Language of document : ECLI:EU:T:2023:168

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

29 mars 2023 (*) (1)

  « REACH – Évaluation des dossiers d’enregistrement et contrôle de la conformité des informations communiquées par les déclarants – Demande d’études complémentaires aux fins du dossier d’enregistrement pour l’oxyde de diméthyle – Étude de toxicité pour le développement prénatal – Étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération – Étude préliminaire de détermination des concentrations – Article 51, paragraphe 7, du règlement (CE) no 1907/2006 – Essais sur des animaux – Article 25 du règlement no 1907/2006 – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑868/19,

Nouryon Industrial Chemicals BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas),

Knoell NL BV, établie à Maarssen (Pays-Bas),

Grillo-Werke AG, établie à Duisbourg (Allemagne),

PCC Trade & Services GmbH, établie à Duisbourg,

représentées par Mes R. Cana, Z. Romata et H. Widemann, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Lindenthal et K. Mifsud-Bonnici, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Danemark, représenté par Mme M. Søndahl Wolff, en qualité d’agent,

par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mmes M. Bulterman, A. Hanje et M. J. Langer, en qualité d’agents,

par

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Runeskjöld, C. Meyer-Seitz, M. Salborn Hodgson, H. Shev, H. Eklinder, R. Shahsavan Eriksson et M. O. Simonsson, en qualité d’agents,

et par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, MM. W. Broere, S. Mahoney et N. Herbatschek, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise (rapporteur) et P. Nihoul, juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu l’ordonnance du 30 avril 2020, Nouryon Industrial Chemicals e.a./Commission (T‑868/19 R, non publiée, EU:T:2020:171), par laquelle la demande en référé de mesures provisoires présentée par les parties requérantes a été rejetée,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 septembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Nouryon Industrial Chemicals BV, Knoell NL BV, Grillo-Werke AG et PCC Trade & Services GmbH, demandent l’annulation de la décision d’exécution C(2019) 7336 final de la Commission, du 16 octobre 2019, relative au contrôle de la conformité de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle, adoptée, sur renvoi de l’Agence européenne des produits chimiques, sur la base de l’article 51, paragraphe 7, du règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        L’oxyde de diméthyle est une substance chimique servant de gaz propulseur d’aérosol et de solvant, utilisée principalement dans des produits aérosols industriels et de consommation, y compris pour des applications pharmaceutiques. Il est aussi utilisé comme composant de base chimique d’une autre substance, le sulfate de diméthyle, ainsi que dans les extractions d’huiles et dans les carburants.

3        S’agissant des dangers physiques qu’il présente, l’oxyde de diméthyle est actuellement classé en tant que « [g]az extrêmement inflammable (H220) » et l’étiquette apposée sur ses contenants comprend la mention « [c]ontient un gaz sous pression ; peut exploser sous l’effet de la chaleur (H280) » en vertu du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) no 1907/2006 (JO 2008, L 353, p. 1).

4        Les requérantes sont des fabricantes ou des importatrices d’oxyde de diméthyle établies dans l’Union européenne ou des représentantes exclusives agissant pour des fabricants de cette substance chimique établis hors de l’Union. En application du principe « pas de données, pas de marché » énoncé à l’article 5 du règlement (CE) nº 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) nº 793/93 du Conseil et le règlement (CE) nº 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, ci-après le « règlement REACH »), elles ont, conjointement avec d’autres déclarants, déposé le 30 novembre 2010 auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) une demande d’enregistrement pour l’oxyde de diméthyle pour des quantités fabriquées ou importées égales ou supérieures à 1 000 tonnes (t) par an par fabricant ou par importateur. Akzo Nobel Industrial Chemicals BV, renommée ultérieurement Nouryon Industrial Chemicals (ci-après la « première requérante »), a agi en tant que déclarante principale pour le dossier d’enregistrement conjoint, conformément à l’article 11 du règlement REACH.

5        Le 29 mars 2016, l’ECHA a ouvert une procédure de contrôle de la conformité de l’enregistrement sur le fondement de l’article 41 du règlement REACH.

6        Le 26 avril 2016, en application du paragraphe 3 de cet article, l’ECHA a communiqué aux déclarants un projet de décision visant à leur demander de compléter le dossier d’enregistrement de l’oxyde de diméthyle par des informations relatives aux résultats de deux études, à savoir une étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins, en tant que représentants d’une deuxième espèce animale d’étude, et une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération effectuée sur des rats.

7        Conformément à l’article 51, paragraphe 1, du règlement REACH, le projet de décision de l’ECHA a également été communiqué aux autorités compétentes des États membres et la position de la première requérante, en tant que déclarante principale représentant tous les déclarants, ainsi que les positions de ces autorités sur ce projet de décision ont ensuite été portées à leur connaissance mutuelle.

8        Le 19 janvier 2017, en application de l’article 51, paragraphe 4, du règlement REACH, l’ECHA a envoyé aux déclarants et au comité des États membres de l’ECHA prévu à l’article 76, paragraphe 1, sous e), du règlement REACH (ci-après le « comité des États membres »), un projet de décision révisé auquel étaient jointes les modifications proposées par certaines autorités compétentes des États membres. Le projet de décision révisé ne comportait pas de modification des demandes de l’ECHA aux déclarants, mais ses motifs prenaient position sur les observations présentées par la première requérante.

9        La première requérante a fait valoir le 24 mars 2017, ainsi que le lui permettait l’article 51, paragraphe 5, du règlement REACH, des observations sur le projet de décision révisé et sur les modifications proposées par certaines autorités des États membres.

10      Lors de sa séance des 25 et 26 avril 2017, le comité des États membres n’est pas parvenu à un accord unanime sur le projet de décision révisé.

11      À la suite de ce désaccord, le 13 juillet 2017, l’ECHA a transmis son projet de décision révisé accompagné du dossier à la Commission européenne pour que celle-ci adopte une décision finale dans l’affaire, conformément à l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH.

12      Le 18 février 2019, la Commission a transmis un projet de décision d’exécution à tous les codéclarants fabriquant ou important la substance en quantités égales ou supérieures à 1 000 t par an.

13      Le 15 mars 2019, la première requérante a formulé des observations sur le projet de décision de la Commission.

14      La Commission a adopté la décision attaquée le 16 octobre 2019.

15      Dans le dispositif de la décision attaquée, la Commission a conclu que l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle n’était pas conforme aux exigences en matière d’information en ce qui concernait deux effets différents relevant de la toxicité pour la reproduction, à savoir les effets sur le développement prénatal et les effets pour la reproduction sur une génération (article 1er de la décision attaquée). En conséquence, dans la décision attaquée, la Commission impose aux déclarants de communiquer des informations sur les effets de l’oxyde de diméthyle, tirées, en premier lieu, d’une étude de toxicité pour le développement prénatal telle que mentionnée à l’annexe X du règlement REACH (ci-après, les annexes du règlement REACH sont désignées uniquement par leur numéro en chiffres romains), rubrique 8.7.2., à réaliser par voie d’inhalation sur une deuxième espèce animale d’étude, à savoir le lapin (article 2 de la décision attaquée), et, en second lieu, d’une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération telle que mentionnée à l’annexe X, rubrique 8.7.3., à réaliser par voie d’inhalation sur des rats. En ce qui concerne cette seconde étude, la Commission indique qu’une étude préliminaire « de détermination des concentrations », conduite par exemple selon la ligne directrice de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour les essais de produits chimiques no 421, visant notamment à détecter d’éventuels effets de type narcotique (à savoir d’endormissement), doit être effectuée, en particulier pour déterminer s’il est nécessaire, en fonction du constat ou non de tels effets à l’une quelconque des concentrations choisies pour cette étude étendue, d’y inclure des cohortes 2A et 2B destinées spécifiquement à l’étude de la neurotoxicité pour le développement (article 3 de la décision attaquée). La décision attaquée impose aux requérantes de soumettre, dans un délai de 36 mois à compter de la date de notification de cette décision, une version actualisée de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle à l’ECHA, accompagnée des résultats des études demandées et, le cas échéant, de soumettre une mise à jour du rapport sur la sécurité chimique (article 4 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

16      Dans la requête, les requérantes concluent à l’annulation de la décision attaquée et à la condamnation de la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut au rejet du recours comme non fondé et à la condamnation des requérantes aux dépens.

18      Le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, intervenant au soutien de la Commission, concluent au rejet du recours comme non fondé. Le Royaume des Pays-Bas et l’ECHA concluent par ailleurs à la condamnation des requérantes aux dépens de la procédure.

 En droit

 Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH en adoptant la décision attaquée qui couvre des aspects sur lesquels le comité des États membres est parvenu à un accord unanime

19      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler les circonstances dans lesquelles la Commission a été appelée à adopter la décision attaquée.

20      La décision attaquée a été adoptée dans le cadre du mécanisme procédural prévu à l’article 51 du règlement REACH, qui dispose :

« 1. L’[ECHA] notifie son projet de décision, établi conformément aux articles 40 ou 41, ainsi que les observations présentées par le déclarant aux autorités compétentes des États membres.

2. Dans les trente jours suivant la diffusion, les États membres peuvent proposer à l’[ECHA] des modifications du projet de décision.

3. Si l’[ECHA] ne reçoit aucune proposition, elle arrête la décision dans la version notifiée conformément au paragraphe 1.

4. Si l’[ECHA] reçoit une proposition de modification, elle peut modifier le projet de décision. L’[ECHA] renvoie un projet de décision, accompagné des éventuelles modifications proposées, au comité des États membres dans les quinze jours qui suivent la fin de la période de trente jours visée au paragraphe 2.

5. L’[ECHA] communique immédiatement toutes les propositions de modification à tout déclarant et à tout utilisateur en aval concerné et leur permet de présenter leurs observations dans un délai de trente jours. Le comité des États membres tient compte de toute observation reçue.

6. Si, dans les soixante jours suivant le renvoi du projet de décision, le comité des États membres parvient à un accord unanime sur celui-ci, l’[ECHA] arrête sa décision en conséquence.

7. Si le comité des États membres ne parvient pas à un accord unanime, la Commission prépare un projet de décision à arrêter conformément à la procédure visée à l’article 133, paragraphe 3.

8. Les décisions de l’[ECHA] au titre des paragraphes 3 et 6 du présent article peuvent faire l’objet de recours [devant la chambre de recours de l’ECHA]. »

21      Après que l’ECHA lui a transmis son projet de décision révisé (voir point 8 ci-dessus), le comité des États membres s’est accordé sur le fait qu’il y avait lieu d’exiger des informations sur des études effectuées au titre des rubriques 8.7.2. et 8.7.3. de l’annexe X, comme l’ECHA le demandait, à savoir une étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins, en tant que représentants d’une deuxième espèce animale d’étude, et une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération effectuée sur des rats. Toutefois, il n’est pas parvenu à un accord unanime en ce qui concerne le contenu de la seconde de ces études.

22      En effet, huit membres du comité des États membres ont défendu, contrairement aux autres, que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération devait inclure une étude complémentaire spécifique sur la neurotoxicité pour le développement de l’oxyde de diméthyle, afin de répondre à des préoccupations en la matière pour ce qui concerne l’homme.

23      Dans cette situation, en se référant à l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH, l’ECHA a transmis son projet de décision révisé à la Commission pour que celle-ci adopte une décision finale dans l’affaire. Si, à l’inverse, le comité des États membres était parvenu à un accord unanime sur le projet de décision révisé de l’ECHA, celle-ci aurait « [arrêté] sa décision en conséquence », conformément à l’article 51, paragraphe 6, du règlement REACH, autrement dit l’ECHA aurait elle-même adopté la décision finale.

24      Dans leur premier moyen, les requérantes reprochent à la Commission, dans la mesure où le comité des États membres n’est pas parvenu à un accord unanime que sur un point spécifique de discussion, à savoir sur l’ajout ou non d’une étude sur la neurotoxicité pour le développement dans l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération, d’avoir méconnu l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH en adoptant une décision qui couvre également les aspects sur lesquels le comité des États membres est parvenu à un accord unanime.

25      Les requérantes estiment que cette « erreur procédurale » a eu une incidence sur leurs droits, étant donné que, si l’ECHA avait adopté une décision sur les points sur lesquels le comité des États membres était parvenu à un accord unanime, elles auraient pu former un recours auprès de la chambre de recours de l’ECHA, devant laquelle elles disposent d’autres droits que ceux dont elles disposent devant le Tribunal, parmi lesquels le sursis automatique à l’exécution de la décision attaquée et l’application d’un degré de contrôle différent.

26      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste le moyen des requérantes.

27      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il ne ressort pas de l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH que si un désaccord au sein du comité des États membres ne concerne qu’une partie du projet de décision de l’ECHA, celle-ci doit scinder la décision finale en une partie qui serait adoptée par elle sur le fondement du paragraphe 6 du même article et une autre partie, l’objet du désaccord, qui serait adoptée par la Commission conformément au paragraphe 7 dudit article.

28      En effet, l’article 51 du règlement REACH, qui est un article de procédure et qui s’intitule « Adoption des décisions au titre de l’évaluation du dossier [d’enregistrement] », détermine dans ses différentes dispositions les conditions d’examen des projets de décision préparés par l’ECHA à cette fin, d’abord par les autorités compétentes des États membres puis, le cas échéant, par le comité des États membres et il détermine aussi les conditions d’adoption des décisions finales objet de son intitulé dans différentes situations. Le paragraphe 7 de cet article vise la situation particulière d’une absence d’accord unanime au sein de ce comité sur le « projet de décision » de l’ECHA, en prévoyant que, dans ce cas, la Commission prépare « un projet de décision ».

29      Pour interpréter cette disposition, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 17 novembre 1983, Merck, 292/82, EU:C:1983:335, point 12, et du 19 juillet 2012, ebookers.com Deutschland, C‑112/11, EU:C:2012:487, point 12). On se réfère à cet égard respectivement aux interprétations littérale, contextuelle (ou systématique) et téléologique.

30      En premier lieu, dans le cadre d’une approche littérale, il doit être observé que cette disposition procédurale n’indique pas que la Commission devrait préparer un projet de décision « sur les aspects sur lesquels le comité des États membres n’est pas parvenu à un accord unanime ». De plus, l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH, relatif au « contrôle de la conformité des enregistrements », qui, pour sa part, détermine l’objet d’un projet de décision, puis d’une décision, éventuellement élaborés à l’occasion d’un tel contrôle, indique dans sa dernière phrase que « cette décision », c’est-à-dire la décision issue d’un projet de décision, « est arrêtée conformément à la procédure prévue [à l’article 51] ». Aucun des libellés des paragraphes de l’article 51 où est mentionné un « projet de décision » ne donne non plus à penser que l’objet de ces projets varie par rapport à celui mentionné à l’article 41, paragraphe 3, à savoir inviter à communiquer toute information nécessaire pour assurer la conformité de l’enregistrement. Ces libellés sont donc en faveur de l’interprétation selon laquelle l’article 41, paragraphe 3, du règlement REACH vise l’adoption d’une seule décision au terme de la procédure prévue à l’article 51 du même règlement.

31      En deuxième lieu, dans le cadre d’une approche contextuelle, il doit être observé que l’article 51, paragraphe 6, du règlement REACH ne donne compétence à l’ECHA pour arrêter une décision dont le projet a été communiqué au comité des États membres que si, dans les 60 jours de cette communication, ce comité parvient à un accord unanime sur ce projet (voir point 20 ci-dessus). Il s’en déduit que, à défaut d’un tel accord unanime dans ce délai, comme en l’espèce, l’ECHA perd la compétence pour arrêter une décision au titre de l’article 51 du règlement REACH à la suite d’un contrôle de la conformité d’un enregistrement et que, par conséquent, la compétence de la Commission prévue à l’article 51, paragraphe 7, du même règlement couvre l’ensemble des aspects qui ont été examinés par le comité des États membres, qu’ils aient ou non suscité un accord unanime en son sein.

32      En troisième lieu, d’un point de vue téléologique, au regard du principe de bonne administration énoncé dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et du principe de sécurité juridique, principe général du droit de l’Union qui exige notamment que les intéressés puissent connaître avec exactitude l’étendue des obligations qui leur sont imposées (voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2011, ArcelorMittal Luxembourg/Commission et Commission/ArcelorMittal Luxembourg e.a., C‑201/09 P et C‑216/09 P, EU:C:2011:190, point 68 et jurisprudence citée), il est plus rationnel que, en cas de désaccord au sein du comité des États membres, c’est-à-dire, aux termes de l’article 76 du règlement REACH, au sein de l’une des composantes de l’ECHA, la Commission exerce sa compétence sur l’ensemble du contrôle de la conformité de l’enregistrement examiné, afin d’éviter que la formulation, puis le contrôle de second degré, des appréciations concernant l’évaluation des effets et des dangers d’une substance chimique soient partagés entre plusieurs organes (respectivement, l’ECHA et la Commission, la chambre de recours de l’ECHA et le Tribunal), au risque d’aboutir à des incohérences, alors que ces appréciations concernent le même dossier d’enregistrement d’une substance et doivent garder leur cohérence d’ensemble.

33      Dès lors, l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH ne peut être compris qu’en ce sens que tout désaccord au sein du comité des États membres sur un aspect d’un projet de décision de l’ECHA examiné dans le cadre du contrôle de la conformité des enregistrements constitue un désaccord sur ce projet globalement considéré, investissant la Commission de la compétence pour préparer un nouveau projet de décision d’évaluation du dossier d’enregistrement et ensuite d’adopter une décision finale à cet égard selon une procédure de « comitologie ». Par conséquent, c’est à juste titre que la Commission soutient que cette disposition ne limite pas sa compétence aux seules parties spécifiques du projet de décision de l’ECHA faisant l’objet d’un désaccord au sein du comité des États membres, mais lui octroie le pouvoir de statuer sur l’ensemble des aspects abordés dans ce projet.

34      Cette analyse n’est pas remise en question par les autres arguments des requérantes.

35      Tout d’abord, les requérantes soulignent qu’une discordance au sein du comité des États membres a déjà conduit l’ECHA à scinder la décision finale dans des affaires relatives au contrôle de conformité des enregistrements. Toutefois, même si l’ECHA a procédé de la sorte par le passé dans certains cas, cela ne signifie nullement que, en l’espèce, elle était tenue de procéder de la même manière, notamment dans la mesure où elle n’est pas liée par ses précédents (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 mai 2008, Parlement/Conseil, C‑133/06, EU:C:2008:257, point 60, et du 16 janvier 2020, Iberpotash/Commission, T‑257/18, EU:T:2020:1, point 78) et où la pratique décisionnelle de l’ECHA ne saurait déterminer l’examen de légalité effectué par le Tribunal.

36      Les requérantes soulignent en outre qu’elles auraient bénéficié de plus de garanties si la décision finale, pour ce qui concerne les aspects sur lesquels le comité des États membres était parvenu à un accord unanime, avait été adoptée par l’ECHA. En effet, le contrôle opéré par la chambre de recours de l’ECHA serait différent de celui opéré par le Tribunal et ne se limiterait pas, comme c’est le cas pour ce dernier, à la vérification de l’existence d’erreurs manifestes.

37      Ainsi que le soulignent en substance la Commission et le Royaume des Pays-Bas, la distinction opérée entre les situations dans lesquelles la chambre de recours de l’ECHA est susceptible d’intervenir dans le processus de contrôle d’une décision administrative demandant à des déclarants de compléter le dossier d’enregistrement d’une substance chimique et les situations dans lesquelles il n’est pas prévu que cette chambre intervienne, ainsi que les conséquences pouvant en résulter quant à l’étendue de ce contrôle, découlent du traité FUE et du cadre législatif du règlement REACH, plus précisément de son article 51, qui prévoit dans un cas, qui fait l’objet de son paragraphe 6, une décision de l’ECHA et dans l’autre cas, qui fait l’objet de son paragraphe 7, une décision de la Commission lorsqu’il y a un désaccord au sein du comité des États membres, c’est-à-dire un désaccord au sein de l’ECHA. D’une part, le législateur a prévu la possibilité, pour la chambre de recours, en tant qu’organe administratif de l’ECHA habilité à contrôler une première décision adoptée par celle-ci, d’exercer tout pouvoir relevant de la compétence de l’ECHA ou de déférer l’affaire à l’organe compétent de celle-ci en vue de la poursuite de l’action, conformément à l’article 93, paragraphe 3, du règlement REACH. D’autre part, l’article 263 TFUE prévoit que les décisions de la Commission font l’objet d’un contrôle de légalité de nature juridictionnelle, exercé par le juge de l’Union. La nature différente de ces contrôles justifie les différences procédurales qui les entourent et les pouvoirs différents des organes qui les exercent.

38      À cet égard, le droit de l’Union applicable dans la présente affaire conduit à différencier, d’un côté, un contrôle administratif exercé, à l’égard d’une première décision de l’ECHA, par une autorité supérieure, à savoir la chambre de recours de l’ECHA, et, d’un autre côté, le contrôle juridictionnel dans lequel, dans le cadre d’un recours en annulation fondé sur l’article 263 TFUE, le contrôle est exercé par le juge de l’Union à l’égard d’une décision de la Commission. Il a déjà été jugé que, dans le cadre d’un recours en annulation formé en vertu de l’article 263 TFUE, le contrôle effectué par le juge de l’Union consiste, en présence d’appréciations d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes, comme cela peut être le cas en l’espèce, à vérifier si elles ne sont pas entachées d’une erreur manifeste, d’un détournement de pouvoir, ou si l’auteur de la décision n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation [voir arrêt du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, point 87 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe), C‑425/08, EU:C:2009:635, point 47]. Cette limitation n’a pas vocation à s’appliquer à l’intervention de la chambre de recours de l’ECHA, qui est aussi une composante de cette dernière, comme cela a été souligné précédemment. Dans cette intervention, la chambre de recours ne se limite pas, en effet, à vérifier la légalité de la décision prise par l’ECHA compte tenu, notamment, de la marge d’appréciation de cette dernière, mais examine, dans le cadre des critères indiqués dans la réglementation, s’il convient de revoir les appréciations qu’elle a portées. C’est pourquoi le législateur de l’Union a veillé à inclure, dans la composition de cette chambre de recours, des personnes disposant des compétences techniques et scientifiques requises pour effectuer cette nouvelle appréciation et pourquoi la nature du contrôle qu’elle effectue sur les appréciations d’ordre scientifique et technique précédemment apportées au sein de l’ECHA est différente de celle d’un contrôle effectué par le juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2019, BASF Grenzach/ECHA, T‑125/17, EU:T:2019:638, points 88 et 89, et du 20 septembre 2019, Allemagne/ECHA, T‑755/17, EU:T:2019:647, point 55). Il n’appartient pas au Tribunal de remettre en cause cette différence et de s’attribuer les compétences d’un organe tel que la chambre de recours de l’ECHA (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, EU:C:2002:462, points 44 et 45).

39      En outre, alors que les requérantes n’ont pas soulevé d’exception d’illégalité à l’encontre de l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH, cette différence dans le contrôle de l’appréciation d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes ne saurait permettre, en contrariété avec cette disposition telle qu’interprétée dans le présent arrêt (voir point 33 ci-dessus), de restreindre la compétence de la Commission pour statuer, en application de ladite disposition, sur l’ensemble des aspects d’un projet de décision de l’ECHA qui a été soumis au comité des États membres lorsqu’un désaccord apparaît au sein de ce dernier sur un ou plusieurs aspects de ce projet.

40      Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH et aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant des essais qui iraient à l’encontre des exigences juridiques applicables et qui ne seraient pas techniquement réalisables

41      Les requérantes soutiennent que la Commission a méconnu l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH et a commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant « des essais à des concentrations susceptibles d’avoir des effets mais ne présentant aucun danger » et, plus particulièrement, en ce qui concerne l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération, en demandant de « fixer la dose de manière à induire une certaine toxicité au niveau de dose le plus élevé ».

42      En ce qui concerne la méconnaissance alléguée de l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH, les requérantes font valoir que, impliquant des essais sur les animaux par inhalation de la substance, l’étude de toxicité pour le développement prénatal et l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération devraient être réalisées conformément aux recommandations figurant dans le document d’orientation no 39 de l’OCDE sur les essais de toxicité aiguë par inhalation (ci-après le « DO 39 de l’OCDE »). Il s’agirait d’une méthode internationale reconnue par la Commission et par l’ECHA comme étant appropriée au sens de l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH, à laquelle renverraient d’ailleurs différentes méthodes d’essai sur la toxicité figurant dans le règlement sur les méthodes d’essai adopté par la Commission en application de cette même disposition [en l’occurrence le règlement (CE) no 440/2008 de la Commission, du 30 mai 2008, établissant des méthodes d’essai conformément au règlement (CE) no 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH) (JO 2008, L 142, p. 1, ci-après, tel que modifié, le « règlement sur les méthodes d’essai »)].

43      En effet, il ressortirait du DO 39 de l’OCDE que, dans les études par inhalation en question, il est recommandé de ne pas dépasser une concentration dans l’air de la substance testée de la moitié de sa limite inférieure d’explosivité (ci-après la « LIE »). Étant donné que, pour l’oxyde de diméthyle, la LIE serait de 3,3 % de concentration, il serait recommandé de ne pas dépasser une concentration s’élevant à 1,65 %. En même temps, il ressortirait d’une étude par inhalation chronique chez le rat menée par le laboratoire Haskell en 1986 (ci-après l’« étude Haskell 1986 ») que la concentration sans effet nocif observé (ci-après la « CSENO ») pour l’oxyde de diméthyle est de 2,5 %. Compte tenu de ces deux valeurs, les requérantes estiment qu’il n’est pas possible d’effectuer les études demandées à une concentration produisant une certaine toxicité, à savoir 2,5 % au moins, sans méconnaitre les exigences des méthodes d’essai applicables, en l’occurrence celles du DO 39 de l’OCDE conduisant à fixer la concentration maximale d’essai pour l’oxyde de diméthyle à 1,65 %.

44      En ne prenant pas en considération les restrictions techniques applicables aux études imposées dans la décision attaquée, la Commission aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation. D’ailleurs, compte tenu des risques pour les animaux et pour le personnel technique, les laboratoires que les requérantes avaient contactés auraient refusé de conduire des essais à des concentrations dépassant les indications fixées dans le DO 39 de l’OCDE.

45      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste le moyen des requérantes.

46      À titre liminaire, il doit être relevé que le moyen que ces arguments soutiennent n’est qu’indirectement lié à la contestation de l’obligation d’effectuer les études demandées dans la décision attaquée, qui s’exprime dans d’autres moyens du recours, à savoir les troisième à huitième moyens. Le deuxième moyen, à présent examiné, a seulement pour objet, ainsi qu’il ressort de son énoncé, de contester les niveaux de concentration de la substance qui seraient demandés dans la décision attaquée pour effectuer ces études.

47      Or, il peut d’emblée être constaté que, dans la décision attaquée, la Commission n’impose nulle part de dépasser pour les essais demandés des concentrations d’oxyde de diméthyle qui pourraient rendre ces essais dangereux, en méconnaissance des règles de sécurité applicables. Certes, elle demande, dans la décision attaquée, à l’article 3 du dispositif, que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit « effectuée à un niveau de dose fixé de manière à induire une certaine toxicité à la dose la plus élevée », d’ailleurs en reprenant une consigne qui figure en substance à la fois au point 21 de la méthode d’essai B 56 du règlement sur les méthodes d’essai pour ce qui concerne cette étude et au point 1.6.3., deuxième alinéa, de la méthode d’essai B 31 du même règlement pour ce qui concerne l’étude de toxicité pour le développement prénatal. Toutefois, la Commission exprime cette demande dans le cadre général applicable aux essais de toxicité aiguë par inhalation, auquel elle est tenue, tout comme les déclarants. Or ce cadre recommande effectivement de ne pas dépasser une certaine concentration de la substance testée en fonction des caractéristiques de celle-ci. Les deux méthodes susdites, explicitement visées dans le dispositif de la décision attaquée, l’indiquent elles-mêmes dans leurs dispositions susmentionnées : « les niveaux de dose sont définis en fonction des effets toxiques dans la limite des propriétés physiques/chimiques de la substance d’essai » (méthode d’essai B 56) et « [s]auf limitations imposées par les propriétés physiques, chimiques ou biologiques de la substance d’essai, la dose la plus élevée devrait avoir une certaine toxicité […] » (méthode d’essai B 31).

48      D’ailleurs, au considérant 11 de la décision attaquée, la Commission indique que « [l]’oxyde de diméthyle est un gaz possédant des propriétés explosives ; aussi convient-il d’examiner s’il est techniquement possible de réaliser les études requises sans risque d’explosion ». Elle y indique prendre en compte le fait que, sur la base du DO 39 de l’OCDE, les déclarants ont indiqué qu’il était possible de réaliser les essais jusqu’à une concentration de 1,65 % et signale néanmoins que des essais à des concentrations supérieures (jusqu’à 5 %) ont déjà été réalisés. Elle y conclut que « [l]es données disponibles laissent donc penser qu’il est possible d’effectuer des essais à des concentrations susceptibles d’avoir des effets mais ne présentant aucun danger en ce qui concerne les propriétés explosives ».

49      À cet égard, il doit être observé que le DO 39 de l’OCDE, dont la Commission ne conteste pas l’application dans ses écritures, indique, dans son point 5.1.4, paragraphe 67, que, « [e]n ce qui concerne les substances chimiques potentiellement explosives, il faut veiller à éviter les conditions favorables à une explosion » et que, « [p]our des raisons de sécurité, il est généralement conseillé de ne pas dépasser la moitié de la [LIE] ». Il ressort de ces termes que cette limite, en l’occurrence égale à 1,65 %, n’est pas une limite universelle qu’il ne faudrait en aucun cas dépasser. D’ailleurs, au point 61 de la requête et au point 15 de la réplique, les requérantes admettent que des essais sur l’oxyde de diméthyle seraient éventuellement possibles jusqu’à un maximum de 2 %.

50      Il découle de ce qui précède que la Commission a laissé le soin aux déclarants, bien entendu en liaison avec les laboratoires qu’elles pourraient solliciter, de déterminer la concentration maximale à utiliser pour engendrer une certaine toxicité, mais dans la limite des concentrations qui pourraient s’avérer dangereuses compte tenu des propriétés physicochimiques de l’oxyde de diméthyle.

51      Il n’est donc nullement démontré que la Commission a imposé dans la décision attaquée d’atteindre, en contrariété avec des dispositions juridiquement applicables, des concentrations dangereuses pour des essais de toxicité aiguë par inhalation.

52      Par ailleurs, il ressort des pièces produites par les requérantes (annexes A 12 et A 13) qu’il existe au moins deux laboratoires s’estimant aptes à effectuer les essais en question à une concentration fixée à 1,65 %, voire pour l’un d’eux à une concentration allant jusqu’à 2 %. L’argument des requérantes mettant en cause la faisabilité technique des études demandées dans la décision attaquée doit ainsi être rejeté.

53      Par conséquent, les arguments des requérantes, de nature scientifique, visant en substance à démontrer une absence de signes de toxicité de l’oxyde de diméthyle sur les animaux d’essai jusqu’à la concentration de 1,65 %, qui impliquerait qu’elles devraient dépasser cette concentration pour obtenir « une certaine toxicité à la dose la plus élevée », sont en définitive inopérants au titre du moyen à présent examiné, fondé sur la critique de demandes d’essais qui iraient à l’encontre des exigences juridiques applicables en matière de réalisation des essais et qui ne seraient pas techniquement réalisables. Il en sera néanmoins tenu compte dans le cadre de l’examen du troisième moyen, puisque, comme la Commission l’observe dans le mémoire en défense, ce dernier reprend dans une large mesure ces arguments.

54      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté comme manquant en fait et que, par conséquent, contrairement à ce que les requérantes allèguent au titre de ce moyen, la Commission n’a ni méconnu l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH, ni demandé d’essais techniquement irréalisables en commettant une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

 Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en exigeant des essais qui ne produiraient aucune information pertinente sur l’oxyde de diméthyle

55      Les requérantes exposent que toutes les études disponibles concernant l’oxyde de diméthyle permettent de conclure qu’aucune toxicité n’a été observée à des concentrations inférieures ou égales à 1,65 %, voire à 2,5 %, cette dernière concentration correspondant à la CSENO qu’elles avancent. Elles contestent dans la réplique un niveau de CSENO de 0,5 % relevé dans le mémoire en défense par la Commission pour les femelles gravides, mentionné dans le rapport sur la sécurité chimique qu’elles ont déposé dans le cadre de l’enregistrement de la substance. Les observations aboutissant à cette valeur ne seraient pas concluantes.

56      De plus, dans le contexte de l’évaluation des dangers pour la santé humaine et de la gestion des risques en la matière, qui font partie des éléments sur lesquels porte l’annexe I, relative aux dispositions générales afférentes à l’évaluation des substances et à l’élaboration des rapports sur la sécurité chimique, il apparaîtrait que les usages concrets de la substance par les travailleurs et les consommateurs ne sont pas susceptibles de provoquer des effets narcotiques pour l’homme. Ainsi, un usage en pic d’exposition dans une laque pour cheveux induirait probablement un niveau d’exposition de 0,07 % pendant quelques secondes, alors que, pour une CSENO de 2,5 %, le niveau maximal d’exposition auquel l’être humain peut être soumis (DNEL) serait de 0,1 % pour une exposition à long terme d’une journée complète de travail de huit heures et alors qu’avec un pic d’exposition de quelques minutes, il faudrait un niveau d’exposition de 8 % à 12 % pour aboutir à des effets narcotiques aigus chez l’être humain. Dans la réplique, les requérantes ajoutent que les mesures de gestion des risques ont démontré une marge considérable de sécurité aux plus hautes concentrations possibles de ladite substance, notamment avec un ratio de caractérisation du risque très prudent.

57      Dès lors, si l’étude de toxicité pour le développement prénatal et l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération étaient réalisées conformément au DO 39 de l’OCDE, elles ne produiraient pas d’informations nouvelles ou pertinentes concernant l’oxyde de diméthyle. La réalisation de ces études irait ainsi à l’encontre des exigences découlant de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 10, sous a), de l’article 12, paragraphe 1, de l’article 13, paragraphe 4, et de l’article 41 du règlement REACH ainsi que de la note 1 de l’annexe VI et des considérants 17 et 26 de ce même règlement, dont il ressortirait que, en effectuant le contrôle de la conformité des enregistrements, l’ECHA ou la Commission ne peuvent demander que des informations pertinentes et nécessaires et doivent promouvoir les méthodes alternatives à des essais sur les animaux pour l’évaluation des dangers liés aux substances. Les exigences en matière d’informations à fournir figurant dans les annexes du règlement REACH ne devraient pas être trop strictement lues afin de respecter ces objectifs et de leur donner un effet utile. En particulier, les exigences en matière d’informations standard ne devraient pas être interprétées de manière à obliger les déclarants à fournir des informations manifestement dépourvues de pertinence.

58      Dans la réplique, les requérantes ajoutent en particulier que, même si la Commission invoque dans le mémoire en défense une étude fondée sur des essais par inhalation « corps entier » sur des rats, mentionnée au considérant 15 de la décision attaquée, au cours desquels une apathie a été observée à une concentration de l’ordre de 1 % d’oxyde de diméthyle, elle commet une erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’une telle narcose peut constituer un effet nocif au sens de l’article 1er, paragraphe 3, du règlement REACH. Selon les requérantes, la narcose est nocive lorsque les animaux ne réagissent pas, et non, comme à l’occasion de ces essais, quand seule une certaine apathie après l’exposition est constatée pendant un bref laps de temps. Un simple effet aurait donc été observé avec une concentration de 1 %, mais non un effet nocif.

59      Quant à l’affirmation de la Commission, exprimée dans le mémoire en défense, selon laquelle des effets toxicologiques pourraient même être décelés à un niveau de concentration inférieur à 1 % pour les animaux exposés lors des étapes de gestation et de lactation, les requérantes y opposent qu’il faudrait pour cela un « évènement initiateur moléculaire impliquant une interaction biologique », ce qui ne serait pas possible pour un gaz noble, auquel s’apparenterait l’oxyde de diméthyle.

60      Toujours en réponse au mémoire en défense, dans lequel la Commission souligne aussi qu’elle a demandé la réalisation d’une étude de détermination des concentrations préliminaire à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération afin de s’assurer de l’utilité de l’essai relatif à la neurotoxicité pour le développement sur des cohortes 2A et 2B, les requérantes soutiennent que cette étude préliminaire est elle-même inutile, car les observations faites sur les cohortes 1A et 1B au début ou dans le cadre de cette étude étendue en ce qui concerne les effets de type narcotique pourraient apporter les mêmes résultats. En outre, pour en contester l’opportunité, les requérantes exposent notamment qu’aucune consigne n’a été donnée par la Commission pour interpréter les observations faites lors de cette étude préliminaire et pour en tirer des conclusions.

61      Il doit d’abord être observé que, parmi les études demandées dans la décision attaquée, certaines visent à obtenir des informations standard qu’il est nécessaire dans tous les cas de produire dans le dossier d’enregistrement de l’oxyde de diméthyle aux termes de l’annexe X, applicable compte tenu du niveau déclaré de fabrication ou d’importation par an par fabricant ou par importateur, égal ou supérieur à 1 000 t. Les requérantes ne contestent pas que ce soit le cas pour l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération dans sa configuration de base incluant seulement les cohortes 1A et 1B et contestent, pour des questions d’interprétation des annexes IX et X, que ce soit le cas pour l’étude de toxicité sur le développement effectuée sur une seconde espèce animale, une telle contestation étant écartée dans le cadre de l’examen du huitième moyen (voir point 168 ci-après). Notamment à l’égard des études qui devraient dans tous les cas être faites aux termes de l’annexe X, en tant qu’elles visent à obtenir des informations standard, les requérantes estiment en substance, comme cela a été indiqué au point 57 ci-dessus, que les prescriptions de cette annexe ne devraient pas être trop strictement appliquées afin d’éviter d’obliger les déclarants à fournir des informations manifestement dépourvues de pertinence en effectuant des essais inutiles sur des animaux.

62      Pour examiner cet argument, il y a lieu, préalablement, de rappeler l’agencement et le rôle des annexes du règlement REACH.

63      Aux termes de l’article 10 du règlement REACH, qui renvoie dans le détail de ses dispositions aux annexes de ce règlement, la demande d’enregistrement doit être accompagnée d’un dossier technique et d’un rapport sur la sécurité chimique.

64      À cet égard, cet article prévoit notamment que le dossier technique doit contenir des résumés d’études, ou le cas échéant des résumés d’études consistants (c’est-à-dire détaillés), relatifs aux informations découlant de l’application des annexes VII à XI ainsi que des propositions d’essais lorsqu’elles sont énumérées dans les annexes IX et X. L’article 12 du règlement REACH précise que, s’agissant des études en question, le dossier technique sur la substance contient toutes les informations pertinentes dont dispose le déclarant, d’ordre physicochimique (c’est-à-dire concernant les caractéristiques physiques et chimiques, par exemple les données sur l’explosibilité, l’inflammabilité et le pouvoir oxydant), toxicologique (c’est-à-dire concernant la nocivité pour les êtres vivants) et écotoxicologique (c’est-à-dire concernant la nocivité pour les milieux environnementaux) et, a minima, certaines informations. Pour les substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures à 1 000 t par an par fabricant ou par importateur, le paragraphe 1, sous e), du même article indique que ces informations minimales sont celles visées aux annexes VII et VIII et les propositions d’essais pour la production des informations visées aux annexes IX et X.

65      L’annexe VI, intitulée « Exigences en matière d’informations visées à l’article 10 », indique, dans la « Note d’orientation sur le respect des exigences énoncées aux annexes VI à XI » qui en constitue la partie introductive :

« Les annexes VI à XI précisent quelles sont les informations qui sont présentées aux fins de l’enregistrement et de l’évaluation […]. Pour le niveau de quantité le plus faible, les exigences standard sont indiquées à l’annexe VII et, à chaque fois qu’un nouveau seuil de quantité est atteint, les exigences énoncées à l’annexe correspondante viennent s’y ajouter. Les exigences précises en matière d’information diffèrent pour chaque enregistrement, en fonction des quantités, de l’utilisation et de l’exposition. Les annexes doivent donc être considérées comme un tout et envisagées dans le contexte des obligations globales en matière d’enregistrement et d’évaluation, ainsi que du devoir de prudence. »

66      À l’annexe X, intitulée « Exigences en matière d’informations standard pour les substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures à 1 000 tonnes », la partie introductive indique notamment :

« Au niveau visé par la présente annexe, le déclarant est tenu de présenter une proposition et un calendrier pour se conformer aux exigences en matière d’informations visées dans la présente annexe, conformément à l’article 12, paragraphe 1, point e).

La colonne 1 de la présente annexe indique les informations standard qui doivent être fournies pour toutes les substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures à mille tonnes […]. En conséquence, les informations exigées à la colonne 1 de la présente annexe viennent s’ajouter à celles qui sont exigées à la colonne 1 des annexes VII, VIII et IX. Il y a lieu de fournir toute autre information disponible pertinente d’ordre physicochimique, toxicologique et écotoxicologique. La colonne 2 de la présente annexe énumère les règles spécifiques selon lesquelles le déclarant peut proposer d’omettre les informations standard, les remplacer par d’autres informations, les fournir à un stade différent ou les adapter d’une autre manière. »

67      À l’annexe IX, relative aux « Exigences en matière d’informations standard pour les substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures à 100 tonnes », la partie introductive est rédigée de manière analogue, sans référence, bien entendu, à l’annexe IX elle-même en tant qu’annexe concernant les niveaux de quantités inférieurs.

68      S’agissant en particulier des informations toxicologiques, l’annexe X comporte, à la rubrique 8.7. relative à la toxicité pour la reproduction, une rubrique numérotée 8.7.2. « étude de toxicité au stade du développement » et une rubrique numérotée 8.7.3. « étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération ». Ces deux rubriques sont déjà présentes et renseignées à l’annexe IX, la première étant intitulée dans cette annexe « étude de toxicité au stade du développement prénatal ». Toutefois leurs dispositions ne sont pas identiques dans l’annexe IX et dans l’annexe X. Ces deux rubriques ne font pas l’objet de dispositions dans les annexes VII et VIII, applicables pour les substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures, respectivement, à 1 t et à 10 t par an par fabricant ou par importateur.

69      Il ressort de cette présentation que les informations demandées aux déclarants aux termes des annexes VII à X, en particulier les informations standard figurant dans les colonnes 1 de ces annexes qui doivent dans tous les cas être fournies sauf adaptation possible au titre d’une disposition figurant dans la colonne 2, sont graduellement demandées en fonction des quantités de substance fabriquées ou importées. Il doit par ailleurs être souligné que ces obligations d’information concernent des substances chimiques et visent, comme cela est énoncé à l’article 1er du règlement REACH, à assurer que les dangers de ces substances, fabriquées, mises sur le marché et utilisées, soient connus et que ces substances, lorsqu’elles sont utilisées, n’aient pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou pour l’environnement. Par conséquent, eu égard aux dangers potentiels des substances chimiques et en appliquant le principe de précaution, mais aussi en tenant compte de l’objectif de prévention des essais inutiles sur les animaux vertébrés, ce principe et cet objectif étant tous deux également visés audit article, le législateur a déjà effectué des choix en vue de ne demander des études sur les animaux vertébrés aux déclarants que si elles apparaissent pertinentes compte tenu des quantités de substance concernées. Au demeurant, l’annexe XI prévoit encore des possibilités d’adaptation supplémentaires à celles prévues dans la colonne 2 des annexes VII à X, que les déclarants peuvent faire valoir s’ils estiment qu’une étude prévue dans ces annexes est inutile.

70      Dès lors que les requérantes ne mettent pas en cause la validité de ces choix, autrement dit la légalité des dispositions au titre desquelles la réalisation d’études leur a été demandée dans la décision attaquée, plus particulièrement celles de l’annexe X, et qu’elles ne se placent pas, au titre du moyen à présent examiné, sur le terrain d’une possibilité d’adaptation prévue à l’annexe XI, elles ne peuvent pas valablement prétendre qu’elles seraient dispensées de réaliser des études qui doivent dans tous les cas être faites aux termes de l’annexe X, visant l’obtention d’informations standard, au motif qu’elles ne seraient pas pertinentes.

71      Les exemples invoqués dans la requête d’interprétations non strictes, selon les requérantes, d’actes de l’Union qui ont été proposées par des avocats généraux de la Cour (conclusions de l’avocate générale Trstenjak dans l’affaire Caffaro, C‑265/07, EU:C:2008:250, point 34, et de l’avocat général Bobek dans l’affaire European Federation for Cosmetic Ingredients, C‑592/14, EU:C:2016:179, points 77 à 82) ne remettent pas en question cette conclusion. En effet, dans ces affaires, les avocats généraux ont proposé des interprétations de dispositions dont la portée était discutée en s’attachant, au-delà de leur libellé, à leur contexte et aux objectifs généraux des actes dans lesquels elles figuraient, afin de préciser leur portée. En l’espèce, ce que souhaitent les requérantes est que certaines dispositions du règlement REACH ne soient pas appliquées alors même que leurs conditions d’application sont réunies, ce qui est différent.

72      L’argument de principe des requérantes mentionné à la dernière phrase du point 57 ci-dessus, qui se prêtait à une analyse d’ordre purement juridique, étant écarté, il y a lieu d’observer que, pour le surplus, les arguments avancés au soutien du troisième moyen visent à mettre en cause l’appréciation de la Commission relative à l’utilité des différentes études demandées, pour autant qu’elles ne soient pas en tout état de cause obligatoires aux termes de l’annexe X, c’est-à-dire l’appréciation de la Commission relative à l’utilité de la partie de l’étude étendue de toxicité pour la reproduction comportant les cohortes 2A et 2B pour évaluer la neurotoxicité pour le développement et relative à l’utilité de l’étude préliminaire de détermination des concentrations.

73      Une telle appréciation relève de la catégorie des appréciations d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes par une autorité administrative. Comme il a déjà été rappelé au point 38 ci-dessus, si le juge de l’Union est conduit à examiner de telles appréciations, il doit se limiter à vérifier si elles ne sont pas entachées d’une erreur manifeste, d’un détournement de pouvoir, ou si cette autorité n’a pas manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. À cet égard, il est jugé de manière constante que, afin d’établir que l’autorité administrative a commis une erreur manifeste dans l’appréciation de tels éléments de nature à justifier l’annulation de l’acte attaqué, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits hautement complexes à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T‑380/94, EU:T:1996:195, point 59, et du 19 septembre 2019, Arysta LifeScience Netherlands/Commission, T‑476/17, EU:T:2019:618, point 87 et jurisprudence citée). Eu égard aux arguments d’ordre scientifique et technique avancés par les requérantes, il y a donc lieu de vérifier si ceux-ci privent de plausibilité l’appréciation de la Commission selon laquelle, tout en effectuant les études dans des conditions visant à assurer la non-dangerosité des essais, c’est-à-dire en ne dépassant pas une concentration de 1,65 %, voire de 2 %, il est possible qu’une certaine toxicité se manifeste à la dose la plus élevée (par simplification, il ne sera fait ci-après référence qu’à la valeur de 1,65 %).

74      Avant d’entamer cette vérification, il convient toutefois d’indiquer la position du Tribunal en ce qui concerne la demande des requérantes, exprimée dans la requête, que celui-ci recoure à un expert indépendant chargé d’examiner et de clarifier certains points scientifiques complexes, d’ailleurs relatifs à la plupart des moyens des requérantes, ainsi qu’elles l’ont précisé dans la réplique. Le Tribunal n’aurait recouru à cette possibilité, prévue à l’article 25 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, que si cela s’était avéré nécessaire pour juger du caractère fondé, ou non, de certains moyens, compte tenu de la nature du contrôle qu’il exerce sur l’appréciation d’éléments factuels d’ordre scientifique et technique hautement complexes par une autorité administrative, rappelée au point 73 ci-dessus. Or, ainsi que cela apparaît dans l’appréciation du présent moyen et des suivants, cela ne s’est pas avéré nécessaire en l’espèce.

75      À l’égard des arguments des requérantes résumés aux points 55 à 59 ci-dessus, la Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, fait tout d’abord valoir que la CSENO de 2,5 % avancée par les requérantes n’est pas représentative. Elle est en effet dérivée de l’étude Haskell 1986 (voir point 43 ci-dessus), qui ne serait pas une étude de toxicité pour la reproduction comme celles demandées dans la décision attaquée, mais une étude de toxicité d’un autre type dans le cadre de laquelle seuls des animaux adultes non gravides ont été soumis aux essais. Cela n’est pas contesté par les requérantes, qui exposent toutefois qu’un animal non gravide est tout aussi sensible aux effets narcotiques qu’un animal gravide. La Commission et le Royaume de Suède estiment pour leur part que l’étude Haskell 1986 ne fournit pas d’informations sur les concentrations susceptibles de déclencher des effets nocifs sur les animaux se trouvant dans les étapes sensibles de la vie, telles que la gestation et le développement embryofœtal.

76      Par ailleurs, comme cela a été évoqué au point 55 ci-dessus, la Commission relève qu’un niveau de CSENO de 0,5 %, donc inférieur à celui de 2,5 % avancé par les requérantes, a été déterminé pour les femelles gravides et a été mentionné dans le rapport sur la sécurité chimique que les requérantes ont déposé dans le cadre de l’enregistrement de la substance. Les requérantes rétorquent que cette valeur n’est pas fiable et que, de ce fait, elles ne l’ont pas reprise dans le dossier technique de l’enregistrement, notamment parce que les observations de l’étude à la suite de laquelle cette valeur avait été déterminée ne seraient pas claires, comme un rapport d’un toxicologue de la Nederlandse Organisatie voor toegepast-natuurwetenschappelijk onderzoek (Organisation néerlandaise pour la recherche scientifique appliquée, TNO), ayant lui-même consulté un spécialiste du laboratoire Haskell, l’établirait.

77      S’agissant des arguments des requérantes relatifs aux usages concrets par l’homme ainsi qu’à l’évaluation et à la gestion des risques en la matière, mentionnés au point 56 ci-dessus, la Commission, soutenue par le Royaume de Danemark et l’ECHA, fait valoir que le fait de satisfaire aux exigences en matière d’informations standard prévues par le règlement REACH n’est pas nécessaire uniquement pour les considérations relatives aux mesures liées à la gestion des risques en conditions d’utilisation, mais également pour l’identification de tous les dangers liés à la substance en raison de ses caractéristiques intrinsèques. La Commission indique en outre que le ratio de caractérisation des risques avancé par les requérantes est dénué de pertinence au stade de l’évaluation du danger, qui est liée aux propriétés intrinsèques de la substance et n’a d’utilité que pour la gestion du risque lié à la substance, ce qui est différent.

78      Comme cela a été évoqué au point 58 ci-dessus, la Commission se prévaut d’une étude dans le cadre de laquelle une apathie a été observée sur des rats à une concentration de l’ordre de 1 % d’oxyde de diméthyle, alors que les requérantes soutiennent qu’on ne peut pas en déduire la possibilité d’effets nocifs à une concentration comprise entre 1 % et 1,65 %, limite supérieure pour les essais concernant cette substance recommandée dans le DO 39 de l’OCDE.

79      Enfin, quant à la contestation par les requérantes, résumée au point 59 ci-dessus, du fait que l’oxyde de diméthyle, qui s’apparenterait à un gaz noble, puisse avoir des effets toxicologiques à une concentration inférieure à 1 %, la Commission souligne que cette substance n’est pas un gaz noble exclu des exigences en matière d’enregistrement au titre du règlement REACH, que les jeunes sujets sont plus sensibles que les adultes à niveau d’exposition égal, qu’il est de ce fait probable que les effets narcotiques soient plus préjudiciables à leur système nerveux qu’à celui des adultes et qu’une « interaction biologique » peut difficilement être exclue dans la mesure où l’on ne connaît pas l’ensemble des mécanismes de toxicité de cette substance.

80      Il doit être constaté que ce débat ne conduit pas à priver de plausibilité la manifestation d’effets d’une « certaine toxicité à la dose la plus élevée » en respectant la limite supérieure de concentration de 1,65 % lors des essais des études de toxicité pour la reproduction de l’oxyde de diméthyle, demandées dans la décision attaquée. En effet, d’une part, le Tribunal observe qu’il y a précisément désaccord entre les experts des requérantes et ceux de la Commission ou du Royaume de Danemark, du Royaume des Pays-Bas, du Royaume de Suède ainsi que de l’ECHA et qu’il y a donc controverse de nature scientifique. D’autre part, les arguments des requérantes ne permettent pas à eux seuls d’exclure de manière manifeste la possibilité d’apparition de tels effets dans les conditions mentionnées ci-dessus.

81      À cet égard, en premier lieu, au vu de ces arguments, il ne paraît pas établi, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, qu’il puisse être déduit automatiquement d’une étude de toxicité par inhalation non ciblée sur l’étude de la toxicité pour la reproduction et effectuée sur des animaux non gravides que la première concentration à laquelle une toxicité est décelée dans cette étude, et qui permet d’en déduire une CSENO pour ce type d’études, sera la même pour une étude de toxicité pour la reproduction effectuée notamment sur des animaux gravides, dont on pourrait déduire une même CSENO. En effet, les requérantes ne mettent en avant qu’une équivalence des réactions de type narcotique entre animaux gravides et animaux non gravides, ce qui ne signifie pas que d’autres effets se révèleront aux mêmes concentrations pour ces deux types d’animaux. Une CSENO de 2,5 % pour des études de toxicité sur la reproduction, et donc l’inutilité manifeste d’essais effectués jusqu’à une concentration de 1,65 %, ne saurait donc être nécessairement déduite en l’espèce de l’étude Haskell 1986 invoquée par les requérantes.

82      En deuxième lieu, s’agissant de la critique du niveau de CSENO de 0,5 % pour les femelles gravides mentionné dans le rapport sur la sécurité chimique déposé dans le cadre de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle, au motif que l’étude ayant abouti à cette valeur n’est pas claire, il ressort cependant des extraits du rapport sur cette étude du toxicologue de la TNO reproduits par les requérantes dans la réplique, au point 17, sous b), qu’« il est clair qu’il y avait un effet [de réaction légèrement diminuée au son] sur la femelle du rat à un niveau de 2 % et plus ». Dès lors, même si l’étude en question n’était, comme le soulignent aussi les requérantes, qu’une étude préliminaire de détermination des concentrations, elle a permis d’observer un effet à 2 % de concentration, ce qui laisse la possibilité que cet effet se manifeste déjà entre la CSENO de 0,5 % et cette concentration de 2 %. Les requérantes font d’ailleurs aussi état dans la réplique, au point 17, sous d), de « lettres internes de Haskell » qui, « [e]n ce qui concerne les résultats figurant dans l’étude principale », indiquent que le groupe de rats ayant reçu une dose à une concentration de 2 % (rats du groupe IV) « montraient une diminution de réaction au son ». L’inutilité certaine d’essais effectués jusqu’à une concentration de 1,65 % ne saurait donc non plus être déduite des commentaires sur ces études.

83      En troisième lieu, s’agissant des arguments relatifs aux usages concrets par l’homme ainsi qu’à l’évaluation et à la gestion des risques en la matière, visant à montrer que, lorsque la substance est utilisée dans le cadre de ses applications industrielles, professionnelles ou domestiques, elle ne saurait engendrer d’effets narcotiques pour l’homme, la Commission, le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA soulignent à juste titre que l’enregistrement d’une substance ne vise pas seulement à garantir son usage non dangereux dans le cadre de ses applications normales, mais aussi à connaître la substance et ses effets sur les êtres vivants et sur l’environnement en tant que tels, autrement dit à connaître ses caractéristiques intrinsèques, ce qui peut demander des essais reconstituant des conditions s’écartant de celles de ses applications normales. À cet égard, les annexes VII à X définissent spécifiquement les informations à apporter pour que les propriétés intrinsèques d’une substance soient connues. Dès lors, l’absence de dangerosité de la substance pour l’homme dans ses applications normales, notamment l’absence d’effets narcotiques pour l’homme à l’occasion de tels usages, à la supposer établie, ne saurait dispenser d’effectuer des études qui seraient requises au titre des annexes VII à X, sauf à ce qu’une adaptation soit possible au titre de l’annexe XI. L’ECHA souligne d’ailleurs à juste titre que les applications d’une substance peuvent évoluer dans le temps, alors que ses propriétés intrinsèques restent les mêmes. De plus, en l’occurrence, la démonstration des requérantes repose notamment sur la prémisse d’une CSENO de 2,5 %, incertaine pour les études de toxicité pour la reproduction, comme cela a été relevé au point 81 ci-dessus.

84      En quatrième lieu, s’agissant de la critique de la justification tirée par la Commission de ce qu’une apathie a été observée dans un essai sur des rats à une concentration de 1 %, les requérantes font valoir qu’une simple apathie ne constituerait pas un effet nocif. Toutefois, il doit être souligné que la Commission ne soutient pas qu’une simple apathie constitue un effet nocif, mais simplement que, si un effet apathique s’observe à une concentration de 1 %, il est possible que des effets nocifs, narcotiques ou autres s’observent au-delà, entre cette concentration et celle de 1,65 %. Cette appréciation n’apparaît pas entachée d’erreur manifeste et, par conséquent, les arguments des requérantes concernant le stade à partir duquel une narcose doit être considérée comme nocive, ce qui ne serait pas le cas de l’apathie, ne démontrent pas non plus l’inutilité certaine des essais demandés dans la décision attaquée s’ils sont effectués jusqu’à une concentration de 1,65 %.

85      En cinquième lieu, s’agissant de la contestation, d’ordre scientifique, par les requérantes de la possibilité que l’oxyde de diméthyle puisse avoir des effets toxicologiques à une concentration inférieure à 1 %, à laquelle la Commission a répondu dans la duplique, il doit être constaté que, même si cette affirmation des requérantes était exacte, cela ne priverait pas de plausibilité l’apparition d’effets nocifs avant la concentration maximale de 1,65 %. En outre, l’oxyde de diméthyle n’est pas un gaz noble. Même s’il s’y apparentait, comme le soutiennent les requérantes, ce seul fait ne dispenserait pas les déclarants de fournir les informations requises pour son enregistrement, dès lors qu’il ne bénéficie pas de l’exonération prévue pour les gaz nobles à l’article 2, paragraphe 7, du règlement REACH.

86      Quant aux arguments des requérantes avancés dans la réplique visant spécifiquement à démontrer l’inutilité de l’étude préliminaire de détermination des concentrations (voir point 58 ci-dessus), ils ne viennent pas au soutien du troisième moyen examiné à présent, tiré de ce que les essais demandés ne produiraient aucune information pertinente sur l’oxyde de diméthyle. En effet, cette étude préliminaire ne vise qu’à déterminer les modalités et la portée de l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération dont il a déjà été établi, au vu des arguments examinés aux points 81 à 85 ci-dessus, qu’elle n’est pas manifestement insusceptible de fournir des informations pertinentes sur l’oxyde de diméthyle avec des essais effectués jusqu’à une concentration de 1,65 %.

87      En tout état de cause, même s’il fallait examiner ces arguments dans le cadre de ce moyen, il y a lieu de relever que les requérantes ne mettent en doute la nécessité de cette étude préliminaire que pour autant qu’elle vise à déceler des effets de type narcotique, qui seraient selon elles pareillement observables sur les cohortes 1A et 1B dans le cadre de l’étude étendue elle-même. Or, selon l’article 3 du dispositif de la décision attaquée, lu à la lumière du considérant 16 de celle-ci, l’observation particulière d’effets de type narcotique n’a pour but que d’évaluer si l’inclusion dans l’étude étendue de cohortes 2A et 2B, pour évaluer spécifiquement la neurotoxicité pour le développement de l’oxyde de diméthyle, est nécessaire, alors que l’étude de détermination des concentrations vise aussi et avant tout à savoir quelles concentrations utiliser dans l’étude étendue, que celle-ci se limite à des essais sur des cohortes 1A et 1B ou inclue aussi des essais sur des cohortes 2A et 2B. Compte tenu des incertitudes sur la concentration à partir de laquelle des effets nocifs de l’oxyde de diméthyle sont susceptibles d’être observés dans une étude étendue de toxicité pour la reproduction, l’étude préliminaire de détermination des concentrations demandée dans la décision attaquée ne saurait donc être considérée comme manifestement inutile sur le fondement des arguments mentionnés ci-dessus. L’absence de consignes spécifiques dans la décision attaquée sur la manière de conduire et d’interpréter cette étude préliminaire, en particulier en ce qui concerne l’observation d’effets de type narcotique, ne saurait remettre en cause cette conclusion, les laboratoires d’essais spécialisés ayant normalement la compétence scientifique pour organiser de telles études et en interpréter les résultats, ainsi que le souligne en substance la Commission dans la duplique.

88      Au regard de ce qui précède, même s’il peut y avoir des incertitudes sur la concentration à partir de laquelle des effets nocifs de l’oxyde de diméthyle pourraient être observés dans le cadre d’études de toxicité pour la reproduction et s’il existe des controverses de nature scientifique à ce propos, il n’apparaît pas empreint d’erreur manifeste d’appréciation d’avoir demandé les essais énumérés dans la décision attaquée, ce d’autant que la Commission a demandé que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit précédée d’une étude préliminaire de détermination des concentrations. Dans ce contexte, il n’est pas exclu que les essais demandés dans la décision attaquée démontrent une toxicité en dessous du niveau de concentration de 1,65 % qu’il est recommandé de ne pas dépasser dans le DO 39 de l’OCDE. Même si aucune toxicité ne se révélait en dessous de ce niveau, ces essais ne seraient pas inutiles et permettraient de régler en partie les controverses évoquées ci-dessus.

89      Il résulte de ce qui précède que les requérantes n’ont pas démontré, contrairement à ce qu’elles allèguent au titre de leur troisième moyen, que la Commission a exigé des essais qui ne produiraient aucune information pertinente sur l’oxyde de diméthyle et qu’elle a commis de ce fait une erreur manifeste d’appréciation. La violation concomitante de l’article 1er, paragraphe 1, de l’article 10, sous a), de l’article 12, paragraphe 1, de l’article 13, paragraphe 4, et de l’article 41 du règlement REACH ainsi que de la note 1 de l’annexe VI, lus à la lumière des considérants 17 et 26 du même règlement, dont il ressortirait que, en effectuant le contrôle de la conformité des enregistrements, l’ECHA ou la Commission ne peuvent demander que des informations pertinentes et nécessaires et doivent promouvoir les méthodes alternatives à des essais sur les animaux pour l’évaluation des dangers liés aux substances, n’est par conséquent pas non plus établie. Le troisième moyen doit ainsi être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait méconnu l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, en exigeant l’ajout de cohortes 2A et 2B à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération

90      Dans le cadre du quatrième moyen, les requérantes font valoir des arguments qui s’articulent, en substance, en deux branches, l’une tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en dénaturant la portée des termes « préoccupations particulières » figurant à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, l’autre tirée de ce qu’elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’oxyde de diméthyle présente des « préoccupations particulières » liées à la neurotoxicité sur la base du premier et du troisième tiret de cette disposition.

91      À titre liminaire, il convient de rappeler que la colonne 1 de la rubrique 8.7.3. de l’annexe X exige, au titre des informations standard, une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération comportant des cohortes 1A et 1B, réalisée sur une seule espèce. Aux termes du deuxième alinéa de la colonne 2 de la même rubrique, l’inclusion des cohortes 2A et 2B à une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération afin d’évaluer la neurotoxicité pour le développement peut être demandée par l’ECHA, ou le cas échéant par la Commission, en cas de préoccupations particulières liées à la neurotoxicité (pour le développement) justifiées par l’un des éléments suivants :

–        des informations existantes relatives à la substance elle-même et tirées de méthodes in vivo ou non animales pertinentes et disponibles (par exemple, anomalies du système nerveux central, preuve d’effets nocifs sur le système nerveux ou immunitaire dans le cadre d’études sur des animaux adultes ou exposés au stade prénatal) ;

–        des mécanismes ou des modes d’action spécifiques de la substance associés à une neurotoxicité (pour le développement) ou à une immunotoxicité (pour le développement) (par exemple, inhibition de la cholinestérase ou modifications pertinentes des taux d’hormones thyroïdiennes associés à des effets nocifs) ;

–        des informations existantes sur les effets causés par des substances de structure analogue à celle de la substance étudiée, suggérant l’existence de tels effets ou mécanismes/modes d’action.

92      Il ressort du considérant 14 et du considérant 15, premier alinéa, de la décision attaquée que la Commission a réévalué les données in vivo existantes en ce qui concerne les effets narcotiques causés par l’oxyde de diméthyle. Sur la base de ces données, elle a indiqué que des effets narcotiques transitoires de l’oxyde de diméthyle, à savoir ataxie, anesthésie, respiration saccadée, ballottement de la tête, agitation des pattes et roulement des yeux, avaient été observés à une dose de 8,4 %. Ensuite, la Commission a souligné que ces effets, produits après une seule exposition, correspondaient à certains des critères énumérés pour la catégorie « STOT SE-cat.3 » figurant à l’annexe I, rubrique 3.8.2.2.2., du règlement no 1272/2008. Finalement, la Commission a indiqué que, dans le cadre de l’étude par inhalation « corps entier » de deux semaines, déjà évoquée aux points 58, 78 et 84 ci-dessus, des effets de type narcotique, tels que l’apathie, avaient été décelés à une concentration d’environ 1 % et des troubles de la coordination ainsi qu’une absence de réponse au bruit à une concentration d’environ 5 %.

93      Il ressort également du considérant 15, second alinéa, de la décision attaquée que la Commission a pris en considération les effets d’une substance dont la structure est analogue à celle de l’oxyde de diméthyle, à savoir l’oxyde de diéthyle. La Commission a relevé, à cet égard, que de légers effets anesthésiants de l’oxyde de diéthyle avaient été observés à deux doses dans une étude par voie orale sur 90 jours et que l’oxyde de diéthyle avait des effets narcotiques sur l’homme qui correspondaient aussi à certains des critères énumérés pour la catégorie « STOT SE-cat.3 » figurant à l’annexe I, rubrique 3.8.2.2.2., du règlement no 1272/2008.

94      Sur la base de ces observations, la Commission a conclu que, bien qu’aucun signe net de neurotoxicité n’ait déjà été observé, ni pour l’oxyde de diméthyle ni pour l’oxyde de diéthyle, les effets narcotiques observés par l’exposition à l’oxyde de diméthyle ou à l’oxyde de diéthyle constituaient la preuve suffisante d’effets nocifs de l’oxyde de diméthyle sur le système nerveux et, partant, que les conditions prévues à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, premier et troisième tiret, étaient remplies.

 Sur la première branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en dénaturant la portée des termes « préoccupations particulières » figurant à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa

95      Les requérantes soutiennent que, dans la mesure où l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, ne définit pas la notion de « préoccupations particulières » liées à la neurotoxicité pour le développement, celle-ci devrait être définie à la lumière des autres dispositions du règlement REACH ainsi que du chapitre R.7a, point R.7.6.2, du guide de l’ECHA intitulé « Guidance on Information Requirements and Chemical Safety Assessment » (Guide des exigences d’information et évaluation de la sécurité chimique, ci-après le « guide de l’ECHA »). Sur ces fondements, il s’agirait de préoccupations « fortes » présentant un certain degré de gravité révélé par des effets sérieux et graves de neurotoxicité.

96      La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste l’argumentation des requérantes.

97      D’abord, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient en substance la Commission en défense, les trois tirets figurant à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, ne définissent pas eux-mêmes d’une manière générale ce qu’il convient d’entendre par « préoccupations particulières », mais indiquent la nature des informations susceptibles de susciter de telles préoccupations, en fournissant des exemples de cas devant susciter de telles préoccupations, ainsi qu’il ressort de la citation faite au point 91 ci-dessus. Le règlement REACH ne contient pas non plus, dans une autre de ses dispositions, de définition de ce que sont de telles préoccupations.

98      À cet égard, il convient d’observer, dans le sens des requérantes, que l’article 77, paragraphe 2, sous g) et k), du règlement REACH confère effectivement au secrétariat de l’ECHA la tâche, notamment, « de fournir, le cas échéant, des orientations et des outils techniques et scientifiques pour assurer une bonne mise en œuvre [de ce règlement], en particulier pour [...] fournir des orientations techniques et scientifiques aux producteurs et aux importateurs d’articles pour l’application de l’article 7 » et d’« élaborer des informations explicatives sur [ledit règlement] à l’intention d’autres parties intéressées ». Compte tenu de la volonté du législateur, même s’il ne constitue pas « un avis juridique » pour les opérateurs économiques et n’est contraignant ni pour l’ECHA ni pour la Commission, un document tel que le guide de l’ECHA, invoqué par les requérantes, peut faire partie des éléments susceptibles d’être pris en considération aux fins de l’interprétation du même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, FCD et FMB, C‑106/14, EU:C:2015:576, point 28 et jurisprudence citée).

99      Ensuite, il peut être remarqué que, selon le guide de l’ECHA, pour constituer une préoccupation particulière au sens de l’annexe X, rubrique 8.7.3, colonne 2, deuxième alinéa, la préoccupation doit être spécifique à la neurotoxicité pour le développement et atteindre un certain degré de gravité. En ce qui concerne ce second aspect, il est mentionné « des effets graves ou sévères » et il est conclu que les « préoccupations particulières » se rencontrent dès lors qu’il existe des preuves suffisantes dont il résulte que l’on peut raisonnablement penser que la substance en question peut être neurotoxique pour le développement.

100    La note en bas de page n °153 du guide de l’ECHA, liée à ces considérations et invoquée par le Royaume de Suède, précise ce qui suit :

« Un effet grave ou sévère est un effet qui a des conséquences réglementaires, c’est-à-dire qui conduit à déterminer des valeurs de [niveaux d’effets nocifs non observés] et/ou contribue à la classification des dangers. Ainsi, une préoccupation particulière réside dans l’attente que la substance possède des propriétés neurotoxiques (pour le développement) contribuant à la prise de décision réglementaire. Cela signifie également que [les effets que produit la substance] ne sont pas secondaires par rapport à une autre toxicité systémique. »

101    Il convient également d’observer que le guide de l’ECHA reprend la distinction entre la nature des « préoccupations particulières », dont l’existence justifie l’inclusion des cohortes 2A et 2B dans l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération, et des exemples d’effets provoqués par la substance susceptibles de justifier l’existence desdites préoccupations particulières. Cette distinction est en effet déjà faite à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, ainsi qu’il ressort du point 91 ci-dessus. Autrement dit, le guide de l’ECHA interprète le règlement REACH comme laissant au régulateur le soin de définir si, dans un cas concret et sur la base des informations disponibles, des préoccupations particulières existent.

102    Cette interprétation est également celle figurant à la section B.56, point 2, du règlement sur les méthodes d’essai, selon lequel la décision d’élargir l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération aux cohortes 2A et 2B « [est] prise sur la base des connaissances existantes concernant la substance d’essai, ainsi que des impératifs fixés par différentes autorités réglementaires ».

103    Ces interprétations ayant été observées, il apparaît que, en dépit de l’absence de définition précise de ce qu’est une préoccupation particulière liée à la neurotoxicité pour le développement, au sens de l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, il ressort des termes mêmes utilisés dans cette disposition (voir point 91 ci-dessus), et en particulier du mot « préoccupation », qui signifie dans le contexte en question « souci », que, pour qu’une telle préoccupation puisse exister, des informations d’une certaine nature en possession des déclarants ou de l’autorité compétente doivent établir que la substance en cause a des effets neurotoxiques pour le développement, indépendamment d’effets qui résulteraient d’une toxicité plus générale, ou même seulement faire raisonnablement craindre qu’elle en ait. En présence de telles informations, l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération comportant des cohortes 2A et 2B a alors pour objet de préciser, de confirmer ou d’infirmer les effets neurotoxiques pour le développement de la substance.

104    Dès lors, ainsi que le souligne le Royaume des Pays-Bas, dans un cas concret, il appartient à l’autorité compétente, en l’absence d’initiative spontanée en ce sens des déclarants, d’estimer, à la lumière des données existantes et sur la base des principes mentionnés au point 103 ci-dessus, si des préoccupations liées à la neurotoxicité pour le développement existent.

105    Ainsi, pour parvenir à la conclusion que l’oxyde de diméthyle fait naître des « préoccupations particulières », la Commission n’était pas tenue, contrairement à ce que prétendent les requérantes (voir point 95 ci-dessus), d’avancer déjà des preuves que l’oxyde de diméthyle engendre des effets sérieux et graves de neurotoxicité. En effet, il est suffisant qu’un des éléments mentionnés à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, premier à troisième tiret, existe et laisse raisonnablement craindre l’existence d’effets nocifs, suffisamment sérieux ou graves, pour justifier la possibilité de neurotoxicité pour le développement.

106    Compte tenu de ce qui précède, il convient d’écarter la première branche du quatrième moyen comme non fondée et d’examiner ensuite si la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les informations existantes relatives à l’oxyde de diméthyle ou à une substance de structure analogue à l’oxyde de diméthyle, à savoir l’oxyde de diéthyle, justifiaient des « préoccupations particulières » liées à la neurotoxicité pour le développement.

 Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’oxyde de diméthyle justifie des « préoccupations particulières » liées à la neurotoxicité pour le développement

107    Les requérantes estiment que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les informations existantes, relatives à l’oxyde de diméthyle et à son analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, étaient de nature à justifier des « préoccupations particulières », sur le fondement de l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, premier et troisième tiret (dispositions reproduites au point 91 ci-dessus).

108    Premièrement, selon les requérantes, l’oxyde de diméthyle ne présente pas d’effets sérieux et graves en matière de neurotoxicité, ce que la Commission aurait reconnu en admettant, au considérant 15 de la décision attaquée, que, pour l’oxyde de diméthyle, « aucun signe net de neurotoxicité [n’a] été observé ».

109    Deuxièmement, les requérantes relèvent que, dans la mesure où il n’existe aucune preuve témoignant de ce que les effets narcotiques de l’oxyde de diméthyle seraient plus que transitoires, un certain nombre de membres du comité des États membres a considéré que les effets de cette substance ne sauraient avoir sur les organismes en développement des « effets neurotoxiques », ceux-ci étant nécessairement pérennes, et, par conséquent, que les informations existantes n’étaient pas de nature à susciter des préoccupations particulières entraînant la nécessité d’ajouter des cohortes 2A et 2B à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération.

110    Troisièmement, au stade de la réplique, les requérantes avancent qu’il ressort du rapport élaboré pour l’ECHA en 2017 par un toxicologue, intitulé « Scientific review on the link between the narcotic effects of solvents and (developmental) neurotoxicity » [Examen scientifique du lien entre les effets narcotiques des solvants et la neurotoxicité (pour le développement)], que, comme « solvant organique », par sa nature même, l’oxyde de diméthyle ne peut pas être considéré comme une substance produisant, même à des concentrations élevées ou à des doses répétées, des effets narcotiques justifiant des préoccupations particulières liées à la neurotoxicité pour le développement.

111    Quatrièmement, s’agissant spécifiquement de l’application des dispositions de l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, troisième tiret, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas non plus démontré que de telles préoccupations sont justifiées par les informations sur les effets causés par l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle. Après avoir évalué les informations concernant ces effets, la Commission conclurait que cette substance ne provoque que de légers effets anesthésiants.

112    La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste l’argumentation des requérantes.

113    À titre liminaire, il doit être rappelé que l’autorité compétente jouit, dans les conditions exposées au point 103 ci-dessus, d’un large pouvoir d’appréciation dans la prise de la décision d’étendre une étude de toxicité pour la reproduction sur une génération aux cohortes 2A et 2B. L’exercice de ce pouvoir n’est pas soustrait au contrôle juridictionnel. Toutefois, comme il a déjà été indiqué au point 73 ci-dessus, dans le cadre de ce contrôle, le Tribunal doit se limiter à vérifier l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits retenue par la Commission. Afin d’établir que la Commission a commis une telle erreur dans l’appréciation d’ordre scientifique et technique hautement complexe des faits, les éléments de preuve apportés par la partie requérante doivent être suffisants pour priver de plausibilité l’appréciation des faits retenue dans la décision attaquée. Sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation des faits à celle de l’auteur de la décision.

114    S’agissant du premier argument des requérantes, d’après lequel la Commission se contredit en demandant l’inclusion des cohortes 2A et 2B dans l’étude étendue de toxicité pour la reproduction alors qu’elle admettrait elle-même que l’oxyde de diméthyle n’a révélé aucun signe net de neurotoxicité, il ressort des appréciations du Tribunal sur la première branche du présent moyen (voir point 105 ci-dessus) qu’il est suffisant que les données dont dispose la Commission laissent raisonnablement craindre l’existence d’effets nocifs en ce qui concerne la neurotoxicité pour le développement. Ainsi, même si aucun signe « net » de neurotoxicité n’a encore été constaté, la Commission n’a pas pu exclure l’existence d’effets nocifs de l’oxyde de diméthyle liés à la neurotoxicité pour le développement compte tenu des données existantes témoignant d’effets narcotiques de l’oxyde de diméthyle et de son analogue structurel, l’oxyde de diéthyle, sur le comportement des animaux testés, telles que celles présentées aux points 92 et 93 ci-dessus.

115    S’agissant du deuxième argument des requérantes, d’après lequel l’absence de « préoccupations particulières » est démontrée par les approches distinctes adoptées au cours de la réunion du comité des États membres en ce qui concerne la nature des effets narcotiques de l’oxyde de diméthyle qui auraient justifié ou non l’extension de l’étude de toxicité pour la reproduction sur une génération aux cohortes 2A et 2B, en particulier sur la nature transitoire, ou non, de ces effets, le Tribunal estime que la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que ces divergences n’écartaient pas l’existence de « préoccupations particulières » qu’il convenait précisément de confirmer ou d’infirmer par des essais complémentaires. Il peut être observé, comme le souligne la Commission, que la décision attaquée a, en définitive, reçu un avis favorable du comité institué par l’article 133 du règlement REACH, dont les 27 membres se sont prononcés pour l’inclusion des cohortes 2A et 2B à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération.

116    Le troisième argument des requérantes, d’après lequel, comme solvant organique, l’oxyde de diméthyle ne saurait justifier des « préoccupations particulières » sur la base du rapport mentionné au point 110 ci-dessus, doit aussi être écarté. En effet, ce rapport n’exclut pas de lien entre les effets narcotiques des solvants organiques, tel que l’oxyde de diméthyle, et la neurotoxicité ou la toxicité pour le développement, contrairement à ce que font valoir les requérantes. Ce rapport indique que« les études sur la neurotoxicité pour le développement font souvent défaut » (page ix, résumé). Il y est exposé que, pendant longtemps, « peu d’attention a été accordée aux effets des solvants organiques sur le système nerveux en développement » et qu’il est aujourd’hui évident « que le système nerveux mature [est] très différent du système nerveux en développement, ce dernier étant plus sensible aux effets dangereux des produits chimiques, et notamment des solvants organiques » (page 7 du rapport), tels que l’oxyde de diméthyle. Il y est finalement indiqué qu’il « semble […] très probable que le système nerveux en développement soit plus sensible aux effets nocifs des produits chimiques présents dans l’environnement que le système nerveux adulte » (page 47 du rapport).

117    S’agissant du quatrième argument des requérantes, concernant les effets produits par l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, la Commission souligne dans la décision attaquée, au considérant 15, deuxième alinéa, sans être contredite par les requérantes, que cette substance provoque de « légers effets anesthésiants » lors des essais sur les animaux, ainsi que des effets narcotiques sur l’homme, classés au titre du règlement no 1272/2008, évoqué au point 3 ci-dessus, dans la catégorie « STOT SE-cat.3 ».

118    Le règlement no 1272/2008 comprend, dans sa classification des dangers pour la santé des substances auxquelles il s’applique, une classe correspondant à une « toxicité spécifique pour certains organes cibles » à la suite d’une exposition unique à la substance (« specific target organ toxicity – single exposure » en anglais, d’où le sigle « STOT-SE »). Au sein de cette classe sont définies trois catégories de danger désignées 1 à 3, du plus important au moins important. Conformément au tableau 3.8.1. figurant à l’annexe I du règlement no 1272/2008, les substances relevant de la catégorie 3 entraînent des effets passagers sur certains organes. Il est précisé que « [c]ette catégorie n’inclut que les effets narcotiques et l’irritation des voies respiratoires », que « [c]es effets sur des organes cibles sont provoqués par une substance qui ne répond pas aux critères des catégories 1 ou 2 ci-dessus », qu’« [i]l s’agit d’effets qui altèrent une fonction humaine durant une courte période suivant l’exposition et dont l’être humain peut se remettre dans un délai raisonnable sans conserver de modification structurelle ou fonctionnelle significative » et que « [l]es substances sont classées spécifiquement en fonction de ces effets, tels qu’énoncés au point 3.8.2.2. ». À cet égard, parmi les effets narcotiques sur l’être humain, énumérés au point 3.8.2.2.2. de l’annexe I du règlement no 1272/2008, figurent notamment la somnolence, la narcose, une diminution de la vigilance, la perte de réflexes, le manque de coordination ou le vertige. Pour ce qui est des effets sur les animaux, sont mentionnés la léthargie, le manque de coordination, la perte du réflexe de redressement et l’ataxie.

119    Selon le Tribunal, dans la mesure où de tels effets impliquent, même s’ils sont passagers et relèvent de la catégorie des symptômes de danger les plus faibles, conformément aux articles 3 et 4 du règlement no 1272/2008, de considérer la substance en cause comme dangereuse ainsi que de la classifier et de l’étiqueter en tant que présentant une « toxicité spécifique pour certains organes cibles », les requérantes ne peuvent pas soutenir à bon droit que les effets narcotiques de l’oxyde de diéthyle constatés par la Commission sont de nature négligeable et ne permettent pas, plausiblement, de justifier des préoccupations particulières liées à la neurotoxicité pour le développement de l’oxyde de diméthyle, au sens de l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa, troisième tiret. Il peut notamment être rappelé à cet égard que l’article 3 du règlement no 1272/2008 prévoit qu’« [u]ne substance […] qui répond aux critères relatifs aux dangers […] tels qu’ils sont énoncés à l’annexe I [du même règlement] est dangereu[se] et est classé[e] dans une des classes de danger prévues à [la même annexe] ».

120    À la lumière des appréciations qui précèdent, il n’est pas établi que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les effets observés étaient suffisants pour lui permettre de conclure à l’existence de préoccupations particulières liées à la neurotoxicité pour le développement, justifiant l’ajout des cohortes 2A et 2B à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération, d’ailleurs dépendante des résultats d’une étude préliminaire de détermination des concentrations.

121    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la seconde branche du quatrième moyen et, partant, le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 1, ainsi que l’article 25 du règlement REACH, en exigeant que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit précédée d’une étude préliminaire de détermination des concentrations

122    Dans le cadre de leur cinquième moyen, les requérantes font en substance valoir que la Commission a commis plusieurs erreurs de droit et une erreur manifeste d’appréciation en demandant que la réalisation de l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit précédée d’une étude préliminaire de détermination des concentrations.

123    En premier lieu, les requérantes soutiennent que, étant donné que ni la rubrique 8.7.3. de l’annexe X, ni l’annexe X, en général, n’exigent qu’une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit précédée d’une étude préliminaire de détermination des concentrations, la demande de réaliser une telle étude est dépourvue de fondement juridique.

124    En deuxième lieu, les requérantes estiment que, dans la mesure où une étude de toxicité pour le développement prénatal est disponible, la Commission ne pouvait exiger d’étude préliminaire de détermination des concentrations. En effet, le quatrième tiret figurant à l’annexe VIII, rubrique 8.7.1., colonne 2, indiquerait que l’étude préliminaire de détermination des concentrations n’est pas requise lorsqu’une étude de toxicité pour le développement prénatal est disponible.

125    En troisième lieu, les requérantes font valoir que l’obligation de réaliser une étude préliminaire de détermination des concentrations va à l’encontre du principe de limiter et de remplacer les essais sur les animaux, énoncé à l’article 25 du règlement REACH.

126    En quatrième lieu, les requérantes soutiennent en substance que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que, en vertu des données disponibles, il n’était pas possible de déterminer d’emblée une concentration à tester dans le cadre de l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération. En particulier, elles soutiennent que les cellules neuronales chez les jeunes animaux ne réagissent pas, en principe, de façon différente au traitement anesthésique que celles des animaux adultes et que, par conséquent, les CSENO déjà déterminées devraient suffire pour déterminer quelles concentrations utiliser.

127    La Commission, soutenue par le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA, conteste les arguments des requérantes.

128    Il ressort du considérant 16 et de l’article 3, deuxième alinéa, de la décision attaquée que, compte tenu du peu de preuves disponibles sur les niveaux de doses toxiques pour la reproduction et étant donné les propriétés physico-chimiques particulières de l’oxyde de diméthyle, avant que ne débute l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération, une étude préliminaire de détermination des concentrations doit être réalisée, dans le cadre de laquelle les animaux seront soumis à une surveillance attentive en vue de détecter d’éventuels effets de type narcotique. Ce n’est que dans le cas où de tels effets seraient observés à l’une quelconque des concentrations choisies pour l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération que les cohortes 2A et 2B (neurotoxicité pour le développement) devraient être intégrées dans ladite étude.

129    En ce qui concerne, en premier lieu, l’absence alléguée de base juridique pour demander la réalisation d’une étude de détermination des concentrations, certes, l’annexe X du règlement REACH ne prévoit pas explicitement qu’une demande d’effectuer une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération peut inclure une demande d’effectuer une étude préliminaire de détermination des concentrations.

130    Toutefois, à l’instar de la Commission, du Royaume de Suède et de l’ECHA, il y a lieu d’observer que l’étude préliminaire de détermination des concentrations ne constitue pas une étude autonome, mais une étude préliminaire, ayant pour but de déterminer le dosage approprié pour l’étude principale et, en l’espèce, de déterminer si une partie de cette étude principale peut être omise. Dès lors, la possibilité de demander une telle étude préliminaire à une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération découle de la rubrique 8.7.3. de l’annexe X elle-même.

131    Il peut d’ailleurs être relevé que, dans la décision attaquée, la réalisation de cette étude préliminaire est demandée en faisant référence à la ligne directrice 421 de l’OCDE ou à toute « étude similaire ». Or, cette ligne directrice indique, en son point 5, qu’« [elle] peut être appliquée en vue d’obtenir une première série d’informations concernant les effets possibles d’une substance sur la reproduction et/ou sur le développement, soit au stade initial d’une évaluation toxicologique soit dans l’évaluation d’une substance particulièrement préoccupante » et qu’« [e]lle peut avoir son utilité dans un ensemble d’essais de tri initial de produits chimiques existants pour lesquels les informations toxicologiques sont peu nombreuses ou absentes et peut donner des indications sur l’éventail de doses à utiliser dans des études plus complètes des effets sur la reproduction ou le développement. » Au point 4 de cette ligne directrice, il est aussi précisé qu’elle ne vient pas en remplacement des lignes directrices 414 et 443, qui concernent respectivement l’essai relatif à la toxicité pour le développement prénatal et l’essai étendu relatif à la toxicité pour la reproduction sur une génération. La ligne directrice 421 de l’OCDE confirme donc qu’il peut être approprié de demander une étude de détermination des concentrations en préliminaire à une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération.

132    Il peut, de même, être relevé que la possibilité de demander une telle étude avant l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération est mentionnée dans le guide de l’ECHA, comme le souligne la Commission dans la duplique. En effet, il ressort du chapitre R.7a, point R.7.6.2.3.2., intitulé « Procédure pour les essais et les adaptations », page 481 dudit guide, que, dès lors que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération est envisagée, il est nécessaire de déterminer, notamment, le niveau de concentration de la substance à tester dans le cadre de cette étude. Le guide de l’ECHA prévoit, à cet égard, à la page 483, que « la sélection des dosages est étayée par les informations issues des études existantes et d’études de détermination des concentrations spécifiques qui devraient éventuellement être menées ».

133    La rubrique 8.7.3. de l’annexe X doit donc être interprétée en ce sens qu’elle autorise la Commission à demander une étude de détermination des concentrations préliminaire à une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération et il apparaît donc que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit à cet égard.

134    En deuxième lieu, concernant l’argumentation tirée de ce que, à la rubrique 8.7.1. de l’annexe VIII, il est précisé qu’une étude de détermination des concentrations n’est pas requise si une étude de toxicité pour le développement prénatal est déjà disponible, il convient de rappeler ce qui suit, déjà indiqué au point 65 ci-dessus. Conformément à la « note d’orientation sur le respect des exigences énoncées aux annexes VI à XI », qui constitue la partie introductive de l’annexe VI, « [p]our le niveau de quantité le plus faible, les exigences standard sont indiquées à l’annexe VII et, à chaque fois qu’un nouveau seuil de quantité est atteint, les exigences énoncées à l’annexe correspondante viennent s’y ajouter » et « [l]es exigences précises en matière d’information diffèrent pour chaque enregistrement, en fonction des quantités, de l’utilisation et de l’exposition ». En outre, les préambules des annexes VIII, IX et X indiquent chacun que « les informations exigées à la colonne 1 de la présente annexe […] s’ajoutent à celles exigées à la colonne 1 [des annexes précédentes] ». Il peut en être déduit que les annexes VII à X ne sont pas redondantes pour ce qui concerne la colonne 1, en ce sens que la colonne 1 de l’annexe ayant le chiffre le plus élevé ne répète pas l’ensemble des éléments figurant dans la colonne 1 des annexes précédentes. Toutefois, si les informations à fournir correspondant aux exigences standard figurant dans la colonne 1 des annexes pertinentes s’ajoutent les unes aux autres quand le niveau de quantité fabriquée ou importée par an par fabricant ou par importateur atteint le niveau visé par une annexe donnée, les adaptations possibles mentionnées dans la colonne 2 de ces annexes ne se conservent pas d’une annexe à l’autre, sauf si elles sont répétées (principe inverse). Une adaptation peut, en effet, être envisageable pour un certain niveau de fabrication ou d’importation et ne plus l’être pour un niveau supérieur.

135    Autrement dit, dans la mesure où, compte tenu des quantités déclarées en l’espèce, le niveau visé à l’annexe X, à savoir celui des substances fabriquées ou importées par an par fabricant ou par importateur en quantités égales ou supérieures à 1 000 t, est atteint, les requérantes ne peuvent pas se prévaloir des possibilités d’adaptations figurant à l’annexe VIII, rubrique 8.7., colonne 2, qui vise le niveau des substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures à 10 t, pour écarter une demande formulée à leur égard au titre de l’annexe X. L’argument des requérantes tiré de ce que la Commission aurait méconnu ladite disposition est donc infondé et l’erreur de droit alléguée à cet égard n’est pas établie.

136    En troisième lieu, s’agissant de l’argumentation d’après laquelle la réalisation d’une étude préliminaire de détermination des concentrations méconnaît l’objectif énoncé à l’article 25, paragraphe 1, du règlement REACH de n’effectuer des essais sur des animaux vertébrés que s’il n’existe aucune autre solution, les éléments qui suivent doivent être pris en considération.

137    D’une part, l’objectif d’éviter des essais sur les animaux doit être appliqué à la lumière des autres principes sous-tendant le règlement REACH, notamment à la lumière du principe de précaution. L’article 1er, paragraphe 3, du règlement REACH indique que les dispositions de celui-ci « reposent sur le principe de précaution ». Il a été jugé que ce principe implique que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l’existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, des mesures de protection peuvent être prises sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, National Farmers’ Union e.a., C‑157/96, EU:C:1998:191, points 63 et 64, et du 1er octobre 2019, Blaise e.a., C‑616/17, EU:C:2019:800, point 43 et jurisprudence citée). Il a aussi été jugé qu’une application correcte du principe de précaution à l’égard d’une substance dont les effets ne sont pas pleinement déterminés présuppose, en premier lieu, l’identification des conséquences potentiellement négatives pour la santé de l’utilisation proposée de la substance en cause et, en second lieu, une évaluation complète du risque pour la santé fondée sur les données scientifiques disponibles les plus fiables et les résultats les plus récents de la recherche internationale (voir par analogie, en ce qui concerne des substances utilisées dans des produits phytopharmaceutiques, arrêt du 22 décembre 2010, Gowan Comércio Internacional e Serviços, C‑77/09, EU:C:2010:803, point 75 et jurisprudence citée). En l’espèce, le fait de demander une étude préliminaire de détermination des concentrations dans le cadre de la réalisation d’une étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération a permis de concilier le principe de précaution et l’exigence de réduire des essais sur les animaux. En effet, comme l’explique la Commission, dans la mesure où aucun effet narcotique ne serait constaté à des niveaux de concentration compatibles avec une réalisation sans danger des essais, les cohortes 2A et 2B ne seraient pas incluses dans l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération.

138    D’autre part, les requérantes soutiennent que la réalisation de l’étude de détermination des concentrations entraînerait inutilement la mort d’un nombre important d’animaux. Cependant, l’étude préliminaire de détermination des concentrations vise notamment à déterminer si l’ajout des cohortes 2A et 2B est nécessaire dans l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération. Or, selon ce qu’exposent les requérantes elles-mêmes, la première de ces études peut conduire à sacrifier environ 550 animaux, tandis que la seconde, faite de manière complète, conduit à en sacrifier environ 1 500. Par conséquent, si l’étude préliminaire aboutit à conclure que l’étude étendue n’est pas nécessaire sur des cohortes 2A et 2B, cette dernière étude n’utilisera qu’environ 750 animaux, le même nombre étant épargné, ce qui aura conduit à préserver au moins 200 animaux (750 - 550). Si l’étude préliminaire aboutit à la conclusion inverse, certes, l’addition des deux études entraînera le sacrifice d’un total d’animaux pouvant aller jusqu’à environ 2 050 (550 + 1500), mais cela aura été justifié au regard de l’étude préliminaire, qui aura non seulement démontré la nécessité d’entreprendre une étude approfondie pour évaluer correctement les effets toxiques de l’oxyde de diméthyle pour la reproduction, en particulier ses effets neurotoxiques, mais aussi déterminé les concentrations adéquates pour mener de manière solide et utile cette étude approfondie, probablement en réduisant les souffrances des animaux utilisés dans cette étude.

139    Par ailleurs, les requérantes ne démontrent pas comment il aurait été possible de sacrifier moins d’animaux pour dissiper les doutes de la Commission concernant la toxicité de l’oxyde de diméthyle pour le développement. En effet, les requérantes ont la faculté et même l’obligation de proposer, si elles sont possibles, des adaptations qui répondraient mieux à l’objectif de limiter les essais sur les animaux que la réalisation de l’étude préliminaire de détermination des concentrations, ainsi qu’il sera exposé plus en détail aux points 144 et 145 ci-après, ce qu’elles n’ont pas fait, à tout le moins avec succès, jusqu’à présent, ainsi qu’il ressort des points 149 à 153 ci-après. Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas non plus méconnu l’article 25 du règlement REACH.

140    En quatrième lieu, s’agissant de l’erreur manifeste d’appréciation alléguée sur la base de l’argumentation résumée au point 126 ci-dessus, le Tribunal a déjà relevé, dans le cadre de l’examen du troisième moyen, que, si les études existantes n’ont pas exclu la présence d’effets nocifs à une concentration inférieure à 1,65 %, à savoir la concentration correspondant au seuil de concentration maximale de l’oxyde de diméthyle recommandé par le DO 39 de l’OCDE pour effectuer les essais, ces études ne fournissent pas d’informations actuelles et pertinentes permettant à la Commission de déterminer les niveaux des doses toxiques de l’oxyde de diméthyle pour les animaux dans la période prénatale et après naissance. De plus, comme le soulignent la Commission et le Royaume de Suède, les requérantes n’ont apporté aucune preuve témoignant de ce que l’oxyde de diméthyle n’aurait pas d’impact sur le développement des cellules neuronales chez les jeunes animaux. Partant, la Commission n’a pas non plus commis d’erreur manifeste d’appréciation en demandant, dans le cadre de l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération, la réalisation d’une étude préalable de détermination des concentrations.

141    Pour toutes les raisons qui précédent, il convient de rejeter le cinquième moyen dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 41 du règlement REACH et son annexe XI, au motif que la décision attaquée ne permettrait pas aux requérantes de remédier à la non-conformité de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle en retenant des adaptations par rapport aux études demandées dans cette décision

142    Les requérantes reprochent en substance à la décision attaquée de les contraindre, ainsi que les autres déclarants, à faire effectuer les études mentionnées dans celle-ci en en communiquant les résultats (voir point 15 ci-dessus), sans leur permettre de communiquer à la place des informations adéquates tirées d’autres sources. Selon elles, à la suite d’une décision comme la décision attaquée, arrêtée en application de l’article 41 du règlement REACH, l’ECHA devrait examiner toute information communiquée par les destinataires de cette décision, ainsi que l’indiquerait l’article 42 du même règlement. L’article 13, paragraphe 1, du règlement REACH indiquerait lui-même que « [d]es informations sur les propriétés intrinsèques des substances peuvent être produites par d’autres moyens que des essais pour autant que les conditions énoncées à l’annexe XI soient respectées ». La colonne 2 figurant aux annexes IX et X, rubrique 8.7., prévoirait aussi des possibilités d’adaptation par rapport à ce qui serait exclusivement demandé dans la décision attaquée.

143    Dans le mémoire en défense, la Commission avance que tant l’ECHA qu’elle-même ont déjà examiné les propositions d’adaptation des déclarantes et que ces dernières n’ont pas été estimées appropriées. Dès lors, il serait normal que, dans la décision attaquée, soient demandés des essais prévus à l’annexe X. Cela n’empêcherait nullement les déclarants, compte tenu des dispositions du règlement REACH, de répondre à la décision attaquée par des informations issues d’adaptations par rapport aux essais demandés dans cette décision, pourvu qu’ils prennent dûment en compte les objections exprimées par l’ECHA et la Commission sur leurs propositions d’adaptation antérieures. Dans la duplique, la Commission ajoute qu’elle n’était pas tenue d’attendre les résultats des études sur l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, éventuellement susceptibles de fournir des informations adéquates sur la base d’autres sources que les études demandées dans la décision attaquée, pour adopter cette dernière.

144    Ainsi qu’il a déjà été jugé, les dispositions générales pertinentes du règlement REACH et l’objectif de limitation des essais sur les animaux traduit dans ces dispositions générales impliquent qu’un déclarant auquel l’ECHA a demandé de compléter son dossier d’enregistrement sur la base d’une étude impliquant des essais sur des animaux a, pour autant que ce soit possible d’un point de vue scientifique et technique, la faculté et même l’obligation de répondre à cette demande en fournissant des informations adéquates au regard des motifs ayant justifié cette demande, mais issues de sources alternatives à cette étude. Il a également été jugé que, dans une telle situation, l’ECHA est soumise à l’obligation correspondante de contrôler la conformité de ces informations alternatives avec les exigences applicables et, plus précisément, de déterminer si celles-ci doivent être qualifiées d’adaptations conformes aux règles prévues par les annexes pertinentes du règlement REACH (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, points 132 à 136).

145    Aucune raison ne justifie de retenir une solution différente lorsque, comme en l’espèce, la décision demandant au déclarant de compléter son dossier d’enregistrement sur la base d’une étude impliquant des essais sur des animaux est adoptée, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 51 du règlement REACH sur l’adoption des décisions au titre de l’évaluation du dossier, non par l’ECHA, mais par la Commission en raison de l’absence d’unanimité au sein du comité des États membres sur le projet de décision de l’ECHA.

146    En dépit des termes au mode impératif qui y sont employés en vue de la réalisation des études mentionnées dans son dispositif, la décision attaquée ne saurait donc être interprétée, dans son contexte réglementaire bien connu des requérantes, comme interdisant à celles-ci et aux autres déclarants de répondre à cette décision en proposant dans le dossier technique, conformément aux dispositions générales pertinentes du règlement REACH et à son objectif de limitation des essais sur les animaux, des informations adéquates au regard des motifs ayant justifié les demandes d’études sur des animaux formulées dans cette décision, mais issues de sources alternatives à ces études. Il y a toutefois lieu de préciser que ces adaptations par rapport aux essais demandés dans la décision attaquée ne doivent pas être manifestement dépourvues de sérieux au regard des possibilités d’adaptation prévues dans le règlement REACH, notamment à l’annexe XI, et compte tenu des échanges déjà intervenus entre les déclarants, l’ECHA et la Commission. Dans le cas contraire, l’ECHA pourrait simplement, afin d’éviter que la procédure ne se prolonge de manière injustifiée, constater à nouveau l’absence de conformité de l’enregistrement, mais sans devoir recourir aux modalités prévues à l’article 42, paragraphe 1, du règlement REACH, qui renvoie lui-même à cet égard à l’article 41 du même règlement (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2018, Esso Raffinage/ECHA, T‑283/15, EU:T:2018:263, points 62 et 112).

147    Il y a d’ailleurs lieu de relever que les requérantes ont elles-mêmes interprété la décision attaquée comme leur permettant d’y répondre en fournissant des informations issues d’autres sources que les études qui y sont demandées, puisqu’elles ont indiqué dans la réplique qu’elles attendaient les résultats de l’étude de toxicité au stade du développement prénatal effectuée sur des lapins pour l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, afin d’apprécier si ces résultats pouvaient permettre une adaptation par rapport à la demande de la même étude formulée dans la décision attaquée pour l’oxyde de diméthyle.

148    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la décision attaquée ne leur interdit pas de proposer des adaptations par rapport aux études demandées dans cette décision. Le sixième moyen doit donc être rejeté.

 Sur le septième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 41 du règlement REACH et son annexe XI au motif que, dans la décision attaquée, la Commission aurait prématurément rejeté une éventuelle adaptation par rapport aux études demandées dans cette décision

149    Selon les requérantes, alors que l’article 41, paragraphe 1, du règlement REACH invite l’ECHA et, le cas échéant, comme en l’espèce, la Commission à vérifier que les adaptations soumises dans les dossiers techniques des déclarants sont conformes aux règles énoncées, la Commission aurait pris position trop tôt dans la décision attaquée sur une éventuelle adaptation par rapport à l’étude de toxicité pour le développement prénatal demandée au titre de la rubrique 8.7.2. de l’annexe X sur une deuxième espèce, à savoir le lapin. En effet, la Commission y aurait rejeté la possibilité d’une adaptation sur la base des résultats attendus de l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins pour l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, au motif principal de différences de métabolisme entre cette substance et l’oxyde de diméthyle. Or, les requérantes et les autres déclarants n’auraient pas inclus avant l’adoption de la décision attaquée une telle proposition d’adaptation dans le dossier technique. Dès lors, les projets de décision de l’ECHA élaborés en l’espèce n’auraient pas comporté d’appréciation à ce propos que les requérantes auraient pu commenter avant l’adoption de la décision attaquée. Leurs droits procéduraux auraient ainsi été méconnus.

150    La Commission répond que, ni lors du dépôt de la demande d’enregistrement ni pendant les années qui ont suivi, les déclarants n’ont fourni de résumés des études demandées dans la décision attaquée ou de propositions d’adaptation pour remplacer ces études. C’est pourquoi le projet de décision de l’ECHA contenait une demande d’études complémentaires au titre de l’annexe X. C’est en réponse à ce projet, puis dans la suite de la procédure, que les requérantes auraient avancé que des adaptations par rapport à ces études étaient possibles. En particulier, elles auraient avancé devant la Commission qu’une adaptation serait possible sur la base de l’étude de toxicité en cours pour le développement prénatal effectuée sur des lapins pour l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle. Il serait donc normal que la Commission ait, dans la décision attaquée, pris position à cet égard, ce qui n’empêcherait pas les requérantes et les autres déclarants, en exécutant cette décision, de proposer une telle adaptation et d’argumenter en faveur de celle-ci sur la base d’arguments renouvelés.

151    Au vu des pièces du dossier, l’argumentation de la Commission repose sur des éléments factuels exacts. Ainsi, le projet de décision de l’ECHA (mentionné au point 6 ci-dessus) indique que le dossier technique soumis par les requérantes ne contient pas d’adaptation telle que prévue à l’annexe X, rubrique 8.7., colonne 2, ou dans les règles générales d’adaptation énoncées à l’annexe XI, ce que les requérantes expliquent elles-mêmes. Ce n’est qu’en réponse à ce projet, puis dans la suite de la procédure, que les requérantes ont avancé que des adaptations par rapport à l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur une deuxième espèce étaient possibles, comme le montre le projet de décision révisé de l’ECHA (mentionné au point 8 ci-dessus), dans lequel des arguments des requérantes en faveur de l’application des adaptations prévues à l’annexe X, rubrique 8.7., colonne 2, sont rejetés au motif que les conditions de ces adaptations ne sont pas réunies, et comme le montre aussi la décision attaquée dans laquelle ces arguments sont à nouveau rejetés pour un motif semblable (considérants 6 à 10 de la décision attaquée), de même que sont rejetés des arguments tirés d’une possibilité d’adaptation prévue à l’annexe XI, point 1.5., fondée sur l’extrapolation des résultats de l’étude de toxicité pour le développement prénatal en cours effectuée sur des lapins pour l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, au motif principal de différences de métabolisme existant entre cette substance et l’oxyde de diméthyle (considérant 13 de la décision attaquée).

152    Il en ressort, d’une part, que la prise de position dans la décision attaquée concernant une éventuelle adaptation par rapport à l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins, fondée sur l’étude similaire en cours concernant l’analogue structurel qu’est l’oxyde de diéthyle, a répondu à une nécessité de motivation au regard des arguments avancés par les requérantes et, d’autre part, compte tenu de ce qui est rappelé aux points 144 à 146 ci-dessus, qu’une telle prise de position ne conduit pas à rejeter par avance toute proposition d’adaptation qui serait faite dans le dossier technique à la suite de la décision attaquée par rapport aux études demandées dans cette décision, en particulier toute proposition qui utiliserait les résultats de l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur des lapins pour l’oxyde de diéthyle, devenus disponibles entre-temps, dès lors que des arguments sérieux seraient avancés au soutien de cette proposition en complément de ceux déjà avancés en préalable à l’adoption de la décision attaquée.

153    Le septième moyen, reposant sur l’affirmation selon laquelle la Commission a prématurément rejeté une éventuelle adaptation par rapport aux études demandées dans la décision attaquée, doit donc être rejeté.

 Sur le huitième moyen, tiré de ce que, en demandant que soit réalisée une étude de toxicité pour le développement prénatal sur des lapins, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, n’aurait pas tenu compte de toutes les informations pertinentes et aurait méconnu l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2

154    Les requérantes exposent que, dans la colonne 2 de l’annexe IX, rubrique 8.7.2., figure une règle d’adaptation par rapport à l’exigence standard de faire effectuer une étude de toxicité pour le développement prénatal sur une espèce. Cette règle d’adaptation indique que « [l]’étude est effectuée initialement sur une espèce » et que, « [e]n fonction du résultat du premier essai et de toutes les autres données pertinentes disponibles, il peut être décidé d’effectuer une étude sur une deuxième espèce à ce niveau de quantité ou au suivant. » Les requérantes en déduisent que cette règle s’applique aussi « au niveau suivant », concerné par l’annexe X, à savoir à celui applicable aux substances fabriquées ou importées en quantités égales ou supérieures à 1 000 t par an par fabricant ou par importateur. Dès lors, une étude de toxicité pour le développement prénatal sur une deuxième espèce ne devrait être réalisée, y compris pour le niveau visé à l’annexe X, que si le résultat du premier essai et toutes les autres données pertinentes disponibles font apparaître que cette seconde étude est nécessaire.

155    Or, selon les requérantes, le considérant 5 de la décision attaquée devrait être interprété comme reconnaissant que les conditions figurant à l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2, ne sont pas remplies, autrement dit que le résultat du premier essai et toutes les autres données pertinentes disponibles ne font pas apparaître que cette seconde étude est nécessaire. Ainsi, en imposant néanmoins de réaliser une étude de toxicité pour le développement prénatal sur une deuxième espèce, en l’occurrence le lapin, la Commission aurait méconnu ces conditions en commettant une erreur de droit. De plus, elle aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en imposant cette étude après avoir admis que les données disponibles ne la justifiaient pas.

156    La Commission répond que l’étude de toxicité pour le développement prénatal sur une deuxième espèce a été demandée dans la décision attaquée au titre de l’annexe X et non de l’annexe IX. La Commission soutient qu’une telle étude est obligatoire dans tous les cas au niveau de fabrication ou d’importation concerné par l’annexe X, sur le fondement de la rubrique 8.7.2., colonne 1, de ladite annexe.

157    Le huitième moyen des requérantes est en réalité constitué de deux branches, l’une tirée d’une erreur de droit en raison de la méconnaissance alléguée de l’annexe IX, l’autre tirée d’une erreur manifeste d’appréciation.

 Sur la première branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en méconnaissant l’annexe IX

158    Il doit être admis que l’articulation entre les exigences standard et les adaptations possibles concernant la rubrique 8.7.2., relative à la toxicité pour le développement, figurant aux annexes IX et X n’apparaît pas d’emblée des plus claires. En effet, comme cela a été relevé par les requérantes à l’annexe IX, le texte de la rubrique 8.7.2., colonne 2, mentionne « ou au [niveau] suivant », ce qui, pris isolément, pourrait laisser penser que l’adaptation prévue par ce texte s’applique aussi à l’annexe X, d’autant que la colonne 2 correspondante de celle-ci est vierge de toute disposition. Par ailleurs, le texte de la rubrique 8.7.2., colonne 1, qui concerne l’exigence standard, est en substance identique dans les annexes IX et X en mentionnant « [é]tude de toxicité, […] une espèce », ce qui, pris aussi isolément, pourrait laisser penser que pour les deux niveaux concernés par ces annexes, il faut tirer des renseignements d’une étude faite sur une seule espèce.

159    Toutefois, une telle interprétation s’accorde mal avec le principe général de construction et d’application des annexes VII à X. L’article 12, paragraphe 1, sous e), du règlement REACH prévoit que le dossier technique d’enregistrement d’une substance fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 1 000 t par an par fabricant ou par importateur doit contenir les informations visées aux annexes VII et VIII et les propositions d’essais pour la production des informations visées aux annexes IX et X. Comme cela a déjà été exposé au point 134 ci-dessus, il peut en être déduit que ces annexes ne sont pas redondantes pour ce qui concerne la colonne 1, en ce sens que la colonne 1 de l’annexe ayant le chiffre le plus élevé ne répète pas l’ensemble des éléments figurant dans la colonne 1 des annexes précédentes, qui restent néanmoins applicables. Sinon, l’article 12, paragraphe 1, sous e), du règlement REACH ne mentionnerait qu’une seule annexe, à savoir l’annexe X, pour le contenu du dossier technique d’une substance fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 1 000 t par an par fabricant ou par importateur. En revanche, comme cela a également été exposé au point 134 ci-dessus, les adaptations possibles mentionnées dans la colonne 2 de ces annexes ne se conservent pas d’une annexe à l’autre, sauf si elles sont répétées (principe inverse). Une adaptation peut, en effet, être envisageable pour un certain niveau de fabrication ou d’importation et ne plus l’être pour un niveau supérieur. Cela est confirmé dans la « note d’orientation sur le respect des exigences énoncées aux annexes VI à XI », qui constitue la partie introductive de l’annexe VI, et dans les préambules des annexes VIII, IX et X, qui indiquent chacun que « les informations exigées à la colonne 1 de la présente annexe s’ajoutent à celles exigées à la colonne 1 [des annexes précédentes] ». Par conséquent, l’interprétation des requérantes d’après laquelle le régime d’exigences standard et d’adaptations en ce qui concerne la rubrique 8.7.2., relative aux études de toxicité pour le développement prénatal, est le même au niveau visé par l’annexe IX et à celui visé par l’annexe X serait plus convaincante au regard du principe général évoqué ci-dessus si cette rubrique ne comportait aucun texte à l’annexe X, puisque tout serait prévu au stade de l’annexe IX. Même en reconnaissant qu’une annexe « répète » parfois ce qui est déjà indiqué à l’annexe précédente (ce qui est par exemple le cas pour la rubrique 8.7., colonne 2, qui répète à l’annexe X ce qui est déjà indiqué à l’annexe IX), l’interprétation des requérantes se heurte alors au fait que, pour la rubrique 8.7.2., si, à l’annexe X, le texte de la colonne 1 de l’annexe IX est répété dans la colonne 1, en revanche la colonne 2 ne reprend nullement tout ou partie du texte de la colonne 2 de l’annexe IX, mais est vierge.

160    Il doit en être conclu, au regard du principe général de construction et d’application des annexes VII à X, que les exigences standard et les adaptations de l’annexe X sont autonomes par rapport à celles figurant à l’annexe IX. Il peut déjà en être déduit que les règles figurant à l’annexe IX pour la rubrique 8.7.2. ne permettent pas de déterminer quelles sont les exigences standard et les adaptations possibles définies à l’annexe X pour cette rubrique, applicables pour une substance fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 1 000 t par an par fabricant ou par importateur. À cet égard, la disposition selon laquelle « [l]’étude est effectuée initialement sur une espèce » et « [e]n fonction du résultat du premier essai et de toutes les autres données pertinentes disponibles, il peut être décidé d’effectuer une étude sur une deuxième espèce à ce niveau de quantité ou au suivant », mise en exergue par les requérantes, qui figure dans la colonne 2 de l’annexe IX, signifie uniquement que l’exigence de l’étude sur la seconde espèce pour une substance fabriquée ou importée en quantités comprises entre 100 et 999 t par an par fabricant ou par importateur peut, lorsque les conditions pour effectuer une telle étude sont réunies, être éventuellement reportée au moment où la substance relèvera du « niveau suivant », à savoir lorsque la substance sera fabriquée ou importée en quantités égales ou supérieures à 1 000 t par an par fabricant ou par importateur.

161    L’erreur de droit reprochée à la Commission par les requérantes d’avoir méconnu les dispositions de l’annexe IX n’est donc pas établie.

 Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant une étude de toxicité au stade du développement prénatal sur une deuxième espèce, alors que les conditions figurant à l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2, ne sont pas remplies

162    En vue d’apprécier cette seconde branche du huitième moyen, il doit être souligné à ce stade de l’analyse qu’aucune adaptation équivalente à celle prévue dans la colonne 2 de l’annexe IX pour la rubrique 8.7.2., n’est applicable à l’annexe X au titre de cette rubrique, pour les motifs exposés aux points 159 et 160 ci-dessus, notamment parce que la colonne 2 de l’annexe X est vierge pour cette rubrique. Afin de déterminer la portée des obligations fondées sur l’annexe X pour la rubrique 8.7.2. et de déterminer en même temps la marge d’appréciation qu’avait la Commission à cet égard, il convient ensuite de savoir quelle exigence standard est demandée dans la colonne 1 de l’annexe X.

163    Comme cela a été indiqué au point 158 ci-dessus, le texte de la colonne 1 pour la rubrique 8.7.2. est en substance identique dans les annexes IX et X en mentionnant « [é]tude de toxicité […] une espèce ». Comme cela a déjà été observé au même point, lus isolément, ces textes pourraient laisser penser à une simple répétition de la même exigence, autrement dit être interprétés comme exigeant seulement de faire procéder à une étude de toxicité pour le développement prénatal sur une espèce, que la substance concernée soit produite ou importée aux niveaux visés à l’annexe IX ou à ceux visés à l’annexe X.

164    Toutefois, à la lumière du principe général de construction et d’application des annexes VII à X rappelé aux points 159 et 160 ci-dessus, qui implique que les colonnes 1 de ces annexes ne sont pas redondantes les unes par rapport aux autres, il n’y aurait pas de sens à répéter dans la colonne 1 une même exigence standard. Autant une faculté d’adaptation énoncée dans la colonne 2 peut être répétée d’une annexe à l’autre si cette faculté est valable à l’égard de différentes exigences standard formulées dans des annexes différentes, autant une telle répétition ne se conçoit pas pour une même exigence standard déjà formulée dans la colonne 1 d’une annexe précédente pour un niveau de production ou d’importation inférieur. L’exigence figurant dans la colonne 1 de l’annexe X pour la rubrique 8.7.2. de faire procéder à une « [é]tude de toxicité […] une espèce » doit donc être interprétée comme étant différente de l’exigence énoncée dans des termes similaires dans la colonne 1 de l’annexe IX pour la même rubrique, ce qui ne peut signifier qu’une chose : que les deux études en question doivent porter chacune sur une espèce différente. Autrement dit, l’exigence figurant dans la colonne 1 de l’annexe X pour la rubrique 8.7.2. de faire procéder à une « [é]tude de toxicité […] une espèce » doit être comprise comme visant une étude sur une autre espèce que celle utilisée pour l’étude similaire effectuée au titre de l’annexe IX. Comme aucune adaptation n’est prévue à cet égard à la rubrique 8.7.2. de l’annexe X, ainsi que cela est rappelé au point 162 ci-dessus, il en découle que l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée sur une seconde espèce est obligatoire lorsque la substance est produite ou importée aux niveaux visés à l’annexe X, sauf à ce que des adaptations soient possibles au titre de dispositions figurant ailleurs.

165    Cette interprétation a d’ailleurs déjà été retenue, comme l’indique la Commission, dans le guide de l’ECHA, qui indique à cet égard, au point R.7.6.2.3.2. du chapitre R.7a, intitulé « Procédure pour les essais et les adaptations », page 490, que, « [a]u niveau de l’annexe X [...], une étude de la toxicité pour le développement prénatal […] réalisée sur une deuxième espèce est une exigence en matière d’informations standard qui vient s’ajouter à l’étude de la toxicité pour le développement prénatal sur une première espèce requise au niveau de l’annexe IX », que « [l]a disponibilité d’informations sur deux espèces permet une évaluation plus complète de la toxicité pour le développement prénatal » et que « [l]’étude de la toxicité pour le développement prénatal sur une deuxième espèce peut être omise si, compte tenu des résultats du premier essai et de toutes les autres données pertinentes disponibles, une adaptation au titre de l’annexe X, rubrique 8.7., colonne 2, ou de l’annexe XI [...] peut se justifier ». Un tableau figurant dans le même guide, page 473, résumant les informations standard en la matière, indique pour sa part, en ce qui concerne le niveau de l’annexe X, que l’étude de toxicité pour le développement prénatal doit être effectuée sur deux espèces.

166    Comme le souligne aussi la Commission, la chambre de recours de l’ECHA a également retenu cette interprétation dans la décision du 10 octobre 2013, Lanxess Deutschland GmbH/ECHA (affaire A-004-2012, point 73), en indiquant que, « [e]n raison de la nature cumulative des exigences figurant à la colonne 1 des annexes, [elle] estim[ait] qu’en vertu de la rubrique 8.7.2. de l’annexe X, les déclarants d[evai]ent conduire une étude de toxicité pour le développement sur une espèce différente de celle utilisée pour l’étude de toxicité pour le développement prénatal effectuée en vertu de la colonne 1 de l’annexe IX, à moins qu’une ou plusieurs possibilités d’adaptation prévues à la rubrique 8.7., de l’annexe X ou à l’annexe XI s’appliquent ».

167    Au regard de l’argumentation des requérantes, qui reprochent à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation dans la décision attaquée en demandant, au titre de la rubrique 8.7.2., une étude de toxicité pour le développement prénatal sur une deuxième espèce au niveau de l’annexe X, alors que les conditions énoncées dans la colonne 2, de l’annexe IX pour la même rubrique pour justifier une telle étude n’étaient pas réunies, il convient d’observer qu’il résulte des points 164 à 166 ci-dessus que la Commission n’avait aucune marge d’appréciation pour ne pas demander une telle étude sur le fondement des règles énoncées pour la rubrique 8.7.2., puisque cette étude était automatiquement exigible au titre de ces règles dès lors que la substance concernée était enregistrée pour des quantités de production ou d’importation égales ou supérieures à 1 000 t par an par fabricant ou par importateur et que, dès lors, l’annexe X s’appliquait. La Commission n’a donc pas pu commettre d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard. Certes, la Commission a, dans la décision attaquée, examiné si des adaptations étaient possibles au titre d’autres règles, en l’occurrence au titre de l’annexe X, rubrique 8.7., colonne 2, et au titre de l’annexe XI (considérants 6 à 10 et considérant 13 de la décision attaquée) et a pu exercer une marge d’appréciation à cet égard, mais le huitième moyen des requérantes ne porte pas sur cet aspect.

168    Le huitième moyen, tiré de ce que, en demandant que soit réalisée une étude de toxicité pour le développement prénatal sur des lapins, la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation, n’a pas tenu compte de toutes les informations pertinentes et a méconnu l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2, doit donc être rejeté.

 Sur le neuvième moyen, tiré d’une méconnaissance du principe de proportionnalité et de l’article 25 du règlement REACH

169    Les requérantes reprochent à la Commission d’avoir violé le principe de proportionnalité et l’article 25 du règlement REACH, d’une part, en demandant des études qui, compte tenu des contraintes techniques de sécurité, seraient impossibles à réaliser et qui, même réalisées conformément aux règles de sécurité, ne produiraient aucune information pertinente et, d’autre part, en demandant l’étude préliminaire de détermination des concentrations qui, compte tenu des données existantes, s’avérerait inutile, entraînerait le mort d’un nombre important d’animaux et exposerait les requérantes à des dépenses importantes. Par ailleurs, les requérantes estiment qu’il serait disproportionné de leur ordonner de mener les études susmentionnées lorsqu’une mesure moins contraignante existe, à savoir une adaptation potentielle par référence croisée à l’oxyde de diéthyle.

170    La Commission conteste les arguments des requérantes.

171    Le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 7 mars 2013, Rütgers Germany e.a./ECHA, T‑96/10, EU:T:2013:109, point 133 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 13 novembre 1990, Fedesa e.a., C‑331/88, EU:C:1990:391, point 13).

172    Toutefois, dans le cadre du neuvième moyen, les requérantes avancent essentiellement les mêmes critiques que celles déjà soulevées à l’appui des deuxième, troisième, cinquième et septième moyens. Or, ces critiques, en particulier en ce qu’elles dénonçaient l’inutilité des études demandées dans la décision attaquée, ont déjà été jugées non justifiées, soit comme manquant en fait, soit pour différents motifs de droit au regard des dispositions du règlement REACH.

173    Ainsi, en substance, il a été constaté que la Commission n’avait pas demandé d’études dangereuses impossibles à réaliser et que les requérantes avaient trouvé des laboratoires acceptant d’effectuer les essais jusqu’aux limites de sécurité (voir points 51, 52 et 54 ci-dessus). La critique d’après laquelle la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant des études qui ne produiront aucune information pertinente a été rejetée car les études demandées dans la décision attaquée sont soit en tout état de cause obligatoires au titre de l’annexe X, soit susceptibles de révéler une toxicité pour la reproduction (voir points 70 et 88 ci-dessus). La critique d’après laquelle l’étude préliminaire de détermination des concentrations demandée dans la décision attaquée va entraîner la mort inutile d’un nombre importants d’animaux de laboratoire a été rejetée parce que le principe de proportionnalité (traduit par l’objectif de limiter les essais sur les animaux) doit être appliqué en tenant compte du principe de précaution, comme le prévoit le règlement REACH, et que, quel que soit le résultat de cette étude préliminaire, le sacrifice des animaux consacrés à cette étude n’aura pas été inutile (voir points 137 et 138 ci-dessus). La critique d’après laquelle la décision attaquée empêche les requérantes de présenter une adaptation à partir des résultats d’une étude sur l’oxyde de diéthyle a été rejetée au motif que la décision attaquée ne les empêche pas de présenter une telle adaptation tirée de cette étude sur la base d’arguments renouvelés en fonction des résultats de cette étude (voir point 152 ci-dessus).

174    Aucune erreur de droit ni aucune erreur manifeste d’appréciation n’ont donc été identifiées sur la base de ces critiques au regard des dispositions du règlement REACH. Or, les requérantes ne mettent pas en cause la légalité des dispositions du règlement REACH par rapport au principe de proportionnalité. Il apparaît d’ailleurs que le législateur a appliqué ce principe, ainsi qu’il ressort par exemple de la prise en compte concomitante de l’objectif de limiter les essais sur les animaux et du principe de précaution et de la conciliation des différents intérêts en jeu, illustrée notamment par les considérants 49 à 55, 61 ou 69 de ce règlement. Dans ces conditions, ces critiques ne sauraient en l’espèce servir de fondement au constat d’une violation du principe de proportionnalité.

175    Il en est de même de la critique de se voir imposer des dépenses importantes, au demeurant non précisées. Si des dépenses exposées par les requérantes sont dues à la réalisation, demandée dans la décision attaquée, d’études justifiées au regard des dispositions du règlement REACH, il ne saurait être estimé que la Commission a imposé à cet égard des charges disproportionnées.

176    L’argumentation des requérantes ne permet pas non plus de constater une violation de l’article 25 du règlement REACH, qui établit l’objectif d’une limitation des essais sur les animaux vertébrés. Cette violation a déjà été alléguée par les requérantes et a été écartée par le Tribunal dans le cadre de l’examen du cinquième moyen concernant l’étude de détermination des concentrations préliminaire à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération. En particulier, il est rappelé au point 137 ci-dessus que l’objectif d’éviter des essais sur les animaux vertébrés, énoncé à l’article 25 du règlement REACH, doit être appliqué à la lumière des autres principes sous-tendant le règlement REACH et notamment celui de précaution. Il ressort de l’examen du cinquième moyen que, en l’espèce, cet objectif et ce principe ont été conciliés et respectés.

177    Au vu de ce qui précède, le neuvième moyen doit être rejeté comme non fondé.

178    Par conséquent, le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

179    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter les dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé, conformément aux conclusions de la Commission.

180    Selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Selon l’article 1er, paragraphe 2, sous f), du règlement de procédure, le terme « institutions » désigne les institutions de l’Union visées à l’article 13, paragraphe 1, TUE ainsi que les organes ou organismes créés par les traités ou par un acte pris pour leur exécution et qui peuvent être parties devant le Tribunal. Selon l’article 100 du règlement REACH, l’ECHA est un organisme de l’Union. Il s’ensuit que le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’ECHA supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Les requérantes supporteront, outre leurs propres dépens, les dépens exposés par la Commission européenne, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

3)      Le Royaume de Danemark, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume de Suède et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supporteront leurs propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 51, paragraphe 7, du règlement REACH en adoptant la décision attaquée qui couvre des aspects sur lesquels le comité des États membres est parvenu à un accord unanime

Sur le deuxième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 13, paragraphe 3, du règlement REACH et aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant des essais qui iraient à l’encontre des exigences juridiques applicables et qui ne seraient pas techniquement réalisables

Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en exigeant des essais qui ne produiraient aucune information pertinente sur l’oxyde de diméthyle

Sur le quatrième moyen, tiré de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et aurait méconnu l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, en exigeant l’ajout de cohortes 2A et 2B à l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération

Sur la première branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en dénaturant la portée des termes « préoccupations particulières » figurant à l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 2, deuxième alinéa

Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que l’oxyde de diméthyle justifie des « préoccupations particulières » liées à la neurotoxicité pour le développement

Sur le cinquième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’annexe X, rubrique 8.7.3., colonne 1, ainsi que l’article 25 du règlement REACH, en exigeant que l’étude étendue de toxicité pour la reproduction sur une génération soit précédée d’une étude préliminaire de détermination des concentrations

Sur le sixième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 41 du règlement REACH et son annexe XI, au motif que la décision attaquée ne permettrait pas aux requérantes de remédier à la non-conformité de l’enregistrement de l’oxyde de diméthyle en retenant des adaptations par rapport aux études demandées dans cette décision

Sur le septième moyen, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’article 41 du règlement REACH et son annexe XI au motif que, dans la décision attaquée, la Commission aurait prématurément rejeté une éventuelle adaptation par rapport aux études demandées dans cette décision

Sur le huitième moyen, tiré de ce que, en demandant que soit réalisée une étude de toxicité pour le développement prénatal sur des lapins, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation, n’aurait pas tenu compte de toutes les informations pertinentes et aurait méconnu l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2

Sur la première branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur de droit en méconnaissant l’annexe IX

Sur la seconde branche, tirée de ce que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en demandant une étude de toxicité au stade du développement prénatal sur une deuxième espèce, alors que les conditions figurant à l’annexe IX, rubrique 8.7.2., colonne 2, ne sont pas remplies

Sur le neuvième moyen, tiré d’une méconnaissance du principe de proportionnalité et de l’article 25 du règlement REACH

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.