canadensis, n’étaient pas de nature à inciter la Commission à demander des essais supplémentaires, et ce, indépendamment du fait que lesdites données aient concerné des plantes autres que le maïs modifié ou encore que l’Arabidopsis thaliana constitue, ainsi que le déclare la requérante, la « plante de référence usuelle pour l’ensemble de la biologie ».

66      En effet, la requérante ne conteste pas la thèse exprimée par la Commission au septième alinéa du point 1.2.1 (à la page 6) de l’appréciation détaillée selon laquelle les auteurs de l’étude Vila-Aiub et al. (2019) avaient indiqué, par rapport aux études mentionnées au point 65 ci‑dessus, que « les rapports sur les avantages de la surexpression des protéines EPSPS pour les paramètres de sélection habituels dans les événements transgéniques [devaient] encore être validés avant de pouvoir confirmer que [leur] conclusion remarquable [était] uniquement due à la résistance au glyphosate recherchée ». Au demeurant, au même alinéa de l’appréciation détaillée, la Commission a en substance souligné que l’hypothèse quant à d’éventuels effets pléiotropiques sur la résistance dans le maïs modifié n’avait pas été confirmée par les données agronomiques et phénotypiques de l’analyse comparative. Plus précisément, selon la Commission, « la caractérisation agronomique et phénotypique […] n’a[vait] révélé aucune différence biologiquement pertinente entre le [maïs modifié] et son équivalent non transgénique ».

67      Tant que ces éléments, qui concernent le maïs modifié lui‑même, ne sont pas contestés de manière étayée, l’invocation, par la requérante, des études effectuées sur d’autres plantes (de référence ou non), telles que les études Wang et al. (2014), Yang et al. (2017), Fang et al. (2018), Beres et al. (2018) et Beres (2019) (voir point 36 ci‑dessus) ne saurait prospérer.

68      Au vu des éléments recueillis par la Commission en ce qui concerne le maïs modifié lui‑même, cette institution était en droit de ne pas extrapoler les conclusions relatives à la dicotylédone Arabidopsis thaliana, exposées dans lesdites études, au maïs modifié. L’invocation de ces études n’est donc pas de nature à démontrer une quelconque erreur de la part de la Commission dans l’évaluation qui a eu lieu en l’espèce.

69      En cinquième et dernier lieu, rien ne permet de conclure que la diversité des sites choisis pour la réalisation des essais au champ aurait été insuffisante. Contrairement à ce que suggère la requérante, les éléments du dossier ne permettent pas d’établir que les essais au champ avec le maïs modifié, menés en l’espèce, n’auraient pas été en ligne avec la condition liée à la diversité des milieux récepteurs, telle que cette condition ressort d’une lecture combinée des premier et troisième alinéas du point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution n° 503/2013.

70      Il en ressort que l’argument de la requérante exposé au point 37 ci‑dessus doit être également rejeté, tout comme la première branche du moyen unique.

 Sur la deuxième branche, concernant l’exposition à l’application d’herbicides

71      La requérante soutient en substance que, au point 1.2.2 de l’appréciation détaillée, la Commission n’a pas dûment répondu à la critique formulée dans la demande de réexamen interne selon laquelle le dispositif expérimental des essais relatifs au maïs modifié n’avait pas du tout été adapté pour détecter les éventuelles modifications non recherchées résultant des modifications génétiques données, puisque le maïs modifié n’avait pas été testé en conditions d’application de doses élevées et répétées de glyphosate. À cet égard, la décision attaquée serait donc entachée d’erreurs manifestes d’appréciation dont l’existence équivaudrait à une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec les points 1.2.2.3 et 1.3.1 et le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

72      Premièrement, la dose appliquée d’herbicide dans les essais au champ dont il est question dans la documentation fournie par Monsanto à l’appui de sa demande n’aurait pas été représentative des pratiques agricoles attendues. Certes, au point 1.2.2 de l’appréciation détaillée, jointe à la décision attaquée, la Commission aurait indiqué que la dose appliquée en l’espèce pour l’herbicide d’intérêt aurait été conforme aux recommandations des fabricants. Mais cette réponse serait insuffisante.

73      Selon la requérante, d’une part, la dose d’herbicide appliquée dans les essais au champ de Monsanto était inférieure à la dose recommandée par les fabricants. Ainsi, dans les essais au champ, mentionnés dans les annexes à la demande d’autorisation de Monsanto, le glyphosate aurait été pulvérisé uniquement à un stade précoce de la végétation et à une dose comparativement faible de 0,87 kilogramme (kg) équivalent acide par hectare (ha) et ce, malgré le fait que les recommandations actuelles du secteur préconiseraient des doses allant jusqu’à environ 3,5 kg (substance active) de glyphosate par hectare en post-levée et jusqu’à 7 kg par saison.

74      D’autre part, dans le cadre des pratiques agricoles réelles, les doses d’herbicides complémentaires pulvérisées sur les plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides seraient nettement plus élevées que celles pulvérisées sur les plantes non modifiées qui n’ont pas été rendues tolérantes à ces herbicides. Or, une exposition du maïs modifié à des doses de glyphosate plus élevées équivaudrait à une situation de stress ayant une incidence sur l’expression des gènes et la composition des plantes du maïs modifié. Telles seraient les conclusions qui pourraient être tirées de l’étude Miyazaki et al. (2019).

75      Deuxièmement, au point 1.2.2 de l’appréciation détaillée, la Commission aurait soutenu que, dans le cadre des essais au champ, les doses d’herbicide d’intérêt appliquées ont dû être maintenues au même niveau sur tous les sites afin de garantir leur comparabilité, tandis que les combinaisons d’herbicides classiques appliquées sur les sites retenus auraient dû correspondre aux différentes pratiques de gestion des adventices adoptées pour maintenir la pression des adventices sous contrôle. Cette réponse serait également problématique. En effet, si la dose d’herbicide d’intérêt complémentaire appliquée dans les champs de plantes génétiquement modifiées était maintenue au même niveau « que celle appliquée dans les champs de plantes non modifiées », il devrait être conclu que les « conditions dans lesquelles les essais au champ ont été conduits ne correspondaient en rien aux conditions agronomiques de culture ». Dans le cadre des pratiques agricoles réelles, les doses d’herbicide d’intérêt « complémentaires » pulvérisées sur les plantes génétiquement modifiées tolérantes aux herbicides seraient nettement plus élevées « que celles pulvérisées sur les plantes non modifiées ».

76      Troisièmement, l’interprétation que ferait la Commission du règlement d’exécution no 503/2013 permettrait des essais au champ de l’herbicide pertinent à des niveaux infimes (par exemple à 1 % du dosage à appliquer en pratique), ce qui serait toutefois absurde.

77      La Commission conteste les arguments de la requérante.

78      Par ses arguments, la requérante ne prive pas les appréciations figurant au point 1.2.2 de l’appréciation détaillée, de leur plausibilité et une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), et de l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec les points 1.2.2.3 et 1.3.1 et le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013, ne peut être constatée.

79      En effet, en ce qui concerne l’application du glyphosate, la requérante n’a pas présenté d’éléments indiquant clairement quelles pourront être les conditions de culture attendues du maïs modifié [au sens du point 1.2.2.3, sous e), et du point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution n503/2013] ou les « pratiques agricoles attendues » du maïs modifié (au sens du point 1.3.1 de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013). En particulier, il n’est pas démontré qu’il existe ou qu’il existera une pratique qui fera que le maïs modifié sera exposé à des doses beaucoup plus élevées et répétées de l’herbicide d’intérêt, à savoir le glyphosate, que les doses recommandées par le fabricant. Il n’est pas non plus démontré qu’une telle pratique sera nécessaire pour que les agriculteurs puissent tirer parti des propriétés résistantes aux herbicides du maïs modifié. Les cultivateurs de maïs modifié peuvent tirer parti de la résistance du maïs modifié aux herbicides s’ils utilisent des doses de l’herbicide d’intérêt comprises dans la fourchette recommandée par le fabricant. La requérante n’allègue pas que l’utilisation des doses de glyphosate recommandées par le fabricant se placerait en dehors des bonnes pratiques agricoles. Elle ne démontre pas non plus que les cultivateurs « ont besoin » ou seront contraints de pulvériser l’herbicide d’intérêt à des volumes ou fréquences plus élevés. L’étude Miyazaki et al. (2019), qui est une étude réalisée par cinq auteurs dont trois étaient des collaborateurs de la requérante à la date de sa publication, n’est d’aucun secours dans ce contexte, puisque ladite étude a été réalisée en lien avec du soja génétiquement modifié et non en lien avec le maïs modifié. Cette étude n’est pas non plus un élément ayant une force probante en ce qui concerne l’utilisation du glyphosate en général ou en ce qui concerne le maïs modifié en particulier. Il ne peut donc aucunement en être déduit quelles seront les conditions de culture attendues du maïs modifié.

80      De plus, il ne peut être retenu que la dose appliquée dans le cadre des essais au champ réalisés en l’espèce a considérablement différé des recommandations du secteur et des pratiques agricoles. Il résulte de l’étiquette de produit Roundup de Monsanto, qui figure au dossier du Tribunal en tant qu’annexe B.8 du mémoire en défense, que la dose recommandée par le fabricant en culture pour une seule application serait comprise entre 16 et 22 onces liquides par acre ce qui équivaut à une fourchette comprise entre 0,6 et 0,83 kg (équivalent acide) par hectare. Or, dans le cadre des essais au champ pour le maïs modifié, le glyphosate a été pulvérisé à une dose de 0,87 kg (équivalent acide) par hectare, ainsi que la requérante l’indique elle-même dans la requête. Dès lors, il ne saurait être considéré que les doses de glyphosate utilisées en l’espèce ne correspondraient pas aux recommandations des fabricants. De plus, l’allégation de la requérante selon laquelle les recommandations actuelles du secteur préconiseraient des doses allant jusqu’à environ 3,5 kg (substance active) de glyphosate par hectare en post-levée et jusqu’à 7 kg par saison, n’est pas démontrée. La requérante n’indique pas de quel document ou de quels calculs elle tire son assertion. Enfin, elle ne démontre pas non plus que des essais au champ réalisés en utilisant des doses de glyphosate recommandées par le fabricant ne seraient pas représentatifs pour les conditions agronomiques dans lesquelles les plantes, en général, ou le maïs modifié, en particulier, doivent être cultivés.

81      Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel, en substance, la Commission a eu tort d’accepter des données issues d’essais au champ pour lesquels les doses de glyphosate avaient été maintenues « au même niveau sur tous les sites » (voir point 75 ci‑dessus) ne convainc pas non plus.

82      En critiquant le fait que la dose d’herbicide d’intérêt appliquée dans les champs de plantes génétiquement modifiées a été maintenue au même niveau « que celle appliquée dans les champs de plantes non modifiées [génétiquement] » (voir point 75 ci‑dessus), la requérante fait valoir en substance que le glyphosate a été appliqué tant sur les sites de maïs modifié que dans les champs de maïs non modifié génétiquement. Or, un tel argument manque en fait. En effet, en l’espèce, le glyphosate n’a pas été appliqué sur les plantes non modifiées génétiquement, mais uniquement sur le maïs modifié, ce qui est en accord avec le point 1.3.1, quatrième alinéa, de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution nº 503/2013.

83      En outre, pour autant que, par la critique en cause, la requérante soutienne que le glyphosate ne pouvait pas être appliqué dans des doses identiques ou très similaires sur tous les sites contenant du maïs modifié, cet argument ne peut qu’être également rejeté. En effet, selon la Commission, cette pratique est susceptible de permettre une comparaison fiable des résultats. La requérante conteste, certes, cette prémisse de la Commission, mais elle n’explique pas de manière étayée en quoi cette logique serait erronée d’un point de vue scientifique ou en droit.

84      Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que l’interprétation que ferait la Commission du règlement d’exécution nº 503/2013 permettrait des essais en champ de l’herbicide pertinent à des niveaux « infimes », il suffit de relever que les doses de glyphosate appliquées en l’espèce n’ont pas été infimes. Cet argument repose donc sur une prémisse purement spéculative et doit, par conséquent, être rejeté.

85      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du moyen unique.

 Sur la troisième branche, concernant l’exposition à une combinaison de conditions de sécheresse et d’application d’herbicides

86      La requérante soutient en substance que, dans la décision attaquée, la Commission a omis de prendre dûment en compte les critiques formulées dans la demande de réexamen interne quant au fait que l’exposition du maïs modifié, tant à des conditions de sécheresse qu’à des conditions de pulvérisation répétée d’herbicide, ou d’utilisation d’herbicide en grande quantité, pourrait avoir des effets combinatoires  ou synergiques sur la composition des plantes ainsi que sur les caractéristiques phénotypiques et agronomiques du maïs modifié. La Commission aurait donc violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), et l’article 16, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1367/2006, lus conjointement avec l’article 5, sous a), du règlement d’exécution no 503/2013 et avec le point 1.3.2.1, sous b), de la partie II de l’annexe II du règlement d’exécution no 503/2013.

87      La requérante fait valoir que, compte tenu du principe de précaution, les modifications dans la composition et dans le phénotype du maïs modifié, causées par l’empilement, auraient dû être recherchées davantage par la Commission. Tel serait le cas en l’espèce, puisque la probabilité d’interaction entre les constructions génétiques et l’expression des gènes, la composition des plantes et les caractéristiques agronomiques et phénotypiques serait plus forte dans le maïs modifié issu d’événements empilés que dans les plantes parentales. Les réactions au stress pourraient entraîner des modifications non recherchées dans le métabolisme des plantes qui héritent d’enzymes EPSPS supplémentaires. Des indices sérieux laisseraient penser que cette enzyme, qui confère le caractère de tolérance au glyphosate, affecte également le métabolisme de l’auxine dans les plantes. En effet, des recherches antérieures portant sur NK603 – l’une des plantes parentales impliquées dans la création du maïs modifié –, auraient indiqué que l’expression des protéines Cry1A.105, Cry2Ab2 et EPSPS dans le maïs génétiquement modifié pouvait induire des changements dans l’ensemble des protéines exprimées par le maïs avec des répercussions sur les voies métaboliques naturelles de la plante [voir études Agapito-Tenfen et al. (2013), Bevenuto et al. (2017)], ainsi que des modifications du génome et du transcriptome de la plante [voir étude Ben Ali et al. (2020)].

88      Les données obtenues à partir de l’analyse de la composition du maïs modifié, présentées par Monsanto elle-même, auraient été lacunaires. Elles auraient donc soulevé des inquiétudes qui nécessitaient clairement des recherches supplémentaires. En effet, les essais au champ auraient présenté des lacunes puisqu’un protocole d’arrosage réduit ou des conditions de pulvérisations répétées et/ou importantes d’herbicide n’auraient pas été intégrés dans leur dispositif expérimental. Au surplus, sur un total de 63 points de comparaison soulevés, seules les données d’un petit nombre de paramètres agronomiques, à savoir 12 au total, auraient fait l’objet d’une analyse statistique conformément aux lignes directrices de l’EFSA. De toute façon, l’analyse de la composition du maïs modifié portant sur 63 points de comparaison aurait révélé de nombreuses différences statistiquement significatives. Ainsi, chez les plantes pulvérisées avec de l’herbicide complémentaire, 46 points de comparaison auraient présenté des différences statistiquement significatives. En revanche, chez les plantes non pulvérisées avec du glyphosate, mais qui avaient été pulvérisées avec d’autres herbicides classiques, 47 points auraient présenté des différences statistiquement significatives.

89      La Commission conteste les arguments de la requérante.

90      À titre liminaire, il y a lieu de constater que, dans la requête, la requérante se borne à répéter les allégations avancées dans la demande de réexamen interne, sans aucunement faire ressortir précisément les éléments de la décision attaquée ou encore de l’appréciation détaillée qu’elle entend critiquer dans le cadre de la présente branche.

91      Premièrement, par les arguments mentionnés au point 87 ci‑dessus, la requérante ne conteste pas les multiples considérations contenues aux points 1.2.4 et 1.2.5 de l’appréciation détaillée portant sur les préoccupations exprimées dans la demande de réexamen interne notamment au regard de l’incidence des études invoquées par la requérante.

92      N’ayant pas formulé d’arguments ciblant effectivement la décision attaquée, tous les développements de la requérante faits dans le cadre de la présente branche doivent être considérés comme étant des arguments dirigés contre la seule décision d’autorisation  de mise sur le marché. En conséquence, ils doivent être rejetés comme étant irrecevables. En effet, les arguments et moyens qui sont dirigés contre l’acte administratif dont le réexamen interne a été demandé sont irrecevables, dès lors que la requérante ne dispose pas d’un droit propre, au titre de l’article 263, paragraphes 2 et 4, TFUE, pour remettre directement en cause une décision d’autorisation devant le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, points 26 à 28), mais peut formuler ses arguments contre une telle décision uniquement au stade de la demande de réexamen interne.

93      Deuxièmement, sont irrecevables toutes les critiques de la requérante mentionnées au point 88 ci‑dessus. En effet, force est de constater que ces critiques sont dirigées contre le contenu de la demande d’autorisation de Monsanto. Or, des arguments concernant d’éventuelles erreurs commises par le demandeur à l’autorisation sont irrecevables (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2021, ClientEarth/Commission, C‑458/19 P, EU:C:2021:802, point 49, et du 4 avril 2019, ClientEarth/Commission, T‑108/17, EU:T:2019:215, points 53, 233 et 235).

94      En tout état de cause, même s’il y avait lieu de considérer que les reproches formulés par la requérante dans le cadre de la présente branche se rapportent, en réalité, à la décision attaquée, tous ces reproches seraient non fondés, la requérante n’étant pas parvenue à démontrer une erreur manifeste d’appréciation qui entacherait la décision attaquée.

95      En effet, premièrement, dans la demande de réexamen interne, la requérante avait déclaré qu’il existait une probabilité que l’interaction existant notamment entre les constructions génétiques et l’expression des gènes fût plus forte dans le maïs modifié issu d’événements empilés que dans les plantes parentales. Elle avait également avancé que des études portant sur NK603, l’une des plantes parentales impliquées dans la création du maïs modifié, auraient indiqué que l’expression des protéines Cry1A.105, Cry2Ab2 et EPSPS dans le maïs génétiquement modifié pouvait induire des changements dans l’ensemble des protéines exprimées par le maïs avec des répercussions sur les voies métaboliques naturelles de la plante, ainsi que des modifications du génome et du transcriptome de la plante.

96      Or, ainsi qu’il ressort du point 1.2.4 de l’appréciation détaillée, les études concernant le maïs modifié NK 603, invoquées par la requérante dans la demande de réexamen interne, notamment les études Ben Ali et al. (2020) et Mesnage et al. (2016), ne prouvaient pas que les différences au niveau de l’expression génétique étaient dues à cet événement plutôt qu’à une perturbation causée par des facteurs environnementaux. La requérante ne conteste pas cette conclusion (scientifique) exprimée par la Commission dans l’appréciation détaillée.

97      Deuxièmement, en ce qui concerne les griefs de la requérante mentionnés au point 88 ci‑dessus, il y a lieu de constater que, au point 1.2.5 de l’appréciation détaillée, la Commission a donné des réponses particulièrement précises. En effet, ainsi qu’il résulte du point 1.2.5 de l’appréciation détaillée, l’EFSA avait estimé que le nombre effectif de résultats significatifs était nettement inférieur à celui allégué par la requérante. De fait, même si des modifications étaient observées dans le niveau de 17 acides aminés (32 % des analytes du grain), celles-ci étaient fortement liées à la modification du niveau d’un seul  analyte, à savoir la « protéine brute dans le grain ». De plus, en ce qui concerne l’ensemble des caractéristiques agronomiques et phénotypiques, la Commission a indiqué que la recherche de l’équivalence montrait que celles du maïs modifié se situaient dans la plage de variabilité naturelle, à seulement deux exceptions près (le nombre de jours jusqu’à ce que 50 % des plantes présentent des soies et la densité des plantes à la récolte). Elle a également relevé que l’EFSA avait procédé à une évaluation plus approfondie de ces caractéristiques et n’avait constaté aucun problème de sécurité pour l’environnement. Elle a également rappelé que, sur la base de ce qui précède, l’EFSA avait conclu que le nombre effectif de résultats significatifs en soi ne donnait pas lieu à des préoccupations.

98      La requérante n’a pas tenté de contester ces réponses dans la requête, si bien que les arguments invoqués à l’appui de la présente branche ne peuvent prospérer.

99      Compte tenu de ce qui précède, la troisième branche du moyen unique doit être rejetée, tout comme ce moyen dans son intégralité.

100    Dans ces conditions, le présent recours doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur les dépens

101    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      TestBioTech eV supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Marcoulli

Tomljenović

Valasidis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 octobre 2023.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Observations préliminaires

Sur le moyen unique

Sur la première branche, concernant l’exposition de cette plante à des conditions de sécheresse

Sur la deuxième branche, concernant l’exposition à l’application d’herbicides

Sur la troisième branche, concernant l’exposition à une combinaison de conditions de sécheresse et d’application d’herbicides

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.